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01 "Trans-action"
Faut-il repenser la compensation?
Studio Fictions critiques [Thème Milieux, ruralités, métropole] dirigé par Nicolas Dorval-Bory et Jeremy Lecomte
Depuis les années 2000, plusieurs entreprises et écoles d’Île-de-France quittent leurs locaux pour venir s’implanter sur les terres agricoles, les plus fertiles d’Île-de-France, du plateau de Saclay. Face à l’enjeu de réduction de l’artificialisation des sols affirmé nationalement, le projet de Campus Paris-Saclay – qualifié d’anachronique par d’importantes contestations citoyennes –, appuie sa légitimé contemporaine sur un des concepts les plus mobilisés aujourd’hui pour faire perdurer notre modèle de société : la compensation.
Comme un engrenage, le déplacement des écoles a ouvert la voie à l’implantation de nouveaux programmes sur les anciens sites franciliens, dessinant, en arrière-plan, une autre boucle foncière spéculative. Passant de campus avec une identité propre, à des îlots compactés dans un campus-cluster, ces écoles ont laissé derrière elles des sites dont le destin sera déterminé, à travers leur vente, par leur potentialité immobilière maximale, convergeant, pour la plupart, vers une tabula rasa.
Les retours de cession de ces anciens sites sont toutefois déstabilisés par un élément difficile à quantifier : la pollution. En effet, certains nouveaux projets d’aménagement sont rattrapés par les sols usés, qui s’incarnent par des coûts incertains de désamiantage et de dépollution dans les bilans prévisionnels. En ce sens, les indemnités de pollution fixées lors de la transaction de vente font baisser le retour de cession final qui, tant que la dépollution n’a pas été effectuée, maintient un lien transactionnel entre anciens et nouveaux campus.
L’objectif est donc de penser une méthodologie de projet à partir de l’hypothèse suivante : ces indemnités de dépollution, relativement récentes, encore facultatives et non réglementées, pourraient être un levier pour repenser la compensation, au-delà d’une vision surfacique mais en termes de projet. Il s’agit ainsi d’inviter à remettre en question la démolition totale qu’enclenchent, « par défaut », les nouveaux projets immobiliers désignés pour les anciens campus.
Cette méthodologie se déploie ici à partir de l’un des 6 campus étudiés : la Faculté de Pharmacie à Chatenay-Malabry – actuellement en attente d’être démolie pour laisser place à un programme tertiaire de 122 000 m2. La transformation du site est appréhendée à travers 3 variables qui influencent fortement le degré de préservation du site (partant du projet désigné aujourd’hui comme degré 0) : les sols perméables existants, les sols dépollués perméables et les bâtiments existants. En exploitant le principe des indemnités dans le bilan prévisionnel, il s’agit d’augmenter ces curseurs afin d’ouvrir vers un champ d’alternatives ; elles sont approfondies, en aval, par les potentialités techniques de 3 actions impactantes sur les sols : niveler, dépolluer, renaturer.
Développer le scénario médian, non pas en tant que résultat mais en tant que fiction inscrite dans un processus presque d’archivage, laisse imaginer un paysage façonné par les différentes techniques de dépollution, par les variations de perméabilité des sols, et, plus largement, par un déjà-là architectural. De nouvelles topographies émergent et se croisent, en tant qu’éléments à partir desquels faire projet, tout en répondant à une certaine rentabilité.
À la fois point de départ d’une génération de richesse et parent pauvre des projets immobiliers, la valeur commercialisable du sol entretient une tension entre aménagement et architecture, qui, au-delà d’une simple volonté de préservation, nous amène par cette méthodologie à interroger le système mouvant dans lequel nos façons de faire du projet s’inscrivent.