
À Élise, mi-cha mi-dro, rien de plus beau
Marcus Malte
© rouergue, 2025 - www.lerouergue.com photogravure : Cédric Cailhol achevé d’imprimer en avril 2025 sur les presses de Jelgavas Tipografija (Lettonie) isbn : 978-2-8126-2742-2 / dépôt légal : septembre 2025 loi 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse

DROMÉO et CHULIETTE

Chers lecteurs, sans doute avez-vous déjà entendu parler de cette célèbre histoire d’amour, tragique et magnifique, connue sous le titre de Roméo et Juliette L’auteur de cette histoire, William Shakespeare (prononcez « chèkspire »), ne l’avait pas inventée. Du moins, pas complètement. Ce que vous allez découvrir ici est la version originale dont, selon de nombreux spécialistes, Monsieur (prononcez « mister ») Shakespeare s’est très certainement inspiré pour écrire son drame. Comme vous le verrez, elle est tout aussi magnifique, mais un peu moins tragique.
PS : La ritournelle Dromadaire et Chameau doit être chantée sur l’air de la chanson de Gavroche C’est la faute à Voltaire.

acte I
« J’ai froid quand vient l’hiver
La faute à Dromadaire
Et l’été j’ai trop chaud
C’est la faute à Chameau »

Côté jardin
Voici la famille Dromadaire
Voici le père
Voici la mère
Et voici le fils
Droméo
N’est-il pas mignon ?
En tout cas il est unique
Il n’a ni sœur ni frère
Il n’a que son piano
Pour compagnon
Ses rares copains s’appellent
Mozart
Chopin
Schubert
Il joue avec eux pendant des heures
Le reste du temps
Il est tout seul
Côté cour
Voilà la famille Chameau
Papa Chameau
Maman Chameau
Et leurs enfants
Chédric et Chuliette
Chédric est l’aîné
Chuliette la cadette
Car les Chameau ont deux gosses
Tout le monde sait ça
Les prunelles de mes yeux !
C’est ainsi que leur mère les appelle
Et quand elle prononce ces mots
Ses pupilles
Brillent
Comme des cristaux
De neige
Au soleil

« Je traîne ma misère
La faute à Dromadaire
Et j’en ai plein le dos
C’est la faute à Chameau »
Les soirs d’été
Dans le quartier des Dromadaire
On prend l’air
On prend le frais sur le gazon du jardinet
Devant la maison
Avant de dîner
Monsieur Dromadaire ôte sa veste
Et desserre sa cravate
Madame Dromadaire porte
Une robe légère
Et un plateau chargé de verres
Et de carafes
On boit de la cidronnade
On sirote
On bavarde
C’est agréable
Chéri, encore un verre ?
C’est un quartier parfait … fait… fait… fait… fait (dit l’écho)
Toutes les maisons se suivent
Et se ressemblent
Comme des gouttes d’eau
S’il n’y avait pas les numéros
Sur les palissades
On pourrait se tromper
Et entrer par mégarde
Chez le voisin
Oups ! Désolé !
Les rues sont bien droites
Les jardins bien carrés
Les trottoirs sont bien propres
Les chiens bien dressés
Les pelouses sont bien tondues
Les enfants bien peignés
Ou le contraire ?
Passé huit heures du soir
Les artères se vident
C’est le désert
Par une fenêtre quelques notes
S’échappent
C’est Droméo
Et son piano
Une valse
Un prélude
Une sonate
C’est beau

Les soirs d’hiver
Dans la cité des Chameau
On boit du thé chaud
Papa Chameau quitte sa blouse de travail
Maman Chameau surveille
La bouilloire
Les enfants préparent
Des feuilles de menthe
Et tous les quatre à la table de la cuisine
Soufflent sur leurs petits verres
Quelque part
Derrière une porte
Une télé braille
Numéro complémentaire : le 12 974 !
Encore perdu…
C’est un quartier populaire
… laire… laire… laire… laire
Il y a beaucoup de monde
Beaucoup de bruit
Ça crie
Ça grouille
Ouille !
Ça se chamaille
Aïe !
Les immeubles sont immmmmmmmmmmmmmmmmmmenses
Les hautes tours touchent
Les nuages
Les longues barres bouchent
L’horizon


Pas de jardin
Pas de balcon
Pas de pelouse
Pas de gazon
Pas de vert
Juste du gris
Et du béton
C’est dur
Quoi ?
Le béton
Oui
L’ascenseur est en panne
Comme d’hab’
Passé six heures du soir les cages
D’escalier
Se remplissent
Ça monte
Ça descend
Ça circule
Mal
Embouteillage À l’étage
Mais que fait la police ?
Ça rit
Ça râle
Ça vocifère
Au cinquième le Labra dort
Au septième le Pit bulle
Les chiens aboient
Et les gamins hurlent
Ou le contraire ?
Et puis les cages
Se referment
Et le noir se fait

« J’ai vidé ma théière
La faute à Dromadaire
J’ai bu tout mon tonneau
C’est la faute à Chameau »

Papa Chameau bosse à L’Oasis
(C’est un chupermarché)
Il est manutentionnaire
C’est-à-dire qu’il porte les marchandises
Dans les entrepôts
Et dans les rayons
Papa Chameau est costaud
Mais il est fatigué
Quelquefois il en a assez
Eh, Chameau, fini de rêvasser ! Au boulot !
Un Chameau ne doit pas chômer
Monsieur Dromadaire travaille aussi à L’Oasis
Il est sous-directeur
C’est-à-dire qu’il dirige
Presque tout
Par ici ! Par là ! Pas ci ! Pas ça !
Hou là là !
C’est beaucoup de souci
Et de problèmes
Il n’en dort plus la nuit
Ça lui donne la midraine
Tiens, chéri, prends ton cachet ! Et au lit !

Comme vous l’avez compris
Chameau et Dromadaire
Ne se connaissent pas
Non
Ne se fréquentent pas
Non
Ne se parlent pas
Oh non !
Ils s’ignorent
Y la signora.
Quoi ?
C’est de l’espagnol
Okay
Ça c’est de l’anglais

Dromadaire et Chameau
N’ont rien en commun
Chacun sa place
Chacun son boulot
Chacun son rôle
Chacun ses goûts
Et ses couleurs
Chacun ses douleurs
Et ses verrous
Lui vers ici
Et lui vers là
Chacun sa vie
Chacun sa voie
Chacun son train-train (TER ou TGV ?)
Tout les sépare

C’est bien pour ça que jamais
Chuliette et Droméo
N’auraient dû se rencontrer
Mais c’était sans compter
Sur le hasard
Ou la destinée
Et surtout
SUR LE BUS 53 !