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Revue des livres
occupé et le renverrait certainement sans ménagement… Cette occasion se présenta rapidement. Un jour, Yaakov remarqua, sur le mur de la synagogue, un carton d’invitation : la fille de cet ancien mendiant allait se marier dans deux semaines ! Pendant la cérémonie, alors que le jeune couple se tenait sous la ‘Houpa et que les parents des mariés essuyaient leurs larmes de joie, Yaakov tira avec insistance la manche du père et lui demanda : « De grâce, accordez-moi une bouffée de tabac ! » Le père de la mariée le regarda, étonné d’un tel manque de tact mais, sans hésiter, fouilla dans la poche de son beau costume et ouvrit sa boîte à tabac devant un Yaakov qui sentit sa tête tourner : son plan machiavélique avait donc échoué, l’homme lui offrait sans problème la bouffée de tabac fatidique malgré l’intensité du moment ! Yaakov resterait donc pauvre toute sa vie ! Il s’évanouit ! On appela un médecin pour le ranimer. Il reprit ses esprits et, se souvenant de ce qui était arrivé, il se mit à pleurer.
- Mais pourquoi pleurez-vous ? demanda le père de la mariée qui avait abandonné tous ses invités pour s’enquérir de l’état du maIl a donc été décidé lade. là-haut que votre - Je vais vous expliquer, répondit Yaakov. Vous vous souvenez fortune passerait de moi ? C’est moi qui vous avais gravement offensé en vous refu-aux mains de cet sant une bouffée de tabac il y a homme ! quelques mois à la synagogue. J’ai été bien puni pour cela ! Le Baal Chem Tov m’a fait comprendre que j’avais tout perdu mais que vous aviez gagné toute ma fortune ! Et comme vous n’avez pas agi avec la même insouciance envers moi, j’ai perdu toutes mes chances de redevenir riche ! En entendant cela, le père de la mariée calma Yaakov : « Venez ! Je vous invite au repas de mariage de ma fille ! Si le Baal Chem Tov affirme que vous êtes la cause de ma soudaine richesse, le moins que je puisse faire, c’est de vous remercier en vous procurant une maison et un moyen de subsistance pour le reste de votre vie ! » Et c’est ce qu’il fit !
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Un vieil adage hassidique affirme qu’il est bon de raconter des histoires du Baal Chem Tov à la sortie du Chabbath afin de gagner largement sa vie. Le Rabbi de Loubavitch a ajouté que ce n’est pas que du Baal Chem Tov, mais de tous les justes, que ce n’est pas que le samedi soir, mais tout le temps et que cela n’impactait pas que le revenu d’un Juif, mais sa vie toute entière. S’il est vrai que tous les maîtres hassidiques rayonnent par leur sainteté et par leurs actions, le Baal Chem Tov reste cependant un maître particulier. D’abord, parce qu’il est le fondateur du mouvement hassidique, mais surtout parce que son comportement est reconnu – dans la
tradition hassidique - comme étant hors du commun. Il voyage à des vitesses surnaturelles, ressuscite des morts, fait une torche de glace, monte dans les sphères célestes et dialogue avec les anges. Le livre de Gary pas que le samedi soir, Chalom Cohen plonge le lecteur dans un univers merveilleux dans lequel le surnaturel devient le quotidien. Ce recueil de près d’une centaine de récits sur ce grand maître du hassidisme vient combler un manque car c’est le premier en langue française.
Son auteur est Gary Chalom Cohen, rabbin et chercheur en Mathématiques Appliquées. Il vient de publier un autre livre intitulé « La Sanctification du mois », traduction commentée du traité sur les Lois du Kidouch Ha’Hodèche de Maimonide qui fera l’objet de notre prochaine Revue des Livres.
ZOOM
Le phénomène « Zemmour »
PAR CHABTAI Y. COEN
Tout le monde en parle : Éric Zemmour est désormais de l’autre côté de la barrière, il n’est plus le commentateur politique, il se veut acteur de la vie politique. L’invité-vedette des plateaux radios et TV pour parler de son dernier livre, est un quasi best-seller. Zemmour se dit amoureux de la France ! Il doit tout à la France, terre qui l’a accueilli et l’a fait devenir l’homme qui l’est maintenant. Le titre de son livre « La France n’a pas dit son dernier mot » sonne comme une menace à tous ceux qui voudraient la toucher.
Il se lance en politique, mais pourquoi ? Monsieur Zemmour pense sûrement redresser la France de son déclin, veut restaurer l’ordre et stopper l’immigration. Il prône l’idée « d’abord la France » à l’image de Trump, « American First ». Il se dit être un libéral souverainiste. C’est très téméraire de sa part, et d’ailleurs, il n’a peur de rien ni de personne. Il dit tout haut ce que disent tous les politiques tout bas. Ses discours, perçus comme parfois très vrais et protecteurs, s’avèrent, chez beaucoup de membres de la communauté, être sûrement un leurre.

Analysons un peu le personnage. Zemmour est intelligent, il est un excellent orateur, percutant dans ses débats, bon écrivant également, s’inspirant des plus grands comme dans son dernier livre où il imite les mémoires de Victor Hugo. Et il aime l’Histoire, certes. Il pense s’inscrire dans l’Histoire de France en concourant à la présidence Française, mais, hélas ! L’histoire ne lui donne pas raison sur toute la ligne ! Zemmour se présente comme un commentateur de l’histoire en donnant sa version et révisant notre histoire tragique de la Shoah. Mais nous devons tous lui rappeler qu’il doit se taire pour toujours sur un sujet si douloureux pour notre peuple au nom de notre unité. Personne de notre communauté ne doit avoir un discours identique à celui de Le Pen. Zemmour vénère Napoléon. Il se dit tout connaître de son histoire. Il a passé des nuits sur les conquêtes de l’empereur. Mais connaît-il, au fond, l’histoire de la guerre qui opposait Napoléon à Alexandre III ?
Sa connaissance se limite à des faits historiques en occultant des faits spirituels aux conséquences néfastes pour notre peuple. Zemmour ne sait pas vraiment pourquoi Napoléon a perdu la guerre face à la Russie en 1812. Il ne sait certainement pas que le fondateur du Mouvement ‘hassidique ‘Habad, Rabbi Chnéor Zalman de Liadi, (connu aussi sous le nom de l’Admour Hazaken ou encore l’Alter Rebbe, le vieux Rabbi en yiddich) s’est battu spirituellement jusqu’à donner sa vie pour faire perdre la guerre à Napoléon qui l’opposait à Alexandre III, Tsar de Russie à l’époque.
L’Admour Hazaken n’était pas d’accord avec les grands de sa génération sur ce sujet : qui devait gagner cette guerre ? Si Napoléon remportait la guerre, les Juifs risqueraient une assimilation incroyable. D’où le combat acharné du Vieux Rabbi jusqu’à son dernier souffle.
Enseigner D.ieu à l’école
PAR DOCTEUR GERALD SCHROEDER
Faut-il aborder, dans l’enseignement scientifique au Lycée, la question de l’apparente contradiction entre science et religion?

Récemment, l’Association pour l’Education du Kansas a décidé que dorénavant chaque école devrait choisir comment enseigner « l’Evolution des espèces par rapport à la création ». Cette décision a provoqué un tollé général dans le monde scientifique et théologique. En tant que membre de la Commission de l’énergie atomique aux Etats-Unis, le Dr Gerald Schroeder, physicien nucléaire de grande renommée n’y a pas vu « de quoi fouetter un chat ! ».
En fait, cette ouverture de la Commission d’Education pose en théorie un grand problème : D.ieu est-il une hypothèse scientifique ? Si on devait distribuer un blâme à la personne qui a déclenché la lutte entre la Religion et la Science, à celle qui est responsable de la longue érosion de la crédibilité de la Bible, ce blâme irait sûrement aux chefs de la religion organisée. Depuis que Nicolas Copernic a eu une audace inouïe en suggérant, malgré l’Inquisition, que le Soleil (et non pas la Terre) était le centre du système solaire, la réaction des théologiens vis-à-vis des découvertes scientifiques a été très suspecte. Déjà, on peut se demander, au premier abord, en quoi la position de la Terre dans le système solaire à un rapport avec l’existence de D.ieu et la validité de la Bible ?

L’ANTAGONISME ENTRE LA SCIENCE ET L’EGLISE
Cela n’implique nullement une base religieuse; mais Albert Einstein dans son ouvrage « Comment je vois le monde » déclare : « Je soutiens vigoureusement que la religion cosmique est le mobile le plus puissant et le plus généreux de la recherche scientifique ». En fait que nous dit la Bible? (Genèse, 1:1) : « Au commencement, D.ieu créa le Ciel et la Terre ». Elle place le Ciel avant la Terre; aussi quand un scientifique démontra que le Soleil était le point central de notre système solaire, les autorités de l’Eglise chrétienne furent très embarrassées ! Et cherchèrent par tous les moyens à éliminer ces idées jugées hérétiques ! C’est pour cela qu’aujourd’hui, on est arrivé à faire croire (par des procédés fallacieux) que la Bible était mensongère. C’est surtout depuis 1826 et les théories positivistes d’Auguste Comte que la science s’est débarrassée de toute question métaphysique; Auguste Comte encouragea la science à renoncer à chercher l’essence des choses, notamment l’existence de D.ieu à l’origine du monde. C’est sans doute pour cela que la science officielle cherche par tous les moyens à légitimer une approche scientifique de la création. Dans un même ordre d’idée, Johannes Kepler découvrit le mouvement elliptique des planètes, ce qui allait à l’encontre des idéaux religieux, car pour l’Eglise, D.ieu ne pouvait avoir créé que des orbites parfaites.
L’antagonisme entre science et religion est facile à comprendre : un scientifique qui est convaincu par la loi causale régissant tout événement ne peut en aucun cas envisager que D.ieu ait pu intervenir dans un processus cosmique, il ne peut concevoir un D.ieu qui récompense et punit, puisque l’Homme agit selon des lois rigoureuses ; pour cette raison la science a été accusée de tous les maux, d’autant plus que le comportement de l’Homme se fonde sur un équilibre fragile vis-à-vis de ses engagements sociaux.
Il faut ici se rappeler que Johannes Kepler a essayé de trouver des bases organisatrices du chaos; pour cela ses premières découvertes s’appliquèrent aux mouvements de rotation de la terre, puis ensuite il appliqua sa théorie aux orbites et mouvements des autres planètes; et enfin il va, par des Quand un scientifique calculs numériques prodigieux démontra que le Soleil (pour l’époque) établir une hypothèse sur la nature mathématique était le point central de de la courbe de l’orbite: l’orbite notre système solaire, est une ellipsoïde dont le soleil les autorités de l’Eglise occupe le foyer. Enfin, pour couronner le tout, Charles Darwin chrétienne furent très est apparu. L’idée même que la embarrassés !
vie (d’une manière générale) se soit développée à partir d’une forme de vie est inacceptable pour l’Eglise. Le concept de l’évolution était condamné comme Hérésie, nonobstant du fait que Darwin, à la fin de son ouvrage « l’Origine des Espèces » attribuait la lente évolution de la vie à D.ieu. : « N’y a-t-il pas une véritable grandeur à la manière d’envisager la vie, avec ses puissances diverses attribuées primitivement par le Créateur à un petit nombre de formes ou même à une seule ? Or tandis que notre planète, obéissant à la loi fixe de la gravitation, continue à tourner sur son orbite, une quantité infinie de belles et admirables formes, sortis d’un commencement si simple, n’ont pas cessé de se développer et se développent encore! »
LE COUPLE « SCIENCE-RELIGION » DANS LA PENSEE JUIVE
Les conceptions juives sont très différentes. Le philosophe médiéval Moïse Maïmonide a écrit, que les conflits entre Science et Bible proviennent soit d’un manque de connaissances de la science soit d’un manque d’étude ou de compréhension de la Bible. Nos Sages ont toujours examiné et étudié la Torah avant d’accepter une théorie scientifique.
Pour Maïmonide, les En fait la loi juive nous dit : conflits entre Science et « Seuls les sages érudits pouvaient siéger au SanhéBible proviennent soit d’un drin. Ils devaient être des manque de connaissances spécialistes des lois de la de la science soit d’un Torah, avec un large éventail de connaissances. Ils manque d’étude ou de devaient de plus connaître compréhension un certain nombre de sujets comme la médecine, les de la Bible. mathématiques, l’astrologie et l’anatomie. » (Maïmonide, Lois du Sanhédrin 2). Alors, dans ce cas, on peut se demander où est le problème ? En fait, c’est assez simple : les scientifiques considèrent que la recherche nécessite un grand effort intellectuel, alors que l’acquisition de la sagesse ne requiert qu’une simple lecture de la Bible ! Comment un texte à la fois étrange et poétique peut-il être lu littéralement ? Il y a deux millénaires, bien avant que les paléontologues découvrent les fossiles de dinosaures et les hommes de cavernes, bien avant que les télescopes de Hubble et Keck suggèrent que l’univers était âgé de milliards d’années, le Talmud (‘Hagiga 12b) commença à expliquer que le premier chapitre de la Genèse, ses trente et un versets étaient présentés d’une façon voulue et intentionnelle pour nous livrer un certain nombre d’informations cachées ou voilées. En outre, Moïse, le jour de sa mort, exhorta trois fois les fils d’Israël à lire la Bible, non pas comme un texte romancé, mais comme un texte contenant à l’intérieur de lui-même des versets, des mots, des initiales, des finales et des anagrammes de mots qui permettent de l’aborder de différentes manières (Deut 31 :19,30,32 :44).
Du point de vue juif, le conflit ouvert par l’organisation pour l’éducation du Kansas est ridicule. Maïmonide a écrit que « les sciences sont une des premières façons d’aborder la question de D.ieu puisque la Bible commence par la description de la création. » (Maïmonide, le Guide des Egarés Introduction, 2ème partie)
A travers la Bible, la connaissance de D.ieu est comparée aux merveilles de la Nature : « Les cieux racontent la gloire de D.ieu et le firmament proclame l’œuvre de ses mains. » (Psaumes 19/2) Les commentateurs Radak et Metsoudat David ont affirmé, à partir de cet extrait des Psaumes, que l’extraordinaire précision de leur orbite déclare la gloire de D.ieu. De fait, leur témoignage de la grandeur de D.ieu est tel que, on ne peut comprendre les merveilles célestes de ce Psaume sans avoir des notions d’astronomie !
On trouve dans l’ouvrage de Jean Guitton, « D. ieu et la Science » , une conclusion intéressante : « En fin de compte, ne trouve-t-on pas dans la théorie scientifique la même chose que dans la croyance religieuse ? D.ieu Lui même n’estil pas désormais, sensible, repérable, presque visible, dans le fond ultime du réel que décrit le physicien ? » ■