QDE n°49: Apprendre la démocratie: peut mieux faire ?

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faire

# 49 UN DOSSIER DE L'UNSA ÉDUCATION JUIN 2023 La fédération UNSA des métiers de l’Éducation, de la Recherche et de la Culture Collection Dossiers UNSA Éducation www.unsa-education.com accès sommaire première page page précédente page suivante dernière page
Apprendre la démocratie: peut mieux
? Questions d'éduc .

Actualités ÉDUCATIVES

GÉNÉRATIONS

Hausse de l’abstention, affaiblissement des allégeances partisanes, défiance à l’égard du personnel politique, intérêt supposé pour des régimes non démocratiques : les symptômes d’une fragilisation des relations des jeunes citoyens français vis-à-vis des institutions de la vie démocratique se multiplient. Doit-on prendre au sérieux ces discours alarmistes sur la « déconsolidation » ou l’ « érosion » démocratique ? À partir des résultats de la dernière enquête européenne Valeurs (European Values Survey [EVS]) conduite en 2018, les chercheurs et chercheuses réunis dans cet ouvrage nous invitent à poser un regard plus nuancé sur cette question.

À télécharger sur le site de l’INJEP : https://injep.fr/publication/generationsdesenchantees-jeunes-et-democratie/

Réseau Canopé invite Michel Tozzi et Anne Pédron-Moinard pour contribuer à la découverte de la discussion à visées démocratique et philosophique (DVDP) et propose un cycle de 8 webinaires qui vous invite à penser les questionnements et les méthodes pour réussir un débat avec des enfants ou des adolescents.

https://www.reseau-canope.fr/notice/la-discussiona-visees-democratique-et-philosophique.html

JOUER ET APPRENDRE

Qu'est-ce que la démocratie participative ? Et l'intérêt général ? Et le compromis ? Voxapolis est un jeu de rôles qui traite des différents modes de scrutin, des pratiques délibératives, de l'esprit critique et de la citoyenneté. Les joueurs incarnent les membres d'un conseil de métropole qui doivent élire l'un de ses membres pour ensuite délibérer sur le choix d'un projet d'aménagement du territoire. Initiative d'enseignants du lycée lyonnais

La Martinière Duchère en partenariat avec la bibliothèque municipale de Lyon et le CEDRE, ce jeu de rôles s'est construit autour d'une expérimentation sur la thématique "Démocratie : rêver, penser, agir ensemble" .

https://www.reseau-canope.fr/notice/voxapolis.html

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DÉSENCHANTÉES : ÉTUDE INJEP JEUNES ET DÉMOCRATIE
SE FORMER
À LA DISCUSSION À VISÉES DÉMOCRATIQUE ET PHILOSOPHIQUE

ATELIER SAVOIR ET CROIRE UN LIVRE

Depuis 2014, ENQUETE ( https://www. enquete.asso.fr/ ) propose des ateliersdébats à destination des jeunes de 13 à 18 ans, leur permettant d’ aborder la laïcité et les faits religieux dans un cadre ludique et stimulant.

Mobilisant des jeux de cartes, ces ateliers donnent lieu à des échanges entre des jeunes, modérés par un animateur, autour de questions concrètes et pratiques à propos de la laïcité et des faits religieux. En exprimant et en confrontant leurs points de vue respectifs dans un cadre respectueux, les adolescents sont amenés à s’approprier le cadre de la laïcité et apprennent à parler des croyances et convictions religieuses.

Sciences participatives :

La citoyenneté en action

Le programme QUBS invite à découvrir la fascinante diversité des organismes qui peuplent les sols et contribuent à leur fonctionnement. C’est un programme de suivi participatif de la QUalité Biologique des Sols. Accessibles à toutes et tous, différents protocoles permettent de réaliser facilement des observations de groupes d’espèces variés (vers de terres, fourmis, cloportes, escargots...). En participant, tout.e citoyen.ne aide les scientifiques à comprendre les effets de l’environnement sur la qualité biologique des sols.

Pour en savoir plus : https://www.qubs.fr

L'ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE À L'HONNEUR

Pour former des citoyens lucides, capables d’effectuer des choix raisonnés et de s’impliquer loyalement dans la vie démocratique, l’enseignement moral et civique (EMC) ne peut se contenter d’injonctions et de prescriptions. Il doit permettre, dans sa démarche même, de faire découvrir et vivre aux élèves les valeurs qu’il promeut : lucidité et discernement, réflexion critique et recherche de la vérité, capacité d’entendre autrui et d’avancer avec lui dans des échanges constructifs.

Les auteurs, tous deux formateurs d’enseignant.es en Inspé, prônent la méthode de l’enquête pour documenter, discuter, puis juger avec les enfants et les adolescents.

Une enquête critique consiste à examiner soigneusement un problème moral ou politique, à investiguer, à rechercher ce qu’il en est pour arriver à un jugement raisonné. Ils proposent également des séquences détaillées, en utilisant la littérature jeunesse, pour entrer dans une EMC vivante et intelligente. Croire et savoir : quel est l’enjeu ? Qu’est-ce qu’une attitude critique ? Quels sont les besoins humains fondamentaux ? Le courage, une vertu éthique… sont parmi les sujets traités. Un ouvrage pratique, réflexif et très enthousiasmant.

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SOMMAIRE

Actualités éducatives

É dito

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Concepts et définitions

Mixité sociale : l’inégalité républicaine

La question démocratique, premier sujet de préoccupation chez les professionnels de l'éducation

Des nouveaux outils au banc de l’école

Le SEP veut pérenniser le modèle collégial

De l'esprit des lettres E.M.C

En Allemagne, on éduque à la politique

Prendre exemple sur la « Conception universelle des apprentissages »

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L’association d’élèves, une formation en acte

Développer la pensée critique dès 3 ans

Règles et visées du conseil coopératif

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À l'université, un modèle de cogestion largement plébiscité Étudiant·es : un civisme inégal

Désinformation : Agir face aux signaux d’alerte

Les parents d'élèves, bénévoles de la République

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Pour aller plus loin 8
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Frédéric MARCHAND

Secrétaire général - UNSA éducation CPE

Morgane VERVIERS

Secrétaire générale adjointe - CPE

Béatrice LAURENT

Secrétaire nationale

Secteur Éducation et Culture

Professeure des écoles - Formatrice INSPÉ ont coordonné ce numéro auquel ont participé :

secteur ÉDUCATION ET CULTURE

Willie CHARBONNIER

Conseiller national, Professeur de mathématiques

Émilie FOUCRET

Conseillère nationale

Professeure des écoles

Jérôme GIORDANO

Chargé de mission Enseignement supérieur

Enseignant chercheur

Gilles LELUC

Conseiller national

Professeur de lettres modernes

Pascale MASSINES, Conseillère nationale, Infirmière scolaire

Hawa SALL

Chargée de mission

Conseillère principale d'éducation

Christèle SAUDER , Conseillère nationale, Directrice déléguée aux formations professionnelles et technologiques

Caroline SOREZ

Conseillère nationale

Cheffe d'établissement

Principale adjointe de collège

Stéphanie de VANSSAY

Conseillère nationale

Professeure des écoles

Directeur de publication

Frédéric MARCHAND Graphisme

Cécilia Bertin - ceciliabertin.com

Crédits photographique UNSA - Unplash - Pexels - Pixabay

www.unsa-education.com

Questions d'éduc .

Mieux apprendre à vivre la démocratie

Il existe une profonde insatisfaction à l’égard de la démocratie en France. Des signes ne trompent pas : hausse sans fin de l’abstention, défiance envers les élites et les politiques, renforcement des partis populistes, succès du complotisme, assentiment en augmentation des phénomènes black blocs. Lorsque le pouvoir reste sourd à des millions de manifestant.es pacifistes s’opposant à une loi jugée injuste, la crise de la démocratie s’enkyste. Des appels et initiatives se multiplient en faveur d’une démocratie plus directe, plus participative. Convention citoyenne, référendums, démocratie sociale respectant les corps intermédiaires sont plébiscités. Les résultats du Baromètre 2023 UNSA des métiers de l’éducation en témoigne (1)

Et pourtant, la société française n’a jamais été aussi éduquée. En 2020, la part de bacheliers ou plus est passée de 38 % à 69 % entre deux générations (2) .

Cette situation de crise est complexe et a sans nul doute de nombreuses explications. Pour autant, la démocratie s’apprend dès le plus jeune âge. Vivre ensemble, apprendre à « se rassembler sans se ressembler » ne va pas de soi. Trouver un équilibre entre les classes sociales pour faire patrie, ou cohésion redevient un enjeu crucial dans une société de plus en plus fragmentée. L’éducation et les professionnels qui s’y engagent doivent y prendre leur part, mais certainement aussi en changeant leurs pratiques et en renforçant l’exercice de la démocratie. Elle ne doit pas se restreindre à un objet d’étude.

Questions d' É duc . est allé à la rencontre de nombreuses sources d’inspirations pour réfléchir et enclencher l’action vers une démocratie revivifiée.

L'équipe éditoriale de "Questions d'éduc."

(1) Baromètre UNSA Education 2023 : https://www.unsa-education.com/article-/barometre-unsa-education-2023-devalorisation-et-defiance-se-cristallisent/ et en pages 8 et 9 de ce numéro

(2) Source Insee : niveau d’éducation de la population 2020 ; https://www.insee.fr/fr/statistiques/4797586?sommaire=4928952

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édito

CONCEPTS ET DÉFINITIONS

Citoyenneté

Situation positive créée par la pleine reconnaissance aux personnes de leur statut de citoyen. Le citoyen dispose, dans une communauté politique donnée, de tous ses droits civils et politiques.

CITOYEN, CITOYENNE

Personne jouissant, dans l'État dont il relève, des droits civils et politiques, et notamment du droit de vote (par opposition aux étrangers)

Source : Larousse.fr

Bien que le terme de citoyen soit maintenant utilisé à tout propos, il a un sens précis. Il définit un ensemble de droits et de devoirs et il caractérise notre régime politique dans lequel le citoyen est à la source de la légitimité politique.

Source : Définition de Dominique Schnapper  dans un article de Réseau Canopé

Civisme

Le civisme, c’est se savoir partie prenante d’une collectivité qui n’est pas seulement une addition d’individualités. Le civisme, c’est aussi s’intéresser à la chose publique, s’en tenir informé, y prêter attention, se former des convictions raisonnables et éclairées. C’est également participer aux divers processus dont dépendent les décisions intéressant les affaires communes, notamment les consultations électorales. Sur ce point, le civisme donne la main à la citoyenneté.   c’est enfin un comportement. C’est la citoyenneté vécue au quotidien. Il se pratique dans le respect des règles. Il s’exprime par des gestes élémentaires qui facilitent la vie commune.

Source : https://www.reseau-canope.fr/les-valeurs-dela-republique/citoyennete.html

Extrait de Guide républicain. L’idée républicaine aujourd’hui.

Democratie

C’est une forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au peuple.

Démocratie directe :  où le peuple exerce directement sa souveraineté.

Démocratie participative : où le peuple participe à la concertation et aux décisions.

Démocratie représentative :  où le peuple élit des représentants.

Source : Le Robert

L’Enseignement Moral et Civique est un enseignement mis en œuvre depuis la rentrée scolaire 2015 de l’école au lycée.

Il doit transmettre un socle de valeurs communes : la dignité, la liberté, l’égalité, la solidarité, la laïcité, l’esprit de justice, le respect de la personne, l’égalité entre les femmes et les hommes, la tolérance et l’absence de toute forme de discrimination.

Il doit développer le sens moral et l’esprit critique et permettre à l’élève d’apprendre à adopter un comportement réfléchi. Il prépare à l’exercice de la citoyenneté et sensibilise à la responsabilité individuelle et collective.

Source : site du MENJ

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EMC

Le point de vue de… Youssef Souidi, sociologue

Mixité sociale : « L'égalité républicaine n'est pas assurée »

Youssef Souidi, chercheur et sociologue* a publié plusieurs articles sur le niveau de mixité ou de ségrégation dans les collèges publics et privés sous contrat. Une question en étroite relation selon lui avec les deux notions d’éducation et de démocratie.

Dans ces situations de ségrégation, comment peut-on promouvoir les valeurs de la République ?

Peut-on faire le lien entre mixité, cohésion sociale et notre modèle démocratique ?

Youssef Souidi : C'est bien de faire ce lien. Quand on parle de mixité sociale en milieu scolaire, on va souvent réfléchir en termes d'inégalités scolaires. Or les résultats au brevet ne sont pas le seul juge de paix des bienfaits des politiques de mixité sociale. Des études ont montré que le fait d'avoir de la mixité au collège, au lycée, en primaire, permettait de réduire notamment les préjugés. Au-delà de ça, on peut penser qu'être mieux intégré économiquement, socialement, c'est également avoir une meilleure cohésion sociale.

Les collèges privés sous contrat forment un groupe presque totalement séparé au niveau socioculturel de ceux en éducation prioritaire. Un niveau de ségrégation aussi élevé dans notre pays pose-t-il des problèmes ?

Y.S. : Là où ça pose particulièrement problème, c'est quand vous avez des collèges proches géographiquement et en fait, très différents socialement. En France, on a à peu près 90 000 élèves qui sont scolarisés dans un collège très défavorisé socialement, situé à moins de quinze minutes à pied d'un collège favorisé socialement. Sur le fronton des écoles est inscrit « liberté, égalité, fraternité », mais dans ces configurations, il est très clair que cette égalité n'est pas assurée.

Y.S. : Si on veut se contenter de cette situation de ségrégation, on peut accorder beaucoup plus de moyens à ces établissements défavorisés. Mais est-ce souhaitable ? On peut effectivement penser que cela menace la cohésion sociale et que ça rend les principes républicains qui sont appris par les élèves totalement abstraits. Cette question dans le débat public est de plus en plus prégnante. C'est à mettre en parallèle avec le fait que l'écart social de recrutement entre les établissements privés et les publics s'est accentué au cours des dernières décennies. Cela pose la question du séparatisme social qui peut menacer la cohésion sociale de la nation. En janvier 2015, juste après les attentats de Charlie Hebdo, le Premier ministre de l'époque, Manuel Valls, parlait d'apartheid social et territorial. C'est cette question notamment qui revient quand on parle de la ségrégation sociale dans les collèges.

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* Youssef Souidi est chercheur post-doctorant au CNRS et à l’université Paris Dauphine-PSL

La question démocratique, premier sujet de préoccupation chez les professionnels de l'éducation

Le Baromètre 2023 des métiers UNSA Éducation a permis de parler des grands défis du monde contemporain qui touchent les métiers de l’éducation et la société : la crise démocratique, la transition écologique et la mutation numérique. Les 34 585 répondants ont choisi en premier la crise démocratique (49%), puis la transition écologique (35%) et enfin la mutation numérique (14%).

Éléments de réponses et analyse.

Contexte démocratique perturbé

L’abstention aux élections est en constante progression depuis plusieurs années. Les relations entre citoyens, citoyennes, et les institutions de la démocratie représentative dans un contexte de « désenchantement » de la vie politique traditionnelle sont dégradées.

C’est particulièrement vrai pour les jeunes :   65 % des 18-29 ans se sont abstenus aux dernières élections régionales et 35 % aux deux tours de la Présidentielle 2022.

Plus largement, c’est le rôle de tous les acteurs qui incarnent la démocratie sociale qui est questionné (Organisations syndicales, représentant.es du personnel, associations, partis, etc).

La participation aux élections professionnelles n’échappe pas à une abstention importante.

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Baromètre 2023

Comment l’éducation et la formation peuvent-elles contribuer à endiguer ce phénomène ?

Certaines idées sont plébiscitées mais pas celles du gouvernement, le service civique et le SNU arrivent bonnes dernières.

En revanche, une éducation à la démocratie dans les enseignements, une démocratie vécue concrètement dans la vie des établissements, une éducation à la coopération et au compromis sont très appréciées par les collègues (ces propositions arrivent en tête des trois items à choisir avec 41%, 38% et 31%).

Pas de chance, aucun d’eux ne correspond à une action ministérielle du moment.

En revanche, elles correspondaient aux orientations du gouvernement avant 2017 : création du conseil de la vie collégienne, introduction de la coopération dans le socle commun et de la recherche du compromis dans l’EMC.

Et dans notre vie démocratique de citoyen, sur quoi peut-on agir ?

Les personnels de l’éducation, de la recherche et de la culture ont un regard particulier sur la démocratie dans un système éducatif qui a toujours fait de la formation citoyenne la priorité de l’école. Il est intéressant de noter qu’ils font plus confiance à tout ce qui pourrait renouveler les

modalités démocratiques (transparence, diversité, référendums) qui atteignent de forts scores à 80/90% et qu’ils sont beaucoup moins confiants dans les institutions traditionnelles de type parlementaire (moins de 60%).

En bref, c’est bien la démocratie représentative qui a une côte en baisse. En revanche renforcer

le rôle des syndicats et des représentants du personnel atteint des chiffres très hauts (79% pour les syndicats, 92% pour les représentants du personnel) ce qui pourrait intéresser le gouvernement dont la capacité à écouter les partenaires sociaux a été largement mise en doute cette année.

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DES NOUVEAUX OUTILS AU BANC DE L’ÉCOLE

Les démocraties modernes sont représentatives des citoyen·nes par l’intermédiaire de leurs élu·es qui élaborent et votent les lois au Parlement. Mais d’autres moyens d’expression de la démocratie existent comme la convention citoyenne, le référendum d’initiative partagée ou encore le comptage des votes blancs. Ces outils novateurs sont-ils transposables à l’École ?

La convention citoyenne  est un principe de démocratie participative déjà appliquée dans certains pays européens. L’idée est de donner la parole à chaque citoyen·ne sur des sujets de société les plus variés afin d’argumenter dans le sens de l’intérêt général, et non particulier. Les conclusions des débats peuvent donner lieu à la création de lois. On peut imaginer à l’école la création d’un espace de confrontation d’idées, de débats plus larg e que le conseil de vie collégienne ou lycéenne, dans l’optique d’améliorer les conditions de vie à l’école. Ça serait aussi un moyen d’apprentissage du respect de l’autre. Les thèmes abordés possibles ? Ils sont si nombreux : l’emploi du temps, la constitution des repas, les temps de pause, les activités proposées, la transition écologique, le projet d’établissement ou encore le règlement intérieur.

Le référendum d’initiative partagée (RIP) est un processus qui peut être engagé par quelques parlementaires seulement afin de faire voter une loi qui serait approuvée à partir de l’expression favorable de 10 % du corps électoral. On peut y recourir pour des sujets plus techniques ou des sujets pour les -

quels le collectif n’estime pas nécessaire de recueillir les suffrages de manière massive mais plutôt sélective et finement représentative.

A l’école, un simple changement de règlement intérieur pourrait valoriser ce type de référendum qui n’a jamais pu être organisé au niveau national depuis son entrée en vigueur en 2015 du fait d’une grande complexité de sa mise en œuvre.

Le vote blanc exprime l’opinion d’un électeur qui manifeste son attachement au processus démocratique du vote mais estime que l’offre

politique ne lui permet pas de choisir un candidat. Il n’est en rien un vote nul (billet déchiré ou raturé) qui manifeste, lui, un mécontentement de l’électeur. Toutefois, en France, le vote blanc n’est pas pris en compte dans les suffrages exprimés, et cette question d’une prise en compte fait débat.

L’école pourrait alors permettre d’innover en introduisant lors des élections des délégués le fait qu’un vote blanc est un suffrage exprimé, et si le nombre des votes blancs est majoritaire, on procède alors à une nouvelle élection avec de nouveaux candidats.

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Innovation

LE SEP VEUT PÉRENNISER LE MODÈLE COLLÉGIAL

Le syndicat des professionnels de l’animation et de l’éducation populaire (SEP) a élargi le périmètre et les outils de son appareil de concertation et de décision vers l’ensemble de ses adhérents. Petit tour d’horizon d’un modèle démocratique qui cherche à perdurer.

COLLEGIALITÉ

Le SEP présente tous les attributs d’un système « en apparence » traditionnel. En « apparence » seulement puisque le secrétariat national (SN), outre un renouvellement de plus de la moitié de ses membres d’un mandat à l’autre, fonctionne de manière collégiale entre co-secrétaires nationaux. Ces derniers sont issus du vivier des adhérents après appel à manifestation d’intérêt et vote interne pour choisir les nouveaux représentants. « Chez nous, tout est consultation » , assure David Durand, secrétaire national du SEP. « Le secteur privé est devenu majoritaire et nous avons voulu tenir compte de cette évolution. » Le secrétariat national regroupe 5 à 7 personnes.

CONSENTEMENT

La décision par consentement est un processus rarement déclenché mais qui conserve son actualité. Il s’agit d’un vote convoqué au sein du SN ou d’un SN élargi sur des sujets importants qui nécessitent une longue

période de réflexion. « Quand nous avons une vingtaine de points à traiter en réunion, certains votants se rangent à l’avis des plus expérimentés par manque de recul, explique David Durand. Nous voulons éviter ce phénomène du : je vous fais confiance » . D’où un processus exigeant, étape par étape, qui vise à dépassionner le débat et à analyser clairement la situation en donnant à chacun·e le temps d’une pleine « conscience de l’intérêt général »

FORUM OUVERT

Cet espace d’expression est ouvert aux adhérent·es qui voudraient faire des propositions sur un thème précis. Il fait nécessairement l’objet d’une restitution après consultation. Il peut déboucher ensuite sur une revendication, une motion ou l’élaboration d’une proposition plus construite.

TIRAGE AU SORT

Pour chaque congrès et chaque conseil syndical, tous les quatre et deux ans, le SN procède à un tirage au sort d’une vingtaine d’adhérent·es pour leur propo -

ser d’intégrer temporairement les instances. « C’est un moyen de leur faire découvrir le syndicat de l’intérieur et leur donner envie de participer à son fonctionnement » , indique David Durand. Un quart des « tiré·es au sort » répondent présent·es à cette invitation.

TRANSMISSION

Renouveler donc, et souvent, pour faire vivre la participation élargie mais faire en sorte de ne pas repartir à chaque fois de zéro. Tel est l’enjeu de ce mot d’ordre : « Nous sommes dans une logique de transmission permanente. Et un mandat de quatre ans passe très vite » , conclut David Durand, qui fait valoir nombre de lourds dossiers à suivre au rythme d’un temps de parole partagée en SN tous les six semaines.

RESSOURCES RESSOURCES

Site du SEP :

https://sep-unsa-education.org/

Éducation populaire Questions d' É duc . 11

Programmes scolaires

De l'esprit des

lettres E.M.C

Pierre Kahn, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’Université de Caen a participé à la refonte des programmes d’Education morale et civique (EMC) de 2015 avant que ceux-ci soient révisés trois ans plus tard. Au cours d’un colloque sur ce thème (1) , il évoque ce qui a présidé à l’évolution de l’EMC dans l’histoire et l’esprit de ces programmes.

Citant Vincent

Peillon (2) dans un entretien au journal Le Monde, à la définition de l’EMC, Pierre Kahn répond : « C’est comprendre ce qui est juste » . Et « ce sont des vertus et surtout des valeurs » à transmettre, car le mot « moral » n’est pas neutre. Il a été restauré à côté de celui de civique dans un esprit de morale laïque et républicaine, afin que l’EMC propose finalement un « modèle de perfection humaine »  ; « l’EMC aurait pour propos de dire quelque chose sur le sens d’une vie humaine » .

Reste qu’une fois posée, la notion est complexe à être mise en œuvre dans un enseignement normatif au sein d’une société démocratique, fondée sur la pluralité des opinions et la reconnaissance d’une variabilité des valeurs selon les individus. « Ces individus doivent quand même fabriquer du commun à travers cette diversité » , relève Pierre Kahn. « Il ne faut pas abandonner cette tâche difficile qui est de se rassembler sans se ressembler. »

Quant à l’évolution du terme « morale » , celle-ci doit être désormais comprise comme délibérative. Il s’agit « d’une morale qui se constitue dans

les échanges et le débat, une sorte d’éthique de la discussion et certainement pas un moralisme prêchi-prêcha » , poursuit Pierre Kahn, qui invite à une transmission par les enseignants à travers des méthodes conformes à ces finalités. C’està-dire en mettant les élèves en situation d’être civiques entre eux plus qu’en étant « instructionniste » et vertical.

Le programme de 2018 sous le ministre Blanquer est malheureusement un retour en arrière, déplore Pierre Kahn, qui y voit un retour à un idéal de la tradition scolaire et la préoccupation centrale de discipliner les élèves.

Avec la loi Ferry de 1882, l’instruction morale et civique s’installe durablement dans la tradition scolaire française de l’instruction publique. D’abord et exclusivement dans le primaire car considérée « peu utile » dans le secondaire, avec des hauts et bas en écho

aux évènements de l’histoire de France.

La Libération la dépoussière après le douloureux épisode de « la faillite morale de la France » de la 2 nde guerre mondiale, puis la notion disparaît des programmes, ringardisée par mai 68. En 1984, le

très républicain Jean-Pierre Chevènement (3) renoue avec l’inspiration de Jules Ferry et l’éducation civique tout court, puis civique et morale se réinvite dans les programmes scolaires.

L'EMC
L'HISTOIRE L’EMC
Questions d' É duc . 12
DANS
DANS L’HISTOIRE
(1) Journées académiques de l’enseignement moral et civique de Marseille-Aix-en-Provence, en partenariat avec Canopé, du 12 au 14 avril 2023. (2) Ministre de l’Éducation nationale de 2012 à 2014. (3) Ministre de l’Éducation nationale de 1984 à 1986.

EN ALLEMAGNE, ON ÉDUQUE À LA POLITIQUE

Chez nos voisins germaniques, l’Agence fédérale d’éducation politique (BPB) est intégrée au ministère fédéral de l’Intérieur et a pour mission de « conforter la conscience démocratique et renforcer la propension à la participation politique ». Elle est un centre de ressources incontournable pour l’éducation et la formation pour enfants, adolescents et adultes.

Depuis les années 1970, l’éducation politique en Allemagne à travers l’agence fédérale est soumise à trois principes :

Le devoir de controverse : il oblige à apprendre à débattre.

L’interdiction de subjuguer : elle exige que la formation se fasse sans recourir à l’agitation, à la propagande ou à la partialité.

S’orienter sur les apprenants : cela implique d’éduquer la capacité d’analyse politique des citoyens conformément à leurs aptitudes et à leur niveau d’éducation. L’éducation politique ne doit pas être élitaire. Les citoyennes et les citoyens doivent connaître suffisamment d’arguments pour se forger eux-mêmes une opinion fondée.

Cette éducation politique irrigue le système éducatif des jardins d’enfants aux universités, mais aussi toute l’éducation informelle. Si elle a été imposée par les alliés au sortir de la seconde guerre mondiale, elle s’est organisée puis imposée comme démarche d’éducation à la démocratie. En effet, il s’agis-

sait de faire évoluer les mentalités et les opinions et de sortir du nazisme par l’éducation.

Evolution des contenus

L’agence fédérale et les agences régionales ont fait évoluer les contenus sur les grands thèmes de la société. Au début, cette éducation passait par l’analyse du passé nazi, puis vint le débat sur l’éducation dans les années 1970, le mouvement écologique et pour la paix dans les années 1980, les thèmes européens dans les années 1990, la crise climatique actuellement. Les thèmes de l’éducation politique reflètent donc toujours l’état de la société dans la République fédérale.

En plus du système scolaire, l’agence fédérale crée de nouvelles coopérations pour

faire de l’éducation politique une éducation tout au long de la vie : production de vidéos Youtube avec des influenceurs et influenceuses, émissions de télévision pour engager des controverses sur des sujets politiques (extrémisme de droite, racisme, salafisme,…). Elle pilote un outil numérique d’aide à la décision de vote : le Wahl-O-Mat. Il détermine en quelques minutes avec quel programme vous êtes le plus d'accord.

Le Wahl-O-Mat est disponible depuis 2002 pour les élections au Bundestag, au Landtag et au Parlement européen.

Les jeunes l’utilisent fréquemment ; il a recensé 16 millions de connexions aux dernières élections.

Le site du Goethe Institut :

https://www.goethe.de/ins/fr/fr/kul/dos/euw/21553312.html

Le site de l’agence fédérale : Bundeszentrale für Politische Bildung (en anglais et en allemand)

https://www.bpb.de/die-bpb/ueber-uns/federal-agency-for-civic-education/

Questions d' É duc . 13
Europe
POUR ALLER PLUS LOIN POUR ALLER PLUS LOIN

MOTIVER SES DÉLÉGUÉS PAR LE JEU

Le lycée professionnel a plusieurs instances permettant aux élèves de s’impliquer de manière démocratique dans la vie de leur établissement. Mais il n’est pas toujours évident pour eux de saisir l’importance de leur participation comme la réelle portée d’être force de proposition. En Saône-et-Loire, le lycée Claudie Haigneré de Blanzy a innové pour tenter de remédier à cette situation.

Les instances démocratiques au lycée professionnel

Le conseil d'administration mandat d'un an scrutin à un tour cinq titulaires avec l'ensemble des représentants de la communauté éducative

Le conseil des délégués pour la vie lycéenne mandat de deux ans scrutin à un tour dix titulaires et dix suppléants élus par tous les élèves du lycée

Les élèves qui siègent au conseil de classe sont :

Les délégués de classe mandat d'un an scrutin à deux tours deux titulaires et deux suppléants parité encouragée

Les éco-délégués de classe mandat d'un an un titulaire

Le lycée Claudie Haigneré de Blanzy a décidé cette année de revoir complètement sa formation pour les nouveaux délégués avec la mise un place d’un format totalement innovant et interactif. « Nous avons remarqué que lorsque les élèves sont acteurs de cette formation, l’information passe beaucoup plus efficacement » , assure Christine Alexandre, la CPE du lycée, à l’issue d’une première année d’expérimentation. Les élèves débutent par un escapegame sur la thématique du rôle du délégué et des organes démocratiques au lycée. Ensuite, un espace d’échange permet de revenir sur certaines notions. Dans un deuxième temps, un jeu de rôle est créé à travers un conseil de classe fictif pour aider les délégués à comprendre le déroulement de cette instance.

Déjouer les rumeurs

La formation se termine par le jeu des rumeurs qui sensibilise à l’importance de l’écrit et à la vérification des informations. Ce temps est complété par un travail avec les professeurs d’histoire sur la détection des messages complotistes.

Cette formation plus participative a été un succès et les délégués l’ont plébiscité. Cela n’efface pas les difficultés à impliquer les élèves de la voie professionnelle dans la vie du lycée à travers la maison des lycéens (MDL) ou le Conseil des délégués pour la vie lycéenne (CVL). D’une part, les départs en stage des jeunes viennent souvent interrompre la dynamique de projets, de sorties ou d’événements de ces structures.

La CPE met aussi en avant « un manque de confiance » de ces élèves pour lesquels « il est compliqué de s’emparer d’une problématique et de proposer des solutions jusqu’à leur mise en place ». Enfin, le parcours citoyen mis en place depuis 2016 est encore inégalement déployé. « Il ne leur permet pas d’exercer pleinement leur représentativité », conclut Christine Alexandre.

RESSOURCES RESSOURCES

https://lyc-chaignere-blanzy. eclat-bfc.fr/nos-formations/ actualites/formation-des-delegues-2118.htm

Questions d' É duc . 14
Lycée Professionnel

Enseignement agricole

L’ASSOCIATION D’ÉLÈVES, UNE FORMATION EN ACTE

Tout lycée professionnel agricole (LPA) a la particularité d’abriter dans ses murs une association d’élèves gérée en toute autonomie sous le regard encadrant et bienveillant des équipes pédagogiques et de direction. Un concept qui fonctionne avec une certaine réussite.

Engagement valorisé

et sa cafétéria, organise les animations socioculturelles extra scolaires et les festivités lycéennes, assure le portage des clubs de loisirs et culture : théâtre, chorale, jeux…

Attirer les plus jeunes

« Chez nous, il ne s’agit pas d’une adhésion de façade, témoigne Hervé Philippe, professeur d’animation socioculturelle au LPA de Rivesaltes (Pyrénées orientales). Ce ne sont pas des responsabilités feintes. Il y a un réel pouvoir de décision des élèves. » Dans ce lycée de 300 élèves dont quelque 60 internes, dès la classe de seconde, les élèves sont invités à adhérer à l’association délèves.

« C’est encore le meilleur moyen d’apprendre le fonctionnement d’une association », stipule encore Hervé Philippe. Instrument pédagogique, l’association gère le foyer des élèves

« Nous essayons d’y attirer les plus jeunes pour assurer une meilleure continuité de gestion sur deux ans » , poursuit l’enseignant, qui estime que l’adhésion doit relever d’une libre décision, non d’une obligation. Car « certains établissements l’exigent », déplore-t-il. Ils sont 120 élèves adhérent·es, mais les non adhérent·es peuvent profiter de la cafétéria du foyer et il existe deux tarifs différenciés pour les sorties payantes, selon qu’on adhère ou non.

Au LPA de Rivesaltes, il en coûte 10€ d’adhésion à l’année. Pas de quoi subvenir aux besoins de trésorerie de l’association qui recourt à des projets variés en lien avec les objectifs pédagogiques des filières pour assumer ses dépenses : vente de paniers alimentaires, création d’une boutique éthique bio, etc.

Autre vertu de l’association, ses relations ténues avec les foyers ruraux (les ex-comités des fêtes) de la région, « ce qui permette à des jeunes de rebondir dans d’autres territoires ». Ou celle qui offre à chaque adhérent l’opportunité de passer le Bafa (Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) pour faciliter les jobs d’été.

Bien que les adultes ne sont jamais très loin – deux enseignants ont un détachement de six heures par semaine pour aider au fonctionnement de l’association - « la cafétéria est 100 % bio et autonome », assure Hervé Philippe, qui relève néanmoins une limite à cette autonomie. « La préfecture et les banquiers n’acceptent pas que des mineurs soient responsables financièrement. Nous conservons donc la signature. Mais rien que le signature. »

Enfin, participer à la gestion de l’association est valorisé pédagogiquement dans le cursus à travers l’option « Engagement citoyen ».

Questions d' É duc . 15
Jeu de société avec l’association des élèves du LPA de Rivesaltes

Développer la pensée critique dès 3 ans

Emmanuelle, animatrice de périscolaire, utilise le livre jeunesse « La Brouille » de Claude Boujon pour encourager les enfants d'école maternelle à exercer leur pensée critique et trouver des solutions pour une meilleure gestion des temps périscolaires et de la pause méridienne.

Les ateliers philosophiques pour enfants sont une méthode éducative qui vise à stimuler la pensée critique et la créativité chez les plus jeunes. En utilisant les livres de littérature jeunesse comme support au cours de ces ateliers, il est possible d'apprendre aux enfants à développer leur pensée critique et à mieux comprendre les émotions complexes que nous éprouvons tous.

« La brouille » de Claude Boujon est une belle histoire illustrée qui décrit une dispute entre deux frères. Après la lecture de ce livre à un groupe de tout-petits, Emmanuelle anime un atelier philosophique. Elle demande aux enfants de partager leurs idées sur ce qui a causé le conflit entre les frères et comment ils se sentent à propos de la situation :  « L’ob -

jectif est qu’ils puissent exprimer leurs émotions », explique Emmanuelle.

Dessin, jeu de rôle, parole libérée…

Exprimer les émotions peut se faire de plusieurs façons.

« Par le dessin, le jeu de rôle, ou simplement en laissant les enfants parler librement de ce qu'ils perçoivent », poursuit Emmanuelle. Et d’inviter à poser des questions ouvertes comme « Comment vous sentiriez-vous si vous étiez à la place de l'un des personnages ? » ou « Comment pourriez-vous aider les deux frères à résoudre leur conflit ? » ; « les enfants peuvent alors développer leur capacité à penser de manière critique pas à pas et à échanger leurs points de

vue avec les autres membres du groupe ».

À travers les discussions sur le livre, les enfants peuvent donc se familiariser avec les différentes émotions du conflit, comme la colère, la frustration et la tristesse. « Les ateliers philosophiques aident les enfants à apprendre à gérer ces émotions et trouver les moyens d'exprimer leurs sentiments de manière constructive », conclut Emmanuelle.

«  Les ateliers philosophiques offrent une excellente occasion aux enfants de s'exprimer librement et de réfléchir sur leurs propre ressenti, tout en apprenant à considérer les points de vue d'autrui. Ils permettent aux tout-petits d’apprendre à développer leur pensée critique dès l'école maternelle tout en acquérant des compétences pour résoudre les conflits avec leurs pairs. »

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Ateliers philo
Ecouter La Brouille

Le « pourquoi »

Le conseil coopératif permet aux élèves de développer leur sens critique, leur capacité à argumenter et à écouter les autres. Les enfants apprennent à respecter la parole de chacun·e et à accepter les opinions différentes des leurs. Ils apprennent également à prendre en compte les besoins et les intérêts de chacun·e.

Cet organe participatif favorise la prise de responsabilité. Les élèves deviennent acteurs de leur propre vie en contribuant à la vie de la classe. Ils peuvent proposer des projets, donner des idées pour améliorer l'ambiance ou l'organisation de la classe, et ainsi participer activement au bon fonctionnement de la classe.

Enfin, le conseil coopératif permet de mieux comprendre les règles de vie en groupe. Les enfants prennent conscience de l'importance du respect mutuel, de la bienveillance et de la coopération pour bien vivre ensemble.

RÈGLES ET VISÉES DU CONSEIL COOPÉRATIF

Le conseil coopératif est un outil précieux pour instaurer une démocratie participative à l’école. Il s'agit d'un moment clé où les élèves peuvent s'exprimer librement, donner leur avis sur des sujets qui les concernent directement et coopérer pour trouver des solutions.

Le « comment »

Il est important de rappeler que le conseil coopératif doit être facultatif et ne doit pas être obligatoire. En effet, il est important que les élèves se sentent libres de participer sans pression, et que leur participation ne soit pas considérée comme une contrainte.

les propositions et les décisions prises.

Il est également recommandé de définir une liste de sujets qui peuvent être abordés lors du conseil. Ceux-ci peuvent être divers : la vie de la classe, les projets en cours, les préoccupations des élèves, les idées pour améliorer le quotidien, etc.

Enfin, il est important de prendre en compte les idées de chacun et de favoriser l'expression de tous les élèves.

Les répercussions

Le conseil doit avoir lieu régulièrement, à un moment où les enfants sont disponibles et attentifs.

Lors de la mise en place du conseil coopératif, il est important de définir un cadre et des rôles clairs pour chacun. Il peut y avoir un ou deux animateurs ou animatrices qui dirigent la séance, un ou deux secrétaires qui prennent des notes, et un ou deux rapporteurs qui présentent

En instaurant cette démocratie participative, le conseil coopératif permet de créer un sentiment d'appartenance à la classe et ainsi favoriser un meilleur climat de classe. La recherche de la bienveillance et de l’écoute permet de développer les compétences psychosociales essentielles pour nos citoyens et citoyennes de demain.

Questions d' É duc . 17
Outil
«  Développer son sens critique, sa capacité à argumenter et à écouter les autres »

Universités

Un modèle de cogestion largement plébiscité

Si la participation citoyenne aux différentes élections démocratiques qui rythment notre vie semble inexorablement faiblir, les élections universitaires, notamment celle à l’issue de laquelle est déterminée leur présidence, montrent une tout autre adhésion. Ainsi, des taux de participation qui dépassent les 70% sont courants dans les collèges des personnels. Alors comment expliquer l’engouement toujours aussi fort pour la démocratie universitaire ?

Il faut peut-être, pour esquisser une réponse, remonter aux événements de 68 et à leurs répercussions dans ce qui allait être la loi Faure. Cette loi d'orientation de l'enseignement supérieur du 12 novembre 1968, portée par Edgar Faure (alors ministre de l’Éducation Nationale), essaie de concrétiser les aspirations de liberté et de participation qui émanent de mai 68 dans la gestion des universités.

Dès lors, ces dernières gagnent en autonomie et développent un modèle propre de cogestion en s’affranchissant davantage du poids de la centralisation de l’État. L’article 13 de cette loi précise ainsi : Les conseils

À SAVOIR À SAVOIR

Les élections aux conseils centraux

Les universités disposent de plusieurs conseils dits centraux qui en assurent la cogestion : le conseil d’administration (CA), la commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) et la commission recherche (CR). Il

sont composés, dans un esprit de participation, par des enseignants, des chercheurs, des étudiants et par des membres du personnel non enseignant.

Esprit de participation

Cet esprit de participation, où des représentants de toutes les catégories de personnels concourent aux décisions des établissements, perdure depuis et contribue indubitablement à la bonne santé démocratique des universités. De plus, leurs présidentes et présidents sont élus parmi leurs pairs et, bien qu’ils ou elles puissent réglementairement être externes à l’établissement, en sont très majoritairement issus.

existe aussi le conseil académique (CAc) qui est la réunion de la CR et de la CFVU. Ces conseils sont renouvelés simultanément tous les 4 ans (sauf pour les représentants étudiants qui le sont tous les deux ans) par un scrutin de liste.

Ainsi, le respect de la diversité catégorielle, la proximité des instances de gouvernance et de leurs membres élus, couplés au fait que les établissements ont une grande autonomie de gestion, donne un sens et une importance forte aux élections universitaires. Les personnels se rendent aux urnes avec conviction.

Cependant, la communauté doit rester très attentive à toute velléité politique de contester les bénéfices de cette cogestion. Par exemple, en 2007, la loi LRU (Loi relative aux libertés et responsabilités des universités) formalise la gestion de l’établissement par un Conseil d’administration qui est non seulement réduit mais qui repose aussi davantage sur des personnalités extérieures.

Nous devons donc veiller à ce que la gestion des universités conserve son caractère démocratique et de proximité que les personnels, les étudiants et étudiantes approuvent pleinement.

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ETUDIANT·ES : UN CIVISME CONTRARIÉ

Universités, écoles d’ingénieurs ou de commerce, instituts de gestion, écoles d’art, etc. : la variété des établissements du supérieur entraine une diversité des organisations de leur gouvernance. Néanmoins, on peut y observer une constante : la présence d’une représentation étudiante.

Sur le « papier » , les représentant·es étudiant·es ont voix à de nombreux chapitres dans les établissements supérieurs : pédagogie des cursus, insertion professionnelle, politique d’établissement, moyens financiers, notamment à travers le conseil d’administration de leur université et sa commission de la formation et de la vie universitaire, la CFVU (voir page 18).

Concernant les conditions de vie étudiante, logement, santé, restauration, les élu·es étudiant·es siègent également au sein des opérateurs, le Crous et le Cnous (1) Ces élu·es sont souvent issu·es de listes portées par des organisations étudiantes, souvent appelées syndicats étudiants.

Aucune représentation dans le privé

Pour autant, l’existence d’un réel exercice démocratique est souvent décrié par ces syndicats du fait d’un déploiement très inégal des instances et des représentations étudiantes d’un établissement à un autre. Celles-ci sont même « inexistantes dans le privé » , fustige Arthur Sabatier-Garcia du syndicat Unef (2), qui indique aussi que, si l’engagement des syndicats étudiants permet en général une présence dans toutes les instances des établissements, « la participation aux élections reste faible avec moins de 20% de votants » .

Oui, la collaboration en instances avec les représentants des personnels permet

(1) CROUS-CNOUS : Centre régional-national des œuvres universitaires et scolaires

(2) UNEF : Union nationale des étudiants de France

(3) FAGE : Fédération des associations générales étudiantes

d’exprimer les besoins des étudiants et de faire évoluer les institutions, mais « le nombre de sièges étudiants demeure insuffisant », déplore encore le représentant de l’Unef.

Frédéric Sosso, porte-parole de la Fage (3), regrette de son côté, le manque de reconnaissance institutionnelle de l’implication de ces étudiant·es élu·es qui doivent conjuguer leur mandat et leurs études. « Cet investissement devrait permettre une validation des compétences acquises dans la fonction par le système universitaire », estimet-il. Et de militer lui aussi pour plus de sièges aux différentes instances (1 siège sur 5 en moyenne actuellement) et par un réel accompagnement de l’établissement (dispense d’assiduité, modalités de contrôle de connaissances, souplesse dans l’emploi du temps, etc.) des représentants des étudiants tout au long de leur mandat.

Questions d' É duc . 19 Enseignement
supérieur
« La participation aux élections reste faible avec moins de 20% de votants »

Regards croisés

DÉSINFORMATION : AGIR FACE AUX SIGNAUX D’ALERTE

La presse professionnelle qui répond au code de déontologie du journalisme est désormais régulièrement débordée par les lanceurs de fake news et la fabrique de la désinformation. Pour les défenseurs des principes liés à la liberté d'expression démocratique, il est temps de réagir. Regards croisés avec Julien Pain, journaliste à France Info, présentateur de l’émission “Vrai ou Fake” , et Gilles Leluc, professeur de français en collège et ancien journaliste de presse écrite. Extraits d’entretien.

Entretien.

Julien, quels liens y a-t-il selon vous entre les enjeux démocratiques et la désinformation ?

JP. Pour qu’il y ait démocratie, il faut une information libre, indépendante et fiable ; ça a un rôle très important. On voit actuellement qu’ une partie de l'information échappe complètement aux médias traditionnels, ce qui est une bonne chose mais pose problème puisque cette information se diffuse notamment sur les réseaux sociaux et avec elle beaucoup de fausses informations circulent aussi. Ça affaiblit le socle de la démocratie puisque les gens se retrouvent à réfléchir et à prendre des décisions sur la base d'informations faussées. Je pense que c'est un vrai problème démocratique.

d'œuvres littéraires qui montrent combien la démocratie est un véritable enjeu. Il y avait aussi la question du comportement des élèves en classe, de l'expression orale et du respect de l'autre. Il s’agit non seulement d’enseigner ce qu’est la démocratie, mais de faire vivre la démocratie en classe. Se pose aussi la question de l'identité ; les élèves construisent leur identité à l'école et il faut leur faire comprendre que cela passe par le respect de l'autre, qui lui aussi se construit. En fait, on se co-construit ensemble à l'école, donc ce n'est pas une opposition, ni un rapport de force, mais quelque chose qu'on fait ensemble.

Gilles, vous qui avez changé de contexte professionnel, comment perceviez-vous la démocratie comme journaliste puis maintenant comme enseignant ?

GL. Quand j'étais journaliste, la question de la démocratie faisait sens parce qu’être journaliste, c'est d'abord véhiculer des idées, participer au débat public et faire aussi participer les autres à ce débat. Quand je suis devenu enseignant, j'étais avec un public d'élèves et il fallait que je leur fasse découvrir la démocratie autrement ; d'abord par des œuvres littéraires, puisque je suis devenu enseignant de lettres, et il y a beaucoup

Julien, vous allez régulièrement faire des interventions dans les écoles. Qu'est-ce que vous renvoient les élèves et les enseignants de leur sensibilité à cette question de la désinformation ?

JP. J'ai commencé à faire des interventions en classe à titre personnel, et ensuite dans le cadre des programmes de France Télévisions pour l'éducation aux médias. C'est quelque chose que j'ai toujours aimé faire. Je suis fils de profs, ce qui est assez commun d'un point de vue sociologique. Il y a de vrais liens entre les profs et les journalistes depuis très longtemps et j’ai toujours voulu travailler avec des profs parce qu’ils peuvent avoir un impact sur les jeunes, qui risquent d’être perméables à toutes

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ces fausses informations. C'est un travail qui doit se faire avec d'autres composantes de la société, la société civile. L’enjeu démocratique est global. On ne peut pas se contenter d’une réponse qui soit uniquement celle des journalistes.

Dans les collèges et lycées, ça se passe toujours très bien quand l'équipe pédagogique est motivée, qu’elle saisit les enjeux de monter des projets autour de la désinformation, des fake news et de la peur qu’elle génère. Je regrette que cette question soit seulement prise en charge par des profs d'histoire géo ou de français. Il faudrait que les professeurs de sciences s'en saisissent aussi car il y a beaucoup de désinformation dans les informations scientifiques. Trop peu de professeurs de physique, de biologie, ceux aussi qui travaillent sur le numérique, l'informatique en seconde, voire même les mathématiques s’intéressent à cette question.

Gilles, concrètement, qu’est-ce-que l’École peut mieux faire face à ces questions ?

GL. En fait, il faut mettre les élèves en situation. Ce n'est pas évident parce que le format scolaire est contraint avec un emploi du temps très serré. Quand je suis arrivé en collège, on m'a dit : “Monsieur, c'est formidable, vous avez été journaliste” et on m'a poussé dans un projet de film de type « spot télé » sur le harcèlement scolaire, puisque j'avais aussi une expertise dans l’audiovisuel. Ça a été d’une complexité énorme pour mettre en œuvre ce travail avec des élèves très indisciplinés de REP+. J'ai bien transpiré mais ça a été une très belle expérience pour les élèves de confrontation à la réalité, tant technique qu’humaine. L'École doit être un espace de mise en pratique, c'est indispensable aujourd'hui.

À RETROUVER À RETROUVER

Lire l’intégralité de l’entretien sur le blog “Questions d’Éduc” : https://questionsdeduc. wordpress.com

Des élèves de 4e confrontés à la réalité de l’information, ici lors d’un tournage de spot télé.

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Gilles LELUC professeur de lettres et ancien journaliste
«  Trop peu de professeurs s'intéressent à la question de la désinformation »
Julien PAIN Julien PAIN journaliste à France Info

Saurait-il y avoir de réel processus démocratique à l’école sans la présence active des parents d’élèves ?

Grégoire Ensel, président du conseil d’administration de la FCPE, première fédération de représentant·es de parents d’élèves de l’enseignement public, répond à nos questions.

De manière générale, les parents d’élèves revendiquent une meilleure intégration de leur représentant·es dans les instances de gouvernance des écoles et des EPLE.

Quel est votre point de vue ?

Grégoire Ensel : La FCPE demande simplement la mise en œuvre des textes existants dans le code de l’éducation. Comme par exemple les horaires des instances. Les conseils d’école ont des horaires accessibles. En revanche, les conseils d’administrations (CA) et surtout les conseils de classe sont trop souvent organisés à des horaires qui ne permettent pas aux parents d’y participer. Il faut

généraliser la mise en place d’une organisation concertée, comme c’est le cas dans certains établissements où les dates sont données à l’avance.

Le règlement intérieur doit aussi vraiment être discuté avec les parents ; il faut prévoir un temps de co-construction qui leur est accessible afin qu’ils exercent correctement leur mandat. Il s’agit d’un véritable mandat de bénévole de la République. Enfin le CA et le conseil d’école doivent être des espaces de débats démocratiques. Ça coûte du temps mais la démocratie scolaire est une question de temps.

Que proposeriez-vous pour faire vivre la démocratie participative à l'école ?

G.E. : Il est important de rappeler que l’élection des représentant·es de parents d’élèves, est le seul scrutin qui se déroule tous les ans dans notre pays. Nous revendiquons la mise en place d’une campagne de communication nationale qui valorise le rôle des représentants de parents. Dans les écoles, il est

nécessaire de construire autre chose que les kermesses. Dès la maternelle, il faut avoir des temps d’échanges et des sujets sur lesquels on peut travailler la relation parent/professeur. Dans les EPLE, les parents doivent avoir une place au sein des comités d’éducation à la santé, citoyenneté et environnement (CESCE) qui méritent d’être, eux aussi, un véritable espace de co-construction et de « faire ensemble »

Vous êtes également engagés sur l’égalité d’accès au numérique scolaire. Quelles sont plus précisément vos attentes sur ce sujet ?

G.E. : Nous revendiquons une régulation de l’usage du numérique. Il nous semble essentiel de promouvoir le droit à la déconnexion des parents et des professionnels. Mais parce que le déploiement des ENT et de l’utilisation des logiciels de vie scolaire type Pronote est répandu, cela implique aussi que des outils, comme un compte d’accès à Pronote, soient accessibles aux parents.

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« Nous, parents d'élèves, nous exerçons un mandat de bénévoles de la République »
Trois questions à... la FCPE

autres ressources

DES PODCASTS

Coéducation et concertation :

° 3 épisodes de l’émission « les chemins de la philosophie  » de France Culture :

- Démocratie et libéralisme : je t’aime moi non plus

- Le conservatisme : une critique de la démocratie

- Que demande la gauche ?

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/ serie-democratie

° Démocratie en question(s), deux saisons d’émissions de RTBF la Première

https://podcasts.apple.com/us/podcast/démocratie-en-question-s/id1409553727

° Comment concilier démocratie et urgence climatique ?

Un épisode du podcast du journal Le Monde « Chaleur humaine »

https://www.lemonde.fr/podcasts/article/2023/03/28/ comment-concilier-democratie-et-urgenceclimatique_6167247_5463015.html

https://www.reseau-canope.fr/outils-egalite-fillesgarcons/coeducation-et-concertation.html

DES VIDÉOS

Pour les enfants :

C’est quoi la démocratie ? (1 jour / 1 question)

https://www.youtube.com/ watch?v=fw8lA9Z1Yow

Un cours de géopolitique en classe de première : la démocratie, les démocraties, quelles caractéristiques aujourd’hui ?

https://www.youtube.com/ watch?v=pDEyJJ_lSGU

Une émission de Public Sénat : la démocratie européenne face aux crises

https://www.youtube.com/ watch?v=hxSLqcZ9-x0

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aller plus loin
Pour
DES LIVRES

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