Torah Times Magazine - Décembre 2021

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ACTUALITÉS PA R

G U E DA L I A

N I S E N B AU M

La pandémie et nous Elle est toujours là qui va et vient et qui revient encore quand on l’espérait sur le départ : la pandémie. Elle a charrié son lot de deuils, fait couler des torrents de larmes. Ses regrets éternels. Effarement, sidération d’abord : nous nous pensions si puissants et nous trouvions soudain si démunis devant ce Covid avide de vies ! Est née ensuite une sourde colère contre des pouvoirs publics manifestement dépassés. N’est-il pas démocratiquement permis de se souvenir avec une certaine rage de cette porte-parole gouvernementale (imprudemment prénommée Sibeth) qui, devant l’inconcevable pénurie de masques protecteurs, en moqua l’utilité affirmant que, d’ailleurs, elle ne saurait pas même en mettre un ! Les débats d’aujourd’hui sont plus protéiformes. Ils travaillent la société toute entière, opposent ses citoyens. Les vaccins ne présentent-ils aucun risque d’effets secondaires graves ? L’obligation du masque et du passe sanitaire, même limitée, n’est-elle pas une insupportable atteinte à nos libertés ? Quant au vaccin, on s’abstiendra prudemment d’exprimer une position définitive ; après, cependant, avoir opportunément noté qu’à ce jour, des millions de personnes en ont reçu leur troisième dose, des centaines de millions leur seconde, et que les peurs entretenues ne paraissent pas trouver dans les faits une confirmation claire. Masque et passe sanitaire posent la question de nos libertés et de leurs limites. Question éminemment politique certes, mais d’abord, question morale. Le masque est-il une insupportable contrainte que l’on ne saurait plus longtemps nous imposer même dans des lieux publics clos ? Le passe sanitaire n’est-il pas attentatoire aux libertés publiques les plus fondamentales ? Ces questions pourraient, semble-t-il, alimenter

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assez facilement une dissertation de philo pour élèves de terminale : « Où ma liberté s’arrête-elle ? ». Et l’ultime réponse jaillirait vite de la bouche des potaches attentifs tant elle semblerait aller de soi : « là où commence celle des autres ». Mais il faudrait alors questionner cette réponse au regard de la situation concrète que nous vivons, celle de la pandémie. Quelle est ici la liberté menacée ? Celle du quidam contraint d’exhiber un passe sanitaire ou de porter un masque ? Où celle de la personne âgée ou malade, fragile en un mot, qui ignore l’éventuelle dangerosité pour elle du voisin côtoyé incidemment ? Ces questions, on le voit bien, n’ont pas grand sens. Plutôt que de liberté ne faudrait-il pas parler de responsabilité ? Ma liberté, tout spécialement dans pareil contexte, ne doit-elle pas s’autolimiter là où est susceptible de commencer ma responsabilité ? Notre temps, cependant, est-il encore capable d’entendre ce mot dans la plénitude de son sens ? Le souci d’autrui, jusque et y compris de celui que l’on ne fait que croiser un instant, peut-il encore trouver sa place dans cette société des individus qui se veulent « libres » jusqu’au caprice ? Responsables ! Pour notre part, nous Juifs, disposons pour l’être effectivement d’une aide puissante. Chaque matin nous affirmons clairement, à l’orée de la prière, Aréni mekabel : je m’engage à mettre en œuvre le précepte « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Ainsi faisons-nous de l’acceptation de notre responsabilité la conséquence nécessaire d’un engagement premier, plus élevé encore. Amour premier, donc, par rapport à quoi le sentiment de responsabilité est second, mais prend un sens encore plus fort. Puissions-nous toujours nous en souvenir même par les matins routiniers, quand il peut arriver que nous entrions à la synagogue nez au vent. ■


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