Du même auteur au Rouergue
Cité Nique-le-ciel – 1998, roman doado.
Je mourrai pas gibier – 2006, roman doado noir.
La brigade de l’œil – 2007, roman doado noir.
Déroute sauvage – 2009, roman doado noir.
Ma grand-mère est une terreur – 2017, roman dacodac.
Captain Mexico – 2018, roman dacodac.
La face cachée du prince charmant – 2019, album (ill. Henri Meunier).
Vorace – 2019, roman épik.
Les trois enterrements de mon chien – 2020, roman dacodac.
La princesse rebelle se dévoile – 2021, album (ill. Henri Meunier).
Illustration de couverture : Pierre Dheur
Graphisme de couverture : Olivier Douzou
© Éditions du Rouergue, 2023
www.lerouergue.com
Guillaume Guéraud mon grand-père est un gangster
Illustrations de Pierre Dheur
chapitre 1
J’ai filé vers l’arrêt de bus en transpirant comme un dingue malgré le froid. Plus chargé qu’une bourrique. À cause de tout ce que je trimbalais dans mon cartable. Essentiellement des trucs volés. Sans compter ma trousse et mes cahiers de classe.
Maman n’aime pas trop que je rentre les mains vides alors, après l’école, je traîne en ville pour faire les poches aux passants. Histoire de rapporter quelque chose de valable à la maison. Des billets ou au moins un peu de monnaie. C’est toujours plus utile que des mauvaises notes.
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Je fauche un peu tout ce qui me tombe sous la main. Délicatement et discrètement. Dans des sacs ou des manteaux.
Pas la peine de me faire la morale. Je sais bien que c’est pas bien de voler. « Sauf quand on ne peut pas faire autrement… » dit toujours ma mère. Et c’est pas ma faute si on n’a jamais pu faire autrement.
De toute façon, je suis pas assez grand pour voler des grosses choses, alors c’est pas trop grave. Pas comme mon frère, Toni, qui a déjà l’âge de conduire. Il sait piquer une bagnole sans avoir besoin des clés. Sauf qu’il a pas de chance, il prend tout le temps des voitures pourries. Qui tombent en panne au bout de quelques kilomètres.
Moi, vu ma taille et mon poids, je boxe pas dans la même catégorie que lui. Je me contente de ce que mes mains arrivent à attraper. « Bravo Marco ! » me félicite malgré tout maman. Alors que Toni se moque de moi à chaque fois. « C’est pas avec ça qu’on
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va faire fortune… » il râle devant les petits trésors que je rapporte. « Ni avec les charrettes que tu conduis… » je lui réponds.
Il me traite de « pickpocket de pacotille ». Je le traite de « pilleur d’épaves ». Et il finit toujours par me coller une beigne en râlant : « Tiens, tu l’as pas volée, celle-là ! »
On n’arrête pas de s’embrouiller, tous les deux. Sauf devant un bon film de gangsters. On adore les scènes avec les bandits. Quand ils dévalisent une banque ou quoi. Et qu’ils parviennent à échapper aux flics. Ça nous fait rêver.
Je me suis assis à l’arrêt de bus en imaginant mon frère arriver au volant d’un fourgon blindé.
Mon cartable pesait un âne mort parce que je venais de ratisser un tas de bric-à-brac. Des téléphones portables, une bande dessinée, un sachet de bonbons à la menthe, une trousse de maquillage, un flacon de parfum, une clé à molette, un paquet de clopes, une boîte de Doliprane, un vieux mouchoir, trois portemonnaie, deux portefeuilles et un joli porteclés. Ni vu ni connu.
Faut dire que, depuis tout petit, je suis particulièrement doué pour ça. Je parviens à glisser une main dans la poche intérieure de n’importe quelle veste pour en dérober tout le contenu. Je peux voler le collier d’une dame sans lui arracher le cou. Ou même enlever une montre fixée à un poignet sans me faire remarquer.
« T’as hérité du talent de ton grand-père ! » me dit souvent maman.
Je sais pas.
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Mon grand-père, je ne l’ai jamais vu, ça fait vingt ans qu’il est en prison. Mais tout le monde a entendu parler de lui. Parce que c’était un vrai caïd à une époque.
Rien que son nom foutait la trouille : Napoli-le-Napolitain. Il suffisait de le prononcer pour faire trembler n’importe qui. Eh ben c’est lui, ouais, c’est mon grand-père !
Sauf que lui, contrairement à moi, il faisait pas dans la délicatesse. Il manipulait de l’artillerie lourde. Du genre mitraillettes ou bazookas. Sans rire.
Ma mère nous a raconté des tas d’histoires à son sujet. Il paraît qu’il roulait en limousine. Il paraît que les voyous s’agenouillaient devant lui. Il paraît que les flics claquaient des dents en le voyant. Parce que Napolile-Napolitain trempait dans toutes les combines et tous les trafics possibles. À la fois voleur et magouilleur. Et même tueur.
Il est surtout connu parce qu’il a tué un préfet. Carrément. Le préfet Briquet, à Marseille,
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il y a longtemps. J’étais pas encore né, moi, mais on m’a décrit la scène cent cinquante fois. Le préfet Briquet, pour résumer, c’était le caïd de la police. Alors Napoli l’a poignardé et a jeté son corps dans le Vieux-Port. « Heureusement que ton grand-père a abattu ce sale type qui voulait faire régner l’ordre ! » assure maman.
Sauf que, à cause de cette histoire, les flics ont arrêté pépé Napoli. Et ils l’ont mis en prison. Le pauvre.
Je sais pas si j’ai vraiment son talent parce que, moi, j’ai encore jamais tué personne. C’est normal, aussi, j’ai seulement dix ans.
Et je tiens pas à finir derrière les barreaux comme lui.
En plus, ils l’ont enfermé à Toulouse, loin de chez nous vu qu’on habite aux PennesMirabeau. Pour situer, Les Pennes-Mirabeau, c’est un bled tout près de Marseille. Où mon grand-père a acheté la maison juste avant d’aller en prison.
L’année dernière, on a voulu aller lui rendre visite, à Toulouse. Mon frère venait d’avoir son permis de conduire. Il avait fauché une voiture pour l’occasion. Sauf que, évidemment, elle est tombée en panne moins de cinquante kilomètres après notre départ. Et on a dû rentrer en stop.
« Bon sang, Toni, c’est pas vrai ! avait beuglé maman. Tu as volé ce tas de ferraille à la casse ou quoi ? Dire que ton grand-père roulait dans des limousines impeccables… »
