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Tension, passion et émotion!

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Marché golfique

Marché golfique

En 1997, quand Tiger Woods enfilait élégamment sa première veste verte, il avait écrasé la concurrence et l’on pouvait vraiment dire qu’il avait gagné l’US Masters. Le dimanche 12 avril dernier, quand le costaud Angel Cabrera a manqué de faire «péter» toutes les coutures de son nouvel habit de prédilection, on avait plutôt le sentiment que ses adversaires avaient perdu l’US Masters! Bien entendu, l’histoire ne retiendra que le triomphe du joueur de Cordoba, héros de toute une nation depuis sa victoire dans l’US Open en juin 2007, qui double la mise en Grand Chelem et qui, du même coup, redore le blason du golf argentin à Augusta.

Mais oui, rappelez-vous l’édition de 1968, lorsque son compatriote Roberto de Vicenzo avait signé une mauvaise carte: au lieu d’un birdie qu’il avait réalisé au 17, il avait inscrit un par et manqué ainsi le play-off, offrant le titre à l’inattendu Bob Goalby! Il faut quand même relever un mérite particulier au puissant Argentin: il maîtrise parfaitement les parcours américains, sans parvenir à aligner deux mots d’anglais… On exagère à peine. Pour être plus correct et plus analytique, on dira que sa puissance au drive et sa maîtrise du jeu de fers sont accompagnées d’un toucher très fin sur et autour des greens. Une délicatesse qui peut surprendre lorsque l’on observe la démarche lourde et empruntée de ce joueur timide. Angel n’a pas tremblé. Moins leste que ses adversaires à l’entame du dernier tour, il s’est rappelé à leur bon souvenir sur le retour, là où tout se joue, pour s’inscrire dans un play-off à trois, avec Chad Campbell et Kenny Perry. Et un simple par sur le second trou du barrage a suffi à son bonheur, pendant que le malheureux Perry voyait lui échapper un trophée sur lequel ses deux mains étaient bien agrippées quelques minutes auparavant. Car la star du Kentucky un Etat que je n’arrivais pas à situer et qui se trouve à l’Est des Etats-Unis, coincé entre l’Illinois, l’Indiana, l’Ohio, la Virginie et le Tennessee! est bien le grand perdant de cette 73ème édition de l’US Masters. Impérial au drive avec plus de 80% de fairways touchés, précis dans ses attaques de greens, régulier au putting, il n’avait fait que 4 malheureux bogeys avant les deux derniers trous de la compétition. Et il avait deux coups d’avance sur Campbell et Cabrera. Mais c’est à ce moment-là que le solide quadragénaire il aura 49 ans en août a balbutié son golf et gâché sa chance de remporter son premier majeur, de remplacer Jack Nicklaus sur la tabelle du plus vieux vainqueur de l’US Masters (46 ans en 1986) et de couronner une carrière sans grand relief. Kenny Perry a bien perdu l’US Masters!

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Comme Phil Mickelson d’ailleurs. Le gaucher californien était en passe de remonter sept coups de déficit lors du dernier tour. Un exploit réalisé deux fois seulement sur les greens d’Augusta. Mais, après avoir bouclé les 9 premiers trous à 6 sous le par, il plongeait littéralement dans l’eau du 12, avant de manquer deux petits putts et de s’effondrer au 18. Le trou 18 est d’ailleurs un juge de paix sur ce parcours. On parle plus souvent d’«Amen corner», soit les trous 11 à 13, mais on oublie le dernier trou. Outre Perry et Mickelson, Woods peut aussi s’en vouloir d’avoir si mal négocié ce dernier test. Non seulement le dimanche, mais aussi lors des deux premiers tours, où il a signé de calamiteux bogeys après avoir eu un wedge en main pour attaquer le green au second coup! Le numéro un mondial a cruellement manqué de constance lors de ce Masters, mais il a quand même fait vibrer la foule le dimanche, en revenant à un seul coup des leaders à quelques trous de la fin.

A mon avis, le véritable exploit de cette édition est passé plutôt inaperçu. Il s’agit du second tour d’Anthony Kim. Luttant pour passer le cut dans ce qui était sa première apparition à Augusta, le fantasque Américain a réussi la bagatelle de 11 birdies le samedi (nouveau record)! Quand on connaît la difficulté des greens géorgiens, la longueur du parcours (plus de 6800 mètres), l’expérience indispensable à la maîtrise de ce tracé et la pression inhérente à un tel tournoi, on ne peut qu’être subjugué par la performance de Kim. Et être certain qu’il enfilera un jour une veste verte.

Symboliquement, l’une de ces vestes va désormais rester au vestiaire. Car l’édition 2009 de l’US Masters aura été la dernière de Gary Player, qui a fixé le record de participation à 52! Et si la victoire de Cabrera n’a pas déchaîné les passions, c’est au milieu d’une «standing ovation» que le Sud Africain a remonté le fairway du 18, avant de boucler sa fantastique carrière au Masters 3 titres en 1961, 1974 et 1978 par un dernier par, sous les applaudissements d’un public ému aux larmes. Et sous l’œil humide d’un journaliste téléspectateur, qui ne cherchait même pas à invoquer le rhume des foins!

■ Urs Bretscher

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