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Que sait-on sur l’aide alimentaire ? Environ 2 millions de Français ont recours Ă  l’aide alimentaire pour se nourrir au quotidien. ConsĂ©quence de la crise, ce chiffre atteint des niveaux record selon les associations. Deux enquĂȘtes – Abena et E3A – montrent que cette aide ne peut suffire Ă  garantir un niveau d’alimentation dĂ©cent pour la population. Les destinataires de l’aide alimentaire ne peuvent dĂ©penser que 2,6 euros par jour par personne en moyenne. Leur Ă©tat de santĂ© s’en ressent et est qualifiĂ© de « trĂšs critique » par des experts : surpoids et obĂ©sitĂ© deux Ă  trois fois plus frĂ©quents, anĂ©mie, carences.

Selon les estimations, le nombre de « bĂ©nĂ©ficiaires » de l’aide alimentaire pourrait s’établir autour de 2 millions. Les bilans d’activitĂ© de deux des principaux acteurs de l’aide s’établissent Ă  des niveaux record. Ainsi, la FĂ©dĂ©ration française des banques alimentaires (FFBA) comptabilise, pour 2008, qu’environ 680 000 personnes ont pu bĂ©nĂ©ficier de leur aide. De leur cĂŽtĂ©, les Restos du cƓur soulignent que leur vingt-quatriĂšme campagne 2008-2009 de distribution alimentaire d’hiver a fait apparaĂźtre une hausse « sans prĂ©cĂ©dent » du nombre de bĂ©nĂ©ficiaires, puisqu’elle atteint 12,5 % par rapport Ă  la campagne 2007-2008. Environ 90 000 personnes supplĂ©mentaires se sont prĂ©sentĂ©es dans ses 2 000 centres d’activitĂ©, ce qui porte le total Ă  prĂšs de 800 000 personnes reçues par l’association. Les rĂ©sultats prĂ©sentĂ©s sont issus de deux Ă©tudes sur l’aide alimentaire en France. L’étude Abena (un volet Ă©pidĂ©miologique et un volet socioanthropologique) a Ă©tĂ© conduite en 2004-2005 sur quatre sites (Paris, Seine-Saint-Denis, Marseille, Dijon) auprĂšs de 1 164 personnes ayant recours Ă  l’aide alimentaire dans trente-cinq structures diffĂ©rentes. L’objectif de cette premiĂšre Ă©tude Ă©tait d’établir le profil sociodĂ©mographique et biologico-nutritionnel (1, 2) de cette population. Il ne s’agissait donc pas d’évaluer la frĂ©quentation des structures et, par ailleurs, la population des sans domicile fixe n’entrait pas dans les inclusions rĂ©alisĂ©es (d’autres Ă©tudes plus spĂ©cifiques leur Ă©tant dĂ©jĂ  dĂ©diĂ©es). L’enquĂȘte E3A (3) a permis de dresser un panorama des modes de fonctionnement des structures de l’aide alimentaire

(repas, colis, Ă©picerie, etc.) et de la valeur nutritionnelle des distributions alimentaires.

Qui sont les « bĂ©nĂ©ficiaires » de l’aide alimentaire ? L’étude Abena a permis de pointer que la figure cardinale de la population frĂ©quentant la distribution de colis d’aide alimentaire reste l’allocataire d’un minima social. Loin de l’idĂ©e, communĂ©ment rĂ©pandue, que ce secteur caritatif s’adresse essentiellement Ă  des SDF, il se dessine une population beaucoup plus large oĂč la part des travailleurs pauvres (pour l’essentiel Ă  cause d’un travail Ă  temps partiel) ne cesse de croĂźtre. Globalement, ces populations ne jouissent pas des mĂȘmes niveaux d’équipements domestiques que la population gĂ©nĂ©rale que ce soit pour se rendre sur les lieux d’approvisionnements (pas de voiture, etc.) ou pour entreposer, transformer, conserver les aliments. Ainsi, parmi les

Quelle place pour l’éducation nutritionnelle ? En France, le budget alimentaire des personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvretĂ© et/ou qui ont recours Ă  l’aide alimentaire est estimĂ© dans l’étude Abena Ă  2,5-2,8 €/j, ce qui est donc infĂ©rieur au budget strictement nĂ©cessaire pour respecter l’ensemble des recommandations nutritionnelles tout en s’éloignant des habitudes alimentaires françaises (estimĂ© Ă  3,5 €/j). En accord avec les conclusions de plusieurs Ă©tudes d’intervention rĂ©centes, ceci suggĂšre que l’éducation nutritionnelle ne peut pas suffire pour amĂ©liorer les consommations alimentaires des personnes dĂ©favorisĂ©es. Une augmentation des revenus disponibles et du budget alimentaire est nĂ©cessaire. À dĂ©faut, une aide alimentaire consĂ©quente et durable est indispensable. Il est aussi primordial que cette aide apporte une quantitĂ© suffisante Ă  la fois d’énergie mais aussi de nutriments essentiels (tels que vitamines et minĂ©raux)1. Nicole Darmon

1. Darmon N. Recommandations pour un colis d’aide alimentaire Ă©quilibrĂ©. Information DiĂ©tĂ©tique 2008 ; 4 : 26-31.

LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 402 - JUILLET-AOÛT 2009

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Lectures

20min
pages 48-52

BrĂšves

4min
page 47

International

7min
pages 45-46

La santĂ© Ă  l’école

7min
pages 43-44

Gilles Perole

8min
pages 38-39

Pour en savoir plus

9min
pages 41-42

Produits locaux et bio Ă  la restauration collective de Lons-le-Saunier

4min
page 40

Lyon : une épicerie solidaire pour les personnes en situation de précarité

3min
page 37

Corinne Delamaire

4min
page 36

Faire les poubelles pour manger » : l’écosystĂšme fragile du glaneur

13min
pages 33-35

Que sait-on sur l’aide alimentaire ?

6min
pages 31-32

Quelle place pour les associations dans l’histoire du secours alimentaire ?

13min
pages 28-30

Associer les populations à la conception des messages de prévention

14min
pages 24-27

Environnement alimentaire : Ă©tat des connaissances aux États-Unis et au QuĂ©bec

12min
pages 19-21

Qualité de vie

6min
pages 9-10

Introduction

4min
pages 11-12

Les chemins pour piétons dans le paysage genevois

7min
pages 6-7

Basile Chaix, Cinira Leal, David Evans, Sabrina Havard, Nathalie Baudet

6min
pages 22-23

Aide à l’action

8min
pages 4-5

Évaluation des actions de prĂ©vention : un document pour les professionnels

4min
page 8
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