L’interdépendance politique dans l’accueil du migrant : révélatrice des situations de tensions dans différents pays européens Par Nelly Puiroux, le 03/02/2020 Depuis 2015, l’Europe fait face à une « crise migratoire » comme l’appellent les médias. En s’appuyant sur les politiques européennes qui mettent en place des contrôles des flux migratoires assez stricts, les gouvernements nationaux réagissent de manière duale : avec, d’une part une prise en charge rapide des demandeurs d’asile et d’autre part, un enjeu sécuritaire qui se traduit par l’intensification des contrôles et l’enfermement des migrants (Babels 2018). Cette dualité tout comme l’urgence de la situation se sont répercutées sur les administrations locales responsables de l’accueil et de l’installation des migrants, ainsi soumises à des injonctions contradictoires. Dans ce contexte, les organisations nationales au même titre que les réseaux et militants locaux (formels ou informels) se sont mobilisés pour aider les migrants dans leur installation (accès à l’hébergement, à l’emploi, à l’école..). Il semble que ce phénomène migratoire mette en avant l’interdépendance entre les échelles nationales et locales (Belmessous et Roche 2018). Ces « politiques de l’accueil » menées par des acteurs ou réseaux locaux, tendent à s’actualiser et ainsi à avoir des répercussions à l’échelle métropolitaine. Elles s’appuient sur des concepts clés autour des notions d’hospitalité et de mixité, articulant ce processus d’insertion des migrants aux villes (Dahdah, Gwenaelle et Bouillon 2018). Toutes ces dynamiques font de la ville un espace hybride, évolutif qui est d’une part, le terrain privilégié d’insertion des migrants mais demeure, avant tout, un espace organisé par des stratégies et des volontés territoriales. L’exemple récent de l’évacuation de 130 squats à Bordeaux peut être considéré comme une preuve de cette interdépendance entre les échelles nationales et locales. En effet, durant l’été 2019, des migrants et sans-abris ont été saisis et mis dehors sans solution de relogement alors qu’ils demeuraient dans des bâtiments vacants. Cette décision, prise par la préfète Fabienne Buccio dans le but de lutter contre l’insécurité et la délinquance a détruit le travail et le lien de confiance de plusieurs associations locales comme Ovale Citoyen avec ces populations isolées.(1) Cet exemple nous interroge sur la portée de cette interdépendance. Derrière cette notion, se cachent des intérêts communs et des devoirs de réciprocité existants entre l’État et les politiques locales. Cependant il semblerait que ce lien desserve les volontés de l’un à défaut de contraindre l’autre, générant alors « […] des échecs et des déconvenues des politiques répressives […] » (Badie 2009, p. 26). On se pose alors la question suivante : Dans quelle mesure la question de l’accueil des migrants, met-elle en lumière la relation interdépendante entre les politiques nationales et les politiques locales dans différents contextes européens particulièrement marqués par la question migratoire ?
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Les informations sur cet événement et les conséquences sociales engendrées proviennent du site de La Croix, datant du 23 juin 2019 d’après la source afp. Elles sont consultables en ligne à l’URL suivant : https://www.lacroix.com/France/A-Bordeaux-inquietudes-migrants-rue-expulsion-squats-2019-07-23-1301037064.