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DOSSIER SPÉCIAL LES ÉNERGIES RENOUVELABLES Les municipalités au cœur de la transition énergétique
from GRAND DOSSIER ÉLECTIONS QUÉBEC 2022 – Coup d’oeil sur les priorités du milieu municipal - sept 2022
by UMQ
ÉNERGIES RENOUVELABLES
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Au cours des derniers mois, plusieurs membres de l’UMQ ont exprimé leur intérêt concernant l’enjeu de l’énergie ainsi que le rôle potentiel du milieu municipal dans la transition énergétique. Cet intérêt s’est d’ailleurs reflété dans la planification stratégique 2022-2026 de l’UMQ, dans laquelle l’Union s’est engagée à mettre en valeur les énergies alternatives. Ainsi, en mai dernier, dans le cadre de la tournée de la présidence, l’UMQ a annoncé la création d’un tout nouveau comité politique, qui aura pour mandat de se pencher sur la production d’énergie renouvelable. Le défi énergétique est multifacette, touchant autant la lutte aux changements climatiques, la fiscalité municipale et le développement économique.
Photo : Alma Kismic
La route 132, près de Cap-Chat en Gaspésie
Les sources d’énergies renouvelables
Il existe cinq sources d’énergies renouvelables : l’énergie hydraulique, l’énergie éolienne, l’énergie solaire, l’énergie de la biomasse (bioénergie) et l’énergie géothermique. L’énergie produite à partir de ces sources renouvelables peut être utilisée directement ou servir à développer une autre forme d’énergie. C’est le cas notamment des biogaz issus de la biométhanisation qui servent à produire de l’électricité par cogénération, du gaz de source renouvelable (GSR) par purification ou encore des biocarburants par liquéfaction. On parle du même principe pour l’électricité produite à partir d’énergie hydraulique, éolienne ou solaire, qui est utilisée pour électrolyser les molécules d’eau et ainsi créer de l’hydrogène vert.
Le défi énergétique est multifacette, touchant autant la lutte aux changements climatiques, la fiscalité municipale et le développement économique.
Changements climatiques : L’enjeu des changements climatiques est indissociable de l’enjeu de l’énergie. En effet, le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables est primordial pour lutter contre les changements climatiques. Dans un contexte où la demande d’énergie est en hausse et le demeurera au cours des prochaines années, notamment en raison de l’électrification des transports, la nécessité de hausser la production d’énergie renouvelable est bien réelle. De plus, les mesures d’efficacité énergétique et l’autoconsommation d’électricité ou de chaleur dans les bâtiments municipaux réduisent les coûts d’approvisionnement en énergie en plus de positionner les municipalités comme des actrices d’influence dans la lutte aux changements climatiques. Fiscalité municipale : Les municipalités peuvent également bénéficier de la production d’électricité via les redevances perçues lorsque des installations de production sont situées sur leur territoire. Les municipalités étant dépendantes de l’impôt foncier, cette source de revenus additionnelle peut certainement représenter une mesure incitative intéressante pour les municipalités ayant la possibilité de voir se développer des installations de production sur leur territoire. De surcroît, les municipalités peuvent être partenaires de projets de production, y participer financièrement et en retirer des bénéfices.

Développement économique : L’accès à de l’énergie à faible coût représente un important facteur attractif d’investissements. Cela est d’autant plus vrai pour les énergies renouvelables puisque les entreprises considèrent de plus en plus les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur prise de décision. À terme, les investissements supplémentaires viennent dynamiser les milieux et influencer positivement le niveau d’activité économique, le niveau de vie ainsi que le nombre d’habitants dans une municipalité ou une région. Indirectement, ces facteurs entraînent une hausse des recettes fiscales pour les municipalités.
Le gouvernement du Québec ainsi qu’Hydro-Québec, les deux acteurs gouvernementaux clés en ce qui a trait à la production d’énergie au Québec, ont chacun élaboré des plans visant à hausser la production d’énergie renouvelable au cours des prochaines années.
Gouvernement du Québec : Plusieurs objectifs en lien avec la production d’énergie renouvelable ont été établis par le gouvernement du Québec dans son Plan pour une économie verte, notamment : 50 % de réduction des émissions liées au chauffage des bâtiments en 2030.
10 % de gaz naturel renouvelable (GNR) dans le réseau en 2030. 50 % d’augmentation de la production de bioénergies d’ici 2030. 70 % de l’approvisionnement énergétique des réseaux autonomes en énergies renouvelables d’ici 2025.
Hydro-Québec : Le plan stratégique d’Hydro-Québec énonce l’objectif d’accroître sa capacité de production de 5 000 MW d’ici 2026, notamment en élaborant, avec des partenaires du milieu, un portefeuille de projets éoliens totalisant 3 000 MW. Hydro-Québec a également l’intention d’évaluer le potentiel de contribution d’autres filières renouvelables, dont le solaire et la biomasse, ainsi que des systèmes de stockage d’énergie. De plus, la société d’État entend collaborer avec le gouvernement du Québec afin d’adapter les cadres législatif, réglementaire et tarifaire au besoin de la transition énergétique.
Les municipalités peuvent être des partenaires de choix et des facilitateurs dans l’atteinte des objectifs des différents acteurs gouvernementaux. Le secteur éolien est un bon exemple. Le modèle de partage de redevances entre les producteurs privés et le milieu municipal génère des retombées appréciables pour les municipalités tout en répondant aux besoins d’approvisionnement d’HydroQuébec. Le déploiement de parcs éoliens dans l’est du Québec a même contribué à l’établissement d’une usine de fabrication de pales d’éoliennes à Gaspé qui représente maintenant l’un des plus gros employeurs de la région.
Toutefois, la nécessité d’augmenter la résilience du réseau et l’urgence d’agir qu’engendrent les changements climatiques fait en sorte qu’il faut également s’intéresser aux autres sources d’énergie renouvelable.
Le choix d’investir dans une source plus qu’une autre dépendra tout d’abord des ressources présentes sur le territoire de chaque municipalité ou MRC. En effet, certaines régions sont reconnues pour leurs forts vents, d’autres pour leur niveau d’ensoleillement ou leurs résidus forestiers. Certains sols sont plus propices à la géothermie, plusieurs municipalités possèdent déjà des minicentrales sur leur territoire qui pourraient être remises en service, les régions densément peuplées produisent davantage de matières organiques à biométhaniser, etc. Ensuite, il sera question d’évaluer l’incidence de cette source d’énergie renouvelable sur les finances municipales (nouveaux revenus /diminution des dépenses), sur la quantité de GES évités et sur la résilience du réseau et des services municipaux essentiels. À cet effet et de façon complémentaire à la production d’énergie renouvelable, il y a donc lieu également de prendre en considération les mesures d’efficacité énergétique, la récupération thermique et le stockage d’énergie.
Les choix sont multiples et complexes. Le comité tentera donc de démystifier les options relatives afin d’identifier les sources de production d’énergie renouvelable et les actions de réduction de la consommation et de stockage d’énergie les plus prometteuses pour le milieu municipal.

ENTREVUES
Production d’énergie renouvelable : des élues et élus en action!
Le Comité sur la production d’énergie renouvelable de l’UMQ sera appelé à se pencher sur le rôle des municipalités dans la production d’énergie renouvelable et la récupération d’énergie. Pour ce faire, il explorera les sources d’énergie renouvelable ayant un potentiel de production au Québec, évaluera la latitude dont disposent les municipalités dans le cadre législatif actuel et en partagera les meilleures pratiques en ce qui a trait à la production d’énergie dans les municipalités. Il s’assurera également que les municipalités soient des partenaires prioritaires dans la transition énergétique, un enjeu-clé autant d’un point de vue de changements climatiques, que de développement économique ou de fiscalité.
SIMON DESCHÊNES
Président du Comité sur la production d’énergie renouvelable et maire de Sainte-Anne-des-Monts Q Selon vous, pourquoi le milieu municipal devrait-il s’intéresser à la production d’énergie renouvelable?

RConsidérant les orientations gouvernementales en matière de transition énergétique, de lutte aux changements climatiques, ainsi que le Plan d’économie verte 2030 du gouvernement du Québec, il est impératif que le milieu municipal s’implique davantage dans les énergies renouvelables. En tant que gouvernements de proximité, nous sommes les mieux placés pour connaître nos enjeux, nos réalités et nos territoires. Participer activement à la transition énergétique permettrait aux municipalités de répondre directement aux préoccupations des citoyennes, citoyens et de leurs communautés. De plus, le milieu municipal pourrait en bénéficier de plusieurs façons, autant sur le plan environnemental, énergétique ou économique (par exemple, augmenter les revenus autonomes en investissant dans des projets énergétiques, réduire les dépenses, accroitre l’autonomie des infrastructures municipales, contribuer à la réduction des gaz à effet de serre, etc.). Notre leadership démontre depuis quelques années que nous pouvons mener des projets énergétiques à terme. Nous sommes maintenant prêts à accompagner le gouvernement du Québec dans l’atteinte de la carboneutralité.
Je suis particulièrement fier de présider ce comité, qui est pour moi en toute cohérence avec les raisons qui m’ont poussé à faire de la politique. Miser sur les énergies vertes pour développer les régions du Québec est une approche gagnante sur toute la ligne. Qu’on parle d’éolien, de solaire ou de bioénergie, les perspectives de développement sont particulièrement prometteuses. L’Union sera un partenaire de choix dans la mise en œuvre du Plan pour une économie verte du gouvernement du Québec.

Dans l’ensemble de l’industrie énergétique, soit le milieu municipal, les Premières Nations, les producteurs privés, Hydro-Québec et le gouvernement du Québec, nous partageons la même vision… nous voulons contribuer à la transition énergétique en produisant de l’énergie renouvelable sur tout le territoire québécois.
Votre municipalité bénéficie financièrement de la production d’énergie éolienne. Pourriez-vous présenter l’étendue des retombées pour votre municipalité ainsi que le mécanisme qui permet de générer ces retombées?
Notre regroupement est composé de l’ensemble des municipalités de la région administrative de la Gaspésie–Îles-de-laMadeleine et celle du Bas-Saint-Laurent incluant la Première Nation malécite Wolastoqiyik Wahsipekuk. La fusion des deux régies intermunicipales, l’Alliance de l’Est, nous permet d’investir massivement dans des projets éoliens. Notre modèle d’affaires consiste en une participation financière égalitaire, à 50-50, avec nos partenaires privés. À ce jour, nous sommes actionnaires dans quatre parcs éoliens nous rapportant 15 millions de dollars par année pendant 25 ans. Plus concrètement, pour la Ville de SainteAnne-des-Monts, ce sont 300 000 $ en revenus autonomes, représentant 3 % de notre budget annuel, qui sont générés par notre participation, ce qui est non négligeable. Ces revenus autonomes ont permis à notre municipalité d’accélérer les investissements dans nos infrastructures ce qui améliore la qualité de vie de nos citoyennes et citoyens tout en conservant une stabilité du fardeau fiscal pour les contribuables. Au-delà des investissements des dernières années, ce levier financier dote la Ville de Sainte-Annedes-Monts d’une perspective et de développement à long terme, ce qui nous permet de demeurer une ville attractive ! Hydro-Québec prévoit que son surplus d’énergie sera absorbé vers 2026. Pensez-vous que cela peut représenter un frein au développement économique du Québec ? Si oui, quel rôle le milieu municipal peut-il jouer pour faire face à cet enjeu?
La réponse est vraisemblablement oui ! Mais sans vouloir critiquer, il faut parler de solution. Les dernières années nous ont amené certaines réflexions sur l’autosuffisance du Québec à plusieurs égards. Si nous voulons voir un Québec plus fort et plus autonome, nous devons faire l’analyse de nos forces et de nos faiblesses. Une de nos forces, qui fait l’envie de plusieurs nations, est notre capacité et notre expertise à produire de l’énergie. Dans l’ensemble de l’industrie énergétique, soit le milieu municipal, les Premières Nations, les producteurs privés, HydroQuébec et le gouvernement du Québec, nous partageons la même vision… nous voulons contribuer à la transition énergétique en produisant de l’énergie renouvelable sur tout le territoire québécois. Pour y parvenir, il faut faire une place de choix au milieu municipal en élaborant des programmes ou en mettant en œuvre des facilitants qui pourront accélérer la production d’énergie et l’octroi de contrats d’achats d’électricité. S’il y a davantage de joueurs qui se lancent dans la production d’énergie renouvelable, nous aurons plus de chances d’atteindre les cibles environnementales… et le milieu municipal se veut un joueur incontournable !

MARTIN DAMPHOUSSE
Premier vice-président de l’UMQ, Président du Comité sur les changements climatiques de l’UMQ, membre du Comité sur la production d’énergie renouvelable et maire de Varennes Q Selon vous, pourquoi le milieu municipal devrait-il s’intéresser à la production d’énergie renouvelable?
RLe milieu municipal joue un rôle déterminant dans la lutte aux changements climatiques et l’environnement. Nos conseils municipaux doivent impérativement faire un virage vers les technologies et la production d’énergie renouvelable. À l’heure où la transition énergétique est devenue un enjeu majeur pour préserver notre climat, les municipalités et villes ont le devoir de mettre en place des actions concrètes pour l’environnement. Le Comité sur la production d’énergie renouvelable de l’UMQ est déterminé à les accompagner. J’ai confiance que mes homologues, mairesses et maires, choisiront des solutions innovantes pour l’avenir. Avec notre proximité des citoyennes et citoyens, nous exerçons une influence forte sur nos milieux de vie, que ce soit par la transformation de l’éclairage des rues, l’électrification de nos flottes de véhicules, l’aménagement du territoire et la gestion des matières résiduelles. La production d’énergie renouvelable est aujourd’hui un enjeu prioritaire et une potentielle source de revenus pour les administrations municipales du Québec.
Photo : Gracieuseté Ville de Varennes
La nouvelle bibliothèque de Varennes est le premier bâtiment institutionnel à consommation énergétique nette zéro au Québec. Sentez-vous que le leadership exercé par votre ville dans ce projet a des effets positifs sur l’implication et la conscience citoyenne au regard de la lutte et de l’adaptation aux changements climatiques?

Dans la conscience collective des Varennoises et Varennois, la Bibliothèque de Varennes est un rêve devenu réalité ! Elle est source de fierté et constitue une grande réalisation qui a ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire des municipalités et villes. Ce projet ambitieux a été réalisé en collaboration avec CanmetÉNERGIE, un centre de recherche situé à Varennes, chef de file en recherche et développement technologique en matière d’énergie propre. La Bibliothèque de Varennes est aussi un édifice durable certifié Leed OR (Leadership in Energy and Environmental Design) qui respecte des standards d’excellence internationaux et permet de réaliser plusieurs économies en raison de sa consommation énergétique nulle. Le bâtiment produit l’équivalent de ce qu’il consomme en énergie, soit environ 120 000 kWh/an. La consommation énergétique de la bibliothèque, réduite de 78,5 % par rapport à une construction traditionnelle, permet à la ville de faire des économies de l’ordre de 80 000 $ par année. Elle permet aussi de réduire annuellement les émissions de gaz à effet de serre de 302 tonnes et la consommation d’eau potable de 40 % à 50 %. Enfin, le leadership exercé par notre administration municipale dans ce projet a réellement engendré des effets positifs sur l’implication et la conscience citoyenne au regard de la lutte et de l’adaptation aux changements climatiques.

Microréseau électrique au centre-ville de Lac-Mégantic
Photo : Hydro-Québec JULIE MORIN
Membre du Comité sur la production d’énergie renouvelable de l’UMQ et mairesse de Lac-Mégantic Q Selon vous, pourquoi le milieu municipal devrait-il s’intéresser à la production d’énergie renouvelable?

RLa réalité des changements climatiques et les nombreuses perturbations de toutes sortes font que les municipalités doivent se tourner vers davantage d’autonomie, qu’elle soit alimentaire, énergétique ou autre. Cette autonomie ou cette gestion locale de l’énergie permet aux municipalités d’offrir un milieu de vie plus sain et sécuritaire à leurs citoyennes et citoyens, en plus de répondre adéquatement à leurs valeurs en matière d’écoresponsabilité. Puis, la production locale d’énergie renouvelable peut, selon le modèle de gouvernance établi, devenir une source de revenus considérables pour les municipalités, revenus nécessaires au développement des communautés.
Votre municipalité est une pionnière en matière d’énergies renouvelables. Pourriez-vous décrire les initiatives en cours dans votre municipalité et en quoi elles améliorent sa résilience face aux changements climatiques?
Lac-Mégantic a développé un partenariat avec Hydro-Québec afin de construire dans son nouveau centre-ville le tout premier microréseau électrique au Québec, à l’échelle de tout un quartier. On y trouve aujourd’hui les technologies les plus avancées en matière d’énergie. Le microréseau relie près de 30 bâtiments interconnectés et est composé de près de 2 200 panneaux solaires produisant environ 800 kW de puissance ; des batteries de stockage qui emmagasinent environ 700 kWh d’énergie ; un système de commande centralisé pour la gestion et maîtrise de l’énergie ; de même que de la domotique dans les résidences.
Ces technologies améliorent la résilience de la communauté face aux changements climatiques entre autres parce que les composantes du microréseau stabilisent le réseau et réduisent la dépendance aux énergies fossiles. Surtout, le microréseau électrique de Lac-Mégantic est relié au réseau principal d’Hydro-Québec, mais peut fonctionner de manière autonome en cas de panne.