l’éduc’mag LE MAGAZINE DE L’UNSA ÉDUCATION
Décembre 2020
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CPPAP N° 0716 S 06569
l’Enseignement Public
4,60 €
La fédération UNSA des métiers de l’Éducation, de la Recherche et de la Culture
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de s’engager chaque jour pour l’intérêt général et le bien-être de chacun
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Directeur de la rédaction Frédéric Marchand Directrice de la publication Claire Bordas Rédactrice en Chef Aline Boussaroque Ont participé à ce numéro : Denis Adam, Christelle Alan, Carine Aoun-Boudot, Mohamed Attia, Thierry Barrere, Amaia Bernard, Claire Bordas, Aline Boussaroque, Christian Champendal, Véronique De Aguiar, Sébastien Decroix Stéphanie De Vanssay, François Dubet, Marie Duru-Bellat, Rémi Ferrières, Anne Galesne, Benoît Kermoal, Béatrice Laurent, Yannick Lavesque, Gilles Leluc, Frédéric Marchand, Claire Papeghin, Yves Paploray, Hawa Sall, Hélène Sester, Stéphanie Valmaggia-Desmaisons, Émilie Vandepœl. conception Voici des fruits des fleurs Illustration couverture Aline Boussaroque Réalisation Yellowstone-design Publicité Anat Régie • 01 43 12 38 15 Impression Imprimerie IPS Pour les personnes souhaitant s’abonner, le prix du numéro est de 4,60 €, l’abonnement annuel de 18,40 €.
C.P.P.A.P. 0716 S 06569 Dépôt légal : décembre 2020 UNSA ÉDUCATION 87BIS, AVENUE GEORGES GOSNAT 94853 IVRY-SUR-SEINE CÉDEX TEL. : 01 56 20 29 50 FAX : 01 56 20 29 89 national@unsa-education.org
unsa-education.com
L
Agir pour la reconnaissance, il est toujours temps
e contexte global est particulièrement difficile avec la conjugaison d’une crise sanitaire inédite, de la crise sociale et économique qu’elle engendre, de la menace terroriste. S’y ajoutent aussi une défiance exceptionnelle en l’exécutif et peut-être même plus largement en toutes les élites et les corps constitués dont le complotisme est l’une des expressions. C’est aussi dans le champ qui nous concerne une rupture forte de la confiance avec les personnels pour les ministres de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports d’une part et de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation d’autre part. Pourtant, dans ce climat, nous devons continuer à agir. Pour l’UNSA Éducation, c’est notre responsabilité d’organisation syndicale de ne pas abandonner les revendications, l’action syndicale pour les faire aboutir, de ne pas nous résigner. C’est notre responsabilité de ne pas basculer dans le refus des discussions même quand elles n’aboutissent pas et même quand nous ne trouvons pas d’accord. Nous ne choisissons pas nos interlocuteurs mais défendrons sans cesse nos propositions et nos revendications pour les faire avancer à court, moyen ou long terme. Il n’est pas trop tard pour obtenir des avancées importantes. Nous l’avons fait en négociant et en signant un protocole d’accord pour les personnels de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui va permettre de revaloriser significativement les carrières de nos collègues d’ici à 7 ans. Nous continuons à exiger une loi de programmation pluriannuelle pour permettre la revalorisation et la reconnaissance de l’ensemble des personnels de l’éducation. Le Grenelle de l’Éducation lancé par le ministre ne peut être seulement l’opération de communication qu’elle est actuellement dans des échanges dont on peut douter de l’intérêt réel, tellement ils sont parfois
éloignés des réalités de terrain. Par contre, dans ce Grenelle, ce sont bien les discussions de l’agenda social avec les partenaires sociaux qui doivent permettre d’avancer et que nous voulons voir aboutir sur les questions catégorielles, sur les revalorisations et les carrières ainsi que sur des sujets transversaux autour de la RH de proximité, de la formation, des conditions de travail, des réflexions sur l’encadrement, sur les collectifs pédagogiques. Pour cela, il faut de la visibilité sur la durée pour rendre concrètes les mesures de revalorisation, de formation, de carrières. Il y va de l’attractivité des métiers, il y va aussi pour les plus faibles rémunérations des personnels de catégorie B, de catégorie C ou pour les AESH ou les AED de la capacité à vivre dignement. La paupérisation d’une partie des agent·es publics·ques est dangereuse et il faut réagir rapidement. À quelques mois de la fin d’un quinquennat, qui a vu la confiance se distendre sans cesse avec les personnels de l’Éducation, il est encore possible d’apporter des éléments qui aillent dans le sens de la reconnaissance et du respect. Dans les domaines de l’Éducation nationale, la Jeunesse, les Sports, l’Enseignement supérieur, la Recherche et la Culture, l’UNSA Éducation représente des personnels engagé·es, professionnels et responsables et qui aiment leur métier. Il faut leur faire confiance, les reconnaitre et les respecter. Aujourd’hui, le lien est rompu, il reste quelques mois pour le reconstruire. L’UNSA Éducation porte des propositions en ce sens.
Frédéric Marchand Secrétaire général de l’UNSA Éducation @FMarchandfred
Retrouvez les éditoriaux de Frédéric Marchand sur unsa-education.com
l’éduc’mag n° 165 - décembre 2020 Internationale de l’Éducation
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Cent soixante cinq 6-7 • Les Brèves d’actu 10-11 • Hommage à Samuel Paty 14 • Crise sanitaire, télétravail et après ? 15 • LDG carrière, LDG mobilité : l’UNSA Éducation a pu faire évoluer les textes pour 2021
18 • 19 •
Intégration des personnels Jeunesse et Sports à l’Éducation nationale : L’UNSA Éducation et ses syndicats œuvrent, informent, accompagnent les agents La liberté d’expression ne s’apprend que si l’on s’en sert…
20-21 • 23 •
La voie pro se cherche un nouvel avenir
Quand la précarité se conjugue au féminin…
24 • Loi confortant les principes républicains : quels sont les principaux enjeux ?
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l’éduc’mag n° 165 - décembre 2020
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éducation
Le syndicat SNJSJA UNSA Éducation
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Avec plus de 20 ans d’existence, le Syndicat National des Établissements publics de Jeunes Sourds et de Jeunes Aveugles est implanté dans les instituts publics nationaux et départementaux.
attaché à l’UNSA, il défend l’ensemble des personnels de ces instituts publics, personnels garants de la qualité de l’enseignement et de l’accompagnement des jeunes sourds et des jeunes aveugles. Dans des filières scolaires très spécifiques (situées au sein des instituts), comme certaines filières adaptées au collège ou au lycée professionnel, ou dans le cadre des UEE (Unités d’Enseignement Externalisé, implantées dans les établissements de l’éducation Nationale), les instituts œuvrent à l’inclusion scolaire et professionnelle des jeunes sourds et des jeunes aveugles.
Les instituts de jeunes sourds proposent en effet des adaptations en termes pédagogiques et linguistiques respectant le choix des familles. Au niveau des jeunes aveugles, c’est l’acquisition de l’autonomie qui est l’enjeu central, en termes de déplacements, d’accès au Braille et aux enseignements adaptés. Les jeunes accueillis au sein des instituts ou dans les UEE peuvent, grâce à un accompagnement pluridisciplinaire solide obtenir des diplômes et construire un projet de vie autonome. Ceci a été rendu possible grâce à la présence au sein des instituts de personnels éducatifs, pédagogiques formés à la LSF (Langue des Signes Française), à la LfPC (Langue Française parlée complétée), au Braille et qui possèdent des diplômes spécifiques exigeants. Les personnels médicopsychologiques, les assistants de service social, les interprètes LSF, les codeurs LfPC, les instructeurs de locomotion, les assistants à la vie journalière… y sont également présents en nombre, pour rendre effectifs l’accessibilité ainsi que l’accès à l’autonomie. Le SNJSJA organise tous ces personnels. Avec eux, il défend ces instituts très particuliers, dont la légitimité est régulièrement remise en cause et qui subissent actuellement des projets de transformation importants.
Hélène Sester Secrétaire générale du SNJSJA snjsja@unsa-education.org
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MARQUISES MOOREA
TUAMOTU
TAHITI
éducation
SOCIÉTÉ
La section régionale de Polynésie La « Ora Na » à tous, quelques mots de bienvenue et d’accueil en langue polynésienne, pour vous présenter la section UNSA Éducation de Polynésie récemment reconnue comme 18è section régionale.
A
Pages UNSA Éducation coordonnées par :
Anne Gaslesne @AnneGalesne
anne.galesne @unsa-education.org
Yannick Lavesque
@Yannick_Lavesk yannick.lavesque @unsa-education.org
u sein de notre République, notre langue n’est pas notre seule spécificité. C’est aussi ce qui est beau dans un pays, la pluralité de ceux qui le composent… C’est aussi la force de l’UNSA Éducation, son rayonnement par delà les océans et ses couleurs métissées… Une première particularité, notre insularité. La Polynésie française est une collectivité d’outre mer située en plein océan Pacifique sud. Notre territoire s’étale sur plus de 5,5 millions de km2, soit l’équivalent de l’Europe. La Polynésie compte environ 276 000 habitants : Tahiti concentre la majorité de la population. Papeete est la capitale administrative, politique et économique. Notre contexte insulaire cause des discontinuités géographiques fortes. L’éloignement, la répartition des écoles et établissements sur plusieurs îles complexifient l’accompagnement des enseignants et leur fonctionnement. Au total, il y a près de 67 000 élèves pour 4 300 personnels dans le primaire et le secondaire. Une autre particularité, notre autonomie. La Polynésie dispose d’un statut d’autonomie interne qui répartit les compétences entre l’exécutif polynésien et l’état. Le gouvernement polynésien dispose de pouvoirs pour administrer des domaines tels que la santé, l’économie, l’emploi, l’environnement, l’éducation. En Polynésie, l’éducation est coadministrée avec un·e ministre de l’éducation élu·e et un Vice-Recteur
représentant le ministre de l’éducation nationale. En apparence, la situation est claire, mais cette particularité n’est pas des moindres, puisqu’elle a pour conséquence un enchevêtrement complexe de responsabilités au niveau de l’organisation scolaire. Ces éléments sont à prendre en compte dans l’exercice de l’activité syndicale. L’UNSA éducation de Polynésie, désormais section régionale de notre Fédération, représente 11 syndicats différents allant de l’agent technique aux corps d’inspection. Notre section a réalisé plus de 2000 voix aux élections de 2018 et nous sommes LA Fédération majoritaire de l’éducation y compris dans le supérieur. Dialogue, négociation, construction sont notre ADN. Nous demeurons force de proposition avec une équipe compétente, dynamique et solidaire. La crise sanitaire du COVID 19, l’ITR, l’application de la loi sur la FP ou le CIMM ont été les sujets traités dernièrement par notre bureau. L’hommage rendu à Samuel Paty par l’UNSA éducation au monument aux morts à Papeete a été un moment émouvant, sincère et partagé. Il était important pour les personnels de montrer notre solidarité, même à 17 000 km de la métropole. De nombreux dossiers attendent encore notre section et notre « TEAM » sera au rendez-vous.
Thierry Barrere Secrétaire régional UNSA Éducation de Polynésie française unsaeducpolynesie @gmail.com
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Plus forts ensemble ! Hommage à Samuel Paty, assassiné Dès le lendemain de l’assassinat de notre collègue Samuel Paty par un terroriste islamiste, l’UNSA Éducation a signé avec d’autres organisations un texte appelant à des rassemblements. Partout en France, et même au-delà des frontières du pays, les citoyennes et citoyens se sont réunis pour rendre hommage à cet enseignant d’histoire-géographie et EMC et pour rappeler aussi leur attachement à la liberté d’expression et à la laïcité, au refus de l’obscurantisme et du fondamentalisme. De très nombreux rassemblements ont eu lieu le dimanche 18 octobre ou dans les jours suivants.
Creuse.
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Bordeaux.
Nancy.
Place du Capitole, Toulouse.
Bruxelles.
Plus forts ensemble ! le 16 octobre 2020 Extraits du discours de Frédéric Marchand, Place de République à Paris le 18 octobre 2020. « Aujourd’hui, nous sommes là pour défendre la République, nous sommes là autour de l’école de la République et c’est vraiment important d’être aussi nombreuses et nombreux et de montrer notre unité et que nous ne laisserons pas celles et ceux qui veulent attaquer la République prendre le dessus et gagner. Nous sommes là pour leur montrer que nous serons plus forts et que nous nous opposerons […] Dans l’école de la République aujourd’hui, il ne faut pas céder à la peur, il faut vraiment que nous soyons unis autour de l’école de la République, que nos collègues enseignants et enseignantes puissent continuer sans peur avec notre soutien, le soutien de toute la nation à enseigner à transmettre les valeurs de la République, à les enseigner dans le cadre de la laïcité. Cette laïcité qui garantit la liberté de conscience, cette laïcité qui permet de croire et de ne pas croire et d’accueillir absolument tous les élèves quelle que soit leur religion et quelle que soit aussi l’absence de religion […] Aujourd’hui, nous ne devons pas trembler face à celles et ceux qui s’attaquent à la République, face à cet islamisme radical, face à cet islamisme politique. […]
Discours de Frédérique Marchand, place de la République, Paris.
Nous ne cèderons rien, soyons unis et nous serons plus forts. »
Nancy.
Place de la République, Paris.
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Interpro
À travers le lancement d’une nouvelle offre pour les salarié·es des Très petites entreprises (structures, commerces, associations… de moins de 11 travailleur·ses), l’UNSA entend enclencher le premier palier d’un syndicalisme plus incarné sur le terrain et davantage ancré sur le service aux salarié·es, en priorisant ceux·celles qui en ont le plus besoin. Laurent Escure, son secrétaire général, nous explique la démarche en répondant à nos questions Vous dites que le syndicalisme est mourant : provocation ou vrai constat ?
Que compte faire l’UNSA pour inverser la tendance ?
Le diagnostic est sévère, mais le pays est très fracturé. En réalité, les syndicats protègent des gens qui ont déjà une protection. En fait, le syndicalisme se porte assez bien dans les endroits où il est déjà implanté, pour de nombreux agents de la Fonction publique ou pour des salariés en CDI. Mais sa zone d’influence se réduit chaque année, avec l’affaiblissement des grandes structures d’entreprises et la parcellisation du monde du travail où on ne fait plus carrière dans la même entreprise, comme avant de père en fils.
Il faut aller à la rencontre de ces salarié·es, les moins protégé·es et leur montrer qu’on peut leur être utile concrètement : dans leur entreprise bien sûr mais plus largement dans leur vie de tous les jours. Nous avons lancé le 3 novembre dans les Hauts-de-France, une action nationale où l’on peut adhérer en trois clics, pour 2 euros par an, déduction fiscale comprise, ce qui donne droit à une couverture juridique, à des réductions sur des produits d’actions sociales ou culturelles, à des aides, à une défense du salarié.
Une plateforme numérique de services, c’est bien mais où se trouve la proximité ?
En savoir plus :
https://www.unsa.org/ Je-veux-etre-Z-aideur.html
Nous sommes en train fédérer justement une « communauté » de militant·es de terrain qu’on appelle les Z’aideurs (le terme est assez signifiant, non ?). Nous voulons bâtir patiemment un vaste réseau de solidarité, à la française puis les informer-former pour accompagner les salarié·es de TPE dans un premier temps mais vous l’aurez compris, la démarche à terme sera plus large.
Propos recueillis par :
Stéphanie Valmaggia-Desmaison @SecteurComm stephanie.valmaggia @unsa-education.org
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Fonction publique Crise sanitaire, télétravail et après ? Qui aurait pu penser que le télétravail allait connaître un tel essor en France, notamment dans la Fonction publique ? Souvent mal perçu et victime d’idées reçues, les employeurs publics, voire certain·es agent·es, y opposaient des réticences. Mais crise sanitaire oblige, cette forme d'organisation du travail s’est développée durant les confinements. Un vrai défi pour la Fonction publique tellement cette pratique est peu ancrée dans sa culture.
L
a crise sanitaire a donc accéléré le développement du télétravail. Mais sa mise en œuvre précipitée a révélé certaines failles. L’expérimentation dictée par l’urgence doit être un vecteur pour recenser, dans le cadre d’un dialogue social, les bonnes pratiques dans une perspective de qualité de vie au travail. Car si, en premier lieu, le télétravail semble avantageux sur de nombreux points (meilleure conciliation vie professionnelle/vie personnelle, gain de temps, respect de l’environnement…), il ne faut pas occulter certains aspects négatifs. Une prise de conscience et une volonté politique sont à noter. Lors du groupe de travail du 2 octobre, le Directeur de la DGAFP a relayé le souhait de la ministre de la Transformation et de la Fonction publique d’entrer dans une négociation sur le télétravail comme l’UNSA l’avait demandé.
Le dialogue social et la négociation doivent permettre de clarifier le cadre règlementaire et les droits et devoirs des employeurs au-delà des textes actuellement publiés, dont la mise en œuvre est très inégale. Le télétravail doit devenir une véritable source d’autonomie pour les agent·es public·ques. Pour l’UNSA éducation, il est indispensable que ce nouvel accord aborde : • l’usage des outils numériques dans un cadre déontologique ; • le temps de travail, le temps de connexion et le droit à la déconnexion ; • les équipements fournis aux agent·es ; • la protection de la vie privée et la sécurisation des données ; • la préservation du collectif ; • l’inscription du télétravail dans le développement professionnel continu ; • les risques associés (posture, risques psycho-sociaux…). Le télétravail doit être un levier en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en améliorant l’articulation entre vie professionnelle et vie privée. L’UNSA Éducation sera force de proposition pour nourrir cette nouvelle négociation.
Émilie Vandepoel @emilie_vande emilie.vandepoel @unsa-education.org
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Fonction publique Carrière, mobilité : l’UNSA Éducation a pu faire évoluer les textes de ligne directrices de gestion pour 2021 Toujours opposée à la loi de transformation de la fonction publique de 2019 qui supprime toute prérogative aux CAP sur les opérations de carrière et de mobilité des agents, l’UNSA Éducation a pu faire évoluer les Lignes Directrices de Gestion : les LDG mobilité et les LDG carrière (promotion et avancement). LDG Carrière : un texte qui entre en vigueur au 1er janvier 2021
LDG mobilité 2021 : des progrès mais ce n’est pas suffisant !
Le texte comporte : • un cadre commun à tous les personnels ; • 4 annexes spécifiques : • - personnels enseignants, d’éducation et PsyEN ; • - personnels administratifs (éducation nationale et Jeunesse et Sports) ; techniques, sociaux et de santé ; • - personnels d’encadrement éducation nationale et inspecteurs J&S ; • - personnels techniques et pédagogique Jeunesse et Sports. De nombreux groupes de travail avec la DGRH ont permis à l’UNSA éducation de voir intégrer des revendications : • texte établi pour 3 ans, révisable annuellement ; • envoi des résultats de promotions aux organisations syndicales représentatives en Comité technique ; • mention d’une possibilité de recours envers le tableau d’avancement et les listes d’aptitudes ; • possibilité d’être accompagné par un représentant syndical en cas de décision défavorable pour la liste d’aptitude.
Après un premier mouvement en 2020, marqué par l’absence de toute communication envers les organisations syn-dicales, le texte évolue pour adopter la même structure que les LDG carrière. La revendication insistante de l’UNSA éducation a porté ses fruits : la DGRH communiquera aux organisations syndicales les résultats des mobilités… qui sera plutôt un état des affectations observables au 1er septembre, transmis en novembre. Un réel progrès, pas suffisant toutefois pour pouvoir accompagner les collègues dès les résultats des mobilités. L’UNSA Éducation continuera de demander la transmission de ces résultats sous 48h après le mouvement. En conséquence : nouveau vote CONTRE en CT MEN et CT MESRI (Les LDG mobilité n’ont que peu d’incidences pour nos collègues de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour lesquels les mobilités restent très difficiles). Vote POUR en CTM JS car pour les personnels J&S, les LDG mobilité apportent enfin un cadre défini. Malgré les freins apportés par la loi de transformation de la Fonction publique, l’UNSA Éducation et ses 21 syndicats portent un syndicalisme au plus près des collègues, pour apporter à chacune et chacun un accompagnement tout au long de la carrière et dans leurs préoccuClaire Papeghin pations au quotidien.
Malgré ces avancées, l’UNSA Éducation a voté CONTRE en Comité technique ministériel (CTM) EN et CT MESRI pour manifester son désaccord profond avec la loi de transformation de la Fonction publique. En revanche, elle a voté POUR en CTM JS, les LDG apportant un cadre clair dont ne bénéficiaient pas les agents J&S au ministère des affaires sociales.
@ClairePapeghin claire.papeghin @unsa-education.org
Voir le Memento Mobilité :
www.unsa-education.com/MementoMa-mobilite-professionnelle
Sébastien Decroix
sebastien.decroix @unsa-education.org
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Personnels Simplification des demandes pour la prestation CESU Garde d’enfants Depuis le 1er septembre 2020, la procédure de demande simplifiée facilite vos démarches. En effet, plus besoin de fournir une attestation de garde à titre onéreux pour faire sa demande. Il suffit, en cas de contrôle, de fournir un justificatif du caractère onéreux de la garde. Le CESU est un dispositif d’aide financière pour la garde des enfants de moins de 6 ans, versé aux agents de l’ État (titulaires ou contractuels) sous forme de Chèques Emploi Service Universel (CESU) entièrement préfinancés. Il permet de financer tout mode de garde, que ce soit à domicile ou en structure collective : crèche, halte-garderie, jardin d’enfants et garderie périscolaire. Selon vos revenus, le montant de l’aide annuelle varie entre 200 euros et 840 euros par enfant à charge. La circulaire d'application au 1er septembre 2020 fixe le montant de l’aide auquel vous pouvez prétendre. Disponibles en format papier ou dématérialisé, les CESU sont délivrés par année civile, et échangeables une fois au titre de l’année suivante si l’enfant n’ a pas atteint ses 6 ans au cours de l’année.
Claire Papeghin @ClairePapeghin claire.papeghin @unsa-education.org
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Forfait mobilités durables : n’oubliez pas de faire votre demande avant le 31 décembre 2020! Le forfait mobilités durables est entré en vigueur depuis mai 2020 dans la Fonction publique de l' État. Il permet un remboursement des frais de déplacement domicile-travail à vélo ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage sur une base forfaitaire de 200 € / an. Le décret du 9 mai 2020 instituant le « forfait mobilités durables » indique que la demande doit être effectuée avant le 31 décembre 2020 pour bénéficier du forfait pour les déplacements de l’année 2020. De plus, il faut attester sur l'honneur que vous utilisez votre cycle au moins 100 jours dans l'année. Les circulaires d’application ont été publiées dans les académies. Certaines prévoient une diminution du forfait : à titre exceptionnel, pour l’année 2020, le montant du forfait et le nombre de jours minimal peuvent être réduits de moitié, 50 jours et 100 €. En contrepartie, il est possible de bénéficier pour 2020 à la fois du versement du forfait mobilités durables et du remboursement des frais de transport à condition que les versements concernent des périodes distinctes. En effet, le dispositif retenu ne prévoit pas la possibilité de cumuler l’indemnité de remboursement des transports publics et l’utilisation du vélo pour les déplacements « domicile-travail». L’UNSA demande que le cumul soit possible pour les agent·es publics·ques. Nous revendiquons également que le montant du forfait atteigne 400 € , montant permis pour les autres employeurs.
Hawa Sall @sall_hawa hawa.sall @unsa-education.org
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Personnels & Éducation Jeunesse & Sports
Intégration des personnels Jeunesse et Sports à l’ Éducation nationale : L’UNSA Éducation et ses syndicats œuvrent, informent, accompagnent les agents L’UNSA Éducation, favorable à l’intégration des missions Jeunesse et Sports au MENJS, a œuvré pour que celle-ci se fasse dans de bonnes conditions pour les agents. Le protocole RH, signé par l’UNSA Éducation en mars 2020, offre aux agents des garanties indemnitaires sans limite de temps, avec notamment un CIA (1) en 2021 au minimum égal à 2020 et une négociation annuelle sur l’évolution des primes. Un protocole RH qui offre les mêmes garanties aux agents qui exercent en administration centrale est en cours de signature. L’UNSA Éducation reste vigilante sur les moyens et équipements transférés et appelle à ne pas précipiter les déménagements éventuels. Point d’alerte cependant : alors qu’un dialogue social préparatoire de grande qualité est mené avec le MENJS, nous constatons un manque criant d’informations des agents sur le terrain. C’est, encore une fois - et pour la dernière fois - une illustration de l’absence totale de considération dont bénéficiaient les agents Jeunesse et Sports dans leur ministère actuel. L’UNSA Éducation et ses syndicats Jeunesse et Sports sont à disposition de tous les agents Jeunesse et Sports pour les informer, les rassurer, les accompagner lors de ce changement de ministère, et après. N'hésitez pas à nous contacter ! (1)
CIA : Complément indemnitaire annuel
> Adresse de contact : fp@unsa-education.org
Yves Paploray @YvesPaploray yves.paploray @unsa-education.org
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Les futures instances de dialogue social Jeunesse et Sports Le CTM JS sera maintenu et traitera également des questions HSST (hygiène santé sécurité au travail) pour lesquelles des experts seront convoqués. La DGRH organisera des groupes de travail spécifiques HSST. Cela préfigure des futurs CSA et FS ( 2 ) spécifiques Jeunesse et Sports en 2023. En région académique, les instances de références seront les CTA et CHSCTA. Un comité de suivi spécifique pour les personnels Jeunesse et Sports, présidé par le recteur de région académique et le DRAJES, se réunira régulièrement et remontera ses conclusions aux CTA et CHSCTA ainsi qu’au niveau national. L’UNSA Éducation se félicite du maintien du CTM JS et veillera à ce que la représentativité actuelle de jeunesse et sport soit respectée pour composer les comités de suivi. ( 2 ) CSA
et FS : Comité social d’administration et Formation spécialisée
Sébastien Decroix sebastien.decroix @unsa-education.org
Éducation
La liberté d’expression ne s’apprend que si l’on s’en sert… Dans une société où l’on donne peu la parole aux enfants et aux jeunes, l’École et les lieux d’Éducation populaire doivent ouvrir des espaces et des occasions pour qu’ils exercent leur liberté d’expression. En effet, des « leçons » sur la liberté d’expression n’auraient pas grand sens, c’est en ayant l’occasion de la pratiquer que l’on peut la développer. Cela suppose un fonctionnement de la structure qui prévoit que la parole des enfants et des jeunes soit sollicitée, accueillie, entendue, tant de façon formelle (via des temps dédiés institutionnalisés) qu’informelle au fil des événements ponctuant la vie collective. On pense souvent, et à raison, qu’il est central que des médias « scolaires » ou « jeunes » soient développés, mais une structure et des adultes à l’écoute de ceux qu’ils éduquent est un préalable. Pour l’UNSA Éducation, l’émancipation de chacun·e est au cœur de la mission éducative.
À ce titre, nous revendiquons une éducation permettant à toutes et tous de se construire une pensée et une réflexion propre. C’est pourquoi nous siégeons à « L'Observatoire des pratiques de presse lycéenne » et au Conseil d’orientation et de perfectionnement du Clemi (Centre pour l’éducation aux médias et à l’information). L’Observatoire mène un travail de fond sur les journaux lycéens et produit des publications pour créer, accompagner un journal lycéen à partir de la rubrique « Je suis » de leur site. Le Clemi s’adresse à tous les âges et a des correspondants dans chaque académie qui peuvent accompagner la création de médias scolaires (journal, blog, webradio).
L’Observatoire des pratiques de presse lycéenne est un collectif de 30 organisations du monde éducatif (dont L’UNSA Éducation et le SNPDEN UNSA) et de la presse, qui se mobilise pour soutenir le développement de médias lycéens libres et responsables. Il peut être saisi comme médiateur quand un journal lycéen rencontre des difficultés ou est victime de censure. Il produit des brochures et des mémos disponibles gratuitement en ligne sur les aspects légaux et déontologiques ainsi que des repères pour accompagner les rédactions lycéennes.
Stéphanie de Vanssay @2vanssay stephanie.devanssay @unsa-education.org
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Éducation La « voie pro » se cherche La transformation de la voie professionnelle (TVP) a été lancée à la rentrée 2019 avec l’objectif sur trois ans de la rendre plus attractive, d’améliorer les enseignements et de les adapter aux évolutions des métiers et des territoires. Mohamed Attia, délégué national « voie pro » du SE UNSA et coordonnateur pour l’UNSA Éducation au sein du comité de suivi, répond à nos questions. Gilles Leluc : Comment se passe la mise en place de la réforme dans les établissements ? Mohamed Attia : La rentrée a été confuse. La crise sanitaire a bousculé les habitudes de travail et, en bout de chaîne, les enseignants ont dû faire face à de multiples défis dans une véritable cacophonie gouvernementale d’ordres et de contreordres. À la grande fatigue des personnels, parfois au bord de l’épuisement, s’ajoute la pression de cette transformation de la voie pro où de nouvelles données comme le développement de l’apprentissage sont venues alourdir la charge de travail déjà conséquente.
G.L. : Revenons sur le comité de suivi du 7 octobre dernier. Quels points de blocage et quelles avancées avez-vous pu constater ? M.A. : Le dialogue est souvent de bonne facture mais il y a un manque de clarté et quelques tensions sur certains sujets comme la suppression de la certification intermédiaire ou encore la période de formation en milieu professionnel (PFMP). Un consensus est apparu chez les représentants des personnels sur la question des moyens car il est clair pour nous qu’ils ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Les DHG n’ont pas été suffisamment abondées en matière d’heures complémentaires. De plus, les grilles horaires ne tiennent pas compte des besoins des matières générales pour la réalisation du chef d’œuvre en bac pro. Enfin, les collègues ont besoin de temps de concertation, notamment pour la co-intervention. Le déploiement de la réforme sur tous les niveaux l’an prochain fait craindre le pire en termes de charge de travail et de constitution des emplois du temps. Il conviendrait donc de passer à la vitesse supérieure en actant l’allocation de moyens substantiels en temps et en argent afin d’assurer un cadre apaisé et susciter l’adhésion de tous les personnels.
G.L. : Où en est-on sur la carte des formations et les diplômes ? M.A. : Le ministère se félicite du transfert de places de certaines filières vers d’autres mais nous doutons de leurs effets positifs dans certaines familles de métiers comme GATL (gestion et administration des transports et de la logistique) ou Travaux publics qui peinent toujours à être attractives. Il y a aussi une tendance à la coloration des diplômes pour s’adapter aux réalités économiques locales. Des dizaines de démarches ont été mises en œuvre sur le territoire mais la répartition de ces expérimentations est très inégale. Nous avons demandé à ce qu’une note de service puisse cadrer ces colorations.
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Éducation un nouvel avenir
G.L. : Vous évoquiez l’apprentissage. Que peut-on en attendre de la réforme sur ce point ? M.A. : L’expression « mixité des publics » inquiète les collègues. Avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui redonne aux branches professionnelles une prééminence sur l’apprentissage, nous craignons un développement non maîtrisé de celui-ci. La rémunération et la prise en charge des apprentis ne sont pas cadrées nationalement ; on constate des situations variables d’une académie à l’autre et parfois même d’un établissement à l’autre. Des garanties d’équité en termes de rémunération doivent être apportées. Les conditions de travail ne sont pas non plus toujours satisfaisantes. Les collègues craignent que leur statut soit remis en cause. Les PLP doivent être confortés dans l’exercice de leur métier par le biais d’outils et de formations adaptés à cette pédagogie singulière de l’alternance. Le développement de cette voie de formation doit se faire dans la transparence, en complémentarité avec la formation initiale qui reste de loin le premier pourvoyeur de bacheliers professionnels et de titulaires du CAP. Le prochain comité de suivi sera entièrement consacré à l’apprentissage où l’on fera aussi le point sur les PFMP et le CAP 3 ans.
La TVP en 12 points clés Des campus d'excellence ancrés dans les territoires. Un appel à projet PIA3 doté de 50M d'euros en faveur de la voie professionnelle. De l’apprentissage dans tous les lycées professionnels. Le développement des formations tournées vers les métiers d'avenir. La transformation progressive et accompagnée des filières peu insérantes. Un partenariat renouvelé avec les entreprises pour l'insertion des jeunes. Un CAP en 1, 2 ou 3 ans en fonction du profil et des besoins de l'élève. Les taux d'insertion de chaque formation rendus publics pour éclairer le choix des familles. Une Seconde professionnelle organisée par familles de métiers, pour un parcours plus progressif et plus lisible (9 familles actuellement mais 14 à terme). Des enseignements généraux contextualisés et mieux articulés avec les enseignements professionnels grâce à de la co-intervention de professeurs de chaque champ. En classe Terminale, le choix offert entre un module insertion professionnelle et un module poursuite d'études. Réalisation d'un chef-d'oeuvre présenté au baccalauréat professionnel.
De la philosophie dans la TVP. De quoi s’agit-il ? Une des annonces marquantes du dernier comité de suivi a été la possibilité de mettre en place des « ateliers de philosophie » à la place de la co-intervention en Terminale bac pro. Dans le cadre de l’autonomie de l’établissement, la co-intervention pourra être maintenue ou remplacée par un atelier de philo voire un module de renforcement pour certaines disciplines. Un initiative qui va dans le bon sens, avec des « si »… Voir l’article publié sur le site du SE-UNSA : > Adresse de contact : fp@unsa-education.org
Gilles Leluc gilles.leluc @unsa-education.org
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Éducation Co-éduquer aujourd’hui La co-éducation est essentielle pour la réussite des élèves. Elle a été dénoncée par certains suite à l’assassinat de notre collègue Samuel Paty, mais ne nous trompons pas de combat. Soyons clairs face aux ingérences et demandes de certains parents. La liberté pédagogique doit être rappelée, défendue. En même temps, nous avons besoin des parents et d’inscrire la co-éducation dans la réalité des pratiques, mais, en aucun cas, cela ne signifie que les parents ont leur mot à dire sur le contenu des enseignements. C'est bien un lien de confiance qu'il faut rechercher. Pour l’UNSA Éducation, les parents sont les partenaires premiers et des membres indispensables de la communauté éducative. Le bien-être et la réussite des élèves impliquent une coopération au-delà de la sphère scolaire.
À
Témoignage d’Amaia, directrice d’une maternelle REP et représentante des Parents d'élèves en collège.
l’école, je travaille beaucoup sur la co-éducation. Dans le cadre du projet d’école, nous avons élaboré un projet qui prévoit des temps d’échange avec les parents d’élèves. Nous permettons aux parents de venir voir les enfants en classe sur une demi journée. Ensuite, pendant la récré, nous échangeons sur ce qu’ils ont observé en classe. Cela leur permet de mettre du sens derrière le mot « école ». On leur explique pourquoi on apprend en jouant, ce qui n’est pas une évidence pour tous les parents. Parler des programmes nous permet de poser un cadre : il y a une méconnaissance des programmes et des attendus en maternelle. Des partenaires locaux, ainsi que l’IEN de la circonscription, sont invités à participer à ces demi journées. Ces moments sont très riches pour les équipes enseignantes qui ne voient certains parents que lors de ces demi journées. Nous constatons que certaines familles deviennent intrusives. Mais avec une école « fermée », on peut se retrouver avec des parents en opposition. Il faut absolument trouver le juste milieu. On ne doit pas accepter les intrusions de certains. Tout le monde pense qu’il peut parler de l’école car on est tous passés par l’école. Certains essaient d’imposer leur vision. Mais être fermé envers les familles n’est pas la solution. Certaines écoles ne s'ouvrent pas aux parents, ce qui conduit à un climat conflictuel. Du côté vie personnelle, je suis également représentante de parent d’élève (RPE) dans le collège de ma fille. Je constate que certains parents ont une véritable méconnaissance des missions et rôles des personnels du collège. Je regrette que certains RPE se perçoivent comme « patron des profs » ou soient dans l’opposition, pensant qu’ils ont une meilleure connaissance des choses. Ils sont trop exigeants envers les personnels et cela conduit à un manque de confiance. La coéducation est compliquée pour certains personnels et certains RPE mais elle est essentielle. » Hawa Sall @sall_hawa hawa.sall @unsa-education.org
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Société Égalité
Quand la précarité se conjugue au féminin… Il aura fallu une crise sanitaire sans précédent pour éveiller une conscience collective sur l’extrême précarité des femmes. es dernières données statistiques nous permettent de savoir que 67 % des travailleurs pauvres sont en fait des femmes et le « travailleur précaire » est généralement une femme jeune, urbaine à la tête d’une famille monoparentale (1). Une précarité qui revêt plusieurs facettes toutes intrinsèquement liées aux inégalités de genre. Ainsi, les femmes occupent en grande majorité des emplois peu valorisés et mal payés mais dont l’importance s’est avérée paradoxalement ces derniers mois, tout à fait capitale au bon fonctionnement du système de santé, de la grande distribution et finalement, à la survie de tout un pays. Ces femmes sont également à 85 % à la tête de familles monoparentales et elles cumulent alors bas salaire et temps partiel contraint ce qui ne leur permet pas de s’insérer durablement sur le marché du travail. Ainsi, elles représentent environ les trois quarts des bas salaires. Mais cette précarité pèse comme une double peine pour les femmes qui, arrivée à l’âge de la retraite, perçoivent une pension en moyenne inférieure de moitié à celles des hommes dans le secteur privé et de 20% dans le public. (1)
« Femmes et précarité » une note de Dominique Meurs pour la Fondation Jean Jaurès
https://jean-jaures.org/nos-productions/femmes-et-precarite (2)
« Pacte pour lutter contre la précarité des femmes » :
Pour l’UNSA Éducation, il est urgent de lutter contre la précarité des femmes. Des solutions existent et le laboratoire de l’égalité propose dans son « pacte pour lutter contre la précarité des femmes » lancé en juillet 2020 ( 2 ), un ensemble de préconisations spécifiques concernant le temps partiel, la monoparentalité et l’emploi des femmes. Mais ces propositions ne pourront être efficaces que si elles s’inscrivent dans une politique globale de lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes au travail et dans la vie quotidienne. Les stéréotypes de genre sont encore bien trop ancrés dans les mentalités et concourent à l’ensemble des inégalités de genre. Pour notre fédération, le rôle de l’École est donc essentiel dans l’apprentissage dès le plus jeune âge de l’Égalité entre les filles et les garçons. L’enjeu est de taille dans un contexte où la crise sanitaire et ses conséquences économiques risquent d’impacter davantage les femmes si des mesures spécifiques ne sont prises rapidement.
Carine Aoun-Boudot @carineaoun1 carine.aoun-boudot @unsa-education.org
https://www.laboratoiredelegalite.org/2020/07/09/retour-sur-lelancement-du-pacte-pour-lutter-contre-la-precarite-des-femmes/
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Société Laïcité
Loi confortant les principes républicains : quels sont les principaux enjeux ? Le texte du projet de loi, riche de 57 articles, a été présenté au cours du mois de novembre, puis lors du conseil des ministres le 9 décembre 2020, jour anniversaire de la promulgation de la loi de 1905. Il doit maintenant être examiné au début de l’année 2021 par les parlementaires. Avant même sa publication, ce projet de loi avait fait couler beaucoup d’encre. L’assassinat de notre collègue Samuel Paty le 16 octobre en a profondément modifié le contenu. Quels sont les principaux enjeux de ce texte destiné à renforcer les principes républicains dans notre pays ? e projet de loi avait été annoncé dans un discours du chef de l’État le 2 octobre dernier aux Mureaux (Yvelines). Emmanuel Macron voulait un texte renforçant la lutte contre les séparatismes et mettant en valeur la défense du principe de laïcité, rempart essentiel favorisant la cohésion de la société. Finalement, le terme de « séparatisme » même au pluriel, n’apparaît pas dans ce projet de loi, en raison de son ambiguïté. Celui de « laïcité » n’est pas présent non plus, mais il s’agit bien de mesures qui doivent permettre le renforcement de ce principe constitutionnel. Ainsi, la neutralité religieuse est améliorée dans toutes les activités de l’état, y compris dans les commandes publiques ou les actions d’organismes concourant à l’exécution d’un service public. De même, certaines modifications de la loi de 1905 sont destinées à fournir un cadre plus restrictif aux associations, en particulier celles qui gèrent un lieu de culte. Un contrôle plus strict en particulier au niveau financier sera permis. Beaucoup de ces nouvelles mesures sont destinées à éliminer les expressions et les actions de l’islamisme radical qui a pu s’exprimer dans certaines structures mal encadrées. Ainsi, la provocation à la haine commise dans un lieu de culte est passible d’une peine de prison plus lourde.
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Dans le domaine éducatif, c’est avant tout la fin de la scolarisation à domicile qui est prévue : sauf rares exceptions, les enfants de 3 à 16 ans ne pourront plus être instruits à domicile. Ici encore, ce sont des formes d’endoctrinement fondamentaliste religieux qui sont visées : même si on ne dispose que de peu de données factuelles, on constate cependant depuis quelques années une augmentation de ce phénomène. Enfin, deux nouveaux délits ont été créés, à la suite de l’assassinat de Samuel Paty : l’un concerne la mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations sur sa vie privée ou professionnelle, l’autre vise à protéger les agent·es chargé·es du service public de toute menace, violence ou intimidation. Les sanctions prévues pour ces deux délits sont très lourdes. Ce projet de loi qui se focalise sur des mesures d’ordre public va dans le bon sens sur de nombreux points. Mais la stratégie d’ensemble voulue par le Président de la République doit impliquer également une attention particulière à d’autres mesures visant à renforcer la cohésion nationale et le renforcement des principes républicains.
Benoit Kermoal @enklask1 benoit.kermoal @unsa-education.org
– Unicorp.fr – © PHOTO : Shutterstock – Septembre 2020– 14799
Insultes, agressions, accidents… contre les risques du métier, vous avez prévu quoi ?
MÉTIERS DE L’ÉDUCATION www.autonome-solidarite.fr www.maif.fr/offreeducation
Société Laïcité
Les milices d’extrême droite, principale menace terroriste aux États-Unis « Proud Boys, stand back and stand by » (« Proud Boys, restez en retrait et tenez-vous prêt »). Alors interrogé lors du débat de l’élection présidentielle sur le fait qu’il condamne ou non les milices armées aux États-Unis, la réponse de Donald Trump est floue. Pour l’UNSA Éducation, la réponse est claire : il faut lutter face à l’extrême droite et ses idées nocives pour la démocratie. ors de la campagne et à l’image de son mandat, Donald Trump a contribué à alimenter les peurs, les divisions et les violences. Le succès de Joe Biden rassure mais ne règle pas la montée de l’extrême droite. Oath Keepers, Wolverine Watchmen, Proud Boys… Des milliers d’américains appartiennent à des milices lourdement armées et majoritairement d’extrême droite. Le refus du président de les condamner clairement n’est ni une première ni un accident, loin de là. Les groupes armés, aux idéologies et aux motivations variées, ne sont pas nouveaux. Mais, ils ont bénéficié d’une marge de manœuvre plus grande avec l’arrivée de Donald Trump. Plusieurs milices ont gagné en visibilité en participant au rassemblement d’extrême-droite « Unite the Right » de Charlottesville, en Virginie en 2017, aux manifestations contre les mesures de confinement pour lutter contre le coronavirus au printemps, ou depuis cet été lors des protestations contre les brutalités policières. Début octobre, treize membres des Wolverine Watchmen ont été arrêtés, car ils projetaient de kidnapper la gouverneure démocrate du Michigan.
En septembre dernier, le directeur du FBI a estimé que les milices d’extrême droite constituaient l’une des principales menaces pesant sur les états-Unis. Elles sont régulièrement listées parmi les groupes prônant la haine raciale par le Southern Poverty Law Center, une association de veille de l’extrémisme, et qualifiées de « suprémacistes blancs extrêmes » par l’Anti-Defamation League, la principale association américaine de lutte contre l’antisémitisme et le racisme. Plusieurs membres ont des liens avec les mouvements néo-nazis, ou considèrent les forces de l’ordre comme des agents d’un gouvernement autoritaire, d’autres souhaitent une révolution nationale ou une guerre raciale. Ils sont également sensibles aux thèses du mouvement complotiste Qanon. Cette extrême droite est de plus en plus imitée par d’autres mouvements en France et en Europe . L’UNSA Éducation reste et restera opposée à l’extrême droite et ses idées dangereuses pour nos valeurs démocratiques. Pour garantir la démocratie, la liberté, le bienêtre et la paix : restons attentif·ves !
Rémi Ferrières remi.ferrieres @unsa-education.org
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Démocratie et École en interdépendance Depuis les années 1960, le système scolaire s’est massifié, en portant trois promesses. L’École démocratique de masse devait être plus juste et moins inégalitaire que la vieille école républicaine. Cette école devait aussi développer les compétences, favoriser la croissance et être utile à tous les élèves. Enfin, elle devait favoriser la confiance et l’adhésion aux valeurs de la démocratie. François Dubet et Marie Duru-Bellat proposent dans « L’École peut-elle sauver la démocratie ? » ouvrage paru en septembre 2020, de faire un bilan de ce processus de massification, en dépassant le seul aspect quantitatif. Car certes, il y a aujourd’hui huit fois plus de bacheliers qu’il y a soixante ans, mais les effets sont ambivalents du point de vue des individus. école démocratique de masse a sans doute réduit les inégalités scolaires, mais elle a surtout transformé le mode de production de ces inégalités en accentuant la compétition dé-gageant des vainqueurs et des vaincus de la massification. La multiplication des diplômes a également creusé les écarts, depuis les plus rentables jusqu’à ceux qui n’apportent plus grand chose. La hausse du niveau de diplômes n'a pas assuré à tous une meilleure insertion professionnelle, et l'ascenseur social donne au contraire le sentiment d'être en panne. Enfin, loin de faire progresser la confiance envers les institutions
démocratiques, l'école nourrit chez les perdants de la compétition scolaire le ressentiment : ceux qui pensent que l'école les a méprisés et exclus finissent par rejeter les valeurs démocratiques qu'elle promeut. Le succès de l'autoritarisme, de la démagogie ou de l'indifférence politique en témoigne. Bref, le long processus de massification scolaire n'a pas eu que des conséquences heureuses. En définitive, la massification scolaire a été très favorable aux vainqueurs, beaucoup moins aux vaincus. Or les inégalités scolaires ne sont pas seulement une injustice ; leurs effets menacent la cohésion sociale et la démocratie elles-mêmes. L’égalité des chances ne peut pas être notre seul idéal de justice.
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Questions à François Dubet et Marie Duru-Bellat > Votre bilan est assez nuancé, finalement
est-ce que l’École est moins injuste qu’avant ? Si nous comparons l’école d’aujourd’hui à celle qui a précédé le processus de massification à l’aube des années 1960, il est évident que notre école est beaucoup moins injuste, en dépit de l’image enchantée de l’école républicaine que nous avons parfois. En 1950, un Français sur deux n’avait pas le Certificat d’études Primaires. À de rares exceptions près, un enfant d’ouvrier ou de paysan jugé excellent par son instituteur avait beaucoup moins de chances d’entrer au lycée qu’un enfant de cadre tenu pour médiocre ; les filles et les garçons restaient séparés à l’école et orientés en fonction de leur sexe. Bref, pour l’essentiel, la naissance déterminait totalement l’accès aux études longues. Pourtant, cette école a été perçue comme plus juste que la société parce qu’elle était commune jusqu’à 12 ans, parce qu’elle autorisait quelques promotions exceptionnelles et parce que les diplômes n’avaient pas le même poids qu’aujourd’hui. Avec la massification, l’accès aux études longues a été considérablement ouvert : le bac n’est plus un privilège « bourgeois », le nombre d’étudiants a été multiplié par huit, et donc, globalement, les inégalités d’accès au lycée et à l’université ont été considérablement réduites même si les comparaisons internationales montrent qu’elles restent particulièrement élevées. Pourtant, paradoxalement, notre école est souvent perçue comme plus injuste. Alors que dans l’ancien système la naissance fixait directement les parcours scolaires, aujourd’hui, tous les élèves restent plus longtemps dans la même école où ils seront « triés » et orientés en fonction de leurs performances. La production des inégalités s’est déplacée à l’intérieur même de l’école et elle se déploie tout au long des parcours en fonction des performances, des filières, des options, des établissements, des sélections qui, à terme, reproduisent les inégalité sociales. Mais comme tous ces processus relativement fins se déroulent au sein même de l’école, on peut finir par accuser l’école de trahir la promesse de l’égalité des chances. L’école de masse est donc moins injuste que l’école républicaine traditionnelle, mais elle est vécue comme plus injuste parce que le « tri » des individus de fait dans l’école, mais aussi parce que les diplômes étant plus décisifs aujourd’hui qu’hier, les inégalités scolaires déterminent le destin social des individus. Ceci apparaît comme d’autant plus injuste que, héritiers des « Lumières » et de la République, nous croyons que l’éducation seule peut changer la société.
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« La massification scolaire a été associée à un affaiblissement de sa capacité éducative » avez-vous écrit, soit une éducation populaire affaiblie, et une école repliée sur ses fonctions instrumentales. Un des leviers de transformation n’est -il pas dans une réconciliation des complémentarités éducatives ? La massification scolaire initiée dans les années 1960 a été justifiée avant tout par des considérations économiques : l’économie était en pleine expansion et il fallait lui fournir les compétences nécessaires. De plus, l’efficacité semblait pouvoir se conjuguer avec l’équité : en ouvrant l’école, on allait pouvoir non seulement y accueillir des enfants qui en étaient jusqu’alors exclus de par leur milieu social mais puiser dans un vivier de talents bien plus large. Pourquoi pas, tant que la croissance des emplois coïncidait avec la croissance des flux scolaires ? Mais dès lors que les emplois accessibles restaient très inégalement attractifs, comment éviter que les parents ne fassent pas tout, avec les moyens inégaux dont ils disposent, pour pousser leurs enfants vers les diplômes les plus « porteurs » pour les meilleurs emplois ? Cette sélection scolaire et sociale s’est faite plus sévère au fur et à mesure que la croissance marquait le pas et que croissait le chômage des jeunes ; les attentes instrumentales par rapport à l’école se sont elles aussi durcies : il fallait faire des études rentables, y compris en mobilisant des comportements relativement aberrants ou moralement douteux (choix d’établissement ou d’options purement stratégiques), avec, chez les élèves, une montée de l’utilitarisme pouvant aller de pair avec un relatif désintérêt pour les contenus. Au niveau de la société, l’inflation des diplômes entraîne leur dévaluation : plus répandus, il en faut plus pour avoir la même chose. Et les derniers de la classe sont particulièrement pénalisés. Dans une société où le diplôme est omniprésent, les inégalités scolaires et sociales s’accentuent entre les plus diplômés, ceux qui le sont moins et ceux qui ne le sont pas. De plus, alors que l’école maintient une certaine capacité éducative pour les jeunes les plus scolarisés, cette influence éducative décline pour les perdants de la massification qui, non seulement adhèrent moins aux valeurs de l’école, mais adhèrent plus souvent que les autres aux valeurs antidémocratiques. On peut estimer qu’il y a là le résultat d’une dominance de la fonction de sélection de l’école, sur sa fonction fondamentale d’éducation de tous. De fait, l’inégalité entre les emplois vient pervertir très largement la vocation éducative de l’institution scolaire au profit d’une sélection calée sur la hiérarchie des emplois.
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Quelle part peut prendre une organisation syndicale, telle que la nôtre, inscrite dans le réformisme, pour contrer les inégalités éducatives ? Au-delà de la défense des intérêts des professionnels, un syndicat devrait prendre en charge la question de l’égalité des chances, pour la promouvoir, et aussi pour en combattre les effets négatifs. Promouvoir l’égalité des chances suppose d’accroître l’efficacité et l’égalité de l’offre scolaire, notamment à l’école élémentaire et au collège, afin de réduire le nombre d’élèves qui échouent précocement. Ceci implique de renforcer très sensiblement la qualité de la formation professionnelle des enseignants, mais aussi de résister aux mécanismes de séparatisme scolaire qui conduisent à regrouper les bons élèves dans certains établissements et, par conséquent, les moins bons dans d’autres établissements. Ce n’est pas simple car la carte scolaire est-elle même ségrégative, et parce que les familles qui le peuvent préfèrent l’inégalité pour leurs enfants. On pourrait aussi permettre aux équipes éducatives d’être plus homogènes, plus stables, plus autonomes et plus efficaces comme le montrent bien des établissements « expérimentaux » qui réussissent. De manière générale, une école efficace est plus juste qu’une école efficace pour certains et beaucoup moins pour d’autres. Cependant, l’égalité des chances n’est pas l’alpha et l’oméga de la justice scolaire car cette conception de la justice oblige à distinguer les « vainqueurs » et les « vaincus » d’une compétition, fut-elle équitable. Se pose alors la question de ce qui est dû aux vaincus, même si le nombre d’enfants défavorisés accédant aux grandes écoles finissait par s’élever. Or cette question est relativement absente en France où l’on mesure volontiers l’égalité des chances à l’aune des seules élites scolaires. Contre ce tropisme élitiste, il faudrait développer les formations professionnelles utiles aux élèves, en alternance ou non, afin qu’ils soient armés pour entrer dans la vie et qu’ils ne soient pas définis et orientés en fonction de leurs seuls échecs. Peut-être aussi faudrait-il ne pas tenir le mérite scolaire pour la totalité du mérite, d’autant plus que nous savons que le niveau réel des compétences manifestées par les adultes dans la vie quotidienne est bien moins corrélé avec le milieu social d’origine que ne l’est le niveau scolaire. Il faudrait donc aussi alléger l’emprise du diplôme sur l’accès à l’emploi. En effet, nous savons que plus l’emprise du diplôme est élevée dans une société, plus les inégalités scolaires sont fortes. Contre ce mécanisme, nous pourrions diversifier les types de formation, multiplier les possibilités de retour en formation, afin que tout ne soit pas joué à 16 ans.
Les auteurs François Dubet et Marie Duru-Bellat sont tous deux sociologues, professeurs émérites. Pour l’un à l’Université de Bordeaux, pour l’autre à Sciences-Po Paris. Ils ont publié ensemble et séparément de nombreux ouvrages s’intéressant à l’École, aux familles, à la jeunesse, à l’orientation, à la méritocratie, aux inégalités de réussite, aux changements attendus en Éducation.
Voir la vidéo vendredi lecture https://youtu.be/K8EqHxE9DpQ
Voir le 5 minutes pour comprendre https://youtu.be/ljTm7hsX9U4
Écouter le podcast https://soundcloud.com/user-104363917/ democratie-et-ecole-en-interdependance/ s-dz3wSZlCHpB
Béatrice Laurent @Beaunsaeduc beatrice.laurent @unsa-education.org
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Recherche & Formation Centre Henri Aigueperse
Face à l’horreur : parler, en parler, se parler L’horreur a encore frappé. Elle a touché l’École par l’assassinat d’un enseignant, Samuel Paty, victime du terrorisme islamiste pour avoir cherché à émanciper ses élèves, leur apprendre à développer leur esprit critique, leur enseigner la liberté de penser.
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ace à cet intégrisme meurtrier, la parole est indispensable. Parler, dire, nommer, pour dépasser le traumatisme individuel. En parler, échanger, débattre pour sortir des clichés, des idées toutes faites, des fausses informations. Se parler pour éviter le piège des amalgames, des discriminations, des replis communautaristes. De très nombreux enseignants ont proposer un échange à leurs élèves. Dans de très nombreux établissements scolaires, il a été possible de mettre des mots sur les ressentis, les angoisses, les questionnements. Ce travail de la parole doit se poursuivre. Avec l’aide des psychologues scolaires dont c’est une des missions, avec l’ensemble des éducateurs. En s’appuyant sur les apports de la philosophie dès l’école, sur la conduite de controverse… afin de permettre à toutes et tous de distinguer croyances, opinions et savoirs, de pouvoir penser et s’exprimer librement, de s’émanciper.
L’Éducation : une démarche laïque d’émancipation pour toutes et tous, tout au long de la vie Éduquer, c’est émanciper Il ne s’agit pas seulement d’autonomiser, mais de libérer de toute aliénation en permettant l’exercice du libre arbitre. Cette utopie fondatrice est le moteur de toute action éducative. Les premières compétences à acquérir relèvent donc d’une approche philosophique qui permet de se construire une opinion, de se faire un avis, de pouvoir mobiliser une pensée critique. Cette dimension rejoint plusieurs des Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur tels que les propose Edgar Morin. En effet, une telle approche nécessite de prendre en compte « les cécités de la connaissance : l’erreur et l’illusion », d’« affronter les incertitudes » et d’« enseigner la compréhension ». Elle permet de s’inscrire dans une indépendance vis-à-vis des croyances, des dogmes, des idées toutes faites… En ce sens, l’éducation est nécessairement laïque. Elle s’oppose à toutes les formes d’imposition de croyances qui visent à se substituer à la recherche critique et à l’élaboration progressive de connaissances. [ Page 30]
L’Éducation permet une totale liberté de conscience Elle doit également, dans le respect de la loi, assurer la liberté d’expression. Cet indispensable esprit critique ne peut se développer que s’il est alimenté, nourri, entretenu à la fois par l’histoire des idées et par celle des sciences. Loin de transmettre un seul savoir constitué, éduquer c’est mettre les savoirs en débat. Cela nécessite une approche à la fois modeste (« je sais que je ne sais pas (tout) »), argumentée et structurée. Il est utile de prendre en compte à la fois la nécessité de pouvoir mobiliser des connaissances afin d’aller plus loin dans la recherche du savoir et le fait que les acquisitions ne forment pas un continuum linéaire. En ce sens, les allers-retours, les approfondissements, les appro-ches indirectes, les détours par l’expérience et l’expérimentation sont toujours les bienvenus. C’est aussi pourquoi il ne peut y avoir un âge unique pour l’éducation. Si le temps de l’enfance et de l’adolescence est une période privilégiée pour construire des bases nécessaires, l’éducation est une démar-che permanente qui se déroule tout au long de la vie de chaque individu. [ Page 31]
Denis Adam @denisadamunsa denis.adam @unsa-education.org
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l’éduc’mag n° 165 - décembre 2020
QUALITÉ / SÉCURITÉ / PRÉVENTION TRANSPORT COLLECTIF DE JEUNES
BERUTO "la sécurité masquée"... à votre service Dans le cadre de sa 34ème campagne d’éduca on à la sécurité et à la citoyenneté «Transport a tude»,
l’ANATEEP met à votre disposi on une série de 6 clips vidéo dont le personnage principal, Beruto, est inspiré des bandes dessinées mangas.
Vidéo à télécharger sur www.anateep.fr rubrique «ressources»
Association Nationale pour les Transports Educatifs de l’Enseignement Public - 01 43 57 42 86 - courrier@anateep.fr
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