"Vortex. L'amour qui a tout déclenché" Tome 3 d'Anna Benning - Extrait

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De la même autrice

Vortex tome 1 – Le jour où le monde s’est déchiré, roman épik, 2022 (poche, 2025)

Vortex tome 2 – La fille qui a traversé le temps, roman épik, 2023

Titre original : Vortex – Die Liebe, die den Anfang brachte © 2021 Fischer Kinder- und Jugendbuchverlag GmbH, Frankfurt am Main Illustration de couverture : © Germain Barthélémy © Éditions du Rouergue, 2025, pour la traduction française www.lerouergue.com

L’amour qui a tout déclenché

Traduit de l’allemand par Isabelle Enderlein

La fortune n’enlève que ce qu’elle a donné.

Sénèque

prologue

Je n’avais jamais vu un vortex comme celui-là.

Il rassemblait une infinité de mondes. En lui, chaque traînée d’énergie menait d’un endroit à un autre, chaque vrombissement portait en lui un autre écho : le sifflement des vents arctiques, le cri d’une baleine, le frémissement d’un arbre, la rumeur de la grande ville.

L’énergie qu’il émettait me coupait le souffle, m’attirait avec une puissance telle qu’il me fallait enfoncer mes bottes dans le sol pour ne pas me laisser emporter.

Malgré tout son pouvoir destructeur, ce vortex était magnifique. Plus puissant que tout ce que j’avais ressenti jusqu’alors. Et il m’appelait à lui, car j’étais la seule à pouvoir le maîtriser.

C’est alors qu’une main m’a saisie.

Comme toujours, il avait été si rapide que je ne l’avais pas vu venir.

Il s’est campé devant moi, résolu.

– Non.

C’était un simple mot, mais il contenait tout. Tout ce qui nous avait conduits, lui et moi, à ce moment. Ses

yeux me fixaient, tandis que le tressaillement commençait déjà à nous envelopper.

J’avais encore tant de choses à lui dire. Mille et une choses. Mais on n’avait plus le temps.

D’un seul coup, tout en moi est devenu calme. Toutes les pertes qu’on avait subies sont passées au second plan. La peur qui m’avait paralysée ces dernières heures s’est évanouie.

J’ai pris son visage entre mes mains et je l’ai embrassé.

Son souffle chaud me caressait la peau, ses doigts ont enserré le tissu de mon uniforme dans un dernier effort désespéré pour me garder auprès de lui. Dans ce baiser, j’ai mis tout ce que je ressentais pour lui.

Mais dès l’instant où j’ai relâché mon étreinte, je n’ai plus hésité. Je suis passée devant lui, si vite qu’il n’a pas pu me rattraper. J’ai pris mon élan et j’ai sauté.

Je savais désormais une chose avec une certitude absolue.

Depuis le début, c’était inéluctable.

PREMIÈRE PARTIE COLÈRE ET MIRACLE

message codé

Expéditeur : Juliana Canto, navigatrice en chef São Paulo

Destinataire : liste de distribution des navigateurs en chef

Mes fidèles amis,

La situation est si confuse que je ne saurais dire à qui parviendra ce message. Les Amalgamés se sont emparés de Tokyo, Mexico, New London, Sydney, Le Cap et Le Caire. Dans quelques minutes, ils envahiront São Paulo, et nous ne pourrons pas les en empêcher. Il est difficile mais nécessaire de regarder les choses en face : pendant des années, Varus Hawthorne nous a dupés, nous et tous les membres du Curatorium. Notre chef suprême n’est pas un humain, mais un Amalgamé, et si nous ne l’arrêtons pas, sa haine nous conduira tous vers l’abîme. Il a apporté la guerre dans nos villes. Mais la vraie menace se cache ailleurs. Hier, nous avons appris de source sûre que le Coureur du temps de Hawthorne était sur le point de trouver un moyen de revenir en 2020.

Le phénomène des Coureurs du temps est aussi dangereux que mal étudié. Il permet au Coureur non

seulement de remonter dans son propre passé par le biais de ses souvenirs, mais également de remonter bien plus loin encore. Moi-même, j’ai effectué des recherches sur ces rifts qui permettent au Coureur du temps de Hawthorne de retourner toujours plus loin dans le passé. Si ce Coureur parvient à atteindre le Vortex originel, il sera trop tard.

Soyons clairs : Hawthorne prévoit de renforcer le Vortex originel au point d’amalgamer toute notre planète. Il effacerait ainsi un petit siècle d’histoire, et l’humanité s’en trouverait tout d’un coup anéantie. Les Amalgamés seraient les nouveaux maîtres du monde.

Mes amis, quels que soient ceux qui recevront ce message : notre dernier espoir est d’arrêter le Coureur du temps de Hawthorne.

Trouvez Balian Travers et tuez-le ! C’est notre seul espoir.

Je mets en ligne tout ce dont vous aurez besoin en ce moment même sur le réseau des curateurs.

Chaque mouvement se déroule dans le temps et tend vers un but.

Puissions-nous nous revoir !

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chapitre 1

Les tambours ont commencé à se faire entendre avant même qu’on entame la descente. Leur rythme était incontrôlé, presque sauvage, leurs battements irréguliers, tantôt rapides, tantôt lents, résonnant d’un son tantôt clair, tantôt sombre. Ensemble, ils parvenaient à créer une mélodie hypnotique à laquelle il était difficile de résister.

J’ai jeté un bref coup d’œil par la fenêtre de notre téléporteur. Cela n’a pas échappé à Susie, laquelle s’est raclé la gorge avec sévérité.

– Ellie ! Si tu ne te tiens pas tranquille, je vais devoir tout recommencer.

Par pitié, non.

Cela faisait plus d’une demi-heure que Susie s’acharnait sur moi. Je n’allais pas tenir davantage. Prenant une profonde inspiration, j’ai essayé de ne plus bouger.

– Désolée.

– J’y suis presque. Encore les finitions. Susie a sorti un poudrier de son sac à bandoulière.

– Les finitions ? ai-je répété avec méfiance. Susie a penché la tête.

– Ça ne fait pas encore… vrai.

– Je traduis, a glissé Luka avec un sourire moqueur, ton amalgame laisse encore à désirer.

Me penchant sur le côté, je l’ai fusillé du regard. Fagus et lui, assis sur la banquette qui nous faisait face, semblaient bien s’amuser – en dépit de ce qui nous attendait.

Par chance, il n’y avait pas d’autre témoin. À l’exception de notre pilote, on n’était que quatre dans le téléporteur.

Susie m’a tapoté le menton, m’obligeant à reprendre position face à elle.

– Mieux vaut ne pas lésiner sur les moyens.

Je me suis résignée. Elle avait raison, en fin de compte. L’enjeu était de taille.

Tandis que Susie, à l’aide d’une petite éponge, étalait sur mon visage une quantité telle de poudre verte que j’allais bientôt ressembler à un sapin de Noël, je me suis à nouveau tournée vers la fenêtre.

Cela faisait une bonne heure que notre téléporteur survolait São Paulo. Un ciel bleu dépourvu de tout nuage s’étendait de toutes parts. Une nouvelle journée d’été torride s’annonçait.

Sous nos pieds défilait un tapis de gratte-ciel. Vu l’immensité de São Paulo, il nous faudrait encore un moment pour atteindre notre point d’atterrissage : un quartier autrefois appelé Rio de Janeiro, lequel formait une ville à part avant que le Curatorium ne le rattache à la mégapole.

La ville n’était formée que d’une succession d’immeubles d’habitation, d’entreprises agroalimentaires et de clôtures séparant les quartiers. Là où la plaine se

transformait en collines verdoyantes, les constructions devenaient plus éparses et de petites touches de nature égayaient le paysage. Pour le reste, cette mégapole ne se distinguait guère des dix autres villes du Curatorium.

Des dix anciennes villes du Curatorium, ai-je corrigé en pensée, car la plupart d’entre elles ne lui appartenaient plus.

Désormais, elles étaient sous le pouvoir des Amalgamés.

Combien de temps s’était-il écoulé depuis la capitulation de São Paulo ? Une semaine ? Deux ? Il s’était passé tant de choses que j’avais du mal à suivre.

– Et le meilleur pour la fin ! s’exclama Susie, m’arrachant à mes pensées.

Une nouvelle fois, elle a fouillé dans son sac et, avec un sourire malicieux, en a sorti des branches, des feuilles et des fleurs rose pâle.

– Susie…

Avec toute la dignité dont j’étais encore capable, je l’ai regardée attacher toute cette végétation à une barrette, une étincelle de détermination dans les yeux.

– Ça ne suffit pas, les cheveux tressés ? ai-je demandé. Susie a secoué la tête avec véhémence.

– Les tresses, c’est uniquement pour pouvoir mieux fixer les plantes. Maintenant, ne bouge plus ! Je sais exactement à quoi ça doit ressembler à la fin.

J’ai supplié Luka du regard, mais il ne me calculait pas, occupé qu’il était à contempler Susie. Celui-là, dès qu’il avait une petite copine, il me laissait tomber. Le traître.

Cinq minutes plus tard, Susie a placé un miroir devant mon visage.

– Tu es magnifique !

Elle avait l’air si fière que je n’ai pas eu le cœur d’objecter que les fleurs s’envoleraient au premier sprint. Pour lui faire plaisir, j’ai contemplé les compositions qu’elle avait délicatement entortillées dans mes cheveux blonds. Sans ma queue-de-cheval habituelle, je ne me sentais pas moi-même, mais Susie s’était donné tellement de mal ! Elle avait teint mes sourcils en vert pour imiter les sourcils de mousse de Fagus ; avant le décollage déjà, elle avait collé des plumes à mes cils pour leur donner l’aspect de feuilles. Même la poudre verte, qu’elle avait appliquée de manière à créer un léger motif d’écorce, était très jolie.

Non, vraiment, je pouvais me regarder sans avoir la nausée.

– Merci, Susie.

Les yeux de mon amie se sont illuminés davantage encore. Satisfaite, elle a remballé son attirail et s’est affalée à côté de moi sur le siège libre.

Contrairement à ma tenue de couleur verte, celle de Susie était dans des tons bleu clair. Cela mettait encore plus en valeur sa peau d’Aquamorphe qui prenait naturellement des accents bleutés. Elle portait une petite jupe en satin, avait détaché ses longs cheveux noirs, habituellement tressés en épis, pour les laisser tomber en grandes vagues sur ses épaules. Et elle avait collé des pierres brillantes autour de ses yeux en amande.

Luka et Fagus n’avaient pas fait autant d’efforts. La tenue de Luka se résumait à un pantalon en tissu rouge foncé et à un t-shirt en lin blanc. Il avait sauvagement ébouriffé ses cheveux roux, qui encadraient son visage

comme des mèches de feu, ce qui soulignait parfaitement sa nature de Pyromorphe.

La chemise et le pantalon de Fagus brillaient dans des tons de vert similaires à ceux de mes propres vêtements. La seule différence entre lui et moi, c’était que je me faisais passer pour une Sylvomorphe. Chez lui, en revanche, la mousse et les feuilles parsemant ses cheveux étaient bien réelles.

Bref, on était accoutrés comme pour aller en soirée.

C’étaient les navigateurs qui avaient suggéré l’idée. Donné l’ordre, plutôt. Au début, j’avais cru mal comprendre, quelle idée de s’accoutrer comme ça pour une mission aussi importante ? Puis j’ai vite compris leur argument.

En ce jour férié, tous les Amalgamés, partout dans le monde, faisaient la fête, s’affichant dans les couleurs de leurs éléments. Pour la première fois de leur vie, ils n’avaient plus besoin de cacher leurs pouvoirs et pouvaient montrer leur vraie nature. Et ces couleurs… étaient devenues le symbole de leur liberté.

La mégapole appartenant désormais à la Tornade Rouge, une armée d’embrigadés vouant une haine féroce à ces humains qui les avaient opprimés pendant des années, je ne pouvais pas me permettre de débarquer à São Paulo, sans camouflage. Je ne tiendrais pas une minute avant d’être capturée. Et ensuite… soit j’aurais la chance de ne pas être reconnue et je serais expulsée dans les nouveaux quartiers humains. Soit on m’identifierait comme Elaine Collins, la Coureuse du temps, et je serais directement livrée au chef de la Tornade Rouge, Varus Hawthorne.

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