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02 Archipel transfrontalier
Habiter le trouble
Studio Invisible Metropolis [Master international Ecological Urbanism] Luxembourg in transition dirigé par Matthias Armengaud et Ingrid Taillandier
Entre la Belgique et le Luxembourg, une partie de la frontière est dessinée par le cours de la rivière Eisch, qui traverse la forêt puis la ville de Steinfort.
Une nouvelle station d’épuration qui collecte l’eau des villages limitrophes, à la fois belge et luxembourgeois, s’implante, laissant à l’abandon les anciennes qui longent la rivière. En effet, l’évolution des exigences en termes de qualité d’eau dans cette région demande de nouvelles infrastructures plus efficaces pour épurer l’eau, et ainsi assurer le déchargement d’eau non polluée dans la rivière.
« No man’s land », espace interstitiel, lieu de passage ; les zones frontalières abritent souvent des infrastructures placées volontairement en marge. Ici, le caractère transfrontalier du nouveau réseau d’assainissement, qui semble être le seul qui lie les villes et villages des deux côtés de la frontière, amène à questionner l’organisation frontalière des flux de mobilité et l’utilisation des sols qui en découle : le flux asymétrique de véhicules qui vont en majorité travailler quotidiennement en direction du Luxembourg, le manque de réseaux de transports en communs qui traversent la frontière, la problématique quotidienne du stationnement dans une région qui compte une grande partie de travailleurs frontaliers...
Comment embrasser ce caractère transfrontalier afin de détourner sa fonction séparative initiale qui fait de cette zone un « no man’s land » ?
En partant des réseaux d’eau actuels de ce site, ce projet propose de mettre en place une piste cyclable transfrontalière collectant eaux pluviales et eaux usées séparément. Ces deux types d’eau sont actuellement collectés et mélangés ensemble, bien qu’ils ne nécessitent pas le même traitement, créant une perte d’énergie dans la station d’épuration et des réseaux peu adaptés spécifiquement aux inondations et aux pluies.
Il s’agit, dans un sens, de traiter la mobilité comme l’eau : de façon caricaturale, on peut considérer la mobilité « usée » (la voiture) et la mobilité « propre » (le vélo). Les plateformes multimodales Park and Ride prendraient alors le rôle de « stations d’épuration ».
La forêt est le lieu où l’eau de pluie converge, où l’eau épurée est déchargée, mais aussi le lieu où la frontière se brouille. À l’intérieur, les anciennes structures de réseau laissées à l’abandon dans la région seraient réactivées, formant un panel d’architecture technique réutilisée. Bassins aquaponiques, phytorémédiation.... des usages qui mettent en exergue un parcours jouant avec le naturel et l’artificiel, avec l’existant et le futur.
Ce cheminement transfrontalier connecterait ces friches et ces anciennes structures en les inscrivant dans un réseau de mobilité. La rivière incarnant la frontière des deux pays au sein de la foret, il s’agirait de déplier cette ligne, de la troubler, afin de la redéfinir non plus comme une séparation exerçant un contrôle mais comme un parcours suivant le réseau d’eau : un archipel transfrontalier. Des refuges, des lieux d’usage collectif, de rassemblement et de jeux formeraient un tiers-lieu que l’on traverse, de jour comme de nuit. En intégrant la forêt et ses risques, notamment celui de l’inondation, ce parcours tend à assurer un moyen de se déplacer accessible et sécurisé pour toutes et tous.