ENSAP Bordeaux Séminaire « Repenser la métropolisation. Construire un monde en transition » Baccauw Laura S7 – Article – Janvier 2022
Avant-propos
Peut-on espérer remédier aux stéréotypes des grands ensembles à travers les interventions de rénovation urbaine en France ?
Depuis la résorption de la crise du logement de l’après-guerre (le dernier bidonville est démantelé en 1976), les politiques de rénovation urbaine sont devenues critiquables sur de nombreux points. Quelques années seulement après leur construction, en raison du manque d’équipement, d’un accès aux réseaux de transport déficient et d’un entretien insuffisant, les grands ensembles sont très vite remis en cause sur le plan urbain et social. Ces nouveaux quartiers font l’objet de critiques dénonçant leur uniformité, source d’un ennui qui serait à l’origine de la délinquance juvénile dénonçant que « l’état de grâce » des grands ensembles n’aura finalement duré que très peu de temps dans l’esprit de la population (Camille Cantieux 2014). Depuis 2003, même si tous les grands ensembles ne posent pas de problème, l’État impose aux villes des politiques de rénovation urbaine. Toutefois, cette rénovation (pour le cas des démolitions-reconstructions) n’est pas toujours justifiée, car ces mesures entraînent, selon Henri Coing (2017), une accélération de la modification de son peuplement et affecteraient les liens des classes populaires issues des grands ensembles. C’est pourquoi, à l’encontre d’une idéologie assez répandue parmi les décideurs visant à détruire de manière systématique les logements de l’après-guerre, nous verrons que certains architectes (tels qu’Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal) défendent la restructuration patrimoniale des grands ensembles. Il convient donc d’aborder le concept de rénovation urbaine et des grands ensembles afin d’en saisir les grandes étapes de leur apparition. En se fondant sur des travaux déjà réalisés, l’article propose de redécouvrir l’histoire des grands ensembles afin d’acquérir une bonne base de connaissance constituant un préalable indispensable, passant par son contexte chronologique historique, à sa qualification - Quels sont les facteurs qui expliquent l’origine des grands ensembles et l’ampleur de cette nouvelle forme d’urbanisation ? Comment déceler, dès leur apparition, les mécanismes qui entraineront les difficultés urbaines et sociales que ces quartiers ont rapidement connues ? Pour faire suite, les grandes périodes de la rénovation seront abordées. Le but est de l’observer sous l’angle théorique pour en comprendre les enjeux et les mécanismes à l’œuvre dans ces territoires – Finalement, qu’est-ce que la rénovation urbaine ? A cela s’ajoute un volet sur le bilan et le remède de la rénovation urbaine des grands ensembles - Est-ce que, finalement, l’objectif de la rénovation urbaine des grands ensembles a été atteint ? La rénovation urbaine parviendra-t-elle à inverser la tendance à l’enracinement et à l’approfondissement des stigmatisations à l’égard des grands ensembles ? Enfin, l’article se penchera sur une brève analyse de l’étude de cas du quartier du Grand Parc. Celle-ci abordera la revalorisation des grands ensembles à Bordeaux. 1. Éclairage sur les origines et évolutions des grands ensembles - Contexte chronologique historique : des habitations ouvrières aux grands ensembles Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les conditions de logement de la classe ouvrière ont été déplorables et considérées comme une fatalité. Le développement de la société industrielle a engendré des changements soudains, sans précédent, entraînant le déclin des modèles traditionnels (Louisa Plouchart 1999). La population est concentrée dans les zones urbaines, et le manque d'assainissement est encore plus prononcé qu'en milieu rural. La peur des pandémies ou des révolutions a conduit progressivement les autorités à prendre certaines mesures hygiéniques. De plus, à la suite des changements de société (1818-1883 avec Karl Marx), le mécontentement, les luttes de protestation des classes exploitées, qui étaient désormais conscientes de leur situation, se sont enflammés. En France, selon L. Plouchart (1999), outre les activités spéculatives particulièrement répandues à l'époque, les grandes réalisations de logements, offrant aux ouvriers un certain confort, sont apparues des patrons avides d'une main-d'œuvre stable. C’est pourquoi, à la fin du XIXe siècle, la première société anonyme d’habitation à bon marché (SA d’HBM dont le terme HBM remplace celui d'habitation ouvrière), fut créée afin de lutter contre le logement insalubre. Par la suite, plusieurs SA d’HBM vont faire surface. Celles-ci mettent à disposition des logements à prix social avec une exonération d’impôt. Plusieurs lois vont s’instaurer, dont la loi Siegfried (1894) où l’ensemble de ces SA d’HBM vont adhérer à la première d’une longue série de fédérations : « La Fédération des sociétés coopératives et anonymes d’HBM ».