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Le ministre de la Santé, Christian Dubé, répond aux questions du RQRA

PAR HANS BROUILLETTE , DIRECTEUR DES AFFAIRES GOUVERNEMENTALES ET PUBLIQUES, RQRA

IL Y A QUELQUES SEMAINES, LE PDG DU RQRA, MARC FORTIN, A RENCONTRÉ LE MINISTRE CHRISTIAN DUBÉ À SON BUREAU DE MONTRÉAL. LE MINISTRE A RÉPONDU À SES QUESTIONS PORTANT SUR LES DEUX PROJETS DE LOI QU’IL A PRÉSENTÉS CE PRINTEMPS : LE PL-15 RÉFORMANT LE SYSTÈME DE SANTÉ ET LE PL-10 INTERDISANT LE RECOURS AUX AGENCES DE PLACEMENT DE PERSONNEL.

LE PROJET DE LOI 15 AIDERA-T-IL LES RPA ?

Vous avez amorcé des travaux d’une ampleur jamais vue depuis des décennies pour restructurer le système de santé. En cinq ans, plus de 500 RPA ont fermé. Leurs coûts augmentent et les revenus ne suivent plus. L’offre en RPA, en RI et en CHSLD semble insuffisante pour faire face à la croissance des besoins des aînés. Comment le projet de loi 15 et la future agence Santé Québec changeront-ils la situation ?

Christian Dubé : L’objectif du projet de loi est de mettre en place un système efficace qui facilitera l’accès pour les usagers à des services de santé et à des services sociaux sécuritaires et de qualité, qui renforcera la coordination entre les acteurs du système et qui permettra de rapprocher du terrain les décisions liées à l’organisation et à la prestation des services.

Au sujet des ressources, le projet de loi 15 prévoit de diminuer la bureaucratie et donc éviter les dédoublements, ce qui facilitera les relations entre les travailleurs et leur employeur.

En revenant à une gestion de proximité, en améliorant l’accès aux services et en étant à l’écoute des aînés qui sont les usagers des mesures de soutien à domicile, des RPA, RI et CHSLD, nous serons plus efficaces afin de mieux répondre à leurs besoins.

Comment expliquez-vous que les partenaires privés soient nombreux à trouver difficiles leurs relations avec les établissements publics du réseau de la santé ? Quel effet pourrait avoir le projet de loi 15 sur ces relations ?

CD : Un des objectifs du projet de loi est d’offrir une « expérience patient » à la hauteur de ce que méritent les Québécois. Pour nos aînés, cette expérience se vit souvent à travers les services offerts par les partenaires privés.

Le projet de loi 15 s’appuie entre autres sur une volonté de développer et de consolider des partenariats constructifs avec les partenaires des réseaux privés et communautaires, avec comme pierre d’assise l’intérêt supérieur des usagers, notamment les personnes âgées. Il clarifie et harmonise le cadre de responsabilité et les obligations qui en découlent, ce qui va permettre une meilleure collaboration dans la prestation des services aux aînés.

D’autres démarches sont en cours. Il y a entre autres les ententes de collaboration entre les établissements et les RPA qui ont justement comme objectif de clarifier les rôles de chacun et de favoriser les échanges. Vous avez d’ailleurs été impliqués dans les travaux avec le ministère.

Les CISSS-CIUSSS portent en ce moment deux chapeaux face aux RPA : celui de partenaire et celui d’autorité. Lorsqu’il y a un différend, comme sur ce qui est préférable pour le bien-être du résident, le CISSS-CIUSSS est juge et partie. Serait-il envisageable de conférer à un commissaire aux plaintes indépendant, le mandat d’arbitrer ces différends ?

CD : Non. Il y a déjà plusieurs mécanismes prévus pour les diverses possibilités.

Le CISSS-CIUSSS est l’entité responsable de délivrer et de révoquer au besoin l’attestation temporaire ou le certificat de conformité délivré à un exploitant : les critères et exigences sont balisés par la Loi et le règlement et la décision du CISSS-CIUSSS peut être contestée par l’exploitant devant le Tribunal administratif du Québec.

Le CISSS-CIUSSS est à l’occasion en position d’acheter des services (cliniques) à l’exploitant d’une RPA : les conditions applicables sont celles prévues dans le contrat signé entre les parties.

Pour ce qui est des modalités opérationnelles concrètes et des relations entre le CISSS-CIUSSS et une RPA, l’entente de collaboration à convenir obligatoirement entre l’exploitant et le CISSS-CIUSSS doit comporter un mode de règlement des litiges convenant aux parties (on parle ici de la même entente de collaboration mentionnée plus haut qui a été élaborée avec la participation du RQRA).

En tout temps, un résident peut porter plainte au commissaire local aux plaintes pour la partie des services qu’il estime insatisfaisants ou au Tribunal administratif du logement pour toute question liée au contrat (au bail).

Le modèle des CHSLD se fait graduellement remplacer par celui de maisons des aînés, mais il y a toujours un manque important de places. Le gouvernement ne trouverait-il pas avantage à mieux financer les achats de services en soutien à domicile en RPA afin de retarder l’hébergement des aînés vers les CHSLD, maisons des aînés et ressources intermédiaires ?

CD : Une des principales orientations ministérielles est justement l’intensification des services de soutien à domicile. Le soutien à domicile est d’ailleurs l’une des grandes priorités de la ministre Bélanger. Le désir des aînés est clair, rester chez eux le plus longtemps possible, mais en recevant des services de qualité qui répondent à leurs besoins.

On doit avoir un réseau qui s’adapte, qui est plus flexible, qui travaille avec des partenaires de la communauté et c’est ce qu’on compte faire.

Aucun gouvernement n’en a fait autant que le nôtre pour augmenter les soins et les services à domicile. C’est plus de 2 G$ qu’on a ajoutés pour le soutien à domicile au cours de notre premier mandat et ce n’est qu’un début. Le plus récent budget prévoit des investissements de 964 M$ pour accentuer le virage vers le soutien à domicile, ce qui permettra d’accroître le nombre de personnes recevant des soins ou des services, d’accroître le nombre d’heures de soins et services offerts, de diminuer le nombre de personnes en attente d’un premier service.

On travaille aussi à changer le modèle d’hébergement pour créer des milieux de vie qui se rapprochent le plus possible d’un domicile. C’est la raison d’être des Maisons des aînés. On parle de 46 maisons pour 3 500 places. C’est un projet dont nous sommes fiers qui permettra de répondre à un réel besoin.

Les unités locatives d’une RPA constituent le domicile des personnes aînées qui décident d’y résider. Ces personnes ont d’office accès aux mêmes services de soutien à domicile que les autres citoyens du Québec. Plus spécifiquement, pour les achats de services par les CISSS-CIUSSS pour les résidents de RPA, des travaux bilatéraux sont en cours et pourront se poursuivre indépendamment du PL-15.

Afin de soutenir les RPA, notre gouvernement a mis plusieurs mesures en place. Nous avons d’ailleurs annoncé deux nouvelles mesures : transformation volontaire de plus petites RPA en RI et amélioration de l’allocation directe aux personnes en perte d’autonomie.

L’objectif de la dernière mesure est justement de systématiser le mécanisme existant et d’harmoniser les modalités de fonctionnement dans les différentes régions du Québec. Les améliorations apportées permettront aux RPA d’avoir une source de revenu stable et prévisible pour la prestation des services offerts aux aînés.

Des travaux sont aussi en cours entre vous et le ministère pour une grille d’achats de services uniforme à travers le Québec.

Un Québécois sur quatre sera un aîné d’ici 2031. Comment voyez-vous l’équilibre en matière d’offre d’hébergement et de services de santé entre le réseau public et le réseau privé, dont l’avenir semble plus précaire ?

crédits: M. Dufays

CD : Les RPA sont soit des entreprises privées ou des organismes à but non lucratif. Il sera important que ce marché privé fasse évoluer son modèle d’affaires en fonction de la demande. Le PL-15 n’aborde pas ces questions.

L’ensemble des partenaires devront travailler main dans la main pour faire évoluer le continuum d’hébergement résidentiel afin de répondre le plus adéquatement possible à la demande qui sera croissante. Le tout devra se faire en respectant la capacité de payer des aînés et de la société.

Nous avons un plan clair pour faire face au vieillissement de la population et plus particulièrement en matière d’hébergement. L’une des priorités de la ministre Bélanger est justement de consolider le milieu d’hébergement. Cela se fera en poursuivant la construction et l’ouverture des Maisons des aînés et la rénovation des CHSLD vétustes, en conventionnant des CHSLD privés et en mettant en place des mesures pour assurer la pérennité des RPA.

Tous les milieux de vie sont nécessaires dans le continuum du vieillissement. Nous travaillons aussi à réaliser un virage majeur vers le soutien à domicile. Enfin, nous travaillons pour l’implantation de l’hospitalisation à domicile à travers le Québec.

La vie en RPA contribue à retarder la dégradation de la condition des aînés, donc leur hébergement vers d’autres ressources. Cela se traduit par des coûts évités considérables pour le gouvernement du Québec. Devant cette réalité, un rôle actif dans le financement des RPA pourrait-il être exercé par la Caisse de dépôt et placement ou par Investissement Québec dans notre industrie ?

CD : Dans le cadre du dernier budget, ma collègue Sonia Bélanger a annoncé des mesures. Des investissements de 405 M$ sont prévus pour soutenir les RPA, particulièrement les plus petites : 200 M$ pour améliorer l’allocation directe aux personnes en perte d’autonomie dans les RPA; 94,7 M$ pour réviser le cadre d’intervention auprès des petites résidences pour simplifier la conversion volontaire en RI; 21,3 M$ pour élargir le programme de transition salariale pour le personnel soignant; 89 M$ pour prolonger l’aide financière pour l’installation des gicleurs. Le programme d’aide pour réduire l’impact des hausses des primes d’assurance sera aussi prolongé.

Ces investissements s’ajoutent aux sommes de plus de 782 M$ sur cinq ans annoncés dans le budget 2021-22 pour soutenir les RPA. Les RPA sont des partenaires que notre gouvernement continue d’aider et avec qui nous allons continuer de collaborer.

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