SHANGWHY, Le livre

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SHANGWHY métapole agricole

Que devient la ville quand la campagne disparaît ? ReW 2009



Depuis 1992, la Fondation EDF offre tous les deux ans cinq bourses à de jeunes architectes diplômés depuis moins de cinq ans pour un projet d’étude à l’étranger. En 2008, le jury a distingué huit lauréats sur le thème «Villes et Solidarités»: Emilie Cam et Rémi Ferrand, Raphaële Goulet, Cécile Leroux, Mathilde Métais et Pierre Charpentier, Marie Périn et Grégoire Barraud.

Emilie CAM & Rémi FERRAND ReW 2009 http://shangwhy.blogspot.com camemilie@yahoo.fr remiferrand@hotmail.com



Shangwhy, métapole agricole

Autant que Shanghai la ville réelle, c’est de Shangwhy dont nous dressons ici le portrait : l’avatar fantasmé, l’icône urbaine révélatrice de tous les enjeux et de toutes les ambitions. Cette agglomération est une métapole : un nouvel ensemble urbain « distendu, discontinu, hétérogène et polynucléaire » selon les mots de François Ascher. Dans un pays où population, Histoire et Culture demeurent profondément rurales, c’est par la campagne que nous avons approché la ville. Les enjeux urbains et les solidarités semblent s’articuler, en Chine, autour de la problématique agricole.


« Car si la ville lieu des échanges, du loisir et de toute vie sociale s’oppose nettement à la campagne, lieu du travail de la vie animale et de la production des biens matériels, elle ne constitue pas un espace simple, homogène, où il suffirait d’entrer pour devenir citadin, mais une imbrication étroite d’espaces organisés selon des règles non écrites, et d’autant plus rigoureusement respectées. » Fernand Braudel, La Méditerranée. L’espace et l’Histoire, champ. Flammarion, 1985.

«L’urbanisation en Chine et le développement technologique aux Etats-Unis seront les deux clés du développement humain au 21ème siècle.» Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie .


WHY SHANGHAI ? ................................................................................................................................................9 LA CHINE..............................................................................................................................................................15 ENVIRONNEMENT et ALIMENTATION ..............................................................................................................25 LES VILLES ICONES............................................................................................................................................51 PARCOURS...........................................................................................................................................................75 SHANGHAI/PARIS aller/retour...........................................................................................................................300 DEFINITIONS.......................................................................................................................................................308 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................................................310

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WHY SHANGHAI ?


15-09-2008

En mai 2010, s’ouvrira à Shanghai une Exposition Universelle. A quelques mois de l’événement, la ville la plus peuplée du pays le plus peuplé de la planète n’est plus qu’un vaste chantier. Dans la poussière des travaux, sous le compte à rebours géant de la station « People’s Square » ou dans le ventre des échangeurs autoroutiers baignés de lumière bleue, partout où bat le rythme de la grande ville, règne la même fébrilité et la même attente. Le village de pêcheur d’il y a 200 ans, le comptoir colonial d’il y a 150, la place financière d’il y a 100, la cité capitaliste dénoncée par le nouveau pouvoir communiste d’il y a 60 ans, s’est soudain réveillée pour radicalement changer de dimension. En 1983, le plus grand bâtiment de la ville mesurait 84 mètres et datait de 1934. Aujourd’hui Shanghai compte deux des dix plus grandes tours du monde, le train de passager le plus rapide et apparaît comme l’épicentre d’un mouvement d’urbanisation de masse d’une ampleur jamais connue dans l’Histoire de l’humanité.

Durant 5 mois, de mars à aout 2009, nous avons voulu comprendre le développement et dresser le portait d’une ville, Shanghai, à un moment particulier, l’éclosion d’un nouveau centre possible de l’économie mondiale. Le travail présenté ici procède d’une lecture urbaine participative ou d’un « délire interprétatif » à la façon de Salvador Dali. Dans ces jours d’attente, avant que ne s’expose aux yeux du monde ce grand laboratoire urbain, nous avons parcouru cette ville région avec en bandoulière un appareil photo et plusieurs questions simples. Shanghai va-t-elle devenir la capitale du XXIe siècle ? Que devient la ville quand la campagne disparait ?

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Shangwhy, nouveau coeur de l’économie mondiale ? L’économie chinoise, réduite à néant par la colonisation, la guerre sino-japonaise et les expériences maoïstes, est en passe de devenir la deuxième du monde. Un terroir agricole productif, un vaste port, un rassemblement financier, culturel et technologique : Shanghai possède toutes les caractéristiques du «cœur» mondial de l’ordre marchand au sens développé par Jacques Attali dans sa «Brève histoire de l’avenir» en 2006. Se déplaçant à l’ouest à chaque crise mondiale, celui-ci a peut-être déjà franchi l’océan Pacifique, abandonnant Los Angeles pour Shanghai.

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A la recherche de la capitale ĂŠconomique mondiale

23-02-2009


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Lac de Hangzhou


LA CHINE

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RPC/UE/USA

05-10-2008


Made in RPC : l’usine monde

10-10-2008

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ENVIRONNEMENT et ALIMENTATION

Porc à la shanghaienne, restaurant Chili & Pepper Xinzha Lu, Jing’An District

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Le paradoxe alimentaire chinois

Ville/campagne, le moteur à deux temps de la modernité chinoise

L’agronome américain Norman Borlaug, père de la «révolution verte» et prix Nobel de la Paix en 1970, s’est éteint en septembre 2009. Ses travaux de recherches ont permis de multiplier les rendements agricoles dans les pays du tiers-monde et contribué à un recul important de la faim dans le monde. Moins directement appliquée en Chine, cette révolution a néanmoins contribué à «l’une des plus grandes réussites de l’humanité à la fin du 20ème siècle» selon l’agronome Bruno Parmentier : «les Chinois mangent pratiquement tous à leur faim».

continuation contemporaine de la révolution culturelle, la mise à sac presque systématique des constructions anciennes et leur remplacement, souvent violent, par une architecture générique, confronte le visiteur à une réalité urbaine où tradition et modernité n’existent plus que sur le mode d’une seule et même caricature. Les pratiques contrastées de la population chinoise, et l’impression persistante que deux population, l’une urbaine, l’autre rurale, habitent en fait un même pays, permettent de nuancer ce jugement. Quand le 4x4 climatisé croise des mobylettes chargées de légumes, c’est une partie du patrimoine non-bâti de la Chine qui survit encore.

Engrais, irrigation, sélection : malgré les errements maoïstes, la Chine est aujourd’hui un géant agricole. Premier producteur mondial de céréales, le pays compte la moitié des porcs de la planète (488 millions sur un 936). La Chine contemporaine a réussi a éloigner le spectre des famines qui ont rythmé son histoire et à nourrir 22% de l’humanité avec seulement 7% des terres cultivables. Cet équilibre est néanmoins fragile dans un pays où une part de la population s’enrichit rapidement, augmentant ainsi son empreinte sur l’environnement, et où 1 millions d’hectares de terres cultivables disparaissent chaque année devant l’urbanisation.Le rapport ville/campagne, vieille lune des études urbaines (et qui d’entrée de ville en lotissements pavillonnaire a perdu de son sens en Europe) est une clé puissante et pertinente d’analyse de l’urbanisation chinoise. L’idéologie maoïste était basée sur cette opposition et le système des hukou, passeports intérieurs des chinois, sépare officiellement la population entre urbains et ruraux. La croissance exponentielle de certaine région n’a pas atteint les zones reculées d’un pays qui par beaucoup points fait encore partie du tiers-monde. 300 millions de ruraux devraient rejoindre les villes dans les vingt prochaines années. La Chine est un point de friction où se lit avec une grande brutalité la disjonction de ces deux systèmes. Entre les villes sécurisées des chinois enrichis et les hameaux paysans rattrapés par l’urbanisation ne se dresse parfois qu’une simple clôture. La superposition de deux Chine se lit dans la population et dans ses pratiques. Dans le centre des villes les vigiles qui gardent les tours de verre rutilantes reconnaissent au premier coup d’œil le migong (travailleur flottant) du membre de la classe moyenne. Sous les échangeurs, le long des avenues interminables, partout où il est possible d’arracher à la ville le moindre espace de terre, c’est un anonyme jardin vivrier, parfois seulement quelques plants, qui s’installe. La destruction systématique du patrimoine chinois a été bien décrite. Cette

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La Chine : 22% de la population mondiale mais moins de 10% des terres cultivables...

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26-11-2008


Le désert de Gobi aux portes de Pékin. Amélioration de la qualité de l’air à Pékin, et émergence d’une « conscience environnementale » du public pékinois, bilan des JO d’après le « Quotidien de Guangzhou ». Mais la fête est finie, et la capitale chinoise se retrouve face au désert de Gobi, un géant de pierres et de sables étendu sur 1,3 millions de km². En 2000, Ron Gluckman, un reporter américain basé en Chine, écrit : « Le désert s’étend dans les vallées chinoises, ensable les rivières, et consume les précieuses terres cultivables. Beijing tente de répondre en développant des campagnes de reforestation massive, mais le Grand Mur Vert pourrait ne pas arrêter le sable, qui pourrait couvrir la ville dans quelques années. » Pékin, offerte aux tempêtes de sables devenues plus fréquentes entre 2000 et 2004, voit le désert se rapprocher au rythme de 3 kilomètres par an. [...] Et si restaurer les terres gâchées est un défi techniquement réalisable, il coûtera une fortune à une puissance également engagée sur le front de l’eau. La Chine, qui en manque là où les besoins sont élevés – les ¾ des exploitations agricoles se concentrent au nord tandis que les ressources hydriques sont au sud -, projette de la construc-

30-09-2008 tion de grands projets de transfert d’eau nord –sud ( SNWTP/ South-North Water Transfer Project ).Ces grands travaux devraient atténuer la pénurie d’eau en Chine du Nord, et protéger l’environnement. Entre le sable et l’eau, Lester Brown formule le dilemme chinois: « Stopper l’avancée du désert demandera un immense effort financier et humain, qui obligera le gouvernement chinois à faire un choix difficile: où construire les coûteux projets de détournement des eaux sud - nord, ou combattre les déserts qui progressent vers l’est et qui peuvent envahir Beijing. » M.J. Sources: (1) http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=33187&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html (2) http:// www.earth-policy.org/Updates/Update26.htm (3) http://www.smhric.org/SMW_19.htm (4)http://www.vertigo.uqam. ca/vol5no2/art9vol5no2/dominique_simard.html (5) http://www.liberation.fr/actualite/terre/246759.FR.php http:// www.rfi.fr/actufr/articles/066/article_36998.asp (6) http://www.planetpositive.ch/version_2_0/news/articles/1180/_ construction_d_une__grande_muraille_verte__en_chine.html(7) http://www.rfi.fr/actufr/articles/066/article_36998. asp (8) http://www.ql.umontreal.ca/volume11/numero5/mondev11n5a.html

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Agronomie: la Chine étend ses terrains agricoles hors de ses frontières

03-12-2008

Les dépêches suivantes concernent toutes ce sujet. Celles que l’on trouve dans la pres- 3- Une ferme chinoise produira du riz en Afrique se chinoise sont évidemment plus «mesurées» que celles des médias occidentaux. Il En réponse à la crise alimentaire globale et à la flambée des prix des denrées alimentaires, une enn’en reste pas moins que le pays est confronté à une augmentation de la consommation treprise semencière chinoise basée à Chongqing (Chongqing seed corp.) est en train de s’implanter sur 300 hectares en Tanzanie, où le manque de céréales contraste avec l’abondance des terres interne de produits agricoles (alimentaires ou non) alors que la surface totale de ses ter- cultivables. Elle y cultivera à partir de 2009 du riz de variétés qu’elle a elle-même mises au point et res cultivables continue de diminuer inexorablement malgré les mesures sévères prises qui sera, au moins en partie, vendu en Chine. Ce projet tanzanien s’inscrit dans un vaste programpour limiter l’aliénation de ces terres. Pour rappel, la Chine doit nourrir 22% de la popu- me, convenu entre la Chine et des pays africains lors du sommet de novembre 2006, prévoyant la mise en place de 10 centres agricoles chinois en Afrique. Les rendements en riz prévus (60 à 75 lation mondiale avec seulement 7% des terres cultivables du monde. 1 - La Chine s’apprêterait à louer des terres agricoles à l’étranger

Selon un journal pékinois du matin, le ministère chinois de l’agriculture serait en train d’examiner l’hypothèse de louer, ou même d’acheter, des terres cultivables outre mer, par exemple en Amérique latine ou dans des pays de l’ex-Union soviétique. Ces opérations permettraient à la Chine de desserrer la tenaille entre la croissance de la consommation alimentaire intérieure, qui se poursuit, et la diminution de la surface totale cultivable, due en particulier à leur grignotage continu par l’urbanisation et les infrastructures. Source : [1]

2 - La Chine s’implante partout dans le monde pour alimenter son économie Maïs, manioc, canne à sucre, eucalyptus, palmier à huile, arbre à caoutchouc... autant de cultures indispensables à la Chine pour alimenter son économie galopante. Face à ses besoins toujours plus grands, le gouvernement chinois a déjà acquis de vastes étendues de terres cultivables à l’étranger, installant des concessions à l’échelle industrielle qui, si elles peuvent aider à l’économie des pays concernés, font également craindre pour l’environnement. De l’Asie du Sud-est à l’Afrique, la Chine s’implante partout et à un rythme soutenu, signant des séries de contrats avec les autorités locales, parfois au mépris des lois et des intérêts des populations. Ainsi au Laos, où les rizières du nord du pays ont laissé la place à de vastes plantations d’hévéas -arbres à caoutchouc-, exploités par la Chine, qui devrait consommer un tiers du caoutchouc mondial d’ici 2020.Les familles pauvres de la région voient l’arrivée des Chinois comme une opportunité de développement économique et un espoir d’amélioration de leurs conditions de vie. Mais certains agriculteurs laotiens perdent leurs terres ancestrales, ou sont contraints de devenir métayers sur leurs champs d’autrefois...Au Laos, des collines entières de forêt ont ainsi disparu pour laisser la place aux plantations d’hévéas, qui pénètrent jusque dans les réserves naturelles. Les forêts dites «secondaires», d’où sont issues herbes médicinales et plantes comestibles utilisées par des tribus locales depuis des générations, sont également rasées.Pour encadrer ce développement, l’Administration forestière chinoise a publié l’année dernière une série de règlements censés régenter l’exploitation des concessions à l’étranger. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) réfléchit également aux moyens d’accompagner l’expansion chinoise dans le reste du monde.Car les exemples sont nombreux. En République démocratique du Congo (RDC), un géant chinois des télécommunications, ZTE International, a acheté plus de 2,8 millions d’hectares de forêt pour y planter des palmiers à huile. Au Zimbabwe, la société publique China International Water and Electric aurait acquis du gouvernement les droits pour exploiter plus de 100.000 hectares de maïs dans le sud du pays. En Birmanie, alliée de Pékin, les concessions d’hévéas ont été attribuées à au moins deux sociétés chinoises, Ho Nan Ching et Yunnan Hongyu. Les réfugiés fuyant la junte militaire affirment que l’armée exproprie de force les agriculteurs pour cultiver le latex. Au Cambodge, une société sino-cambodgienne, Pheapimex-Wuzhistan, a converti les terres de la tribu Phong en une plantation 20 fois plus grande que ce qu’autorise la loi, affirme l’organisation de défense de l’environnement Global Witness. Selon elle, cette concession dans la province de Mondulkiri empiète sur des pâturages, a conduit à la destruction de sites sacrés, et utilise des herbicides toxiques. Une autre société chinoise, dans la province de Kratie, a contourné la loi sur la taille des exploitations en s’enregistrant sous le nom de trois compagnies distinctes, assure Global Witness.A Pékin, le ministère du Commerce refuse de répondre aux questions sur l’implantation agricole chinoise à l’étranger, ou sur les pratiques des sociétés. Il se contente d’assurer qu’au Laos, les sociétés chinoises «ont très fortement à l’esprit la protection de l’environnement», et préfère souligner que les revenus liés à l’installation d’entreprises chinoises y ont été multipliés par cinq. Source : [2]

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q/ha) sont 2 à 3 fois supérieurs à ceux couramment relevés en Tanzanie. La même entreprise, qui mène une expérience comparable au Laos depuis 2005, prévoit aussi de fournir des semences aux agriculteurs tanzaniens sous contrat, auxquels elle rachètera la récolte.L’information donne un autre exemple d’entreprise chinoise qui cultive dans les mêmes conditions du riz dans l’est de la Sibérie russe depuis 2004, sur une superficie qui atteignait 42.000 hectares en 2007. Source : [3] Source : [1] - Chinadialogue - 29 avril 2008 http://www.chinadialogue.cn/blog/show/single/en/1957- [2] - Nouvelobs.com reprenant une dépêche AP - 5 mai 2008- [3] - China daily reprenant une information du Chongqing evening news - 9 mai 2008 [3] - China daily reprenant une information du Chongqing evening news - 9 mai 2008 - Rédacteur : André Villalonga - science8@ambafrance-cn.org - Emilie Paniagua - science3@ambafrance-cn.org


Dépêche - La Chine prévoit d’injeter d’importants investissements dans l’agriculture BEIJING, 5 mars (Xinhua) -- Le Premier ministre chinois Wen Jiabao s’est engagé jeudi à injecter un investissement supplémentaire de 120 milliards de yuans dans le développement de l’agriculture du pays. S’adressant à environ 3 000 députés lors de la deuxième session de la 11e Assemblée populaire nationale (APN, parlement chinois), M. Wen a déclaré dans son rapport d’activité du gouvernement qu’un investissement de 716,1 milliards de yuans (104,6 milliards de dollars) était prévu en faveur de la production agricole, du développement des régions rurales et de l’aide aux agriculteurs en 2009, soit une augmentation de 120,6 milliards de yuans par rapport à l’année dernière. Qualifiant l’agriculture de «fondement de l’économie», Wen Jiabao a indiqué que ces investissements faisaient partie d’un plan visant à garantir le développement stable et rapide de l’économie face à la crise financière globale. Les fonds seront consacrés à la modernisation ou à la construction d’infrastructures publiques rurales, à l’augmentation des subventions agricoles aux agriculteurs, à l’acquisition d’outils et de machines agricoles, ainsi qu’à la généralisation des sciences et des techniques agricoles. «Nous nous efforcerons de maintenir la superficie des terres affectées à la culture céréalière, d’améliorer le rendement unitaire, de diversifier les variétés céréalières et d’augmenter de 50 millions de tonnes notre capacité de production céréalière», a déclaré Wen Jiabao. La Chine, pays peuplé d’1,3 milliard d’habitants, fait face à de grands défis en matière de sécurité céréalière, en raison de l’amélioration des conditions de vie, de la diminution de la superficie des terres cultivables, de la pénurie d’eau et du changement climatique.

04-12-2008

qu’il faudra nourrir en 2050. Cela frise l’impossible, alors que la planète va manquer d’eau, de terre et d’énergie et que nous devrons affronter les effets de nos inconséquences actuelles : réchauffement de la planète, pollution, érosion, perte de la biodiversité… Dans ce livre sont présentés tous les aspects de ce gigantesque défi, sans doute le plus important du XXIe siècle et pour lequel l’agriculture sera à nouveau appelée à occuper le devant de la scène. Sont ainsi exposées très pédagogiquement les questions de l’avenir des subventions agricoles au sein d’un commerce « mondialisé », des rapports de l’agriculture avec l’agro-industrie et la grande distribution, du risque de crises sanitaires de grande ampleur, de l’extension de la production OGM, mais aussi de l’émergence de nouveaux pays exportateurs (Chine, Brésil), etc. Un ouvrage aussi complet qu’accessible, qui passionnera agriculteurs et urbains, citoyens et décideurs.

Source http://www.french.xinhuanet.com/french/2009-03/05/content_830262.htm

«Nourrir l’Humanité» à l’âge urbain Le XXIe siècle sera le siècle du passage de l’humanité à l’âge urbain. Un nouvel «homo urbanicus» métropolitain et globalisé survivra, sur les cinq continents, à l’intérieur d’aires métropolitaines à géométrie variables. Ces espaces à venir, urbains par réduction plus que par essence, annihileront les définitions traditionnelles de la ville et de la campagne. A l’intérieur de ces ensembles gris les problématiques agricoles seront pourtant de plus en plus prégnante. Comment «nourrir l’humanité» si la campagne disparaît ? Un livre de référence : «Nourrir l’humanité, Les grands problèmes de l’agriculture mondiale au XXIe siècle» Bruno PARMENTIER Nourrir les Français ? La tâche est relativement facile depuis qu’a disparu la malédiction millénaire qui rendait chacun inquiet de sa subsistance quotidienne. Nourrir l’humanité ? Un défi bien plus complexe face au scandale des 850 millions de personnes qui ne peuvent manger à leur faim et aux trois milliards d’humains supplémentaires

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Travailleurs pendant leur pause. 30


vendeuse de bracelets au jasmin, Shangha誰 31


Nourrir l’humanité, rétrospectives


Nourrir l’humanité, perspectives


Rendements agricoles

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Réalités agricoles

26-02-2009

Le défi alimentaire est connu. Comment nourrir les 850 millions d’humains mal nourris et les 3 milliards supplémentaires d’ici à 2050 alors que les ressources de la planète s’épuisent. L’équation est presque impossible pour les experts. L’Asie devrait multiplier par 2 sa production en 50 ans alors que manquent eau, terre et énergie. La contribution des nouveaux géants exportateurs de l’agriculture (Brésil, Argentine, Europe...) n’y suffira peut-être pas. Utilisation du sol, densité, utilisation de l’eau et du végétal, l’urbanisme et l’architecture sont parties prenantes de ces enjeux.

Chine rurale / Chine urbaine

03-03-2009

Ruralité/Urbanité, cette dichotomie à la fois artificielle et bien connue s’articule en Chine de façon singulière et dramatique. Zones urbaines, zones fertiles, zones économiques spéciales se concentrent sur la seule côte Est du pays. L’insertion des métropoles au cœur de bassins agricoles fertiles est habituelles (Paris entre la Beauce et la Picardie) mais cette superposition progressive est plus délicate en Chine compte tenu du faible nombre des terres cultivables (fertiles et suffisamment irriguées) et de l’importance de la population. 22% de la population mondiale mais seulement 7% des terres cultivées et 10% des ressources en eau. La population urbaine chinoise était de 18% il y a trente ans. Elle est de 43% aujourd’hui et devrait être (même avec les retours à la campagne induits par le ralentissement économique) de 60% dans vingt ans. La Chine en 2008 c’est 800 millions de paysans et 500 millions d’urbains. Dans 20 ans ce sera 500 millions de paysans et 800 millions d’urbains. L’exode rural programmé par le gouvernement correspond à 300 millions de personnes sur 20 ans soit 15 millions de personnes par an. A ce jeu là c’est la surface de Paris (100 km²) de terres agricoles qui disparaissent chaque mois devant l’urbanisation chinoise. Les problématiques alimentaires sont toujours d’actualité malgré l’autosuffisance chinoise actuelle. Selon certains historiens, les émeutes de 1989 ont été en partie causées par une hausse des prix du porc...

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LES VILLES ICONES Shangwhy, capitale du XXIième siècle ? En partie bâtie par des européens, saturée de modèles urbains américains, point de convergence des matières premières africaines et future centre de la finance asiatique, la capitale économique chinoise est sans doute également la première ville globale de l’histoire de l’humanité. Sacrée par Walter Benjamin, Paris est sans conteste la capitale du 19ème siècle. Unanimement célébrée de Rem Koolhaas à Louis-Ferdinand Céline, New-York incarne le 20ème siècle.

Pour le XXIe siècle, le titre n’est pas encore décerné et nombreux sont les apôtres annonçant qui le règne de la ville tentaculaire Los Angeles, du mirage consumériste Las Vegas, des villes du tiers monde à croissance incontrôlables comme Lagos ou de la clinquante et dorée Dubaï. Si l’économie mondiale, aujourd’hui ralentie, rebondit sous l’impulsion de la croissance chinoise l’Expo 2010 fera rétrospectivement figure de sacre.

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2008, l’année de L’âge urbain

01-01-2009

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Villes Icones du XIX et XX siècle

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Villes icones suite - Un modèle pour le XXIe siècle ?

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La mondialisation et le musée des villes. Le titre de la capitale du XXIe siècle est à prendre, revu des icones ou modèles urbains aspirant à l’universel.

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mĂŠtro de Shanghai 50


aux environs de People’s Square, Shanghai 51


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SHANGWHY EN 9 THEMES Et Shangwhy accouche du Shangwall. Pour appréhender cet au-delà de la ville et du territoire que semble être Shanghai, nous avons procéder avec méthode. La carte suivante reproduit nos différents parcours et restitue notre découverte progressive de l’agglomération. Chaque point de la carte représente un thème, un sujet sur notre blog ou dans le livre qui accompagne l’exposition, et une facette du portrait de Shangwhy. Shangwhy plutôt que Shanghai, pour assumer une part de subjectivité, ne pas reproduire une analyse morphologique de plus, et restituer la polysémie de cette ville du « ET », au sens de Françoise Ged, où les réalités se superposent plutôt qu’elles se succèdent. En 9 thèmes complémentaires voici l’avatar, la ville chimérique et monstrueuse de l’âge de la métapolisation, du citytainement et des enjeux environnementaux globaux.

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Agriculture et rapport Ville / Campagne Shanghai étant jeune (moins de 200 ans) la superposition naturelle de la ville sur la campagne est une histoire récente, actuelle, et souvent extrêmement visible. Le territoire de Shanghai est agricole par essence et par nécessité. Cette plaine alluviale, gagnée sur la mer par l’accumulation des limons charriés par le Yangtzé, a été structurée et consolidée par l’homme. Sur plus d’un millénaire, canaux, digues et rizières ont remplacés les marais en une armature extrêmement stricte et un terroir nourricier parmi les plus fertiles du monde. Progressivement, cette trame agricole rigoureuse est devenue une trame urbaine ; depuis les concessions où les avenues coloniales

s’installaient sur des canaux comblés jusqu’aux urbanisations plus récentes de la périphérie où le territoire se transforme par secteurs entiers. Chacune des cellules de ce maillage à grande échelle mute indépendamment de la cellule voisine et les juxtapositions les plus surprenantes sont possibles. Dans les méandres de l’urbanisation, sous un échangeur ou le long d’une voie rapide, la multitude des jardins vivriers installés sur quelques mètres carrés et souvent entretenus par des travailleurs migrants venus de la campagne, donne une dimension nouvelle au rapport ville/campagne.

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Architecture

De 1966 à 1976, pendant les années de la révolution culturelle, la plupart des écoles d’Architecture et d’Urbanisme chinoises ont été fermées. Quand a été déclenché le grand mouvement de libéralisation économique et que s’est accélérée l’urbanisation du pays, la Chine manquait de concepteurs et des pans entiers de son patrimoine intellectuel n’avaient pas été transmis. Le rythme même de l’urbanisation a imposé ses propres contraintes de temps et de conception. Les premiers investisseurs, venus de Hong Kong et Taiwan ont importés

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leurs équipes et leurs modèles. Le répertoire limité des architectures reproductibles s’est un peu élargi avec l’arrivée de concepteurs japonais, américains ou européens avant que n’émerge, au début des années 90, une nouvelle génération d’architectes chinois. Répétition forcenée, architecture globalisée ou spectaculaire, quelques créations originales : cette sociologie des architectes aide à comprendre le panorama d’abord surprenant de l’architecture de Shanghai.


People

Au début des années 1950, le gouvernement chinois a mis en place un système très restrictif de contrôle des flux intérieurs de population dont l’instrument est le «hukou» (户口) ou livret d’enregistrement de résidence. Initialement, le système interdisait à toute personne née dans une certaine ville ou province de vivre ou travailler dans une autre (à moins d’obtenir un nouveau document). Le hukou urbain permet de travailler en ville, d’y scolariser ses enfants et de bénéficier des droits sociaux. Le hukou agricole ne donne accès qu’aux infrastructures vétustes des zones rurales. Ce système a objectivé la séparation existante entre les populations urbaines et rurales. Dans le même pays se côtoient deux populations, que tout oppose. La fracture est particulièrement visible dans les villes. Les populations rurales, immigrés légaux ou illégaux de l’inté-

rieur, installée malgré tout en ville doivent faire face à toutes sortes de difficultés : salaires inférieurs, contrôle de police ciblés, absence de scolarisation pour leurs enfants et aucun accès aux soins médicaux. Certains bâtiments (tours de bureaux, centres commerciaux) leur sont fermés, un panonceau indiquant à l’entrée que les personnes mal habillées seront expulsées. La « population flottante » de ces immigrés de l’intérieur («mingong») serait de 130 millions de personne (10% de la population dont 4 millions à Shanghai). Après quelques semaines, le regard s’affine et le visiteur étranger de Shanghai peut à son tour distinguer la brutalité de cet apartheid monochrome.

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Economie

Lucien Bianco, historien et sinologue : « En ce qui concerne la pauvreté, le bilan [du maoïsme] est quasi nul : en 1977, un an après la mort de Mao, le revenu des paysans, qui représentent 80% des chinois, est égal ou inférieur à ce qu’il était en 1933. Mao a plus prôné que réalisé l’égalitarisme. Ses choix idéologiques et son entêtement ont maintenu l’ensemble de la population dans la pauvreté. » Depuis 1980, le PIB chinois par habitant a été multiplié par 20 et 90% de la population sait lire et écrire. Dans le même temps les inégalités ont doublé : le coefficient de Gini, qui mesure la distribution des revenus sur une échelle allant de 0 à 1 (0 étant l’égalité absolue, 1 l’inégalité absolue) est passé de 0,28 à 0,46.

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Dans la capitale financière en devenir qu’est Shanghai, la population semble vouloir illustrer docilement ces mutations macro-économiques. Le bonheur d’une société de croissance est presque palpable. Consommation et modernisation : la fascination d’une machine à laver, d’un vélo électrique, demain d’une voiture semblent assurer un socle de stabilité au système politique.


Héritage

Shanghai a été en Chine la ville de l’importation des idées et des formes venues de l’étranger. L’important patrimoine Art-déco de la ville en témoigne. Lazlo Hudec est l’architecte le plus représentatif de la période des concessions. Né austro-hongrois, fait prisonnier par les russes en 1916, il s’échappe d’un train qui le déporte en Sibérie près de la frontière chinoise, parvient à rejoindre Shanghai et s’y fait embaucher par une firme américaine pour construire en quelques années les bâtiments les plus marquants du patrimoine de Shanghai : la vocation globale de la ville tient également à ses personnages.

les destructions ont été plus mesurées et moins complètes, le saccage du patrimoine demeure en Chine un moment constitutif de la vie urbaine. Le patrimoine spécifiquement chinois a complètement disparu du centre et la « vieille ville » n’existe plus que par le souvenir d’un boulevard installé sur d’anciens remparts de bois. Les « lilongs » (lotissements denses constitués de maisons accolées datant du XIXe siècle) de Shanghai souvent sauvegardés, parfois attendent gentiment leur «boboification».

Si l’œuvre de Lazlo Hudec (et le patrimoine des concessions) a été identifiée et protégée depuis le début des années 90, qu’à Shanghai

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Icône

Puxi / A partir de 1842, le traité de Nankin impose l’ouverture économique à la Chine et la création de ports et de concessions internationales. A Shanghai, une ville coloniale s’organise au Nord d’une bourgade de 200.000 habitants. Le quai, appelé Bund par la main d’œuvre indienne de l’empire anglais, devient la façade de la ville. Sur ce kilomètre de berges va se constituer une collection d’architectures commerciales, de style Art-Déco. Peu impacté par la guerre et l’invasion japonaise, cet ensemble demeure l’image de la ville jusqu’au début des années 1990. Pudong / En 1990, Shanghai compte 14 millions d’habitants. Le maire de la ville, Zhu Rongji, ouvre à l’urbanisation les champs et les cabanes de Pudong situés à l’Est du Huangpu. La même année Deng Xiao-

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ping autorise la création d’une zone Economique Spéciale à Pudong permettant l’afflux de capitaux étrangers. Les voyages de Zhu Rongji (à Hong Kong, Singapour, dans plusieurs villes américaines et européennes) et le climat économique de ces premières années de la mondialisation vont contribuer à la structuration du quartier d’affaires : un essaim de tours de grandes hauteurs agglomérées autour de «l’Avenue du Siècle». Pudong/Puxi, l’iconologie de Shanghai pourrait tenir toute entière dans ce face à face. Le soir, les deux rives du Huangpu s’illuminent et une foule considérable déambule de part et d’autre. Les deux ensembles se font face mollement jusqu’à ce que l’obscurité revienne : à 23 heures tous les soirs.


Infrastructure

La civilisation est avant tout une géographie. Selon la thèse de Karl Wittfogel (historien et sinologue américain, 1896-1988), développée en 1957 dans son fameux livre «Le despotisme oriental», les grandes civilisations asiatiques ne se comprennent pas sans considérer le rôle central de la culture du riz. A la différence du blé, la riziculture nécessite la mise en place et l’entretien d’un système centralisé de gestion de l’eau : canaux d’irrigation, bassins de rétention, barrages, pompes. Une forte discipline collective et une structuration centralisée du pouvoir sont nécessaires à sa sauvegarde. La géographie et l’alimentation sont à l’origine des «empires hydrauliques» qui naissent dans les bassins humides des grands fleuves. Ce déterminisme alimentaire se lit dans l’organisa-

tion sociale de la société comme dans la centralisation du pouvoir et dans les moyens dégagés pour l’aménagement des infrastructures publiques. Les infrastructures constituent la véritable excellence de Shangwhy. Ponts, autoroutes, systèmes portuaires ou hydrauliques, la ville multiplie les records et la plupart des réalisations ne sont pas exemptes de beauté. Si une autoroute est bruyante à même le sol, les voitures sont imperceptibles quand elles circulent au sommet d’un viaduc, fut-il implanté en centre-ville.

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Territoire

Le territoire de Shanghai est une matrice. La géométrie régulière du système hydraulique et la forte centralisation de l’aménagement confèrent à l’urbanisation en cours l’apparence d’une grande rationalité et d’une artificialité proche parfois de l’abstraction. La superposition de programmes standardisés sur un territoire agricole très structuré se fait selon une logique de sectorisation assez claire. Les mutations se font par bulles et toutes les juxtapositions sont possibles. La rupture est franche avec les systèmes urbains du passé : toute la

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grammaire urbaine des villes d’eau précédant l’urbanisation massive (quais, canaux, galeries, logique des hameaux linéaires) n’existe plus que dans des enclaves historiques très localisées. Ce développement artificiel et autiste est d’autant plus visible que l’urbanisation périurbaine «grise» ne fait que commencer en Chine : pas ou peu de zones commerciales et de lotissements pavillonnaires dans le grand Shanghai. Entre l’urbanisation et le territoire la disjonction s’accroît inexorablement.


One City / Nine Towns

L’opération «Une ville et 9 cités», lancée en 2001 est une stratégie d’animation et de structuration de la banlieue de Shanghai. L’objectif affiché consiste à déplacer 1 millions d’habitants de l’intérieur du premier périphérique pour les implanter dans des villes satellites progressivement reliées par des systèmes de transport. Ces points d’urbanité font explicitement référence à des cultures et des modèles urbains étrangers : villes anglaise, allemande, espagnole, américaine ou suédoise. Cette démarche vise à caractériser et à identifier des territoires plus vastes autour de chacun de ces quartiers nouveaux. Tout autour de

Shanghai, des espaces agricoles, progressivement densifiés et urbanisés, sont devenus de fait des espaces urbains. Chacun de ces quartiers thématiques est l’élément précurseur d’une polarité dans l’agglomération. Dans une ville née de la colonisation et où plusieurs quartiers centraux restent marqués par leurs origines française ou internationale, ce projet tient de la continuation paradoxale. Dans un mouvement cette fois consentie, Shanghai demeure une chambre d’écho et une table de mixage de modèles culturels importés.

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cyclistes dans les rues de Shanghai


PARCOURS

scène de rue, Shanghai

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CCTV 66


9 heures Ă Pekin...

09-03-2009

place Tienanmen 67


Hu Lu Dao, vendeur ambulant

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Terres agricoles: le grand monopoly

14-03-2009

Article dans le monde du 14 avril 09. «Les terres agricoles, de plus en plus convoitées» http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/04/14/securite-alimentaire-1-5-les-terres-agricoles-de-plus-en-plus-convoitees_1180423_3244.html

Cet article est le premier d’une série sur la ruée vers les terres arables, qui a amené Le Monde à enquêter au Mali, aux Maldives, en Arabie saoudite et au Kazakhstan.

Extrait : «Pas un jour sans que de nouveaux hectares ne soient cédés. Les petites annonces de terres agricoles à vendre passent maintenant dans la presse financière internationale. Et les clients ne manquent pas. «Fin 2008, constate Jean-Yves Carfantan, auteur du Choc alimentaire mondial, ce qui nous attend demain (Albin Michel, 2009), cinq pays se distinguaient par l’importance de leurs acquisitions de terres arables à l’étranger : la Chine, la Corée du Sud, les Emirats arabes unis, le Japon et l’Arabie saoudite. Ensemble, ils disposent aujourd’hui de plus de 7,6 millions d’hectares à cultiver hors territoire national, soit l’équivalent de 5,6 fois la surface agricole utile de la Belgique.» Article de Libération du même jour.

http://environnement.blogs.liberation.fr/noualhat/2009/04/terres-agricole.html

Tensions asiatiques sur les enjeux relatifs aux terres agricoles. Il s’agit en l’occurence de la Corée du Sud. Le monopoly des terres à l’étranger pose également la question de l’utilisation de la terre tout court. L’étude de l’usage du sol en Chine et à Shanghai en particulier est bien le sujet de notre étude.

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Hu Lu Dao, bord de mer 70


Hu Lu Dao-les-bains

16-03-2009

Ici bientôt, une cité écologique et balnéaire... Bienvenue à Hu Lu Dao, ville côtière, nucléaire et pétrochimique, laide et nonchalante sous le soleil d’hiver. Douce rêverie de modernité sur les rivages de la mer de Chine.

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rue d’Hu Lu Dao

Xincheng, rue principale 72


Les villes du «ET»...

20-03-2009

En 2003, Françoise Ged analysait lors d’une conférence. «En Chine, nous ne sommes pas dans un pays où l’alternative est un mot courant, mais plus exactement dans le pays du et, et, et, et... C’est à dire que vous avez plusieurs facettes, même contradictoires, qui peuvent coexister en même temps». La ville chinoise est la ville du «ET», la ville de la superposition des réalités et du croisement des dimensions urbaines. Hu Lu Dao lui donne raison.

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depuis le Maglev

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Shangharriving, la ville approchée

08-04-2009

Shangharrivés, Shanghallucinés, Shanghamoureux... Urbanisme de la démesure et premières intuitions agricoles. Shanghai, « la ville sur la mer» bourgade lacustre construite à l’extrémité d’un delta, installée sur les amoncellements limoneux chariés par le Yangtse laisse, à l’approche, apparaître encore son substrat agricole. Calés dans le Maglev (train magnétque automatisé, 330 km/h en lévitation et sans un bruit, construit en 4 ans) un paysage surprenants défile sous nos yeux : une succession anonyme de condominiums récents, de blocks tsétoungniens et d’habitats vernaculaires insalubres enchassés dans le maillage fin d’une trame potagère plus que vraiment agricole. L’eau est omniprésente et l’ami google-earth nous apprendra plus tard que tout cela est évidemment extrèmement tramé. En cette fin de journée, l’entrée en ville est fidèle à la légende. La ville-port colonisée, brumeuse et insolente, se livre tout d’un coup, se dévêt de ses nippes et nous avale tout entier. Nous voici dans la brume corruptrice de Shanghai la dépravée. La nuit tombe et rideau ! Demain il faudra se Shanghinstaller.

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Shanghai... hagards

09-04-2009

... et non pas Chandigarh. Jet lag et petit matin , premiers pas hagards dans la grande ville. Lunettes noires de circonstances. La rue chinoise tourne devant nous, clins d’oeil de connivence aux platanes. Le radar jusqu’au soir. Foule sentimentale sur Nanjing Road. La nuit s’allume et on est bien.

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Nanjing Road le soir 78


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Shangh... above

Après la ville approchée et la ville floue, nous prennons un peu de hauteur via un café panoramique. Shanghai from above, la ville en plongée mais tout cela n’est toujours pas très clair. Et depuis Pudong, ça donne quoi ? Vues de la ville depuis le plus-haut étage ouvert au public du monde (from the world). Quand-même... 80

10-04-2009


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Shangh... installation

12-04-2009

Shanghai, avec un «i» comme IKEA. Ou «Itya» pour les chauffeurs de taxi. Une fois l’appartement trouvé, un minimum de consommation. Les réflexes reviennent vite. Le magasin est identique à ce que l’on connaît déjà (à peu prêt comme celui de Villiers sur Marne pour les connaisseurs mais l’échangeur devant le magasin est plus grand). Il y a même des boulettes de rêne. Foule, Applod, foule, Billy, foule, Besta, foule, Abstract... Tiens, y sont pas mal les nouveaux coussins ! Gaston s’ébat parmis les têtes brunes, demain il faut trouver une école.

La nuit chez nous Depuis notre fenêtre, dans une petite copropriété de 2000 logements. Voici le QG pour la découverte de la ville campagne.

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Shangh... installation 2 à Carrefour

13-04-2009

Un des Carrefour de Shanghai pour parfaire notre installation. Ce magasin a fait (un peu) parler de lui. L’histoire ? Des logiques commerciales, stratégies d’images et relations internationales qui se croisent autour de la réhabilitation d’un magasin existant. Il s’agit d’un des 6 ou 7 magasins Carrefour de Shanghai (enseigne positionnée avant Wall’mart en Chine) dans un pays où la grande distribution est encore balbutiante (taux de motorisation faible et suremploi dans le petit commerce). Le coup de lifting permet de repositionner l’image de la marque autour d’une France à la Charles Trenet et de faciliter localement les relations avec les autorités locales (la Suzhou Creek, rivière voisine fait l’objet d’un projet de réaménagement d’ensemble). L’équipe lyonnaise des murs peints se met à l’oeuvre et le plus grand mur en trompe l’oeil du monde voit le jour. Dans la foulée Carrefour a aussi payé un habillage complet du pont (en vraie piere s’il vous plaît) avec chandeliers parisiens en une réinterprétation du pont Alexandre III (mais sans Show Case). La polémique ? Les anglo-saxons exportent leur ingénierie, les allemands vendent leurs machine-outils et les français leur hypermarchés avec Edith Piaf en promo pour l’achat de 2 paquets de nouilles.

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Shangh... night

14-04-2009

Le soir sur le Bund, la foule éclairée par les enseignes de Nanjing Road et le paysage urbain en feu aperçu par la fenêtre d’un taxi roulant à tombeau ouvert sur les autoroutes surélevées... un autre Shanghaï se lève le soir. C’est le Shanghnight phénix ; kitch, bariolé et heureux, qui meurt chaque matin pour renaître le soir. Une «nuit blanche» quotidienne, un 8 décembre éternel, une ville kermesse clinquante et populaire à l’image de la Chine que nous découvrons étonnés. Une ville (et un pays ?) grisé par son propre spectacle et s’offrant à elle-même une certaine image du bonheur.

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Huangpu River

15-04-2009

C’est beau une ville sans pont. Prenez un grand fleuve bien large (500 m). Urbanisez modérèment une rive (Puxi jusqu’à 1840). Envahissez et colonisez (Concessions française et Internationale). Urbanisez encore le même côté laissez reposer l’autre (Pudong). Envahissez (Japon 1942), libérez (1945). Laissez pourrir (1949-1978). Aménagez mollement (sans moyens d’abord puis de plus en plus). Urbanisez beaucoup mais cette fois l’autre côté (1994). Libéralisez. Libéralisez encore. Agitez, agitez encore et voilà : Puxi, l’épaisseur urbaine, l’histoire et le patrimoine. Pudong, l’accroche internationale, le business global et l’architecture signe. Alors pour les amoureux des contrastes, oui c’est beau une ville sans pont.

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Etre enfant à Shanghaï La grande ville à hauteur d’enfant ? ou comment une petite tête blonde devient l’attraction. photos souvenirs. politique de l’enfant unique ? véritable foi en l’avenir ? En Chine, on adoooooooooooore les enfants et ça se ressent.

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dans le mĂŠtro de Shanghai 92


scène de rue, Chongqing 93


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Yu yuan Garden

16-04-2009

Autour d’un jardin traditionnel, s’étend la «vieille ville» de Shanghai. Le jardin (Yu Yuan) est très vieux (1559) mais... a été complètement refait en 1961. La vieille ville est bien inscrite dans un boulevard circulaire reprennant la forme d’anciens remparts de bois mais... mis à part les lilongs coloniaux, les bâtiments n’ont pas plus de 30 ans. Sur des barres identiques ont été vissées des menuiseries rouges. on a ensuite coiffé le tout de toits pointus à la chinoise puis de lointaines usines ont livrées ici soieries, colifichets et contrefaçons. Dans les guides, le lieu s’appelle indifféremment ville chinoise ou vieille ville et, les jours d’été on peut y voir des télés françaises jouer ici au «Lotus Bleu».

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Shangh... arsenal

17-04-2009 La ville globale et la grosse maquette. La trop fameuse maquette de l’institut de planification urbaine de Shanghaï, un pavillon de l’arsenal XXL. En rouge, c’est chez nous. En photo dans le musée (trés bon musée d’ailleurs) une galerie de portrait des personnalités ayant mesuré ici l’ambition du Shanghaï 2020 ; parmi eux : notre président et sa suite. Sur le cliché, une tête émerge de la mêlée, Patrick Balkany visiblement fasciné et traçant sans doute ici le dessein du Levallois-Perret du XXIe siècle.

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Ville/Campagne 1 : Le mur du Maglev Le Maglev (de l’anglais Magnetic Levitation) est un train à suspension magnétique reliant l’aéroport de Shanghai-Pudong au réseau de métro de Shanghai et permettant d’effectuer un trajet de 30 km en à peine 8 minutes. Programmé depuis 1994, il est entré en service en 2002 et a été inauguré en grandes pompes par le chancellier Gerard Schröder (ahhh la technologie allemande) et le premier ministre chinois Zhu Rongji. Cette infrastructure figure en bonne place dans la vitrine internationale de la ville ; il s’agit presque d’un monument national.

18-04-2009 Nous avons déjà évoqué (cf. 8 avril) les sentiments et impressions éprouvées, cueillis à notre descente de l’avion, à flotter ainsi (à 11 millimètres des rails mais à presque 20 mètres du sol) au-dessus du paysage mixte de canaux, de champs, d’ensembles de logements variés et d’installations industrielles éparses qui composa notre premier tableau des faubourgs shanghaiens. Ces impressions méritaient un retour sur place et une découverte, au coeur du sujet.

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Le très moderne et propret terminus est bordé dans sa partie sud (le métro étant plus au nord) par un espace paysager et un système de parking jardiné. Au fond de cet espace, encore plus au sud, un très haut mur de tôle cache un autre monde : une autre réalité et un autre visage de la modernité chinoise. Comme échappés, mobylettes tricycles et poules en liberté nous accueillent. L’on franchit la porte pour mieux basculer dans un autre monde. Nous avons parcouru cet arrière caché, plus négligé que protégé, jusqu’au chantier du deuxième périphérique, sans en saisir la totalité, mais en comprenant tout de même certains éléments du territoire : un paysage alluvionaire gorgé d’eau, rationnalisé à l’extrême en autant de canaux et de parcelles selon une logique tramée. Dans son «Shanghai, portrait d’une ville» Françoise Ged indique bien que le système des canaux, et leur comblements successifs, est à l’origine de la matrice urbaine de la ville. Passer le mur du Maglev, casser la vitrine de la modernité, c’est alors saisir un peu de l’esprit du lieu.

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La Suzhou Creek

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Le Bund, 1987 (1942 dans le film) et aujourd’hui.


J. G. Ballard et Shanghai

19-04-2009

J. G. Ballard est mort aujourd’hui 19 avril 2009. Wikipédia nous raconte : «Ballard naît en 1930 à Shanghaï. Son père est PDG de la filiale chinoise d’une grande entreprise de textile de Manchester. Il passe ainsi son enfance dans une vaste maison typique des expatriés jusqu’au conflit sino-japonais. Avec l’invasion de la Chine par le Japon, il est emprisonné en 1942 dans un camp de détention pour civils où il restera jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il a décrit cette expérience dans son livre semi-autobiographique Empire du Soleil, qui a été adapté au cinéma par Steven Spielberg.» En 1987, Spielberg est un des premiers cinéastes occidentaux à organiser un tournage de grande ampleur en Chine. La ville n’a pas encore été complètement transformée : Pudong (la rive moderne de la Huangpu River) est encore couvert de champs, le périphérique n’est pas encore bouclé et le métro n’est pas en service. Il trouve et il filme la ville de l’enfance coloniale de Ballard. Le film est hollywodien certes mais il y a Christian Bale (Batman) dedans (il a douze ans à l’époque) et une reconstitution du Shanghai historique dans sa splendeur (architecturale) et dans sa misère (les expats’ ...). Film à revoir Quelques images in memorandum : extraits du film et clichés plus récents. Ballard a écrit également beaucoup de romans assez célèbres dont plusieurs semblent dédiés aux architectes : L’île de Béton, Crash, Millenium People.

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Grands ensembles ?

20-04-2009

«Brilliant City», au nord de la Suzhou Creek, l’un des plus grands complexes résidentiels de la ville de Shanghai. Relativement bien positionné (le long d’une rivière historiquement industrielle mais en voie de gentrification), ce grand ensemble récent fait figure de modèle paradoxal. Conçu en 1999 par le groupe chinois ECADI (http://www.ecadi.com/en/) il constitue une borne dans le processus de résidentialisation à grande échelle : le plus grand des grands ensembles. Glanés ça et là, des critiques sur le mode de vie et le caractère morne de cette zone monofontionnelle font écho. Le projet pourrait être à l’origine de certaines inflections. Au fait, comme traduction de «Brilliant city», Shangwhy propose «Cité radieuse». Alors là, forcément...

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Dans les pas d’Edward... ... d’Edward Burtynsky bien sûr. Photographe américain dont le travail est décrit dans le très beau et très comtemplatif «Manufactured Landscapes» (Paysages Manufacturés dans la langue de Molière). Aujourd’hui nous avons trompé un service de sécurité chinois tout entier (quelques gardiens d’immeubles bedonnants et assoupis), joué les acroba-

21-04-2009 tes au 25ème étage d’une tour de bureau pour retrouver un point de vue célèbre. Situation imprenable sur l’échangeur du Nanpu Bridge, construit en un temps record en 1994 avec l’achèvement du Périphérique de Shanghai. Cette infrastructure autoroutière fait figure aujourd’hui de monument involontaire et d’icone de la ville. Les observateurs attentifs pourront distinguer le futur site de l’expo universelle Shanghai 2010 (et le pavillon chinois déjà très avancé). Du haut de sa tour d’un jour, l’équipe de Shangwhy s’interroge. Et si l’échangeur de Nanpu Bridge était le premier pavillon de l’expo universelle ?

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Thames Town, Shanghai à l’heure british

22-04-2009

Grands ensemble ou petits séparés ? La cité résidentielle de «Thames Town» est rattachée à la ville nouvelle de Songjian au sud-ouest de Shanghai, au terminus de la ligne 9 et à l’extrémité d’une séquence agricole surprenante. Pendant une vingtaine de kilomètres, le métro surélevé parcourt champs, bassins de pisciculture et pépinières avant d’atteindre la cité sans âme. Pôle universitaire récent de la grande ceinture de Shanghai, la ville accueille les premiers exemples pavillonnaires chinois en autant de lotissements espacés les uns des autres et accessible en voiture. A 5 km du métro, Thames Town. L’originalité de ce lieu, outre le développement du logement individuel en Chine (surprenant ici mais tellement habituel pour nous), réside dans le caractère british donné à l’ensemble par le cabinet anglais Atkins. Le lieu est stupéfiant : un décor sans envers, verdoyant et très bien fait, qui caricature, emprunte et parfois même surpasse certains éléments de l’urbanité anglaise (ou allemande, ou européenne; depuis la Chine tout cela est quand même très proche...). Les promoteurs ont voulu proposer une atmosphère de village anglais. cela ne ressemble pas du tout à cela mais l’expérience Disneyland vaut le détour. Tout y passe : la maison blanche victorienne, le crecent, les mews, les cottages, l’église gothique, les gardes (lotissement privé) en costume, le faux-tramway, les docks de Londres postmodernes, la cabine téléphoniques, boîtes aux lettres, pubs, ... Tout est à la fois parfait et complètement dissonant. La ville est en outre désespérement vide. Des cohortes de jeunes mariés (et leurs photographes) donnent seuls animations et couleurs. L’excellent «URBANATOMY 2009», nous apprend que «Thames Town» s’inscrit dans le schéma d’un ensemble de cités-satellites devant entourer Shanghai. Ces opérations préparent l’externalisation des logements du centre-ville et seront marqués par des thématiques spécifiques. Sont attendues ou en projet, la cité espagnole, allemande, suédoise, australienne... L’opération «Une ville et 9 cités», lancée en 2001 est une stratégie d’animation et de structuration de la banlieue. il s’agit, dans son versant culturel, d’un retournement historique paradoxal dans une ville marquée et générée par la colonistaion. Dans un mouvement cette fois consentie, Shanghai demeure une chambre d’écho et une table de mixage de modèles culturels importés.

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Chongming, la possibilité d’une île... agricole

26-04-2009

où l’équipe de Shangwhy découvre que la campagne existe bel et bien à Shanghai et que décidément la protection de l’environnement est une valeur culturelle

L’île de Chongming n’est cependant pas un lieu oublié. Dans la perspective du prochain raccordement de l’île au continent (deux méga ponts autoroutiers sont en projet), l’agence américaine SOM a été désignée lauréate d’un concours visant à l’aménagement global de l’île. Ce plan d’ensemble (relativement fin et cohérent) doit permettre de concilier une urbanisation modérée avec l’agriculture existante tout en développant le tourisme. Dongtan, la ville écologique chinoise en projet, se situe sur la partie Est de l’île. Venir ici donne également l’occasion d’appréhender l’acception chinoise de l’environnement. Choses vues concernant ce sujet de fond : L’île de Chongming, dans l’embouchure même du Yangtze, correspond peut- - l’auto-proclamé village écologique de Qianwei où des paysans en carton être à un état antérieur du territoire, un système hydrologique organisé mais pâte traient à l’ancienne des chèvres en résine dans des huttes de paille reconstituant un village encore exempt d’urbanisation : une île jardin. - le parc forestier de Dongping, accessible via un portillon d’accès (comme le Portrait : métro), où les arbres sont tous alignés et où des roches en plastiques camou- plus grande île alluvionnaire du monde (troisième île chinoise par la taille) flent des haut-parleurs diffusant de la musique - 1000 km² soit un cinquième de la surface de Shanghai - le «National Geopark», et son parcours santé, où des pontons en bois flot- 80 km de long pour 15 de large à 30 km de l’hypercentre. Selon l’excellent «Shanghai transforming» de Iker Gill, la production de den- tent au-dessus des roseaux et permettent (après achat d’une licence) de pêrées alimentaires était et demeure la principale fonction de l’île de Chong- cher, à l’aide d’une grenouille vivante retenue par un fil, de petits crabes d’eau douce. ming. L’équipe se fond au milieu des voyageurs d’un ferry profitant week-end pour - les affiches encourageant le développement des «éco-brands». L’environnement kitch et touristique, sécuritaire et contrôlé, utilisaire et merse réapprovisionner dans le grenier de Shanghai. cantile. La campagne chinoise peut-elle s’inventer un autre avenir ? A l’instar des grandes métropoles mondiales, la ville de Shanghai se situe au centre d’une région historiquement agricole et fertile. A l’embouchure du Yangtze, le substrat de la ville est constitué d’une accumulation de sédiments et d’alluvions charriés par le fleuve ; sol fertile mais mou et gorgé d’eau. L’épaisseur en question peut atteindre 300 mètres de couches géologiques par endroits. De part et d’autres de la Huangpu River, la gestion hydrologique a généré la trame urbaine (que les rues aient complétement remplacé les canaux comme à Puxi où que coexistent encore les deux systèmes comme à Pudong).

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Expo 2010... côté jardin

27-04-2009

Pudong avec un P comme pépinière. Dans un enclos reculé du gigantesque Pudong (plus précisément dans le district de Fengyang) se déroule une bien curieuse expérience. L’expo universelle de Shanghai 2010 pousse déjà. Rencontre avec les amis de l’agence TER pour jeter un oeil discret à la maquette échelle 1 de la future façade végétale du pavillon français. La géométrie imposante et étrange de la structure est déjà bien visible et le «jardin à la française» en trois dimensions assez prometteur. Au-delà de la clôture le paysage varié et nonchalant d’un Pudong toujours dans l’attente : l’alternance urbaine et rurale et le rythme des canaux. En deçà de la clôture un savoir faire végétal chinois indéniable : la richesse des plantations et le kitch drôle des structures jardinées (avec une mention spéciale pour l’élan prêt à fleurir)

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Le site du pavillon franรงais au printemps 2009.


Expo 2010... côté cour

27-04-2009

Il y a deux ans à peine, les deux rives de la Huangpu River située au Sud d’un Lupu Bridge tout neuf (2003) étaient encore dévolues à l’industrie. La zone est aujourd’hui complétement vidée et un gigantesque chantier a remplacé les entrepôts délabrés. Jour et nuit, le lieu fourmille de l’activités des 20.000 ouvriers présents en permanence. Un compte à rebours géant est installé dans le métro de Shanghai (station People’s Square) : 360 jours avant l’ouverture. Visite du site de l’expo et de la dalle de rez-de-chaussée du futur pavillon français avec Jacques Ferrier et Michel Hoessler de l’agence TER (concepteurs du projet avec le relais local de l’université de Tongji). Les allemands ont peut-être déjà leur structure en place mais la France cache bien son jeu. Alain Delon inaugurera en personne le pavillon. En chinois «Delon» est un nom commun signifiant «beau gosse» utilisé parfois par des personnes ne connaissant pas l’acteur. Alors forcément...

Sur le pavillon voisin allemand, la structure est montée «à la main».

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Expo 2010... côté ciel

28-04-2009

Le Lupu Bridge, construit en 2003, est l’un des derniers des 6 ponts de Shanghai. Entièrement métallique, c’est le plus grand pont à arche du monde (550m de portée pour 50m de hauteur tout de même) et il permet à l’autoroute surélévée nord/sud de franchir le Huangpu à une hauteur vertigineuse. C’est également un lieu privilégié, et accessible, permettant de surplomber le futur site de l’exposition universelle (le pont et le deuxième périphérique passe en viaduc au-dessus du site). Nouvelle visite du pavillon français et du site mais vu du ciel et par temps clair.

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Zhu Jia Jiao, chine urbaine fantasmée

29-04-2009 Zhu Jia Jiao est un des derniers exemples de l’urbanité traditionnelle des villes et villages du delta du Yangtze. Suffisament proche de Shanghai, le souffle de la grande ville y parvient encore. Tout juste après Qingpu, à 2h de bus, quelques canaux et une poignée de ruelles sont protégées par des barrières et des tourniquets. Les barrières sont aujourd’hui ouvertes mais l’été l’entrée de la ville est payante. Il s’agit donc d’un parc, avec ses attractions (le tour en barque et le lacher de tortues), ses restaurants, ses marchands de souvenirs. Un grand pont enjambe la rivière mais tout paraît ici bien neuf. On s’éloigne des rues bondées, les chinoiseries architecturales se font moins nombreuses puis disparaissent. On revient vers le centre et le pont paraît vraiment son âge. Cet aller/retour achève de nous convaincre : impossible de séparer ici le vrai du faux. Tout juste est-il possible de voir et comprendre une structure qui elle n’a pas changée : la délicatesse d’une ville d’eau à petite échelle qui mérite bien d’être sauvegardée. Avec ou sans barrières.

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Shangh... dam, architour à Qingpu Au sud-ouest de Shanghai, baignée par le Dianshan Lake, bienvenue dans la conurbation de Qingpu. Groupement de communes datant de 1999, ce district étendu (675 km²), se singularise à l’intérieur de l’espace sub-urbain de l’agglomération. Dans une stratégie assez habituelle en Europe mais plus nouvelle en Chine, les autorités locales utilisent depuis plusieurs années la création architecturale comme une carte de visite et un vecteur de communication. Qingpu invite donc des architectes étrangers à construire (Jacques Ferrier a ainsi conçu un lycée) et constitue au long cours une collection d’architecture haut de gamme.

30-04-2009 Prouvant ainsi que tout existe en Chine et que l’urbanisation en cours procède par superposition des réalités, voici donc Shanghdam, une enclave SUPERDUTCH et branchée qui se visite et s’expose. Les bâtiments icones sont accompagnés d’opérations de logements d’échelles moyennes et d’un soucis plus grand dans la définition des espaces publiques. Le résultat correspond par moment à un urbanisme «à l’européenne», presque troublant pour qui connaît l’urbanisme des ZAC à la française. Dans le plan programme de Shanghai pour la période 1999/2020, le développement multipolaire prévu suit le slogan : «One City, Nine Towns». Ce qui se traduit par un «Theme Park suburbia» (pour paraphraser URBANATOMY 2009) où se succèdent des villes thématiques. Nous avions déjà vu la ville anglaise, voici la ville archi : autre style mais même réalité.

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Debout, les damnés de la terre...

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...debout, les forçats de la faim. Premier mai dans un pays toujours officiellement communiste. On nous avait promis une ville morte et des retours géants des populations migrantes vers leurs campagnes d’origine. Habituellement le mois de mai est l’occasion d’une semaine de congé (comme pour le nouvel an chinois), qui laisse les grandes villes dans un état de nonchalance inhabituel. Il n’en a rien été. Cette année, le gouvernement a en effet annulé la semaine de congé du mois de mai et les préparatifs de l’expo universelle exigent tous les sacrifices. La ville est un gigantesque chantier, qui ne ferme pas. Tout se construit ou se réhabilite. Le béton est coulé, le sol est fouillé, les canalisations enfouies, les façades miroir des skyscrapers posées, de jour comme de nuit. Dans les rues, des tôles protègent des matelas aménagés à même les trottoirs. Sur le site de l’expo les dortoirs géants permettent un chantier permanent. Premier mai de travail dans un pays où la principale richesse est bien la quantité presque inépuisable de mains et de destins, de courage et d’espoir, d’obéissance et de soumission.

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02-05-2009 Gratte-ciel dans la brume Gloomy sunday côté Pudong. Comme si Shanghai ne pouvait être qu’embrumée et cotoneuse. Du haut de la Jin Mao Tower, nous voulions voir d’un autre angle le New York asiatique et nous voici à Gottham City. «En marche ! Les rues deviennent de plus en plus misérables, nous longeons de hautes palissades de bambous et, enfin, franchissant la porte du Sud, nous tournons vers l’Est. Le chemin suit la base de la haute muraille crénelée. A l’autre main se creuse la profonde tranchée d’un arroyo. Nous voyons, au fond, les sampans éclairés par le feu des marmites : un peuple d’ombres y grouille, pareil aux mânes infernaux». «Ville la nuit» dans le receuil de textes écrits par Paul Claudel lors de son affectation diplomatique en Chine et à Shanghai entre juillet 1895 et octobre 1899.

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Ville Campagne 2 : Shanghai Sunqiao Modern Agricultural Park L’indispensable Shanghai Daily nous avait interpellés. Dans son article de référence «Be a farmer for one day» du 11 novembre 2008, il expliquait : «The 9-square-kilometer park south of Zhangjiang High-Tech Park offers a unique rustic experience. There are hundreds of fruits and vegetables, farm produce, demonstrations of scientific soil-less farming, historic exhibits, medicinal mushrooms and ganoderma, desert plants, a kids’ play center and old-time animation and childhood neighborhood games.» District de Nanhui, à l’est du Huangpu (côté Pudong) nous voici au désormais célèbre «Shanghai Sunqiao Modern Agricultural Park».

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Sur plusieurs hectares ont été rassemblés, le savoir-faire et l’essence agricole du territoire émergent du grand Pudong. Le lieu est un espace hybride : véritable exploitation produisant des poivrons, champignons ou tomates, il s’agit également d’une vitrine servant la communication du district et d’un lieu de loisir (ferme de cueillette mais à la chinoise) pour les urbains. La démonstration n’était plus nécessaire mais tout existe véritablement à Shanghai : les quartiers taudis survolés par les autoroutes et les expériences bobos d’un retour à la terre marketés. Le lieu est intéressant dans la mesure où on le considère comme la partie émergée, ou la vitrine, d’un territoire en réinvention. Il synthétise en effet son environnement immédiat ; une ruralité quadrillée par les canaux, sectorisée par l’organisation routière et autoroutière, entrée en mutation via la formation graduelle d’agglomérats urbains de petits hameaux paysans, d’ensembles de logements, de petits et ou de grands ateliers, d’usines... : une suburbanité maraichère. La composante agricole demeure importante ici et se structure autour d’une intense activité de maraîchage : jardins familiaux très entretenu (dans une logique de subsistance presque palpable), petits champs travaillés à la main ou regroupements de parcelles autour d’une petite entreprise (avec installation de serres). Ce parc à thème façon salon de l’agriculture tend à l’organisation et à la pérennisation d’une certaine ruralité. Tentation de la grande échelle et de l’export, il contient, en germes, un avenir possible de la suburbanité de Shanghai.

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Ville Campagne 3 : Le métro des champs Retour sur les parcours de deux lignes de métro aériennes de Shanghai. Direction Songjian au Sud-ouest et Zhangjiang High-Tech Park à l’est de Pudong pour deux séquences de survol d’une ruralité en attente. Maintenir et structurer ces paysages nourriciers (dans l’optique des contraintes alimentaires fortes pesant sur la société chinoise) ou programmer leur disparition devant l’urbanisation : tels pourraient être les termes de l’équation urbaine posée.

07-05-2009 Lors du récent salon automobile de Shanghai, les constructeurs de voitures constataient : la Chine est devenu le premier marché automobile mondial (le marché américain vient d’être dépassé) et les perspectives de croissance sont fortes. Etalement urbain et taux de motorisation : la poule et l’oeuf d’une invention en cours de la suburbanité chinoise.

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Shenzhen : WELCOME TO OUR WORLD L’équipe de Shangwhy en dehors de sa métropole d’attache : direction le Sud de la Chine, la côte d’abord, l’intérieur des terres ensuite. Shenzhen donc. Détour en souvenir du très beau, et très mélancolique (et un peu long quand même) film de Jia Zhang Ke, le trop fameux réalisateur chinois, «The World» de 2005.Petit résumé du film : «A World Park, parc miniature réunissant les monuments les plus célèbres du monde entier, dans lequel travaille Tao. Chaque jour, elle chante et danse

08-05-2009 devant le public. Son ami, Taisheng, est l’un des gardes du parc à thème. Mais leur relation est compromise : Taisheng est attiré par Qun, une jeune styliste» Dans la vraie vie, bienvenue à «Window of the World». Si le monde était un parc à thème, il y aurait une vraie tour Eiffel (échelle 1/3), une place Saint Marc, un Taj Mahl, des chutes du Niagara et des palmiers. Autour il y aurait une ville nouvelle, tropicale et laborieuse : une zone économique spéciale surboostée. Shenzhen, 7 millions d’habitants, n’existait pas au début des années 80. Voulue par Deng Xiaoping comme une enclave capitaliste économiquement branchée sur Hong Kong, c’est une ville moderne et riche (la province est la plus prospère du pays) qui grandit très vite dans une des régions du monde (le Delta de la Rivière des Perles) à la plus forte croissance urbaine. A l’entrée du parc des néons clignotent et indiquent «Welcome to our world» sans que l’on sache vraiment où l’on se trouve à ce moment là : à l’intérieur ou à l’extérieur du parc d’attractions. Et si la vraie tour Eiffel n’était pas à Paris ?

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Hong Kong, la ville chinoise pour les nuls

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Après Shenzhen, Hong Kong. Traversée du miroir au point de passage de Luohu. La frénésie commerciale chinoise, un temple du faux et de la contrefaçon (« Lolex, copy watch. You want lolex ? »), branchée directement au terminus du métro de Hong Kong. La « frontière » se passe à pied et après avoir rempli deux formulaires de santé, s’être fait scanné le front pour détecter le moindre signe de fièvre et offrir des masques anticontamination, s’affiche enfin l’annonce salvatrice : « Welcome in Hong Kong ». Hong Kong/Shenzhen, Shenzhen/Hong Kong, envers et revers d’une même quête globale de modernité. Jusqu’aux réformes économiques de 1982, Hong Kong était une enclave futuriste enfoncée dans le territoire chinois : gratte-ciels, économie financiarisée, autoroutes surélevées, logements à haute densité, métro… La ville présentait à échelle réduite un catalogue de dispositifs urbains disponibles et presque déjà acclimatés tandis que ses 7 millions d’habitants exploraient des modes de vie nouveaux : entre orient et occident, post-colonialisme et proto-globalisation. Aujourd’hui, après la rétrocession anglaise de 1997 et avant la fin de l’autonomie relative du territoire prévue en 2047, la ville est comme suspendue. Elle s’endort doucement, sa mission historique remplie. L’arbre a dépassé le tuteur et Hong Kong fait figure d’une seringue vidée : le sérum de modernité a été injecté à la grosse bête. « Ville chinoise pour les nuls » : plus tout à fait chinoise et presqu’encore anglaise. Tout est bien trop simple à Hong Kong pour les longs nez égarés dans la grande Asie.

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Hong Kong = Marseille + New York

Marketing globalisé des villes et marché mondial de l’emplacement, les métropoles du monde entier se regardent, se jaugent et parfois se copient. Olivier Mongin ajoute à l’idée commune de « la ville musée » celle du « musée des villes » : la définition d’un certain urbanisme globalisé, le réseau des métropoles et des aires urbaines. Avions, trains à grande vitesse mais aussi photos, expos, congrès, les liens sont nombreux qui tissent aujourd’hui cette toile. Et si Hong Kong était définie par sa position dans ce réseau ? Le portrait chinois de Hong Kong ?

10-05-2009

New York pour la baie, le manhattanisme de gratte-ciels appliqué scrupuleusement, l’atmosphère anglo-saxonne exportée, le port et les taxis criards (même si ici ils sont rouges). Marseille pour l’air marin, le génie du site, les autoroutes spectaculaires, l’éclectisme pourrissant et la proximité des calanques (qui sont ici des plages tropicales). Hong Kong est deux fois une ville passionnante.

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Canton/Guangzhou, bienvenue à Jolieville Traversée de Canton en mode flou, après le train de Hong Kong et avant l’avion du Yunnan. A Shanghai, on nous avait décrit une ville triste et laide. Depuis le train qui nous amène, nous parvenons à capter un peu des micropaysages potagers qui sont aussi présents ici. Penchées sur la terre, armées parfois de simples bêches, des silhouettes paysannes cultive une des terre les plus fertile du monde. Aux confins de quatre des dix plus grandes villes de Chine (Canton/Guangzhou, Shenzhen, Hong Kong et Macao), la lutte pour la terre est parfois très dure. Un article de 2007 restitue un peu de cette histoire en cours.

12-05-2009 « Des paysans chinois pris dans les tentacules urbaines. Rattrapés par l’urbanisation, les habitants du petit village de Sanshan résistent périlleusement à la réquisition de leurs terres.» La première impression confirme bien cette impression d’un gros bourg sans charme réveillé un matin avec 11 millions d’habitants. Partout autour de nous les mêmes stéréotypes d’un développement à grande échelle sans accroche géographique et historique. Canton/Guangzhou, le mystère demeure. Demain la campagne.

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Campagne 1 : Yunnan Circus « 750 millions de Chinois (plus de la moitié de la population) vivent à la campagne. Le revenu annuel moyen des paysans est de 592 dollars, contre 1 900 dollars en milieu urbain. 23 000 manifestations (en chute de 20 %, selon les statistiques officielles) ont été recensées en Chine en 2006. La moitié a eu lieu dans les campagnes. 80 % des 13 millions de pétitions envoyées en 2005 au Parti communiste chinois concernaient la saisie des terres. » Libération 17 fév. 2007 Voilà quelques-unes des raisons qui nous amènent très loin de Shanghai, dans une région les plus pauvres de Chine : Lijiang, province du Yunnan. La vieille ville de Lijiang présente une continuité bâtie assez rare en Chine, une urbanité « traditionnelle » conservée. Classée patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, elle a été en grande partie reconstruite après un tremblement de terre en 1996. Les chantiers en cours expliquent assez bien la mentalité chinoise vis-à-vis du caractère historique d’un site ou des

13-05-2009 constructions : l’emplacement d’abord et la réalisation du bâtiment elle-même ensuite. Sur les chantiers les charpentes sont entièrement assemblées à la main (certains troncs sont même sciés sur toute leur longueur avec de grandes scies à bras). L’ensemble est cohérent, assez agréable tout d’abord mais marchant le long des rues, « Latte, esspresso, OK ? You want Latte OK ? », l’on découvre très vite que la vieille ville n’est plus qu’une coquille vide entièrement dévolue au tourisme : un Yunnan Circus bâti et en plein air.

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Campagne 2 : la micro-agriculture L’agriculture du Yunnan frappe par d’abord par son échelle. Les parcelles cultivées paraissent minuscules (rarement plus d’un demi-hectare) et des cultures variées se répartissent dans les quelques plaines de cette région de moyenne montagne. Ensuite, ce sont les pratiques développées ici qui étonnent : terre retournée à la bêche, labours réalisés avec l’aide de gros buffles ou de petits motoculteurs, battage du blé à même le sol des routes, élevage pastoral sauvage. Plus qu’une région agricole c’est une terre paysanne que nous découvrons. Et même si les paysans ont des vélos électriques et des téléphones portables, c’est une vraie ruralité vivante et habitée qui existe ici : plutôt Confédération Paysanne que Fnsea. Le tourisme global et l’agriculture paysanne, la juxtaposition

14-05-2009 pourrait être surréaliste. Cette superposition d’échelles et de temporalités donne plutôt l’intuition que si révolution verte il y avait ici, elle ne prendrait pas forcément la forme de celle que nous avons connue en Europe. Le nouveau « grand bond en avant » cela pourrait être de faire l’économie du passage par le productivisme pour revenir à la paysannerie et d’inventer tout de suite et maintenant une ruralité du XXIe siècle. Pour finir, le conseil de l’été pour améliorer votre bilan carbone : en clignant un peu les yeux et en prenant les longs rubans de polyéthylène pour des lavandes, il y a soudain un peu de Provence ici. Le Yunnan, c’est un peu la Drôme mais en plus loin. Alors, cet été tout le monde en train.

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Qu’espérer de la Chine ? Lu dans le catalogue de l’exposition «Dans la ville chinoise - Regards sur les mutations d’un empire» «Si les campagnes déversent un nombre toujours croissant de paysans dans les usines ou sur les chantiers des vielles, elles restent à l’écart de l’effervescence des chantiers. Ce repli a pu contribuer à protéger le patrimoine architectural des bourgs et villages les plus éloignés des zones urbaines, et ce qui reste de leur patrimoine culturel. Malgré la pression visuelle et morale des innombrables chaînes de télévision, les vieux villages, partiellement abandonnés par les plus jeunes des habitants, entretiennent malgré la tentation du parpaing, la connaissance des anciennes règles de la construction et dans quelques cas, la mémoire de l’organisation de la cité. Dans les villes, la recherche des signes du passé devient en revanche une quête impossible. La plupart des grandes cités qui faisaient l’orgueil de la chine, Pékin bien sûr mais plus encore les anciennes capitales comme Xi’an, Luoyang, Kaifeng, ou plus modestes comme Chengdu, Qufu ou Kunming, toutes ces villes sont pratiquement dé-

14-05-2009 truites ou ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes, réduites à l’état de pastiche pour accrocher encore les regard des amateurs de cartes postales. Or, dans le même temps, c’est-à-dire au cours des dix à quinze dernières années, une lente prise de conscience, non pas de la valeur historique du cœur ancien des villes mais de leur fécondité touristique, a conduit à fabriquer un univers composite formé pour une part de caricatures du passé (c’est le cas de plusieurs villes consacrées par l’Unesco comme Lijiang) et pour une autre part d’une hyperactivité archéologique qui peut elle aussi laisser perplexe. C’est en particulier le cas de Xi’an qui, outre le célébrissime empereur Qin Shi Huangdi (259-210 av JC) et son armée de terre cuite, offre mille et un musées dont les vestiges sont aussi incompréhensibles par le public profane que les premiers caractères de l’écriture chinoise. Cela n’empêche pas les cars de tourner. Suivis par une petite cohorte d’étrangers, des millions de chinois se déplacent désormais chaque année pour visiter un passé dont l’essentiel a disparu.[...] Mais ce territoire pluriel aux multiples cultures, riche d’un potentiel sans précédent d’intelligence et d’invention, reste sans doute le pays qui porte l’avenir du monde. Mieux vaut apprendre à le connaître.»

Frédéric Edelmann

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Tiger Leap Heroes

14-05-2009

Les gorges du «Tiger Leap», aux sources du Yangtze (le fleuve bleu - troisième fleuve du monde) tout droit descendu des plateaux tibétains (ici au Nord de Lijiang) et qui après une longue course de 6.300 km atteind la mer au Nord de Shanghai. C’est la présence de cette large voie naviguable qui justifia, après la première guerre de l’opium, la création d’un comptoir colonial dans le village de pêcheur à l’origine de la ville. Plongée aux sources de Shanghai en quelque sorte. Question subsidiaire, comment descendre et remonter à dos d’homme un enfant de 3 ans sur un chemin poussiéreux sur un denivelé de 500m ? Il vous faut des «Tiger Leap Heroes».

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Shangri-La Lala

15-05-2009

Ascension vers le Nord et les contreforts du Tibet. Shangri-la terre de contrastes ou alors pas. Le soir une foule bariolée se réunit au centre d’une vieille ville toute neuve. Des tibétains maussades dansent habillés de couleurs bariolées. Des baroudeurs maussades les photographient dans leurs accoutrements bariolés. Poils de Yak tissé contre doudoune Northface flambant neuve. Des cafés internet voisins filtrent des chansons de Manu Chao. Un rat se lave dans le caniveau. «Clandestino» sous un ciel limpide. Les moulins à prière tournent à vide et, là-bas, le Dalaï Lama sourit bêtement. Tibeurk. 147


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Xishuanbanna Nanana

L’avion survole doucement des forêts d’Hévéas, des champs de banananiers et les rizières terrassées. Descente sur Xishuanbanna, extrême sud de la Chine. Enclave Dai (Thai) dans l’empire Han.

L’accident Excursion dans les profondeurs de la jungle chinoise. La destination prévue se trouve à 8 heures de bus. La route ondule longuement et traverse les collines de thé, d’hévéa, de riz et de bananiers, nous procurant au passage de grandes leçons d’altérités. La Chine est un pays où se juxtaposent les réalités et les identités ; les voyageurs qui nous accompagnent ce jour là ne supportent pas le bus. Dès la première manœuvre, à l’intérieur même de la gare routière, ce sont plusieurs déjeuners qui rejoignent autant de sacs plastiques en une symphonie de hauts le cœur et de raclements de gorges. A chaque instant les sacs pleins, les bouteilles vides et les emballages souillés sont évacués par les fenêtres du car qui s’enfoncent de plus en plus profondément dans la jungle. A mi-chemin, le cortège pollueur s’arrête. Devant nous, un camion a éraflé un autobus. Un peu de verre cassé, une carrosserie rayée. Dans un pays sans assurance et sans responsabilité l’af-

17-05-2009

Au sol, minorités ethniques et curry au lait de coco. Les mobylettes s’enfoncent dans une jungle jardinée. Les tropiques ne sommeillent pas.

18-05-2009 faire est grave. Il faut attendre la police et les deux véhicules restent en place bloquant la route. Nous attendons donc la police. Une, puis deux, puis trois, puis quatre puis cinq heures. Des deux côtés les véhicules s’agglutinent. La foule grandit. Bientôt 200 personnes jouent aux cartes et pique-niquent sur la chaussée en une joyeuse oisiveté improvisée. Deux policiers arrivent enfin, prennent deux mesures et une photo, rédigent un PV et s’en vont. Nous repartons aussi mais dans l’autre sens. La destination est oubliée. Sur le chemin du retour nous écrasons nos déchets abandonnés et traversont quelques villages vite bâtis. Shanghai nous revoila.

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jardin botanique, Xishuanbanna


La goutte...

19-05-2009

...de trop. C’est la goutte d’hévéa qui fait déborder le bol à caoutchouc. Xishuanbanna nananannananan.

The Great Firewall

20-05-2009

On l’appelle ainsi en référence au «Great Wall», la trop fameuse grande muraille qui n’est en fait pas visible depuis l’espace (et à laquelle nous devons bientôt rendre visite). The Great Firewall désigne donc la police chinoise de l’internet, ses 30.000 membres estimés, et son action elle bien visible depuis internet. De nombreuses sites sont inaccessibles sur l’internet chinois, des moteurs de recherches sont contraints d’adapter leur résultat (Tian an Men depuis Google France c’est une révolte étudiante historique, depuis Google Chine, c’est une référence touristique), sur les forums de discussion chinois, les commentaires désobligeants peuvent être effacés avec un délai d’une minute. Dernier exemple, depuis le 15 mai tous les blogs hébergés par Blogspot sont inaccessibles depuis la Chine. (Youtube était lui bloqué depuis mars). Cela concerne donc Shangwhy, que nous ne pouvons consulter et mettre à jour qu’à la marge et selon des méthodes techniques rocambolesques. Ceci explique en partie notre absence sur le site depuis une semaine. En partie seulement car le moral est toujours bon et la censure ne nous fera pas taire (ou alors si mais on boudera très fort); l’adage précisant bien que «En mai fait ce qu’il te plaît» et les ponts du même mois n’étant réservés à personne, l’équipe entière s’est déplacée dans le sud de la Chine avec ses thèmes préférés en bandoulière : les villes icones et le rapport ville campagne. Plusieurs messages sont en attentes (et serons publiés une fois les contingences techniques surmontées) : - Non, Hong Kong n’est pas un gorille géant mais une ville bien trop pratique, un résumé urbain à ciel ouvert, une «ville chinoise pour les nuls» où toutes les données de la croissance asiatiques s’associent à la conduite à gauche et au thé de 17h - Oui, développé 20 ans avant Shanghai, Hong Kong a bel et bien été un modèle - Non Hong Kong n’est pas si dense, il y a d’ailleurs de très belles plages. - Oui, Canton est une ville très vilaine, la ville chinoise générique sans patrimoine et sans site qui n’oublie pas cependant la composante potagère déjà évoquée à Shanghai - Oui, le Yunnan ressemble bien à la Drôme provençale (et un peu au Jura en remontant vers le Tibet) - Non, la Chine du sud, avec sa jungle et sa minorité thaï, n’est pas bien desservie, même s’il y pousse beaucoup d’Hévéa, enfin - Oui, 12 heures de bus pour revenir à son point de départ, c’est un peu trop long. A suivre donc. 151


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Expo 2010, work in progress

20-05-2009

A l’autre bout du monde, le pavillon français de l’expo Shanghai 2010 avance. Visite des prototypes paysagers et architecturaux. Question subsidiaire, sauras-tu reconnaître un architecte célèbre sur cet échaffaudage ?

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Shangh’art - M50 Moganshan Lu Visite en deux fois de la friche culturelle du 50 Moganshan Lu. A l’origine une usine abandonnée de tissus et de couvertures, la Chunming Textile Mill Compound, qui végète doucement le long de la Suzhou Creek, rivière indolente à la limite Nord de l’hypercentre shanghaien. A l’instar d’un tissu industriel ancien, installé en centre ville aux temps glorieux du développement maoïste, la zone entre en mutation violente au début des années 90 quand Shanghai sort de sa longue léthargie. Les inévitables compounds poussent par grappes et une petite colonie d’artiste investi l’usine en 2004 pour y implanter galeries et résidences. A nos oreilles cette histoire est presque déjà connue et rappelle beaucoup de situations similaires dans d’autres villes européennes : un Shanghai berlinois certes puisque tout existe ici. A l’image, et un peu après, les expériences culturelles pékinoises (cf le Dashanzi-798 et l’orchestration de «La ruée vers l’art» http://next.liberation.fr/article/pekin-la-ruee-vers-l-art), la zone a été incorporée à la fabrique urbaine shanghaienne, officiellement adoubée par la municipalité et rebaptisée en avril 2005 «Creative Industry Clustering Park». Vraie ou fausse spontanéité, le lieu s’arpente et l’art contemporain chinois se visite et s’achète dans les anciens ateliers, entrepôts et vestiaires. A Pékin, le retour d’expérience des «friches artistiques» pourrait faire craindre l’avenir du lieu. En 2007, cerné par les Starbucks et envahi de touristes

23-05-2009 passant par le 798SPACE après la Cité Interdite et avant le Marché aux soies, l’artiste Cang Xin constatait «Ce que le gouvernement n’a pas réussi par la censure, il est en train de l’obtenir par le commerce. Je ne vois plus beaucoup de contestation autour de moi.» D’aucun décrive l’art contemporain chinois comme une visite organisée (dédiée principalement aux étrangers)ou la mise en scène baroque et décalée des traditions et de l’histoire récente du pays. La visite du M50 suggère le classement suivant, injuste et bien sûr trop rapide, de cette progéniture monstrueuse, fruit des amours contrariés d’Andy Warhol et de Mao Tsé-toung. - le style POP-révolution culturelle sujets : ouvriers, paysans et soldats des temps glorieux passés aux néons ambiance : humooouuuur et décalage - le style Destroy art and Craft sujets : les objets traditionnels chinois revisités ambiance : joliesse et chinoiserie - le style Triste urbanité sujets : gros chantiers, skylines et échangeurs ambiance : mélancolie obligée - le style Pandi Panda sujet : pause et repose, la contemporanéité exubérante ambiance : gesticulation colorée

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Yangzte River Delta Le temps d’un week-end, voyage triangulaire dans le delta du Yangzte : de Shanghai à Hangzhou, de Hangzhou à Suzhou et de Suzhou à Shanghai ; train puis bus puis train. Le paysage défile, plat et morne sous le ciel blanc. A toutes les échelles, c’est la même armature, le même système hydrologique et le même patchwork : canaux qui délimitent des champs, que recouvrent des serres, qu’agglomèrent des hameaux d’habitations où s’organisent des grappes de bâtiments industriels. La répétition est à peine interrompue par le tracé des autoroutes ou les chantiers.

24-05-2009 Et pourtant la vie est toujours là. Ici comme partout ailleurs, le paysage chinois s’anime car il est un paysage peuplé et que l’humanité y est partout présent. Aux confins des différents systèmes, le long des autoroutes, au bord des champs, à la limite des villes ou des hameaux, de minuscules lopins, des jardins très entretenus où souvent se courbe une silhouette : la frange jardinée. En Chine le patrimoine est plus volontiers dans les gens que dans les choses et ces pratiques potagères individuelles indiquent sans doute une proximité et un regard à la terre que les gratte-ciels de Pudong et les échangeurs de Shanghai ne peuvent cacher.

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Suzhou : Chine rêvée, chine réelle

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Passage à Suzhou, ville des canaux et des jardins à l’ouest de Shanghai. Le texte de Frédéric Edelmann en bandoulière. « Parfois, il faut accepter la coexistence de points de vue antagonistes sans chercher à résoudre des équations dont la solution, s’il y en a, appartient au futur. En revanche, nous pouvons dresser un constat simple : l’image que donne le Chine d’elle-même, comme l’image même plurielle que s’en font les observateurs extérieurs, est lacunaire et fausse à l’instar de ces cartes postales qui, en focalisant l’attention sur un fragment de réalité, finissent par évacuer l’essentiel. Ainsi en est-il de ces photos de pékin ou des canaux de Suzhou, cadrées pour éliminer les tours et les gratte-ciels devenus l’ordinaire des cités. Mieux encore, ou pis, elles laissent supposer la permanence d’une Chine qui, pour l’essentiel n’est plus et, par définition, elles ne donnent aucune des clefs de compréhension d’un pays qui se trouve isolé par ses langues et son écriture que bien trop peu de gens s’efforcent de comprendre. » Frédéric Edelmann – Questions sur la mutation d’un empire in « Dans la ville chinoise » - catalogue de l’exposition tenue à la cité de l’architecture et du patrimoine en 2008 On nous avait décrit une Venise chinoise et nous avons découvert tout autre chose... Chine rêvée, chine réelle.

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Campagne 3 : Guilin

26-05-2009

Nouvelle campagne vers la campagne. Après le Yunnan montagneux, direction la région de Guilin, ses pains de sucre rocheux, ses rizières vert amande et l’hyper humidité du Sud de la Chine. Départ panoramique au-dessus de Shanghai, arrivée en rase-motte dans les champs. Dans l’avion, les têtes brunes opinent doucement. A la rencontre du riz et de ceux qui le plantent.

La Rivière Li, la Chine à 2€ (20 yuans)

27-05-2009

Descente de la rivière Li vers Yangshuo depuis Guilin. Arrivée au pays des collines karstiques et des appareils photos High-techs. Suprême reconnaissance, le paysage est reproduit sur les billets de 20 yuans. C’est dire si c’est beau.

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28-05-2009

Paysage mythifié « Rutten morgen ». Un bien joli gîte que le « Giggling Tree ». Ancienne ferme d’adobe et de briques réhabilité et transformé par un couple de sympathiques hollandais. Après des OPA réussies (avec l’aide d’autres sympathiques couples anglais) sur la Drôme, l’Ardèche, l’Eure ou encore la Creuse, les couples hollandais sympathiques s’attaquent aux espaces ruraux chinois. La région est connue et célébrée pour la forme particulière qu’à prise ici l’érosion. Des pains de sucre minéraux, hérissés de forêts inaccessibles que séparent des rizières vert émeraude, des buffles s’ébrouant dans les cours d’eau sous le ciel blanc : bonne pioche que Yangshuo. Haut lieu d’un tourisme global et recomposé du sud-est asiatique où la Thaïlande se résumerait à ses plages, le Yunnan à ses collines et ses cultures ethniques et Yangshuo à sa verdure fraîche et photogénique : une Normandie chinoise. Quelques jours dans une autre campagne, un autre pays pour qui vient des villes chinoises, à pédaler, pagayer, escalader en compagnie de vacanciers chinois sympathiques et d’occidentaux de passage mais aussi toujours et désespérément… sympathiques.

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Paysage disséqué

29-05-2009

Changer de vitesse et changer de point de vue : « Mongol Fier » pour « Fééries karstiques » (comme dit le trop méconnu guide du routard). A 800 mètres d’altitude et en montgolfière, le paysage n’a plus rien à voir. On s’éloigne de l’estampe chinoise, de l’aquarellage stylisée et cliché pour la cartographie et l’analyse en plan : même morcellement agricole minuscule et même développement anarchique organisé : un urbanisme de grappe parti à la rencontre d’une mosaïque maraîchère et rizicole. Une fois disséqué le paysage icône peut alors se lire en métaphore hallucinée d’une ville icône. De Yangshuo à Shanghai : rizière contre quartiers de lilongs, montagne contre viaducs autoroutiers et montgolfière à la hauteur des plus grandes tours de Pudong.

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Campagne 4 : Longji Rice terraces Détour par Longsheng, au Nord de Guilin, et longue progression sur d’improbables routes de montagne pour atteindre les «Longji rice terraces». Cette organisation agricole, très iconique une fois de plus, est constituée de terrasses rizicoles installées à flan de collines. Une ingénierie assez sophistiquée de canaux de terres canalise les ruisseaux descendant des collines pour maintenir en eau les terrasses. Le système peut recouvrir des vallées entières.

30-05-2009 Sur ces collines, c’est une agriculture touristique qui se développe. Des maisons de bois accueillent les voyageurs. Des grand-mères aux longs cheveux nattés portent même les effets de ceux qui sont près à les payer pour ça. Le riz et les terrasses sont toujours là et l’entretient minutieux que ce système nécessite est encore effectué (peu de jachères ici). La question reste cependant posée de savoir si la quantité d’efforts que cette exploitation nécessite se suffirait aujourd’hui à elle-même sans les revenus du tourisme. A quoi ressembleraient ces collines sans les visiteurs ? Ou finit la subsistance et où commence le parc à thème ?

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Nuit rouge Retour à Shanghai, balais des connaissances. Nuit rouge dans le bar du même nom (« Bar Rouge»), ultime lieu branché des nuits shanghaiennes. Dans un pays où tout est rouge : les lanternes, les petits livres, les drapeaux, l’orient,... pourquoi pas les bars. Il y a 20 ans, jour pour jour, à Pékin la nuit estudiantine fut rouge elle aussi. On en parle demain, ce soir c’est encore la fête.

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Matin blanc 04 juin 1989 : matin extraordinaire place Tienanmen 04 juin 2009 : matin très ordinaire sur le campus de l’université de Tongji au Nord-est de Shanghai. En Chine, la révolte étudiante de 1989 et la répression qui a suivie est connue sous le nom de «mouvement du 4 juin» (六四运动) ou simplement «6 – 4» ( 六四). Les journaux français et occidentaux ont beaucoup évoqués ces évènements à l’occasion de son «anniversaire» : les retombées politiques de ce mouvement (tellement caché qu’il semble oublié en Chine aujourd’hui) et le bilan des victimes presque impossible à effectuer (300 morts selon le gouvernement Chinois, un millier selon Amnesty International ou 2600 à 3000 selon la croix rouge chinoise qui démentit le chiffre peu après). Ici, évidemment rien. Silence dans la presse chinoise et aucune célébration publique (à l’exception de Hong Kong où de grandes manifestations ont eu lieu). Sur le campus ce matin là c’est calme plat et matin blanc. Après des échanges, des lectures et via le spectacle quotidien de la société chinoise quelques hypothèses sur ce mouvement et l’avenir de la démocratie en Chine. - Influences confucianistes ou taoïstes, l’harmonie et la stabilité sont ici des valeurs cardinales, de même que le respect des anciens, des hiérarchies, du patriarcat. En corollaire, le désordre, la polémique ou le désaccord ouvert sont craints. - Ce mouvement historique proche est associé d’une façon ou d’une autre à d’autres mouvements historiques plus lointains. Les manifestations de masse de la révolution culturelle (de 400.000 à 1 millions de morts entre 1967 et 1976) sont encore à l’esprit des chinois. Deng Xiaoping, qui après avoir déclenché la libéralisation du pays (le fameux «enrichissez-vous») ordonna la répression a d’ailleurs été lui-même déporté à la campagne pendant plusieurs années. - L’accord tacite qui cimente la société chinoise est basé avant tout sur le bonheur matériel : l’acquisition d’un vélo électrique, demain d’une voiture, vaut bien ici l’espoir du bureau de vote. La croyance, vérifiée depuis 20 ans et

04-06-2009 malgré les inégalités, que l’enrichissement de toute la société est en marche et que chacun peut espérer en tirer partie est un pacte de stabilité. - Les revendications en cours (il y a des manifestations en Chine) ne concernent jamais une remise en cause globale du régime mais pointent ici et là, localement et presque individuellement ses lacunes et son arbitraire. La crise mondiale en cours, dont on ne sait pas précisément comment elle va frapper la Chine, pourrait seule remettre en cause cette équation. En épilogue, l’avis de Jian Ju Whua, co-auteurs de la «Charte 08», (inspiré de la charte 77 qui a ébranlé la Tchécoslovaquie) et ancien haut fonctionnaire limogé en 89, remet la question de la démocratie en Chine dans une perspective historique et inéluctable : « La Chine est un régime autoritaire comme il en existait beaucoup d’autres il y a encore 10 ans. Après la troisième vague de démocratisation dans le monde, surtout après la vague de mouvements démocratiques en 1989, les régimes communistes d’Europe de l’Est se sont effondrés. Aujourd’hui il reste principalement 4 pays autoritaires : la Chine, la Corée du Nord, Cuba et le Vietnam. Nous sommes maintenant dans la quatrième vague du mouvement de la démocratie : la Birmanie est en train de lutter, le Cambodge et l’Indonésie sont devenus des états démocratiques, le Vietnam commence aussi à bouger, Kim Jong Il et Castro sont vieux… J’ai étudié les différents mouvements communistes : l’ex-Urss a duré 74 ans, le Parti Révolutionnaire au Mexique a duré 71 ans et le régime communiste chinois existe depuis 60 ans. Je pense que cela va durer quelques années jusqu’à 74 ou 75 ans. Beaucoup d’anciens fonctionnaires du Parti font la même estimation de la durée de la vie du parti communiste chinois. La démocratie, la liberté sont des valeurs universelles. La Chine va sans doute prendre elle aussi le chemin de la démocratie mais il faut pour cela que tout le monde fasse des efforts car cette démocratie ne va pas tomber du ciel. Je pense que si tout le monde se comporte en citoyen alors un jour viendra où la Chine sera une démocratie. J’y crois vraiment. »

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Citta di Pujiang : la ville italienne de Shanghai Citta di Pujiang : une ville nouvelle en proche banlieue de Shanghai pensée selon la politique urbaine «One City, Nine Towns» déjà évoquée pour la ville anglaise de Thames Town à Songjiang. L’objectif est toujours le même : déplacer 500.000 personnes vivant actuellement fans le centre ville de Shanghai pour les implanter dans une sub-urbanité structurée et thématisée selon l’apport de différentes cultures. Villes anglaises, suédoises, allemandes (pas de ville française si ce n’est l’héritage coloniale de la concession française en centre ville) et ville italienne : ici vivront 100.000 habitants soit l’équivalent de la ville de Trévise. Le projet a été confié à l’agence Vittorio Gregotti Associati -http:// www.gregottiassociati.it- lauréat en 2002 de la consultation. Là où la ville anglaise SOM joue la carte du pastiche, l’équipe de Gregotti (avec Augusto Cagnardi et Michele Reginaldi) s’est fixé comme objectif d’extraire et d’adapter à la situation contemporaine certains principes d’une urbanité « à l’italienne ». Michele Reginaldi explique : « Le masterplan est généré par une grille modulaire, des séquences d’espaces publics, des continuités urbaines. Nous voulions […] promouvoir tout un système de relations denses et hiérarchisées : petites et grandes places, un système de canaux, des quais et des ponts… […] Un autre principe que nous avons énoncé dès le début : « La ville italienne sera une ville de pierre ». Cela a généré une sorte de choc puis tout le monde à compris que c’est ce qui lui donnerait sa particularité. Pour moi, non seulement avec le pavillon d’entrée qui expose le concept mais avec le design même de la ville, il y a comme un principe d’immanence. Comme si tout ce qui a été dessiné selon les bases de notre tradition pouvait d’une certaine façon être diffusé et retrouvé dans le futur dans une ville globale. Et ainsi que la ville devienne une pièce unique d’architecture. » Belle comme du Aldo Rossi, la citation situe bien les références et le niveau d’ambition du projet. Ville de pierre, ville articulée et réseau d’espaces publics : moins de la moitié du projet est encore développée et déjà semble poindre un immense sentiment d’ennui. Le quartier est une rencontre de deux cultures. De sa maman la ville chinoise, la Citta di Pujiang a hérité de trop larges avenues, d’un programme monofonctionnel résidentiel, d’une relative indifférence au site et d’infrastructures de desserte de premier ordre (autoroutes, échangeurs, métro en chantier). Son papa, l’urbanisme européen, lui a transmis de nouvelles typologies, quelques espaces publics paysagers, de nouveaux matériaux et un autre vocabulaire formel. A vingt kilomètres du Bund, ce sont quelques hectares de plus de terrains vagues et agricoles qui entrent en mutation et se couvrent de variations bâties à la Terragni ; sous le signe du néonationalisme et de la figure du carré.

08-06-2009


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Shanghai Organic Agriculture Co., Ltd. A quoi peut bien ressembler le bio «Made in China» ? Réponse à cette brûlante question via la visite de la ferme n°1 de la société Shanghai Organics du côté de la ville nouvelle Songjiang dans la lointaine banlieue Sud-Ouest de Shanghai. Fondée en 1998 et pionnière sur sa branche, la société Shanghai Organics est la plus grande distributrice de légumes bio à Shanghai. Elle fournit même en partie les magasins Carrefour de la région. Depuis 2007, elle délivre même des paniers à domicile et organise des visites de l’exploitation. 3,4 tonnes de légumes produites et emballées tous les jours sur les 3 fermes dans un petit millier de serres. Tomates, courgettes et potirons dans une des terres les plus fertiles du monde. Morne plaine sous le ciel blanc.

10-06-2009 Ici comme ailleurs, le bio c’est bon pour la planète et c’est bon pour les consommateurs. A en croire certains de nos contacts locaux, c’est cette deuxième dimension qui importe ici dans une optique consumériste et vertueuse. Outre le développement de tels exploitations certains chinois riches possèderaient même leurs fermes privées (et leurs métayers donc) pour les fournir directement en produits frais. En Chine en effet, les contrôles sanitaires (taux de pesticides, …) ne sont pas forcément alignés sur les standards internationaux et les scandales alimentaires récents (sur le lait à la colle notamment) peuvent légitimement générer l’inquiétude.

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Malaren Rich Gate : Swedish Town à Luodian

Tout d’abord nous ne savions pas si nous y étions vraiment. Il y a avait bien sûr comme un vague air de ressemblance (le temps était luimême un peu scandinave ce matin-là) mais les dépliants publicitaires semblaient plutôt faire référence à la Bavière, ou au Tyrol, ou au Jura : toute destination ici très exotique et déplacée. Comment être complètement sûrs. Quelques pontons évoquant un possible bonheur lacustre, un camaïeu d’enduits aux couleurs chaudes, la double pente des toits et les enseignes d’un village inventé : doucement la certitude a infusée. Nous étions bien dans la Swedish town. A 30 kilomètres au Nord de Shanghai, c’est à Luodian qu’à été implantée Malaren Rich Gate ville thématique intégré au déploiement des 9 satellites urbains déjà évoqués ici. La firme suédoise Sweco-Sustainable engineering and design a importé ici (de 2000 à 2006) un peu de la culture urbaine et du savoir-faire technique scandinave. Pouvant accueillir de 30.000 à 50.000 habitants, la gated community propose des villas de luxe, des appartements de standing, un centre de congrès, un hôtel cinq étoiles et un golf. Un centre commercial à ciel ouvert s’organise sous la forme d’un village typique, avec son église. Le quartier se veut vert et écologique. L’enclave pour nouveaux riches est achevé mais semble vide. Les maisons ont pourtant été vendues (les plus grandes 500m² à 620.000 dollars avec ponton privé pour bateaux), les commerces sont occupés mais les rues restent désespérément vides. Le métro et la voie rapide en chantier devant le portail d’entrée devraient régler le problème. Ce nouvel exemple est un peu moins probant que les deux précédents (voir la ville anglaise et la ville italienne dans les archives du blog) : pastiche moins crédible et aucune des inventions typologiques de la ville néo-rationaliste italienne. Difficile de juger de la crédibilité du projet écologique (aucun dispositif particulier n’était visible) mais les concepteurs semblent confiants sur l’avenir du marché. Selon Mark Ryberg, dirigeant de Sweco qui conduit plusieurs autres opérations de ce type en Chine : “The future for sustainable development in China is promising.”

10-06-2009

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Welcome to Barbie Shanghai La société chinoise répète consciencieusement ses gammes de globalisation. Quand la mondialisation s’affirme dans les villes, par les formes génériques des bâtiments, les corps ne sauraient rester en reste. Bienvenue donc à Barbie Shanghai, le plus grand magasin Barbie du monde : 3.800 m² sur 5 niveaux, SPA, café-restaurant. L’adresse est prestigieuse, Huhuai Lu, les «champs» de Shanghai, et la réalisation est soignée. Escalator glissé dans une faille oblongue éclairée de rose, scintillement d’un escalier de bal serti de poupées, la symbolique est lourde et l’objectif est affiché. Il y a bien sûr un marché à prendre (combien de petites filles solvables dans un pays de 1,3 milliards d’habitants), une image à moderniser mais l’essentiel n’est peut-être pas là. Le dressage du monde est en cours. PS : « Barbie est-elle trop vieille ? Cinquante ans, pas une ride mais des ventes en recul dans le monde : pour retrouver une deuxième jeunesse, la poupée Barbie part à la conquête de la Chine». - A lire sur L’Expansion.com

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11-06-2009


SSS Shanghai Sculpture Space

14-06-2009

« Creative cluster » Dans le world jargon qui sert ici et là à nommer et dénommer les systèmes urbains, le creative cluster est un regroupement polarisé d’activités créatives et commerciales. West Huaihai Lu, 570 : l’ancienne usine de métal a été transformée en 2005 sur ses 55.000 m² en un rassemblement de bâtiments hétéroclites. Inventaire à la Prévert, on y trouve un musée, un débit de café latte, un marchand de chaise design (très élégantes, très chères), une école d’art pour les tous petits (Gaston nous a fait une très jolie estampe), un autre musée, une galerie, une autre galerie et un autre café mais concept cette fois ci. Pourquoi bouder son plaisir si c’est beau ? Fabriqué ou pas, ici ça l’est et c’est bien.

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Hongkou et Yangpu District : les docks de Shanghai

15-06-2009

Au nord du Bund, au-delà de la Suzhou Creek, s’étendent les deux districts de Hongkou et Yangpu. Allongée le long de la Huangpu, la partie Sud de ces deux entités accueillait jusqu’à la seconde guerre mondiale la concession internationale de Shanghai. Concession anglaise d’abord puis regroupement de nationalité ensuite, elle fut le cœur économique de la ville sûrement, du pays peut-être. Entrepôts, anciennes usines, quartiers interlopes, éphémères «ghetto juif» (une «Vienne de l’Asie» où en 1943 les occupants japonais regroupèrent 20.000 juifs sous pression de l’Allemagne nazie), lilongs défraichis ; le quartier est comme baignée par une brise marine. Même éventré par d’immenses chantiers, mordillés çà et là par d’agressives pelleteuses qui permettent à de clinquantes tours de remplacer bientôt d’insalubres ateliers, le lieu conserve un peu de cette atmosphère si particulière des friches portuaires anglo-saxonnes. C’est un peu Meatpacking district à New York, un peu Canary Wharf et les Docks de Londres. C’est marin et fluvial à la fois. Il y a des briques et de l’acier rouillé, un crachin froid et un vent du large. Concession anglaise sans concessions. On se met à rêver à ce que pourrait devenir et ne deviendra pas ce quartier où l’ailleurs vous appelle.

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1933 : la plus belle construction de Shanghai

15-06-2009

Après délibération et vote à bulletin secret, un jury représentatif de deux personnes vient aujourd’hui de décerner le prix de la plus belle construction de Shanghai. Le lauréat a 76 ans, on l’appelle ici le bâtiment 1933. L’ancien abattoir est représentatif de la modernité shanghaienne du début du XXe siècle. Souhaité par un homme d’affaire du Zhejiang, dessiné dès les années 20 par un architecte anglais, construit par une firme chinoise avec du ciment importé d’Angleterre, le bâtiment était à son ouverture (en 1933), l’un des trois plus grands au monde. Pendant la révolution culturelle, l’abattoir fut transformé en usine de médicaments. Fonction qu’il conserva jusqu’en 2002 où décrépit, il fut laissé à l’abandon. Sauvé de justesse, comme souvent à Shanghai, sa réhabilitation vient de s’achever et le bâtiment est appelé à devenir un espace alternatif de

consommation de plus dans le panorama local. Nouveau «creative cluster», il se savoure maintenant que les cellules commerciales sont encore vides et que l’absence relative du public confère au lieu une atmosphère solennelle. La nudité retrouvée du béton et le vide des espaces permettent de lire la complexité baroque du bâtiment. Sur un îlot entier, à travers un hall central couvert et ceinturé de courettes extérieures, ce sont autant de coursives et d’escaliers qui permettaient les parcours croisés des animaux et des ouvriers jusqu’à leur fatidique rencontre. De nouvelles circulations permettaient alors l’acheminement des carcasses et leur entreposage à l’intérieur de la structure. L’architecture Art-déco du vieil abattoir décline des voutes néo-gothiques et un savant enchâssement de cubes, de cylindres et de prismes hexagonaux : 181 il y a du Gaudi dans cette «Casa Milà de la mort».


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Anting : Shanghai German Town

16-06-2009

Et si Shanghai n’était qu’un parc à thème ? Un grand parc à thème soit mais un parc à thème quand même. Anglaise, italienne, suédoise la ville se décline au fur et à mesure que le citytainement remplace l’urbanisme. Au nord de Shanghai s’étend la municipalité de Jiading, ville importante et longtemps indépendante rattrapée à sa marge par la grande ville. La proximité du complexe sidérurgique de Baoshan (Baosteel) et des ports du Yangtze présida sans doute à l’installation d’une industrie automobile importante. Volvo (à proximité de Luodian) mais surtout Volkswagen. A Shanghai, une voiture sur deux est une Volkswagen, tous les taxis de la ville sont des Volkswagen. L’usine Volkswagen de Jiading est donc une grande usine et agglomère autour d’elle : un musée de l’automobile, un circuit de formule 1, un centre de recherche et… une ville allemande. L’Allemagne présente ici est d’avantage celle des reconstructions de l’après guerre : un quartier Vauban en béton et pas trop environnemental. La personnalité de son concepteur n’y est peut être pas pour rien : Albert Speer junior né en 1934, fils de Albert Speer sénior (architecte d’Hitler condamné à 20 ans de prison lors du procès de Nuremberg), via son bureau AS&P. Consultation internationale en 2000, réalisation de 2000 à 2005, 50.000 habitants prévus : la ville est encore relativement vide. Ville allemande sans pastiche mais très colorée Anting est moderne, verte et agréable : de petites barres de 5 niveaux reliées par des promenades piétonnes et entourées de canaux. Anting New Town partage certains des défauts des autres villes satellites : isolement, caractère mono-fonctionel et banalité de l’offre résidentielle. De l’îlot à la barre… à l’îlot ? La boucle n’est pas bouclée : encore un effort.

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Depuis un toit... Celui de la Poste Centrale de Shanghai, 276 Bei Suzhouhe Lu. Construite en 1924 par Stewardson & Spencer architectes, la poste de l’ex-concession internationale ,« superbe édifice classique orné d’une colonnade sur deux façades principales » (in F. Ged, Shanghai Portrait de Ville), n’a pas changé de fonction. C’est un grand bureau de poste avec ses guichets d’époque, ses mosaïques et la fraîcheur bienfaisante de ces bâtiments anciens, pachydermes sympathiques aux murs épais. Le bâtiment accueille un musée du timbre poussiéreux (attention, fermé les lundis et mardis) sans autre intérêt que de donner libre accès à la terrasse du bâtiment. Sur ce vaste toit s’installèrent pendant la seconde guerre mondiale des mitraillettes japonaises. Un curieux film historique, et de propagande, nous

17-06-2009 montrent les sacrifices glorieux qui permirent sa libération. Les héros ne meurent jamais en vain, aujourd’hui « il y pousse du raisin ». Depuis la terrasse donc, c’est un nouveau regard qui nous est offert. Ce n’est pas la vue d’avion des très grandes tours de Pudong, les perspectives alpestres des grands hôtels de People’s Square, la ville en coupe des autoroutes surélevées mais un point de vue presque habituel. C’est Paris depuis le dernier étage de Beaubourg, les villes européennes depuis les tours de leurs cathédrales, les échappées visuelles des fenêtres des chambres de bonnes. C’est habituel, mais ici c’est presque incroyable.

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Un Koolhaas peut en cacher un autre

18-06-2009

Teun Koolhaas est né en 1940 à Jakarta (Indonésie) où son père Rem (Rem Koolhaas) était ingénieur naval. Architecte et urbaniste formé à Delft et au MIT, il intègre en 1972 le bureau de planification du « Lake IJssel Development Authority » où il occupe jusqu’en 1984 le poste de directeur du département de l’aménagement. Il est à ce titre considéré comme le concepteur de la ville nouvelle d’Almere, plus grande ville nouvelle d’Europe avec ses 180.000 habitants. Dans l’agence Teun Koolhaas Associates il développa par la suite plusieurs plans d’urbanisme et projets architecturaux : l’aménagement du quartier de Koop Van Zuid à Rotterdam, l’ambassade de Hollande au Caire et d’un «Holland Village» de 50.000 habitants à Gaoqiao, banlieue Nord-est de Shanghai. Teun Koolhaas est mort en 2007. Rem (Remment Lucas) Koolhaas est né en 1944 à Rotterdam. Son père, Anton Koolhaas était écrivain et critique de cinéma. Dans son enfance il vécut à Jakarta et étudia à Londres et aux Etats-Unis. En 1975 il fonde à Rotterdam l’agence OMA et publie en son nom en 1978 « Delirious NewYork », manifeste rétrospectif du manhattanisme. Il est l’auteur de nombreux bâtiments : Kunsthaal de Rotterdam, l’ambassade de Hollande à Berlin, Educatorium d’Utrecht, tour de la télévision à Pékin, et de plusieurs plans d’aménagements urbains : le quartier d’Euralille, le centre de la ville nouvelle d’Almere. Une œuvre écrite accompagne son œuvre construite ; il poursuit un travail théorique de recherche et de critique et a publié de nombreux livres : «S,M,L,XL» en 1995, «Mutations» en 2001 et «Content» en 2004. En 2000, il est lauréat du Pritzker Prize. De Almere à Gaoqiao destin croisé de deux architectes : Teun et Rem Koolhaas. Le premier est le concepteur de la ville hollandaise de Gaoqiao que nous visitons aujourd’hui. Le second expliquait au magasine Wired en 1996 : « Les gens peuvent habiter n’importe quoi. Ils peuvent être misérables n’importe où et extatiques n’importe où. De plus en plus, je pense que l’architecture n’a rien à voir avec cela. C’est bien sûr à la fois libératoire et alarmant. Mais la ville générique, la condition urbaine générale, s’applique partout et le simple fait qu’elle s’applique en de telles quantités doit signifier qu’elle est habitable. L’architecture ne peut rien faire de plus que ce que la culture réalise. Nous nous plaignons tous d’être confrontés à des environnements urbains similaires. Nous disons vouloir créer de la beauté, de l’identité, de la qualité, de la singularité. Et pourtant, peut-être qu’en vérité nos villes sont désirables. Peutêtre que c’est leur manque de caractère qui apporte le meilleur cadre de vie. » Leurs pères étaient frères, Teun et Rem sont donc cousins. Un Koolhaas peut en cacher un autre.

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Shanghai ciel clair. Un métro aérien c’est bien. Un temps clair c’est bien aussi. Alors si on a les deux…

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Z58 : Kengo Kuma à Shanghai

19-06-2009

«Z58» : 58, Panyu Road à Shanghai. Il y a deux ans, l’ancienne usine de montres a été transformée en showroom et bureau par Kengo Kuma. La firme Zhongtai (grand groupe industriel et de construction) y a installé sa filiale «lighting». Suprême élégance, dans ce bureau d’étude éclairage, la part belle est fait à la lumière naturelle : le bâtiment est une boîte lumineuse, une architecture transparente et furtive. Les bureaux se protègent du bruit de la rue grâce à un mur végétal réversible : des lames d’acier inoxydables supportant un jardin vertical. “Light is more than just making things visible. Light is a creator; Light is shadow, shape, volume, fantasy and reality; Light is emotional and sensual...” Qui a dit que la propagande communicationnelle ne contenait que des mensonges ?

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Chuanyang River 1 : le territoire sectorisé

20-06-2009

La ville de Shanghai se situe au centre d’une plaine alluviale constituée par la lente accumulation des dépôts limoneux du fleuve Yangtze. Le territoire est irrémédiablement plat, souvent humide et désespérément boueux. Sur plusieurs millénaires, avec une accélération évidente dans la seconde moitié du XXe siècle, le territoire a été organisé et géométrisé ; rectitude des canaux, et des digues d’abord, puis des routes, puis des autoroutes. Le territoire est marqué par une grande homogénéité : les séquences sont souvent identiques et les mêmes archétypes paysagers succèdent aux architectures semblables. A la manière d’une partition, les alvéoles permettent presque de lire certaines des évolutions économiques ou politiques du pays : l’égalitarisme communiste des débuts de la République Populaire via les tailles égales des parcelles agricoles ou la logique centralisatrice et de grande échelle via les successions de bâtiments identiques des années 60, 70 ou même 80. Dans ces secteurs rectangulaires les mutations sont presque autonomes les unes des autres. Le patchwork ainsi constitué organise la juxtaposition isotrope de petits hameaux paysans, d’ensemble de logements denses, d’industries vieillissantes de petite ou de grande échelle, de zones d’activités rutilantes ou de simples terrains vagues. La Chuanyang est un canal qui relie le fleuve Huangpu à la mer en une grande ligne droite de 30 km. Longer ce ruban d’eau c’est effectuer une grande coupe et lire ce territoire sectorisé : une radiographie du territoire. Compte tenu de la taille du parcours, la visite se fait en trois fois. Voici la partie médiane.

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Espaces totalitaires

22-06-2009

Fin d’après-midi à Pudong au point d’arrivée de l’Avenue du Siècle. Quelques musées et le vide vaguement hostile d’espaces hors d’échelle. Voies de circulations inutilement larges, places sans usage, espaces verts impraticables. Ni bancs, ni ombres, ni pelouses : le piéton est puni et surveillé. Financier ou politique, c’est ici que se mesure l’oppression.

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Chuanyang River 2 – bord de mer

23-06-2009

Du Huangpu jusqu’à la mer : exploration de la deuxième partie de la Chuanyang River. A l’embouchure, la vraie mer et le Port de Sanjia. Quelques bateaux de pêches familiaux, des monceaux d’ordures, un marché aux poissons et d’improbables groupes de femmes qui, à l’ombre des arbres, séparent déchets de plastiques et petites ablettes pourries. A son extrémité, le canal fabrique un lieu : une écluse, des chemins creux qui serpentent dans les roseaux, deux étendues d’eaux jaunes allongées et face à face. En chemin, nous avons croisé un golf de bord de mer. Les avions qui décollent de l’aéroport de Pudong tout proche passent au-dessus de nos têtes. Le village borgne et ses trois hôtels fermés ne peuvent nous détromper. Il s’agit là d’un emplacement exceptionnel. Quand dans 15 ans, Shanghai urbanisera son bord de mer.

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Fengxian : Urban vegetable Garden

23-06-2009

Mise en scène et agriculture : avec le «Urban Vegetable Garden», le gouvernement chinois joue à plein cette carte inattendue. Cette exploitation d’état de 330 ha combine un lieu de production agricole bio, une ferme de cueillette et un parc d’attraction potager. Le secteur est difficile d’accès pour qui ne dispose pas d’une voiture particulière. Un moteur plus tard, direction Haiwan Town, district de Fengxian à 50 km au Sud de Shanghai. Seule une longue enquête nous a permis de découvrir et d’accéder à ce «jardin». Au départ, un simple autocollant sur une barquette de champignons dans un supermarché. «Urban Vegetable Garden» le nom claque et résume presque notre raison d’être ici. «Urban» : le lieu ne l’est définitivement pas. A l’échelle chinoise, Haiwan est un village. Quelques usines chimiques, des champs et un gigantesque projet de ville nouvelle développée autour du thème du cheval. L’ensemble est dans la périphérie de cette non-urbanité. «Vegetable» : il n’y a pas mensonge sur l’étiquette, ils sont tous présents. En guise de musée du légume : des chemins piétonniers aménagés à l’intérieur de certaines serres et des statues kitchissimes. «Garden» : le lieu invite à la réflexion sur l’aménagement du paysage en Chine. Selon nos informations, la Chine manque déjà d’architectes et la situation est encore plus criante pour les paysagistes.

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Fengcheng Spanish Town Dans le même district de Fengxian, la ville de Fengcheng se développe selon un thème inattendu. Après les villes satellites anglaise, suédoise, hollandaise, allemande, italienne voici la ville espagnole, son faux couvent franciscain, ses moulins à vents et sa Rambla*. Il s’agit d’une déclinaison plus modeste du concept des «One city, nine towns». Si le principe de base vise à encourager le déplacement de certains shanghaiens du centre ville vers des quartiers périphériques thématisées, il n’en est ici que peu question. Rencontre avec les promoteurs de l’opération : ici personne n’est jamais allé en Espagne (l’inverse aurait presque été étonnant) et aucun architecte espagnol ne travaille sur l’opération. (Des recherches internet ultérieures nous apprennent que quelques collègues ibériques se sont bien usés le moral sur le projet mais ont vraisemblablement été remerciés par la suite). L’opération est partie la dernière et très peu de choses ont été construites. Selon ses promoteurs, pas de déplacements de population mais des constructions destinées aux habitants déjà présents à Fengcheng.

24-06-2009 Dans cette ville nouvelle pour classes moyennes, des employés de bureau somnolent dans le couvent et les constructions sont espagnoles comme le sont les ensembles immobiliers de la Costa del sol. La rambla est pour l’instant très solitaire. Inauguré en 2007, ce parc linéaire (à l’espagnole donc) s’épuise en bosquets, kiosques et jets d’eau pour faire oublier qu’il n’est entouré que de vide. Révérence à l’espace public ou renversement des priorités, il n’est entouré que de murs blancs. Derrière ces mur, des champs bientôt menacés. L’ambition de ses initiateurs est d’effectuer un point de rencontre entre la tradition urbaine espagnole et la culture des villes d’eaux chinoises du delta du Yangtze. Il est permis d’en douter. *Rambla : n. f. (castillan rambla, à l’origine lit comblé d’une rivière, puis large avenue)

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Huangpu le soir Extrait d’un texte de Françoise Ged, «Une ville au pays d’eau» in «Shanghai portrait de ville», Institut Français d’Urbanisme - 2000 « Shanghai est une ville du pays d’eau. […] Territoire gagné sur la mer, composé de terrains alluviaux, le site est d’une grande fertilité et doit néanmoins en supporter les inconvénients : une nappe phréatique à fleur de sol et une densité de population qui ne laisse aucune terre inoccupée. Tout porte ici la marque de l’homme et de l’artifice. La côte donnant sur la mer de Chine s’est allongée au cours des siècles d’une bonne vingtaine de kilomètres, et les terres en polders gagnées sur la mer ont stabilisé son tracé. Ce site d’exception bénéficie de l’immense réseau navigable composé par le Yangzi, ses affluents et d’innombrables canaux. Le site même de la ville de Shanghai, baigné par le Huangpu, a été façonné du XIIe au XVe siècle […]. En effet, le curieux tracé du Huangpu, un passage à l’équerre suivi d’une ample boucle au cœur de Shanghai, est issu de la jonction de deux fleuves s’écoulant d’ouest en est vers la mer : l’un […] est appelé communément

24-06-2009 Songjiang, l’autre Dongjiang […]. A la jonction de ces deux fleuves s’ajouta le percement d’un canal jusqu’au Yangtzi. Ces grands travaux avaient pour objet de lutter contre les inondations et d’organiser une meilleure irrigation, grâce à de nombreux canaux, petits et grands, dont le tracé régulier s’est organisé en une maille quadrangulaire. » En effet, le Huangpu tourne à 90 degrés sur notre carte. Il fallait encore aller le vérifier. Huangpu le soir, un fleuve qui tourne à plat et sans relief : ici les eaux sont lentes. C’est là que tout a commencé. Beaucoup d’eau et de jolies grues sous le soleil du soir. Personne ne regarde l’horizon, ici on travaille dur.

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Daye Highway, les lignes de tension du territoire Retour le long de la Daye Highway, grande route parallèle à la Daye River. Cette « rivière » est en fait un grand canal est-ouest parfaitement rectiligne coupant le territoire de Fengxian à la manière d’une grande coupe. Cette ligne de tension du territoire nous donne l’occasion de vérifier nos intuitions : la sectorisation, la matrice rectiligne de routes et de canaux et l’omniprésence du jardinage. 202


700 millions de paysans chinois ! Et moi, et moi et moi… Rencontre de Guy Wiener, directeur et fondateur de la société Shanghai Organics, producteur de fruits et légumes bio dans la périphérie de Shanghai et fournisseur des magasins Carrefour dans l’agglomération.

Guy Wiener est jeune, allemand et anglophone. Il nous reçoit dans ses bureaux, quelques pièces simples au rez-de-chaussée d’une tour d’habitation anonyme. Après des études de droit à Francfort, c’est à Shanghai au contact de la famille de sa femme chinoise, qu’il envisage de se consacrer à l’agriculture bio. Au milieu des années 90, des inquiétudes alimentaires émergent parmi la classe moyenne supérieure qu’il fréquente. Pas de traçabilité, labellisations frauduleuses, scandales à répétition et les des libertés prises avec la santé publique dans un marché en plein boom. L’enrichissement d’une part importante des populations urbaines engage en effet une diversification de l’alimentation : protéines animales et végétaux frais en quantité plus importante dans un pays où la consommation de légumes à toujours été importante. En occident, le taux de croissance du bio est de l’ordre de 20 à 30% et Guy Wiener pense que dans ce domaine, comme elle le fait dans tous les autres, la Chine va entrer dans le mouvement. « Il y a quinze ans, toute la zone de Pudong était occupée par des agriculteurs ». La croissance exponentielle de la ville a entamé un déplacement progressif de plusieurs exploitations rattrapée par l’agglomération. Ainsi la société American Garden, expulsée de Pudong pour Qibao puis vers Songjiang. Shanghai Organics fondée en 1998 et installée à Xinqiao fut de même expulsée en 2005 et s’installe à Songjiang à 30 km du centre (soit une translation de 15km).

L’opération fut intéressante financièrement car le prix du terrain loué à long terme était inférieur au montant de son indemnisation. Guy Wiener attend sans inquiétude son hypothétique nouveau déplacement. Le mouvement général de la ville concentre ainsi les zones de production : Songjiang, Nanhui, Fengcheng, Pudong et Qingpu. Seule les fermes gouvernementales (cf. Sunqiao Modern Agriculture Park) peuvent résister à ce mouvement, se transformant alors en show-room agricole. Les types de production sont répartis selon la nature des produits. Les légumes verts et frais (salades et autres périssables) sont cultivés à proximité des agglomérations car devant être livrés rapidement. Leur haute rentabilité compense le prix supérieur de la terre. Les légumes «stockables» sont produits beaucoup plus loin des zones de consommation. Pour Guy Wiener et plus globalement l’agriculture chinoise se trouve dans une phase charnière à plusieurs points de vue : -les zones cultivables régressent rapidement et demeurent peu nombreuses. « 1 million de paysans chinois travaillent aujourd’hui en Afrique. Henning Mankell, l’écrivain suédois en fait même le sujet de son dernier polar » - le niveau de vie en Chine progresse rapidement et la demande pour une meilleure qualité de vie aussi. En conséquence, l’alimentation se modifie. - 700 millions de chinois sont des paysans (57% de la population environ). Beaucoup sont très pauvres et produisent très peu selon des méthodes archaïques. Leur compétitivité provient de leurs coûts de production quasi nuls : pas de salaires versés, peu de chimie et peu d’achat de graine. L’équation à résoudre pour le pouvoir central est à plusieurs variables. Comment accompagner une urbanisation nécessaire sans obérer les capacités futures du pays à se nourrir ? Comment moderniser l’agriculture sans faire exploser le taux de chômage ?

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Fuxing Island : l’île Seguin de Shanghai L’île de Fuxing se situe au nord de Shanghai, dans le district des docks de Yangpu. Souvenirs de la concession internationale, le secteur est constitué d’un tissu industriel ancien de la ville en continuité avec le reste de la ville. Des ateliers et de petites usines végètent doucement au bord du fleuve. Réflexe pavlovien d’urbaniste européen : voici des secteurs mutables, envisageons leur réaménagement.

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28-06-2009 D’aucun nous ont même confié que la ville de Shanghai entendait se recentrer sur son pôle financier et sur des industries propres et high-techs (automobile, aéronautique et chantiers navals). Avec son grand parc intérieur (enfin de grands arbres, une rareté ici), sa grande avenue centrale, ses ponts patrimoniaux (construits en 1927 par le «Whangpoo Conservancy Board»), imaginons un instant un autre avenir pour l’île. Si l’île de Fuxing devient une île Seguin, qui va limer la tôle ?


Chuanyang River 3 – Le plus bel espace public de Shanghai Rappel des épisodes précédents : nous avons entrepris de parcourir un canal de 28 km de long, la Chuanyang River, qui à la manière d’une coupe révèle la constitution du tissu urbain de la partie est de Shanghai, côté Pudong donc. Après la section centrale sectorisée, le bord de mer en jachère, voici la «confluence» : point de contact de la rivière avec le Huangpu, au Sud du futur site de l’Exposition Universelle Shanghai 2010. Installations industrielles vieillissantes, quartiers de logements de masse des années 80, jachères lunaires, chantiers de viabilisations : le site est au diapason des mutations en cours à l’extérieur du premier périphérique et le long du fleuve. C’est l’extension du centre qui est en cours. A l’embouchure même, l’eau est invisible. Un practice de golf surnage au milieu d’un immense chantier boueux ; ici, il n’y a pas de site. Un peu plus loin,

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une écluse se cache sous un pont autoroutier, et après avoir longé l’eau sur l’escarpement du canal, enjambé une barrière, puis une autre, nous arrivons sur... un espace public. Un parc linéaire, une pelouse accessible et un chemin engageant, des logements regardant la rivière : ce qui ailleurs serait banal devient ici et maintenant complètement exceptionnel. Dans l’euphorie du moment, nous apercevons même un... nageur. Un homme remonte le courant, à la brasse, puis en crawl, puis fait des ronds dans l’eau à quelques encablures des péniches. De vieux messieurs sérieux jouent sérieusement au cerf-volant, le chemin se termine dans une forêt de pins miniatures. Nous baptisons d’autorité cet espace le plus bel espace public de Shanghai et fuyons effrayés ce lieu de perdition.

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Shanghai’s Flat Iron Dans la trame quasi-rectangulaire de l’ancienne concession française c’est la Wukang Road qui introduit la diagonale. A son point de rencontre ave la Huai Hai Lu (l’avenue prestigieuse de Shanghai) s’élève un immeuble singulier. New-York a son «Flat Iron», Shanghai a son “Normandie apartments”. Construit en 1924, dessiné par Lazlo Hudec, l’immeuble a accompagné l’évolution des conditions de vie dans la ville. Les 76 appartements de départs son devenus 95. En 1929, 51 personnes vivaient dans l’immeuble. En 1939, ils étaient 118. Aujourd’hui, ils seraient environ 700.

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Le Park Hotel, Lazlo Hudec et Ieoh Ming Pei

Dans les années 30, Shanghai est une des villes à la croissance urbaine la plus rapide du monde. Capitale financière asiatique et présence des concessions étrangères, l’esprit du temps est à l’ailleurs et à l’échange. C’est dans ces années que se construit l’œuvre d’un célèbre architecte de Shanghai : László Hudec. Né en Slovaquie (alors province de l’empire austro-hongrois) en 1893, il étudie l’architecture à l’Université Royale de Budapest de 1911 à 1914. Enrôlé dans l’armée, il combat sur le front de l’est pendant la première guerre mondiale. Fait prisonnier par les russes en 1916, déporté en Sibérie, il s’échappe en sautant du train près de la frontière chinoise. Il réussit à rejoindre Shanghai, se fait engager au American architectural office R.A. Curry puis monte sa propre firme en 1925. Il construit à Shanghai plus de 37 bâtiments jusqu’en 1941. Parmi ses réalisations les plus marquantes : le Grand Théâtre de Shanghai, le bâtiment de l’American Club et «The Normandie» (lire ci-contre) Il opère en Chine une fusion des influences européennes et américaines de l’Art-Déco et du Modernisme. En 1947, il quitte la ville pour l’Europe puis les Etats-Unis et meurt en Californie en 1958. Son chef d’œuvre est sans conteste le bâtiment du «Park Hotel». Construit en 1934 devant le champ de course (devenu aujourd’hui la Place du Peuple) ce skyscraper Art-déco de 84m de haut pour 22 étages demeure le plus grand bâtiment d’Asie jusqu’en 1952, le plus grand de Chine jusqu’en 1966 et le plus grand de Shanghai jusqu’en 1983. I.M. Pei, né en 1917, passe une partie de sa jeunesse à Shanghai. Alors adolescent il fréquente l’après-midi les clubs du centre-ville où la jeunesse dorée vient jouer au billard. De là, il assiste à la construction du Park Hotel et à la transformation d’une ville qui lui donne alors l’envie d’étudier l’architecture. Quelques années plus tard il se souvient : «In Shanghai, I saw the future ».

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Xitang : looking for Tom Cruise Une musique trop connue («tintin tintintintin tintintin») retentit et voici Tom Cruise, le scientologue qui fait du cinéma, qui déboule à toute berzingue dans un Shanghai revisité. En plus d’un film musclé, «Mission Impossible 3» (M:I:III) serait-il le point de vue manquant sur l’urbanité chinoise contemporaine. C’est Jian Zhuo (architecte et urbaniste chinois dont voici le blog :http://zhuojian.blshe.com) qui nous donna, il y a quelques semaines, ce conseil cinématographique et urbain. La discussion portait alors sur les villes d’eau chinoise du delta du Yangtze. Pour Françoise Ged, c’est là que se cache le Shanghai d’avant la colonisation et d’avant la modernité :un tissu urbain bas, initié et habité par l’eau, des ponts, des quais couverts, et des typologies bâties en nappe percées de courettes et de venelles. La plupart de ces situations ont complètement disparues de l’aire métropolitaine de Shanghai. La destruction presque systématique du patrimoine bâti chinois étant aussi une histoire de campagne, seule une dizaine de villages ont été «sauvés» et protégés, de haute lutte, entre le milieu des années 80 et le début des années 90 par des architectes savants et militants. Villages musées ou encore habités, à l’accès libre ou payant, vraiment traditionnels ou reconstruits à neuf (mais en traditionnel pastiché), leurs fortunes sont diverses mais leur succès touristique ne se dément pas. Les touristes étant dans leur grande majorité… chinois évidemment. Dans ce film, nous expliquait Jian, en plus du centre ville dans sa situation de 2006, ce sont deux de ces villes d’eau qui sont utilisées comme décors. Un détour par une boutique de DVD pirates plus tard, nous voici devant Tom, ses acrobaties en parachute au dessus des tours de Pudong et ses cavalcades effrénées dans le labyrinthe d’une ville chinoise historique (après recherche dans le village de Xitang). Dans le film, la ville n’est visible qu’une petite poignée de minutes (tous les intérieurs ont été tournés à Los Angeles). Dans l’intrigue, la ville d’eau en

02-07-2009 question fait partie de Shanghai (alors qu’elle est dans une autre province). Pour le spectateur globalisé, le tableau est celui d’un Shanghai (et d’une Chine) tiraillé entre sonyper modernité et ses traditions millénaires. Le cliché est tellement éculé qu’il est en partie… exact. Nous voici donc partis pour Xitang, à la recherche de Tom Cruise à 70 km à l’ouest de Shanghai. Le «village» imaginé est bien sûr une petite ville (à l’œil 10.000 habitants) et les quelques rues historiques sont inévitablement entourées de barres de logements vétustes ou de chantiers). La vie villageoise est pourtant plus authentique que ce que nous pouvions craindre. Des menuisiers fabriquent des meubles dans la rue, on lave le linge dans la rivière, les champs sont aux portes de la ville. La ville d’eau est bien là et les quelques situations urbaines originales aussi. Ici et là, quelques photos de Tom Cruise mais pas une seule église de scientologie. C’est un scandale !

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Xitang : ces bobos qui s’ignorent Même village un peu plus tard. Des logements semi-collectifs bordés par un canal et sur une largeur d’un mètre de terre, autant de jardins de poche qui s’étirent : tomates, maïs, courgette, poivrons, piments… La logique de subsistance des classes pauvres de la société chinoise prend ici une forme inattendue : une bande jardinée de presque un kilomètre. Loin de Montreuil et de ses «Murs à pêches» moribonds, et si les vrais bobos vivaient ici ?

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The collapse

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Hier une barre de 13 étages s’est effondrée dans le sud de Shanghai à proximité de la station de métro de Liuanha Road. La catastrophe n’a fait qu’un seul mort, un ouvrier du chantier, la barre étant inoccupée. La proximité du canal de la Dingpu River, et la réalisation de terrassements autour de l’immeuble, ont provoqué des infiltrations d’eau dans les fondations. Après avoir découvert l’information et des premières photos sur internet, nous sommes partis rejoindre la foule des badauds qui regardent mi-amusés, mi-inquiets, les autres barres voisines encore debout. Tous les appartements ne sont pas encore vendus et selon le promoteur, les autres bâtiments sont très sûrs. Investisseurs, l’opération s’appelle «Lotus Riverside» et des rabais sont envisageables. Ce genre de malfaçon serait plus fréquent en dehors des grandes villes et concerneraient aussi bien des bâtiments que des infrastructures. On parle même de fissures sur des barrages.

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Grandeur et décadence de l’architecture du Zheijiang Week-end halluciné entre Ningbo et Jinhua, à la recherche de l’architecture contemporaine chinoise aux confins du grand (très grand en fait) Shanghai. Ningbo d’abord, petite ville de 6 millions d’habitants à 90 km au sud de Shanghai. Point sur la carte de la planète architecture avec deux références dans le «Contemporary Architecture in CHINA 2004-2008» et centre industriel régional : musée d’art honnête dans une zone portuaire réhabilitée et musée d’histoire de la ville d’un brutalisme puissant et euphorisant. Les deux bâtiments signés par le même architecte Wang Shu. Une grosse ville chinoise de plus mais avec beaucoup de maturité architecturale. Ningbo : bien. Jinhua ensuite, ville plus petite encore (4,5 millions d’habitants) célèbre pour ce qu’elle pourrait être. Dans le très bon documentaire sur l’histoire de la conception du «Nid d’Oiseau» de Pékin, quelques plans racontent l’intervention des architectes du stade, les trop fameux Herzog & DeMeuron, dans cette ville. Un nouveau morceau de bravoure urbain leur a été confié et, en guise d’introduction, ils interviennent dans la conception d’un «parc d’architecture» le long de la rivière Yiwu. Un ruban de 2 km de verdure sur 80 mètres de large loti de 17 pavillons signés par des agences prestigieuses. Nous y sommes allés, n’avons pas vu le quartier (arh la crise), avons été copieusement rincés (arhh la saison des pluies) et avons découvert que le pavillon de H&DM servait maintenant de latrines sauvages dans un parc à l’abandon. Jinhua : pas bien.

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Tokyo Hotel Départ de l’équipe ReW pour le Japon. Nous nous rapprochons du Soleil Levant avec une question en bandoulière : Shanghai est-il un sous-Tokyo ?

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Shanghai →Tokyo / Similitudes Tokyo, à deux milles kilomètres de Shanghai mais peut-être aussi au même endroit 50 ans plus tard. La place de Tokyo dans un travail consacré à Shanghai n’est pas évidente au premier abord. La question posée par ce voyage, et par sa restitution ici, concerne la relation de cette plus « grande ville du monde » à ces satellites asiatiques. En clair, Tokyo est-elle un modèle inavoué pour la ville de Shanghai ? L’une des deux villes présente-t-elle l’avenir de l’autre ? Eléments de réponse en deux temps. Temps 1, les similitudes Contexte - Les apports réciproques de la Chine et du Japon sont nombreux : économiques, philosophiques, religieux, esthétiques, martiaux. Cette proximité réelle n’est occultée que par la mémoire douloureuse des exactions japonaises commises en Chine pendant la seconde guerre mondiale. La Chine reste aujourd’hui le premier partenaire économique du Japon. Selon le ministre japonais de l’économie dans un rapport rendu public ces derniers jours : « Le statut de deuxième économie mondiale pour le Japon est en train de toucher à sa fin » ; la Chine serait en passe de le supplanter à une place qu’il occupait depuis 1968. Histoire urbaine - Le développement récent de Shanghai, initié par le pouvoir central, encadré par la municipalité a été accompagné par des investisseurs et des firmes étrangères : promoteurs Hongkongais et Taïwanais d’abord,

12-07-2009 experts et techniciens japonais et américains ensuite. Il y a un peu de Japon dans l’urbanisme de Shanghai. Densités - Mêmes densités humaines dans les rues des deux villes. Le rapport des densités bâties est plus difficile à estimer : nappe de maisons individuelles nippones contre grands ensembles surdimensionnés chinois moyennement dense. Primauté aux infrastructures - Ici et là, les réseaux de métro et de trains de banlieue fusionnent dans une nappe tentaculaire. A Shanghai le réseau est encore embryonnaire et à Tokyo les gares sont des véritables points de centralités, des quartiers à part entière. Les autoroutes surélevées parcourent les deux villes : lourdeur structurelle japonaise parfois intégrée à des constructions commerciales contre l’élégance chinoises des piles et des sous-faces de béton neuf. Absence du patrimoine bâti - En Chine, la mise à sac systématique du patrimoine est en voie d’achèvement avec des situations très différentes : à Pékin, la ville entière a disparu, quand Shanghai conserve un patrimoine colonial énorme. Les tremblements de terre (un peu) et l’aviation américaine (beaucoup) expliquent la physionomie actuelle de Tokyo et d’autres villes japonaises. Seuls les temples, ici comme là-bas présentent l’illusion d’une continuité : architectures de bois sans cesse reconstruite, réhabilitée dans un système où l’emplacement fait patrimoine, pas la chose bâtie. Exubérances urbaines - L’enchevêtrement des réseaux et la juxtaposition aléatoire de bâtiments aux échelles variées génère dans les deux villes la constitution de strates urbaines. Le paysage bâti varie entre exubérance et indifférence.

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mariage traditionnel dans un temple Ă Tokyo 218


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scène de rue, Tokyo 220


Tokyo → Shanghai / Différences Retour à Shanghai après une semaine nippone et étonnante impression de retrouver notre maison. Cet aparté nous renouvelle et nous permet d’appréhender Shanghai avec un regard neuf. Poursuite du jeu des comparaisons. Temps 2, les différences Pas de chantier à Tokyo - Le boom urbain japonais remonte aux années 60 et s’est poursuivi jusqu’aux années 80. La crise financière date au Japon du début des années 90. Tokyo est une ville sans chantier. Après quelques jours d’absence cette réalité nous saute aux yeux : Shanghai n’est qu’un chantier. Société jeune/société vieille - les démographes sont formels, le promeneur avisé aussi. La Chine est jeune, le Japon est vieux. Des familles entières couvent leur enfant unique et à Tokyo les poussettes dernier cri sont des poussettes pour… chiens. Stigmates de la modernité - A Tokyo la modernité est un héritage, à Shanghai c’est encore une conquête. La gestion est une charge, la découverte tient de la révélation. Le bonheur n’est pas dans la richesse mais dans l’enrichissement. La Chine sourit, le Japon se lamente.

17-07-2009 Echelles et démocratie - L’habitat japonais est individuel : de petites maisons mal-bâties en nappe indifférenciée là où le référent chinois est à la démesure et à l’effacement de l’individualité. L’échelle démocratique et le respect de l’individu se lisent dans la constitution du bâti. Au Japon, la mitoyenneté n’existe pas et les bâtiments ne se touchent pas. L’expropriation est presqu’impossible quand en Chine le concept même de propriété est une découverte. Vides et paysages - Tokyo a des parcs quand Shanghai n’en a presque pas. Tokyo est une ville pleine alors que dans les villes chinoises la démesure des vides laissées à la voiture punit le piéton. Tokyo se verdit dans les recoins (plantes d’ornement squattent trottoirs et ruelles) quand Shanghai repousse le jardinage jusque sous les échangeurs. Machinisme japonais/ruralisme chinois - Le fantasme machiniste suinte de l’imaginaire japonais et la technique s’exprime dans le moindre objet courant. La ruralité est une composante majeure de l’âme chinoise. Profusion électronique contre profusion maraîchère. Graphismes - Deux sociétés de hiéroglyphes et deux empires du signe. Au Japon, le détail et le graphisme accompagnent chaque geste ou chaque objet. En Chine, l’urgence préside. La chinoiserie est japonaise. Tokyo, l’horizontale sans horizon, fait office de conservatoire urbain quand Shanghai le chantier permanent est encore un laboratoire actif.

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Architectures d’Asie

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Retour du Japon, on défait les valises. A l’intérieur de belles photos de quelques icones de l’architecture d’import/export japonaise. Du H&dM ; du Piano, du Toyo Ito, du Corbusier, du Foreign Office mais pas de Ando. En Europe, Tadao Ando est un mythe, au Japon c’est un style. Et pas le meilleur.

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Meet Ai Weiwei

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Chronique d’une exposition ratée. Ratée puisque nous l’avons ratée mais en fait elle sera sans doute très réussie. AI WEI WEI – ACCORDING TO WHAT, qui se tiendra au Mori Art Museum de Tokyo du 25 juillet au 8 novembre 2009, est une des plus importantes rétrospectives de l’artiste. Ai Weiwei est né à Pékin en 1957. Fils de Ai Qing, poète célèbre, il est déporté en famille aux confins de la Chine dans la province du Xinjiang (là où se tiennent actuellement des émeutes). En pleine Révolution Culturelle, son père, intellectuel ennemi du peuple de 60 ans, est condamné à être rééduqué par les travaux forcés. Pendant quelques années, il nettoiera les toilettes publiques d’un village. «Je lui rendais souvent visite, dans ces toilettes, pour voir ce qu’il faisait. J’étais trop petit pour l’aider. Il nettoyait ce lieu public de manière à le rendre très propre – extrêmement, précisément propre – puis allait nettoyer le suivant. C’est ça l’éducation de mon enfance.». Son père réhabilité, il entame en 1978 des études de cinéma à Pékin, s’exile en 1981 à New-York, y pratique l’art contemporain (influence de Warhol et de Duchamp, pratique du Ready-Made), revient en Chine en 93, fédère la scène de l’art contemporain chinois et depuis… embête tout le monde et surtout les autorités chinoises. Selon Wikipedia, « il produit un travail très iconoclaste, se consacrant à la culture chinoise, son système politique centralisé et les contradictions de la modernité ». En clair cela veut dire que Ai Weiwei se photographie disant «Fuck» à Mao, se photographie en train de casser des vases Ming (des vrais bien sûr), les transforme ensuite en bouteille de coca, récupère des morceaux de temples détruits par les promoteurs pour les transformer en bancs, tables, silhouette de la chine, méga-sculpture ou amène 1001 chinois pour un biennale en Suisse pour les exposer. Ayant auto-construit son atelier avec très peu de moyen, il reçoit des commandes et s’improvise architecte. En 9 ans de pratique, il construit plus que n’importe quel architecte européen. Conseiller artistique de Herzog & De Meuron, il est co-concepteur du stade olympique en «Nid d’Oiseau» de Pékin. Il organise des boycotts d’internet pour dénoncer la censure, recense les écoliers morts l’an dernier lors du séisme du Sichuan dans leurs écoles mal construites, dénonce les responsables locaux corrompus. Il tient un blog, bientôt censuré, puis un autre blog. Le journal Libération raconte : « Il y rapporte également une confrontation avec des policiers en uniforme venus frapper à sa porte «pour bavarder». Cette ruse éculée de flic vise à intimider le dissident en lui faisant comprendre qu’il vient de franchir une ligne rouge derrière laquelle c’est la prison. «Quatre policiers m’attendaient chez moi. Le chef n’avait pas sa carte d’identité, alors j’ai refusé de parler à un inconnu […]. Ils m’ont dit : «Vous voyez bien qu’on est venus dans une voiture de police.» J’ai rétorqué : «Rien ne me prouve que vous ne l’avez pas volée, tout comme vos badges de policiers.» » Dissident radical et ogre très poilant, nous on aime bien Ai Weiwei. 225


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Un beau métro tout neuf On revient de voyage et Shanghai a déjà changé. Changement 1, un nouveau métro. La ligne 8, celle qui permettra d’atteindre le site de l’expo l’an prochain, vient d’être prolongée. Dix stations d’un coup avec un mois d’avance sur l’ouverture prévue. La même scène devrait se reproduire dans les mois qui viennent. On avait déjà repéré les travaux lors de plusieurs visites (la ville italienne de Gregotti, la Daye Highway, …) et nous attendions presque l’évènement.

20-07-2009 Au terminus, à la station, «Aerospace Museum», pas de musée en vue mais des champs, des hameaux misérables, quelques industries et du jardinage dans les interfaces. Notre sujet c’est ça. Que construire ici puisque le métro l’impose presque. Il y-a-t-il quelque chose à faire avec ce qui est déjà là : des jardins, un paysage d’eau et des gens de la terre.

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Destruction(s)

21-07-2009

Changement 2 : des morceaux d’architecture ont disparu pendant les dix jours où nous étions partis. En Chine, tout commence par un signe. Un caractère chinois qui veut dire destruction et qui est peint à la va-vite sur des immeubles condamnés. Il était là sans que nous y prenions garde. A notre retour, un peu du Shanghai que nous connaissions avait été avalé. On détruit moins à Shanghai qu’ailleurs mais comme ailleurs le grand mouve-

ment national d’urbanisation est à l’œuvre.

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Le centre de la toile La fausse discussion du week-end. Soirée arrosée et un débat : le réseau routier de Shanghai est-il rationnel ? Il y a trop d’embouteillages mais pas tout le temps, c’est fluide mais ça fait peur. Il y a trop d’autoroutes superposées ou pas assez. La discussion a tourné court mais nous avons voulu retourner au centre de la toile pour y voir plus clair. A Shanghai il y a un premier périphérique (qui fait sensiblement la même taille qu’à Paris) et deux autoroutes traversent la ville, d’Est en Ouest et du Nord au Sud. A l’œil ça nous parait rationnel mais au centre du réseau c’est très impressionnant.


L’éclipse éclipsée La plus longue éclipse solaire du XXIè siècle passait cette semaine par Shanghai. De manière assez sympathique, elle avait prévu de s’arrêter, ce mercredi matin de 9h36 à 9h41, pour 5 grandes minutes d‘obscurité. D’après les médias, 2 milliards d’être humains devaient assister à l’évènement. Vérification sur place. Juchés en deux points de l’agglomération nous l’attendions, Rémi sur le toit de la grande poste côté Puxi et Emilie sur le prototype du pavillon français de l’expo universelle côté Pudong, appareil photo, en main mais sans lunettes de protection (rupture de stock). Côté Puxi : 9h16, sur les ponts, les curieux se massent. La lumière décline doucement. 9h30, la pluie s’invite à l’évènement. 9h32, la toiture est évacuée (c’est com-

22-07-2009 me ça). 9h34, tout le monde est dans la rue. 9h37, il fait nuit et la ville s’allume. Sur les chantiers les postes à souder continuent leurs soudures. Bus et taxis circulent encore. 9h38, il fait froid et des cris s’élèvent dans la foule. 9h39, il fait toujours nuit et tout le monde est mouillé. 9h42, il fait jour, Rémi et un touriste Japonais se prennent en photo sur le pont. Ici, personne n’a vu le soleil mais tout le monde est content. Côté Pudong : 9h30, attente avec l’équipe d’Arte qui réalise un reportage sur le pavillon. 9h35, il fait jour. 9h36, le cameraman allume son projecteur. 9h39, flottement magique. 9h39, on est bien, pas de soleil mais pas de pluie. 9h40, ici aussi les ouvriers ne s’arrêtent pas. 9h42, le cameraman éteint son projecteur. C’était super, promis on remet ça en 2132.

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Quand les échangeurs étaient blancs En 1937, Le Corbusier publie «Quand les cathédrales étaient blanches». A l’époque, les usines sont encore dans Paris et Notre-Dame est toute… noire. Aujourd’hui les usines sont parties et Notre-Dame est de nouveau blanche. A Shanghai, il n’y a pas de cathédrale mais les autoroutes sont toute neuves (1015 ans à peine). Le béton des échangeurs est beau, frais et propre. Piles élancées, tabliers voûtés et lisses, on passe sous une autoroute comme on entrerait dans une église. Il fait frais, il y a de l’ombre et pour peu que l’on communie avec la modernité, le lieu n’est pas sans religiosité. Pas vrai Charles-Edouard ? « Les matériaux de l’urbanisme sont le soleil, les arbres, le ciel, l’acier, le ciment, dans cet ordre hiérarchique et indissolublement. » Charles-Édouard Jeanneret (1887-1965) dit Le Corbusier in «Le monde urbain»

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24-07-2009


Tourisme olympique «Plus vite, plus haut, plus fort»

Hussein Bolt et Michael Phelps sont rentrés chez eux mais le Pékin Olympique à de beaux restes. La foule des grands jours est toujours là à visiter le «Nid d’Oiseau» et le «Water-cube», les marchands de souvenir aussi. Palmarès : Médaille d’or de l’objet le plus laid pour le stade-cendrier en laiton Médaille d’argent de la photo la plus bête pour les faux porteurs de flamme Médaille de bronze de la plus grande piscine vide pour le bassin olympique (avec sa barque décorative). « Plus cher, plus gros, plus étrange »

25-07-2009

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à l’intérieur du «Nid d’Oiseau» , Pékin


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Commune by the Great Wall La «Commune by the Great Wall» (Commune de la Grande Muraille) est une collection privée d’architecture dessinée par 12 architectes asiatiques. Exhibée à la biennale de Venise en 2002 et récompensée d’un prix spécial, elle accueille une clientèle internationale à un jet de pierre de la Grande Muraille et de Badaling, point d’accès quasi exclusif de tous les touristes pressés visitant la Chine en voyage organisé. Dans les magazines glacés que l’on peut lire dans les avions, ce lieu s’appelle un «resort». Et il s’agit bien de cela, une villégiature au grand air, classieuse où 190 chambres, 11 suites présidentielles, un spa et 4 restaurants prennent la forme de 42 villas dans un petit lotissement d’architectes verdoyant. Cet oasis de modernité, niché dans sa vallée préservée, nous attirait depuis que nous l’avions découvert l’an dernier, au Grand Palais à Paris, lors de l’exposition «Dans la ville chinoise». Presque inaccessible sans chauffeur particulier, c’est après quelques détours que nous nous présentons, ce dimanche matin, devant la grille du lotissement sécurisé.

26-07-2009 Le staff, armée de petits soldats du marxisme/capitalisme à la chinoise, nous accueille dans son très élégant ensemble noir orné d’une étoile rouge (on est quand-même en Chine communiste). Ici tout le monde sourit, et parle anglais, évidemment. Les aménagements sont beaux mais l’architecture des villas est inégale : hangars décorés de bambous, gimmicks modernistes montés en parpaings ou véritables innovations spatiales. Les 12 maisons d’origines ont été copiées (chacune de 5 à 6 fois) dans ce qui ressemble à une extension du projet. Tant qu’à copier, retrouver ici une villa Savoye, une villa Tugendhat ou une Fallingwater house à la Franck Lloyd Wright aurait été plus amusant. Un sentier privé, et très escarpé, permet aux hôtes de rejoindre la Grande Muraille. Ce que nous fîmes pour apercevoir l’ensemble avant de redescendre doucement vers le village en contrebas. Nous franchissons la grille, le garde nous salue. Incroyable… nous sommes toujours en Chine.

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798, «l’art dégénéré» ?

27-07-2009

«Entartete Kunst», ou «l’art dégénéré”, l’exposition montée en 1937 et à Munich par le régime nazi avait pour but de dénigrer la production artistique de l’époque d’artistes trop juifs ou trop modernistes pour entrer dans les canaux du style national-socialiste. Pensée par Goebbels comme une mise au pilori, elle eut en fait un succès inattendu en rassemblant Max Beckmann, Otto Dix, Paul Klee, Max Ernst ou Oskar Kokoschka et marqua une date importante et une reconnaissance paradoxale du symbolisme et de l’expressionisme allemand. La visite de la friche culturelle 798 de Pékin nous évoque vaguement ce moment historique. Le lieu et l’époque ne sont pas les mêmes et le rapport de force entre le pouvoir et la culture ne s’articule plus de la même façon. La part la plus visible de l’art contemporain chinois (on devrait ici parler d’artisanat) se consacre activement à caricaturer et à réinterpréter l’esthétique révolutionnaire ou maoïste. Les idéaux socialistes sont détournés, raillés et l’on peut acheter ici, en sirotant son obligatoire latte, aussi bien un garde rouge de résine warholisé qu’un badge maoïste d’époque. Sur le site, quelques galeries endormies, les restes d’une superbe usine des années 30 où seront bientôt accrochées les œuvres d’une nouvelle biennale et surtout, beaucoup de marchands de souvenirs. Contre-culture radicale, foyer de contestation ? Le curseur idéologique a bougé et le lieu est beaucoup plus anodin qu’il n’y paraît. En Chine et aujourd’hui, un lieu labellisé de contre-culture light sous contrôle est presque une figure obligatoire du développement urbain (nous avons déjà évoquée les friches culturelles de Shanghaï). La dégénérescence de l’art n’est plus une insulte jetée aux visages des artistes par un pouvoir effrayé mais un processus interne, acceptée par les créateurs. Comme le disait Cang Xin, un des artistes à l’initiative de cette zone (à l’époque le squat héroïque d’un lieu destiné à la destruction) : «Ce que le gouvernement n’a pas réussi par la censure, il est en train de l’obtenir par le commerce. Je ne vois plus beaucoup de contestation autour de moi.»

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Pékin/Pérec

28-07-2009

Je me souviens que la place Tienanmen ressemble à une piste d’aéroport, mais qu’il n’y a pas d’avions. Que des chars. Je me souviens d’avoir mangé une pizza dans un Hutong. Cela s’appelait même «Hutong Pizza». Je me souviens qu’il n’y a presque pas de tours à Pékin et que même les autoroutes surélevées sont surbaissées. Une ville chinoise «tunnée» en quelques sortes. Je me souviens que la carte du restaurant Datong est épaisse comme un annuaire mais que tous les clients commandent le même plat : du Beijing Duck. Je me souviens que la Badaling Highway, traverse la grande muraille. La section manquante a été remplacée par une passerelle d’autoroute crénelée comme la grande muraille. Je me souviens que les Hutongs tant attendus ressemblent parfois très fort à des bidonvilles. Je me souviens que la Cité Interdite évoque vaguement l’exposition Batimat de la Porte de Versailles à Paris. Mais avec uniquement des représentants de matériaux traditionnels chinois. Je me souviens être venu de Shanghai à Pékin en train et avoir trouvé que la gare de Shanghai était mal organisée. Je me souviens être rentré de Pékin à Shanghai en train et avoir trouvé que la gare de Pékin était très mal organisée. Je me souviens que le Stade Olympique de Pékin, très beau de loin, nous est apparu très sale de prêt. Les préposés à son nettoyage ne peuvent atteindre, avec leurs grands balais, tous les recoins du «nid d’oiseau». Je me souviens que l’opéra de Pékin est d’une forme très pure, que les espaces intérieurs sont très purs mais qu’apparemment ses utilisateurs ont choisis d’y installer des plantes en pot. Et d’y installer tellement de plantes en pot que les espace ressemblent alors à des jardinets de banlieue.

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Place Tien’anmen - 20 ans après


Pékin/Pérec

28-07-2009

Je me souviens que la place Tienanmen ressemble à une piste d’aéroport, mais qu’il n’y a pas d’avions. Que des chars. Je me souviens d’avoir mangé une pizza dans un Hutong. Cela s’appelait même «Hutong Pizza». Je me souviens qu’il n’y a presque pas de tours à Pékin et que même les autoroutes surélevées sont surbaissées. Une ville chinoise «tunnée» en quelques sortes. Je me souviens que la carte du restaurant Datong est épaisse comme un annuaire mais que tous les clients commandent le même plat : du Beijing Duck. Je me souviens que la Badaling Highway, traverse la Grande Muraille. La section manquante a été remplacée par une passerelle d’autoroute crénelée comme la grande muraille. Je me souviens que les Hutongs tant attendus ressemblent parfois très fort à des bidonvilles. Je me souviens que la Cité Interdite évoque vaguement l’exposition Batimat de la Porte de Versailles à Paris. Mais avec uniquement des représentants de matériaux traditionnels chinois. Je me souviens être venu de Shanghai à Pékin en train et avoir trouvé que la gare de Shanghai était mal organisée. Je me souviens être rentré de Pékin à Shanghai en train et avoir trouvé que la gare de Pékin était très mal organisée. Je me souviens que le Stade Olympique de Pékin, très beau de loin, nous est apparu très sale de prêt. Les préposés à son nettoyage ne peuvent atteindre, avec leurs grands balais, tous les recoins du «nid d’oiseau». Je me souviens que l’opéra de Pékin est d’une forme très pure, que les espaces intérieurs sont très purs mais qu’apparemment ses utilisateurs ont choisis d’y installer des plantes en pot. Et d’y installer tellement de plantes en pot que les espaces ressemblent alors à des jardinets de banlieue.

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Turner and Palmer on the Bund

29-07-2009

Le Peace hotel vient tout juste d’être déballé. Le Bund est éventré. Shanghai est en marche. Le Peace Hotel était jusqu’à sa fermeture pour travaux, l’hôtel le plus historique, le mieux placé et le plus prestigieux de Shanghai. Construit entre 1926 et 1929, dessiné par le célèbre groupe d’architecture Palmer&Turner Architects Limited a qui l’on doit plusieurs des plus belles réalisations de la concession internationale. Considérée comme l’adresse la plus prestigieuse à Shanghai jusqu’en 1949 sous le nom de Cathay Hôtel, l’hôtel fut transformé en bureaux municipaux après la prise de pouvoir par les communistes chinois puis retransformé en hôtel en 1956, sous le nom de Peace Hôtel. En 1992, il fut distingué comme l’un des plus prestigieux hôtels au monde par la World Hotel Association. Les bâches qui le couvraient depuis notre arrivée viennent d’être enlevées ces jours-ci et c’est un nouveau Bund qui apparaît tout à coup.

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Yangshan Deep-water Port Devant l’engorgement progressif du port de Shanghaï, les autorités locales se sont mis à la recherche d’un nouveau site dès l’an 2000. Avec sa côte plongeant doucement vers la mer, le territoire de Shanghai, est peu propice à l’accueil des grands bateaux. A 120 km du Bund (le premier port historique de la ville), l’îlot de Yangshan, un morceau de granit oublié en mer de Chine, présentait les caractéristiques recherchées à un détail prêt. L’îlot se trouvait à 32 km de la terre ferme, en pleine mer. Il fallait donc un pont. Le Donghai Bridge, inauguré en 2005, était à l’époque le plus long pont maritime du monde (il a depuis été déclassé par un autre pont, qui traverse la baie de Hangzhou et qui relie Shanghai à Ningbo) et permet de rejoindre le Yangshan Deep-Water Port. 3km de quai, un tirant d’eau de 15 mètres, 25 méga grues permettant chacune de remplir les plus grands porte-containers. Deux phases sont déjà

30-07-2009 opérationnelles et la troisième (prévue pour 2012) devrait porter la capacité du port à 15 millions de containers par an. Le coût total estimé pourrait être de 12 milliards d’euros. Avec ses 4 sites, le port de Shanghai est le plus grand du monde (la liste ici) avec une capacité de 27 millions de containers par an. A titre d’échelle, Rotterdam est le premier port européen avec une capacité de 9 millions et Le Havre le premier port français avec une capacité de 2 millions. L’îlot ressemble vaguement à une île bretonne. Le pont est interminable et en cette matinée lumineuse, nous regardions sans vraiment le savoir, nos futurs cadeaux de noël.

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Le Donghai Bridge, inauguré en 2005, à l’époque le plus long pont maritime du monde


Dishui Lake – Shanghai Harbor City Shanghai est une ville sans montagne (mis à part la colline de Sheshan). Shanghai a un fleuve, le Huangpu, mais le balai des péniches transportant du charbon empêche toute navigation de loisir et la baignade y est fortement déconseillée. Shanghai est à côté de la mer mais ne possède aucune plage. Le littoral est boueux sur plusieurs centaines de kilomètres. C’est sans doute pour contrebalancer ces désavantages naturels qu’est né le projet de Dishui Lake. A l’extrémité de la péninsule de Shanghai, juste à côté de l’embranchement du Donghai Bridge, la côte a été modifiée en profondeur pour donner naissance à une retenue d’eau intérieure circulaire de 3km de diamètre : Dishui Lake, le plus grand lac artificiel au monde. A la dubaïote, le sol marin peu profond a été pompé puis accumulé pour dessiner une nouvelle géographie. Autour du lac, la ville multi-fonctionnelle projetée a été bâtisée Harbor City (plus rarement Lingang New City). Selon ses concepteurs, l’agence allemande GMP (von Gerkan, Marg und Partner), la ville s’inspire de la tradition moderne européenne. Harbor new City fait partie des «One City, Nine Towns» déjà évoqué ici. Ce qui frappe à l’approche de la «ville», c’est la largeur et l’apparente inutilité des voiries et autres aménagements. Les constructions ne sont pas là : seul un cadran a été bâti, et uniquement le long des premières rues concentriques. Quelques bâtiments officiels, vides et démesurés, apparemment terminés sont inexplicablement encore en chantier. Là-bas au loin des barres anonymes qu’égaillent un phare décoratif. Quelques panneaux publicitaires jaunissent au soleil. Partout le bruit du vent. Une promenade permet de contempler le lac ; une sculpture en marque le centre et la géométrie exacte du plan d’eau anéantie toute perception. Le grand cercle vide aspire comme un trou noir. Les bateaux de plaisance ne sont pas encore là mais un kiosque vend déjà des miniatures des bâtiments icones encore à construire. On remarque un poisson, réplique XXL de la sculpture de Gehry à Barcelone. Il existe en sous-verre ou en porte-clés. Très joli.

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Edward Burtynsky et la «vieille ville» de Shanghaï

31-07-2009

Dans les pas d’Edward, la suite. Edward comme Edward Burtynsky, le toujours célèbre photographe canadien qui a réalisé entre 2003 et 2005 plusieurs séries de photos en Chine. En 2008, le film «Manufactured Landscape» est revenu sur son travail. En 2004 donc, une photo de la série Urban Renewal nommée «Old City Overview, Shanghai, 2004» retenait notre attention alors que nous étions encore à Paris. Nous avons retrouvé ce point de vue et sommes allés jouer au jeu des différences. Depuis la toiture d’une tour de 25 étages, la vue est plongeante sur une nappe urbaine compacte. Entre les deux clichés, la nappe cède la place à ses marges à des méga-tours ou des méga-barres. Au loin les très grandes tours de Pudong sont très nombreuses. 5 ans de croissance urbaine ne sont pas ici si impressionnants. La grande maquette Shanghai 2020 du musée de l’urbanisme nous rassure : dans 10 ans tout ça aura disparu. ReW 2009

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Edward Burtynsky Urban Renewal #4, Old City Overview, Shanghai, 2004.


Délirious Shanghai

01-08-2009

Madelon Vriesendorp (http://madelonvriesendorp.com), artiste hollandaise, cofondatrice de l’OMA et femme à la ville de Rem Koolhaas, a produit dans les années 70 une série de dessins (et même un petit dessin animé) fantasmant la vie sexuelle des plus grands bâtiments de New-York. Son tableau le plus célèbre, «Flagrant délit» (1975), illustre «Delirious NewYork», le mythique premier livre de Rem Koolhaas et imagine un curieux ménage à trois. L’Empire State Building et le Chrysler Building se reposent côte à côte après s’être aimés fougueusement et sont bientôt surpris par le Rockefeller Center, mari jaloux. La même année naîtront les Twin Towers, enfants de cette union illégitime, qui auront le funeste destin que l’on sait. Nous promenant ces jours-ci du côté de Pudong, le nez en l’air, nous regardons les nuages s’accrocher aux derniers étages des gratte-ciels et essayons d’imaginer les histoires qui se passent au-dessus de nos têtes. La tour Jin Mao (421m, 1998) semble se lover contre la tour du World Financial Center (492m, 2008) et a presque déjà oubliée la vieille Oriental Pearl Tower (468m, 1995) qui végète seule contre le fleuve. Le riche mari, la grande liane et la vieille maîtresse, les gratte-ciels sont décidément très bourgeois.

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Chongqing, le mythe de la plus grande ville du monde

03-08-2009

Après avoir entendu ici et là que Chongqing, la grande métropole de l’intérieur de la Chine, était la plus grande ville du monde nous avons voulu venir vérifier l’information sur place. 31 millions d’habitants répartis sur une municipalité de 82 000 km² : un monstre urbain colossal ignoré de tous ? Il y a évidemment confusion, et le flou est entretenu à dessein, entre la ville même de Chongqing (7 millions d’habitants tout de même) et la région de Chongqing. Celle-ci, créée en 1997, est une des quatre régions urbaines gérées directement par le pouvoir central chinois (avec Shanghai, Pékin et Tianjin). Installée sur le fleuve Yangtze, en amont du barrage des Trois Gorges, elle est le contre-point intérieur au développement forcené de la côte. A deux milles kilomètres de Shanghai, la plus grande ville du monde n’en est donc pas vraiment une. A la descente d’avion, les premières sensations urbaines sont de l’ordre de l’hallucination et un détour par le centre d’urbanisme, logiquement installé à la confluence du Yangtze et de la rivière Jialing, nous fait vite comprendre que nous ne sommes pas venus en vain. Portrait de la ville en quelques thèmes et quelques planches.

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Chongqing et le Manhattanisme alpin La topographie de Chongqing est relativement unique. Fort contraste avec les autres mégalopoles chinoises qui sont des villes de plaine : pentes raides, aucun vélo et une armée de porteurs misérables disponibles pour prendre en charge les objets les plus lourds. Autour de l’exposition «Dans la ville chinoise», Frédéric Edelmann évoquait Chongqing comme un« New-York, installé au milieu des montagnes » et le Manhattanisme alpin est bien au rendez-vous.

04-08-2009 Des téléphériques permettent de franchir chacun des deux fleuves et pallient au manque de ponts ou de passerelles. Les vues vers les collines et la confluence sont époustouflantes. Les gratte-ciels, poussés ici sans trame, n’ont pas la rigueur géométrique de leur homologue new-yorkais. Collés les uns aux autres, ils utilisent à plein une presqu’île assez exiguë. L’un des plus élevé, réplique du Chrysler Building, s’appelle… «New York, New York». La copie ne vaut pas l’original mais n’est pas sans intérêt.

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Chongqing Confluence Le Chongqing Planning Exhibition Centre place la barre assez haut. Le Urban Planning Exhibition Center de Shanghai, le Forum de Barcelone ou… le Pavillon de l’Arsenal restent loin derrière : une grande maquette de la ville de 892 m² au 750ème, un espace d’expo tout neuf (2005) et démesuré, des écrans plats et des modèles comme s’il en pleuvait, une avalanche de diagrammes et gravé dans les murs une collection de vœux pieux urbain (patrimoine, environnement, économie solidaire, …) définitivement impressionnante.

05-08-2009 Le musée se situe sous une esplanade publique, à l’extrémité de la presqu’île, entre un échangeur souterrain et un réseau de galeries donnant l’accès aux bateaux touristiques qui circulent continuellement sur les fleuves. Les deux berges en vis-à-vis de la pointe sont également en projet. D’un côté, le grand théâtre presque achevé, se donne pour ambition d’être à la Confluence ce que l’opéra de Sydney est à sa baie. De l’autre c’est un hypothétique CBD (Central Business District) qui est dans les cartons. Bigre.

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Chongqing Favela

06-08-2009

L’un des clichés les plus répandus de l’analyse de l’urbanisme asiatique correspond à la comparaison de différentes villes avec l’imagerie du film «Blade Runner». Forêt de gratte-ciels rutilants plantés dans une nappe de bidonvilles grouillants : le Los Angeles de 2019 fantasmé par Hollywood en 1982 semble s’être réalisé de l’autre côté du Pacifique : «Tokyo c’est Blade Runner !», «Shanghai, c’est Blade Runner», «Bangkok, c’est…». Revenant sur le film en 1998, le sociologue urbain Mike Davis soulignait qu’aucune des prédictions du film ne s’étaient révélées exactes et que pour lui « Blade Runner n’est pas tant le futur que le fantôme des rêveries du passé » (in Mike Davis, «Au-delà de Blade Runner, Los Angeles et l’imagination du désastre» Allia 2006). Et Chongqing ? C’est Blade Runner ou pas ? La question n’a définitivement aucun sens mais nous ne pouvions quitter la ville sans évoquer ici la composante inséparable de cet urbanisme échevelé sur ce site délirant. Dans ce climat tropical humide, Chongqing semble littéralement pourrir sur pied. Des bidon-villes misérables sont accrochés sur les pentes les moins accessibles et beaucoup de scènes urbaines de l’hyper-centre sont à l’image de situation réelle de l’arrière-pays chinois. Le nouveau métro monorail et les destructions en cours n’y changent pas grand-chose : la quatrième-ville du pays tient parfois du furoncle habité.

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La colline de Sheshan Le territoire de Shanghai n’a qu’un seul relief : la colline de Sheshan. Presque accessible en métro, à une quarantaine de kilomètres au Sud-est du centre, la petite montagne collectionne les espaces de loisirs : un hôtel «resort» tout neuf (avec son brunch très populaire dans la petite communauté des expat’s), des télésièges très rouillés avec leurs luges d’été, un parc forestier très planté, un lac artificiel de loisirs et au sommet une Cathédrale visible aux environs. Celle-ci, construite en 1935, est déserte. Ici aussi, la campagne se fait doucement grignoter et les rizières disparaissent en silence. Un lotissement pavillonnaire au pied même de la colline (une rareté et une nouveauté en Chine) semble flambant neuf. Des pelleteuses s’agitent dans un coin : bientôt un nouveau parc d’attraction. Les montagnes russes sont gigantesques et visibles aux environs. Il s’appelle «Happy Valley» et il ouvre la semaine prochaine. Chic.

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08-08-2009


Not so Happy Valley

09-08-2009

“Theme park Suburbia”, c’est ainsi que les shanghaiens d’Urbanatomy désignent l’ensemble des émergences bâties qui colorent la grande banlieue de Shanghai. Villes allemandes, anglaises et autres, cités résidentielles fermées ou ouvertes, parcs agricoles ou industriels, circuits de formule 1, installations touristiques, plus rarement espaces naturels aménagés… Autant de programmation objective passée dans le moulinet du citytainement pour devenir autant de thèmes suburbains diffusés et photographiés. L’ensemble forme une ville rêvée, superposable ou pas avec la ville réelle. Les parcs d’attraction font évidemment partie du système. Ainsi en est-il du parc Happy Valley en chantier au pied de la colline de Sheshan. Dernier fleuron de la chaîne du même nom qui a déjà aménagé d’autres parcs à thème à Pékin ou à Shenzhen, il devrait être bientôt le plus grand de Chine (sur 90 ha) avec ses 7 ensembles thématiques («Sunshine Port», «Happy Times», «Shangri-la», «Le Royaume des fourmis», «Shanghai Beach», «La ville à la mine d’or» et «Hurricane Bay «). Son ouverture était prévue en Juillet, puis repoussée au début du mois d’août mais nous présentant devant la grille il nous a été annoncé que celle-ci aurait finalement lieu la semaine prochaine. Les typhons qui approchent ces jours-ci dangereusement Shanghai en seraient la cause. Un article de Shanghai Daily du 10 août (cf. ici) nous apprend les raisons du retard : malfaçons, délais de réalisation sous-estimés, accidents techniques pendant les test des machines. Plusieurs milliers de personnes font pourtant déjà le pied de grue devant les portes. Nous avions d’ailleurs vu l’impressionnante file d’attente, lors de notre visite avortée. Rassurons-nous, les retards ou accidents n’empêcheront pas la marche de l’amusement urbain. Il paraît que Disney a déjà identifié un terrain pour s’installer à Pudong et créer son deuxième parc chinois après celui de Hong Kong.

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Suzhou Factory / Shanghai Business Déplacement collectif à Suzhou et exercice appliqué d’économie autour de l’installation d’un centre de production d’une entreprise française (ou plutôt franco-américaine) en Chine. L’entreprise s’appelle Itron et produit des compteurs. Dans le cas présent des compteurs d’eau. Le montage d’un centre de production local vise directement le marché chinois. Visite. 2000 m² d’atelier et 500 m² de bureaux, le site est minuscule à l’échelle du tissu industriel de Suzhou. Dans le bassin du Yangtsé, l’heure est à l’intégration. Les villes moyennes (5 à 6 millions d’habitants chacune) de Suzhou, Hangzhou, Ningbo, Nanjing ou Wuxi font figurent de satellites industriels et Shanghai de centre de décision en concentrant les services ou la finance.

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10-08-2009 D’activités de production, Shanghai entend ne conserver que la sidérurgie, l’aéronautique ou la construction automobile. Les manufactures sont reléguées à ses portes. En trente ans, Suzhou la ville des canaux a du coup bien changé.


Wet Market

11-08-2009

Jour de pluie au wet market : une population, un territoire et un urbanisme. Le signe chinois pour « population » est formé de deux caractères. Le premier est un homme debout et le second est une bouche ouverte : 人口. Tout se joue presque ici.

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Shanghai Confluence – Wusong Battery Wetland Forest Park Shanghai confluence. L’aventure de ce jour aurait pu s’appeler ainsi sans notre étrange découverte. Au départ, l’envie d’aller physiquement vérifier à quoi ressemblait l’embouchure du Huangpu, à l’endroit même où il se jette dans le Yangtsé, nous a guidé jusqu’au port de Wusong. Le lieu accueille un terminal de bateaux pour l’île de Chongming (et pour la ville de Nanjing), une étonnante collections de bâtiments anonymes (d’usage maritime a priori) et autant de barges flottantes dédiées aux fonctions les plus divers : bureaux, restaurants, logements. Presque caché, le fleuve est pourtant là : énorme et démesuré, couvert de péniches et hérissés de grues. La masse d’eau et la platitude extrême du territoire empêchent toute lecture du paysage de la confluence. Longeant la berge, c’est

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12-08-2009

presque par accident que nous entrons dans un parc. Un parc tout neuf aménagé sur des friches industrielles et l’un des plus fin qu’il nous ait été donné de voir à Shanghai. Hautes herbes, mares ou marécages, pontons, sentiers, bosquets ou fontaine, c’est toutes les modalités possibles d’une rencontre de la terre et de l’eau qui semblent déclinées ici. Du renouvellement urbain et beaucoup de justesse dans la lecture du territoire : la surprise est heureuse.


La ville à 100 m

13-08-2009

Pourquoi toutes les tours de Shanghai ont-elles la même taille ? Presque la totalité des logements construits après 1990 comptent de 25 à 30 étages pour une hauteur de 100 mètres environs. Règlement, sécurité, économie globale du projet, objectif de densité, confort des occupants… Un urbaniste (n’était-ce pas Yves Lion ?), disait qu’il y a une limite presque naturelle à la tour de logements de 100 mètres puisque c’est la hauteur à partir de laquelle on ne peut pas ouvrir les fenêtres. Nous contemplons ce skyline quotidien en nous demandant s’il s’agit de l’explication. Paris est scotché à 25 mètres, Shanghai à 100 mètres. L’effet visuel d’un grand plafond de verre couvrant la ville est presque le même.

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La disparition : Zhoupu American Town Officiellement Zhoupu fait partie des villes satellites de Shanghai retenues dans le schéma des «Nine cities, one town». Pour être plus précis, elle en fait parfois partie et parfois non. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres les informations ne sont jamais très claires. On résume. Au début des années 2000, plusieurs projets immobiliers sont rassemblés dans le double objectif de densifier et de culturaliser la banlieue de Shanghai. Le projet consiste à déplacer un million d’habitants du centre de la ville pour permettre la poursuite des opérations urbaines : une toute bête opération tiroir mais à grande échelle. C’est le «One City, Nine Towns». Songjiang, la ville anglaise et Anting, la ville allemande, sont les premières sorties de terre ; les autres cités prennent du retard. Nos recherches nous ont ainsi fait comprendre que certains des autres noms de la liste étaient ainsi à l’état de projet : projet de papier ou même parfois de simples intentions. Ainsi en est-il de Zhoupu où nous sommes allés ce jour. Sur le site de la ville de Shanghai, la ville est bien listée (c.f. ici). Ici, elle ne l’est plus. Ici, elle l’est encore mais elle n’est plus dans l’indispensable Shanghai Transforming. Parfois Zhoupu est décrite comme une ville nouvelle américaine, parfois euroaméricaine, parfois en éco-cité. Pour démêler le vrai du faux nous sommes partis à Zhoupu pour enquêter. Premier arrêt dans un bureau de promotion (pour un «compound» très luxueux et très terrifiant). Zhoupu, american town ? Jamais entendu parler. Suivi par d’autres promoteurs dans la rue (c’est un peu le far-east ici), il apparaît qu’un lieu dans Zhoupu pourrait s’apparenter à une ville américaine. Nous y allons mais ce n’est pas là. Autres passants interrogés, autres déplacements, la conclusion tombe avant la nuit. Il n’y a pas de ville américaine à Zhoupu. Ou alors, tout compte fait, la ville entière pourrait être une déclinaison de de Détroit ou des quartiers pauvres de Philadelphie. En clignant bien les yeux à côté du KFC on y croit presque. C’est charmant.

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Oriental Pearl Tower - La Maison des Boules

14-08-2009

Notre fils Gaston l’appelle la «Maison de boules» mais ce n’est pas son vrai nom. L’Oriental Pearl Tower construite en 1995 a été pendant quelques temps, avec ses 468 mètres de haut, la plus haute tour d’Asie. Plusieurs fois détrônée depuis, presque vieille déjà (pour les chiens chaque année en vaut 7 mais pour les tours c’est encore plus : une tour de 14 ans est une très très vieille tour) elle végète doucement et assure toujours une rente aux vendeurs de porte-clés. Le point de vue manquait à notre collection et, comme les alpinistes aux Tibet à la conquête de tous les 8000, nous ne voulions pas quitter Shanghai sans la gravir. La foule est ici très chinoise et très enthousiaste. Tout le monde se photographie, nous photographie, achète son porte-clés, mange sa glace et redescend bien vite. La tour ne désemplit pas car tout le monde vient ici pour la nouvelle attraction. Depuis quelques mois (mai 2009) un plancher de verre annulaire habille la tour comme un collier. Les pieds dans le vide, on regarde la structure de béton, on pense fugacement à la Fernsehturm de Berlin et on frissonne un peu. Elle est funky cette maison des boules.

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Cité Bourgogne les lilongs de Shanghaï

15-08-2009

Shanghai est à beaucoup de points de vue une ville champignon, une cité presque née en une nuit à l’image de Chicago où des villes de l’ouest américain. Plus de 15 millions d’habitants vivent et travaillent dans une ville dont l’histoire n’a pas plus de 150 ans. Le revers de cette croissance urbaine rapide est une crise du logement ininterrompue qui a imposé et impose encore rapidité d’exécution, adaptabilité et une part d’invention. Ainsi en est-il de l’habitat populaire typiquement Shanghaien constitué entre les années 1860 et 1939 : les lilongs. Françoise Ged, les caractérisent dans son « Shanghai, portrait de ville ». Ces «lotissements spéculatifs», «outil essentiel de la constitution des tissus urbains […] présentent à Shanghai l’originalité de s’être généralisé à l’ensemble de la ville». «Le modèle, s’il faut en chercher un, est rural. Les villages des provinces voisines recèlent de telles enceintes percées de rares portes aux auvents sculptés, donnant sur les champs, vastes ensembles emboîtés entièrement tournés vers les vides internes […]. Le principe se retrouve donc dans les lilongs de Shanghai, avec cette adaptation formelle : l’extérieur du lotissement est bordé de commerces sur rue […]. Les façades sur rue, en front bâti continu, ne présentent que quelques accès ponctuels […]. Le lotissement se compose de maisons mitoyennes disposées en rangées parallèles et desservis par un réseau de ruelles hiérarchisées d’une largeur de 2 à 4 mètres […].» «Le terme lilong évoque à la fois la ruelle long et une unité de voisinage li […]. En shanghaien, le lilong s’appelle longtang et comporte des sous-espèces : le shikumen, de style ancien, remplacé au début des années 1910 par le lilong de type nouveau et suivi par les lotissements paysagers appelés bieshu ou xincun». Espaces hybrides, mariage réussi de la maison à cour traditionnelle chinoise et de l’habitat ouvrier nord-européen du début du XXème siècle, les lilongs ont connus des fortunes diverses. Détruits massivement, oubliés, richement réhabilités et boboifiés à la chinoise et même parfois intelligemment classés. Ainsi en est-il du «Bourgogne Bugaoli», construit en 1930 au numéro 387 de la Shaanxi South Road. La «Cité Bourgogne» est belle en cette fin d’été et le départ semble soudain très proche.

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Nanjing road la nuit Deux heures du matin sur Nanjing Road. Tous les bancs sont occupés et la rue est devenue un dortoir. Des ombres sont assoupies sous les arbres. Des vendeurs à la sauvette appellent les passants sortis des bars au compte-goutte. «Lady massage ! Marijuana !» Ici, tous les vices sont à vendre.

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Jijiang Park, the beginning

16-08-2009

Shangwhy dernier jour. Bien sûr nous reviendrons, bien sur nous avons une expo à préparer et même encore des choses qui nous attendent à Paris (des parents, des amis, des employeurs) mais quand même là tout de suite, nos cœurs sont bien gros. Il nous faudrait un endroit surprenant, avec de belles vues vers la ville et un endroit signifiant et pertinant à l’échelle de l’urbanité en fusion que nous avons pris tant de plaisir à raconter et à chroniquer. Un lieu s’impose le Jijiang Amusement Park. Ouvert en 1984, ce parc aujourd’hui vieillot et délicieusement kitch attire la foule des grands jours en ce dimanche d’été. La grande roue a l’air de tenir, nous montons et de là-haut tout devient très clair. Le parc a 25 ans et date d’une époque où la ville de Shanghai était très différente : pas de métro, pas d’autoroutes, un Bund pourrissant et en l’état, le plus haut bâtiment de la ville faisait 84 mètres pour 22 étages et les logements se répartissaient à parts égales entre les nappes de lilongs et les barres collectives de l’après guerre. Et si ce parc constituait un signal, le point de départ du renouveau et de la transformation ? L’exemple le plus célèbre est sans doute celui de Coney Island, île naturelle à l’entrée du port de New York où a été inventé le parc d’attraction. Dans son fondateur «New York délire», Rem Koolhaas expliquait en 1978 : « A la charnière du XIXe et du XXe siècle, Coney Island est l’incubateur de la thématique et de la mythologie encore balbutiantes de Manhattan. Les stratégies et les mécanismes qui vont par la suite contribuer à façonner Manhattan sont d’abord testés dans le laboratoire de Coney Island avant de faire le saut définitif vers la grande île. Coney Island est un Manhattan embryonnaire. » Jijiang Park est-il l’embryon du délire urbain shanghaien ? D’échangeurs montagnes russes en architectures vertigineuses, d’urbanisme de maison hantée en centre commerciaux «fairy wheel», la ville toute entière semble tenir ici entre les kiosques à bonbons et la fausse tour Eiffel dorée. Dans cette hypothèse Shanghai est une ville à thèmes, un parc urbain amusant et effrayant à la fois. Pourquoi pas ?

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Shangh… adieu

17-08-2009

L’avion décolle, on ferme les yeux et c’est encore Shanghai qui défile. Ce n’est pas un Shanghadieu mais un simple Shanghaurevoir. Aperçu des derniers instants.

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Paris au mois d’août

18-08-2009

Ce pourrait être une chanson et elle serait d’ailleurs de Charles Aznavour. Paris au mois d’août c’est maintenant et c’est pour nous l’occasion de redécouvrir notre ville avec des yeux tout neufs. Roissy est au milieu des champs (on peut sentir les foins depuis la passerelle de l’avion), Paris est un village peuplé de gens étranges, la Seine est indolente et répand une odeur exquise de feuilles mouillées, les grandes avenues sont vides et magnifiques et jamais espace urbain nous a paru autant saturé d’Histoire. Les pierres blanches des façades chauffent au soleil. Nous quittons une maquette géante pour entrer dans un espace de textures. Voilà, nous sommes de retour.

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Carte des parcours en Chine

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Cartes des parcours à Shanghai

Pékin 8h..................................................................................... p.77 Hu Lu Dao.................................................................................. p.87 Shenzen...................................................................................... p.151 Hong Kong................................................................................. p.153 Canton/ Guangzhou.................................................................... p.157 Lijiang.......................................................................................... p.159 Baisha........................................................................................ p.162 Tiger Leaping Gorge................................................................... p.164 Shangrila..................................................................................... p.167 Xishuangbanna........................................................................... p.169 Suzhou....................................................................................... p.176 Hangzhou.................................................................................... p.178 Guilin........................................................................................... p.181 Yangshuo.................................................................................... p.183 Longsheng - Ping An.................................................................. p.187 Ningbo....................................................................................... p.232 Jinhua.......................................................................................... p.233 Tokyo ......................................................................................... p.237 Yokohama................................................................................... p.243 Pékin ......................................................................................... p.263 Chongqing................................................................................... p.269 Voir pages suivantes

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22 Qingpu architour......................p.141 41 Suzhou...................................p.179 56 Antig German Town.................p.203 103 Suzhou Factory.....................p.278


17 Songjiang English Town...........p.129 21bis Zhu Jia Jiao.........................p.139 22 Qingpu architour.......................p.141 74 Xitang Tom Cruise....................p.229 75 Xitang Garden..........................p.230 101 Sheshan Hill...........................p.276 102 Happy Valley..........................p.277

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1 Maglev......................................................................................p.90 4 Shangabove SWFC................................................................p.97 5 Urban Mix................................................................................p.101 6 Ikea.........................................................................................p.102 7 Nous........................................................................................p.103 8 Carrefour..................................................................................p.105 12 Musée d’urbanisme................................................................p.117 15 Brilliant City...........................................................................p.125 16 Nanpu Bridge.........................................................................p.127 18 Chongming Island..................................................................p.131 20 Pavillon Fr - Expo 2010.........................................................p.287 21 Lupu Bridge............................................................................p.137 24 Jin Mao................................................................................. p.145 39 M50.......................................................................................p.175 47 Bar Rouge..............................................................................p.188 48 Tienanmen 20 ans ............................................................... p.189 51 Luodian Swedish Town.........................................................p.195 52 Barbie.....................................................................................p.196 53 SSS : Shanghai Sculpture Space.........................................p.197 54 Hongkou et Yangpu District...................................................p.199 55 1933......................................................................................p.201 56 Antig German Town...............................................................p.203 57 La Grande Poste....................................................................p.205 58 Gaoqiao Holland Village........................................................p.207 60 Z58........................................................................................p.209 62 Century Park.........................................................................p.213 63 Sanjia Port............................................................................ p.214 68 Park Hotel.............................................................................p.227 70 Fuxing Island..........................................................................p.224 71 Chuanyang River...................................................................p.210 72 Le «Normandie»....................................................................p.226 85 Echangeur Cathédrale .........................................................p.252 92 Peace Hotel...........................................................................p.262 95 Edward des Toits...................................................................p.266 96 SWFC....................................................................................p.267 104 Wet Market...........................................................................p.279 105 La ville à 100m....................................................................p.281 106 Wusong Wetland Forest Park.............................................p.280 108 Oriental Pearl Tower............................................................p.283 110 Cité Bourgogne....................................................................p.285

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4 shanghabove......................................................................... p.139 6 Ikea....................................................................................... p.102 7 Nous...................................................................................... p.103 8 Carrefour................................................................................p.105 10 Huangpu Boat....................................................................... p.109 12 Musée d’Urbanisme...............................................................p.117 13 Maglev Wall........................................................................... p.118 16 Nanpu Bridge.........................................................................p.127 17 Songjiang English Town........................................................ p.129 19 Pépinière - Expo 2010.......................................................... p.133 20 Pavillon Fr - Expo 2010......................................................... p.135 21 Lupu Bridge............................................................................p.137 22 Qingpu architour.....................................................................p.141 25 Sunqiao Agricultural Park...................................................... p.147 39 M50 : Mogashan Lu.............................................................. p.175 47 Bar Rouge..............................................................................p.188 49 Citta di Pujiang.......................................................................p.191 50 Shangorganic.........................................................................p.193 52 Barbie.....................................................................................p.196 53 SSS : Shanghai Sculpture Space.......................................... p.197 54 Hongkou et Yangpu District................................................... p.199 55 1933...................................................................................... p.201 57 La Grande Poste.................................................................. p.205 60 Z58........................................................................................ p.209 61 Chuanyang River................................................................... p.225 62 Century Park......................................................................... p.213 63 Sanjia Port............................................................................ p.214 64 Urban Vegetable Garden....................................................... p.217 65 Fengcheng Spanish Town..................................................... p.219 66 Daye Highway........................................................................p.222 67 Huangpu 90°......................................................................... p.221 68 Park Hotel.............................................................................. p.227 70 Fuxing Island..........................................................................p.224 71 Chuanyang River ................................................................. p.210 72 Le «Normandie».................................................................... p.226 83 Line 8.................................................................................... p.247 85 Echangeur Cathédrale...........................................................p.252 92 Peace Hotel............................................................................p.262 93 Yangshang Deepwater Port.................................................. p.263 94 Harbor New Town.................................................................. p.265 95 Edward des Toits................................................................... p.266 96 SWFC.................................................................................... p.267 101 Sheshan Hill........................................................................ p.276 102 Happy Valley........................................................................ p.277 105 La ville à 100m.................................................................... p.281 110 Cité Bourgogne................................................................... p.285

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SHANGHAI/PARIS

aller/retour

Comparer l’incomparable, sans préjugés ni parti pris. Innocent plaidoyer pour une territorialisation de Shanghai et un réveil de Paris ?

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Définitions Campagne (forme normande de l’ancien français champaigne, vaste étendue de pays plat) - Étendue de pays plat et découvert (par opposition à bois, montagne, etc.) ou assez plat et à l’intérieur des terres (par opposition à montagne, bord de mer, ville) : Passer ses vacances à la campagne. - Les champs, par opposition à la ville ; les terres cultivées ; les gens qui y habitent : Les travaux de la campagne. - Familier. Résidence secondaire à la campagne : Partir le vendredi à sa campagne. - Expédition militaire ; ensemble des opérations militaires menées sur un théâtre déterminé - Période de grande activité dans une occupation saisonnière, dans l’agriculture. : Campagne de pêche. - Entreprise politique, commerciale, etc., de durée déterminée, ayant un but de propagande : Lancer une campagne contre la hausse des prix. Campagne publicitaire. - Géographie : paysage de champs ouverts (absence de haies et de clôtures) s’opposant au bocage et développé initialement dans le contexte d’une organisation communautaire de la vie rurale, étendu récemment par le remembrement. Citytainement De l’anglais city (ville) et entertainement (distraction). Tendance de l’urbanisme globalisé dans lequel la ville ou le territoire sont conçus selon une logique symbolique et narrative dans le but d’encourager des distractions consuméristes Exemple : « La Main Street de Disneyland est avec Coney Island à l’origine du citytainement ». Google-earth urbanism D’après Google Earth (logiciel libre permettant de consulter les photos aériennes de tous les points du globle) et de l’anglais urbanism (urbanisme) discipline universitaire et pratique d’aménagement Se dit de toute conception urbaine où le design urbain et la conception de l’espace ne se perçoit correctement qu’à une raisonnable distance aérienne. Hukou Le huji (戶籍) ou hukou (户口) est un système d’enregistrement des ménages appliqué en République populaire de Chine et en République de Chine (Taïwan). C’est également le nom de la carte de résident que reçoivent les personnes qui ne sont pas encore domiciliées dans une ville (souvent des frontaliers, notamment à Shenzhen). Hutong Les hutongs (en chinois : 胡同 ; en pinyin : hútong) sont des passages étroits, des ruelles, principalement présents à Pékin en Chine. Hutong est un mot mongol (hottog à l’origine) qui signifie puits, parce que les résidents vivaient souvent près d’une source ou d’un puits. À Pékin, les hutongs sont constituées par des lignes de siheyuan, (habitations emmurées possédant une cour carrée). La plupart des quartiers de Pékin ont 288

été formés en joignant un siheyuan à un autre, qui lui-même rejoignait un autre siheyuan, et ainsi de suite jusqu’à créer la ville entière. Icone - Du russe : ikona, (issu du grec byzantin : eikonia) : petite image peinte sur un panneau de bois. - De l’anglais icon, employé par l’américain Charles Sanders Peirce pour désigner un signe qui renvoie à ce qu’il dénote. Lilong Dans lilong, “ li ” signifie voisinage et “ long ” indique une ruelle. Les ruelles d’un lilong desservent en hiérarchisant les espaces, des maisons en bande. Fruit de la spéculation immobilière à Shanghai entre 1880 et 1940, construits par des promoteurs Occidentaux dans les Concessions Française et Internationales, elles sont le mélange d’un style anglo-saxon et de maisons traditionnelles chinoises. Métapole nom féminin singulier (urbanisme) ville s’étendant à des zones de campagne, sans réelle différenciation François Asher parle de métapolisation : par ce terme, il entend l’ensemble des espaces dans lesquels les habitants sont « intégrés » dans le fonctionnement d’une métropole. C’est un bassin d’emplois qui doit posséder au moins des centaines de milliers d’habitants. Cette métapole reflète la ville moderne, flexible, complexe, sans cesse en transformation. Ville (latin villa, maison de campagne) - Agglomération relativement importante et dont les habitants ont des activités professionnelles diversifiées. (Sur le plan statistique, une ville compte au moins 2 000 habitants agglomérés.) - Ensemble des habitants de cette agglomération : Toute la ville est en émoi. - Les habitants des villes, par opposition aux gens de la campagne ou, jadis, de la Cour. - Vie que l’on mène en ville : Préférer la ville à la campagne. - Administration de la ville : Être chauffé par la ville. - Partie d’une agglomération constituant une entité particulière : La vieille ville. Ville globale On connaît le sens du mot globalisation qui indique un processus économique s’appliquant à toute la planète. La ville globale est un centre de pouvoir qui domine des activités dispersées dans le monde. Pour Saskia Sassen, ces villes sont au sommet d’une hiérarchie (1996).


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Ubiquitous China, Craft the Agenda for the World to Come, Revue volume n°8, 2006. 289


谢谢 Xié - Xié

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Remerciements Fondation EDF Diversiterre, Ariane Mercatello, Benoît Franqueville Jian Zhuo (Université de Tongji) Gilles & Michelle Ferrand, Alain Cam et Christine Cellier, Vincent Cam (soutiens) Delphine Baldé, Nicolas Détrie, Claire Vigé Hélie, Gisèle Marconi, Nicolas Samsoen et tous les participants du Worshop Huludao 2009 (Ateliers de maîtrise d’oeuvre urbaine de Cergy Pontoise) Amandine Verdoux et Guillaume Luddens, Samantha Petre, Mr «Dji» (Shanghai) Keizo Okamoto, Viraj Chatterjee, Auxane Dutronc et Laetitia Navarro (sur la route) Fanny Lionet (New York) Jacques Ferrier, Michel Hoessler, Gao Xiang, Pauline, Aurélien, Qiao, May, Isabelle (équipe du pavillon français de l’Exposition Universelle 2010) Vincent Manniez et Léon (équipe télévision Arte) Yong Yong Liu, Sha et Sylvie, Flore, Hélène (bons plans à Shanghai). Qiao, Michel, Anne, Julien, Zaïjia, Gaston, Emilie et Rémi (Cercle de l’amitié franco-chinoise du 19/20è) Un merci très spécial pour Amélie Rieux-Faraut pour son temps, sa bonne humeur et son précieux travail.

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Emilie CAM & Rémi FERRAND

ReW 2009

Villes & Solidarités

BOURSES jeunes architectes 2008

http://shangwhy.blogspot.com


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