L' Abbaye Saint-Aubin d'Angers

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Chapiteau du cloître devant l’ancienne salle du chapitre.

Baie géminée de l’ancienne salle du chapitre.

Démolition de l’église abbatiale, dessin d’A. Morillon, 1811 (Musées d’Angers).

Décors de la salle des hôtes.

La salle des fêtes de la préfecture.

L’ancien réfectoire vu des jardins.

La nouvelle aile du Département, boulevard du Maréchal-Foch.

Nouvelle aile du Département, détail des plaques de verre de la façade.

Ci-contre Porte de l’ancien réfectoire.

SOMMAIRE

INTRODUCTION

LE RAYONNEMENT D’UNE ABBAYE 16

Avant l’abbaye, les premières occupations

La basilique funéraire

Des chanoines aux bénédictins

La reconstruction de l’abbaye à partir du xie siècle

Un déclin inéluctable à partir du xiiie siècle

LA RECONSTRUCTION MAURISTE 52

La réformation de l’abbaye

Une lente reconstruction

L’art décoratif du xviiie siècle

UNE NOUVELLE DESTINÉE 72

L’installation du préfet

L’évolution des besoins du Département

L’abbaye Saint-Aubin d’Angers

chronologie

556

Le 1er mars 556, la basilique construite pour recevoir la dépouille d’Aubin, évêque d’Angers mort en 550, est consacrée en présence de l’évêque de Paris, Germain, un proche du Roi Childebert. Une communauté dessert cette première église installée dans la partie méridionale de la vaste nécropole périurbaine, le long de la voie conduisant vers Tours.

966

Le comte d’Anjou Geoffroy

Grisegonelle évince son frère Guy, abbé laïc de Saint-Aubin, au profit d’un religieux. Parallèlement, il remplace les chanoines par des moines bénédictins. Cette réforme permet l’élection des abbés suivants. Le redressement de l’abbaye rend possible la construction d’une grande église abbatiale.

xii e siècle

Dans la continuité du mouvement entamé au xe siècle, l’abbaye réformée et la dévotion à saint Aubin suscitent vocations et dons. Ses effectifs augmentent. L’église, déjà reprise et agrandie, est entièrement voûtée. De nouveaux bâtiments, organisés autour d’un cloître, sont édifiés, dont une salle du chapitre surmontée d’un dortoir côté est, un vaste réfectoire côté sud, et des celliers à l’ouest.

chronologie

1661

Pour rompre avec le déclin qui touche nombre d’établissements religieux, l’abbaye adhère à la congrégation de Saint-Maur en 1661. La mise en place de la réforme est accompagnée de la reconstruction des bâtiments claustraux. Les travaux engagés à partir de 1688 s’étalent sur presque un siècle.

1797

Après la Révolution, le Conseil général s’installe en 1797 dans les bâtiments désaffectés de l’abbaye, rejoint par la préfecture à partir de 1800. Pour créer un nouvel accès, une rue est percée à travers l’église abbatiale qui a été progressivement démolie. Au cours des décennies suivantes, les locaux sont adaptés à leur nouvelle destination et un grand parc vient remplacer les jardins.

2017

L’ancienne abbaye partagée entre deux administrations se fait trop étroite. Un nouveau bâtiment est édifié pour le Département le long du boulevard du Maréchal-Foch, sur l’emprise d’une partie des jardins. Le siège du Département est ainsi rendu plus visible avec son entrée distincte de celle de la préfecture qui utilise des extensions des années 1970.

Introduction

Depuis plus de deux siècles, le souvenir de l’ancienne abbaye Saint-Aubin s’est effacé dans l’esprit des Angevins qui associent d’abord le lieu avec la préfecture, et dans une moindre mesure avec le Département à qui appartiennent les bâtiments. Pourtant, l’ancien établissement religieux est toujours bien présent dans le paysage urbain. Le voyageur arrivant à Angers ne peut ignorer la tour de l’abbé qui se dresse au-dessus des toits, faisant pendant aux flèches de la cathédrale. L’ampleur des anciennes ailes monastiques situées dans le centre-ville est idéale pour les sièges des deux administrations préfectorale et départementale. Si les aménagements postrévolutionnaires ont entraîné la destruction complète de l’église abbatiale, ils ont toutefois permis la préservation des autres bâtiments organisés autour de la cour du cloître.

Cette abbaye, qui compte parmi les plus anciennes fondations monastiques de l’Anjou, s’est développée en périphérie de la ville autour de la basilique funéraire de l’évêque Aubin. Ayant fait l’objet des attentions royales, puis comtales, elle est rapidement devenue l’un des plus importants établissements religieux de l’Anjou. Par leur ampleur, les campagnes de travaux engagées aux xie et xiie siècles reflètent la puissance de l’abbaye bénédictine qui rayonne alors sur un large territoire maillé de prieurés. Incluse dans la ville après la construction de l’enceinte urbaine par Saint Louis, son influence et son aura commencent progressivement à pâlir devant l’apparition de nouveaux ordres religieux. La réforme engagée par la congrégation de Saint-Maur, à laquelle adhère Saint-Aubin en 1661, va conduire à la reconstruction des bâtiments monastiques à la fin du xviie siècle et au siècle suivant.

La Révolution et la suppression des ordres religieux libèrent ces bâtiments presque neufs. Après quelques hésitations, le Conseil général s’y établit, rejoint par la préfecture dès sa création. Leur installation, répondant à un fonctionnement différent de celui d’une abbaye, entraîne la destruction de l’église abbatiale pour créer un accès puis, au fil des besoins, l’adjonction d’espaces supplémentaires jusqu’à la construction d’un nouveau bâtiment, boulevard du Maréchal-Foch, inauguré en 2017 par le Département.

Aile orientale de l’abbaye et ses jardins.

À l’arrière-plan, la tour Saint-Aubin et la cathédrale.

LE RAYONNEMENT D’UNE ABBAYE

Édifiée au milieu du vi e siècle pour abriter la dépouille d’Aubin, un des premiers évêques d’Angers, la basilique d’origine ne cesse de se développer pour devenir au milieu du Moyen Âge l’une des plus puissantes abbayes bénédictines de l’Anjou. La richesse décorative de certains bâtiments claustraux témoigne encore de la grandeur de ce monastère, véritable joyau de l’art roman des xi e et xii e siècles.

Avant l’abbaye, les premières occupations

Quelques décennies avant notre ère, les Gaulois du peuple des Andécaves occupent l’éperon rocheux qui domine la rive orientale de la Maine, là où la vallée se resserre. Après la conquête romaine, la ville de Juliomagus devient, dans les premières décennies du ier siècle, une agglomération structurée par une organisation de voies orthogonales. L’emprise actuelle de l’abbaye est alors occupée par plusieurs îlots urbains situés au sud d’une voie à l’origine de l’actuelle rue Saint-Aubin. Il s’agit pour l’essentiel de quartiers d’habitations majoritairement construites en pan de bois. Dès le iiie siècle, la déprise urbaine touche cependant ce secteur qui va retrouver sa vocation agricole et devenir un lieu d’inhumation, recevant des sépultures rattachées à une vaste nécropole qui s’étendait au nord-est de l’enceinte construite au Bas-Empire pour protéger le cœur de la cité. « La guérison du moine aveugle Gennomar », La Vie de saint-Aubin, manuscrit enluminé, xie siècle (BnF, département des manuscrits, NAL 1390).

Tronçon de voie antique délimitant un îlot urbain du ier siècle.

Statuette d’une divinité associée à un autel domestique, ier siècle (CCE49).

1 2 3 4 5

Ces dispositions, courantes dans le Val de Loire, se retrouvent par exemple à l’église du Ronceray à Angers ou encore à la prieurale Notre-Dame de Cunault. C’est sous l’abbatiat de Gérard (1082-1106), qu’un certain Foulques, présenté comme expert en l’art de peindre, est chargé de différents travaux, dont la décoration du monastère et la réalisation de vitraux.

Le contrat stipule qu’en échange de son intervention l’artiste sera rétribué d’une maison et d’une vigne qui, à sa mort, seront restituées à l’abbaye. Il est tentant de mettre ce contrat en lien avec les interventions marquant la fin des travaux de l’église.

Des sommes importantes sont également consacrées à la création de deux reliquaires, le premier en 1128 pour remplacer celui abritant les restes de saint Aubin, le second destiné à accueillir son crâne, dont le transfert a lieu en 1151.

Parallèlement à cette mise en avant des reliques du saint fondateur, un vaste chantier s’ouvre à partir du début du xiie siècle afin de reconstruire entièrement les bâtiments nécessaires à la vie des moines, et organisés autour d’une cour aussi nommée « préau ». Les travaux débutent par l’aile orientale, édifiée dans le prolongement du transept mais avec une légère différence d’orientation, reprenant celle des bâtiments monastiques antérieurs. Du nord au sud, elle comprenait une probable sacristie, la salle du chapitre, un passage conduisant aux infirmeries et au cimetière, une salle pouvant servir de chauffoir ou de scriptorium, et enfin un cellier débordant largement de l’aile sud ; un immense dortoir se développait à l’étage sur tout ou partie de la longueur de l’aile.

Plan de l’abbaye au xiie siècle : (1) l’église abbatiale (2) la salle du chapitre (3) le passage (4) la salle des moines (5) et (10) les celliers (6) le préau (7) le lavabo (8) le réfectoire (9) les cuisines (11) le palais abbatial (12) la tour des cloches

LA TOUR ST-AUBIN

La tour Saint-Aubin, jaillissant des toits de la ville, marque le paysage urbain angevin en concurrençant les deux flèches de la cathédrale. Ce puissant édifice quadrangulaire, édifié à l’ouest du parvis de l’abbatiale, a toujours été attaché au domaine de l’abbé et séparé des bâtiments claustraux. De plan carré, la tour comprend trois niveaux d’une centaine de mètres carrés chacun, distribués par un escalier en vis logé dans une tourelle adossée contre la façade sud. Le rezde-chaussée, couvert d’une voûte d’arêtes, est directement accessible depuis l’extérieur par une porte ouvrant sur le parvis de l’église. Un puits aménagé dans l’épaisseur du mur équipe la pièce. Le second niveau, vaste salle de 11 mètres de haut couvert par une coupole, est éclairé par des baies géminées séparées par une colonne. Deux d’entre elles ouvrent vers l’est tandis que la troisième donne sur la porte de l’enclos monastique au nord. On y accède depuis le sud par une grande porte en plein-cintre ; une seconde porte, plus étroite, pourrait avoir servi de passage privatif depuis le palais abbatial. Trois placards et une gaine verticale communiquant avec le puits complètent l’équipement de cette pièce dépourvue de cheminée. Le troisième niveau de plan octogonal, cantonné de quatre tourelles, est couvert par une flèche de bois. Cet étage recevait un beffroi contenant les cloches de l’abbé qui étaient distinctes de celles servant à rythmer la vie monastique. La mise en œuvre de l’ensemble signe une réalisation vers le milieu du xiie siècle qui s’accorde avec une inscription découverte en 1829, aujourd’hui disparue, attribuant sa fondation à Robert de La Tour-Landry en 1130.

Ces grandes tours construites en avant de l’église abbatiale et situées à proximité du logis de l’abbé sont connues dans plusieurs monastères dont Saint-Nicolas d’Angers, Saint-Florent de Saumur, Marmoutier ou La Trinité de Vendôme. Placées hors de la clôture, non loin de l’entrée de l’abbaye, elles pourraient avoir servi de cadre prestigieux pour organiser des cérémonies, à l’image de ce qui se pratiquait dans les tours construites par les seigneurs laïcs où les vassaux rendaient hommage. Le lanternon sommital a servi de tour de guet lors de la guerre de Cent Ans et de conflits ultérieurs. À la Révolution, le site est vendu pour en faire une tour servant à la fabrication de balles en plomb, usage qu’il gardera jusqu’à la fin du xixe siècle. Rachetée par la Ville en 1844, son mauvais état conduit à envisager sa destruction. Devant la levée de boucliers des érudits locaux, sa restauration est engagée entre 1902 et 1904. Elle a depuis hébergé une des premières antennes de radiocommunication, puis la sirène d’alarme.

Tour Saint-Aubin depuis l’ancienne abbatiale.

Voûte du second niveau.

Tour Saint-Aubin, dessin aquarellé de J. Raulin, 1881 (MPP).

CARNETS D’ANJOU

Un déclin inéluctable à partir du xiiie siècle

L’intégration de l’Anjou au domaine royal au début du xiiie siècle, suivie de la mise en place de la nouvelle enceinte urbaine d’Angers à partir de 1230, fait rentrer Saint-Aubin à l’intérieur des murs entourant la ville. Tenant compte de l’importance régionale de l’abbaye, héritage d’un rayonnement de plusieurs siècles, l’archevêque de Tours donne en 1241 son autorisation pour que l’abbé de Saint-Aubin puisse participer aux synodes avec les évêques. Toutefois les vocations se réduisent progressivement ; il ne reste qu’une cinquantaine de moines au xive siècle même si les moyens financiers de l’établissement demeurent importants malgré une gestion moins rigoureuse. Des réaménagements entraînent la reconstruction, dans le style gothique de l’Ouest, de la chapelle des infirmeries, dédiée à saint André. Le cloître est doté d’un voûtement de pierre, probablement dès la seconde moitié du xiiie siècle, et les colonnes jumelées ont alors été noyées dans des massifs quadrangulaires. Côté nord, on ajoute des arcs-boutants venant reprendre les poussées des voûtes de la nef en enjambant la galerie du cloître. L’abbaye et son église conservent néanmoins un attrait certain auprès des élites angevines, comme en témoignent les inhumations accueillies dans l’église abbatiale. Repris entre la fin du xiiie et

le début xive siècle, l’enfeu d’Adèle de Vermandois, comtesse d’Anjou (décédée en 915), illustre aussi l’attachement à la mémoire des comtes d’Anjou, à l’origine de l’expansion de l’abbaye. Plusieurs abbés y sont également enterrés et l’emplacement de leurs tombes est marqué soit par une plaque de cuivre, comme pour Jean de Tinténiac († 1525), soit par une lame de pierre, comme pour son neveu, l’abbé Hélie de Tinténiac († 1535).

De nombreuses sépultures sont également pratiquées au sein de la salle du chapitre où des inhumations en cercueil ont succédé à celles en coffrage anthropomorphe.

Exemple de pavement décoré, seconde moitié du xiiie siècle (CCE49).

Console recevant la voûte de la galerie est du cloître, xiiie siècle.

CARNETS D’ANJOU

Poteries utilisées comme vases encensoirs accompagnant les sépultures de la salle du chapitre (CCE49).

CARNETS D’ANJOU

LA RECONSTRUCTION MAURISTE

Après une période d’affaiblissement de la règle monastique, mais aussi de concurrence avec les nouveaux ordres mendiants (Dominicains et Franciscains), la réforme engagée par la congrégation de Saint-Maur est le signe d’un nouvel élan. À partir de 1661, et tout au long du xviiie siècle, la reconstruction des bâtiments propose une nouvelle modernité architecturale et décorative.

La réformation de l’abbaye

Dès 1619, l’évêque d’Angers tente de restaurer la régularité de la vie monastique en insistant sur la fidélité à la règle bénédictine dans les trois principales abbayes bénédictines d’Angers : SaintNicolas, Saint-Serge et Saint-Aubin. Pour cette dernière, le contrat mettant en place la réforme et l’entrée des moines dans la congrégation de Saint-Maur est signé le 31 mai 1660 sous le patronage de l’évêque d’Angers, Henri Arnauld. Galatoire de Marca, abbé commendataire, ou abbé laïc, bénéficiant d’une part des revenus de l’abbaye, fut contraint d’admettre ce nouveau statut et se résolut à partager le patrimoine de l’abbaye. La part réservée aux religieux fut constituée en 1665, époque à laquelle l’abbaye ne compte plus que trente moines.

Dès l’adhésion de la communauté à la réforme mauriste, un premier plan d’état des bâtiments est dressé en 1661. Quelques années plus tard, les moines demandent au supérieur général de la congrégation l’autorisation d’emprunter de l’argent. C’est l’abbaye de Marmoutier, près de Tours, déjà réformée depuis 1637, qui finance les travaux décidés à Saint-Aubin. Plusieurs projets de reconstruction, excluant l’église abbatiale, sont successivement élaborés. Le premier, en 1674, prévoit la reconstruction de l’aile orientale au sein de laquelle l’essentiel des fonctions sont regroupées, excepté les celliers et le réfectoire qui restent à leur place. Le nouveau corps de bâtiment reprend la longueur de l’aile médiévale mais adopte un plan plus étroit. Un second projet, élaboré vers 1683, envisage une reconstruction

Clef de voûte de la sacristie ornée des armes de la congrégation de Saint-Maur (à gauche) et de l’abbaye Saint-Aubin (à droite).

Projet de reconstruction (non réalisé) des bâtiments conventuels de l’abbaye, vue cavalière depuis le sud, dessin, vers 1685 (BM Meaux, Ms 44).

LA CONGRÉGATION DE SAINT-MAUR

Au xvie siècle, un relâchement de la discipline et de la vie religieuse fut favorisé par les abbés commendataires qui ne résidaient en effet généralement pas dans leur monastère mais en percevaient les bénéfices, cumulant parfois les fonctions. C’est ainsi que, de 1564 à 1654, plusieurs abbés furent évêques et l’un d’eux devint même archevêque de Paris.

En 1618, une congrégation bénédictine est fondée à Paris, sous le patronage de saint Maur, disciple et introducteur de la règle de saint Benoît en France. Avec une organisation centralisée (depuis SaintGermain-des-Prés à Paris), le chapitre général désigne notamment tous les trois ans le supérieur général, les visiteurs de chacune des six provinces alors constituées, mais aussi les prieurs qui, dans les faits, dirigent la vie des monastères. La prière communautaire et personnelle prime désormais, s’appuyant

sur une formation intellectuelle développée. D’importants travaux d’érudition sont réalisés, et en partie publiés, montrant la rigueur et le sens critique des Bénédictins. En Anjou, de 1629 à 1672, les sept abbayes et le prieuré (Saint-Sauveur de l’Esvière) bénédictins adoptent les uns après les autres la réforme mauriste. Comme partout en France, la congrégation porte attention aux conditions matérielles des établissements, par exemple en regroupant les cellules des moines dans des dortoirs pour lutter contre les habitations individuelles dans les jardins : si les édifices cultuels sont restaurés en respectant le plus souvent les formes médiévales, les bâtiments conventuels sont en revanche généralement reconstruits de façon moderne. C’est ainsi qu’aux xviie et xviiie siècles les abbayes Saint-Serge et SaintNicolas d’Angers, Saint-Maur-de-Glanfeuil (Le Thoureil), de Saint-Florent-lès-Saumur, Saint-Florent-le-Vieil et Bourgueil sont reconstruites. Saint-Aubin se démarque par son austérité extérieure. Étienne Vacquet

Les bâtiments conventuels avec l’église abbatiale Saint-Serge d’Angers, dessin et aquarelle de René Lehoreau, 1710 (ADML , 5G1-3).

L’abbaye Saint-Maur-deGlanfeuil au Thoureil (Gennes-Val-de-Loire), vers 1685-1690.

L’abbaye Saint-Nicolas d’Angers.

L’abbaye de SaintFlorent-lès-Saumur.

CARNETS D’ANJOU

UNE NOUVELLE DESTINÉE

Suite à la Révolution et à la suppression des ordres religieux, le xixe siècle instaure un nouveau chapitre de l’histoire des lieux désormais affectés au pouvoir politique.

L’installation du Conseil général et de la préfecture entraîne de nouveaux aménagements intérieurs et la création d’un parc paysager. Plus récemment, la nouvelle aile du Conseil départemental imprime une écriture contemporaine à cet ensemble patrimonial.

Salle des fêtes de la préfecture, Allégorie du Maine-et-Loire, peinture de Jules Dauban, 1854.

Doubles pages suivantes Façade principale de la préfecture.

De nouvelles affectations

La Révolution française va sceller le devenir de l’abbaye Saint-Aubin avec la dissolution des ordres religieux en février 1790, puis la création des départements le mois suivant.

Le choix se porte sur les bâtiments de l’abbaye Saint-Aubin pour accueillir la nouvelle institution.

Les seize

religieux qui occupent

encore l’établissement sont sommés de quitter les lieux vers un autre monastère ou de retourner à la vie laïque.

Si onze d’entre eux cèdent à cette injonction, il faut employer la force pour évacuer les autres. Le 3 mai, les serrures sont brisées et les derniers moines expulsés. Dans les semaines qui suivent, les électeurs issus des 99 cantons se réunissent dans l’ancienne église pour désigner les 36 administrateurs ainsi que le procureur général syndic.

La première séance se tient dans l’abbaye le 28 juin 1790. Cependant, le Département va se porter acquéreur du couvent des Jacobins, plus petit, situé près de la cathédrale.

Cette solution ne dure que quelques années car devant l’augmentation des charges

transférées au Département, le lieu se révèle trop étroit. Le retour définitif à Saint-Aubin intervient en mai 1797. Par décret impérial, la propriété des bâtiments occupés par l’administration est transférée au Département en 1811.

L’installation à la fois de la préfecture et du Département dans la prestigieuse abbaye Saint-Aubin n’est pas toujours aisée, surtout pour lui donner une place majeure dans la cité. En effet, en 1796, elle est encore masquée par l’enceinte du xiiie siècle et un habitat dense : l’accès ne peut se faire que par le biais d’une impasse (entre la façade de l’église et la tour Saint-Aubin) ouvrant sur la cour de service. Dans un premier temps (1802), un porche est percé dans l’aile ouest pour mettre en communication cette cour et celle d’honneur. Cependant, dès 1800, il est prévu d’abattre l’abbatiale et de percer une rue dans le prolongement de la rue Saint-Martin. Un accès direct peut ainsi être ménagé. Il a toutefois l’inconvénient de mettre en évidence l’irrégularité du percement des fenêtres et la forme trapézoïdale de l’ancien cloître : si un axe approximatif peut être trouvé avec la grille installée au milieu de l’ancienne aile nord du cloître, il n’en va pas de même avec le bâtiment qui se trouve à l’arrière. En 1804, les voûtes de l’abbatiale s’effondrent : c’est le début de la destruction de l’édifice qui se prolonge par campagnes successives jusqu’en 1819.

bœuf ouverts dans la voussure du plafond, mais ingénieusement placés de façon quasi invisible devant des fenêtres rectangulaires pour ne pas rompre l’ordonnancement général extérieur. Les sept portes donnant accès aux appartements privés sont munies de miroirs pour refléter la lumière des fenêtres, pendant que des oculi au-dessus permettent de donner un second jour au couloir du deuxième étage. À l’éclairage zénithal initialement prévu, on substitue des caissons dès lors que le jeune peintre angevin Jules Dauban propose de réaliser une grande composition allégorique du Maine-et-Loire s’appuyant sur l’Abondance et la Paix, avec à ses pieds la Loire, la Maine accompagnée de ses affluents, et divers éléments caractéristiques de l’Anjou comme la cathédrale, des chevalements ardoisiers, la navigation fluviale et le commerce. À l’arrière-plan, la réconciliation de deux combattants de la guerre de Vendée achève de donner le sens politique de cette œuvre à l’orée d’un nouveau régime. Les décors sont conçus par des sculpteurs de la capitale sous la direction d’Alexandre Denuelle, peintre parisien lui aussi, où des fleurs et des oiseaux peints ressortent sur des fonds blancs rehaussés d’or. Dans les reliefs, les « N » impériaux ont été masqués après 1870 par des plaques métalliques au monogramme « RF ». Un mobilier est acquis pour l’occasion se composant de banquettes à dossier mais aussi de dix lustres, dont deux

impressionnants à 81 bougies, et d’une console surmontée d’une glace en bois doré de style Louis XV. Dans le billard, le miroir se compose d’un très original décor au dragon. En face, l’État a déposé un grand tableau copié d’après Rubens représentant Marie de Médicis aux Pontsde-Cé, préludant à sa réconciliation avec son fils Louis XIII en 1620. L’ensemble de ces travaux se monta à environ 150 000 francs, c’est-à-dire au prix de construction d’un assez grand château. Les derniers aménagements préfectoraux (1862-1863) consistent en la création d’une grande salle à manger située perpendiculairement à la salle des fêtes, dans l’aile ouest, dotée d’un lambris à hauteur d’appui et d’une ample corniche. Le décor évolua au gré des temps, allant de trophées animaliers au très beau papier peint imitant des tentures de soies jaunes agrémentées de frises florales vertes que l’on peut voir actuellement. De façon surprenante, malgré ces changements d’ampleur, jamais l’idée de construire une grande façade officielle, tant du côté cour que du côté jardin, n’est venue troubler l’ordonnancement initial de l’abbaye qui garde ainsi toute sa lisibilité.

Le salon du préfet.

La salle des fêtes de la préfecture.

Doubles pages suivantes

La salle de billard de la préfecture, photographie, début xxe siècle (ADML, 11Fi745).

Orientation bibliographique

Pierre d’Herbécourt, Anjou roman, La Pierre-qui-Vire, Zodiaque, 1987.

Jean-Yves Hunot et Xavier Favreau (dir.), Le Centre d’activités Foch, dans les jardins de l’ancienne abbaye Saint-Aubin : une enquête sur les limites de la ville, fouille archéologique préventive, rapport final d’opération, Conservation départementale du patrimoine de Maine-et-Loire, Angers, 2024.

Guy Jarousseau, Églises, évêques et princes à Angers du ve au début du xie siècle, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2015.

André Lévy et Thierry Barbeau, L’Autre Temps des abbayes (xviie -xviie siècles), Saint-Vincent du Mans et les abbayes bénédictines de la congrégation de Saint-Maur, ITF éditeurs, Mulsanne, 2012.

Jacques Mallet, Saint-Aubin d’Angers du ve au xe siècle, Association culturelle du département de Maine-et-Loire, Angers, 1995.

Clément Savary, Les Décors des bâtiments conventuels des abbayes masculines françaises aux xviie et xviiie siècles, thèse, Université Paris sciences et lettres, École pratique des hautes études, Paris, 2023.

Sophie Weygand, « L’abbaye Saint-Aubin d’Angers : un exemple d’appropriation d’abbaye au xe siècle », Archives d’Anjou, n° 1, 1997, p 115-127.

Crédits photos —

Bertrand Béchard – Direction de la Communication. Département de Maineet-Loire : p. 9

Jean-Yves Hunot – Conservation du patrimoine. Département de Maine-etLoire : p. 19 (haut)

Thierry Ollivier – Grand Palais RMN. Musée de Cluny : p. 20

Pierre David – Musées d’Angers : p. 25

Bibliothèque municipale d’Angers : p. 28-29

François Lasa – Région Pays de la Loire. Inventaire général : p. 43 (haut), 57, 64, 71 (haut), 81 (haut)

David Riou – Musées d’Angers : p. 46 (gauche)

Musées d’Angers : p. 50, 68 (bas), 93-94

Patrice Giraud – Région Pays de la Loire.

Inventaire général : p. 71

Étienne Vacquet – Conservation du patrimoine. Département de Maine-etLoire : p. 76-77

Archives départementales de Maine-etLoire : p. 88

Gauthier Brienne – Archives départementales de Maine-et-Loire : p. 89

Abréviations

ADML : Archives départementales de Maine-et-Loire (Angers)

BM Angers : Bibliothèque municipale d’Angers

BM Meaux : Bibliothèque municipale de Meaux

BnF : Bibliothèque nationale de France (Paris)

CCE49 : Centre de conservation et d’étude de Maine-et-Loire (Angers)

MPP : Médiathèque du patrimoine et de la photographie (Charenton-le-Pont)

Doubles pages suivantes Détail de l’arcature de la salle du chapitre, dessin de Peter Hawk, 1841 (Musées d’Angers).

Plan de l’enclos monastique : (1) la porte de l’abbaye (2) le palais abbatial (3) l’église paroissiale Saint-Michel-la-Palud (4) parvis et cimetière paroissial (5) infirmeries (6) enceinte de la ville du xiiie siècle (7) logis d’officiers (8) jardins de l’abbé (9) hôtellerie médiévale

Proposée par le Département de Maineet-Loire, la collection Carnets d’Anjou est une invitation à découvrir la richesse du patrimoine à travers la diversité des lieux, des œuvres et des mémoires de notre territoire.

L’Abbaye Saint-Aubin, un lieu de pouvoirs à Angers a été réalisé par la Conservation départementale du patrimoine.

Remerciements

Archives départementales de Maine-etLoire : Pascale Verdier, directrice ; Gauthier Brienne, photographe ; Christophe Gandon, archiviste.

Bibliothèque municipale d’Angers : Marc-Édouard Gautier, directeur ; Sophie Renaudin, responsable des collections patrimoniales.

Musées d’Angers : Anne Esnault, directrice ; Clémence Alexandre, chargée de la photothèque ; David Riou, photographe. Région Pays de la Loire, service Patrimoine : Régine Faugeras, gestionnaire des bases de données ; Dom Clément Savary o.p., docteur en histoire de l’art.

Nous remercions M. Philippe Chopin, préfet, ainsi que les services de la préfecture et ceux du Département de Maine-et-Loire pour avoir facilité l’accès aux différents espaces lors des prises de vues.

Carnets d’Anjou

Direction éditoriale

Thierry Pelloquet

conservateur en chef du patrimoine

Textes

Jean-Yves Hunot archéologue

Étienne Vacquet

conservateur du patrimoine avec la participation d’Anna Leicher conservatrice du patrimoine

Photographies

Armelle Maugin, Bruno Rousseau

Documentation

Véronique Flandrin-Bellier

Éditions 303

contact@editions303.com www.editions303.com

Direction

Aurélie Guitton

Coordination éditoriale

Alexandra Spahn

Édition

Carine Sellin

Correction

Juliette Paquereau

Diffusion

Élise Gruselle

Conception graphique

BURO-GDS

Photogravure

Pascal Jollivet

Impression

Edicolor, Bain-de-Bretagne

Papier Arena ExtraWhite Smooth

Typographies Alegreya Sans & Mina Light

Les Éditions 303 bénéficient du soutien de la Région Pays de la Loire.

Dépôt légal : septembre 2025

ISBN : 978-2-487296-06-0 © Département de Maine-et-Loire et les Éditions 303, 2025. Tous droits réservés.

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