

es deux présidents Lula et Macron ont projeté une saison culturelle France-Brésil en 2025. Pour resserrer les liens entre les deux pays et faire dialoguer les cultures en mettant en avant : climat et transition écologique, diversité des sociétés et dialogue avec l’Afrique, démocratie et mondialisation équitable. Jusqu’en septembre en France, de nombreuses manifestations sont en accès libre. Ainsi, l’artiste brésilien Ernesto Neto transforme la Nef du Grand Palais d’été en un espace immersif et sensoriel avec Nosso Barco Tambor Terra (Notre Barque Tambour Terre), une installation monumentale en crochet, écorce et épices, invitant à l’émerveillement et au partage.
Porté par le Centre National du Livre, « Partir En Livre » promeut la lecture pendant les vacances estivales. Plus de 5 000 projets sont soutenus dans le cadre de ce label, proposés par des associations, des intercommunalités, des centres sociaux. Amener des livres et donner envie de les ouvrir, mais aussi en faire des supports de créativité multiples en les associant à d’autres formes d’expression plastique, théâtrale, corporelle, sonore : une réussite qui s’amplifie depuis dix ans.
La CIIVISE nous l’a révélé : 160 000 enfants sont victimes chaque année d’agression sexuelle. Ce qui est moins connu c’est que près de la moitié des personnes qui agressent sexuellement des enfants… sont eux-mêmes des enfants. Un phénomène inquiétant et révoltant.
Bien que la plupart de ces infractions aient lieu dans le cadre familial, un grand nombre se produisent à l’école primaire, au collège ou au lycée. Dans ces lieux censés protéger les enfants, le « pas de vague » est encore de mise. Les adultes, ceux de l’école, mais aussi parfois les parents, préfèrent minimiser et réduire ces violences à des « jeux » sexuels. Résultat : c’est aux victimes de changer d’école, et les enfants ne sont la plupart du temps pas soignés –ou mal pris en charge. Aude Lorriaux, journaliste et autrice, a mené l’enquête auprès de familles d’enfants victimes et agresseurs, de professionnel·les de l’Éducation nationale, de la santé et de la justice. Ouvrons les yeux, protégeons les enfants. Vite.
L'INJEP est l’observatoire de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. L’institut est chargé d'observer et d'analyser la situation des jeunes et les politiques qui leur sont destinées à tous niveaux d’intervention. Il publie des rapports de recherche, organise des conférences, et autres événements de réflexion. Cette somme de connaissances est désormais présente en vidéos sur sa chaine Youtube. La dernière publication concerne le rapport des jeunesses à la spiritualité et aux religions.
https://injep.fr
Pour sa troisième édition, parrainée par Erik Orsenna, écrivain et membre de l'Académie française, le jury a réuni des membres du CESE ainsi que des personnalités du monde littéraire et culturel. Il a couronné Abel Quentin, auteur de Cabane, aux éditions de l’Observatoire. Un roman qui démarre dans les années 70 et touche notre contemporanéité, avec comme point de démarrage un constat d’une équipe de quatre chercheurs : si la croissance industrielle et démographique ne ralentit pas, le monde tel qu’on le connaît s’effondrera au cours du XXIe siècle ! Dystopie, vraiment ?
La 3 e Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC), dédiée à la mise en œuvre de mesures pour la protection de l’océan, s’est tenue en juin 25 à Nice. Pour poursuivre la connaissance, le muséum d’histoire naturelle propose un podcast intitulé : « Pour que nature vive » ! 28 épisodes (de 5 mn) pour explorer l’océan avec des chercheuses et chercheurs du Muséum qui vous parlent de leurs découvertes et vous invitent à découvrir une facette différente de l’océan : depuis l’origine et l’évolution de la vie aquatique, en passant par la biodiversité sous-marine, jusqu’aux menaces qui pèsent aujourd’hui sur ce milieu. En bonus, 14 épisodes viennent ponctuer cette série scientifique à travers des récits d’exploration et de navigation, des textes autour de mythes, légendes et traditions.
www.mnhn.fr/fr/pour-que-nature-vive
La Sécurité Sociale a 80 ans : l’UNSA lui fait sa fête
Au sortir de la seconde guerre mondiale, en 1945, le gouvernement provisoire issu de la Résistance met en place un système de sécurité sociale pour toutes et tous, basé sur la solidarité intergénérationnelle, pour « assurer le bien-être de tous de la naissance à la mort » selon les mots d’Ambroise Croizat, ministre du travail et de la sécurité sociale.
Aujourd’hui, elle est confrontée à des défis majeurs : évolutions démographiques, transitions technologiques, enjeux climatiques… Autant de mutations qui appellent à des adaptations profondes, tant sur le plan financier que dans la réponse aux besoins émergents de la population.
Pour marquer cet anniversaire et réfléchir ensemble à son avenir, l’UNSA a préparé un programme riche et dynamique : des webinaires, des vidéos animées, un colloque majeur le 30 septembre à Paris.
Contactez protection.sociale@unsa.org pour en savoir plus.
Actualités éducatives
É dito
Concepts et définitions
ESTONIE
La cohérence peut faire la différence
Les regards de l'OCDE à la loupe... avec Éric Charbonnier
Derrière la course des classements, des inégalités non traitées
BELGIQUE
La vision intégrée de l’éducation permanente
FINLANDE
Quand les compétences psychosociales sont au premier rang
SUÈDE
De l’égalité des genres comme principe éducatif
ITALIE
Reggio Emilia, ville-phare de la créativité préscolaire
ALLEMAGNE
Une origine sociale qui pèse sur les parcours
MAROC
Mobiliser la recherche pour réformer son système éducatif
SUISSE
Apprentissage : le mauvais exemple helvète
CANADA
Au Québec, on ne dit pas « inclusion » mais « intégration »
FRANCE
Un bon point en pensée créative, un mauvais en savoirs informels
Morgane VERVIERS
Secrétaire générale - UNSA éducation CPE
Béatrice LAURENT
Secrétaire nationale
Secteur Éducation et Culture
Professeure des écoles - Formatrice INSPÉ ont coordonné ce numéro auquel ont participé :
secteur ÉDUCATION ET CULTURE
Willie CHARBONNIER
Conseiller national, Professeur de mathématiques
Jean-Jacques HENRY
Conseiller national
Professeur d'économie
Gilles LELUC
Conseiller national
Professeur de lettres modernes
Stéphanie de VANSSAY
Conseillère nationale
Professeure des écoles
Solenn TEXIER
Conseillère Nationale
Professeure d’Histoire-Géographie
Mourad OURAOU
Conseiller national
Enseignant spécialisé
Pierre-Loic AUBERT
Conseiller national
Inspecteur de l'enseignement agricole
Directeur de publication
Morgane VERVIERS Graphisme
Cécilia Bertin - ceciliabertin.com
Crédits photographique
UNSA - Unplash - Pexels - Pixabay
www.unsa-education.com
Le système éducatif est un organisme vivant en perpétuelle évolution.
Parce qu’il est composé de 1,2 millions de professionnels qui chacun et chacune apportent leurs touches personnelles à son efficacité. Parce qu’il est destiné à 12,6 millions d’enfants et de jeunes qui ne cessent de le bousculer et de l’obliger à s’adapter à leurs aspirations ancrées dans l’époque. Parce qu’il est soumis à évaluation et que celle-ci doit permettre aux acteurs de terrain de réfléchir à leur action, d’établir un diagnostic et de se fixer des objectifs en lien avec leurs projets.
Faut-il se comparer à l’international ? Telle est la question qui traverse ce numéro de Questions d' É duc . Curieux, non ? La tentation de répondre par l’affirmative sans nuance est forte, tant les comparaisons internationales sont à présent intégrées aux discours publics sur les politiques d’éducation. De fait, il est toujours intéressant, profitable d’aller questionner nos habitudes comme celles des autres dans la perspective de faire mieux, viser une amélioration continue. Comment d’autres femmes, d’autres hommes que celles et ceux vivant en France répondent aux défis éducatifs contemporains ? Sans chercher l’exhaustivité mais en quête d’inspirations et de découvertes de l’altérité, l’équipe de la rédaction a simplement souhaité ouvrir des perspectives.
L'équipe éditoriale de "Questions d'éduc."
Ce que cachent les acronymes des enquêtes dont on parle de façon récurrente pour remettre en cause le système éducatif français ou justifier les réformes qui le traverse.
Trends in International Mathematics and Science Study
évalue, tous les 4 ans les compétences des élèves en maths et en sciences en CM1 et en 4e. En 2023, 61 pays pour le CM1 et 45 pour la 4e y ont participé. Les questions posées sont pensées par les équipes nationales pour coller au plus près des programmes scolaires. Son objectif ? Interpréter les différences entre les systèmes éducatifs pour améliorer l’enseignement et l’apprentissage.
Progress in International Reading Literacy Study
évalue tous les cinq ans, en compréhension de l’écrit, les compétences des élèves en fin de quatrième année des enseignements systématiques (soit le CM1 en France). Les résultats permettent de comparer les performances entre les pays, ainsi que leur évolution. La sélection des élèves participant se fait par tirage au sort d’écoles représentatives, puis par tirage aléatoire de classes de CM1 dans chaque école. Cela représente dans le monde 57 pays et 400 000 élèves répartis dans 13 000 écoles et en France, 5340 élèves répartis dans 184 écoles.
mesure la capacité des jeunes de 15 ans à utiliser leurs connaissances et compétences en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences pour « relever les défis de la vie réelle ». Piloté par l'OCDE, PISA mesure l'efficacité des systèmes éducatifs. L'objectif est de comparer les performances des élèves issus de différents environnements d'apprentissage. En 2025, 92 pays y participent, dont 10.000 élèves français.
International Association for the Evaluation of Educational Achievement
Association internationale d’instituts de recherche nationaux, d’organismes de recherche publique, d’universitaires et d’analystes qui s’efforcent « d’étudier, de comprendre et d’améliorer l’éducation dans le monde entier ». Il s’agit d’une organisation indépendante à but non lucratif. Plus de 60 pays sont impliqués dans le réseau de l’IEA et plus de 100 systèmes éducatifs participent à ses études. Depuis 1958, l’IEA mesure les résultats des élèves dans des matières telles que les mathématiques et les sciences (TIMSS), la lecture (PIRLS) et l’éducation civique et citoyenne (ICCS et CIVED), la formation des enseignants (TEDS-M), etc.
Classement mondial des universités par l’université Jiao Tong de Shanghai. Apparu dans les années 2000, il est fondé à la fois sur des critères qualitatifs, par exemple le nombre de médailles Fields ou de prix Nobel et sur des critères quantitatifs, le nombre de publications et de citations. Il valorise peu les sciences humaines et sociales.
Les données PISA 2022 confirment le succès de l'Estonie en matière d'éducation : elle se classe première en mathématiques et en sciences en Europe, et deuxième en lecture derrière l'Irlande. Au niveau mondial, elle figure dans le top 10 tous domaines confondus. Mais surtout, c’est l’un des pays où le milieu social pèse le moins sur les performances scolaires, loin devant la France. La force du modèle estonien ne réside pas dans des mesures inédites, mais dans leur cohérence et leur mise en œuvre effective
Pour réduire les inégalités, le pays a généralisé : une scolarisation précoce et très accessible dès 18 mois dans des jardins d’enfants qui sont des lieux d’enseignement, avec des frais plafonnés à 20 % du salaire minimum et un taux de couverture de plus de 95 % des enfants de 18 mois - 6/7 ans ; des repas gratuits pour tous les élèves du primaire, sans condition ; une affectation locale et automatique à l’école de secteur, avec peu d’échappatoires privées (moins de 5 % des écoles) ; un tronc commun de 9 ans (de 7 à 16 ans), sans filiarisation ni orientation anticipée ; un soutien personnalisé intégré à l’emploi du temps avec des enseignants spécialisés présents dans chaque école ; des activités périscolaires encadrées et subventionnées, accessibles à tous grâce à l’intervention directe des municipalités. À cela s’ajoutent : une formation continue structurée pour les enseignants ; des outils numériques ciblés (tests, portails collaboratifs) ;
une autonomie locale encadrée, où les équipes pédagogiques peuvent réellement adapter leurs pratiques.
L’Estonie met l’accent sur les compétences cognitives de haut niveau : pensée critique, analyse complexe, coopération. Loin de s’en tenir à des savoirs mécaniques, l’école vise la capacité à agir dans un monde incertain. Ce choix repose sur une forte confiance dans les enseignants, formés à l’université, largement autonomes dans leurs choix pédagogiques et acteurs du projet d’établissement.
La France, elle, affiche des leviers similaires dans ses textes mais leur application reste souvent fragmentaire et contredite par le terrain. L’Estonie montre que des choix simples, durables et alignés peuvent produire des effets mesurables, à condition de s’y tenir et de s’en donner les moyens.
1) « L’éducation est la clef », une conversation avec Kristina Kallas, ministre estonienne de l’éducation dans Le Grand Continent
2) Estonie : le leadership scolaire entre autonomie, pédagogie et performance sur le site de l’IH2EF POUR APPROFONDIR POUR APPROFONDIR
Le grand témoin
Depuis plus de 30 ans, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui regroupe 38 pays publie un rapport intitulé « Regards sur l’éducation » destiné à dresser un état des lieux de leurs systèmes éducatifs. L ‘analyste Eric Charbonnier, l’un des principaux contributeurs de ces travaux, nous explique la démarche utilisée, l’objectif poursuivi et la « bonne manière » d’utiliser cette étude annuelle comparative de près de 500 pages d’indicateurs.
À la lecture des « Regards sur l’Éducation », on est immédiatement enclin à comparer les pays, et surtout à se comparer aux pays voisins. Pourtant, il y a des réalités scolaires si différentes d’un pays à l’autre. Comment lire intelligemment le rapport de l’OCDE pour ne pas se faire piéger par les raccourcis de lecture et donner du relief à la relativité des résultats ?
Eric CHARBONNIER. Je voudrais d’abord dire que l’étude de l’OCDE est la plus ancienne, c’est elle qui a fait connaître les comparaisons internationales avant même l'étude PISA*. Il y a une forme d'expérience de cette publication annuelle, sortie tous les ans depuis 1993. Il faut savoir qu’elle est faite en coopération avec l'ensemble des ministères de l'éducation des pays de l'OCDE, ce qui veut dire qu'il y a des réunions régulières pour discuter du contenu, de la comparabilité des indicateurs, pour se mettre d'accord sur des définitions. Ce qui est intéressant dans ce concert, c'est qu'à chaque fois, il y a une amélioration, et aujourd'hui, on arrive peutêtre à un âge d'or avec les avancées technologiques, les progrès aux niveaux nationaux dans tous les
pays en termes de données disponibles. Nous commençons à avoir tout un ensemble d'indicateurs, qui étaient publiés déjà au début, mais qui ont maintenant une couverture et une comparaison de bien meilleure qualité que ça ne l'était.
« Avec ces 500 pages d'indicateurs, on est capable d'avoir un constat, un diagnostic, une description de tous les systèmes éducatifs »
En termes de comparabilité, le nombre de pays participant à l'OCDE a tendance à s'agrandir, on a de plus en plus de pays en accession, et c'est toujours intéressant de regarder la moyenne générale. Mais comme vous l'avez dit, l'intérêt de ce genre de publication, c’est de se comparer à ses voisins, ce qui apporte des lectures un peu plus modérées, différentes. Si vous prenez un indicateur comme la taille des classes, au regard de tous les pays de l'OCDE, la France est plutôt proche de la moyenne, ou légèrement au-dessus, parce dans les pays d'Asie il y a beaucoup d'élèves par classe, dans les pays d'Amérique du Sud également. Si on compare la France à la moyenne européenne, on a tendance à avoir des classes un peu surchargées ou plus chargées que beaucoup de pays en Europe. C'est donc important de regarder la moyenne générale mais de voir aussi les limites de ses propres moyennes avec un deuxième regard vers les pays voisins pour essayer d'améliorer le diagnostic.
Cette publication a aussi l’avantage de couvrir tous les aspects du système éducatif. Les données administratives qui sont collectées tous les ans proviennent des ministères nationaux et nous permettent d'avoir un large panorama sur le système éducatif, de la petite enfance jusqu'à l'enseignement supérieur, avec des indicateurs clés qui sont en lien au financement des systèmes éducatifs, à la scolarisation des élèves dès l'école maternelle, à la progression dans l'éducation, mais aussi dans le lien entre l'école, le secondaire et l'enseignement supérieur, et entre l'enseignement supérieur et le marché du travail.
Avec ces 500 pages d'indicateurs, on est capable d'avoir un constat, un diagnostic, une description de tous les systèmes éducatifs. Il faut faire attention malgré tout dans l'interprétation car on n'a pas forcément les données à l'instant T. Si vous regardez les données de financement qu’on a publié dans la dernière édition, ce sont des données de 2021. Aujourd'hui, on est en 2025. Et les dernières réformes qui ont pu être mises en œuvre dans les pays ne sont pas toujours retranscrites dans les données qu'on peut publier chaque année.
Les indicateurs sont plus quantitatifs que qualitatifs. N'y a -t-il pas là aussi une limite à l’interprétation ? Vous le dites d'ailleurs dans le rapport : ce n'est pas parce que certaines statistiques ont progressé comme l'accès au marché du travail qu'on forme mieux, qu'on éduque mieux…
E. C. Aujourd'hui, on est dans une situation où le niveau d’éducation de la population s’élève. On a plus de jeunes qui atteignent le niveau de l'enseignement supérieur, on a moins de décrocheurs, on en a moins qui sortent sans qualification. Alors si on se place d'un point de vue du marché du travail, on voit également dans la publication que, en général, un niveau d'éducation plus élevé permet d'avoir de meilleurs débouchés. Ç a, c'est une lecture. Mais on peut mettre en opposition à ces résultats les études PISA ou des études sur le niveau des élèves où l’on voit que le niveau des élèves baisse. On est dans cette contradiction, avec un niveau de qualification qui s’élève mais d’un autre côté une maîtrise des compétences des élèves qui diminue. En mettant bout à bout tous ces indicateurs, on arrive à de grands questionnements comme : « le diplôme permet d'avoir de meilleurs débouchés sur le marché du travail
mais est-ce que les jeunes d’aujourd’hui sont vraiment préparés à être opérationnels ? ». D’ailleurs l’une des recommandations fréquentes des études de l'OCDE est que ce n'est pas forcément la quantité d'éducation qui va faire la différence.
Il y a des grands indicateurs type, récurrents, qui ne semblent pas réserver de grandes surprises, mais peut-on imaginer de nouveaux indicateurs qui apporteraient une lecture plus probante, plus pertinente, en croisant davantage les données ou en prenant en compte de nouvelles situations ?
E. C. Disons que c'est comme dans un restaurant où vous avez des plat-signatures, ce sont les indicateurs clés qu'on publie tous les ans, mais l'objectif de cette publication c’est aussi d’avoir de l’innovation. Notre grande publication de 500 pages n'est pas facile d'accès pour quelqu'un qui n'est pas un spécialiste d'éducation, qui ne travaille pas dans la recherche. On a donc des produits alternatifs qui sont associés avec la publication. On choisit des thématiques tous les ans et on fait des petites brochures d'une trentaine de pages. On fait des notes pour chaque pays avec les problématiques qui y sont les plus saillantes et on produit différents travaux qui ont un aspect plus politique. Et puis dans les indicateurs des « Regards sur l'éducation », outre les thèmes qu'on change tous les ans, il y a quand même des nouveautés. Il est important aujourd’hui de donner ce qu’on appelle de la granularité aux données, c'est-à-dire de regarder davantage ce qui se passe dans les territoires.
Souvent, quand on parle d'un système éducatif, on a tendance à considérer que les problèmes sont les mêmes sur l'ensemble des territoires. Ce qu'on a essayé de faire dans la dernière édition, pour la première fois, c’est de travailler à la question de la taille des classes. La France a participé à cette étude et on a pu voir, par exemple, qu'il y avait certaines zones, comme la Creuse, où le défi était de garder les écoles ouvertes parce qu'on avait de moins en moins d'élèves. Et puis, a contrario, vous avez dans les grandes
villes la problématique de trouver toujours des enseignants parce qu’on est dans une démographie qui augmente. Et puis nous essayons de traiter les problématiques d'actualité comme l’an dernier avec la question de la pénurie d'enseignants à travers différents indicateurs qu'on va continuer à développer dans les années futures.
On est aussi en train de réfléchir à développer des indicateurs sur le climat, l’évolution des températures et l’impact que cela aura sur la scolarisation des élèves, notamment dans les régions qui vont être les plus chaudes. Ou encore sur l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les apprentissages. « Regards sur l'éducation », c'est une base avec un menu et des plats-signatures, mais c'est aussi une évolution pour suivre en même temps l’évolution de la société et des systèmes d’éducation.
La suite et la fin de l’entretien sont disponibles sur www.unsa-education.org rubrique Analyses et décryptages.
Le rapport annuel des regards sur l’Éducation de l’OCDE est publié chaque année dans la première quinzaine de septembre. Le rapport 2024 est téléchargeable sur : www.oecd.org/fr
Chaque année, les classements internationaux sont scrutés à la loupe par les médias, les décideurs politiques, et les acteurs de l’éducation. Ces comparaisons souvent perçues comme un moyen de mesurer la qualité des systèmes scolaires suscitent une véritable course à la performance entre pays. Pourtant, elles méritent une lecture plus nuancée. La sociologue Agnès Van Zanten, sociologue de l’éducation et directrice de recherche au CNRS, invite à prendre du recul face à ces chiffres.
En réalité, « ces classements masquent la complexité sociale » , explique-t-elle, rappelant que la réussite scolaire est en grande partie conditionnée par le milieu socio-économique des élèves, leur origine sociale, mais aussi par des facteurs culturels. En d’autres termes, les écarts de performance traduisent avant tout des disparités sociales profondément enracinées, bien plus que la seule qualité de l’enseignement. De même, « les disparités territoriales dans l’accès à une éducation de qualité, régulièrement mises en lumière pour démontrer à quel point elles influencent les résultats scolaires », ne sont pas toujours prises en compte par les critères standardisés des classements internationaux.
Une analyse qui invite à reconsidérer ou au moins relativiser la valeur qu’on leur accorde. « Ils peuvent avoir un effet trompeur, en alimentant un récit simpliste selon lequel un système éducatif serait « meilleur » qu’un autre uniquement parce qu’il obtient de meilleurs scores ». Ce type de lecture fait fi des contextes propres à chaque pays, des politiques éducatives déployées, et des inégalités structurelles.
Agnès Van Zanten met aussi en garde contre les conséquences de cette course effrénée. Sous pression pour améliorer leurs résultats, « certains établissements ou systèmes éducatifs favorisent la préparation aux tests standardisés au détriment d’une formation plus complète et inclusive. La fixation sur les performances chiffrées pousse parfois à réduire l’école à un lieu de sélection, alors qu’elle devrait être un espace d’émancipation et d’apprentissage global », prévient-elle. Cette façon de voir les choses risque d’appauvrir la
finalité de l’école, négligeant d’autre dimensions tout aussi essentielles comme la créativité, l’esprit critique ou la coopération.
Enfin, les critères standardisés, certes utiles pour comparer à l’instant T, n’auraient pas de crédibilité sur le long terme. Ainsi, une récente note de 16 pages du Haut-commissariat à la stratégie et au plan apporte les preuves que ces podiums, parfois défavorables à la France, perdent heureusement toute validité quand on cherche à évaluer les compétences des adultes.
En France, le rôle éducatif de la complémentarité entre l’école et l’animation socioculturelle, l’éducation populaire, la culture, la pratique des activités physiques et sportives pour tous les publics exigent de faire lien.
Par la construction d’une culture commune, une meilleure connaissance et reconnaissance mutuelles, des formations, l’élaboration de projets et de temps de travail partagés. En Belgique, on parle plutôt d’éducation permanente.
Il s’agit d’ une vision plus large et intégrée, qui permet aussi de revendiquer l’émancipation de toutes et tous tout au long de la vie.
En fédération de Wallonie-Bruxelles, le Service de l’éducation permanente met en œuvre une politique dont le but est de favoriser l’émancipation individuelle et collective des adultes, l’exercice des droits fondamentaux par le plus grand nombre et la participation culturelle et citoyenne. Ainsi, il soutient les associations d’éducation permanente, les associations de loisirs culturels et des initiatives portant
sur des enjeux de citoyenneté participative, les actions culturelles associatives et les expressions critiques favorisant une citoyenneté active, la diversité culturelle ainsi que le développement de la démocratie participative autour des grands enjeux sociétaux.
Enjeu démocratique
Les belges ont rendu un projet émancipateur réel et pérenne en 1976, en stabilisant le financement public des associations, et ils l’ont renforcé en 2018. Voici le 1 er article de ce décret relatif au développement de l'action d'Éducation permanente dans le champ de la vie associative : « Le présent Décret a pour objet le développement de l'action d'éducation permanente dans le champ de la vie associative visant l’analyse critique de la société, la stimulation d’initiatives démocratiques et collectives, le développement de la citoyenneté active et l’exercice des droits civils et politiques, sociaux, économiques, cultu -
rels et environnementaux dans une perspective d’émancipation individuelle et collective des publics en privilégiant la participation active des publics visés et l’expression culturelle. »
Éducation populaire à la française
« Si les belges l’ont fait, alors pourquoi pas nous ? s’interroge Aurélie Cannazzi, co-secrétaire générale du SEP UNSA. La « société émancipatrice, éducative et solidaire » que nous appelons de nos vœux ne peut exister que dans une société démocratique. Pour être démocratique cette société doit se donner les moyens de la pensée critique, du débat contradictoire et du partage du pouvoir. Notre service public d’éducation, nos syndicats et nos associations doivent plus que jamais recevoir le soutien nécessaire pour mener à bien leur mission et être les gardiens de la vitalité démocratique dont notre république a besoin.
En Finlande, les compétences psychosociales (CPS) y sont considérées comme aussi importantes que les savoirs. Matthias Quemener, directeur de l'Atelier Canopé 58 de Nevers est ancien proviseur-adjoint du lycée franco-finlandais de Helsinki. Il nous explique le cas finlandais.
Comment les CPS sont-elles intégrées dans le système éducatif finlandais ?
En Finlande, l’éducation vise le développement harmonieux de l’élève, sur le plan intellectuel, émotionnel et social. Dès les premières années de scolarité, l’objectif est de former des individus autonomes, responsables, capables de coopérer et de prendre soin des autres. Les CPS ne sont pas enseignées comme une matière séparée, mais intégrées dans toutes les disciplines et dans la vie quotidienne de l’école. Par exemple, lors d’un cours de sciences, les élèves peuvent être amenés à travailler en groupe, résoudre un conflit ou prendre des décisions collectives ce qui mobilise des CPS en contexte réel. D’autre part, les programmes nationaux finlandais, révisés réguliè -
rement, incluent explicitement les CPS dans leurs objectifs. On y retrouve des thèmes transversaux tels que le développement personnel et social, la communication et la coopération, la gestion des émotions et du stress, la pensée critique et la résolution de problèmes.
Comment les enseignant·es sont-ils·elles formé·es à cette pédagogie « altruiste » ?
Les enseignants disposent de liberté pédagogique pour adapter les contenus et les méthodes à leur classe. Tous les enseignants doivent être titulaire d’un master et leur formation comprend des modules approfondis sur la psychologie de l’enfant, la gestion de groupe, la communication bienveillante et la pédagogie coopérative. Les futurs enseignants sont formés
à reconnaître les besoins émotionnels des élèves, instaurer un climat de confiance et à soutenir le développement des CPS. Cette formation initiale est complétée par un fort accompagnement professionnel continu notamment sur la santé mentale en milieu scolaire.
En classe, comment les CPS sont-elles déployées ?
Les pratiques pédagogiques actives sont favorisées ; l’apprentissage coopératif, le cercle de parole, la pédagogie par projet ainsi qu’un climat scolaire serein. L’environnement scolaire est conçu pour soutenir le bien-être émotionnel et relationnel des enfants, un socle indispensable au développement des CPS. En effet, un travail étroit est réalisé avec les psychologues scolaires, des assistantes sociaux et des infirmiers, qui interviennent régulièrement. L’évaluation ne se limite pas aux connaissances : le bienêtre psychologique et social est également suivi. Les compétences psychosociales ne sont donc pas un supplément optionnel. Elles sont au cœur de la mission éducative et intégrées dans les programmes.
Alors que l’école française peine encore à briser les stéréotypes de genre, la Suède fait figure de référence en matière d’éducation égalitaire. De la petite enfance à l’enseignement secondaire, tout est pensé pour déconstruire les assignations sociales et offrir à chaque élève les mêmes possibilités d’émancipation. Une inspiration utile pour repenser nos pratiques éducatives.
L’égalité est un fondement du système social et éducatif suédois. Depuis 1998, la loi impose aux établissements scolaires de promouvoir l’égalité entre garçons et filles. Ce principe irrigue l’ensemble du système éducatif : objectifs pédagogiques, formation des enseignants, ressources, évaluation, pratiques scolaires, etc. L’idée n’est pas seulement de lutter contre les inégalités de traitement, mais de prévenir activement les stéréotypes de genre le plus tôt possible.
Postures pédagogiques inclusives
Dès la maternelle, les équipes éducatives sont formées à adopter des postures pédagogiques inclusives : éviter de séparer filles et garçons dans les jeux, veiller à une répartition équitable de la parole, diversifier les modèles proposés (scientifiques, artistes, athlètes de tous genres). Les enfants sont invités à explorer des activités sans contraintes de genre : une fille peut jouer au foot comme un garçon à la poupée. « On verra autant, (lors des cours de bricolage ou de couture), d’un côté, un adolescent broder son prénom
au point de croix, que de l'autre, une ado utiliser une perceuse » explique Mélanie expatriée en Suède.
Certains établissements vont plus loin et ont décidé de bannir au maximum les références masculines et féminines et pratiquent une « pédagogie neutre » : on y utilise un pronom non genré « hen » pour les enfants ou encore, on y lit des livres qui sont soigneusement choisis pour éviter les représentations stéréotypées.
Une éducation sexuelle précoce et acceptée
En Suède l’éducation sexuelle, qui ne souffre d’aucune contestation, contrairement à ce qui se passe en France, n’est pas une
matière distincte mais intégrée dans plusieurs disciplines, et ce depuis 1955 ! Elle commence dès l’école primaire et se poursuit jusqu’au lycée. Les personnels sont formés pour aborder ses sujets de manière ouverte et sans jugement. Ils recourent à des activités variées et ludiques (jeux de rôles par exemple), en s’appuyant sur des données fiables afin de dispenser des cours inclusifs qui balaient toutes les identités de genre, d’orientations sexuelles etc.
Ces politiques volontaristes valent à la Suède d’être régulièrement classée parmi les pays les plus égalitaires du monde tant sur le plan de l'éducation, que de la santé, de l'économie et de la politique.
La méthode Reggio, nom tiré de la ville italienne éponyme, doit son succès à un contexte particulier. Ce modèle pédagogique pour les moins de 6 ans traversé par la créativité, l’esthétique et la citoyenneté est effectivement unique en son genre. Il fascine, inspire mais peine à être pleinement imité.
Quand on pose la question à Émilie Dubois, maîtresse de conférences en sciences de l'éducation et de la formation à l’université de Rouen, du faible taux de dissémination de la méthode Reggio en Italie et dans le monde, cette spécialiste des pédagogies alternatives évoque tout d’abord « une atténuation du contexte » si spécifique à ce petit coin d’Emilie Romagne. « Tout un pan idéologique a en partie disparu » aujourd’hui, c’est-à-dire « toutes les valeurs philosophiques qui y prévalaient » dans les années 60.
Contre le fascisme
« Il faut offrir aux jeunes générations une chance d’accéder à l’instruction, ouvrir aux classes les moins favorisées de nouveaux horizons. Les habitants sont conscients que le manque d’éducation des classes pauvres a été un facteur de réussite pour le régime fasciste », expliquent les brochures. Une institution d’accueil des enfants d’âge préscolaire est alors créée par les habitants de cette petite commune, sur le modèle de l’autogestion. Séduit par le culot inno -
vateur de cette initiative, un enseignant, Loris Malaguzzi, reprend l’idée pour la développer à travers l’école Diana qu’il fonde en 1963.
Dès lors se déploie la méthode dite « Reggio » qui ambitionne de lutter contre toute forme de routine scolaire et de promouvoir toutes les potentialités de l’enfant. Cette pédagogie met en avant la recherche, la créativité, l’esthétique mais embrasse également une dimension sociale et citoyenne, basée sur des principes forts comme la démocratie et le droit des enfants, impliquant toute la communauté, parents et habitants.
Modèle exigeant
« C’est un modèle exigeant qui a un coût humain fort et demande beaucoup d’investissement en amont », poursuit Émilie Dubois. A raison de deux éducateurs par classe pour un effectif maximal de 30 enfants, ces écoles ont un statut municipal et promeuvent un concept si spécifique qu’il est difficile à exporter et faire vivre dans la durée. « Il y a eu une tentative de labellisation aux États-Unis mais ça n’a pas duré. Si l’investissement des parents n’est pas partagé, ça ne peut pas fonctionner. »
Toutefois, le modèle perdure… à Reggio Emilia. Une 34e école vient d’ouvrir en centre-ville. La fondation Reggio et le centre de ressources continuent d’accueillir chaque année des centaines d’enseignant·es visiteurs du monde entier.
Souvent citée en exemple, l’école allemande séduit par ses bons résultats, ses rythmes scolaires aménagés et sa formation professionnelle réputée. Mais derrière cette image valorisante, l’orientation précoce et la sélection dessinent des parcours contrastés, entre réussites et inégalités. Examinons les atouts et les limites de ces deux piliers du système éducatif.
En Allemagne, le passage de l’école primaire au secondaire se joue très tôt, généralement à l’issue de la 4 e classe, vers l’âge de 10 ans. Dès ce stade, les élèves sont orientés vers plusieurs types d’établissements : la Hauptschule , qui conduit à des formations professionnelles courtes, le Realschule , plus généraliste et technique, ou le Gymnasium , voie académique menant à l’ Abitur , diplôme de fin d’études secondaires qui ouvre
l’accès à l’université. Cette orientation, fondée sur les résultats scolaires et parfois sur l’avis des enseignants ou des familles, engage fortement l’avenir des enfants. Dans certains Länder , comme Berlin, où la demande pour le Gymnasium excède l’offre, une partie des admissions repose même sur un tirage au sort.
Si cette organisation vise à adapter les parcours aux profils des élèves, elle fait l’objet de critiques récurrentes. Le système scolaire allemand demeure l’un des plus sélectifs et socialement clivants d’Europe. À compétences égales, les enfants issus de milieux favorisés ont bien plus de chances d’accéder au Gymnasium que ceux de familles modestes. L’origine sociale pèse donc lourdement sur les trajectoires scolaires, et la promesse d’égalité des chances apparaît largement théorique. En réaction, plusieurs Länder ont introduit des Gesamtschulen (écoles intégrées) où les parcours sont plus ouverts et différés, mais ces établissements restent minoritaires et n’inversent pas la tendance générale.
Malgré ces limites, le système repose sur une forte logique de spécialisation et de structuration des parcours. Cette architecture, bien que rigide, permet une orientation progressive vers la vie active et valorise des voies autres que purement académiques.
Dès leur 10-11 ans, les jeunes Allemand.es peuvent être orienté.es dans des écoles à vocation professionnelle. Loin d’être un pis-aller, il s’agit d’une filière valorisée.
La voie professionnelle en Allemagne repose principalement (à 70 %) sur le Duale Ausbildung , qui associe un apprentissage pratique en entreprise à hauteur de 70 % et pour les 30 % restants, une formation théorique en école professionnelle. Ce cursus dure généralement entre 2 et 3 ans et demi. L’apprenti.e est rémunéré (600 à 1 200 €/mois) et passe un examen reconnu nationalement en fin de parcours.
Ce système concerne environ 50 % des jeunes, avec plus de 320 diplômes accessibles dans des secteurs variés. En comparaison, cette part est de 20 % en France, avec une orientation plus tardive. Le taux d’insertion professionnelle est élevé, plus de 80 % des jeunes sont en emploi six mois après leur formation. Environ 400 000 entreprises forment des apprenti.es, souvent avec une perspective d’embauche. Il est vrai qu’OutreRhin, elles sont partie-prenantes dans l’élaboration des formations. Il y a donc une bonne adéquation entre les cursus proposés et leurs besoins. Le jeune est ainsi recruté par une entreprise qui doit lui trouver une formation, l’inverse de la France, où, l’école intègre l’élève et lui demande ensuite de trou-
ver une place d’apprentissage.
Malgré ses atouts, le système connaît des déséquilibres sectoriels (métiers en tension comme le soin, la restauration), une forte ségrégation de genre dans les
FOCUS FOCUS
choix de filières et surtout une moindre attractivité chez les jeunes, on est passé de plus de 560 000 apprenti.es en 2007 à moins de 493 000 en 2017, qui lui préfèrent des formations plus longues.
ERASMUS+: S’OUVRIR AUX POLITIQUES
ÉDUCATIVES EUROPÉENNES PAR DES ÉCHANGES ENTRE ORGANISATIONS
SYNDICALES
L’UNSA Education a obtenu une accréditation de l’agence Erasmus +. Elle peut ainsi déposer des projets thématiques pour développer une approche comparative des politiques éducatives... Première étape: l’Allemagne. Deux voyages d’études (Bavière et Sarre) ont permis de découvrir in situ, comment un pays avancé technologiquement a mis en place des stratégies pour prendre en compte la mutation numérique.
Début février, 12 militants, issus de différents syndicats de l’UNSA Éducation, ont participé à une visite d’étude en Bavière sur le thème du numérique dans l’éducation. L’occasion d’une vision croisée, grâce au panel des métiers représentés, sur les projets pilotes mis en place dans ce land, notamment concernant l’utilisation de l’IA. À l'issue de ce séjour, le groupe a émis des préconisations pour enrichir nos mandats syndicaux. Pour aller plus loin sur le sujet :
https://nuage.unsa.org/index.php/s/ nE8REzNNSyom6mB
Maroc & pédagogie
Le Maroc fait face à des défis de taille concernant sa jeunesse. Dans les classements et évaluations internationales, son système éducatif est en bas de tableau. Pour relever le niveau, le pays s’est engagé en 2022 dans un programme innovant et prometteur : les “pioneer schools”.
Présentation et analyse.
Le Maroc, pays d’environ 37 millions d’habitants, a vu son indice de développement humain (IDH) progresser de 0,456 en 1990 à 0,710 en 2023. Mais son système éducatif reste en difficulté : 79ème sur 81 en compréhension de l’écrit (PISA 2022) ; 62ème sur 63 en sciences, 61 en mathématiques (TIMSS 2023). Le bilan n’est pas brillant malgré des progrès dans l’absolu. Pourtant les transformations sociales, notamment concernant la place des femmes, la massification de l’éducation et les aspirations d’une classe moyenne grandissante, imposent des changements et surtout l’obtention de résultats tangibles.
Dès 2022, une première expérimentation a été lancée dans 200 écoles réparties dans les 12 régions du pays. A partir de la rentrée 2023, le Maroc a mis en place le programme “Pioneer schools” dans 626 écoles publiques. Pour l’encadrer pédagogiquement et scientifiquement, l'Université Mohammed VI Polytechnique s’est associée au Laboratoire J-PAL
du MIT et au Centre de Développement International de Harvard pour créer le Laboratoire Marocain d'Innovation et d'Évaluation (MEL).
Dans les écoles primaires, le programme concerne la lecture, l’écriture, le calcul, les méthodes de réflexion et se concentre sur l’arabe, le français et les mathématiques.
Le soutien scolaire est organisé en fonction du niveau constaté de chaque élève et pas de son âge ou de sa classe (teaching at the right level, TARL)
Les six premières semaines de l’année sont entièrement consacrées à de la remédiation, du soutien, une remise à niveau. Des groupes temporaires sont constitués spécifiquement. Le restant de l’année, les classes hétérogènes sont la norme et la remédiation a lieu en dehors des horaires de classe.
Illustration de l'augmentation des résultats de 0,9 écart type sur la distribution des scores
Dans toutes les matières, l'élève moyen d'une école participant au programme obtient désormais de meilleurs résultats que 82% des élèves du groupe témoin.
Les enseignants peuvent se spécialiser dans certaines disciplines et suivent des formations. Ils sont accompagnés très régulièrement par le corps d’inspection.
Des ressources standardisées sont mises à disposition des équipes pour l’enseignement et les évaluations. Des outils numériques sont également déployés.
Des activités parascolaires sont également mises en place : robotique, sports, visites culturelles.
L’engagement des écoles est volontaire et suivi par un comité de pilotage qui délivre des certifications. Un référentiel de qualité est mis en place et utilisé par la direction de l’école.
Il y a des incitations pour les personnels (10 000 dirhams, soit environ 1 000 euros par an pour les enseignants et un avancement de carrière plus rapide) qui compensent un temps de présence supérieur (passant de 27h à 30h hebdomadaire).
Les premiers résultats sont basés sur les 626 premières écoles participantes et comparés à un groupe témoin qui n’a pas suivi le programme. De nouveaux résultats seront rendus publics au moment de la parution de ce magazine.
L'impact du programme est de 0,52 écart-type en arabe, de 1,30 écart-type en français et de 0,93 écart-type en mathématiques (voir l’illustration). C’est très significatif et le résultat le plus élevé mesuré pour un programme gouvernemental.
L’impact est encore plus significatif sur les 25% des élèves les plus en difficulté en arabe et en français.
Plus de 2000 écoles supplémentaires sont déjà concernées en 2024/2025 (atteignant ainsi 30% des écoles publiques marocaines) et l’objectif est la généralisation à la rentrée prochaine.
« En 2023, le Maroc a mis en place le Pioneer schools dans 626 écoles publiques »
Bien sûr tout n’est pas parfait et il ne s’agirait pas d’être obnubilé par les premiers résultats de ces “écoles pionnières”. La généralisation est un pas de géant à franchir. La situation du Maroc et celle de la France ne sont certainement pas comparables pour y transposer sans précaution le programme à l’identique. Néanmoins, comment ne pas apprécier la réussite à l'œuvre, la méthode scientifique rigoureuse appliquée et le passage d’une expérimentation basée sur le volontariat à une montée en charge progressive ? Si on compare à l’imposition brutale et générale de l’ensemble des mesures du “choc des savoirs” en France, qui plus est à rebours des résultats scientifiques (redoublements, groupes de niveaux) , on ne peut que se désoler d’un tel grand écart en notre défaveur.
Le laboratoire J-PAL (Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab), dirigé par Esther Duflo, est un centre de recherche mondial basé au MIT (Massachusetts Institute of Technology).Il lutte contre la pauvreté en évaluant rigoureusement les politiques publiques par des expérimentations de terrain. J-PAL collabore avec des gouvernements et ONG pour concevoir des solutions fondées sur des preuves concrètes. En Inde, J-PAL a évalué un programme de tutorat ciblé pour les élèves en difficulté, mené par l'ONG Pratham.
Maroc & pédagogie
626 écoles ont déployé le programme « pioneer schools ». Une étude du Conseil supérieur de l'éducation, de la formation et de la recherche scientifique marocain propose une lecture critique et scientifique de cette expérimentation.
En détaillant, suivant plusieurs axes, le niveau de conformité par rapport au cahier des charges initial, ce document permet de mettre en avant les disparités de situation et les difficultés de mise en œuvre, mais aussi les critères qui ont le plus de poids dans la réussite du dispositif. L’objectif final étant de réussir le mieux possible la généralisation du programme à toutes les écoles du royaume. Voici les éléments saiilants de cette première évaluation.
Chacun des trois axes (« établissement », « enseignant », « élève ») est décomposé en dimensions et sous dimensions. À titre d’exemple, on trouve la « visite hebdomadaire de l’inspecteur accompagnateur » ; une « connexion à internet dans l’établissement » ; la « formation des enseignants sur TaRL » ; la « mesure objective des acquis des élèves » . 42 items sont ainsi listés et font l’objet d’une étude. En notant sur 100 chacun des items dans chaque école et en agrégeant ces résultats, on obtient également un indicateur moyen pour chaque établissement puis un autre au niveau national.
Des disparités qu’il faudra dépasser
L’encadrement et l’accompagnement pédagogique semblent être les plus difficiles à mettre en œuvre (60/100), notamment à cause d’un manque d’inspecteurs pour assurer convenablement la visite hebdomadaire. C’est particulièrement vrai en milieu rural (47/100 en milieu rural contre 82/100 en milieu urbain).
En découle certainement une autre difficulté, « la formation et le partage des pratiques » qui peine à décoller (69/100).
On peut également noter une grande disparité dans la présence d’une « bibliothèque de classe » entre les écoles en fonction des régions.
Les progressions les plus importantes sont obtenues en mathématiques et en français et sont meilleures dans les premières années de l’école.
Le TaRL (mis en place en première période) impacte davantage les résultats que l’enseignement explicite et ses ressources associées (mis en place le reste de l’année). La difficulté semble être dans tous les cas de maintenir une progression constante dans le temps.
85 points ou plus
Entre 80 et 85 points
Entre 75 et 80 points Moins de 75 points
Disparités provinciales de l'indice global des écoles pionnières
Le rapport rappelle que le rôle des acteurs éducatifs et des parents est déterminant dans la réussite du programme des « écoles pionnières » . Cette implication reste fortement influencée par les conditions de vie et les disparités socio-économiques.
Chez nos voisins helvètes, l’apprentissage, reconnu comme la voie de la formation professionnelle par excellence, fait partie de la structure de l’appareil de formation. Ce qui a inspiré les réformes successives en France liées à l’apprentissage sans que la transposition soit toujours enviable.
Face à un taux de chômage supérieur à 20 % pour les moins de 25 ans en France fin 2024, les jeunes helvètes sont seulement 3 % sans emploi notamment grâce en partie à l’apprentissage. Mais, ces bons résultats sont à replacer dans le contexte d’un pays où la régulation du travail (temps de travail, rémunération) est faible, y compris, pour les apprenti·es.
Considérés comme des salarié·es, les jeunes sont confrontés à un marché du travail qui leur demande de négocier leur entrée dans l’entreprise comme tout autre personnel. L’apprentissage est donc fortement ancré dans le système éducatif suisse, 45 % des jeunes intégrant la formation professionnelle plus particulièrement dans sa forme duale (école – entreprise).
Les lois du marché organisent l’apprentissage. Proposer des postes d’apprenti·es est inscrit dans la culture des entreprises qui cherchent un retour sur investissement important. Au-delà de la volonté sociale de former des futurs actifs, la rentabilité permise est forte du fait du faible coût de l’apprentissage pour les entreprises.
Un·e apprenti·e suisse peut gagner moins qu’en France, tout dépend de son âge et de son métier. Ainsi un·e suisse de 18 ans pourra percevoir une rémunération allant de 850 € à 1600 € ; alors qu’en France il·elle toucherait 1200 €. Cette adaptation aux besoins des entreprises s’observe aussi dans l’adéquation des formations aux attentes des cantons.
En 2024, l’UNIA (le syndicat suisse le plus important) a enquêté auprès des apprenti·es. Les résultats mettent en évidence des conditions de travail stressantes, un manque de reconnaissance et de formation ainsi que relations humaines dégradantes qui peuvent rendre les apprenti·es vulnérables, voire malades physiquement ou psychiquement.
Malgré la volonté historique de former une main-d'œuvre qualifiée, mais aussi de maintenir la paix sociale dans un pays où les fortunes sont importantes, ce système de formation favorise une certaine reproduction sociale. Ainsi, la voie professionnelle demeure le destin probable des enfants des milieux ouvriers et employés, tandis que celui des enfants issues de famille de petit·es indépendant·es et des classes supérieures de la société se concentrent dans les filières académiques.
En France, la loi oblige l’école à accueillir tous les enfants quelle que soit leur singularité. Non sans difficultés, car cela entraîne un changement profond de la forme scolaire. Qu’en est-il au Québec ? Nous avons interrogé la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) sur le modèle qui prévaut chez nos cousins outre-Atlantique.
Comment le système québécois prend-il en charge les élèves à besoins éducatifs particuliers ?
Une loi régit cet accueil, nous les dénommons EHDAAélèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage. Elle précise qu’un accueil est possible à l’école lorsque l’évaluation des besoins et capacités a été réalisé. Cette loi utilise le mot intégration et non inclusion. La loi mentionne deux idées qui pourraient empêcher l’intégration : « la contrainte excessive » ou le fait de « porter atteinte aux droits des autres élèves ». Dans la réalité, ces deux idées ne sont pas appliquées, et les enfants sont intégrés quoi qu’il en soit. Il existe au Québec des classes spéciales (Enfants TSA, Déficit intellectuel, Troubles du comportement) au sein des
écoles, la notion d’institution type IME n’existe pas.
Existe-t-il des personnels d’accompagnement en complémentarité des enseignant.es ?
Dans ces classes, interviennent des préposés aux élèves handicapés (soin corporel, type toilette) et des techniciens en éducation spécialisée – TEC (assistant.es des enseignant. es). Les TEC sont des personnels de l’éducation nationale formés au niveau bac (scolarité obligatoire à 16 ans + 3 ans de formation professionnelle). Et évidemment, des enseignants spécialisés en adaptation scolaire.
L’accueil des enfants à besoins éducatifs particuliers est-il un vecteur de difficultés professionnelles ?
Le constat que nous faisons est, comme en France, une augmentation incessante d’élèves à besoins éducatifs particuliers, en carences éducatives repérées dès la maternelle (élèves pas propres, peu de langage, peu d’habiletés sociales), trop peu de classes spéciales, et donc des élèves perturbateurs dans les classes ordinaires. Précisons qu’il existe aussi des « écoles-hôpital » pour les élèves à pathologie lourde. Sur un million d’élèves accueillis, 25% sont repérés en difficultés. Notre syndicat est souvent alerté par des collègues démuni. es face à des élèves en crise dans leur classe. Le conseil qui leur est donné, renvoie à la loi : « sors avec tous tes élèves dans le couloir et laisse l’élève faire seul sa crise en classe » (protection et principe de ne pas porter atteinte aux droits des autres enfants). Mais ce n’est pas satisfaisant. L’intégration des EHDAA en classe régulière et la difficulté à obtenir des services pour répondre à leurs besoins sont depuis longtemps un dossier prioritaire pour la FSE-CSQ.
Concernant l’Hexagone, dans le concert des classements internationaux, voici 3 points plutôt négatifs et 3 points plutôt positifs à retenir.
Absence de continuité entre scolaire et extrascolaire
Les élèves doivent eux-mêmes faire les liens entre l’école et leurs expériences de vie — ce qui aggrave les inégalités sociales.
« Les connexions entre apprentissages scolaires et expériences extra-scolaires sont à la charge des élèves et de leurs familles, perpétuant ainsi les inégalités sociales et culturelles. » (1)
Invisibilisation des savoirs informels des jeunes
Les pratiques numériques ou culturelles des jeunes sont connues mais peu reconnues par l’École, malgré leur rôle clé dans la construction des compétences.
« Les pratiques juvéniles jouent un rôle crucial dans le développement [...] mais elles sont encore souvent associées à des représentations négatives." » (1)
Dernière de l’UE pour l'apprentissage d’un usage critique d'internet
Bonne en manipulation technique des outils numériques mais très en retard sur les usages critiques et responsables.
« Score le plus bas de l’UE pour l’apprentissage scolaire de tâches telles que détecter des arnaques ou évaluer la fiabilité des sources : 45 points contre 50 pour la moyenne » (2)
(1) Nouveaux savoirs et nouvelles compétences des jeunes - Quelle construction dans et hors de l’école ?
Dans Dossier de synthèse de la conférence de consensus du Cnesco 2024 (respectivement pp 32, 29, 58, 47)
(2) Icils 2023 - Note d’information de la Depp (respectivement pp 4, 1) 1 2 3 1 2 3
Bon niveau en littératie numérique et pensée informatique
Les élèves français ont un score dans la moyenne de l’UE concernant leur capacité à utiliser efficacement un ordinateur pour collecter, gérer, produire et communiquer des informations, et au-dessus de la moyenne pour reconnaître les aspects des problèmes du monde réel qui se prêtent à une formulation informatique et à évaluer et développer des solutions algorithmiques à ces problèmes.
« Les élèves français de 4e obtiennent des scores qui se situent dans la moyenne européenne en matière de littératie numérique (498 pour la France ; 497 pour la moyenne européenne) et au-dessus de la moyenne en pensée informatique (499 pour la France ; 483 pour la moyenne européenne). » (2)
Forte implication dans des pratiques écologiques au collège
La France se situe au-dessus de la moyenne concernant les actions menées par les collèges en faveur de l’environnement. « Selon les principaux français, 83 % des élèves de leur établissement sont encouragés à limiter les déchets et l’usage de produits plastiques jetables (moyenne : 76 %) et 77 % d’entre eux bénéficient d’activités visant à encourager les élèves à adopter des comportements respectueux de l’environnement (par exemple, affiches, dépliants) (moyenne : 79 %). Enfin, 48 % des élèves français bénéficient de jardins pédagogiques au sein du collège contre 41 % des élèves de la moyenne internationale. » (1)
Résultats encourageants en pensée créative En 2022, PISA a évalué pour la première fois la pensée créative des élèves de 15 ans en s’appuyant sur trois dimensions : leur capacité à produire des idées variées, à formuler des idées originales et à les évaluer pour les améliorer. La France se situe dans la moyenne OCDE, ce qui est une bonne nouvelle car la pensée créative est associée à toute une série d’autres aspects importants du développement et de la réussite des élèves.
« La pensée créative est mesurée à travers des tâches ouvertes où les élèves sont invités à résoudre des problèmes en sciences, en arts ou encore en littérature. Chaque tâche du test informe sur une des trois dimensions. Les performances des élèves français en matière de pensée créative sont proches de la moyenne de l’OCDE (France : 32 points; moyenne OCDE : 33 points). » (1)
Questions d'éduc. :
une revue de l'UNSA Education thématique, numérique et gratuite qui aborde sous différents angles, et avec des regards complémentaires, une question d'éducation https://www.unsa -education.com
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Comment apprendre le monde du travail ?
Combattre le racisme, l'antisémitisme : un défi permanent ? QDE 53
Précarité : vraiment une fatalité ? QDE 54
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