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CARREFOUR DU DONNÉES INFORMATIQUES Surveillance électronique à l’aide d’un logiciel
from GRAND DOSSIER ÉLECTIONS QUÉBEC 2022 – Coup d’oeil sur les priorités du milieu municipal - sept 2022
by UMQ
DONNÉES INFORMATIQUES
Surveillance électronique à l’aide d’un logiciel, légale ou non?
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Le Web fait partie de nos vies. Plusieurs employeurs ont adopté des politiques afin d’encadrer son utilisation, mais est-ce possible d’utiliser un logiciel de surveillance pour tracer les sites Internet les plus consultés par votre personnel durant ses heures de travail? Une décision de la Cour supérieure impliquant la Ville de Montréal 1 nous aidera à répondre à cette question.
BRIGITTE BÉLIVEAU, CRIA
Conseillère analyste – droit du travail et sécurité du travail bbeliveau@umq.qc.ca
La Ville de Montréal utilise un logiciel de sécurité informatique appelé Graylog. La compilation effectuée par ledit logiciel l’informe de la fréquence et des sites Internet consultés par le personnel. La compilation des données est impersonnelle. Seuls les codes d’utilisateur des employées et employés sont utilisés. Tout est anonymisé. Ponctuellement, la Ville se réfère à ces données pour identifier les plus grands utilisateurs d’Internet et les personnes susceptibles de contrevenir à sa politique. Enfin, ce logiciel de sécurité informatique sert avant tout à protéger les données confidentielles et le réseau informatique de la Ville contre des attaques externes. Selon l’arbitre, la ville a démontré la proportionnalité entre le moyen choisi et le motif justifiant la mise en place de la démarche de détection des plus grands utilisateurs afin de cerner les situations potentielles d’abus.
Le syndicat a déposé un grief alléguant une surveillance électronique illégale puisqu’il s’agirait, selon lui, d’une surveillance constante ou continue du personnel et donc contraire à la Charte des droits et libertés de la personne. L’arbitre 2 a rejeté le grief. Il a estimé que la cueillette de données brutes pour déterminer la durée, le nombre ou le type d’utilisation des moyens de communication offerts par tout employeur fait partie inhérente de son contrôle normal et ces données ne relèvent pas de la sphère intrinsèquement personnelle d’une employée ou employé. Selon l’arbitre, la Ville a démontré la proportionnalité entre le moyen choisi et le motif justifiant la mise en place de la démarche de détection des plus grands utilisateurs afin de cerner les situations potentielles d’abus. Ce moyen est des moins intrusifs : la Ville ne cible que 50 personnes sur 22 000, ce qui est minime, et ce ne sont que les plus grands utilisateurs qui sont en cause et les rapports ne sont générés qu’en moyenne quatre fois par année. L’arbitre a ajouté que les données recueillies sont essentiellement brutes. L’intrusion, s’il en est, se limite aux employées et employés se retrouvant parmi les plus grands utilisateurs d’Internet dans des catégories ciblées, non reliées au travail, donc à des fins personnelles.
La Cour supérieure a été saisie d’une requête en révision judiciaire. Le syndicat a contesté la conclusion de l’arbitre quant à l’absence de contravention de l’article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne qui prévoit que :
« Toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. » La Cour supérieure a rejeté la requête syndicale. Notons que la Cour a conclu que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique dans le présent cas :
« [23] Dans son rôle de cour de révision, la Cour supérieure doit vérifier si la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée. La révision s’intéresse au raisonnement suivi et au résultat de la décision administrative ; le juge de révision doit s’abstenir de trancher le litige, mais plutôt accorder aux motifs une attention respectueuse et chercher à comprendre le fil du raisonnement.
[24] Pour paraphraser la Cour suprême du Canada, il s’agit de déterminer si la décision est “ fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti ” ». La Cour supérieure a souligné que l’arbitre reconnaît le droit de la Ville de veiller au respect de ses politiques. Elle est d’accord avec l’arbitre qui a conclu que l’utilisation des données brutes compilées par le logiciel ne constitue pas une atteinte au droit protégé par la Charte et, donc, que cette utilisation ne résulte pas d’une surveillance constante et continue. La Cour rappelle que l’arbitre a pris en compte l’approche prudente de la Ville dans l’utilisation des données recueillies par le logiciel. Le syndicat ne démontre pas en quoi le raisonnement de l’arbitre et sa conclusion sont déraisonnables. Le raisonnement est complet, transparent et intelligible. Il considère adéquatement la preuve présentée et les critères applicables. La conclusion fait sans nul doute partie des issues possibles.
En conclusion, oui il est possible d’utiliser un logiciel de surveillance, mais il faut s’assurer que les outils utilisés ne seront pas assimilés à une surveillance constante ou continue des employées et employés.