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Juillet-AoĂ»t 2008 – 6 €

MĂ©dias et santĂ© : dĂ©velopper l’esprit critique Les jeunes « accros » aux jeux vidĂ©o

Alcool : un ancien dépendant devenu « passeur »

La Réunion : cuisiner équilibré


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La revue de la prĂ©vention et de l’éducation pour la santĂ© Tous les deux mois

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‱ l’actualitĂ© ‱ l’expertise ‱ les pratiques ‱ les mĂ©thodes d’intervention dans les domaines de la prĂ©vention et de l’éducation pour la santĂ©

Mai-Juin 2008 – 6 €

Une revue de rĂ©fĂ©rence et un outil documentaire pour : ‱ les professionnels de la santĂ©, du social et de l’éducation ‱ les relais d’information ‱ les dĂ©cideurs

DĂ©veloppement durable et promotion de la santĂ© PrĂ©vention de l’alccolisation fƓtale Ă  la RĂ©union

Maternelle : supprimer la collation ou Ă©duquer ?

Persepolis : pour débattre avec des ados

Rédigée par des professionnels

52 pages d’analyses et de tĂ©moignages

‱ ‱ ‱ ‱

✃

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1 an 2 ans Étudiants (1 an) Autres pays et outre-mer (1 an)

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sommaire

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◗ QualitĂ© de vie « Tout objet de plaisir peut devenir une addiction »

Quelle place pour le dĂ©cryptage des messages mĂ©diatiques Ă  l’école ? Elsa Santamaria . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

Entretien avec Michael Stora . . . . . . . . . . . . . . . 4

L’éducation des 8-25 : terrains d’action

Marmottan : Ă  l’écoute des jeunes « accros » aux jeux vidĂ©o

DĂ©crypter les stĂ©rĂ©otypes publicitaires Ă  l’école

Denis Dangaix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

Le jeu pathologique : une addiction réelle, sans drogue Denis Dangaix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

« Changer les reprĂ©sentations de l’alcool et des soins »

Frank Pizon, Philippe Roussat, Maryse Brossat, Didier Jourdan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

« L’École des papilles » pour rĂ©sister aux publicitĂ©s alimentaires L’équipe d’ABC DiĂ©tĂ©tique, Isabelle Darnis, Amandine VerchĂšre, SĂ©bastien Goudin . . . . . . . . 33

Un concours sur les addictions en Vaucluse

Entretien avec Philippe Batel . . . . . . . . . . . . . . 10

Sabine Gras . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

« Ancien dĂ©pendant, je suis devenu “passeur” entre les soignants et les malades de l’alcool »

« DĂ©code le monde ! » pour dĂ©velopper l’esprit critique

Entretien avec Serge Nedelec . . . . . . . . . . . . . . 12

Dorothée Bert

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Face aux images, « En route pour la vie » Nathalie Merle, Sylvaine Roustan . . . . . . . . . . . 36

Dossier

MĂ©dias et santĂ© : dĂ©velopper l’esprit critique

Jeunes en insertion : construire une pensée critique

Introduction

Pour en savoir plus

Joëlle Kivits, Alain Douiller . . . . . . . . . . . . . . . 13

Élisabeth Piquet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

Sven Schaul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

Santé et médias : un duo mouvementé Illustrations : Frédéric Vion

Le marchĂ© de l’information santĂ© : une cacophonie organisĂ©e ? JoĂ«lle Kivits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

◗ Aide à l’action

Pourquoi Ă©duquer Ă  l’information sur les questions de santĂ©

La Réunion : un classeur pédagogique pour aider à manger équilibré

Alain Douiller

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

« Les médias ont un pouvoir normatif, mais les citoyens ne sont pas dupes » Entretien avec Lise Renaud et Monique Caron-Bouchard . . . . . . . . . . . . . . . 20

Blandine Bouvet, Frédérique Madé, Rémi Foubert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

EnquĂȘte sur l’alimentation des personnes prĂ©carisĂ©es Christine CĂ©sar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

Jeunes et mĂ©dias mode d’emploi « L’éducation au regard est aussi indispensable Ă  l’enfant que l’éducation au goĂ»t » Entretien avec Christian Gautellier . . . . . . . . . . 22

« La tĂ©lĂ©vision a une place dans le dĂ©veloppement de l’enfant »

◗ International GuinĂ©e : des centres de santĂ© pour informer les jeunes Alexandre Delamou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

Entretien avec Christine Ceruti . . . . . . . . . . . . . 24

◗ QualitĂ© de vie

« L’adolescent construit une relation fusionnelle via le portable et Internet »

Former les professionnels pour lutter contre les discriminations

Entretien avec Monique Dagnaud . . . . . . . . . . . 26

Éric Verdier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48


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Entretien avec Michael Stora1, psychologue, psychanalyste, thérapeute auprÚs des personnes dépendantes aux jeux.

« Tout objet de plaisir peut devenir une addiction » Environ cinq cent mille personnes en France – essentiellement des jeunes de 14 Ă  17 ans – sont « accros » aux jeux vidĂ©o. Ils reprĂ©sentent 90 % de la clientĂšle du psychologuepsychanalyste Michael Stora. Ce spĂ©cialiste refuse de classer comme dangereuse l’addiction aux jeux vidĂ©o, qui peut ĂȘtre source de bien-ĂȘtre et antidĂ©presseur. PlutĂŽt que de dĂ©noncer, il dĂ©crypte le mĂ©canisme d’addiction, sa signification pour l’image de soi, ses consĂ©quences et les moyens d’aider les adolescents Ă  en sortir. C’est-Ă -dire les dissuader d’avoir une consommation excessive. La SantĂ© de l’homme : Comme psychologue et psychanalyste, vous accompagnez des personnes, surtout adolescentes, victimes de l’usage abusif des jeux vidĂ©o. Et pourtant vous aimez l’univers des images. Est-ce paradoxal ? Michael Stora : Cela fait pas mal d’annĂ©es que dans mon parcours, autant personnel que professionnel, je cĂŽtoie l’image. Avant d’ĂȘtre psychologue, j’ai eu une formation de cinĂ©aste. Je suis un amoureux des images. Et, comme dans toute relation amoureuse, ce qui est intĂ©ressant pour se dĂ©passionner, c’est d’avoir des formes d’exigence pour mieux saisir ce qui se passe dans ces images. J’ai Ă©tĂ© un enfant « biberonnĂ© » aux images tĂ©lĂ© et qui, au cours du temps avec l’arrivĂ©e de l’ñge adulte, a cherchĂ©, un petit peu, Ă  s’en dĂ©coller. S. H. : Cela veut-il dire que vous avez, Ă  un moment, ressenti une certaine dĂ©pendance ? Oui. Je fais partie des gens qui ont ce que nous appelons dans notre jargon une « structure addictive ». Neuf ans d’analyse m’ont permis non pas de changer de structure mais plutĂŽt d’accepter ce que je suis, avec l’idĂ©e d’amĂ©nagement. Dans les addictions, la question principale est la problĂ©matique du dĂ©placement, donc de la place que l’addiction peut prendre. Et puis il peut y 4

avoir des addictions meilleures que d’autres. Celles qui sont liĂ©es au travail, par exemple. Nous savons que les personnes addictives sont des personnes, trĂšs souvent, passionnĂ©es. Pour en revenir Ă  ma relation forte avec l’image, on peut observer par ailleurs que la passion amoureuse s’oppose Ă  la passion crĂ©atrice. La passion amoureuse peut ĂȘtre une forme de drogue dure. Quant Ă  la passion crĂ©atrice, elle permet de mettre en marche des choses, d’accepter la frustration, de ne pas ĂȘtre dans le « tout », tout de suite, comme l’écriture d’un livre
 S. H. : Au sujet de l’addiction aux jeux et Ă  l’image, la Mission interministĂ©rielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) parle « d’addiction sans drogue ». Reprenez-vous, Ă  votre compte, cette expression ? ComplĂštement. Je dirais que tout objet de plaisir peut devenir une addiction. Il y a des nouveaux objets technologiques qui apparaissent dans notre sociĂ©tĂ© et qui provoquent chez certaines personnes des phĂ©nomĂšnes de dĂ©pendance. Ceux-lĂ  feront tout pour possĂ©der le dernier de ces objets, par exemple. L’image, en elle-mĂȘme, peut ĂȘtre un objet d’addiction. S. H. : Parlons des jeux dits pathologiques. Existe-t-il des diffĂ©rences

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dans la maniĂšre dont un joueur aborde ces jeux ? Tout d’abord, il faut prĂ©ciser que tous les jeux ne sont pas addictogĂšnes. Il faut bien avoir cela Ă  l’esprit quand on aborde cette question. Dans le domaine de la dĂ©pendance au jeu, il existe une classification du joueur en trois phases : l’occasionnel, l’excessif, et le dĂ©pendant. Pour prendre l’exemple du jeu vidĂ©o, que certains appellent « le nouvel objet du plaisir », les joueurs eux-mĂȘmes se dĂ©signent selon leur propre vocabulaire. L’occasionnel est appelĂ© « casual gamer ». Comme son nom l’indique, il pratique le jeu d’une maniĂšre lĂ©gĂšre. L’excessif – le « hard core gamer » – joue sur des pĂ©riodes d’une semaine ou d’un mois, ou plus. C’est un passionnĂ©. Il peut participer Ă  des forums de discussions. Il s’intĂ©resse Ă  la presse et, il faut le signaler, ce profil de joueur travaille souvent dans le domaine du jeu vidĂ©o. Comme le cinĂ©phile qui devient cinĂ©aste. Enfin, le dĂ©pendant : lui s’appelle « no life », une appellation sans aucune ambiguĂŻtĂ©. S. H. : Comment reconnaĂźt-on ce joueur « no life » ? TrĂšs clairement : la totale dĂ©pendance Ă  la vidĂ©o entraĂźne une rupture progressive du lien social, familial, scolaire, amoureux. Nous disons que le jeu, Ă  ce moment, est plutĂŽt du cĂŽtĂ© du


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« game », c’est-Ă -dire de l’enjeu, que de celui du « play », c’est-Ă -dire du plaisir de jouer. Il y a une sorte de cercle qui se rĂ©pĂšte. Et, progressivement, le plaisir de jouer s’estompe. Ce joueur dĂ©pendant connaĂźt une montĂ©e en puissance de la notion du temps qu’il donne au jeu. Cinquante, soixante heures par semaine, parfois plus. Il nĂ©glige le monde rĂ©el pour n’exister que dans son monde virtuel. Il existe des cas dramatiques. J’ai, Ă  titre professionnel, fait hospitaliser deux jeunes dont un – un vrai « no life » – qui avait perdu dix-sept kilos en dĂ©veloppant un eczĂ©ma assez grave. Plus son avatar (personnage crĂ©Ă© par le joueur, son « double » dans le monde virtuel Ndlr) prenait de la distance, plus ce jeune disparaissait. Cela Ă©tant dit, la question de l’addiction demeure compliquĂ©e. Car l’objet de l’addiction est aussi un antidĂ©presseur. Au fond, certaines des personnes n’ayant pas les ressources intĂ©rieures pour baisser le niveau de dĂ©prime ou d’angoisse vont trouver un objet extĂ©rieur avec une illusion de maĂźtrise qui va faire que cet objet-lĂ  va remplir cette fonction. S. H. : Est-ce valable pour toutes les addictions ? Oui. Paradoxalement, l’addiction est aussi une maniĂšre de se soigner. C’est ce que nous rencontrons chez les grands psychotiques. Le dĂ©lire est une forme de soin. Ce n’est pas forcĂ©ment Ă©vident Ă  comprendre mais nous sommes bien dans l’idĂ©e de l’antidĂ©presseur. Ce qui m’intĂ©resse, ce qui m’intrigue, c’est que le jeu vidĂ©o serait comme une sorte d’antidĂ©presseur mais interactif. Je travaille sur cette question : pourquoi cette action du jeu vidĂ©o dans l’addiction au virtuel ? Et non l’alcool ou tout autre produit dangereux. Je vous rappelle toutefois, et heureusement, que le jeu vidĂ©o n’est pas considĂ©rĂ© comme une drogue. S. H. : Oui, mais comment expliquer alors qu’au centre Marmottan un enfant ou un adolescent sur dix consulte aujourd’hui pour un problĂšme liĂ© directement aux jeux vidĂ©o ? Je connais bien la cellule de cyberaddiction ouverte Ă  Marmottan. Moi aussi, je reçois les accros du jeu vidĂ©o, qui reprĂ©sentent d’ailleurs 90 % de ma clientĂšle. Quelques chiffres : la France

© CLAUDINE DOURY / AGENCE VU

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compte Ă  peu prĂšs vingt-huit millions de joueurs de jeu vidĂ©o. Le poids Ă©conomique de cette activitĂ© ludique est Ă©norme, plus important que le cinĂ©ma. Il y aurait entre huit et neuf cent mille personnes que l’on dĂ©signe sous l’appellation « monde-persistant ». Des MMO ou « Massivement Multi personne On line ». Ces huit Ă  neuf cent mille personnes sont – ou vont devenir – dĂ©pendantes. Pourquoi ? Parce qu’elles jouent Ă  des jeux que je qualifie d’addictogĂšnes. Ces jeux vidĂ©o « on line » se pratiquent avec de gros ordinateurs, sur Internet, avec d’autres joueurs. S. H. : Quelles sont les caractĂ©ristiques de ces jeux que vous qualifiez d’addictogĂšnes ? L’exemple de ce type de jeu est le « World of Warcraft », dĂ©nommĂ© le WOW. Ce jeu ne demande aucune compĂ©tence particuliĂšre de l’utilisateur. Le jeu vidĂ©o est souvent trĂšs dur et il n’est pas Ă©vident de passer d’une premiĂšre mission Ă  une seconde. Le WOW est chronophage. L’idĂ©e est la montĂ©e en puissance de son avatar pour qu’il passe d’un niveau 0 Ă  un niveau 70. Et pour cela, il suffit simplement de tuer des petits monstres. Le temps nĂ©cessaire pour cette action est de 95 heures
 C’est une moyenne. Au niveau 70, vous entrez dans une guilde, un regroupement de joueurs. L’idĂ©al est d’ĂȘtre dans une guilde d’élite. Cette guilde exige du joueur d’ĂȘtre prĂ©sent trois nuits par semaine de

21 h Ă  1 h du matin. Imaginez l’adolescent pour qui aller Ă  l’école devient un enfer puisqu’il a Ă©tĂ© un hĂ©ros durant plusieurs heures. VoilĂ , selon moi, l’exemple type du jeu pathologique. J’ai fait partie d’une commission – le Forum des droits sur Internet – sur ce sujet avec des reprĂ©sentants du ministĂšre de l’IntĂ©rieur ou de la SantĂ©. Pourquoi ne pas mettre des verrous, pas seulement parentaux, des signes reprĂ©sentant une sorte de pĂ©nibilitĂ©, permettant de dissuader Ă  un moment le joueur d’avoir une consommation excessive ? La rĂ©alitĂ© est lĂ  : le WOW touche quelque cinq cent mille joueurs en France. S. H. : Quels sont les principaux renseignements que vous retenez de votre action de psychanalyste visĂ -vis de ces dĂ©pendants ? Les patients que je reçois sont des joueurs de milieu plutĂŽt favorisĂ©. Leur Ăąge va de 14 Ă  25 ans, voire 30 ans. La majoritĂ© d’entre eux a entre 14 et 17 ans. Ils sont souvent dĂ©scolarisĂ©s. Ils vivent seuls avec leur maman. Une mĂšre qui n’est pas toujours trĂšs bien. Si le pĂšre est lĂ , il est parfois absent aussi bien rĂ©ellement que symboliquement. De plus, et c’était une hypothĂšse que j’avais posĂ©e il y a quelque temps et qui se confirme aujourd’hui : 90 % de ces enfants, je dis bien 90 %, ont Ă©tĂ© diagnostiquĂ©s dans leur jeunesse avec un haut potentiel intellectuel. Ces enfants ont Ă©tĂ© diagnostiquĂ©s prĂ©coces.

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S. H. : Comment expliquez-vous cela ? Les enfants prĂ©coces testĂ©s Ă  5 ou 6 ans possĂšdent des QI parfois impressionnants. Alors, les parents ne regardent plus leur enfant comme avant. Parfois, ils l’investissent mĂȘme d’une parure de hĂ©ros, du moins d’un futur hĂ©ros. Le problĂšme est que ces enfants Ă  intelligence prĂ©coce ne sont pas habituĂ©s Ă  travailler. Ils ne savent pas ce qu’est « fournir un effort ». Eh bien – et c’est quasi systĂ©matique –, en classe de 4e, une chute des rĂ©sultats est observĂ©e. La chute des notes accompagne l’effondrement du statut de hĂ©ros. Il passe Ă  celui de trĂšs mauvais Ă©lĂšve. Et je constate que le jeune « prĂ©coce » surinvestit le jeu comme pour continuer Ă  ĂȘtre ce hĂ©ros. S. H. : On est dans la symbolique de l’image ? Bien sĂ»r. Dans mon livre Les Ă©crans, ça rend accro
2, j’évoque le poids de

la tyrannie de l’image de soi. Le soi est devenu quelque chose d’incontournable. Et l’image du surdouĂ©, du prĂ©coce qui d’un seul coup chute complĂštement est une blessure quant Ă  l’estime de soi. Le jeu va ĂȘtre une maniĂšre de se soigner, en ayant quelque part des victoires, en incarnant surtout ce hĂ©ros. S. H. : Vous dites aussi que le jeu est nĂ©cessaire et qu’il est mĂȘme constructeur pour l’adolescent ? ÉnormĂ©ment d’enfants ont, comme moi je l’ai eue, la tĂ©lĂ© comme nurse cathodique. Je tente de dire qu’au fond l’enfant a, de lui-mĂȘme, le fantasme d’entrer dans l’image, d’ĂȘtre Ă  l’image. Ce que d’ailleurs notre sociĂ©tĂ© cultive fortement dans son rapport Ă  l’image : la « messe » de 20 h, le « reality show »  Le jeu vidĂ©o propose un geste interactif et celui-ci arrive au bon moment, comme une sorte de contre-culture de cette image idĂ©ale. Une contre-culture propre Ă  l’adolescence et qui en accompagne le processus. Face Ă  l’écran, le

corps est engagĂ©. La main est un outil de dĂ©couverte, comme pour le jeune enfant. Mais Ă  la diffĂ©rence de l’image tĂ©lĂ©visuelle, oĂč le corps agit comme un rĂ©ceptacle, le jeu vidĂ©o permet avec la main de s’approprier les images, de les dĂ©former, de les tuer. Je pense sincĂšrement qu’il est important d’apprendre Ă  quelqu’un qui ne sait pas jouer, Ă  jouer. La vidĂ©o peut ĂȘtre un dĂ©clencheur, une illusion nĂ©cessaire. Je pense aussi que le jeu vidĂ©o est Ă©galement une cour de rĂ©crĂ©ation et de re-crĂ©ation. Propos recueillis par Denis Dangaix Journaliste.

1. CrĂ©ateur de l’Observatoire des mondes numĂ©riques en sciences humaines. 2. Stora M. Les Ă©crans, ça rend accro
 Paris : Hachette LittĂ©ratures, coll. Ça reste Ă  prouver, 2007 : 116 p.

Marmottan : Ă  l’écoute des jeunes « accros » aux jeux vidĂ©o Au Centre des pratiques addictives Marmottan, Ă  Paris, un jeune sur dix consulte pour une addiction aux jeux vidĂ©o. Les mĂ©decins voient aussi arriver des accros Ă  Internet. Le service de pĂ©dopsychiatrie effectue un travail d’accompagnement pour rĂ©insĂ©rer ces jeunes dans le rĂ©el, diminuer leur temps d’addiction. Les psychiatres parlent de « devoir d’accueil et d’écoute ». Visite du service avec le docteur Dan VĂ©lĂ©a. Le Centre de soins et d’accompagnement des pratiques addictives, plus connu sous le nom de Centre mĂ©dical de Marmottan1, a Ă©tĂ© crĂ©Ă©, en 1971, par le professeur Claude Olivenstein. Cette structure publique de soins est ouverte Ă  toute personne concernĂ©e par des problĂšmes d’usage de produits licites ou illicites ou d’autres formes de dĂ©pendance. Le docteur Dan VĂ©lĂ©a est un membre de l’équipe de praticiens, qui consulte et accompagne des « clients », comme le prĂ©cise la plaquette de prĂ©sentation du centre. Ce psychiatre a une particularitĂ© : avec son collĂšgue Michel 6

Hortefeuille, il participe, notamment, Ă  une consultation ouverte depuis une dizaine d’annĂ©es pour des personnes, souvent jeunes, « accros » aux jeux vidĂ©o. « Nous vivons une constante Ă©volution dans nos contacts avec les gens venant au centre, explique le docteur VĂ©lĂ©a. Quelle que soit l’addiction, nous avons un devoir d’accueil, sans condition prĂ©alable, et d’accompagnement. Tout passe par l’écoute. »

Une forme de dĂ©pendance En trente-cinq annĂ©es, Marmottan s’est forgĂ© une pratique basĂ©e sur une

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Ă©quipe pluridisciplinaire oĂč, de l’accueillant Ă  l’intervenant, chacun participe au suivi. Un processus d’évaluation, comportant tous les aspects, psychothĂ©rapeutiques, pharmacologiques, mĂ©dicaux et sociaux, fait partie du projet de soins Ă©laborĂ© avec la personne. La mĂ©thode est rodĂ©e. Les principes d’intervention sont inscrits dans la pratique quotidienne. Elles sont fondĂ©es sur le volontariat, l’anonymat et la gratuitĂ© des soins. Trente-cinq annĂ©es de suivi de cas de toxicomanie et de dĂ©pendance procurent une expĂ©rience indĂ©niable et un certain regard


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nous y trompons pas, font souffrir de la mĂȘme maniĂšre les personnes concernĂ©es et leur entourage. »

Du virtuel au rĂ©el Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, appelons-le Michel – un jeune homme d’une vingtaine d’annĂ©es – est dĂ©pendant aux jeux vidĂ©o. Un vrai « no-life » (voir entretien avec Michael Stora). Il se couche aprĂšs avoir jouĂ©. Il se rĂ©veille et il joue Ă  nouveau. Un long accompagnement a permis Ă  Michel de mieux vivre sa passion. L’informatique devient, peu Ă  peu, son domaine de travail. A-t-il, pour cela, perdu toute passion pour le jeu ? Ce changement de centre d’intĂ©rĂȘt a-t-il provoquĂ© une re-normalisation ? Les questions sont posĂ©es. Ce patient de Dan VĂ©lĂ©a est, selon lui, typique de cette complexitĂ©. « Voyons, explique le mĂ©decin, ce jeune homme arrive au centre, totalement Ă©puisĂ©, trĂšs dĂ©sinvesti, sans repĂšres. Une seule chose le passionne : le jeu vidĂ©o. Il est un exemple de ce que nous appelons la centration : le jeu est son unique centre d’intĂ©rĂȘt, son pĂŽle stimulant et dĂ©structurant. Aujourd’hui, il assemble des ordinateurs toute la journĂ©e et il joue, non Ă  toute heure et Ă  tout moment, mais sur son lieu de travail. Il a passĂ© un contrat moral avec lui-mĂȘme. Il ne pouvait plus continuer comme cela. »

© BOUTET JEAN-PIERRE/OREDIA

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sur la sociĂ©tĂ©. « L’addiction aux jeux est clairement prĂ©sente dans notre quotidien Ă  Marmottan, raconte Dan VĂ©lĂ©a, et elle nĂ©cessite de notre part une attention prĂ©cise. Elle correspond Ă  des pratiques sociĂ©tales, Ă  des manifestations comportementales, Ă  un environnement qu’il nous faut comprendre. Mais, tempĂšre-t-il, je ne pense pas que cette addiction soit originale au sens oĂč elle serait un cas atypique de troubles psychologiques. C’est une forme de dĂ©pendance comme d’autres. »

Des nouvelles addictions Le docteur VĂ©lĂ©a illustre cette apprĂ©ciation par une sĂ©rie de constats. Dans les annĂ©es 1970-1980, sa pratique Ă©tait tournĂ©e vers la toxicomanie. « Nous Ă©tions dans la pĂ©riode de la substitution aux opiacĂ©s avec une apparition de nouvelles formes de toxicomanie. Des produits, la cocaĂŻne, le crack puis le dĂ©veloppement du cannabis Ă©taient prĂ©gnants. » Les accros aux jeux vidĂ©o sont apparus, selon lui, il y a une quinzaine d’annĂ©es comme une nouvelle forme de dĂ©pendance touchant de plus en

plus de jeunes gens. Aujourd’hui, le fait est lĂ  : un adolescent sur dix consulte Ă  Marmottan pour ce problĂšme, ce qui conforte la dĂ©cision prise, en 2000, d’ouverture d’un nouveau service en pĂ©dopsychiatrie. « Mais, explique Dan VĂ©lĂ©a, si nous savons ce qu’est une addiction, notamment avec produit, nous dĂ©couvrons au fur et Ă  mesure de nos consultations des dĂ©pendances nouvelles avec leurs complexitĂ©s et leurs troubles. Il y a, certes, l’addiction aux jeux et particuliĂšrement aux jeux vidĂ©o, mais aussi des addictions prĂ©cises dont personne ne parle rĂ©ellement. » Parmi celles-ci, le Centre recense des cas d’addiction Ă  Internet, des dĂ©pendants Ă  l’achat on line, l’addiction sportive, l’addiction sexuelle et surtout l’addiction au travail. « À l’heure actuelle, constate Dan VĂ©lĂ©a, nous sommes dans une phase de dĂ©veloppement de ces addictions. Nous partageons entre nous des consultations sur des problĂ©matiques transversales : la performance, par exemple. Nous sommes dans des addictions trĂšs silencieuses qui, ne

Michel a donc fait une formation d’infographisme. Le fait de crĂ©er des jeux vidĂ©o est apparu pour lui plus intĂ©ressant que la pratique du jeu. Sa fascination pour l’informatique a transformĂ©, peu Ă  peu, sa quĂȘte de la performance fictive en un travail normĂ©. « Comme si ce jeune homme passait du virtuel au rĂ©el, commente le docteur Dan VĂ©lĂ©a. Je ne sais pas s’il est re-normalisĂ© en gardant le cĂŽtĂ© plaisir que lui procure ce travail, ajoute-t-il. Il me dit qu’il continue Ă  jouer six heures par jour. Mais je constate aussi que ce jeune homme se couche Ă  des heures un peu plus rĂ©guliĂšres, qu’il se rĂ©veille, qu’il se douche. » Un retour Ă  la « vraie » vie ? Denis Dangaix Journaliste.

Contact 17-19, rue d’ArmaillĂ© – 75017 Paris TĂ©l. : 01 45 74 00 14 www.hopital-marmottan.fr

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Le jeu pathologique : une addiction rĂ©elle, sans drogue Le plan « Prise en charge et prĂ©vention des addictions », prĂ©sentĂ© fin 2006 par le ministĂšre de la SantĂ©, a introduit la question du jeu pathologique. Le manque cruel de donnĂ©es Ă©pidĂ©miologiques entraĂźne une demande d’études et de recherches cliniques. Le rapport VĂ©nisse sur les addictions sans drogue prĂ©conise la crĂ©ation d’un centre de rĂ©fĂ©rence par interrĂ©gion, centre d’écoute et d’orientation des « joueurs addictifs » en difficultĂ© et de leur entourage. Au moins six cent mille Français sont « accros » au jeu pathologique (vidĂ©o, jeu d’argent, etc.). Le sujet des « addictions sans produits » aurait-il une place Ă  part dans l’attention que portent les pouvoirs publics sur les dĂ©pendances ? La question mĂ©rite d’ĂȘtre posĂ©e en ces termes quand apparaissent, ici et lĂ , des alertes provenant de milieux scientifiques ou/et hospitaliers. Dans la revue Synapse (1) de juin 2006, le professeur Jean-Luc VĂ©nisse, chef du service d’addictologie du CHU de Nantes et prĂ©sident du CollĂšge d’addictologie de la FĂ©dĂ©ration française de psychiatrie, signait un Ă©ditorial au titre percutant : « Le scandale des addictions sans drogue ». Il expliquait en quoi une vision transversale des conduites de dĂ©pendance pathologique, centrĂ©e sur les comportements plutĂŽt que les produits, a permis « un dĂ©cloisonnement nĂ©cessaire de pratiques antĂ©rieures trop rĂ©fĂ©rĂ©es Ă  la nature des produits consommĂ©s, aussi bien dans le champ du soin que de la prĂ©vention ». Cette vision a, au passage, Ă©tĂ© impulsĂ©e par le plan gouvernemental 1999-2002 et la Mission interministĂ©rielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Partant du constat des rapprochements – aux niveaux clinique, physiopathologique et psychopathologique – de comportements souvent associĂ©s chez les patients concernĂ©s, « des rapprochements validĂ©s au niveau thĂ©orique et scientifique », l’auteur de l’article pose un constat sans appel. « Force est de constater que le sort des addictions sans drogue est toujours, dans notre pays, restĂ© un sujet plus ou moins tabou et de ce fait exclu des recommandations et 8

© CLAUDINE DOURY / AGENCE VU

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dispositifs de soins et de prévention prévalant par ailleurs en la matiÚre. » Et interroge : « Combien de temps faudrat-il encore pour que ces addictions soient considérées comme un réel problÚme de santé publique ? »

Une question orpheline En mai 2006, la Mildt avait chargĂ© le professeur VĂ©nisse d’une mission exploratoire d’information sur la question des addictions sans produit. La Mildt faisait alors valoir que « le phĂ©nomĂšne des addictions sans produit suscite depuis une vingtaine d’annĂ©es un intĂ©rĂȘt et, partant, un courant de recherche qui est loin d’ĂȘtre nĂ©gligeable au niveau international. La France est restĂ©e jusqu’ici trĂšs en retrait sur cette problĂ©matique (
). À cĂŽtĂ© des formes classiques d’addiction au jeu (dĂ©pendance aux

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jeux d’argent et/ou aux jeux de hasard), de nouveaux types d’addiction apparaissent et retiennent l’attention, comme l’addiction Ă  l’Internet et aux jeux vidĂ©o. » Et la Mildt de poursuivre : « Ces nouvelles formes interpellent tout particuliĂšrement les parents, les Ă©ducateurs et les pouvoirs publics dans la mesure oĂč elles peuvent toucher des enfants relativement jeunes ainsi que des prĂ©adolescents et des adolescents (
). La question des addictions sans produit apparaĂźt donc bien comme une question orpheline en France, que l’on raisonne en termes de prĂ©vention, de soins ou de recherche. » 2006 sera une annĂ©e charniĂšre sur ce sujet car, outre les conclusions du rapport VĂ©nisse, en dĂ©cembre, et la prĂ©sentation d’un rapport sur le sujet par le sĂ©nateur Trucy, l’inclusion du jeu pathologique est


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enregistrée, le 15 novembre, au sein du plan « Prise en charge et prévention des addictions » présenté par le ministÚre de la Santé.

Beaucoup d’ambivalences Que sait-on sur le problĂšme spĂ©cifique des usages Ă  risque d’Internet ou de la pratique des jeux vidĂ©o ? Quelques constats, en rĂ©alitĂ©. La littĂ©rature internationale, largement rĂ©fĂ©rencĂ©e dans le rapport VĂ©nisse, provenant notamment de travaux dirigĂ©s au Canada et aux Pays-Bas, Ă©voque l’absence de donnĂ©es Ă©pidĂ©miologiques et de politique sanitaire en France. Des donnĂ©es apportĂ©es par de nombreuses Ă©quipes pluridisciplinaires françaises apportent quelques indications. Elles demeurent toutefois gĂ©nĂ©rales. La revue internationale des toxicomanies et des addictions Psychotropes, en 2005 (2), explique, par exemple, que les usages Ă  risque d’Internet, la pratique des jeux vidĂ©o, suscitent beaucoup d’ambivalences. « De nombreux auteurs insistent pour reconnaĂźtre les vertus ludiques et structurantes, voire auto-thĂ©rapeutiques, de pratiques, y compris intensives, des jeux vidĂ©o pour la trĂšs grande majoritĂ© des jeunes et moins jeunes qui s’y adonnent. » Les jeux favoriseraient dans le mĂȘme temps la socialisation et la sĂ©paration de l’autre. Ils participeraient aussi d’une transformation des modes de sociabilitĂ©, du rapport Ă  l’autre et Ă  soi. Enfin, la plupart des auteurs s’accordent pour dire (que) « ce ne sont ni les jeux d’action, ni les jeux de rĂ©flexion mais bien les jeux de simulation, et en particulier les jeux de rĂŽle multijoueurs en univers persistant, c’est-Ă -dire, d’une certaine façon, sans fin, qui comportent le plus de risques de dĂ©rive addictive chez des sujets fragiles. » Et de noter l’impact nĂ©gatif de la communautĂ© des joueurs de World of Warcraft (WOW) (voir l’entretien avec Michael Stora).

Un dispositif thĂ©rapeutique En dĂ©cembre 2006, le professeur Jean-Luc VĂ©nisse, en collaboration avec le professeur Jean Ades, chef du service psychiatrie Ă  l’hĂŽpital Louis-Mourier de Colombes et le docteur Marc Valleur du Centre mĂ©dical Marmottan, a remis son rapport Ă  la Mildt. Les auteurs de ce travail collectif insistent tout d’abord sur l’urgence de rĂ©aliser des Ă©tudes en s’appuyant sur des organismes officiels dĂ©jĂ  engagĂ©s dans le champ des addictions : Mildt et OFDT. « La rĂ©alisation de tra-

vaux de recherche clinique et paraclinique est un prolongement nĂ©cessaire de ces Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques permettant de caractĂ©riser un certain nombre de facteurs de risque, tenant notamment aux types de jeu pratiquĂ©s et Ă  des facteurs de vulnĂ©rabilitĂ© chez certains joueurs. » De plus, les auteurs prĂ©conisent (qu’) « un dispositif thĂ©rapeutique puisse ĂȘtre constituĂ©, par exemple Ă  partir de centres rĂ©fĂ©rence au niveau de chacune des interrĂ©gions incluant une structure d’écoute et d’orientation des joueurs en difficultĂ© ainsi que de leur entourage ». Enfin, au niveau de la prĂ©vention, la crĂ©ation d’un observatoire des jeux, indĂ©pendant et pluridisciplinaire apparaĂźt, Ă©crivent les auteurs du rapport, « comme la seule maniĂšre de prendre en compte la complexitĂ© des questions et enjeux soulevĂ©s, a fortiori dĂšs lors que le problĂšme des jeux en ligne et des jeux vidĂ©o doit ĂȘtre Ă©galement envisagĂ© ».

nformation Une lettre d’i our tout mensuelle p actualitĂ© savoir sur l’ tion de la prĂ©ven tion et de l’éduca pour la santĂ©

Plus de six cent mille « accros » en France Lors d’un colloque, Ă  Dijon, en mai 2008, sur le thĂšme « L’addiction
 s’il vous plaĂźt », les experts ont rappelĂ© que les seules donnĂ©es disponibles proviennent des pays anglo-saxons, qui ont fait entrer, dĂšs 1980, la notion de « jeu pathologique » dans la classification internationale des pathologies psychiatriques. Par extrapolation, les spĂ©cialistes Ă©valuent le nombre de joueurs pathologiques entre 2 % et 6 % des joueurs, soit de 600 000 Ă  1,5 million de Français. Le prĂ©sident de la Mildt, Étienne Apaire, a soulignĂ© que les « addictions sans produit, comme le jeu excessif, sont des phĂ©nomĂšnes naissants dont les consĂ©quences sanitaires et sociales pourraient ĂȘtre sous-estimĂ©es ». Le professeur Robert Ladouceur, de l’universitĂ© Laval de QuĂ©bec, l’un des spĂ©cialistes rĂ©putĂ©s de l’addiction aux jeux, a mis au point une thĂ©rapie pour les joueurs pathologiques qui a Ă©tĂ© reprise dans plusieurs pays. Lors de ce colloque, il a regrettĂ© l’absence d’études sanitaires sur l’addiction aux jeux vidĂ©o mais aussi aux jeux d’argent.

Abonnez-vous gratuitement ! www.inpes.sante.fr

Denis Dangaix Journaliste.

(1) Synapse n° 226, juin 2006 : 25-6. (2) Dirigé par Michel Hautefeuille et Marc Valleur.

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Entretien avec le docteur Philippe Batel, psychiatre et alcoologue, chef de service de l’unitĂ© de traitement ambulatoire des maladies addictologiques de l’hĂŽpital Beaujon, Ă  Clichy.

Changer les reprĂ©sentations de l’alcool et des soins Philippe Batel reçoit chaque jour, depuis des annĂ©es, des patients dĂ©pendants Ă  l’alcool qui veulent « en sortir ». Pour lui, la relation Ă  l’alcool peut ĂȘtre comparĂ©e Ă  une histoire d’amour. Il constate face Ă  l’alcool une forme de dĂ©ni de la sociĂ©tĂ©, des patients euxmĂȘmes, mais aussi des soignants. Prise en compte du parcours de vie, accompagnement et dialogue sont les maĂźtres mots de toute prise en charge pour ce spĂ©cialiste qui salue le travail remarquable effectuĂ© par les groupements d’entraide. Une analyse rassemblĂ©e dans un ouvrage qu’il vient de publier (1). La SantĂ© de l’homme : Pourquoi Ă©crire un ouvrage Ă  quatre mains sur l’alcool avec un de vos anciens patients ? Philippe Batel : Un jour, un malade m’a dit : « Comment pouvez-vous chercher Ă  nous comprendre, alors que vous n’ĂȘtes pas malade ? » Initialement, cette question m’a agacĂ©. Je lui ai rĂ©pondu d’une maniĂšre un peu automatique : « Heureusement que tous les diabĂ©tologues ne sont pas diabĂ©tiques et que les cancĂ©rologues n’ont pas un cancer. » C’est une rĂ©ponse un peu idiote mais cette question pose un problĂšme plus gĂ©nĂ©ral qui est, selon moi, la diffĂ©rence entre le savoir et l’expĂ©rience. Comment se partage la connaissance ? La connaissance Ă©prouvĂ©e, c’est-Ă -dire l’expĂ©rience, apporte des compĂ©tences bien plus importantes pour rĂ©flĂ©chir. Elle donne une « traçabilitĂ© » pour acquĂ©rir la capacitĂ© de reconnaĂźtre celui qui est en difficultĂ©. Car la pathologie de l’alcool entraĂźne des situations cliniques diverses. Si nous nous contentons de la connaissance mĂ©dicale, qui demeure trĂšs acadĂ©mique, trĂšs « validĂ©e », elle ne peut Ă  elle seule reflĂ©ter cette complexitĂ©. L’écriture de ce livre, avec onze de mes anciens patients, est une maniĂšre d’ajouter quelque chose de diffĂ©rent Ă  nombre d’excellents ouvrages. S. H. : Vous dites en prĂ©ambule : « Le parcours des malades de l’alcool est l’obsession des soignants en alcoo10

logie ». Quelle est cette « obsession » que vous semblez partager ? Cette obsession partagĂ©e, c’est arriver Ă  comprendre. Ou, plus exactement, parvenir Ă  reconstituer les Ă©lĂ©ments. Nous sommes dans un modĂšle mĂ©dical qui ne peut pas ĂȘtre basĂ© sur le simple fait d’identification de la cause de la maladie pour pouvoir la soigner. Nous sommes bien dans quelque chose qui est de l’ordre de l’accompagnement. Et, pour un addictologue, l’accompagnement, c’est aider, d’une part, Ă  promouvoir le changement, d’autre part, Ă  le rendre rĂ©alisable. Ce changement-lĂ  s’inscrit dans une trajectoire, un parcours, un itinĂ©raire de vie dans lequel il y a un sujet qui va rencontrer un produit. Dans un premier temps, une liaison se construit Ă  distance, amicale, amoureuse, Ă©panouie, etc. TrĂšs rapidement des dĂ©gĂąts collatĂ©raux apparaissent. Quand je rencontre un patient, je sais qu’il vient aussi m’apporter des Ă©lĂ©ments qui vont se dĂ©rouler sur vingt, trente, parfois quarante ans. La reconstitution des Ă©lĂ©ments de vie est capitale comme Ă©lĂ©ment d’accompagnement. Et, bien sĂ»r, il n’y a pas que le lien avec l’alcool qui compte. Il y a les maladies, le relationnel, les psychiques, les amours, les passions, les mĂ©tiers, etc. S. H. : Le coauteur de l’ouvrage, Serge NĂ©dĂ©lec, affirme (qu’) « il est

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possible de se soigner et de vivre mieux sans alcool ». Pourquoi alors seul un malade sur cinq, en France, accepte de faire une demande de soins ? Parce que le systĂšme est basĂ© sur des fausses reprĂ©sentations des soins. Celles-ci sont extrĂȘmement prĂ©judiciables par rapport au but recherchĂ©. Car, en dehors du fait qu’elles sont fausses, elles sont trĂšs rebutantes pour que le patient entre dans le parcours de soins. Il imagine que le soin est avant tout une intention comminatoire et qu’il lui faudra jurer, du jour au lendemain, qu’il s’interdit de consommer ce produit. La nature mĂȘme de la maladie dĂ©montre qu’il n’est jamais prĂȘt Ă  cela. La maladie de l’alcool, c’est l’ambivalence : bĂ©nĂ©fices et inconvĂ©nients. Je compare cela Ă  une histoire d’amour qui se termine mal. Nous sommes trĂšs souvent ambivalents Ă  la fin d’une histoire d’amour. Nous trouvons toujours du pour et du contre Ă  quitter quelqu’un, y compris quand la situation vire au drame. Le malade, dans sa reprĂ©sentation, pense qu’il ne peut y avoir que des moyens trĂšs lourds Ă  mettre en place pour pouvoir changer. Ce qui est faux. J’entends par « moyens lourds », hospitalisation, soins longs. J’entends ce mythe stupide de cure hospitaliĂšre. Le patient est persuadĂ© qu’un soignant va lui demander un contrat d’abstinence. L’abstinence n’est qu’un moyen d’aller mieux, ce n’est pas un but. Un soignant qui


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demanderait Ă  un malade de signer un contrat d’abstinence serait vraiment trĂšs incompĂ©tent. S. H. : Il semble, dans votre ouvrage, que vous doutiez de la formation donnĂ©e aux professionnels de santĂ©. N’est-ce pas du fait que la maladie demeure un tabou ? Je doute fortement, oui. Les maladies existent par les malades : ce sont bien les sujets qui portent une souffrance caractĂ©risĂ©e Ă  partir de laquelle un mĂ©decin aura Ă  qualifier une maladie. LĂ , nous sommes dans une souffrance qui n’est pas encore considĂ©rĂ©e comme une maladie parce qu’elle est encore sous une chape de plomb de l’opprobre moral. Le malade de l’alcool, j’insiste sur ce terme, est vu comme quelqu’un qui a un travers. Il manque de volontĂ©. Du coup, en cascade, ces malades ne peuvent ĂȘtre reconnus comme tels. Nous sommes dans un cercle vicieux : moins la maladie est reconnue, moins celle-ci est repĂ©rĂ©e. Pourtant il y a quelque chose qui me frappe. Dans notre service, j’observe que, parmi les personnes qui ont un risque Ă©levĂ© de dĂ©velopper des dĂ©pendances aux produits psychoactifs, en particulier Ă  l’alcool, les mĂ©decins et les personnels soignants ont un risque Ă  peu prĂšs deux fois plus important que les autres personnes que nous recevons et accompagnons. C’est une maladie que nous ne voyons pas venir, et quand nous l’avons vue, nous ne savons pas comment la prendre en charge. Les malades sont souvent accusĂ©s d’ĂȘtre dans le dĂ©ni. Je pense que, souvent, ce dĂ©ni vient des soignants. De toutes parts, il faut changer les reprĂ©sentations que la population mais aussi les professionnels ont de l’alcool. S. H. : Vous insistez sur les groupements d’entraide. Vous dites qu’ils sont efficaces. Pourquoi ? Cela fait partie de mon expĂ©rience d’une annĂ©e passĂ©e aux États-Unis Ă  frĂ©quenter, une fois par semaine, un groupe ouvert d’alcooliques anonymes. Cette parole libĂ©rĂ©e, ce qui se dit entre souffrants, ces discours, parcours de vie, histoires partagĂ©es ont accru mon niveau de conscience sur l’intensitĂ© de la souffrance liĂ©e Ă  l’alcool ; mais Ă©galement sur le sentiment d’impuissance majeur que peuvent avoir les

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Campagne « Boire trop », INPES, juillet 2008.

malades. Cette capacitĂ© de codifier la souffrance est la maniĂšre de faire partager, ensemble, ce qu’ils ressentent. C’est aussi de la sorte qu’ils se dĂ©signent en tant qu’identitĂ©. Cette solidaritĂ© est bien plus importante que n’importe quelle technique ou approche mĂ©dicale pour faire reculer la rĂ©sistance, ce fameux dĂ©ni.

tique fiscale. Il a crĂ©Ă© une taxe sur le verre d’alcool vendu. L’argent rĂ©coltĂ© allait directement aux campagnes de prĂ©vention. Je peux vous dire que cela a eu un impact majeur sur la santĂ©. À tel point que le jour oĂč cette action s’est arrĂȘtĂ©e, une augmentation de la mortalitĂ© liĂ©e Ă  l’alcool a Ă©tĂ© observĂ©e dans les trois mois.

Pour en revenir Ă  la prĂ©vention et Ă  l’accompagnement des personnes dĂ©pendantes, je pense qu’il nous faut traiter l’alcool comme les autres produits psychoactifs et inviter chaque sujet Ă  se regarder dans une glace. Nous devons trĂšs vite donner les moyens aux consommateurs de se faire leur propre Ă©valuation. Si nous parvenons Ă  faire cela sur l’ensemble de la population, nous aurons gagnĂ© en prĂ©vention. C’est quoi, boire trop ? Dans la tĂȘte des gens, la rĂ©ponse est floue. Surtout quand boire trop, c’est devenir dĂ©pendant. Ce peut ĂȘtre vingt ans de parcours de vie avec le produit.

S. H. : Concernant les jeunes, quelle serait la bonne mesure Ă  prendre en matiĂšre d’éducation pour la santĂ© ?

S. H. : ConnaĂźtriez-vous un exemple de prĂ©vention rĂ©ussi Ă  l’étranger dont nous pourrions nous inspirer ?

Propos recueillis par Denis Dangaix.

Oui, un programme australien que je trouve trÚs habile. Le gouvernement a lié, sur dix ans, la prévention à une poli-

Faire vivre le dĂ©bat. Que l’on prenne des mesures d’interdiction, je suis d’accord, notamment pour dĂ©normaliser le produit. Mais, ce qui est essentiel, c’est d’essayer de comprendre en Ă©coutant les adolescents eux-mĂȘmes, et savoir ce qu’ils attendent de ce produit. Nous avons suffisamment d’exemples qui indiquent un caractĂšre ostentatoire majeur dans l’alcoolisation massive des jeunes, dans le binge-drinking
 Donnons la parole.

(1) Batel P., NĂ©dĂ©lec S. Alcool : de l’esclavage Ă  la libertĂ©. Paris : Éditions DĂ©mos, 2007 : 266 p.

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« Ancien dĂ©pendant, je suis devenu “passeur” entre les soignants et les malades de l’alcool » Ancien alcoolo-dĂ©pendant, Serge NĂ©dĂ©lec a Ă©crit ce livre avec le professionnel qui l’a accompagnĂ© vers la guĂ©rison. Investi dans un groupe de parole, il se considĂšre comme « passeur » entre soignants et malades. Il plaide pour que les anciens malades de l’alcool interviennent davantage dans l’accompagnement des patients parce qu’ils apportent une parole vĂ©cue, y compris sur les moyens pour s’en sortir. La SantĂ© de l’homme : En quoi l’écriture Ă  quatre mains vous a-telle aidĂ© dans votre parcours de soins ? Serge NĂ©dĂ©lec : L’écriture de ce livre, en collaboration avec le docteur Philippe Batel, forme la rĂ©alisation de mon premier projet d’homme abstinent, je suis trĂšs heureux de l’avoir menĂ© Ă  bout en sa compagnie. Le second projet, en lien avec ce livre et ce mĂȘme mĂ©decin, est Ă©galement devenu rĂ©alitĂ©, il s’agit de la coanimation d’un groupe de parole d’aide Ă  l’abstinence au sein de l’hĂŽpital Beaujon. Le recueil des tĂ©moignages et leur publication accompagnĂ©e des commentaires de mon alcoologue a constituĂ© pour moi un excellent moyen de rencontrer un grand nombre de personnes ayant chacune son propre itinĂ©raire avec la dĂ©pendance Ă  l’alcool et la mise en Ɠuvre de moyens pour s’en sortir. Chacune de ces rencontres m’a enrichi et permis de relativiser en mĂȘme temps que de singulariser mon propre parcours. C’est une maniĂšre personnelle de transformer mon rĂŽle de malade en celui « de passeur » aux cĂŽtĂ©s d’un alcoologue. S. H. : Les tĂ©moignages recueillis dĂ©montrent qu’il est possible de sortir de la dĂ©pendance liĂ©e Ă  l’alcool. Par l’écoute et l’accompagnement, diriez-vous ? Chacun de ces tĂ©moignages dĂ©montre, par l’exemple, qu’il est possible de sortir de la dĂ©pendance active Ă  l’alcool Ă  la premiĂšre condition de parvenir Ă  se reconnaĂźtre comme malade dĂ©pendant de l’alcool. En ce domaine, les proches et les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes peuvent jouer un rĂŽle important. Une fois la 12

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maladie reconnue et identifiĂ©e, il est le plus souvent nĂ©cessaire d’accepter de demander de l’aide pour se soigner. S’en sortir constitue souvent un long parcours qui implique une certaine transformation de la personne pour lui permettre de vivre mieux sa vie avec l’abstinence que durant la pĂ©riode oĂč elle s’alcoolisait. Cette transformation est propre Ă  chaque individu mais elle est souvent facilitĂ©e par l’acceptation que pour vivre il est possible d’avoir de nouveaux alliĂ©s. Chacun peut trouver de nouveaux alliĂ©s au sein d’un groupe de parole ou d’entraide, auprĂšs d’un mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste ou d’un service d’alcoologie mais aussi au sein de sa propre famille ou d’un rĂ©seau d’amis. Le temps est une donnĂ©e essentielle pour le rĂ©tablissement car le parcours peut ĂȘtre jalonnĂ© de pĂ©riodes de rĂ©alcoolisation plus ou moins longues et douloureuses. Pour ceux qui sont auprĂšs d’une personne qui est sur ce chemin, il est important de conserver la confiance qu’il pourra s’en sortir, de ne jamais renoncer Ă  l’idĂ©e qu’un avenir meilleur est possible. La confiance est une arme thĂ©rapeutique essentielle pour l’accompagnement d’un alcoolodĂ©pendant.

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S. H. : Qu’avez-vous envie de dire aux professionnels de santĂ© Ɠuvrant dans la prĂ©vention ? L’alcoolo-dĂ©pendance est un vrai problĂšme de santĂ© publique dans notre pays, dans lequel la parole des malades n’est pas suffisamment reconnue, entendue dans l’espace public ni associĂ©e Ă  tout ce qui touche Ă  la prĂ©vention ; cette parole n’est Ă©galement pas suffisamment prise en compte dans la formation des professionnels de santĂ© ou encore pour l’accompagnement des malades et de leurs familles dans les lieux de soins. J’ai envie de leur dire de ne pas oublier de faire intervenir des anciens malades de l’alcool pour faire entendre des voix authentiques tĂ©moignant de ce qu’est le vĂ©cu de cette maladie et illustrant d’une parole vraie les moyens existants pour s’en sortir. L’abstinence n’est pas « un chemin de croix » pour lequel il faudrait lutter tout le restant de sa vie, elle peut aussi ouvrir la porte Ă  une vraie renaissance pour les personnes qui parviennent Ă  en faire un choix de vie assumĂ©.

Propos recueillis par Denis Dangaix


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MĂ©dias et santĂ© dĂ©velopper l’esprit critique L’éducation pour la santĂ© s’est longtemps rĂ©sumĂ©e Ă  transmettre des informations
 mais non contents de remettre rĂ©guliĂšrement ce modĂšle en question, les intervenants en Ă©ducation pour la santĂ© ne doivent-ils pas aussi Ă©duquer Ă  l’information ?

Illustrations : Frédéric Vion

Dossier coordonnĂ© par JoĂ«lle Kivits, sociologue, responsable de projets Ă  la SociĂ©tĂ© française de santĂ© publique, Alain Douiller, directeur du ComitĂ© dĂ©partemental d’éducation pour la santĂ© de Vaucluse, avec la collaboration de Sylvie Giraudo, chargĂ©e de mission prĂ©vention, dĂ©partement PrĂ©vention et promotion de la santĂ© Ă  la FĂ©dĂ©ration nationale de la mutualitĂ© française.

Des premiers pas hygiĂ©nistes et mĂ©dicaux de l’éducation pour la santĂ© (dĂ©but du XXe siĂšcle) Ă  nos jours, une rĂ©volution est, en effet, passĂ©e par lĂ  : celle de l’information. Les messages santĂ© sont dĂ©sormais partout : sur les tĂ©lĂ©visions, les tĂ©lĂ©phones, Internet, les journaux, les produits de grande consommation. Ils sont aussi de tous ordres : informatifs, commerciaux, Ă©ducatifs, structurant ainsi des reprĂ©sentations sociales, des normes, des valeurs, des cultures
 Comment alors faire le tri de ces messages, quels crĂ©dits leur accorder ? Quels impacts en attendre ? Quels effets en redouter ? Ces questions sont au cƓur de ce dossier qui prend plus particuliĂšrement pour objet de rĂ©flexion les jeunes : enfants et adolescents. Baignant dans un univers mĂ©diatique et informationnel parfois incomprĂ©hensible pour leurs aĂźnĂ©s, Ă  la fois consommateurs et cibles des mĂ©dias, les plus jeunes sont en effet aussi les plus vulnĂ©rables. La premiĂšre partie du dossier propose une mise en perspective de l’« information santĂ© » : de quoi parle-t-on ? Se repĂ©rer dans ce vĂ©ritable et foisonnant « marchĂ© de l’information santĂ© », proposer quelques clefs de lecture et de dĂ©cryptage des mĂ©dias et inciter enfin Ă  dĂ©crypter l’information et les mĂ©dias sont les lignes d’intention de cette pre-

miĂšre partie. DiffĂ©rents travaux de recherche menĂ©s au QuĂ©bec et en France sont Ă©galement prĂ©sentĂ©s. Ils prĂ©cisent les perceptions des mĂ©dias par le public, les influences de l’information en matiĂšre de comportement de santĂ© et donnent Ă©galement des pistes de rĂ©flexion et d’action pour une Ă©ducation critique aux mĂ©dias. La deuxiĂšme partie du dossier aborde, au travers d’entretiens menĂ©s auprĂšs de spĂ©cialistes des mĂ©dias, les relations des jeunes avec les modes de communication et leur maniĂšre de les « consommer ». Ils Ă©voquent Ă©galement des questions d’actualitĂ© comme le lancement de chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision pour les bĂ©bĂ©s ou la banalisation de la violence sur le petit Ă©cran. Cette sĂ©quence est complĂ©tĂ©e par un article sur la place faite au dĂ©cryptage de l’information, notamment Ă  l’école. Le dossier prĂ©sente, enfin, une sĂ©rie d’expĂ©riences oĂč, concrĂštement, dans le cadre de programmes d’éducation Ă  la santĂ© ont Ă©tĂ© mises en place des actions oĂč il est question de comprendre autrement les mĂ©dias et l’information qui y est vĂ©hiculĂ©e, notamment les publicitĂ©s et leurs messages sĂ©ducteurs. Dans un second temps, il est proposĂ© aux jeunes d’ĂȘtre, Ă  leur tour, producteurs de mĂ©dias, en rĂ©alisant leur propre spot d’information relative Ă  la santĂ©. En Ă©tant crĂ©ateurs d’information, les jeunes ne sont plus seulement consommateurs : ils dĂ©veloppent un regard, un esprit critique et donc des aptitudes. JoĂ«lle Kivits Alain Douiller

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Le marchĂ© de l’information santĂ© : une cacophonie organisĂ©e ? Le marchĂ© de l’information santĂ© n’a jamais Ă©tĂ© aussi florissant. Difficile de s’y retrouver dans la cacophonie d’informations disponibles dans l’ensemble des mĂ©dias. Difficile aussi parfois d’identifier clairement l’émetteur pour avoir les idĂ©es claires sur ses objectifs. Face Ă  cette surabondance, le risque majeur est la confusion des genres entre le message de prĂ©vention de service public et le message commercial. Panorama de l’offre d’information des mĂ©dias en matiĂšre de santĂ©. Comment se soigner, ĂȘtre et rester en bonne santĂ© ? VoilĂ  un thĂšme pour lequel l’information ne manque pas
 Le poste de tĂ©lĂ©vision Ă  peine allumĂ© et des pistes nous sont proposĂ©es : tel aliment assure contribuer Ă  prĂ©server notre forme ; tel reportage informe sur l’avancĂ©e technologique de la mĂ©decine et les miracles maintenant accomplis ; telle campagne met en garde contre le tabac. Que nous Ă©coutions la radio, ouvrions un magazine de presse, surfions sur Internet ou que nous nous baladions en ville, les messages relatifs Ă  la santĂ© nous submergent, qu’ils proviennent de publicitaires, de pouvoirs publics, d’industriels
 Le receveur du message se noie dans une cacophonie mĂ©diatique sanitaire (1). L’exemple par excellence est l’alimentation saine et l’information compĂ©titive qui l’accompagne, du message institutionnel Ă  la publicitĂ© commerciale : face Ă  cette surinformation, chacun doit s’y retrouver, faire le tri et surtout faire sens de ces messages au quotidien. Si une rĂ©cente enquĂȘte de l’INPES nous apprend que le message « 5 fruits et lĂ©gumes par jour » est mĂ©morisĂ© par plus de 90 % des publics adultes et enfants, il est Ă©galement dĂ©montrĂ© comment les plus jeunes intĂšgrent tout aussi efficacement les messages publicitaires souvent accompagnĂ©s d’allĂ©gation santĂ© (2). Aux messages relatifs Ă  l’alimentation, s’ajoutent le thĂšme de l’activitĂ© physique et nombre d’« habitudes saines » auxquelles nous sommes exhortĂ©s Ă  adhĂ©rer. Peut-on cependant parler de cacophonie mĂ©diatique ? Ce paysage mĂ©dia14

Sur la moitié nord du pays, vaccinez-vous contre la grippe, au sud, attention au mélanome

tique et informationnel, aussi dense soit-il, n’est-il pas davantage un marchĂ© bien organisĂ© qui trouve justification dans un contexte sociĂ©tal favorable Ă  la santĂ© ? Dans les sociĂ©tĂ©s dĂ©veloppĂ©es, la santĂ© n’est plus seulement matiĂšre de soins mais de plus en plus affaire de prĂ©vention et d’éducation et repose donc sur la diffusion d’informations. Par ailleurs, ces mĂȘmes sociĂ©tĂ©s situent au centre de leurs sphĂšres d’activitĂ©, des individus responsabilisĂ©s qu’ils se voient imposer, choisissent ou nĂ©gocient ce processus de responsabilisation ; en matiĂšre de santĂ©, il s’agit pour chaque individu de gĂ©rer sa santĂ© personnelle, l’objectif Ă©tant de la prĂ©server. On comprend dĂšs lors la place que prennent l’information et la mĂ©dia-

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tisation de la santĂ© : non seulement, la santĂ© devient un sujet mĂ©diatiquement porteur et vendeur mais l’information santĂ© fait surtout sens : elle poursuit le colloque singulier entre le professionnel de la santĂ© et le malade, au-delĂ  du cadre strictement mĂ©dical, pour pĂ©nĂ©trer l’ensemble des espaces de vie. La question de l’information relative Ă  la santĂ© doit ĂȘtre posĂ©e plus vivement que jamais : de quelle information parlet-on ? DĂ©crire le marchĂ© de l’information relative Ă  la santĂ© n’est pas tĂąche aisĂ©e. Il est proposĂ© ici une tentative d’organisation de l’offre d’information en la structurant autour des mĂ©dias, des finalitĂ©s et des thĂ©matiques des messages vĂ©hiculĂ©s. L’objectif n’est pas de prĂ©senter un


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panorama complet et prĂ©cis mais bien d’organiser la cacophonie apparente.

Le marchĂ© de l’information santĂ© Image en son
 Les mĂ©dias audiovisuels, tĂ©lĂ©vision et radio, sont les porteurs privilĂ©giĂ©s des messages relatifs Ă  la santĂ©. Leur premiĂšre particularitĂ© est de toucher un public large – seuls 5 % des foyers ne possĂšdent pas de tĂ©lĂ©vision (3) ; la radio reste pour les Français un mĂ©dium trĂšs Ă©coutĂ©1 – tout en proposant des programmes Ă  la fois diversifiĂ©s et ciblĂ©s. Chaque catĂ©gorie de la population constitue en effet un public en soi, des plus jeunes aux plus ĂągĂ©s, en tĂ©moignent la spĂ©cialisation des programmes mais aussi l’apparition des chaĂźnes tĂ©lĂ©visĂ©es spĂ©cialisĂ©es (pour bĂ©bĂ©s, pour seniors). L’information santĂ© se retrouve mise en image et en son, dans deux types de programmes. D’une part, la thĂ©matique santĂ© constitue le fil conducteur de l’émission ou du programme : les magazines dĂ©diĂ©s ont un objectif santĂ© clairement Ă©noncĂ© basĂ© sur le dĂ©veloppement d’un thĂšme ou sujet de santĂ© au travers d’informations factuelles, de tĂ©moignages, d’entretiens
 Ils s’adressent Ă  un public intĂ©ressĂ© par le sujet traitĂ©. Parmi les programmes ou sĂ©quences audiovisuels Ă  l’objectif santĂ© explicite, se retrouvent Ă©galement les messages institutionnels tels que les campagnes de communication, leur particularitĂ© Ă©tant de vouloir toucher le plus grand nombre, que le public soit ou non concernĂ© par le message transmis. D’autre part, l’information relative Ă  la santĂ© se trouve souvent intĂ©grĂ©e, voire dissimulĂ©e, dans des programmes d’information (journaux tĂ©lĂ©visĂ©s, magazines d’information, etc.), publicitaires (spots, annonceurs, etc.), ou de loisirs et de divertissement, notamment les sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es. Si ces derniĂšres ne proposent pas un objectif de santĂ©, elles ont nĂ©anmoins pour cadre narratif la santĂ© (personnages qui sont des professionnels de santĂ©, exerçant dans des lieux d’exercice mĂ©dical), et peuvent mĂȘme promouvoir des habitudes de vie saines (4-6).


 sur papier
 La santé occupe une place généreuse dans la presse écrite. Dans la

presse quotidienne, la santĂ© est avant tout un sujet d’actualitĂ©, Ă  l’instar des journaux tĂ©lĂ©visĂ©s, mais pas uniquement. Des pages santĂ© sont en effet disponibles dans la presse quotidienne. Par ailleurs, publicitĂ©s, campagnes de communication, annonces relatives Ă  la santĂ© rythment la production de la presse Ă©crite. La presse hebdomadaire ou mensuelle – d’information et fĂ©minine principalement – accorde Ă©galement une part significative Ă  la santĂ© en proposant des rubriques santĂ©. Aux cĂŽtĂ©s de la presse gĂ©nĂ©raliste, est apparue une presse spĂ©cialisĂ©e dans la santĂ© qui occupe une audience de plus en plus importante (7). Si le public est moins important en nombre que, pour les mĂ©dias audiovisuels, on peut cependant percevoir un public attentif qui « choisit » de s’informer.


 en ligne Internet est devenu le mĂ©dium incontournable en matiĂšre de santĂ©. C’est au dĂ©but des annĂ©es 2000 que les premiĂšres Ă©valuations de l’Internet santĂ© sont rĂ©alisĂ©es (8). L’audience et l’intĂ©rĂȘt pour l’Internet dĂ©diĂ© Ă  la santĂ© n’ont cessĂ© de croĂźtre depuis. Il est cependant difficile de dĂ©finir « un » Internet santĂ©. Il est en effet aujourd’hui important de percevoir la diversification des formats, des messages mais aussi des types d’utilisation. Les sites Internet santĂ© peuvent ĂȘtre gĂ©nĂ©ralistes ou spĂ©cialisĂ©s ; le fait de professionnels de santĂ©, d’usagers ou des deux ; les vitrines publicitaires de marques surfant sur la vague santĂ© ; des sites de vente de produits, du mĂ©dicament au produit de bien-ĂȘtre
 Internet, comme vĂ©hicule d’information relative Ă  la santĂ©, se caractĂ©rise donc par sa complexitĂ© de production et d’usages de messages. Par rapport aux autres mĂ©dias, il comporte deux nouveautĂ©s. D’une part, Internet fait de l’utilisateur l’acteur du mĂ©dium, dans la mesure oĂč il fait la dĂ©marche d’aller chercher l’information Ă  l’heure et au moment oĂč il le dĂ©sire et ce, contrairement Ă  la radio, la tĂ©lĂ©vision ou la presse Ă©crite, qui imposent les contenus santĂ© et minimisent l’interaction. D’autre part, les internautes, quels que soient leurs profils, expĂ©-

riences, connaissances, peuvent devenir des producteurs d’information santĂ© : blogs, forums, sites personnels
 sont autant de nouveaux espaces d’expression pour les usagers et les patients, venant complĂ©ter une offre de sites dĂ©jĂ  abondante2. Les mĂ©faits et bienfaits des potentialitĂ©s d’Internet sont aujourd’hui bien documentĂ©s (9). Ce paysage mĂ©diatique ne serait pas complet si on n’y ajoutait les posters, affiches, dĂ©pliants, livrets
 autant de visuels et d’outils pĂ©dagogiques mis Ă  la disposition du grand public, du cabinet mĂ©dical Ă  l’hypermarchĂ©. Ils accompagnent et permettent une rĂ©flexion guidant l’action du public en matiĂšre de santĂ© et font le lien entre le professionnel de santĂ© et la personne en quĂȘte d’un questionnement.

Les finalitĂ©s et thĂ©matiques des messages Il est lĂ©gitime de se poser la question de la finalitĂ© de l’information relative Ă  la santĂ©. Quels sont en effet les objectifs d’informer sur la santĂ© ? La rĂ©ponse n’est pas Ă©vidente, les producteurs et intermĂ©diaires derriĂšre un message Ă©tant nombreux. On peut distinguer deux grandes finalitĂ©s. Lorsqu’il s’agit de prĂ©venir, de tĂ©moigner, d’informer sur un fait, une maladie, une prise en charge
 la santĂ© est au cƓur de l’information. Les campagnes de communication ont pour objectif de prĂ©venir sur des habitudes de vie, des pratiques de dĂ©pistage, des modes d’organisation de soins
 qui doivent in fine informer le public sur la prise en charge et la prĂ©servation de sa santĂ©. Mais vendre et divertir sont aussi des finalitĂ©s prioritaires, rarement affichĂ©es, de ce marchĂ© de l’information relative Ă  la santĂ©. La rĂ©fĂ©rence Ă  la santĂ© peut ĂȘtre utilisĂ©e comme promotion d’un produit bien que cette pratique soit aujourd’hui rĂ©glementĂ©e (10). De mĂȘme, le divertissement peut reposer sur des rĂ©fĂ©rences Ă  la santĂ©, thĂšme porteur d’audience. La difficultĂ© n’est pas tant les diffĂ©rentes finalitĂ©s que leur entrecroisement. Un programme de divertissement pourra avoir comme effet positif de prĂ©venir sur des conduites Ă  risque – par exemple au travers d’un programme tĂ©lĂ©visĂ© met-

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tant en scĂšne des adolescents en situation de risque. Il est aussi intĂ©ressant de constater comment des messages de prĂ©vention s’appuient sur un format fiction en y mĂȘlant information et divertissement, afin de retenir l’audience3. La situation inverse – lorsqu’une information promotionnelle Ă  caractĂšre marchand se fait passer pour un message de prĂ©vention – peut par contre avoir des consĂ©quences nĂ©gatives et mĂȘme contribuer Ă  une dĂ©sinformation. De mĂȘme que l’absence d’un traitement d’un thĂšme, c’est-Ă -dire le non-dit, peut ĂȘtre porteur d’une dĂ©sinformation. Si l’on regarde ce marchĂ© de l’information relative Ă  la santĂ© selon les thĂ©matiques dĂ©veloppĂ©es, on constate que l’information relative aux maladies, Ă  leur prise en charge, Ă  l’organisation des soins est prĂ©sente mais de maniĂšre ponctuelle, en fonction de l’actualitĂ©. Le paysage informationnel et mĂ©diatique consacrĂ© Ă  la santĂ© semble ĂȘtre dominĂ© par les thĂ©matiques de la prĂ©vention, de la promotion de la santĂ© et du bien-ĂȘtre sanitaire. Contrairement Ă  la maladie, aux soins, Ă  l’organisation de la santĂ© qui ne tendent Ă  associer que les spĂ©cialistes des questions traitĂ©es, les thĂ©matiques de prĂ©vention, promotion et de bien-ĂȘtre permettent l’implication non seulement des acteurs de la santĂ© mais Ă©galement de la publicitĂ© et des mĂ©dias, qui s’approprient ces thĂ©matiques avec aisance (5, 6). Face Ă  ce marchĂ© de l’information relative Ă  la santĂ©, on relĂšve un risque majeur : la confusion des genres. À la fois thĂšme prioritaire de politique publique et thĂšme vendeur et porteur, on retrouve sur les mĂȘmes mĂ©dias des messages aux finalitĂ©s trĂšs diffĂ©rentes, voire opposĂ©es, et aux thĂ©matiques qui se ressemblent lorsqu’il faudrait les dissocier. La confusion des messages est certaine et l’implosion des significations est probable. De plus, la prĂ©sence de plusieurs acteurs pose le problĂšme de la crĂ©dibilitĂ© des sources. Un second risque rĂ©side dans les thĂ©matiques les plus mĂ©diatisĂ©es : la santĂ© prĂ©sentĂ©e par les mĂ©dias est celle d’une bonne santĂ© Ă  prĂ©server et de bonnes habitudes de vie Ă  respecter, occultant les soins et leur organisation. L’enjeu majeur est ici Ă©ducationnel. Il apparaĂźt en effet indispensable d’armer le public Ă  dĂ©crypter les messages. 16

Ce public large, souvent compris dans sa globalitĂ© et son unitĂ© factice, comprend des populations vulnĂ©rables : les jeunes et les populations en situation de prĂ©caritĂ© sociale. Concernant les jeunes, les initiatives d’apprentissage de lecture des mĂ©dias et des messages doivent ĂȘtre encouragĂ©es. Elles existent en France, comme l’illustrent plusieurs des articles de ce numĂ©ro de La SantĂ© de l’homme ; elles mĂ©riteraient d’ĂȘtre dĂ©veloppĂ©es. Concernant les populations prĂ©caires, un rapport sur la littĂ©rature en matiĂšre de santĂ© (11) montre combien cet enjeu est important : il existerait en effet un analphabĂ©tisme en matiĂšre de santĂ©, Ă  la source d’inĂ©galitĂ©s en matiĂšre de prĂ©vention et de promotion de la santĂ©. RĂ©duire ces inĂ©galitĂ©s, en armant aussi ces catĂ©gories de populations souvent oubliĂ©es, constitue un vrai enjeu de santĂ© publique. Enfin, il est essentiel que les impacts de cette surinformation et mĂ©diatisation soient mieux compris, au regard du contexte socioculturel mais Ă©galement au regard des expĂ©riences de santĂ© – et de maladie – des individus. Aider les jeunes et leur donner les outils pour comprendre d’oĂč viennent les messages et comment ils se construisent est

important. Une telle dĂ©marche, pour ĂȘtre complĂšte, doit cependant s’accompagner d’une meilleure comprĂ©hension de l’appropriation des messages et de leur mise en sens, ce qui implique de considĂ©rer un environnement plus large que le cadre de rĂ©ception et de lecture des messages. C’est Ă  cette condition qu’il sera possible d’accompagner ces jeunes pour qu’ils maĂźtrisent, de maniĂšre pratique et concrĂšte, l’information relative Ă  la santĂ©. Par ailleurs, une meilleure comprĂ©hension de l’appropriation des messages relatifs Ă  la santĂ© devra aider les professionnels de santĂ© Ă  adapter leur communication. JoĂ«lle Kivits Sociologue, responsable de projets, SociĂ©tĂ© française de santĂ© publique, VandƓuvre-lĂšs-Nancy. 1. Selon MĂ©diamĂ©trie, sur une pĂ©riode de trois semaines complĂštes en septembre 2007 et janvier 2008, 94,3 % des personnes ĂągĂ©es de 13 ans et plus ont Ă©coutĂ© au moins une fois la radio. En ligne : http://www.mediametrie.fr/resultats.php ?rubrique=rad&resultat_id=535 2. Voir, par exemple, le projet CareVox. En ligne : http://www.careVox.fr 3. Voir, par exemple, les spots tĂ©lĂ©visĂ©s de l’INPES diffusĂ©s en octobre et novembre 2007 : « Vos questions nutrition » dans le cadre du programme « Bien manger et bien bouger au quotidien
 c’est possible ! ». En ligne : http://www.inpes.sante.fr/index.asp ?page= 70000/cp/07/cp071001.htm#top

◗ RĂ©fĂ©rences bibliographiques (1) Cerin. La cacophonie alimentaire : diagnostic et remĂšdes. Alimentation et santĂ© n° 179, juillet-aoĂ»t, 2007 : 1-3. En ligne : http://www.la-cuisine-collective.fr/ dossier/cerin/print.asp ?id=137 (2) MinistĂšre de la SantĂ©, de la Jeunesse et des Sports, Institut national de prĂ©vention et d’éducation pour la santĂ©. Post-test des messages sanitaires apposĂ©s sur les publicitĂ©s alimentaires auprĂšs des 8 ans et plus. SaintDenis : INPES, 2007 : 84 p. En ligne : http://www.inpes.sante.fr/ 30000 /pdf/messages_sanitaires_etude_INPES.pdf (3) Insee. EnquĂȘte permanente sur les conditions de vie 2004. En ligne : http://www.insee.fr/fr/themes/ tableau.asp?ref_id=NATSOS05118&reg_id=0 (4) Davin S. Urgences et ses spectateurs : La mĂ©decine dans le salon. Paris : L’Harmattan, 2007 : 157 p. (5) Seale C. Media and Health. London: Sage Publications, 2003: 256 p. (6) Renaud L. (sous la dir.). Les mĂ©dias et le façonnement des normes en matiĂšre de santĂ©. QuĂ©bec : Presses de l’universitĂ© du QuĂ©bec, coll. SantĂ© et sociĂ©tĂ©, 2007 : 328 p.

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(7) Selon Audipresse, Ă©tude AEPM 2007. En ligne : http://www.audipresse.fr/node. php ?id=906&elementid=1537 (8) Fox S., Rainie L. The online health care revolution: How the Web helps Americans take better care of themselves. Washington: The Pew Internet & American Life Project, 200: 23 p. En ligne : http://www.pewinternet.org/PPF /r/ 26/report_display.asp (9) Trust me. I’m a website. British Medical Journal n°7337, vol. 324; mars 2002. En ligne : http://www.bmj.com/content/vol 324/issue7337 (10) Directive 2000/13/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil de l’Union europĂ©enne du 20 mars 2000. En ligne : http://eur-lex.europa.eu/pri/fr/oj/ dat/2000/l_109/l_10920000506fr002900 42.pdf (11) Rootman I., Gordon-El-Bihbety D. Vision d’une culture de la santĂ© au Canada. Rapport du groupe d’experts sur la littĂ©ratie en matiĂšre de santĂ©. CPAH-ACSP. En ligne : http://www.cpha.ca/uploads/portals/h-l/report_f.pdf


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Pourquoi Ă©duquer Ă  l’information sur les questions de santĂ© Dans une sociĂ©tĂ© vouĂ©e Ă  la communication et la consommation, quels sont les moyens que peuvent se donner les professionnels pour inciter, en particulier les jeunes, Ă  se forger un esprit critique sur les questions de santĂ© ?

La question de l’éducation Ă  l’information est une prĂ©occupation courante dans le champ Ă©ducatif. Tout comme l’est plus encore son corollaire qui interroge l’impact des mĂ©dias sur le comportement des individus et en particulier des enfants et des adolescents. Ce dossier de La SantĂ© de l’homme montre cependant que ces interrogations sont moins habituelles dans le champ de la prĂ©vention et de l’éducation pour la santĂ©. Certes le lecteur trouvera dans ce dossier des expĂ©riences Ă©ducatives mobilisant l’esprit critique des publics face aux mĂ©dias et Ă  la publicitĂ© en particulier. Ces actions, peu nombreuses cependant, sont mal recensĂ©es et font peu l’objet de publications. Plus traditionnellement, l’éducation pour la santĂ© s’attache davantage Ă  agir sur les comportements en dĂ©livrant des informations sur les thĂšmes abordĂ©s comme par exemple sur les questions de nutrition (qui sont sans doute le thĂšme de prĂ©vention majeur de ces derniĂšres annĂ©es).

Quels messages pour quelles influences ?

fĂ©renciation importants. Mais qu’en estil de l’objectif des messages et des caractĂ©ristiques de leurs Ă©metteurs qui permettent d’en comprendre le mieux les logiques et leurs influences sur la santĂ© ? Les messages santĂ© ont envahi nos univers qu’ils soient alimentaires, spor-

tifs, amoureux, professionnels, ludiques
 comme l’information a envahi notre sociĂ©tĂ© de son flot ininterrompu de messages : des radios d’information en continu au tĂ©lĂ©phone mobile en passant par l’Internet, « l’information est partout et tout le temps » ! Mais existet-il un point commun entre une publi-

ive relai étude qualitat nel adulte espace de parole n éducatioprévalence phase iologie Contexte sociétal campagne épidém relai question éthique charte champsacteur é d Ottawa u c a tifautonomie l psychosocia t n a n rve support pinéte arche communautaire dagogiqdém ue action de terrain réseau par ses pairs Dispositif de prévention

Il est BUGGÉ !!!

Nous devons convenir que la conception de ce dossier de La SantĂ© de l’homme n’aura pas Ă©tĂ© simple. La premiĂšre difficultĂ© tient sans doute Ă  l’objet mĂȘme de notre rĂ©flexion. « Éduquer Ă  l’information et aux mĂ©dias sur la santĂ© ». De quoi parle-t-on ? L’information et encore moins les mĂ©dias, ne recouvrent pas une rĂ©alitĂ© homogĂšne ni facilement objectivable. JoĂ«lle Kivits, dans son article sur « le marchĂ© de l’information santĂ© », en cerne les contours. Elle rĂ©pertorie les diffĂ©rents supports d’information (radio, papier, Internet, etc.) qui constituent en effet des Ă©lĂ©ments de dif-

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citĂ© pour un yaourt qui « renforce » les dĂ©fenses immunitaires, un reportage dans la presse Ă©crite sur la prise en charge de malades alcooliques et une campagne institutionnelle tĂ©lĂ©visĂ©e sur les bienfaits de la consommation de fruits et lĂ©gumes ? Hormis le prĂ©texte « santĂ© » soutenant le message, nous serions tentĂ©s de dire que non ! Pour la raison essentielle que les objectifs des Ă©metteurs sont radicalement diffĂ©rents. Quatre types d’émetteurs d’« informations santĂ© » peuvent ĂȘtre distinguĂ©s. Les Ă©metteurs commerciaux, dont l’objectif est de vendre des produits et qui utilisent de plus en plus souvent des images et des arguments sanitaires. Les Ă©metteurs dont l’information est le mĂ©tier : les journalistes, la presse Ă©crite, parlĂ©e, tĂ©lĂ©visĂ©e, dont l’objectif est de produire, et de vendre de l’information. Les Ă©metteurs d’institutions et de structures de santĂ© et de prĂ©vention dont l’objectif « Ă©du-

catif » est de diffuser des informations et des recommandations afin d’influer sur les comportements relatifs Ă  la santĂ©. Il convient Ă©galement d’ajouter les « Ă©metteurs involontaires » de messages de santĂ©, c’est-Ă -dire tous ceux qui, dans des productions d’informations et de messages, abordent des questions de santĂ© sans que cela en soit l’objectif ni l’intention dĂ©libĂ©rĂ©e, notamment pour des productions artistiques (cinĂ©ma, musique, littĂ©rature
) dont l’impact sur les reprĂ©sentations sociales et sur les comportements n’est pas nĂ©gligeable.

MĂ©dias et santĂ© : dĂ©velopper la recherche et la formation On le voit bien, ces univers respectifs restent trĂšs diffĂ©rents dans leurs logiques et dans leurs intentions, mĂȘme si des liens existent entre ces catĂ©gories (la presse a aussi des logiques et des intĂ©rĂȘts commerciaux, l’univers de la prĂ©vention s’inspire beaucoup des tech-

Les 11-25 ans : des consommateurs courtisĂ©s Les 11 Ă  17 ans reprĂ©sentent une population de 5 300 000 individus, soit 8,7 % de la population : 2 700 000 garçons et 2 600 000 filles. Un jeune sur deux dispose d’une tĂ©lĂ©vision dans sa chambre. Les jeunes regardent la tĂ©lĂ©vision, en moyenne, plus de trois heures par jour. Ces quelques chiffres expliquent pourquoi ils sont la cible des stratĂ©gies de marketing : 500 000 spots spĂ©cifiquement ciblĂ©s jeunes sont diffusĂ©s chaque annĂ©e sur les chaĂźnes françaises au cours d’émissions tĂ©lĂ© qui leur sont destinĂ©es. La tĂ©lĂ©vision n’est cependant pas le mĂ©dia favori des jeunes qui prĂ©fĂšrent nettement la radio voire l’Internet. Les grandes marques de vĂȘtements de sports, de l’alimentation ou les entreprises de loisirs culturels ou numĂ©riques ne s’y sont pas trompĂ© en investissant vers cette cible. C’est vers 10-11 ans que l’enfant commence Ă  disposer de moyens directs (argent de poche), d’autonomie, de poids dans la famille. Du statut de prescripteur, il devient dĂ©cideur, dotĂ© d’un pouvoir d’achat, futur adulte dĂ©jĂ  modelĂ© par les publicitaires. Selon le magazine 60 millions de consommateurs (1), chaque mois, une vingtaine de nouveaux outils pĂ©dagogiques « parrainĂ©s » par les grandes entreprises sont mis Ă  la

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disposition des enseignants du primaire et du secondaire. Sur dix marques achetĂ©es par les 25-35 ans, sept ont Ă©tĂ© rencontrĂ©es au cours de l’adolescence. Restons cependant optimistes, ces «proies faciles » ne sont pas totalement sans dĂ©fense, notamment lorsqu’elles sont protĂ©gĂ©es par l’environnement familial et les groupes amis (tribu, bande). La proportion croissante du nombre de blogs (un jeune sur quatre de 11 Ă  18 ans serait blogueur) va aussi dans le sens d’un libre arbitre prĂ©servĂ© : on y exprime ses idĂ©es, ses valeurs, ses goĂ»ts. Dans un univers d’échanges en perpĂ©tuel mouvement, des pistes sont Ă  creuser pour contrecarrer le poids du publicitaire auprĂšs de mĂ©dias qui ont la prĂ©fĂ©rence des jeunes : SMS informatifs ou d’alerte, chroniques sur des radios jeunes, courts programmes tĂ©lĂ©visĂ©s sur les chaĂźnes qu’ils privilĂ©gient
 M.-F. C.

Source : BernĂšs C., Loisiel J.-P. VulnĂ©rabilitĂ© et responsabilitĂ© des jeunes en matiĂšre de consommation. INC Hebdo 2006 ; n° 1393 : 10 p. En ligne : http://www.conso.net/images_publications/1393-education_consommation_309.pdf (1) École : l’invasion sournoise de la pub. 60 millions de consommateurs, janvier 2006, n° 401.

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niques de la publicitĂ©, etc.). Le travail Ă©ducatif, d’analyse critique de l’information, en sera donc forcĂ©ment diffĂ©rent. Il serait tentant de prĂ©tendre que l’essentiel des efforts sont Ă  focaliser sur les messages publicitaires, leurs intentions mercantiles et leurs impacts le plus souvent nĂ©fastes Ă  la santĂ©. Les associations et instituts de dĂ©fense des consommateurs sont particuliĂšrement actifs et efficaces dans ce registre (voir encadrĂ© ci-contre) (1). Certaines structures d’éducation pour la santĂ© et de santĂ© publique investissent peu Ă  peu ce champ-lĂ  : voir les outils pĂ©dagogiques de dĂ©cryptage des influences en matiĂšre de tabac, d’alcool ou de nutrition, dont plusieurs sont prĂ©sentĂ©s dans ce dossier. Voir aussi la dĂ©marche de lobbying entreprise par la SociĂ©tĂ© française de santĂ© publique Ă  propos de la limitation de la publicitĂ© dans les Ă©missions pour enfants « PublicitĂ© alimentaire tĂ©lĂ©visĂ©e et enfants : le bon choix » (2). Mais les passerelles avec cet univers Ă©ducatif et de l’éducation pour la santĂ© sont peu nombreuses. Le travail d’analyse critique de la publicitĂ© reste encore l’exception en milieu scolaire, les enseignants peu formĂ©s pour l’entreprendre, les outils et les supports beaucoup moins nombreux et moins accessibles que les supports « pĂ©dagogiques » issus des dĂ©marches marketing qui envahissent rĂ©guliĂšrement l’univers scolaire ! L’analyse de la presse et des mĂ©dias semble s’organiser davantage : vous trouverez dans ce dossier le travail effectuĂ© par des organismes comme le Clemi (3) ou de nombreuses autres structures recensĂ©es dans la rubrique « Pour en savoir plus ». Il s’agit de repĂ©rer autant les diffĂ©rentes formes de discours que les idĂ©ologies et leurs intentions, dĂ©marches immĂ©diatement utiles et applicables dans le registre de la santĂ©. Tout comme cet univers des informations santĂ© est peu homogĂšne, difficilement cernable, le corpus de son analyse critique et pĂ©dagogique est peu organisĂ©, fait peu l’objet de publications. Si les expĂ©rimentations pĂ©dagogiques d’analyse des mĂ©dias sur les thĂ©matiques santĂ© sont Ă  encourager – en les inscrivant par exemple dans les axes de recommandations des Plans rĂ©gionaux de santĂ© publique –, un vĂ©ritable travail de recherche est Ă  entreprendre dans ce champ, et un dispositif de for-


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mation des pédagogues (enseignants, éducateurs pour la santé, infirmiÚres scolaires, etc.) à organiser.

Former Ă  l’esprit critique, dĂ©velopper les compĂ©tences psychosociales Dans le « socle de rĂ©fĂ©rence » des acteurs d’éducation pour la santĂ©, il est possible de puiser des rĂ©fĂ©rences utiles Ă  ce travail d’analyse critique des mĂ©dias. L’un des cinq axes de la Charte d’Ottawa de promotion de la santĂ© (Organisation mondiale de la santĂ©, 1986), incite Ă  « donner les moyens Ă  la population d’acquĂ©rir des aptitudes individuelles dans le domaine de la santĂ© » (4). C’est l’axe le plus « Ă©ducatif » et le moins « politique » de cette Charte qui invite par ailleurs dans les quatre autres axes Ă  une action plus centrĂ©e sur l’environnement des personnes, les institutions, les pouvoirs publics et moins sur les individus et leurs comportements. Cette orientation s’accompagne cependant d’une indication plus pratique qui est de permettre, grĂące Ă  l’éducation pour la santĂ© notamment, d’acquĂ©rir des aptitudes qui permettent aux individus « d’exercer un plus grand contrĂŽle sur leur propre santĂ© et des choix favorables Ă  celle-ci ». Si la rĂ©fĂ©rence Ă  l’analyse critique n’est pas explicite, le rapprochement peut facilement se faire. Une Ă©quipe de la Division de la santĂ© mentale et de la prĂ©vention de la toxicomanie de l’OMS a travaillĂ© spĂ©cifiquement sur la question du dĂ©veloppement des compĂ©tences psychosociales et proposĂ©, en 1993, la dĂ©finition suivante : « Les compĂ©tences psychosociales sont la capacitĂ© d’une personne Ă  rĂ©pondre avec efficacitĂ© aux exigences et aux Ă©preuves de la vie quotidienne. C’est l’aptitude d’une personne Ă  maintenir un Ă©tat de bien-ĂȘtre mental, en adoptant un comportement appropriĂ© et positif, Ă  l’occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement. Les compĂ©tences psychosociales ont un rĂŽle important Ă  jouer dans la promotion de la santĂ© dans son sens le plus large, en termes de bienĂȘtre physique, mental et social ». Une liste des dix compĂ©tences psychosociales (ou aptitudes essentielles) a Ă©tĂ© Ă©tablie. Elles sont prĂ©sentĂ©es par couple dont un concerne directement l’objet de ce dossier : « Avoir une pensĂ©e crĂ©atrice – Avoir une pensĂ©e critique ».

Comme l’explicite Brigitte Sandrin Berthon dans son livre Apprendre la santĂ© Ă  l’école (5), « la pensĂ©e (ou l’esprit) critique est la capacitĂ© Ă  analyser les informations et les expĂ©riences de façon objective. Elle peut contribuer Ă  la santĂ© en nous aidant Ă  reconnaĂźtre et Ă  Ă©valuer les facteurs qui influencent nos attitudes et nos comportements, comme les mĂ©dias et les pressions de nos pairs. »

problĂšmes importants et de clarifier les enjeux. Il doit pouvoir aussi juger de la fiabilitĂ© des informations en interrogeant la crĂ©dibilitĂ© des sources, des informations, en identifiant les prĂ©supposĂ©s implicites et en jugeant de la validitĂ© logique d’une argumentation. Enfin, il doit pouvoir Ă©valuer des informations et en tirer des conclusions appropriĂ©es.

Les jeunes
 et les adultes aussi !

Jacques Piette mentionne aussi l’importance de tenir compte du contexte culturel et socio-Ă©conomique lors du dĂ©veloppement de la pensĂ©e critique. Si une telle typologie peut sans doute ĂȘtre critiquĂ©e et amendĂ©e, elle n’en amĂšne pas moins des axes de propositions pĂ©dagogiques trĂšs concrets, certes parfois assez Ă©loignĂ©s de certains de nos modĂšles d’enseignement, mais tout de mĂȘme accessibles Ă  bon nombre de pĂ©dagogues. Pour cela encore, un vĂ©ritable et systĂ©matique travail de recherche et de formation est Ă  entreprendre.

L’essentiel de ce dossier de La SantĂ© de l’homme est consacrĂ© au dĂ©veloppement de l’esprit critique des jeunes, repĂ©rĂ©s comme plus vulnĂ©rables face aux messages mĂ©diatiques et Ă  leurs influences sur la santĂ©. Ce constat est juste. Mais ne serait-il raisonnable de penser, en termes de formation pĂ©dagogique et de dĂ©veloppement de leur propre rĂ©flexion critique face aux mĂ©dias, que l’effort Ă©ducatif est aussi Ă  entreprendre auprĂšs des adultes ? Ils sont en effet non seulement les premiers Ă©ducateurs, mais aussi les premiers producteurs et les premiers consommateurs de ces messages


Fondements de la pensĂ©e critique Dans son livre Éducation aux mĂ©dias et fonction critique, Jacques Piette tente lui aussi d’établir les fondements et les habiletĂ©s intellectuelles liĂ©es Ă  la pensĂ©e critique (6). Il estime que l’enseignement de la pensĂ©e critique repose principalement sur deux perspectives : – la perspective philosophique : enseignement de la logique et de ses principes de raisonnement et d’argumentation, dĂ©veloppement de la pensĂ©e rationnelle, place importante donnĂ©e Ă  la prise en compte des dimensions morales et Ă©thiques, questionnement, discussion ; – la perspective de la psychologie cognitive qui identifie quatre processus cognitifs : la pensĂ©e crĂ©atrice, la rĂ©solution de problĂšmes, la prise de dĂ©cision, la pensĂ©e critique. Selon Jacques Piette, pour que se dĂ©veloppe une pensĂ©e critique autonome, l’élĂšve doit acquĂ©rir la maĂźtrise de certaines habiletĂ©s intellectuelles comme la clarification des informations. Cela suppose de poser des questions, concevoir et juger des dĂ©finitions, de distinguer les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments d’une argumentation, d’un problĂšme, d’une situation ou d’une tĂąche, d’identifier les

Alain Douiller Directeur du ComitĂ© dĂ©partemental d’éducation pour la santĂ© de Vaucluse, Avignon.

◗ RĂ©fĂ©rences bibliographiques (1) Que Choisir et Que Choisir santĂ©. En ligne : http://www.quechoisir.org (2) SociĂ©tĂ© française de santĂ© publique, PublicitĂ© alimentaire tĂ©lĂ©visĂ©e et enfants : le bon choix. En ligne : http://www.sfsp.fr/petitions/petition.php (3) Clemi, ministĂšre de l’Éducation nationale. En ligne : http://http://www.clemi.org (4) Organisation mondiale de la santĂ© – 1986. En ligne : http://http://www.who.int/fr/ (5) Sandrin Berthon B. Apprendre la santĂ© Ă  l’école. Paris : ESF Ă©diteur, coll. Pratiques & enjeux pĂ©dagogiques, 1997 : 128 p. (6) Piette J. Éducation aux mĂ©dias et fonction critique. Paris/MontrĂ©al : L’Harmattan, coll. Éducation et formation, sĂ©rie RĂ©fĂ©rences et travaux universitaires, 1996 : 358 p.

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Entretien avec Lise Renaud, professeure au dĂ©partement de communication sociale et publique de l’universitĂ© du QuĂ©bec, Ă  MontrĂ©al, et Monique Caron-Bouchard, sociologue. Lise Renaud dirige le groupe de recherche « MĂ©dias et santĂ© ».

« Les mĂ©dias ont un pouvoir normatif, mais les citoyens ne sont pas dupes. » Les QuĂ©bĂ©coises Lise Renaud et Monique Caron-Bouchard dĂ©cryptent le pouvoir des mĂ©dias et de l’image en matiĂšre d’information sur la santĂ©. Dans un ouvrage rĂ©cemment publiĂ©, elles dĂ©montrent le rĂŽle que les mĂ©dias ont pour façonner des normes, parfois volontairement, parfois Ă  leur corps dĂ©fendant. Elles effectuent un travail d’influence auprĂšs des mĂ©dias pour que la prĂ©vention et la santĂ© soient mieux prises en compte. La SantĂ© de l’Homme : Dans votre ouvrage (1), vous mettez en lumiĂšre le façonnement des normes de santĂ© par les mĂ©dias. Est-ce Ă  dire que les mĂ©dias auraient un pouvoir normatif ? Lise Renaud : Entendons-nous d’abord sur la dĂ©finition d’une norme. Selon moi, une norme est un critĂšre collectivement approuvĂ© par les individus. Peut-on dire que les mĂ©dias transmettent des valeurs qui pourraient devenir des normes ? Oui, sans aucun doute. Cette rĂ©ponse positive se dĂ©montre Ă  travers l’analyse de la publicitĂ©, Ă  travers les tĂ©lĂ©romans, trĂšs regardĂ©s par les tĂ©lĂ©spectateurs chez nous, au QuĂ©bec, et mĂȘme dans les informations. Je parle Ă©videmment du mĂ©dia roi, qui reste la tĂ©lĂ©vision. Il n’y a aucun doute sur la publicitĂ©. Les personnes interrogĂ©es dans le cadre du groupe de recherche « MĂ©dias et santĂ© » la regardent comme un message normatif mais ils ne captent pas forcĂ©ment l’ensemble du champ mĂ©diatique avec un regard crĂ©dule. Car ce champ est construit par divers acteurs dont certains sont plus dominants que d’autres : parlons des acteurs Ă©conomiques qui, dans le domaine de la santĂ© publique, sont particuliĂšrement prĂ©sents. En rĂ©sumĂ©, les mĂ©dias sont normatifs mais les citoyens ne sont pas forcĂ©ment dupes. Monique Caron-Bouchard : Tout le monde s’accorde Ă  dire : « Oui, les mĂ©dias ont un pouvoir normatif. » Mais du fait de la diversitĂ© des mĂ©dias, de 20

l’accessibilitĂ© et de l’interactivitĂ© diffĂ©rentes que prĂ©sentent ces mĂ©dias, leur pouvoir est plus diffus. Et donc plus dangereux peut-ĂȘtre. Dans cet environnement, il y a de fortes chances que nous soyons marquĂ©s par ces messages et que cela laisse des traces. S. H. : Nous pouvons imaginer que les mĂ©dias – tĂ©lĂ©vision, Internet, presse Ă©crite – ne font que vĂ©hiculer un message construit en amont. Est-ce le cas ? L. R. : Il existe, dans le paysage audiovisuel surtout, des plages qui ne sont construites que pour vĂ©hiculer un message venu d’ailleurs. Je m’intĂ©resse plus particuliĂšrement aux formes plus insidieuses. Regardez les Ă©missions de divertissement. Elles ont un pouvoir trĂšs fort vis-Ă -vis du public. Sans doute estce la raison pour laquelle nous trouvons dans ces Ă©missions des Ă©lĂ©ments, pour ne pas dire des messages, qui indiquent comment manger, quoi manger, comment se comporter
 Bref, le vĂ©hicule est tĂ©lĂ©guidĂ©. Il y a aussi des formes plus « culturelles », comme les informations au cours desquelles sont exposĂ©es des prises de position pour ou contre la santĂ© publique. Cela Ă©tant, les mĂ©dias ne peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme de simples vĂ©hicules de transmission, la rĂ©alitĂ© est plus complexe. Car il y a des leaders d’opinion, des lobbies, des facteurs divers qui interviennent. M. C-B. : C’est certain. La fonction du mĂ©dia est diffĂ©rente car il est divers.

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Internet n’est pas la tĂ©lĂ©vision. La construction du message dĂ©pend, bien sĂ»r, de la forme que le mĂ©dia va proposer. Mais compte tenu de la diversitĂ© des messages et des Ă©metteurs, il est difficile de gĂ©nĂ©raliser. Parfois, le mĂ©dia agit comme un simple vĂ©hicule, un outil locomotive : un TGV possĂšde plusieurs locomotives qui peuvent aller dans deux directions, plus ou moins vite. NĂ©anmoins, le voyageur demeure dans son wagon et la locomotive passe par des voies qu’il ne connaĂźt pas. Le domaine de la santĂ© traitĂ© dans les mĂ©dias, c’est la mĂȘme chose. Le mĂ©dia dĂ©cide de faire une sĂ©rie d’émissions et il a le pouvoir Ă©ditorial. Mais il va partager cet espace avec tout un ensemble d’acteurs. S. H. : Quelle influence peut avoir une mise en forme mĂ©diatique sur la transmission d’un message ? L. R. : Placer une corbeille de fruits sur une table dans une Ă©mission de variĂ©tĂ©s est plus important, selon nous, que de vanter tel ou tel produit sucrĂ©. Nous avons crĂ©Ă© notre groupe de recherche sur les mĂ©dias et la santĂ© pour « faire le pont » entre les acteurs de l’univers des mĂ©dias et ceux de l’univers de la santĂ©. Aujourd’hui, manger des fruits, notamment au travers de la campagne « 5/30 » (2) que nous avons Ă©tudiĂ©e dans notre ouvrage, est entrĂ©, par l’image, dans un certain nombre d’émissions. Cela veut dire que la mise en forme a de l’importance. Je prĂ©fĂšre bien sĂ»r celle qui est positive.


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lesquelles vous avez travaillez –, comment les publics Ă©tudiĂ©s rĂ©agissent-ils face aux messages santĂ© qui leur sont envoyĂ©s ?

Je ne bois pas Je ne fume pas Je ne me drogue pas Je mange 5 fruits et lĂ©gumes Je porte un casque Ă  vĂ©lo J’ai peur du mĂ©lanome Je me dĂ©piste Ă  donf Je ne veille pas trop tard Mon alimentation est super folatĂ©e Je me lave les mains Je surveille ma piscine J’aimerais bien qu’on me change un peu d’eau de temps en temps

M. C-B. : La rhĂ©torique de l’image est effectivement intĂ©ressante Ă  Ă©tudier. Il est certain que le visuel, le langage, la forme, plus coercitive et plus coincĂ©e ou, au contraire, plus ludique et permissive, dĂ©terminent la rĂ©action du public. La santĂ© s’adresse Ă  l’individu avant tout, c’est pour cela qu’au-delĂ  de l’habillage il y a avant tout la recherche de l’information simple, captive. Je crois, en matiĂšre de santĂ© publique, Ă  la force de l’interactivitĂ©. La forme de l’image la plus performante, pour moi, est celle grĂące Ă  laquelle nous pourrons correspondre. S. H. : Dans les recherches que vous avez menĂ©es, les publics « rĂ©cepteurs » Ă©tudiĂ©s ont-ils conscience du parcours d’une information ou d’un message santĂ© ? L. R. : Je suis trĂšs surprise par le niveau de connaissance des personnes que nous avons rencontrĂ©es lors de notre recherche. Elles connaissent la provenance des messages. Mieux, j’ai dĂ©couvert que, souvent, ces personnes font par elles-mĂȘmes le cheminement pour comprendre d’oĂč vient le message. Cela ne veut pas dire qu’elles prennent le message pour argent comptant. Parfois, ce cheminement est nĂ©cessaire pour

L. R. : Remettons les pendules Ă  l’heure. Nous avons constatĂ© que le « DĂ©fi santĂ© » (NDLR : programme mis en Ɠuvre au QuĂ©bec) – un concours oĂč la personne s’engage Ă  manger 5 fruits par jour et Ă  avoir 30 minutes d’une activitĂ© physique – fonctionne d’abord auprĂšs d’un public prĂ©cis. Il est de classe moyenne. Il est volontaire. Il a un cheminement personnel qui consiste Ă  vouloir chercher de l’information. Le site Internet est trĂšs bien construit. Et, selon moi, il fonctionne d’une maniĂšre forte car le mĂ©dia est adaptĂ© aux messages simples prodiguĂ©s et son utilisation permet une navigation Ă  la fois ludique et prĂ©cise. Il demeure tout de mĂȘme que, malgrĂ© cette restriction apparente, nous voyons apparaĂźtre des signes positifs dans les comportements alimentaires et physiques du public.

mieux le contrecarrer. N’oublions pas que nous sommes dans un domaine bien particulier qui est celui de la santĂ©. Le tĂ©lĂ©spectateur est intelligent face Ă  l’image santĂ© car celle-ci est tournĂ©e vers l’individu. M. C-B. : Dans les groupes que j’ai consultĂ©s, j’ai aussi constatĂ© que les individus ont l’intelligence du dĂ©cryptage de l’image santĂ© et de la multiplicitĂ© et de la diversitĂ© des sources d’information. Dans leur paysage, il n’y a pas que la tĂ©lĂ©vision gĂ©nĂ©raliste. Ils connaissent tous les parcours et ils sont conscients de l’usage de l’outil et de son pouvoir. Je partage totalement cette notion d’image sociale de la santĂ©. La question du vieillissement, de la solitude, les problĂšmes d’obĂ©sitĂ©, l’alimentation
 Les gens en parlent beaucoup. Le mĂ©dia participe beaucoup de ces attentes personnelles. Et nous constatons que les hommes, les femmes, les plus nantis ou moins nantis veulent en savoir davantage sur le processus du traitement de l’information santĂ©. Le spectateur, ou consommateur d’un mĂ©dia interactif, a, Ă  la fois, une image de la santĂ© sociale et personnelle. S. H. : Sur l’alimentation et l’activitĂ© physique – deux thĂ©matiques sur

M. C-B. : Je reviens sur la simplicitĂ© des messages. Il s’agit bien d’une campagne positive, qui ne se fonde pas sur « ne pas » mais sur « voici ce que vous pouvez faire ». Le « DĂ©fi santĂ© » Ă©tait portĂ© par les diffĂ©rents types de mĂ©dias, en particulier Internet. Ce mĂ©dia rejoint de plus en plus tous les groupes d’ñge, il façonne l’information Ă  l’égard de la santĂ© et est un mode de communication interactive. S. H. : Comment regardez-vous la tĂ©lĂ©vision dĂ©sormais ? L. R. : Avec une certaine complicitĂ©. Nous continuons de rĂ©flĂ©chir en amont avec les producteurs pour que santĂ© et prĂ©vention soient pris en compte dans les images diffusĂ©es. Il faut du temps pour faire Ă©voluer une norme, mais quel plaisir quand, au dĂ©tour d’une prise de vue dans une fiction, par exemple, j’aperçois une corbeille de fruits ! Propos recueillis par Denis Dangaix

(1) Ouvrage collectif sous la direction de Lise Renaud. Les mĂ©dias et le façonnement des normes en matiĂšre de santĂ©. QuĂ©bec : Presse de l’universitĂ© du QuĂ©bec, coll. SantĂ© et sociĂ©tĂ©, 2007 : 328 p. (2) 5 fruits et 30 minutes d’activitĂ© physique par jour.

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Entretien avec Christian Gautellier, directeur de la mission « Enfants, Ă©crans, jeunes et mĂ©dias » des CemĂ©a (Centres d’entraĂźnement aux mĂ©thodes d’éducation active), vice-prĂ©sident du Ciem (Collectif interassociatif enfance et mĂ©dia).

« L’éducation au regard est aussi indispensable Ă  l’enfant que l’éducation au goĂ»t » Le lancement d’une deuxiĂšme chaĂźne de tĂ©lĂ©vision pour les bĂ©bĂ©s fin 2007 a suscitĂ© Ă©moi et dĂ©bat chez les acteurs Ă©ducatifs et politiques. Une occasion de nous interroger sur la relation qui lie le jeune spectateur au petit Ă©cran, le dĂ©veloppement psychologique de l’enfant et, plus largement, les interactions avec l’environnement familial et les enjeux d’une Ă©ducation aux mĂ©dias.

La SantĂ© de l’homme : Vous vous ĂȘtes opposĂ©, il y a quelques semaines, au projet de la chaĂźne Baby first. N’existe-t-il pas une autre chaĂźne destinĂ©e aux bĂ©bĂ©s ? Christian Gautellier : Oui : le lancement de cette seconde chaĂźne destinĂ©e aux bĂ©bĂ©s a, effectivement, suscitĂ© une prise de position de notre part appuyĂ©e d’ailleurs, et nous nous en rĂ©jouissons, par un avis allant dans ce sens de la direction gĂ©nĂ©rale de la SantĂ© le 16 avril dernier. Je vois, Ă  travers cette mĂ©diatisation, la preuve que les rĂ©flexions que nous avons engagĂ©es, il y a maintenant des annĂ©es, sur les relations entre les mĂ©dias et la santĂ© ont permis de donner une certaine ampleur Ă  ce sujet. Quand je dis « nous », il s’agit bien des associations professionnelles de pĂ©diatres, pĂ©dopsychiatres, psychomotriciens, Ă©ducateurs de jeunes enfants, associations Ă©ducatives, de parents et familiales reprĂ©sentĂ©es au Ciem. Baby TV, la premiĂšre des chaĂźnes de mĂȘme nature, a pris naissance, il y a plus d’une annĂ©e. Elle avait Ă©tĂ© lancĂ©e d’une maniĂšre moins agressive, plus discrĂšte, sur un concept de temps d’antenne diffĂ©rent. Sans doute, avons-nous Ă©tĂ© surpris qu’une tĂ©lĂ©vision cible des bĂ©bĂ©s de 6 mois. Nous avons continuĂ© Ă  travailler et Ă  faire entendre nos arguments. 22

S. H. : Cet avis nĂ©gatif s’appuie-t-il sur des Ă©tudes prĂ©cises, des analyses ou sur des positions de principe ? Des Ă©tudes prĂ©cises sont de plus en plus disponibles. Et, c’est important, nous remarquons qu’elles vont dans le mĂȘme sens. Je citerai les travaux de Dimitri Christalis et de FrĂ©deric Zimmerman (1, 2) qui sont, selon moi, trĂšs en pointe dans la recherche sur les mĂ©dias et la santĂ© des jeunes enfants. Nous allons d’ailleurs essayer de les faire venir en France en dĂ©cembre pour avoir une confrontation d’idĂ©es. L’originalitĂ© de leurs Ă©tudes est dans le suivi de bĂ©bĂ©s de moins de 3 ans, exposĂ©s trĂšs fortement Ă  des Ă©crans. Ces enfants ont Ă©tĂ© observĂ©s durant des annĂ©es parallĂšlement avec d’autres qui, eux, n’avaient pas Ă©tĂ© soumis aux effets de la tĂ©lĂ©vision. Ces travaux complĂštent d’autres Ă©tudes, notamment menĂ©es en Allemagne, sur des enfants de 4 Ă  5 ans. Celles-ci sont basĂ©es sur des analyses des reprĂ©sentations que se font ces enfants de leur corps, de ce qui les entoure
 Nous constatons que trĂšs peu d’enfants confrontĂ©s Ă  des images Ă  la tĂ©lĂ©vision, ont une reprĂ©sentation corporelle d’eux-mĂȘmes ou d’un adulte conforme Ă  la rĂ©alitĂ©. Les reprĂ©sentations sont souvent difformes : trois bras, deux tĂȘtes
 Et puis, nous le savons, mĂȘme s’il y a silence lĂ -dessus, aux

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États-Unis, les organisations professionnelles, en particulier celles des pĂ©diatres, ont pris fermement position pour dĂ©conseiller, voire interdire la tĂ©lĂ© pour les jeunes de moins de 2 ans. Ces Ă©tudes convergentes existent et sont Ă  la disposition de tous. Nous demandons d’ailleurs, puisque des interrogations subsistent, que des moyens soient mis Ă  disposition des Ă©quipes de recherche pour que nous puissions nous appuyer plus fortement sur des observations tangibles. S. H. : Vous rĂ©clamez l’application du principe de prĂ©caution. Vous souhaitez un dĂ©bat public. Pourquoi ? Nous avons aussi des convictions. Nous pensons qu’aucune demi-mesure ne peut rĂ©pondre au risque grave de nuisance pour la santĂ© des bĂ©bĂ©s que reprĂ©sentent ces chaĂźnes. Le principe de prĂ©caution est, Ă  nos yeux, trĂšs important. Je rappelle d’ailleurs qu’il est inclus, maintenant, dans la Constitution. S’il y a un doute, je pense qu’il est nĂ©cessaire de le mettre sur la place publique et, ainsi, tout faire pour Ă©viter de se retrouver, comme pour l’amiante, le tabac ou pour certains dossiers touchant Ă  la santĂ©, dans dix ans, avec un problĂšme non rĂ©solu. Nous plaidons notre responsabilitĂ© de professionnels d’éducation, de santĂ©, celle de parents.


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C’est donc de notre responsabilitĂ© de dire qu’il y a un certain nombre d’études dont les conclusions vont dans le sens d’un risque pour le dĂ©veloppement de l’enfant. En tant qu’éducateur, j’ajouterai qu’au niveau des statistiques de dĂ©veloppement cognitif des enfants (processus par lesquels un ĂȘtre vivant acquiert des informations sur son environnement, Ndlr), nous savons bien que certaines activitĂ©s correspondent Ă  diffĂ©rents niveaux d’ñge. À 6 mois, la tĂ©lĂ©vision n’est pas une activitĂ© fondamentale. Elle prĂ©sente mĂȘme des risques pour le cerveau. Non, l’usage de l’écran ne peut s’envisager – et encore, de maniĂšre Ă©quilibrĂ©e et entourĂ©e d’activitĂ©s motrices plus relationnelles avec des approches conceptuelles – qu’à partir de 3 ou 4 ans. LĂ , nous sommes dans une dĂ©marche Ă©ducative. S. H. : Comment les professionnels de la tĂ©lĂ©, les concepteurs et producteurs de contenu reçoivent-ils vos arguments ? Nous sommes dans une relation de dialogue et les choses ne peuvent se faire autrement. Mais concernant ces chaĂźnes tĂ©lĂ© pour bĂ©bĂ©s, je pense que nous avons franchi la ligne jaune. Nous savons bien que les industriels du contenu, comme nous les appelons parfois, se prĂ©occupent depuis fort longtemps de programmes adaptĂ©s Ă  des tranches d’ñge dĂ©finies. Mais depuis quelques annĂ©es, nous constatons des logiques de ciblage, qui s’adressent de plus en plus tĂŽt aux enfants : soit de maniĂšre directe Ă  travers la publicitĂ© mais ce n’est pas le cas pour les chaĂźnes BĂ©bĂ©, soit de façon indirecte par rapport aux produits dĂ©rivĂ©s, y compris la quĂȘte de fidĂ©lisation oĂč nous retrouvons la cible « enfant ». Ce constat est identique si nous regardons des productions diverses pour enfants de 2 Ă  3 ans existant sur le marchĂ© comme des CD-Rom, des vidĂ©os, ou des programmes disponibles sur ordinateurs. Nous avons donc essayĂ© de sensibiliser les auteurs et les Ă©diteurs. Nous avons rĂ©ussi Ă  poser le problĂšme sur le fond en termes de dĂ©veloppement Ă©ducatif, cognitif des trĂšs jeunes enfants, en Ă©vitant progressivement l’image qui nous Ă©tait accolĂ©e par le passĂ© de porteur d’interdits.

Aujourd’hui, ce n’est plus le problĂšme du contenu qui est immĂ©diatement posĂ©. C’est bien d’abord celui de l’exposition Ă  des images. S. H. : Vous Ă©voquez la notion de risque pour le dĂ©veloppement cognitif de l’enfant. Y a-t-il, selon vous, un risque prĂ©sumĂ© de dĂ©pendance ? TrĂšs clairement, nous parlons de quoi ? D’un moment dans la vie oĂč l’enjeu pour l’enfant va ĂȘtre de, progressivement, se sĂ©parer de la mĂšre. La dĂ©pendance s’installe quand le bĂ©bĂ© trouve un refuge dans cette sorte de chaleur produite par l’image. Que se passera-t-il plus tard quand, devenu adolescent, il sera en difficultĂ© relationnelle ? Aura-t-il besoin en permanence d’un Ă©cran pour se sĂ©curiser ? Nous savons que l’addiction Ă  l’écran, aux jeux vidĂ©o, touche certains adolescents en recherche d’un monde persistant. La responsabilitĂ© de certains programmes est avĂ©rĂ©e. L’outil mĂ©dia a aussi sa part de responsabilitĂ©. Je parle d’outil car nous pourrions Ă©voquer le cas de la tĂ©lĂ©phonie mobile, par exemple, qui lui aussi se transforme maintenant en Ă©cran. Nous n’avons pas encore vu l’effet de la « tĂ©lĂ© bĂ©bĂ© » quinze annĂ©es aprĂšs. Comment allons-nous les retrouver ? Comme Ă©ducateur, j’ajouterai que des corrĂ©lations sont observĂ©es dans le domaine de l’attention. Le mĂ©dia capte l’attention de l’enfant. Certaines Ă©tudes amĂ©ricaines Ă©voquent la notion d’hyper attention reposant sur la recherche de stimulation permanente, proposant Ă  l’enfant sur des temps courts une consommation d’images flashes, façon zapping... Nous sommes Ă  l’opposĂ© d’une dĂ©marche Ă©ducative, plus en profondeur. Cette « deep attention » ou « attention en profondeur », doit permettre une vraie acquisition de connaissances et ainsi construire une dĂ©marche critique, avec la prise de distance nĂ©cessaire Ă  toute comprĂ©hension.

principe de prĂ©caution, nous rĂ©clamons aussi la vigilance. Il y a des incertitudes sur le tĂ©lĂ©phone mobile, notamment sur un risque potentiel dĂ» Ă  l’exposition des ondes. Nous estimons, Ă  ce sujet, que l’objet tĂ©lĂ©phone mobile peut correspondre Ă  des stades de dĂ©veloppement et de socialisation de l’enfant entrant au collĂšge, par exemple. Nous recommandons qu’il n’y ait pas d’offre de produits spĂ©cifiques pour les jeunes enfants. Cet Ă©quilibre est actuellement maintenu en France. L’Association française des opĂ©rateurs mobiles (Afom), avec qui nous discutons, s’est engagĂ©e, en relation avec le ministĂšre de la SantĂ©, Ă  ne pas avoir de politiques commerciales en ce sens. Le risque est pourtant Ă  nos portes. Avant NoĂ«l, des sociĂ©tĂ©s espagnoles ont proposĂ© des produits plus proches du jouet, avec trois ou quatre fonctions pour des jeunes enfants de 4-5 ans. Il faut rĂ©clamer cette vigilance car, en ce domaine, les chiffres des enfants de 6 Ă  10 ans possĂ©dant un tĂ©lĂ©phone mobile atteignent chez nous 25 %. En Angleterre ou en Italie, par exemple, ils sont deux fois plus nombreux. S. H. : Et sur Internet, portez-vous un regard particulier ? C’est un peu la mĂȘme chose. Tant que les adolescents n’ont pas acquis une autonomie, qu’ils n’ont pas eu les moyens d’avoir une Ă©ducation critique, c’est-Ă -dire une Ă©ducation au choix, nous devons ĂȘtre vigilants. Nous pensons, et c’est le rĂŽle du Ciem, qu’un travail d’éducation et de formation doit ĂȘtre proposĂ© aux parents qui le souhaitent.

S. H. : D’autres risques attribuĂ©s aux mĂ©dias appellent-ils, de votre part, une vigilance particuliĂšre ?

Sur les objets numĂ©riques, il y a une espĂšce de fascination, du reste bien entretenue par les opĂ©rateurs. Les familles ont leur mot Ă  dire. Mais toutes les Ă©tudes le dĂ©montrent, peu de parents jouent le rĂŽle d’éducateurs face aux mĂ©dias et ainsi accompagnent leurs enfants dans cet univers particulier. C’est la raison pour laquelle nous sommes pour toute recherche de convergences entre les pouvoirs publics qui ont leur rĂŽle de rĂ©gulation, les industriels et les associations.

Il y a, bien sûr, tous les risques qui sont liés aux contenus des programmes et qui peuvent laisser un certain nombre de traces. Nous avons parlé du

S. H. : NĂ©anmoins, vous Ă©crivez (3) qu’« une politique seule de protection ne suffit pas ». Vous souhaitez « des actions d’éducation aux

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mĂ©dias diversifiĂ©s, inscrites dans un projet global ». Vous prĂŽnez « une Ă©ducation au regard ». Pourquoi ? L’image est partout. Et son caractĂšre nomade correspond Ă  l’usage multifonctionnel que les mĂ©dias, dans leur ensemble, proposent. L’éducation au regard permet de dĂ©coder un certain nombre de reprĂ©sentations. Elle permet de comprendre l’environnement et aussi d’apprĂ©hender la notion de protection, ce droit Ă  l’image qu’il est, selon moi, indispensable de donner aux enfants assez tĂŽt. L’éducation au regard est aussi indispensable pour la formation de l’individu que l’éducation au goĂ»t, la quĂȘte du sens de l’alimentation. Nous travaillons sur la diĂ©tĂ©tique des Ă©crans, c’est-Ă -dire l’esthĂ©tisme des images. Cela permet de faire rĂ©flĂ©chir sur la notion des Ă©motions relatives au sens

de l’image. C’est particuliĂšrement vrai sur le sujet de la violence. C’est Ă©galement vrai sur la dĂ©couverte de la beautĂ©, de l’esthĂ©tisme. Mais, bien sĂ»r, sans occulter le lien avec le contenu. Cette Ă©ducation au regard nous apporte, aussi, nos propres rĂ©flexions en matiĂšre de mĂ©thodes. Pour simplifier, nous disons que pour casser le cĂŽtĂ© passif de l’image, il faut mettre les enfants en situation de crĂ©er leurs images. Le tĂ©lĂ©phone mobile avec sa facultĂ© de capter de l’image, de la consommer, est-il un mĂ©dia ? Et comment l’utiliser ? La technologie proposĂ©e est de plus en plus simple. Blogs, photos, vidĂ©os, portables
 Le travail sur le regard est un outil pour le rĂ©cepteur, une Ă©ducation citoyenne.

◗ RĂ©fĂ©rences bibliographiques (1) Zimmerman F. J., Christakis D. A., Meltzoff A. N. Television and DVD/Video Viewing in Children Younger Than 2 Years. Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine 2007; vol. 161: 473-9. (2) Christakis D. A., Zimmerman F. J., DiGiuseppe D. L., McCarty C. A. Early Television Exposure and Subsequent Attentional Problems in Children. Pediatrics 2004; vol. 113, n° 4: 708-13. (3) Gautellier C. Les jeunes et les mĂ©dias, un enjeu public. Vers l’éducation nouvelle, avril 2004 ; n° 514. Voir aussi plusieurs articles et documents sur le site des CemĂ©a : http://www.cemea.asso.fr

Propos recueillis par Denis Dangaix

Entretien avec Christine Ceruti, psychologue.

« La tĂ©lĂ©vision a une place dans le dĂ©veloppement de l’enfant » Nous avons interrogĂ© Christine Ceruti, auteur de l’ouvrage « Apprendre Ă  lire la tĂ©lĂ© » (1) sur cet « envahisseur », parĂ© de tous les maux comme de tous les attraits. Partant de son expĂ©rience de parent et de ses travaux menĂ©s en sciences de l’éducation, elle indique comment transformer le petit Ă©cran en outil de connnaissance. La SantĂ© de l’homme : Est-ce la psychologue ou la mĂšre qui vous a poussĂ©e Ă  « apprendre Ă  lire la tĂ©lĂ© » ? Christine Ceruti : Je le dis dans l’avantpropos de mon livre en Ă©voquant le « gobie », ce poisson que les pĂȘcheurs marseillais connaissent bien. Ce poisson aux yeux globuleux avale, avec sa grande bouche, tout ce qui passe, y compris le moindre hameçon. Et bien, comme parent avec mes enfants et comme famille d’accueil avec les jeunes de l’Aide sociale Ă  l’enfance que nous hĂ©bergeons, j’ai constatĂ© que la demande de « tĂ©lĂ© » est extrĂȘmement forte et que l’on se trouvait face Ă  une attitude de consommation partagĂ©e par tous les jeunes. Une immense majoritĂ© de familles est concernĂ©e par cette question. Alors si la mĂšre a Ă©tĂ© le dĂ©clencheur, c’est la psychologue qui a, vite, emboĂźtĂ© le pas. 24

S. H. : Vous avez dirigĂ© votre Ă©tude vers l’école, en partant naturellement de l’idĂ©e que l’institution Ă©ducative est, Ă©crivez-vous, « le lieu privilĂ©giĂ© pour comprendre et maĂźtriser le message tĂ©lĂ©visuel ». Est-ce rĂ©ellement cela ? Dans l’idĂ©e oui. Mais la rĂ©alitĂ© est contrastĂ©e. Les rĂ©ponses que je souhaitais trouver pour palier les difficultĂ©s dĂ©coulant de l’outil « tĂ©lĂ© » ne pouvaient ĂȘtre que diffĂ©rentes de ce que les parents, en rĂšgle gĂ©nĂ©rale, utilisent. Comme le positionnement autoritaire, par exemple, ou, au contraire, la solution de facilitĂ©, pour Ă©viter les conflits, d’autoriser chacun Ă  avoir son propre rĂ©cepteur. Je me refusais autant Ă  la permissivitĂ© qu’à l’interdit. Alors, comment utiliser au mieux cet objet incontournable ? Comment faire pour qu’un enfant en butte Ă  des difficultĂ©s en matiĂšre

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d’acquisitions scolaires, en situation de rejet de l’école mais attirĂ© par l’écran, captivĂ© par l’image, puisse se servir de l’objet tĂ©lĂ© ? Et ainsi, passer de l’image « ingurgitĂ©e » Ă  une image « mastiquĂ©e ». J’en suis arrivĂ©e, tout naturellement, Ă  une investigation de ce que propose l’école. Et cette investigation s’est vite transformĂ©e en une interpellation car si des directives existent, elles ne sont pas toujours utilisĂ©es par l’école faute de mĂ©thode pĂ©dagogique facilement applicable, surtout avec trente enfants ! C’est cela que j’ai traitĂ© dans la seconde partie de mon livre. S. H. : Parmi les reproches adressĂ©s Ă  la tĂ©lĂ©vision en matiĂšre Ă©ducative, quels sont ceux qui vous paraissent les plus fondĂ©s ? Ce sont la frĂ©quence et l’usage de la violence dans les sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es, les


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S. H. : Quelles recommandations Ă©ducatives votre recherche vous permet-elle de proposer ?

On me dit dans l’oreillette qu’il va ĂȘtre l’heure de dĂźner

Dans un premier temps, ne pas laisser les enfants seuls devant le petit Ă©cran Ă  regarder n’importe quoi. Et puis, il est utile de parler, d’échanger avec les enfants sur ce qu’ils voient. Il est nĂ©cessaire de leur permettre de s’exprimer, quel que soit l’ñge, et ainsi dire ce qu’ils ressentent. C’est ce que nous Ă©voquons par la catharsis (mĂ©thode psychothĂ©rapeutique reposant sur la dĂ©charge Ă©motionnelle liĂ©e Ă  l’extĂ©riorisation du souvenir, ndlr), qui, en matiĂšre de tĂ©lĂ© va ĂȘtre « la parole exprimĂ©e par soi-mĂȘme ». Les parents ont donc toute leur place dans ce processus d’accompagnement de l’enfant devant ce mĂ©dia.

dessins animĂ©s, les films et l’information qui arrivent en tĂȘte des reproches : la banalisation de la violence. Curieusement, certains psychologues nient l’impact qu’elle peut avoir sur l’éducation des enfants. Je pense que c’est un problĂšme sĂ©rieux et j’ajoute que la responsabilitĂ© des pouvoirs publics est, Ă  mes yeux, engagĂ©e. Le second reproche est dans la non-utilisation de l’objet comme cadre Ă©ducatif. C’est un outil. Et comme tout outil, nous pouvons nous en servir d’une maniĂšre ou d’une autre. Ce travail de formation et d’éducation aux mĂ©dias devrait ĂȘtre une fonction essentielle de l’école. Tous les autres problĂšmes peuvent ĂȘtre rĂ©solus par le biais d’une dĂ©marche de comprĂ©hension du message.

vision. RĂ©flĂ©chissons Ă  la place de la tĂ©lĂ©vision dans les familles et dans la progression et le dĂ©veloppement de l’enfant. Il est connu qu’elle intervient dans le processus de socialisation. Dans les propos des enfants, petits et grands, vous relevez bien qu’elle a de multiples rĂŽles. C’est un modĂšle, un vecteur de comportements. Elle vĂ©hicule des idĂ©es et des stĂ©rĂ©otypes. Ces effets sont Ă  prendre en compte en matiĂšre d’éducation, pour ne pas subir les images accolĂ©es Ă  des commentaires, avoir la possibilitĂ© de dĂ©cortiquer et donc d’utiliser au mieux ce qu’elle nous propose.

S. H. : Vous Ă©crivez (2) que « la tĂ©lĂ© est un nouveau personnage pour l’enfant dans son Ă©ducation ». Que voulez-vous dire ?

Pas essentiellement, si ce n’est ce que les parents et les enseignants Ă©voquent : manque de sommeil, problĂšmes d’attention, manque d’activitĂ© physique, boulimie
 Ils constatent aussi ce que certains appellent les troubles de l’imaginaire. Les enfants ont besoin de se crĂ©er leur propre imaginaire et la tĂ©lĂ©vision le fabriquerait Ă  leur place. Nous sommes dans un processus de modĂ©lisation. En revanche, je n’ai pas constatĂ©, dans mon accompagnement d’enfants, d’impacts forts en matiĂšre de santĂ©, tels les troubles du dĂ©veloppement cognitif.

Je fais rĂ©fĂ©rence Ă  un poĂšme Ă©crit par des enfants de cours Ă©lĂ©mentaire (que j’avais placĂ© en exergue de mon DEA) qui interpellent les parents, l’école et la tĂ©lĂ©vision, en tant qu’éducateurs. On peut constater qu’ils passent plus de temps actif Ă  l’école qu’avec leurs parents, et que, chez leurs parents, beaucoup de temps est accordĂ© Ă  la tĂ©lĂ©-

S. H. : Avez-vous repéré, dans votre étude, des impacts en matiÚre de santé ?

Il est important aussi de savoir interdire. Et comme c’est difficile, car vecteur de conflits, je recommande l’usage du magnĂ©toscope, de l’enregistrement. Il permet de choisir et de limiter l’usage dans le temps. C’est un outil qui donne une grande libertĂ©. Ne pas dire « non », mais « plus tard », cela n’a pas la mĂȘme fonction. Parler, Ă©changer, dĂ©cider du moment oĂč l’enfant va rĂ©ceptionner l’image
 Nous remplaçons la rapiditĂ©, la simplification, l’instantanĂ©itĂ©, par le dialogue, l’interrogation, le doute. Nous pouvons alors lui expliquer des usages, des codes, des pratiques. Nous nous intĂ©ressons ensemble Ă  cette tĂ©lĂ©vision qui peut montrer beaucoup de choses et notamment de belles choses. C’est bien lĂ  que se situe le rĂŽle, selon moi fondamental, de l’éducation Ă  la tĂ©lĂ©vision. Susciter le dĂ©bat, le partage d’émotions, le rire : les pĂ©dagogues savent que l’esprit critique se forme Ă  la suite d’une observation de ses sensations, d’interrogations, de distanciation analytique. Je suis persuadĂ©e, et c’est le sens de mon interpellation envers l’institution scolaire, qu’une Ă©ducation aux mĂ©dias doit ĂȘtre conçue comme un investissement dans le temps. L’école, comme les parents, sont complĂ©mentaires dans cette Ă©ducation. Propos recueillis par Denis Dangaix

(1) Ceruti C. Apprendre Ă  lire la tĂ©lĂ©. PĂ©dagogie et formation, outils et expĂ©riences. Paris : L’Harmattan, coll. Technologie de l’action sociale, 2008 : 284 p. 2) page 53.

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Entretien avec Monique Dagnaud, sociologue, directrice de recherche au CNRS, spécialiste des médias.

« L’adolescent construit une relation fusionnelle via le portable et Internet » Les adolescents sont Ă  la fois virulents et peu critiques par rapport Ă  la tĂ©lĂ©vision. Ils communiquent avec le tĂ©lĂ©phone portable, les messageries Internet et les blogs. La sociologue Monique Dagnaud dĂ©crypte la « relation fusionnelle avec leurs pairs », qu’ils Ă©tablissent par ces nouveaux modes de communication. Via les blogs, ils se prĂ©sentent, Ă©laborent leur personnalitĂ© ; ils s’éprouvent dans leurs relations, construisent leur identitĂ©. La SantĂ© de l’homme : Dans vos travaux de recherche sur les mĂ©dias, avez-vous identifiĂ© les jeunes comme de gros consommateurs de tĂ©lĂ©vision ? Monique Dagnaud : Les jeunes, qu’ils soient des enfants ou des adolescents, regardent beaucoup la tĂ©lĂ©vision mais, au contraire d’une idĂ©e reçue, ils la regardent beaucoup moins que les adultes. Les adultes passent en moyenne, chaque jour, 3 h 30 devant le petit Ă©cran, les jeunes environ 2 h 20. En mĂȘme temps, les jeunes sont plus attirĂ©s par ce que nous appelons « la culture digitale », c’est-Ă dire Internet, les jeux vidĂ©o, les mobiles, que les adultes. Mais, lĂ  encore, contrairement Ă  certaines idĂ©es toutes faites,

le mĂ©dia tĂ©lĂ©vision n’a pas disparu pour autant de l’univers des adolescents. S. H. : Comment la regardent-ils ? Cela dĂ©pend d’abord de l’ñge du public concernĂ©. Si nous prenons les trĂšs jeunes, les moins de 8-10 ans, ils passeront plus de 50 % de leur temps d’écoute devant des chaĂźnes qui, et c’est le succĂšs des abonnements satellites, leur sont consacrĂ©es. Les observations rĂ©alisĂ©es sur les foyers possĂ©dant des abonnements le dĂ©montrent. Le temps global d’écoute restera variable selon le mode de vie, la catĂ©gorie sociale des parents, les habitudes familiales. Ces chaĂźnes sont trĂšs adaptĂ©es Ă  ce public. Elles cultivent le jeu, la bande dessinĂ©e,

Les jeunes et Internet : une rĂ©flexion europĂ©enne Depuis plusieurs annĂ©es, s’est engagĂ©e au niveau europĂ©en une rĂ©flexion autour de l’utilisation des mĂ©dias par les enfants et les jeunes, et plus rĂ©cemment sur l’utilisation d’Internet. L’objectif du programme europĂ©en « Safer Internet Plus » (2005-2008) Ă©tait de promouvoir une utilisation sĂ©curisĂ©e d’Internet et des nouvelles technologies par les enfants et les jeunes et de combattre les contenus illĂ©gaux. Ce programme a Ă©tĂ© reconduit en 2008 (« Safer Internet », 2009-2013). Dans ce cadre, le projet « EU Kids Online » propose de rassembler sur une mĂȘme plate-forme tous les efforts nationaux de recherche existant en Europe. Vingt et un pays se sont engagĂ©s dans ce projet qui a pour ambition de formuler des recommandations en termes de sĂ©curitĂ©, de littĂ©ratie et de sensibilisation des enfants et des jeunes face Ă  Internet et ses contenus. En France, le site « Internet sans crainte » propose une information et des outils en ce sens : s’adressant aux familles et Ă  la communautĂ© Ă©ducative, l’objectif de cette initiative est de « favoriser une Ă©ducation critique Ă  Internet, afin de promouvoir des usages plus responsables et sĂ»rs de ce mĂ©dia sur tous ses supports, fixes ou mobiles, par les jeunes ». JoĂ«lle Kivits

Voir http://www.eukidsonline.net/ En France, voir le projet http://www.internetsanscrainte.fr

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avec un cĂŽtĂ© pĂ©dagogique, de l’apprentissage
 Les enfants les regardent. Nous pourrions dire, les « consomment ». Dans une recherche sur les enfants et la publicitĂ© (1), j’ai constatĂ© que ces jeunes prennent plutĂŽt au premier degrĂ© ce qu’ils entendent. MĂȘme si, et c’est important, ils ne confondent pas un programme avec un spot publicitaire et que, bien sĂ»r, la finalitĂ© commerciale de ce mĂȘme spot leur Ă©chappe totalement. Ils auront un cĂŽtĂ© un peu crĂ©dule face Ă  ce mĂ©dia jusqu’au moment oĂč l’enfant entrera dans l’adolescence. Cette pĂ©riode de la vie est l’époque de la construction de l’attitude critique. Elle sera trĂšs distancĂ©e, notamment vis-Ă -vis des mĂ©dias. S. H. : Chez les adolescents, les vecteurs interactifs comme Internet ou les tĂ©lĂ©phones mobiles ont-ils supplantĂ© la tĂ©lĂ©vision ? Non. La tĂ©lĂ©vision va devenir un mĂ©dia moins important car l’adolescent, simplement, entre dans cette culture « Internet », faite de contacts, de quĂȘtes relationnelles et de recherche de contenus. Avec Internet, nous sommes dans un univers ludique, interactif, oĂč l’échange est fondamental. Par le biais des blogs, il y a moyen de faire une prĂ©sentation de soi-mĂȘme, de la musique que l’on aime ou que l’on joue. Internet offre Ă  l’adolescent plus d’élĂ©ments pour sa construction, l’élaboration de sa personnalitĂ©, pour apprendre Ă  tisser des liens avec d’autres jeunes. Vous Ă©voquez le tĂ©lĂ©phone mobile. Aujourd’hui l’immense majoritĂ© des jeu-


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nes, enfants compris, possĂšde un tĂ©lĂ©phone mobile. Ne pas en avoir, quand on est jeune, c’est ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un extraterrestre. Avoir un mobile, c’est non seulement un moyen pour la famille de suivre l’enfant mais, pour ce dernier, la possibilitĂ© de dĂ©velopper, comme Internet d’ailleurs, une espĂšce de sociabilitĂ© exubĂ©rante. OĂč l’enfant se raconte. OĂč il se construit un monde en dehors des adultes. OĂč se construit la relation fusionnelle avec ses pairs. Internet et le tĂ©lĂ©phone mobile – nous les appelons des rĂ©seaux sociaux – incarnent cette idĂ©e d’un monde qui se façonne en dehors des adultes. L’affectivitĂ© est forte entre gens du mĂȘme Ăąge. Ces mĂ©dias, au contraire de la tĂ©lĂ©vision, permettent au jeune utilisateur de s’éprouver dans ses relations. Il se construit alors son identitĂ©.

d’autres, est perçu comme un systĂšme abrutissant, un instrument de propagande dĂ©formant la rĂ©alitĂ© et voulant reprĂ©senter un modĂšle de vie, de consommation collant Ă  des idĂ©es dominantes. Les adolescents ont effectivement une attitude trĂšs critique Ă  propos de la tĂ©lĂ©vision. Mais cela ne veut pas dire qu’ils ne la regardent pas. Beaucoup pensent : « La tĂ©lĂ© abrutit – tous les autres, entre parenthĂšses – mais moi, je suis conscient. » Cette attitude ne concerne pas que les adolescents. Elle est trĂšs gĂ©nĂ©ralement rĂ©pandue dans la sociĂ©tĂ©. Que vous alliez dans une assemblĂ©e populaire, d’intellectuels, d’enseignants
 Vous avez toujours la parole dominante sur les mĂ©dias affirmant : « Ils nous manipulent. » Il n’y a, peut-ĂȘtre, que les enfants qui ont encore une vision trĂšs crĂ©dule du petit Ă©cran.

S. H. : Dans votre dernier essai « La teuf » (2), vous dites que la télévision est perçue comme « un déversoir de clichés et de stéréotypes ». Vous précisez que « les jeunes ne sont pas dupes ». Ont-ils une lecture critique de ce qui passe par le petit écran ?

S. H. : Comment les adolescents restent-ils des spectateurs attentifs devant un mĂ©dia qu’ils critiquent tant ?

Oui et non ; en tous les cas, leur jugement sur la télévision est souvent trÚs virulent. Le média « télévision », plus que

La tĂ©lĂ©vision reste le mĂ©dia dominant. Je le compare Ă  un Ă©cosystĂšme dans lequel nous vivons. Les adolescents, comme les adultes d’ailleurs, sont attentifs Ă  un matĂ©riel qui peut servir Ă  rĂ©flĂ©chir sur soi, Ă  Ă©laborer des idĂ©es,

Ă  montrer. Mais notre sociĂ©tĂ© permet que, directement ou indirectement, nous sachions ce qui est vĂ©hiculĂ© dans les mĂ©dias. Nous sommes innervĂ©s par des informations et celles-ci jouent un rĂŽle dans la façon de penser, dans le langage, dans les reprĂ©sentations. Les mĂ©dias dĂ©coupent la rĂ©alitĂ© et la reconstruisent. Les Ă©missions de fiction, regardĂ©es par les adolescents, sont un bel exemple. Ces fictions reprĂ©sentent une sociĂ©tĂ© trĂšs centrĂ©e sur certaines couches sociales avec des hĂ©ros rĂ©currents, extrĂȘmement souverains, des personnalitĂ©s sympathiques
 Ce dĂ©coupage de cette rĂ©alitĂ© filmĂ©e imprime les cortex, quoi que l’on en dise. S. H. : Les jeunes sont-ils capables d’identifier l’émetteur d’un message ? Sur la prĂ©vention, font-ils la diffĂ©rence entre messages publicitaires et information institutionnelle ? Non seulement les jeunes, et particuliĂšrement les adolescents, font la diffĂ©rence entre les messages mais, le plus souvent, ils le comprennent. Pour certains types de messages, la prĂ©vention notamment, ils les approuvent. Ne croyons pas que les jeunes ne comprennent pas bien la sociĂ©tĂ© dans

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laquelle nous sommes. Cette sociĂ©tĂ© est largement dĂ©cryptĂ©e par l’école et bien sĂ»r par une lecture critique, comparative des mĂ©dias. Le jeune est trĂšs informĂ© mais
 je vais prendre l’exemple de la SĂ©curitĂ© routiĂšre. Les campagnes utilisent des vecteurs diffĂ©rents pour essayer de faire passer un message prĂ©cis, comme l’image choc, l’utilisation de l’enfant, l’émotion. Les jeunes connaissent parfaitement les recommandations de la SĂ©curitĂ© routiĂšre. En revanche, dans leur comportement, nous constatons des attitudes inverses. La jeunesse est un moment de transgression. Dans la « teuf », la fĂȘte est trĂšs souvent accompagnĂ©e de beaucoup d’alcool, Ă©ventuellement d’autres produits toxiques. Il y a cette adrĂ©naline liĂ©e Ă  la vitesse. J’ai constatĂ© que ces jeu-

nes, Ă  jeun, ont un discours trĂšs rationnel, trĂšs raisonnable. Ils dĂ©montrent une grande compĂ©tence pour comprendre le monde social. En mĂȘme temps, ils sont capables de pratiques en rupture avec les recommandations sanitaires qu’ils ont intĂ©grĂ©es. MĂȘme chose pour l’usage des prĂ©servatifs. S. H. : Quels sont les outils dont devraient disposer les jeunes pour exercer leur esprit critique ? Ce regard critique se construit essentiellement dans le rapport avec l’autre. Pour un adolescent, l’outil, c’est l’adulte. Ce peuvent ĂȘtre le parent, l’enseignant, un rĂ©fĂ©rent quelconque. La critique est nĂ©cessaire. La virulence envers la tĂ©lĂ© s’explique aussi par le besoin de s’ex-

primer. L’outil est bien la confrontation, la rencontre avec un autre. Internet ou le tĂ©lĂ©phone mobile sont aussi des vecteurs de dialogue et de confrontation. Propos recueillis par Denis Dangaix

◗ RĂ©fĂ©rences bibliographiques (1) Dagnaud M. Enfants, consommation et publicitĂ© tĂ©lĂ©visĂ©e. Paris : La Documentation française, coll. Études de La Documentation française, 2005 : 106 p. (2) Dagnaud M. La teuf. Essai sur le dĂ©sordre des gĂ©nĂ©rations. Paris : Le Seuil, 2008 : 208 p.

Quelle place pour le dĂ©cryptage des messages mĂ©diatiques Ă  l’école ? L’éducation Ă  l’esprit critique est une responsabilitĂ© de l’école et figure dans les textes officiels. Le Centre de liaison de l’enseignement et des mĂ©dias d’information (Clemi) forme et outille les enseignants, en France, pour les aider Ă  mettre en place une vĂ©ritable Ă©ducation critique aux mĂ©dias. Dans une sociĂ©tĂ© oĂč l’information a une place croissante, l’école s’est prĂ©occupĂ©e d’armer les Ă©lĂšves pour leur apprendre Ă  dĂ©chiffrer les messages mĂ©diatiques. Les textes officiels qui s’appliquent dans les classes, les programmes scolaires de nombreuses disciplines mais surtout le socle commun de connaissances et de compĂ©tences1 qui fixe les repĂšres culturels et civiques constituant le contenu de l’enseignement obligatoire, dĂ©finissent tous l’obligation de mettre en place une Ă©ducation aux mĂ©dias.

tre Ă  critique et mettre Ă  distance l’information ; savoir distinguer virtuel et rĂ©el ; ĂȘtre Ă©duquĂ© aux mĂ©dias et avoir conscience de leur place et de leur influence dans la sociĂ©tĂ© ». Le ministre de l’Éducation nationale, Xavier Darcos, prĂ©cise bien que « la formation du regard et de l’esprit critique fait partie des missions de l’Éducation nationale »2. Il est d’autant plus important que l’école prenne en charge cette Ă©ducation que de rĂ©cents textes europĂ©ens3 font obligation de mettre en Ɠuvre cette Ă©ducation.

Pour se prĂ©parer Ă  sa vie de citoyen, l’élĂšve doit, en effet, ĂȘtre capable de « jugement et d’esprit critique, ce qui suppose : savoir Ă©valuer la part de subjectivitĂ© ou de partialitĂ© d’un discours, d’un rĂ©cit, d’un reportage ; savoir distinguer un argument rationnel d’un argument d’autoritĂ© ; apprendre Ă  identifier, classer, hiĂ©rarchiser, soumet-

En France, c’est le Clemi (voir encadrĂ©) qui, depuis vingt-cinq ans, est chargĂ© de l’éducation aux mĂ©dias dans l’ensemble du systĂšme Ă©ducatif4. En formant les professeurs Ă  l’éducation aux mĂ©dias et en accompagnant les enseignants dans leur production mĂ©diatique, le Clemi accomplit sa mission de service public.

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Enseignants en visite dans les mĂ©dias Avec plus de six cent cinquante visites dans les mĂ©dias organisĂ©es chaque annĂ©e pour les enseignants stagiaires, le Clemi permet de dĂ©couvrir toutes les Ă©tapes de la production mĂ©diatique et donc de comprendre son mode de production. Assister Ă  une confĂ©rence de rĂ©daction lors de la visite d’une radio, d’un journal, d’une tĂ©lĂ©vision ou d’une agence de presse sont un des moyens mis en Ɠuvre pour aider les enseignants Ă  comprendre ce qu’est la hiĂ©rarchie de l’information, le choix des sujets, les angles retenus. Être prĂ©sent dans une rĂ©gie tĂ©lĂ©, oĂč les images arrivent en continu et sont choisies puis lĂ©gendĂ©es par les journalistes, sont une des façons d’assister Ă  la fabrication de l’information. Assister Ă  ce processus permet ensuite aux enseignants de montrer aux Ă©lĂšves comment l’information est une construction.


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Rencontres enseignants/ professionnels des mĂ©dias Le travail du Clemi en partenariat avec les professionnels des mĂ©dias est unique. Rapprocher deux mondes qui s’ignorent habituellement permet d’aider les enseignants Ă  dĂ©crypter les mĂ©dias mais Ă©galement les journalistes Ă  mieux apprĂ©hender le systĂšme scolaire. Quand Pierre Haski, fondateur de « Rue 89 », vient rencontrer les enseignants stagiaires, il leur permet de comprendre les dessous d’un mĂ©dia. S’interroger sur la place accordĂ©e aux non-journalistes amĂšne l’enseignant (puis l’élĂšve) Ă  s’interroger plus largement sur la place des experts et des lecteurs-citoyens dans un mĂ©dia. En organisant des formations pour les enseignants au cƓur de manifestations comme les rencontres de « Visa pour l’image », Ă  Perpignan, ou le « Festival du scoop et du journalisme », Ă  Angers, le Clemi arme les enseignants qui souhaitent travailler sur l’image. À Perpignan, dĂ©coder la photo de presse et comprendre le photojournalisme sont les objectifs affichĂ©s de ce

stage qui aboutit à la production de matériel pédagogique distribué ensuite aux enseignants qui visitent le festival avec leurs élÚves.

suasion mis en Ɠuvre dans leur fabrication est Ă©galement une activitĂ© communĂ©ment pratiquĂ©e dans les Ă©coles dĂšs le plus jeune Ăąge.

Fiches pédagogiques et produits multimédia

Mettre Ă  disposition des enseignants des images de qualitĂ© est Ă©galement un moyen de favoriser la lecture de l’image dans les classes. Avec l’envoi de 15 000 cĂ©dĂ©roms intitulĂ©s « Lire la photo avec l’Agence France-Presse », rĂ©alisĂ© en partenariat entre le Clemi et l’AFP, les enseignants peuvent apprendre aux Ă©lĂšves Ă  lire une image. Le texte inclus dans le cĂ©dĂ©rom d’une juriste spĂ©cialiste des questions juridiques de droit Ă  l’image permet Ă©galement aux enseignants d’élargir la rĂ©flexion sur les questions du droit Ă  l’image.

Chaque annĂ©e, un dossier pĂ©dagogique recueillant un certain nombre de fiches pĂ©dagogiques, de fiches d’information et de fiches-conseils Ă©galement en ligne sur le site Internet du Clemi, est envoyĂ© aux 15 000 enseignants inscrits Ă  la Semaine de la presse et des mĂ©dias dans l’écoleÂź5. Ces fiches accompagnent l’enseignant dans sa classe en lui proposant contenu et dĂ©marche pĂ©dagogique. Apprendre Ă  avoir un regard critique sur les chiffres proposĂ©s dans les mĂ©dias fait, par exemple, l’objet d’une fiche pĂ©dagogique Ă  exploiter en mathĂ©matiques. Montrer qu’à la source de l’information se trouve le plus souvent une dĂ©pĂȘche d’agence, dĂ©cortiquer la structure d’une dĂ©pĂȘche sont des exercices que les enseignants peuvent facilement mettre en Ɠuvre dans leur classe. DĂ©coder les messages publicitaires pour aider les Ă©lĂšves Ă  repĂ©rer les procĂ©dĂ©s de per-

3 x (2a + 3b) =

Je vais demander l’avis du public !

RĂ©pondre aux sollicitations des enseignants qui souhaitent produire des objets mĂ©diatiques avec les jeunes est Ă©galement un axe de travail important. Le concours « Reportage », en partenariat avec Arte, consiste Ă  demander aux Ă©lĂšves de monter en Ă©quipe ou en solo un reportage vidĂ©o de trois Ă  six minutes Ă  partir d’une sĂ©lection de rushes d’Arte. Quoi de plus formateur que de monter un film ? C’est souvent en produisant un objet mĂ©diatique (journal scolaire, web radio, blog, etc.) que les Ă©lĂšves prennent conscience de l’importance des messages produits. Plus qu’un cours oĂč ils sont passifs, la mise en activitĂ© autour d’une production, outre la forte motivation souvent constatĂ©e, permet d’éduquer les Ă©lĂšves Ă  la construction d’une information.

Des vidĂ©os Ă  utiliser en formation ou en classe C’est avec cette idĂ©e en tĂȘte que le Clemi a demandĂ© Ă  la TĂ©lĂ© Libre de rĂ©aliser un film intitulĂ© « Les fabricants d’info ». Ce film, en ligne sur le site Internet du Clemi, permet aux enseignants et Ă  leurs Ă©lĂšves de dĂ©couvrir les dessous du montage. Effet Koulechov, choix de la musique, montage, le film insiste sur le rĂŽle du monteur dans la construction du message mĂ©diatique. Les modules « DĂ©cryptage » dĂ©veloppĂ©s en partenariat avec l’Ina en ligne6 permettent aux enseignants de travailler sur la reprĂ©sentation d’un thĂšme Ă  partir d’images d’archives. L’approche historique permet des comparaisons Ă©clairantes pour les Ă©lĂšves, c’est une dĂ©marche pĂ©dagogique motivante

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pour aborder le dĂ©cryptage de message. Les diffĂ©rents spots de campagne prĂ©sidentielle, la façon dont le sport est tournĂ© Ă  la tĂ©lĂ©vision, la mise en scĂšne du journal tĂ©lĂ©visĂ© ou encore le rĂŽle du prĂ©sentateur sont des exemples de ces modules qui lient images d’archives et commentaires. C’est alors la juxtaposition des images tĂ©lĂ©visĂ©es qui donne du sens au dĂ©cryptage.

Huit lettres : décrypte

Pas mieux


Une dĂ©marche difficile Ă  gĂ©nĂ©raliser Si les supports varient et Ă©voluent avec les nouvelles technologies, les objectifs restent inchangĂ©s : en formant les enseignants, il s’agit d’aider les Ă©lĂšves Ă  se repĂ©rer pour comprendre le monde mouvant qui les entoure et Ă  devenir des citoyens responsables malgrĂ© les freins mis en lumiĂšre par le rapport de l’Inspection gĂ©nĂ©rale de l’Éducation nationale (Igen), L’éducation aux mĂ©dias : enjeux, Ă©tat des lieux, perspectives7. En effet, le morcellement des disciplines, les insuffisances de la formation, notamment au niveau de la formation initiale et, pour le premier degrĂ©, la trop faible sollicitation de la recherche dans ce domaine, la mĂ©fiance ancestrale et persistante Ă  l’égard des images, la peur des idĂ©ologies vĂ©hiculĂ©es dans les mĂ©dias sont les obstacles Ă  la fois d’ordre structurel et culturel mis en avant par les inspecteurs gĂ©nĂ©raux pour expliquer que cette Ă©ducation reste encore l’affaire d’enseignants militants convaincus du bien-fondĂ© de l’éducation aux mĂ©dias dans la perspective de leurs enseignements. Elsa Santamaria ChargĂ©e de mission au Centre de liaison de l’enseignement et des mĂ©dias d’information (Clemi).

1. DĂ©cret n°2006-830 du 11 juillet 2006. 2. Allocution prononcĂ©e par Xavier Darcos le 2 juillet 2007 devant le groupe de pilotage de la Semaine de la presse et des mĂ©dias dans l’écoleÂź. 3. Voir les conclusions du Conseil du 22 mai 2008 concernant une approche europĂ©enne de l’éducation aux mĂ©dias dans l’environnement numĂ©rique, parues dans le Journal officiel de l’Union europĂ©enne du 6 juin 2008. 4. DĂ©cret n° 2007-474 du 28 mars 2007. 5. La Semaine de la presse et des mĂ©dias dans l’écoleÂź a lieu, depuis dix-neuf ans, chaque annĂ©e au mois de mars. Plus de 1750 mĂ©dias participent Ă  cette opĂ©ration, la plus grosse du systĂšme Ă©ducatif. PrĂšs de 600 Ă©diteurs de presse envoient des exemplaires de journaux gratuitement dans les Ă©coles et les Ă©tablissements scolaires. 6. Sur le site de l’Ina : http://www.ina.fr/ 7. Rapport n°2007-083, aoĂ»t 2007 dont les rapporteurs sont Catherine Becchetti-Bizot et Alain Brunet.

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T E

Y R D E P C

PrioritĂ© Ă  la formation des enseignants Le Centre de liaison de l’enseignement et des mĂ©dias d’information (Clemi) est l’organisme au sein du ministĂšre de l’Éducation nationale chargĂ© de l’éducation aux mĂ©dias dans l’ensemble du systĂšme Ă©ducatif depuis 1983. Former les enseignants Ă  la connaissance des mĂ©dias et des circuits de l’information, Ă  l’analyse critique des messages d’information, Ă  l’usage sĂ»r et critique des techniques de l’information et de la communication et Ă  la production d’outils et de messages d’information est l’une de ses principales missions. ‱ Centre de liaison, le Clemi est un relais privilĂ©giĂ© entre le systĂšme Ă©ducatif et les professionnels des mĂ©dias, il permet de bĂątir des projets communs, comme la Semaine de la presse et des mĂ©dias dans l’écoleÂź. ‱ Accompagner l’expression des Ă©lĂšves dans le cadre scolaire est un des objectifs du Clemi. En effet, le centre peut aider les enseignants Ă  maĂźtriser les diffĂ©rentes Ă©tapes de fabrication d’un produit mĂ©diatique, de la conception Ă  la rĂ©alisation. Le Clemi, pĂŽle associĂ© Ă  la BibliothĂšque nationale de France, est d’ailleurs le dĂ©pĂŽt pĂ©dagogique de tous les journaux scolaires. ‱ Centre de documentation, il Ă©dite aussi chaque annĂ©e des documents pĂ©dagogiques sur l’éducation aux mĂ©dias. ‱ Enfin, il initie des recherches, organise des colloques et participe Ă  des publications. Expert Ă  l’échelle internationale, il s’emploie Ă  faire avancer la problĂ©matique de l’éducation aux mĂ©dias au plan international. Il coordonne des Ă©tudes ou des recherches internationales, organise des sĂ©minaires, notamment dans le cadre de la Commission europĂ©enne. En savoir plus : http://www.clemi.org

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DĂ©crypter les stĂ©rĂ©otypes publicitaires Ă  l’école Dans une Ă©cole de la rĂ©gion de Clermont-Ferrand, enseignants et formateurs aident les enfants de 8 Ă  11 ans Ă  se forger un esprit critique face aux publicitĂ©s. L’objectif est de leur faire prendre conscience des stĂ©rĂ©otypes vĂ©hiculĂ©s en matiĂšre de publicitĂ©. Affirmation de soi, respect de l’autre et de son corps permettent de dresser un bilan trĂšs positif de l’amĂ©lioration des comportements des Ă©lĂšves au sein de l’école. Le dĂ©veloppement de l’esprit critique est au cƓur de l’éducation Ă  la santĂ© Ă  l’école. DĂšs lors que la finalitĂ© de l’éducation Ă  la santĂ© n’est pas d’inculquer aux Ă©lĂšves de « bons » comportements contre de « mauvais », le dĂ©veloppement de l’esprit critique et de la capacitĂ© Ă  mettre Ă  distance les pressions de toutes sortes deviennent des objectifs centraux. En effet, Ă©duquer Ă  la santĂ© Ă  l’école, c’est conduire chacun Ă  se construire en rĂ©fĂ©rence aux conduites Ă  risques (drogues illĂ©gales, alcool, tabac, prise de risque routier, violence, etc.), Ă  ĂȘtre capable de prendre soin de soi et de respecter les autres (dans le domaine de la sexualitĂ© par exemple). Éduquer Ă  la santĂ©, c’est permettre Ă  la personne de faire des choix Ă©clairĂ©s et responsables, de garder sa libertĂ© vis-Ă -vis des drogues mais aussi des stĂ©rĂ©otypes ou de la pression des mĂ©dias et des pairs. La capacitĂ© de jugement et d’esprit critique est l’une des dimensions du socle commun de connaissances et de compĂ©tences, qui fixe les objectifs de l’école obligatoire en France (1). Le texte prĂ©cise que les Ă©lĂšves devront « ĂȘtre Ă©duquĂ©s aux mĂ©dias et avoir conscience de leur place et de leur influence dans la sociĂ©tĂ© ; savoir construire leur opinion personnelle et pouvoir la remettre en question, la nuancer (par la prise de conscience de la part d’affectivitĂ©, de l’influence de prĂ©jugĂ©s, de stĂ©rĂ©otypes). »

Un travail sur les publicitĂ©s tĂ©lĂ©visĂ©es Conduit dans une Ă©cole primaire situĂ©e en zone d’éducation prioritaire, le travail spĂ©cifique que nous prĂ©sentons ici a Ă©tĂ© construit autour de la distinction garçons-filles et des stĂ©rĂ©otypes publi-

citaires ciblant le jeune public. Ce travail d’éducation Ă  la sexualitĂ© s’est appuyĂ© sur les instructions officielles dĂ©finissant les contenus scolaires pour les classes de CE2, CM1 et CM2. Et c’est ainsi que les activitĂ©s proposĂ©es se sont ancrĂ©es, par exemple, dans l’enseignement disciplinaire « maĂźtrise de la langue » (cƓur de la mission de l’école primaire). Il s’agit bien de travailler dans le cadre des diffĂ©rentes matiĂšres enseignĂ©es Ă  l’école et non d’en ajouter une nouvelle. Sous la conduite du maĂźtre ou de la maĂźtresse de la classe et de formateurs d’IUFM, le projet s’est dĂ©roulĂ© durant toute l’annĂ©e scolaire et a concernĂ© tous les enfants de 8 Ă  11 ans de l’école. Le volet relatif aux mĂ©dias est l’un des trois pĂŽles intĂ©grĂ©s aux activitĂ©s de classe. Un autre concerne le dĂ©veloppement des compĂ©tences personnelles sociales et civiques, notamment Ă  partir d’activitĂ©s en littĂ©rature, avec l’album Yakouba (2), et le troisiĂšme, les connaissances scientifiques en rĂ©fĂ©rence Ă  l’item « reproduction des humains et Ă©ducation Ă  la sexualitĂ© » des programmes scolaires (3). Il s’agit de « mettre Ă  distance les stĂ©rĂ©otypes – dĂ©velopper l’exercice de l’esprit critique notamment par l’analyse des modĂšles et des rĂŽles sociaux vĂ©hiculĂ©s par les mĂ©dias en matiĂšre de sexualitĂ© » (4). Le travail sur les mĂ©dias a portĂ© sur les publicitĂ©s tĂ©lĂ©visĂ©es pour enfants. Celles-ci sont en effet particuliĂšrement sexuĂ©es. Pour s’en convaincre, il suffit d’en regarder quelques-unes, notamment dans les tranches horaires du matin avant l’école ou au cours des Ă©missions jeunesse. Les reprĂ©sentations

que la publicitĂ© pour des cĂ©rĂ©ales ou des jouets renvoie de la jeune fille ou du jeune garçon se nourrissent de stĂ©rĂ©otypes sur l’image du corps ou encore sur la relation Ă  l’autre. Une des finalitĂ©s a donc Ă©tĂ© de proposer aux Ă©lĂšves un temps de prise de recul sur les images publicitaires pour les « outiller », en rendant ces Ă©lĂšves Ă©metteurs et non plus seulement rĂ©cepteurs : dĂ©crypter et parler des images mais aussi produire leur propre spot publicitaire.

Du dĂ©cryptage Ă  la rĂ©alisation d’un spot Pour la premiĂšre phase, un ensemble de cinq sĂ©ances de trente Ă  quarantecinq minutes chacune a permis de conduire les Ă©lĂšves Ă  identifier les espaces publicitaires afin de les faire verbaliser sur les diffĂ©rences selon les chaĂźnes (« On a de la publicitĂ© Ă  la fin ou au milieu d’une Ă©mission », « il y existe plusieurs façons d’annoncer une publicitĂ© », « chaque chaĂźne a ses façons de le faire », « elle met toujours son logo »). Ensuite, Ă  partir de deux publicitĂ©s trĂšs typĂ©es « filles » et « garçons » (des poupĂ©es et des motos tĂ©lĂ©commandĂ©es), ont Ă©tĂ© identifiĂ©s des arguments de vente en direction des filles ou des garçons afin de percevoir les stĂ©rĂ©otypes vĂ©hiculĂ©s dans le couple texte-image. Ce travail a Ă©tĂ© complĂ©tĂ© par une sĂ©ance demandant d’associer aux hommes ou aux femmes un certain nombre de mĂ©tiers, de qualitĂ©s, d’aptitudes, ainsi qu’une sĂ©ance portant plus spĂ©cifiquement sur les objets que l’on attribue aux femmes ou aux hommes. Pour la deuxiĂšme phase, il s’agissait de rĂ©aliser un spot publicitaire afin

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contribuer directement ou indirectement Ă  cet objectif fondamental. Pour autant, on ne peut faire l’économie d’un travail spĂ©cifique sur la question des mĂ©dias du fait de la place qu’ils tiennent dans la vie des enfants. Comme le rappelle la circulaire relative Ă  l’éducation Ă  la santĂ© Ă  l’école et au collĂšge, c’est bien d’éducation Ă  la citoyennetĂ© dont il est question ici : « À l’opposĂ© d’un conditionnement, l’éducation Ă  la santĂ© vise Ă  aider chaque jeune Ă  s’approprier progressivement les moyens d’opĂ©rer des choix, d’adopter des comportements responsables, pour lui-mĂȘme comme vis-Ă -vis d’autrui et de l’environnement. Elle permet aussi de prĂ©parer les jeunes Ă  exercer leur citoyennetĂ© avec responsabilitĂ©, dans une sociĂ©tĂ© oĂč les questions de santĂ© constituent une prĂ©occupation majeure » (6). Mais ce travail ne s’arrĂȘte pas lĂ . Il a servi d’impulsion pour la mise en place de rĂ©unions avec des parents d’élĂšves ou de stages en formation continue d’enseignants du premier degrĂ©. Frank Pizon, enseignant, maĂźtre formateur, Philippe Roussat, enseignant audiovisuel, Maryse Brossat, enseignante SVT, IUFM d’Auvergne, antenne de Moulins. Didier Jourdan, professeur des universitĂ©s, IUFM d’Auvergne, universitĂ© Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand.

◗ RĂ©fĂ©rences bibliographiques d’utiliser des arguments de vente en direction des filles ou des garçons et d’inventer un scĂ©nario pour permettre le tournage. Ce travail a Ă©tĂ© menĂ© Ă  partir d’objets proches du vĂ©cu des enfants (un CD d’un groupe de rap, un robot, une moto, un jeu de construction, une voiture et une poupĂ©e). Les Ă©tapes pour Ă©laborer le scĂ©nario se sont partagĂ©es en quatre phases : 1) choisir un produit que l’on veut vendre ; 2) chercher des arguments pour le vendre ; 3) Ă©crire une histoire qui donne envie d’acheter ; 4) dĂ©couper cette histoire en cinq ou six morceaux en choisissant les lieux de tournage et les personnages qui interviennent (le story-board prĂ©voyant la voix off). Le tournage et le montage ont Ă©tĂ© assurĂ©s par les enfants. L’ensemble a Ă©tĂ© ensuite mis en lien avec les autres dimensions du travail en Ă©ducation Ă  la sexualitĂ© (5). 32

Se prĂ©parer Ă  exercer sa citoyennetĂ© En matiĂšre d’évaluation, la qualitĂ© des productions des Ă©lĂšves est rĂ©vĂ©latrice de leur investissement dans ce travail. MĂȘme si un tel projet ne rĂ©sout pas tout, il apparaĂźt qu’au-delĂ  du dĂ©veloppement des compĂ©tences langagiĂšres des Ă©lĂšves la qualitĂ© des relations garçons-filles s’est amĂ©liorĂ©e dans l’école. Un regard diffĂ©rent a Ă©galement Ă©tĂ© portĂ© par les enseignants sur la thĂ©matique de la diffĂ©rence et du respect de l’autre grĂące au rapprochement des activitĂ©s de classe de l’univers tĂ©lĂ©visuel de leurs Ă©lĂšves. Le dĂ©veloppement de l’esprit critique est au cƓur de la mission Ă©mancipatrice de l’école. Toutes les activitĂ©s (en français, en sciences ou plus largement en Ă©ducation Ă  la santĂ©) peuvent

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(1) « Les compĂ©tences sociales et civiques » du socle commun de connaissances et de compĂ©tences. DĂ©cret n°2006-830 du 11/07/ 2006 (Code de l’éducation, art. D122-2). (2) La fiche correspondant Ă  l’exploitation de cet album est disponible sur le site de l’INPES http://www.inpes.sante.fr/index.asp ?page=60000/fiches %20educatives /index.asp (3) Bulletin officiel de l’Éducation nationale, hors-sĂ©rie n° 1, fĂ©vrier 2002, relatif aux programmes scolaires. (4) Circulaire n° 2003-027 du 17/02/2003 relative Ă  l’éducation Ă  la sexualitĂ© dans les Ă©coles, les collĂšges et les lycĂ©es. (5) Notamment Ă  l’aide de l’album documentaire Question d’amour 8-11 ans, de V. Dumont, Nathan, 1998. (6) Circulaire n° 98-237 du 24/11/1998 relative aux orientations pour l’éducation Ă  la santĂ© Ă  l’école et au collĂšge.


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« L’École des papilles » pour rĂ©sister aux publicitĂ©s alimentaires À Saint-Priest, dans le RhĂŽne, le programme « École des papilles » permet aux 8-11 ans de comprendre l’équilibre alimentaire et les rouages de la publicitĂ©. L’évaluation dĂ©montre que les enfants intĂšgrent ces connaissances et, dans certains cas, modifient leurs comportements alimentaires. L’association ABC DiĂ©tĂ©tique1 Ă©labore une dĂ©marche Ă©ducative adaptĂ©e Ă  la prĂ©vention de l’obĂ©sitĂ©, basĂ©e sur un discours positif et non injonctif visĂ -vis des recommandations alimentaires, et qui vise Ă  partager les valeurs de plaisir, de convivialitĂ© et de respect des cultures. La prĂ©valence de l’obĂ©sitĂ© infantile peut atteindre des taux Ă©levĂ©s : 22,5 %2 des enfants sont touchĂ©s Ă  Saint-Priest, ville de la banlieue lyonnaise. Des Ă©tudes montrent que la publicitĂ© tĂ©lĂ©visĂ©e est en partie responsable3. Ce contexte a incitĂ© l’association Ă  dĂ©velopper l’esprit critique des enfants en mettant en place un programme financĂ© par le GRSP, « l’École des Papilles », dans trois

Ă©coles de Saint-Priest, avec le soutien des directeurs d’école, des enseignants, du service de santĂ© scolaire municipal, de la commune et des structures de quartier 4 . L’objectif est de donner aux enfants les moyens d’adopter des comportements favorables Ă  leur Ă©quilibre alimentaire et adaptĂ©s Ă  leurs besoins. Le public choisi est constituĂ© d’enfants de 8 Ă  11 ans. Cette pĂ©riode dite de latence est en effet propice Ă  l’investissement des apprentissages et place en outre l’enfant comme « vecteur » de changement dans sa famille. De plus, le programme scolaire est favorable Ă  cette intervention : alimentation et analyse de l’image y figurent, ce qui permet de travailler Ă©troitement avec les enseignants. Le programme s’appuie sur les principes dĂ©finis dans le PNNS4 et sur le rĂ©fĂ©rentiel Éducation Ă  la santĂ© en milieu scolaire5.

DĂ©crypter les publicitĂ©s L’École des papilles se dĂ©roule en dix sĂ©ances de 1 h 30 chacune, rĂ©parties sur deux annĂ©es scolaires et animĂ©es par deux membres de l’équipe associative.

L’annĂ©e 1 est consacrĂ©e aux savoirfaire (Ă©quilibre alimentaire, sortie au marchĂ©, cuisine). L’annĂ©e 2 est dĂ©diĂ©e Ă  la publicitĂ© et ses rouages. L’action est ludique et scĂ©narisĂ©e pour permettre l’adhĂ©sion des Ă©lĂšves : ce sont des publicitaires, chargĂ©s de concevoir et de promouvoir une « boĂźte Ă  goĂ»ter Ă©quilibrĂ© » auprĂšs de leurs parents. Au moyen d’outils pĂ©dagogiques crĂ©Ă©s ou existants, ils dĂ©cryptent affiches et spots publicitaires afin d’intĂ©grer ce qui influence les comportements alimentaires. Suit une phase pratique avec l’élaboration de la « boĂźte Ă  goĂ»ter Ă©quilibrĂ© ». Ils lui donnent un nom, crĂ©ent un slogan, rĂ©flĂ©chissent aux arguments de vente et rĂ©alisent l’affiche publicitaire correspondante, conformĂ©ment aux techniques de marketing qu’ils ont dĂ©couvertes. Comprendre le fonctionnement de l’emballage permet de crĂ©er le visuel de la boĂźte Ă  goĂ»ter. D’étape en Ă©tape, les diĂ©tĂ©ticiens les accompagnent et apportent les connaissances nĂ©cessaires au dĂ©veloppement de leur esprit critique au sujet de l’alimentation.

Un enfant acteur de sa santé

Les murs du palais étaient faits d'épaisses tartines de bon pain, du plafond descendaient des lustres de tomates bien rouges ornées de délicats radis
 NAN ! NAN ! On veut du chocolat !

L’évaluation du processus et des rĂ©sultats6 a permis de mesurer les forces et les faiblesses du projet. On observe un Ă©cart significatif dans l’évolution des connaissances sur l’équilibre alimentaire et la publicitĂ© (32 % comprennent que la publicitĂ© influence leur choix en dĂ©but d’annĂ©e contre 89 % en fin de projet). Cela joue sur leurs comportements : parmi les 67 % d’enfants connaissant la rĂšgle du goĂ»ter Ă©quilibrĂ©, 79 % l’appliquent. Les enseignants apprĂ©cient la « continuitĂ© sur les deux annĂ©es avec un travail en demi-groupe qui permet Ă  chaque enfant d’exister ». Quant aux parents, ils sont 48 % Ă  penser que l’École des papilles peut avoir une influence sur leur alimentation en fin de premiĂšre annĂ©e et 61 % en clĂŽture de projet. Ils sont nombreux Ă  se dĂ©placer au temps festif qui clĂŽt le programme (59 %). Certains points restent perfectibles. Les supports pĂ©dagogiques fournis ne sont pas encore suffisants pour per-

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mettre Ă  l’enseignant de se saisir du programme. De mĂȘme pour la communication avec les familles : 94 % connaissent « l’École des papilles » par leur enfant mais seulement 21 % par le biais d’autres sources (professionnels, quartiers, etc.). Les tables rondes parents/ professionnels qui leur sont consacrĂ©es sont trĂšs peu suivies (3 % de prĂ©sence). Enfin, le lien Ă©cole/quartier mĂ©rite d’ĂȘtre plus dĂ©veloppĂ©. NĂ©anmoins, compte tenu des rĂ©sultats favorables de l’évaluation, le programme a Ă©tĂ© reconduit et Ă©tendu Ă  la ville de Villeurbanne sur la pĂ©riode 2008-2010. L’équipe d’ABC DiĂ©tĂ©tique, Isabelle Darnis, Amandine VerchĂšre, SĂ©bastien Goudin. Remerciements Ă  Jean-Pierre Gourdol.

1. Association loi 1901,crĂ©Ă©e en 2000, constituĂ©e de deux diĂ©tĂ©ticiennes et d’un diĂ©tĂ©ticien, tous diplĂŽmĂ©s d’État, et financĂ©e principalement par le GRSP. 2. RelevĂ© des IMC sur un Ă©chantillon de 142 enfants du CE1 au CM1 rĂ©partis dans trois Ă©coles (filles et garçons confondus), par la mĂ©decine scolaire municipale en 2007. 3. Parmi les spots publicitaires ciblant des enfants, sept sur dix concernent des produits alimentaires, dont 70 % des produits sucrĂ©s (gĂąteaux, chocolat, glaces, barres chocolatĂ©es, etc.), cĂ©rĂ©ales et bonbons (Coon et al. 2001). 47 % des enfants dans la tranche des 8-14 ans dĂ©clarent que les publicitĂ©s qu’ils regardent leur donnent envie de manger ou de boire. 62 % d’entre eux demandent Ă  leurs parents d’acheter les produits dont ils ont vu la publicitĂ© Ă  la tĂ©lĂ©vision ; ils sont 91 % Ă  dĂ©clarer obtenir ce qu’ils demandent (enquĂȘte INPES, octobre 2007). 4. Avec le concours du Centre de recherche et d’information nutritionnelles (Cerin) et de l’Association dĂ©partementale d’éducation pour la santĂ© (Ades) du RhĂŽne – Programme national nutrition-santĂ©. 5. Éducation pour la santĂ© en milieu scolaire 6. DonnĂ©es traitĂ©es et analysĂ©es par LĂ©a Lystard.

Image du corps et stratĂ©gies de marketing AssociĂ©e Ă  l’École des papilles, l’Ades du RhĂŽne prĂ©pare, par ailleurs, un outil d’animation pour les jeunes adultes sur la thĂ©matique « Image du corps et stratĂ©gies marketing des industries agro-alimentaires » en partenariat avec le conseil gĂ©nĂ©ral du RhĂŽne, les missions locales de Lyon, l’espace santĂ© jeunes de Lyon, La Mutuelle des Ă©tudiants (LMDE), l’universitĂ© de Lyon-1 pour la licence professionnelle alimentation santĂ©, ABC DiĂ©tĂ©tique et la clinique mĂ©dicouniversitaire Georges-Dumas. Cet outil sera diffusĂ© fin 2008.

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Un concours sur les addictions en Vaucluse Alcool, tabac, cannabis, l’évocation de ces substances auprĂšs des jeunes peut susciter la curiositĂ© et l’attirance pour des plaisirs inexplorĂ©s.

Des constats sur les consommations des jeunes
 DiffĂ©rentes enquĂȘtes mettent en avant l’évolution des consommations de produits psychoactifs chez les jeunes. La derniĂšre enquĂȘte Espad de l’Inserm et de l’OFDT (1) souligne que les substances les plus expĂ©rimentĂ©es entre 12 et 18 ans sont l’alcool et le tabac. Le cannabis est la drogue illicite la plus consommĂ©e dans cette tranche d’ñge. En rĂ©gion Paca, les bulletins RepĂšre SantĂ© 2006 de l’Observatoire rĂ©gional de la santĂ© (2) mettent en avant que les comportements tabagiques sont globalement similaires Ă  ceux observĂ©s dans tout le pays : 33 % des jeunes fument quotidiennement. Les usages d’alcool sont Ă©galement identiques Ă  la moyenne nationale (12 %) mais la consommation d’alcool fort est plus frĂ©quente. Entre 12 et 25 ans, un jeune sur quatre consomme de l’alcool une fois par semaine et 7 % dĂ©clarent qu’il leur est arrivĂ© de boire au point de ne plus se souvenir de rien le lendemain. Enfin, concernant la consommation de cannabis, celle-ci est plus frĂ©quente en Paca parmi les adolescents et les jeunes adultes (12- 25 ans). Les rĂ©sultats de ces diffĂ©rentes enquĂȘtes incitent Ă  dĂ©velopper des programmes de prĂ©vention des conduites addictives en direction des jeunes. Si nombreux d’entre eux sont axĂ©s sur les produits consommĂ©s et/ou les comportements de consommation, peu d’actions prennent en compte le contexte environnemental et sociĂ©tal des usages de produits psychoactifs.


à un programme de dĂ©veloppement de l’esprit critique C’est ainsi que le Codes de Vaucluse en partenariat avec les institutions et les associations du champ de l’adolescence et de la prĂ©vention des addictions du dĂ©partement, propose aux jeunes, via un concours dĂ©partemental, de dĂ©velopper leur esprit critique en repĂ©rant et en analysant les influences auxquelles ils peuvent ĂȘtre soumis dans leurs consommations de produits psychoactifs (les copains, la famille, etc.) mais aussi par des dĂ©marches commerciales, (marketing, les lieux de fĂȘtes, etc.) (3). Au-delĂ , d’une simple rĂ©flexion sur les produits, il s’agit de les amener Ă  rĂ©flĂ©chir aux mĂ©canis-

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mes d’attraction qui agissent sur eux. De l’élaboration par des alcooliers de boissons si sucrĂ©es que le goĂ»t de l’alcool en est masquĂ© et dotĂ©es d’un packaging accrocheur (prĂ©mix), Ă  une forme de publicitĂ© dissimulĂ©e pour mieux s’imposer (sponsoring), il s’agit de dĂ©coder les manipulations mises en Ɠuvre dans les « coulisses » de ces plaisirs artificiels. Ce concours s’adresse aux jeunes ĂągĂ©s de 11 Ă  25 ans. Il sera proposĂ© durant l’annĂ©e scolaire 2008-2009 aux Ă©tablissements scolaires publics et privĂ©s, aux structures d’insertion (missions locales, centres de formation) mais Ă©galement au domaine de l’éducation populaire (centres de loisirs, clubs jeunes, etc.). Permettre aux jeunes d’analyser les informations et les expĂ©riences de façon objective et d’évaluer les facteurs qui influencent leurs attitudes et leurs comportements, tel est l’enjeu de cette dĂ©marche de prĂ©vention participative et partenariale. Sabine Gras Adjointe de direction, ComitĂ© dĂ©partemental d’éducation pour la santĂ© de Vaucluse, Avignon.

Pour en savoir plus http://www.codes84.fr

◗ RĂ©fĂ©rences bibliographiques (1) Observatoire français des drogues et des toxicomanies, Institut national de la santĂ© et de la recherche mĂ©dicale. EnquĂȘte Espad 2003 en France – consommations de substances psychoactives des Ă©lĂšves de 12 Ă  18 ans, Ă©volutions entre 1993 et 2003. Saint-Denis : OFDT, Paris : Inserm, 2004 : 9 p. (dossier de presse). (2) RepĂšre SantĂ© n° 5, n° 6, n° 7. Marseille : ORS Paca, 2006. (3) BernĂšs C. Étude « VulnĂ©rabilitĂ© et responsabilitĂ© des jeunes en matiĂšre de consommation ». INC Hebdo 2006 ; n° 1393 : 10 p.


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« DĂ©code le monde » pour dĂ©velopper l’esprit critique Chalut tiote biloute !!!

« DĂ©code le monde ! » est un outil pĂ©dagogique composĂ© d’un guide, d’un CD-Rom, d’un DVD. Conçu par le ComitĂ© dĂ©partemental d’éducation pour la santĂ© des Alpes-Maritimes 1, il a pour objectif de dĂ©velopper les compĂ©tences psychosociales des adolescents afin de prĂ©venir les conduites Ă  risque. Une enquĂȘte auprĂšs des utilisateurs montre un degrĂ© de satisfaction Ă©levĂ©, et objective ses atouts et ses handicaps au regard de l’utilisation qui en a Ă©tĂ© faite. Nombre d’outils pĂ©dagogiques en Ă©ducation pour la santĂ© sont centrĂ©s sur une thĂ©matique ou un produit : tabac, alimentation, etc., alors que « DĂ©code le monde ! » est construit dans une vision positive et globale de la santĂ©2. DestinĂ© Ă  prĂ©venir les conduites Ă  risques, il a pour objectif de dĂ©velopper les facteurs de protection de l’individu. Il a Ă©tĂ© validĂ© par la commission de validation des outils pĂ©dagogiques de la Mildt en 2006.

– connaĂźtre les modalitĂ©s d’utilisation de l’outil de 2 Ă  6 mois aprĂšs acquisition ; – identifier les leviers d’implantation et la satisfaction. Cette Ă©valuation a Ă©tĂ© mise en place en juin 20073.

C’est un message subliminal du consortium de l’baraque à frites

Apprécié mais pas toujours utilisé

pensĂ©e crĂ©ative des jeunes de 12 Ă  16 ans par rapport aux images, aux Ă©crits et aux dĂ©bats. S’il vise l’étude de l’influence directe des mĂ©dias sur la santĂ©, il permet aussi d’élargir la notion d’influence Ă  l’ensemble de l’environnement du jeune et l’aide Ă  identifier ses rĂ©actions, ses Ă©motions, ses propres modes de rĂ©sistance, de prendre du recul pour gagner en autonomie. Ce programme s’articule autour de quatre modules complĂ©mentaires : – « critique de l’image » dĂ©busque le sens cachĂ© des publicitĂ©s, leur mode de sĂ©duction, de rĂ©alisation et les moyens d’y rĂ©sister ; – « critique des dĂ©bats », organisĂ© autour d’un outil de communication : « la boussole du langage » ; – « critique de l’écrit » repositionne les Ă©crits dans leur dimension subjective ; – « production » permet une remobilisation des connaissances via la production d’une affiche de promotion de la santĂ© positive.

« DĂ©code le monde ! » a pour objectif de dĂ©velopper l’esprit critique, la

L’objectif de l’enquĂȘte tĂ©lĂ©phonique menĂ©e auprĂšs des premiĂšres structures ayant acquis l’outil Ă©tait double :

1. Renseignements complĂ©mentaires : www.codes06. org 2. Approche globale qui prĂ©vaut dans la conception des outils d’intervention en Ă©ducation pour la santĂ© Ă  l’INPES : LĂ©o et l’eau, LĂ©o et la terre, LĂ©a et l’air, LĂ©a et le feu, collection Les chemins de la santĂ©, outils destinĂ©s aux enfants de primaire ; Libre comme l’air, collection Comment ça va ?, outil destinĂ© aux collĂ©giens, Ă©ditions INPES. En savoir plus : www.inpes.sante.fr 3. ÉlĂ©ments du protocole d’enquĂȘte : – critĂšres d’inclusion : voir acquis l’outil ou participĂ© Ă  une formation Ă  l’outil entre novembre 2006 et le 15 mars 2007 ;

– recueil par questionnaire semi-directif ; Trente-trois structures contactĂ©es entre le 1er et 15 juin 2007. 4. Principaux freins Ă  l’utilisation : le temps, la nĂ©cessitĂ© de travail partenarial : « Le programme s’inscrit dans la durĂ©e et nos temps d’interventions sont trop ponctuels ». 5. En cours d’indexation dans la banque de prĂȘt. 6. Peu d’études publiĂ©es sur l’utilisation des outils, pourtant l’évaluation est de plus en plus prĂ©gnante dans nos pratiques de terrain, il paraĂźt indispensable d’avoir le retour des utilisateurs sur nos outils « artisanaux».

Les premiers rĂ©sultats indiquent qu’il existe un dĂ©calage entre intentions d’achat et utilisation effective. ‱ Animer le programme auprĂšs des jeunes : si prĂšs de 60 % des personnes interrogĂ©es ont achetĂ© l’outil avec l’intention de le mettre en place, 25 % l’ont effectivement implantĂ©4. ‱ Diffuser l’outil, former Ă  sa pratique : plus de 25 % des personnes interrogĂ©es avaient projetĂ© ou projetaient de mettre en place une prĂ©sentation ou une formation (dans le cadre d’échanges de pratiques, dans l’optique d’une lecture critique ou d’une programmation). ‱ Enrichissement documentaire : moins de 10 % des utilisateurs ont prĂȘtĂ© l’outil alors que 25 % comptaient le faire5. Les principaux points forts de l’outil : – il est jugĂ© clair, accessible et comprĂ©hensible par la totalitĂ© des personnes l’ayant mis en place ; – le guide pratique et le CD-Rom, jugĂ©s bien prĂ©sentĂ©s, explicites. Leurs contenus facilitent l’appropriation des concepts ; – son adaptation au contexte scolaire, implantation majoritaire en collĂšge, puis en lycĂ©e ; – la flexibilitĂ© des angles d’approche : 60 % des projets centrĂ©s sur les publicitĂ©s alimentaires, 33 % sur la prĂ©vention des addictions ; – l’utilisation « boĂźte Ă  outils », le dĂ©coupage en plusieurs modules, qui permettent une implantation partielle du programme, notamment des modules « critique de l’image » et « production ». Globalement, les utilisateurs sont satisfaits ou trĂšs satisfaits de l’outil. Toutes les personnes en ayant mis en place une partie ont apprĂ©ciĂ© cette expĂ©rience et le conseilleraient Ă  un collĂšgue. 75 % pensent en avoir retirĂ© des bĂ©nĂ©fices d’ordre plus personnel (boussole du langage, aide pratique, aide mĂ©thodologique, etc.).

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Les deux principaux points faibles repĂ©rĂ©s sont : – le temps imparti au programme dans sa totalitĂ©, qui a rendu partielle l’implantation ; – la tonalitĂ© « enfantine » du DVD malgrĂ© ses qualitĂ©s didactiques reconnues.

À expĂ©rimenter avant d’animer Deux facteurs facilitent l’implantation de l’outil : son acquisition depuis plus de six mois et la participation Ă  une formation (sur l’outil ou l’éducation pour la santĂ©). Un temps d’appropriation de l’outil est nĂ©cessaire et favorise son utilisation. Si cette Ă©valuation comporte plusieurs

biais – la taille de l’échantillon, les flous de mĂ©moire des rĂ©pondants –, elle apporte un Ă©clairage prĂ©cieux sur l’utilisation de l’outil et permet d’envisager des modifications du contenu6. Les rĂ©sultats nous interrogent sur les limites et la place d’un outil en Ă©ducation pour la santĂ©. Ce n’est pas l’outil qui fait un projet, l’outil est au service du projet. Ainsi, la pertinence du choix et de l’utilisation d’un outil est au carrefour de la problĂ©matique initiale du projet, du contenu de l’outil et de l’adaptation qui peut ĂȘtre faite sur le terrain. Aux utilisateurs, on peut conseiller l’absence de respect des outils originels et la libertĂ© fondamentale de les adapter au

contexte, posture rĂ©sumĂ©e par cette citation d’Henri Bergson : « En dĂ©finitive, l’intelligence
 est la facultĂ© de fabriquer des objets artificiels, en particulier des outils Ă  faire des outils, et d’en varier indĂ©finiment la fabrication. » Cet outil reste d’actualitĂ© tant dans ses concepts, que dans les textes (guide Mildt/Desco, socle commun de compĂ©tences, etc.). DorothĂ©e Bert ChargĂ©e de l’étude d’implantation, Chantal Patuano Directrice, Corinne Roehrig MĂ©decin de santĂ© publique, Codes des Alpes-maritimes. Toutes trois coauteures de l’outil.

Face aux images, « En route pour la vie » Dans les Bouches-du-RhĂŽne, des animateurs en santĂ© interviennent, dans les classes de CM2, sur l’éducation Ă  la vie relationnelle et sexuelle. Ils travaillent en lien avec l’enseignant et l’infirmier scolaire, en s’appuyant sur un module d’éducation pour la santĂ© intitulĂ© « En route pour la vie ». Cent soixantequinze classes du dĂ©partement en ont bĂ©nĂ©ficiĂ©. DĂšs le CM2 (10-13 ans), les enfants sont confrontĂ©s Ă  des images ayant trait Ă  la vie relationnelle et Ă  la sexualitĂ© qui,

parfois, leur font violence et face auxquelles ils manquent d’espace d’échange avec des adultes. Cette entrĂ©e dans la pubertĂ© oĂč ils voient leur corps se transformer correspond au passage au collĂšge avec toutes les questions que cela soulĂšve pour eux et leurs parents. Pour y rĂ©pondre, en 1999, le comitĂ© d’éducation pour la santĂ© des Bouches-duRhĂŽne (Codes 13) a Ă©laborĂ©, Ă  destination d’élĂšves de CM2, « En route pour la vie »1, un module d’éducation Ă  la vie relationnelle et sexuelle. Il s’intĂšgre au programme de l’Éducation nationale sur la reproduction humaine et la sexualitĂ©

Tout de suite aprÚs la pub, nous serons en ligne avec Gaëtan pour parler de sexe !!!

et a Ă©tĂ© conçu pour ĂȘtre prĂ©sentĂ©, en collaboration, par un animateur de santĂ©, le professeur et un infirmier de santĂ© scolaire. La frĂ©quence de l’animation Ă©tant d’une sĂ©ance d’une heure par quinzaine, il est possible de suivre l’évolution physique et psychologique des enfants sur une grande pĂ©riode de l’annĂ©e. Il s’agit de permettre aux adolescents de mettre des mots sur leurs interrogations, Ă©motions, sensations ; de comprendre ce qui est en jeu dans la relation Ă  l’autre ; de susciter une rĂ©flexion sur l’égalitĂ© entre filles et garçons ; de connaĂźtre et comprendre la sexualitĂ©, de se rĂ©aliser harmonieusement et d’ĂȘtre responsable dans son projet de vie. Les parents sont systĂ©matiquement associĂ©s Ă  une rĂ©union de prĂ©sentation du module ; ils restent difficiles Ă  toucher et sont parfois rĂ©ticents aux interventions sur la sexualitĂ©. Pourtant, quand ils participent et prennent connaissance des outils utilisĂ©s dans le module, ils sont soulagĂ©s et intĂ©ressĂ©s, et posent des questions sur les changements qu’ils observent chez leurs enfants.

Parler de l’expression des sentiments Ces concertations prĂ©alables et la connaissance que les intervenants du Codes ont des enfants permettent de mettre en Ă©vidence chez les Ă©lĂšves de 10 Ă  13 ans un rĂ©el besoin de connaissances en ce qui concerne les transformations du corps Ă  la pubertĂ© et d’expression des sentiments en fonction de 36

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la culture, du genre, des possibilitĂ©s de dialogue familial. L’animateur en santĂ© rencontre les enfants sur neuf sĂ©ances2 ; Ă  partir des reprĂ©sentations de la santĂ©, le groupe Ă©labore une dĂ©finition commune de la santĂ©. Suivent : la connaissance du corps, l’anatomie, l’expression des sentiments, la pubertĂ©, la reproduction, la grossesse, la contraception, les conduites Ă  risque... De façon transversale, des dĂ©bats et des Ă©changes sont amenĂ©s par l’animateur sur le thĂšme abordĂ© en le mettant en perspective avec le vĂ©cu et l’expĂ©rience des enfants. Entre 2003 et 2008, « En route pour la vie » a Ă©tĂ© mis en Ɠuvre dans cent soixante-quinze CM2 du dĂ©partement des Bouches-du-RhĂŽne et a concernĂ© 4 062 Ă©lĂšves. L’action se dĂ©roule essentiellement dans les quartiers de la Politique de la ville, oĂč le Codes 13 mĂšne des actions de santĂ© communautaire.

Associer les enseignants Fortement demandĂ© par les Ă©tablissements scolaires, ce module d’animation demeure difficile Ă  initier car il suppose une coanimation avec les enseignants sur un thĂšme sur lequel ils sont peu Ă  l’aise. Toutefois, ces derniers apprĂ©cient d’entendre les enfants, qui ont beaucoup de choses Ă  dire sur ce thĂšme. L’évaluation de cette action montre que les enfants prennent

confiance en eux au fil des sĂ©ances et participent de plus en plus. GrĂące Ă  l’évolution du vocabulaire utilisĂ© et des questions soulevĂ©es, les intervenants constatent que les enfants acquiĂšrent des connaissances sur le corps, les organes reproducteurs et la sexualitĂ© mais aussi qu’ils modifient leur comportement. Ils prennent l’habitude de s’écouter avec respect et intĂ©rĂȘt. Les reprĂ©sentations que les filles et les garçons ont de l’autre sexe Ă©voluent : par exemple, lors d’une sĂ©ance, les garçons sont surpris de voir que certaines filles aiment jouer au foot et les filles sont surprises de dĂ©couvrir qu’un garçon de la classe aime ĂȘtre coquet. Les enfants proposent des sujets de dĂ©bat en lien avec les images qu’ils reçoivent par les diffĂ©rents moyens de communication auxquels ils ont accĂšs : actualitĂ©s, sĂ©ries, Internet. Reviennent ainsi rĂ©guliĂšrement : – des questions en lien avec l’actualitĂ© (cette annĂ©e, par exemple, l’affaire de sĂ©questration en Autriche d’une fille par son pĂšre) ; – des Ă©vĂ©nements vus dans les sĂ©ries tĂ©lĂ© en vogue (par exemple sur le thĂšme des grossesses prĂ©coces : une jeune fille de 12 ans dans Dr House) ; – des images vues Ă  la tĂ©lĂ© ou dans les magazines (par exemple, les siamois et leur sĂ©paration) ; – des images pornographiques vues soit dans des films, soit sur Internet.

Un espace de parole Chacune de ces prĂ©occupations trouve un espace de parole pour que l’enfant puisse raconter ce qu’il a vu, exprimer son ressenti ; et de dĂ©bat pour que les autres enfants interviennent et complĂštent. L’animateur rĂ©pond en utilisant le vocabulaire adaptĂ© et soulĂšve lui-mĂȘme des questions annexes pour relancer le sujet et faire en sorte que les enfants s’expriment le plus possible ; et pour leur permettre d’analyser et de prendre du recul sur ce qu’ils sont en train de dire ou sur les images qu’ils ont vues, en particulier sur la question de la normalitĂ©. Le Codes 13 poursuit, en 2008-2009, la mise en Ɠuvre du module « En route pour la vie » dans les CM2 du dĂ©partement3. Nathalie Merle Directrice, Sylvaine Roustan Coordinatrice du programme, Codes des Bouches-du RhĂŽne, Marseille.

1. Mise en Ɠuvre financĂ©e par l’État dans le cadre PRS-J, Programme rĂ©gional de santĂ© des enfants et des jeunes de 1999 Ă  2004 et du Programme rĂ©gional de santĂ© publique (PRSP) depuis 2005 ; cofinancĂ© par le Contrat urbain de cohĂ©sion sociale (Cucs). 2. Outils et techniques utilisĂ©s : photolangageÂź, mimes, dĂ©bats, fiches pĂ©dagogiques, travaux de groupes (exposĂ©s et autres), vidĂ©o Au bonheur de la vie. 3. Le Codes 13 organise, le 7 octobre 2008, une journĂ©e de rĂ©flexion Ă  destination des acteurs du dĂ©partement intitulĂ©e « SexualitĂ© et vie affective, oĂč en est-on ? ».

Jeunes en insertion : construire une pensĂ©e critique Dans le cadre du programme « SantĂ© des jeunes de 15 Ă  25 ans » du conseil rĂ©gional Languedoc-Roussillon1, les comitĂ©s d’éducation pour la santĂ© de la rĂ©gion2 rĂ©pondent aux nombreuses sollicitations des centres de formation pour intervenir auprĂšs des jeunes en insertion professionnelle3. Ces interventions, appelĂ©es « modules santĂ© », ont comme sujet principal la santĂ© globale (physique, psychologique et sociale). Elles s’adressent Ă  des groupes trĂšs hĂ©tĂ©roclites composĂ©s de 10 Ă  15 stagiaires des deux sexes et d’origine ou de nationalitĂ© diverse. Au cours de la centaine d’interventions rĂ©alisĂ©es en 2007 auprĂšs de plus de 700 participants, on a constatĂ© que

ces jeunes cumulent des difficultĂ©s personnelles, relationnelles et sociales dĂ©favorables Ă  leur insertion : dĂ©scolarisation prĂ©coce, inactivitĂ© professionnelle, prĂ©caritĂ© Ă©conomique, perte du lien social, mauvaise estime de soi, etc. Leurs difficultĂ©s se situent Ă©galement au niveau de leur santĂ© : consommation excessive de produits licites et illicites, alimentation non Ă©quilibrĂ©e, pas d’utilisation systĂ©matique du prĂ©servatif, tentative de suicide, etc. Les facteurs qui dĂ©terminent leurs comportements et concourent Ă  leur mal-ĂȘtre sont nombreux et de diffĂ©rentes origines. Dans ce contexte, il ne convient pas de limiter les objectifs des interventions Ă  une simple transmission de connaissances sur les risques ou les maladies.

C’est pourquoi les « modules santĂ© » visent Ă©galement le dĂ©veloppement des compĂ©tences psychosociales4 chez les jeunes qui leur permettent de se construire eux-mĂȘmes, de mieux comprendre la complexitĂ© de l’environnement dans lequel ils Ă©voluent, et donc de mieux rĂ©agir aux exigences et pressions de la vie quotidienne, dans leur relation Ă  eux-mĂȘmes et aux autres. Il s’agit ainsi pour le jeune, d’une part, de favoriser l’acquisition de connaissances nĂ©cessaires pour ĂȘtre acteur de sa santĂ© et de l’aider Ă  s’adapter Ă  son environnement, et, d’autre part, de l’émanciper, de le rendre libre et de l’aider Ă  construire son autonomie. Ces interventions, animĂ©es par des Ă©ducateurs pour la santĂ©, sont scindĂ©es

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en deux sĂ©ances de trois heures. La premiĂšre sĂ©ance est organisĂ©e de façon Ă  Ă©tablir dĂšs le dĂ©but un climat et un espace de communication et de confiance entre les participants afin de favoriser l’expression et l’échange sur leurs reprĂ©sentations de la santĂ©. La notion de santĂ© globale, les structures ressources en santĂ© et l’accĂšs aux droits de santĂ© sont abordĂ©s Ă  l’aide de plusieurs outils d’éducation pour la santĂ© et de diffĂ©rentes techniques d’animation5. Ces animations encouragent les jeunes Ă  ĂȘtre actifs, Ă  exprimer leurs points de vue, tout en les invitant Ă  accepter la diffĂ©rence et reconnaĂźtre le droit Ă  l’erreur. Cette pĂ©dagogie active, permettant au stagiaire de partager son savoir, et ce climat participatif, oĂč il n’y a ni bonne ni mauvaise rĂ©ponse, incitent les jeunes Ă  s’exprimer de maniĂšre construite, Ă  argumenter et Ă  diffĂ©rencier leur opinion de celle des autres. Ils acceptent d’en dĂ©battre et de remettre en cause leur propre jugement. Le fait de critiquer et d’analyser les informations et les expĂ©riences de façon objective leur apprend Ă  reconnaĂźtre et Ă©valuer les facteurs qui influencent leurs reprĂ©sentations, leurs attitudes et leurs comportements, comme par exemple les mĂ©dias et la pression du groupe. Ainsi, ils dĂ©veloppent le sentiment d’un plus grand contrĂŽle et d’une plus grande maĂźtrise de l’environnement. Ces interventions, qui mettent en valeur les compĂ©tences non scolaires des jeunes, viennent donc modifier le regard qu’ils portent les uns sur les autres, et souvent renforcer la dynamique du groupe. Pendant la deuxiĂšme sĂ©ance, des thĂšmes et des problĂšmes choisis par les jeunes pendant la premiĂšre sĂ©ance sont abordĂ©s, notamment les addictions, le bien-ĂȘtre, la nutrition, et la vie affective et sexuelle. Pour chaque thĂšme, les Ă©ducateurs cherchent Ă  favoriser l’expression, la prise de conscience, la connaissance des effets et des risques, ainsi que l’identification des lieux et professionnels ressources. Les thĂšmes sont tous abordĂ©s de maniĂšre globale en partant des prĂ©occupations, des reprĂ©sentations, des comportements et des expĂ©riences des jeunes, permettant ainsi Ă  l’éducateur d’adapter son langage, de cerner leurs besoins prioritaires et de rĂ©pondre Ă  leurs interpellations. Les outils ludiques et les techniques d’animation interactives permettent Ă  chacun de rĂ©flĂ©chir, de se 38

LE SIDA ? J’AI MIS UN ANTIVIRUS !

questionner, d’échanger et de rechercher des solutions, seul, en groupe, ou Ă  l’aide du professionnel. Dans une telle atmosphĂšre, le jeune s’engage, ose poser des questions, exprimer ses prioritĂ©s et critiquer les informations. Il devient acteur de son apprentissage parce qu’il sent qu’on valorise son savoir, son vĂ©cu et ses expĂ©riences, et parce qu’il a pris conscience de ce qu’il a appris, de comment il l’a appris et de ce qu’il pourrait encore apprendre. L’évaluation des interventions montre que les jeunes sont prĂ©occupĂ©s par leur santĂ© et celle de leur entourage. La note globale attribuĂ©e par les participants aux « modules santĂ© » est de 8,9 sur 10. Ils disent avoir particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© les outils et les techniques d’animation, la libertĂ© d’expression, l’ambiance conviviale et l’aspect ludique. Ils estiment que les « modules santĂ© » leur ont permis de s’exprimer (93 % des jeunes), leur ont permis d’échanger avec les autres (92 %) et de rĂ©flĂ©chir sur leur santĂ© (90 %). Par ailleurs, ils ont le sentiment d’avoir appris des choses sur les questions de santĂ© (93 %) et sur les droits Ă  la santĂ© (81 %), et affirment que les « modules santĂ© » leur ont fait connaĂźtre les professionnels et les structures de santĂ© (82 %). Globalement, ces interventions correspondent aux attentes et aux demandes des stagiaires. On notera en outre que plus de 70 % des participants n’ont pas rĂ©pondu Ă  la question « Ce que vous n’avez pas aimĂ© ». Cependant, certains jeunes souhaiteraient que les « modules santĂ© » ne se limitent pas Ă  deux sĂ©ances afin d’approfondir certains thĂšmes et d’en aborder d’autres.

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Les rĂ©sultats de l’évaluation viennent conforter le choix des comitĂ©s d’éducation pour la santĂ© de poursuivre les interventions sous la forme d’animations participatives abordant la santĂ© de maniĂšre globale mais montrent Ă©galement la nĂ©cessitĂ© d’inscrire les « modules santĂ© » dans une dĂ©marche de longue durĂ©e. Cette approche globale des questions de santĂ©, centrĂ©e sur le jeune et ses besoins et sur le dĂ©veloppement des compĂ©tences psychosociales, confĂšre aux « module santĂ© » une plus-value. Toutefois, pour prolonger cette dĂ©marche, il serait nĂ©cessaire d’inscrire ces interventions dans le projet pĂ©dagogique et de crĂ©er davantage de lien entre les centres de formation et les autres acteurs de l’insertion, de la prĂ©vention et de la santĂ©. Sven Schaul ChargĂ© de projets, ComitĂ© rĂ©gional d’éducation pour la santĂ© Languedoc-Roussillon.

1. « Programme de promotion de la santĂ© des jeunes de 15 Ă  25 ans », financĂ© par le conseil rĂ©gional Languedoc-Roussillon. 2. Les Codes de l’Aude, du Gard, de la LozĂšre, des PyrĂ©nĂ©es-Orientales et le Cres du Languedoc-Roussillon. 3. Dans le cadre du programme d’Action prĂ©paratoire Ă  l’insertion du conseil rĂ©gional, les jeunes sont adressĂ©s vers les centres de formation par les missions locales pour suivre des stages d’insertion. 4. Selon l’Organisation mondiale de la santĂ© (1993), les compĂ©tences psychosociales recouvrent la capacitĂ© Ă  rĂ©soudre un problĂšme, Ă  prendre des dĂ©cisions, Ă  avoir une pensĂ©e critique et crĂ©ative, Ă  savoir gĂ©rer ses Ă©motions et son stress, Ă  savoir communiquer efficacement, Ă  ĂȘtre habile dans les relations interpersonnelles et Ă  avoir conscience de soi et de l’empathie pour les autres. 5. Exemples d’outils d’éducation pour la santĂ© et de techniques d’animation favorisant l’expression et/ou l’argumentation : CV imaginaire, PhotolangageÂź, Abaque de RĂ©gnier, etc.


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Pour en savoir plus Notre rapport aux mĂ©dias fait l’objet de nombreux Ă©crits : tour Ă  tour objet dangereux, manipulateur, violent, citoyen, Ă©ducatif, Ă©mancipateur, le mĂ©dia est prĂ©sentĂ© comme source du meilleur comme du pire. La question de l’éducation aux mĂ©dias est donc au centre du sujet mĂ©dias et santĂ© : elle renvoie Ă  la « capacitĂ© des individus Ă  obtenir, comprendre et utiliser des informations d’une façon qui favorise et maintienne une bonne santĂ©. » (Organisation mondiale de la santĂ© (OMS). CompĂ©tence en matiĂšre de santĂ©. In : Glossaire de la promotion de la santĂ©. GenĂšve : OMS, 1998 : p.11). AprĂšs quelques donnĂ©es gĂ©nĂ©rales sur l’éducation aux mĂ©dias, nous avons choisi des rĂ©fĂ©rences sur l’usage des mĂ©dias, leur influence sur les normes sociales et les comportements de santĂ©. Quelques rĂ©fĂ©rences traitent de la protection des mineurs face Ă  la violence dans les mĂ©dias et face Ă  Internet, sujet d’actualitĂ© qui fait l’objet de nombreux Ă©crits. Enfin, une sĂ©lection d’outils, de sites pĂ©dagogiques et d’organismes est proposĂ©e. Les adresses des sites Internet mentionnĂ©s ont Ă©tĂ© consultĂ©es et vĂ©rifiĂ©es le 20/06/2008.

« Tout au long de la vie, plus on apprend et plus on connaĂźt, mais surtout plus vite on maĂźtrise et adopte des capacitĂ©s, habitudes et attitudes d’apprentissage efficaces – trouver comment, oĂč, auprĂšs de qui et quand rechercher et extraire l’information dont on a besoin mais qu’on n’a pas encore acquise – plus on maĂźtrise l’information. L’aptitude Ă  appliquer et Ă  utiliser ces capacitĂ©s, habitudes et attitudes permet de prendre des dĂ©cisions judicieuses en temps opportun pour faire face aux difficultĂ©s qui peuvent survenir sur les plans personnel et familial comme sur les plans de la santĂ© et du bien-ĂȘtre, de l’éducation, de l’emploi, de la citoyennetĂ© et autres. » Woody Horton JR F. Introduction Ă  la maĂźtrise de l’information. Paris : Unesco, Division de la sociĂ©tĂ© de l’information, Secteur de la communication et l’information, 2007 : p. VII.

◗ Bibliographie DonnĂ©es gĂ©nĂ©rales ‱ BlindĂ© J. (dir.), Sampson F. (coord.), Desmarais L., Plouin J. Vers les sociĂ©tĂ©s du savoir. Rapport mondial de l’Unesco. Paris : Unesco, 2005 : 237 p. En ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001418/141843f.pdf ‱ Clemi, ministĂšre de l’Éducation nationale. L’éducation aux mĂ©dias : de la maternelle au lycĂ©e. Paris : CNDP, coll. Pratiques innovantes, 2005. ‱ Commission nationale française pour l’Unesco. L’éducation aux mĂ©dias : enjeu des sociĂ©tĂ©s du savoir. [SynthĂšse et actes : sĂ©minaire euromĂ©diterranĂ©en organisĂ© par la Commission nationale française pour l’Unesco, 27-28 octobre 2005, Paris]. Paris : Unesco, 2005 : 25 p. ‱ Gonnet J. Éducation aux mĂ©dias : les controverses fĂ©condes. Paris : Hachette Ă©ducation, CNDP, 2001 : 142 p. ‱ INRP, cellule veille scientifique et technolo-

gique. Éducation Ă  l’information. La lettre d’information 2006 ; n° 17 : 8 p. En ligne : http://www.inrp.fr/vst/LettreVST/ avril2006.htm#partie1 ‱ IUFM Aquitaine. Éduquer Ă  / par l’information. Esquisse 2007 ; n° 50-51 : 196 p. En ligne : http://www.aquitaine.iufm.fr/recherche/esquisse/pdf/esquisse50.pdf ‱ Porcher L. Les mĂ©dias entre Ă©ducation et communication. Paris : Vuibert, Clemi, Ina, coll. Comprendre les mĂ©dias, 2006 : 224 p. ‱ Unesco. Programme information pour tous (PIPT) : pour une information vivante. Paris : Unesco, 2006 : 15 p. En ligne : http://portal.unesco.org/ci/en/file_ download.php/9519ba54e60580953075dc3 2dbeb2086brochure-fr.pdf ‱ Woody Horton JR F. Introduction Ă  la maĂźtrise de l’information. Paris : Unesco, Division de la sociĂ©tĂ© de l’information, Secteur de la communication et l’information, 2007 : 102 p. En ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/ 0015/001570/157020f.pdf

MĂ©dias : usages et reprĂ©sentations ‱ Bevort E. BrĂ©da I. Les jeunes et Internet : reprĂ©sentations, usages et appropriation. Paris : Clemi, 2001. En ligne : http://www.clemi.org/jeunes_internet.html ‱ Berret P. Diffusion et utilisation des Tic en France et en Europe. Paris : Deps, coll. culture chiffres, 2008 : 16 p. En ligne : http://www2.culture.gouv.fr/deps/ fr/Deps-CC-2008-2-TIC-site.pdf ‱ Donnat O., LĂ©vy F. Approche gĂ©nĂ©rationnelle des pratiques culturelles et mĂ©diatiques. Paris : Deps, coll. culture prospective, 2007 : 32 p. En ligne : http://www2.culture.gouv.fr/deps/ pdf/prospective/culture_prospective_20073.pdf ‱ Masselot-Girard M. Jeunes et mĂ©dias :

Ă©thique, socialisation et reprĂ©sentation. Paris : L’Harmattan, 2004 : 345 p. ‱ Jacquinot G. (dir.) Les jeunes et les mĂ©dias : perspectives de la recherche dans le monde. Paris : L’Harmattan, coll. DĂ©bats Jeunesses, 2002 : 247 p. ‱ Bevort E., BrĂ©da I. Appropriation des nouveaux mĂ©dias par les jeunes : une enquĂȘte europĂ©enne en Ă©ducation aux mĂ©dias [synthĂšse de l’enquĂȘte]. Louvain-la-Neuve : Mediappro, 2006 : 29 p. En ligne : http://www.clemi.org/international/mediappro/Mediappro_b.pdf

MĂ©dias, normes sociales et comportements de santĂ© ‱ Bohler S. 150 petites expĂ©riences de psychologie des mĂ©dias pour mieux comprendre comment on vous manipule. Paris : Dunod, 2008 : 240 p. ‱ Dagnaud M. Enfants, consommation et publicitĂ© tĂ©lĂ©visĂ©e. Les Ă©tudes de la Documentation française, 2005, numĂ©ro hors-sĂ©rie : 112 p. ‱ Renaud L. (dir.) Les mĂ©dias et le façonnement des normes en matiĂšre de santĂ©. QuĂ©bec : Presses de l’universitĂ© du QuĂ©bec, coll. santĂ© et sociĂ©tĂ©, 2007 : 328 p.

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En ligne : http://www.puq.uquebec.ca/fr/ repertoire_fiche.asp ?titre=titres&noProduit=D1526 ‱ Rootman I., Gordon-El-Bihbety D. Vision d’une culture de la santĂ© au Canada. Rapport du groupe d’experts sur la littĂ©ratie en matiĂšre de santĂ©. Ottawa : Association canadienne de santĂ© publique, 2008 : 52 p. En ligne : http://www.cpha.ca/uploads/portals/h-l/report_f.pdf ‱ Tisseron S. Les dangers de la tĂ©lĂ© pour les bĂ©bĂ©s. Bruxelles : yapaka.be, coll. Temps d’arrĂȘt, 2008 : 61 p. En ligne : http://www.yapaka.be/files/publicat i o n / TA _ D a n g e r s _ T % C 3 % A 9 l % C 3 %A9_BB.pdf`

Protection de l’enfance face aux mĂ©dias ‱ Brisset C. Les enfants face aux images et aux messages violents diffusĂ©s par les diffĂ©rents supports de communication : rapport de Mme Claire Brisset, dĂ©fenseure des enfants, Ă  M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la Justice. Paris : ministĂšre de la Justice, 2002 : 65 p. En ligne : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/024000633/ index.shtml ‱ Frau-Meigs D., Jehel S., Costa-Lascoux J. (prĂ©f.). Jeunes MĂ©dias Violences. Le rapport du Ciem 2002. Paris : Économica, 2002 : 154 p. ‱ Henno J. Les 90 questions que tous les parents se posent. Paris : Éditions TĂ©lĂ©maque, 2008 : 208 p.

Internet et cĂ©dĂ©rom]. Paris : CemĂ©a, 2006. Le dispositif Écrans MĂŽmes est un espace d’animation Ă©ducative en ligne qui a pour objectif de sensibiliser les jeunes de 8 Ă  12 ans Ă  l’influence de l’image (publicitaire, journalistique, etc.). En ligne : http://www.cemea.asso.fr/multimedia/enfants-medias/spip.php ?rubrique85 ‱ Chevenez O., Famery P., Clemi. Faire son journal au lycĂ©e et au collĂšge. Paris : VictoiresÉditions, 2005 : 149 p. ‱ Codes Alpes-Maritimes. DĂ©code le monde : de l’influence des mĂ©dias sur la santĂ©. [Kit pĂ©dagogique]. Nice : Codes 06, 2006. ‱ CuriosphĂšre.tv : l’éducation en image sur France 5 Voir notamment la rubrique Ă©ducation aux mĂ©dias En ligne : http://www.curiosphere.tv/videodocumentaire/17-4-1-1-education-aux-medias ‱ Enfants Ă©crans jeunes et mĂ©dias (CemĂ©a) En ligne : http://www.cemea.asso.fr/multimedia/enfants-medias/index.php Site produit et animĂ© par les CemĂ©a (Centres d’entraĂźnement aux mĂ©thodes d’éducation active) et consacrĂ© Ă  l’éducation aux mĂ©dias (ressources, actualitĂ©s, etc.). ‱ Espace juniors du site de la Commission nationale de l’informatique et des libertĂ©s (Cnil). En ligne : http://www.cnil.fr/index.php ?id=13 ‱ Frau-Meigs D. L’éducation aux mĂ©dias : un kit Ă  l’intention des enseignants, des Ă©lĂšves, des parents et des professionnels. Paris : Unesco, 2006 : 205 p. En ligne : http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001492/149278F.pdf ‱ Ina, Clemi, CemĂ©a. Apprendre la tĂ©lĂ©vision : le JT. [DVD-Rom]. Paris : CemĂ©a-JĂ©riko. En ligne : http://www.ina.fr/production/studio/APTV2003/menu_aptv.htm ‱ Saint-Mars de D., Bloch S. Lili se fait piĂ©ger sur Internet. Paris : Calligram, coll. Ainsi va la vie, 2006 : 46 p. ‱ Salles D. La BD de case en classe : des BD pour dĂ©couvrir la presse avec Les Schtroumpfs et Lucky Luke. Clemi, CRDP de Poitou-Charentes, 2006. 88 p. ‱ Savino-Blind J., Bevort E., FrĂ©mont P., Menu B. Éduquer aux mĂ©dias, ça s’apprend [Brochure]. Paris : CNDP-CLEMI, 2007 : 44 p. En ligne : http://www.clemi.org/publications/ livret_IUFM2007site.pdf

◗ Outils et sites ‱ Armandet Y., Aucouturier A., Brisse J., Dissard C. Apprendre Ă  lire les images en mouvement avec Les pinces Ă  linge [Ressource Ă©lectronique]. Clermont-Ferrand : CRDP d’Auvergne, 2000. CD-Rom d’initiation Ă  l’analyse filmique, construit autour du court mĂ©trage de JoĂ«l Brisse « Les pinces Ă  linge ». ‱ CemĂ©a. Dispositif Écrans MĂŽmes. [Rubrique

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◗ Organismes ‱ Centre de liaison de l’enseignement et des mĂ©dias d’information (Clemi) En ligne : http://www.clemi.org Le Clemi est le centre d’éducation aux mĂ©dias du ministĂšre de l’Éducation nationale. Organisme de rĂ©fĂ©rence français sur le sujet, sa mission est « de promouvoir, notamment par des actions de formation, l’utilisation pluraliste des moyens d’in-

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formation dans l’enseignement, afin de favoriser une meilleure comprĂ©hension par les Ă©lĂšves du monde qui les entoure, tout en dĂ©veloppant leur sens critique. » (dĂ©cret n° 93-718 du 25 mars 1993). Pour remplir cette mission, le Clemi propose des programmes de formation, d’animation, d’échanges et des publications pĂ©dagogiques. Il coordonne la Semaine de la presse et des mĂ©dias dans l’école et pilote les projets europĂ©ens Educaunet et EUroMeduc. Il Ă©dite Ă©galement un bulletin d’information mensuel disponible en ligne : infodoc. ‱ Apte : les Ă©crans, les mĂ©dias et nous En ligne : http://www.apte.asso.fr/ CrĂ©Ă© en 2000, Apte est un rĂ©seau d’intervenants images-mĂ©dias. Son objectif est de regrouper des personnes ou organismes qui mĂšnent des actions d’éducation aux mĂ©dias et de partager outils et pratiques. ‱ EuroMeduc : dispositif europĂ©en d’échange en Ă©ducation aux mĂ©dias En ligne : http://www.euromeduc.eu/ ‱ RĂ©seau Éducation-MĂ©dias En ligne : http://www.education-medias.ca/ francais/ index.cfm Le rĂ©seau Éducation-MĂ©dias est un organisme canadien Ă  but non lucratif. CrĂ©Ă© en 1996, il a pour but de favoriser chez les jeunes la formation d’une pensĂ©e Ă©clairĂ©e et critique Ă  l’endroit des mĂ©dias. Il produit de nombreuses ressources en Ă©ducation aux mĂ©dias pour la classe et les parents. ‱ Collectif interassociatif enfance et mĂ©dia (Ciem) En ligne : http://www.collectifciem.org CrĂ©Ă© en juillet 2002, le Ciem a pour objet de promouvoir la socialisation de l’enfant et de l’adolescent Ă  l’ñge du multimĂ©dia, de reprĂ©senter leurs intĂ©rĂȘts et de favoriser les Ă©changes entre Ă©ducateurs, familles, professionnels et usagers des mĂ©dias, pouvoirs publics et chercheurs dans ce domaine.


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tion et d’information en direction « des jeunes citoyens ». L’Arpej encourage notamment les jeunes Ă  prendre en main les supports de presse avec la campagne « Les jeunes Ă©crivent la France » depuis 1997 et depuis 2003 avec « Les jeunes Ă©crivent l’Europe ».

Dans sa lettre n° 11, parue en mars 2007, le Ciem a publiĂ© une tribune intitulĂ©e « Les jeunes et les mĂ©dias, un enjeu d’éducation majeur » : En ligne : http://www.collectifciem.org/IMG/ pdf/LettreCIEM11.pdf Il publie Ă©galement des ouvrages et rapports sur le sujet.

Les mĂ©dias par et pour les jeunes ‱ L’Association rĂ©gions presse enseignement jeunesse (Arpej) En ligne : http://www.pressealecole.fr « Former des lecteurs avertis, quel que soit le support », tel est l’enjeu rĂ©actualisĂ© du travail de l’Arpej, association qui Ă©mane du syndicat de la presse quotidienne rĂ©gionale (SPQR) et qui mĂšne depuis trente ans des actions de forma-

‱ Jets d’encre En ligne : http://www.jetsdencre.asso.fr L’association Jets d’encre promeut et valorise les expĂ©riences de presse Ă©crite rĂ©alisĂ©es par les jeunes en milieu scolaire et ailleurs (conseil d’enfants et de jeunes, maison de quartier, association). Elle assure le secrĂ©tariat de l’observatoire des pratiques de presse lycĂ©enne, organise les assises de la presse lycĂ©enne, le festival de la presse jeune, des concours, des formations, etc. VĂ©ritable centre de ressources pour les jeunes qui veulent s’exprimer dans la presse multimĂ©dia.

Organismes de recherche ‱ Centre de recherches sur l’éducation aux mĂ©dias (Credam) En ligne : http://www.clemi.org/credam/index. html Le Credam souhaite promouvoir et mettre en commun des travaux de recherche sur « l’éducation aux mĂ©dias ». RattachĂ© Ă  l’universitĂ© de Paris-III- Sorbonne-Nouvelle, le Credam est l’un des quatre centres du laboratoire « Communication Information MĂ©dias », validĂ© par le ministĂšre de la Recherche (Ă©quipe d’accueil 1484).

Il croise Ă©troitement ses axes de recherche avec le travail du Clemi (Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information – ministĂšre de l’Éducation nationale). ‱ Groupe de recherche « MĂ©dias et santĂ© » (GRMS) En ligne : http://www.grms.uqam.ca Le groupe de recherche MĂ©dias et santĂ© fait partie du dĂ©partement de communication sociale et publique de l’universitĂ© du QuĂ©bec, Ă  MontrĂ©al (UQAM). Ses travaux portent sur le rĂŽle des mĂ©dias dans la construction des normes sociales de santĂ©, et plus particuliĂšrement en matiĂšre d’alimentation et d’activitĂ© physique : reprĂ©sentations dans les mĂ©dias, Ă©volution des discours mĂ©diatiques, l’évaluation des campagnes de promotion de la santĂ©, les perceptions des messages par diffĂ©rents publics, etc. ‱ Groupe de recherche sur la relation enfants/mĂ©dias (Grrem) En ligne : http://www.grrem.org/ Le Grrem est une association nĂ©e en 1993 de la nĂ©cessitĂ© de promouvoir et de diffuser la recherche fondamentale sur les sujets concernant les enfants et les mĂ©dias. Il associe chercheurs, professionnels des mĂ©dias, enseignants et acteurs du champ social, Ă©ducatif et culturel de l’enfance et de la jeunesse. Élisabeth Piquet Responsable dĂ©partement documentation de l’INPES.

Retrouvez La SantĂ© de l’homme sur Internet Vous trouverez sur www.inpes.sante.fr en cliquant sur la vignette de la revue en page d’accueil Ă  droite :

‱ le sommaire dĂ©taillĂ© des numĂ©ros parus entre 1999 et 2003 ; ‱ et, depuis 2003, tous les sommaires et une nouveautĂ© : cinq Ă  dix articles de chaque numĂ©ro en accĂšs gratuit et intĂ©gral.

Quatre rubriques composent l’espace de La SantĂ© de l’homme ‱ La revue (prĂ©sentation)

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À noter : si vous souhaitez effectuer une recherche sur un thĂšme prĂ©cis, utilisez le moteur de recherche du site de l’INPES qui permet de trouver instantanĂ©ment tous les articles de La SantĂ© de l’homme ainsi que d’autres documents de l’INPES traitant cette thĂ©matique.

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aide à l’action

La RĂ©union : un classeur pĂ©dagogique pour aider Ă  manger Ă©quilibrĂ© À la RĂ©union, le taux d’obĂ©sitĂ© augmente avec le recul de la tradition culinaire et l’arrivĂ©e massive de produits alimentaires industriels. Face Ă  ce changement de comportements, le conseil gĂ©nĂ©ral a mis en place un plan spĂ©cifique de lutte contre l’obĂ©sitĂ©, avec le soutien des professionnels de la santĂ© et de l’éducation. Dans ce cadre et celui du Programme national nutrition-santĂ©, le comitĂ© rĂ©gional d’éducation pour la santĂ© a crĂ©Ă© un « classeur », outil visant Ă  inciter la population Ă  adopter une alimentation plus Ă©quilibrĂ©e.

Plusieurs constats ont incitĂ© le ComitĂ© rĂ©gional d’éducation pour la santĂ© (Cres) de la RĂ©union et ses partenaires Ă  Ă©laborer le classeur pĂ©dagogique « Nouveaux goĂ»ts, nouveaux plaisirs » : – la forte prĂ©valence des maladies liĂ©es Ă  l’alimentation Ă  la RĂ©union (obĂ©sitĂ©, diabĂšte, hypertension) ; – l’absence d’outils adaptĂ©s Ă  la culture nutritionnelle rĂ©unionnaise ; – les sollicitations rĂ©pĂ©tĂ©es d’accompagnement mĂ©thodologique des acteurs de terrain ; – le bouleversement des modes de consommation des RĂ©unionnais avec l’amĂ©lioration des conditions de vie. 42

Si l’on peut se rĂ©jouir de l’amĂ©lioration des conditions de vie au cours de ces trente derniĂšres annĂ©es, cette Ă©volution a dĂ©stabilisĂ© les comportements alimentaires des RĂ©unionnais. On constate, d’une part, une profonde envie de conserver les traditions et, d’autre part, l’existence de trĂšs fortes tentations liĂ©es Ă  la sociĂ©tĂ© de consommation. L’abondance de produits dans les rayons des supermarchĂ©s et l’envie de profiter de cette variĂ©tĂ© induisent des comportements alimentaires dĂ©favorables Ă  la santĂ©. Les pĂ©riodes de pĂ©nurie passĂ©es expliquent, en partie, cet engouement pour la consommation. De plus, on constate que l’alimentation Ă©quilibrĂ©e est souvent considĂ©rĂ©e comme une alimentation sans plaisir ni goĂ»t mais pleine de restrictions pour une majoritĂ© de la population. Ainsi, face Ă  l’offre, adopter une alimentation non seulement qui conserve les traditions et qui contribue Ă  une bonne santĂ© peut sembler trĂšs difficile Ă  mettre en Ɠuvre.

autant de produits qui doivent ĂȘtre valorisĂ©s. C’est dans cette optique qu’a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© le classeur pĂ©dagogique « Nouveaux goĂ»ts, nouveaux plaisirs ».

Concilier tradition et alimentation équilibrée

Cet outil pĂ©dagogique vise Ă  encourager la consommation de fruits et de lĂ©gumes, Ă  commencer par ceux de la RĂ©union, auprĂšs des jeunes en leur proposant une alternative sĂ©duisante Ă  une alimentation trop riche en sucre et en graisse. Il a pour objectifs : – d’informer le public de la diversitĂ© et des valeurs nutritionnelles des fruits et des lĂ©gumes de la RĂ©union ; – de favoriser l’adoption d’une alimentation variĂ©e, tenant compte des repĂšres de consommation du Programme national nutrition-santĂ© (PNNS), notamment cinq fruits et lĂ©gumes par jour ; – de sensibiliser le public Ă  l’adoption d’un comportement nutritionnel favorable Ă  sa santĂ© en lui donnant les moyens de choisir oĂč et comment acheter les aliments, les prĂ©parer et les manger ; – de donner aux professionnels des repĂšres Ă©thiques, conceptuels, lĂ©gislatifs et mĂ©thodologiques sur la mise en Ɠuvre d’actions d’éducation pour la santĂ© sur les thĂšmes de l’éducation nutritionnelle et de l’équilibre alimentaire.

Les pouvoirs publics, les professionnels de la santĂ©, du social, les familles
 prennent conscience de ces difficultĂ©s. Il s’agit donc de transmettre des messages cohĂ©rents afin que la population s’y retrouve et d’accompagner les comportements en conservant les traditions. En effet, le repas « riz grains cari »1 couvre une partie des besoins nutritionnels, qui doivent ĂȘtre complĂ©tĂ©s par les fruits et les lĂ©gumes « pĂ©i » et les laitages,

Cet outil pĂ©dagogique est destinĂ© aux professionnels de l’éducation, de la santĂ©, de l’animation socioculturelle et du social qui s’adressent aux enfants de 4 Ă  11 ans et Ă  leur entourage. Il est composĂ© : – d’une prĂ©sentation de la problĂ©matique de l’alimentation contemporaine, et plus particuliĂšrement de celle de la RĂ©union ;

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– d’une prĂ©sentation du Programme national nutrition-santĂ© (PNNS) ; – d’un guide mĂ©thodologique de la dĂ©marche de projets en Ă©ducation pour la santĂ©, illustrĂ©e par deux propositions appliquĂ©es Ă  l’alimentation ; – de fiches actions qui abordent l’alimentation en quatre thĂšmes : alimentation et santĂ© ; alimentation, produits de consommation ; alimentation Ă  travers le monde ; alimentation, plaisir et convivialitĂ©.

Former les utilisateurs Le classeur « Nouveaux goĂ»ts, nouveaux plaisirs » a Ă©tĂ© Ă©ditĂ© Ă  cinq cents exemplaires et est diffusĂ© auprĂšs des professionnels par le biais de formations ou d’un accompagnement mĂ©thodologique. Il semble important Ă  l’équipe du Cres RĂ©union que la diffusion de cet outil soit accompagnĂ©e afin de permettre aux professionnels, d’une part, de mieux s’approprier l’outil et, d’autre part, de leur donner les compĂ©tences nĂ©cessaires au dĂ©veloppement de projets d’éducation nutritionnelle. La formation « Nouveaux goĂ»ts, nouveaux plaisirs » est composĂ©e de trois modules d’une journĂ©e chacun. Le premier module est consacrĂ© Ă  la prĂ©sentation de l’outil et Ă  la prise de conscience des dĂ©terminants du comportement alimentaire, le deuxiĂšme Ă  l’initiation Ă  l’éducation pour la santĂ© et Ă  la dĂ©marche de projet et le troisiĂšme apporte des apports thĂ©oriques et pratiques en diĂ©tĂ©tique adaptĂ©s au contexte rĂ©unionnais. L’animation de ces trois modules de formation est assurĂ©e par l’équipe du Cres RĂ©union et par une anthropologue pour la partie concernant l’évolution des comportements alimentaires des RĂ©unionnais (2). Le Cres RĂ©union a Ă©valuĂ© la premiĂšre vague de formations de 2006 (quarante-cinq personnes formĂ©es) six mois aprĂšs la formation sur la base d’un Ă©chantillon reprĂ©sentatif constituĂ© d’un tiers des participants. Cette Ă©valuation montre que 85 % des personnes interrogĂ©es ont mis en place des projets d’éducation nutritionnelle Ă  la suite de cette formation. Les apports anthropologiques et diĂ©tĂ©tiques sont les Ă©lĂ©ments qui ont le plus apportĂ© aux participants en leur permettant de mieux comprendre les comportements alimentaires actuels en jeu Ă  la RĂ©union et

de pouvoir donner des conseils adaptés aux pratiques culturelles culinaires du territoire.

Plan dĂ©partemental de lutte contre l’obĂ©sitĂ© Le conseil gĂ©nĂ©ral de la RĂ©union a mis en place, depuis 2005, le Plan dĂ©partemental de lutte contre l’obĂ©sitĂ© (PDLO). Ce plan, outil complĂ©mentaire du Programme national nutrition-santĂ© (PNNS), permet une dĂ©clinaison locale, coordonnĂ©e, des actions d’éducation nutritionnelle. Les objectifs de ce plan sont : – la rĂ©duction de la prĂ©valence du surpoids et de l’obĂ©sitĂ© ; – la diminution de l’apparition de l’obĂ©sitĂ© chez l’enfant ; – la diminution de la prĂ©valence des risques liĂ©s Ă  l’obĂ©sitĂ© ; – le dĂ©veloppement des actions de promotion de la santĂ© pour une population Ă  risque. Trois axes stratĂ©giques sont mis en Ɠuvre afin de permettre la rĂ©alisation de ces objectifs : ‱ Informer, Ă©duquer la population – mise en place d’ateliers d’éducation nutritionnelle pour les adultes ; – rĂ©alisation de campagnes de communication ; – mise Ă  disposition d’outils pĂ©dagogiques pour les professionnels. ‱ Impliquer la restauration collective – accompagnement des responsables dans l’élaboration de menus Ă©quilibrĂ©s. ‱ DĂ©pister et prendre en charge les troubles nutritionnels ; – diffusion du disque de mesure de l’indice de masse corporelle auprĂšs des professionnels de santĂ© ; – formation des professionnels. ConcrĂštement, ce plan s’est traduit, au cours des deux derniĂšres annĂ©es, par la mise en Ɠuvre des actions suivantes : ateliers d’éducation nutritionnelle pour les adultes, campagnes de communication, formations pour les professionnels, mise Ă  disposition d’un fonds documentaire « alimentation » dans toute l’üle ainsi que des outils de dĂ©pistage de l’obĂ©sitĂ© pour les professionnels, accompagnement de responsables de restauration scolaire et, enfin, valorisation d’outils d’éducation nutritionnelle. Les premiers rĂ©sultats de l’évaluation montrent une amĂ©lioration des connaissances et de certains comportements. Ces actions se poursuivent donc pour les annĂ©es Ă  venir.

Sainte-Rose, site pilote La ville de Sainte-Rose s’est proposĂ©e pour ĂȘtre site pilote. La mairie a donc rĂ©uni, avec le soutien du conseil gĂ©nĂ©ral, un comitĂ© de pilotage (Éducation nationale, commune, associations, PMI, CCAS, parents d’élĂšves, Cres, etc.) afin de rĂ©flĂ©chir aux actions Ă  mettre en place. En premier lieu, ce groupe a travaillĂ© Ă  la rĂ©alisation d’un diagnostic de terrain afin de mieux connaĂźtre les besoins et l’avis de la population autour de la problĂ©matique de l’obĂ©sitĂ© et de la nutrition de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale. Les rĂ©sultats de cette enquĂȘte ont permis au comitĂ© de pilotage de dĂ©finir les prioritĂ©s et objectifs opĂ©rationnels en cohĂ©rence avec les prĂ©occupations de la population. Plusieurs actions ont Ă©tĂ© mises en place par l’intermĂ©diaire du conseil gĂ©nĂ©ral, de la commune et du comitĂ© de pilotage : – l’intervention d’un diĂ©tĂ©ticien pour la mise en Ɠuvre d’un plan alimentaire et la rĂ©alisation d’un cycle de menus ; – la formation du personnel de cuisine ; – la mise en place d’ateliers d’éducation nutritionnelle pour adultes ; – la rĂ©alisation d’actions de sensibilisation auprĂšs des enfants et des adolescents de Sainte-Rose autour du petit dĂ©jeuner et de l’importance d’une alimentation Ă©quilibrĂ©e associĂ©e Ă  la pratique d’une activitĂ© physique. AprĂšs deux ans d’accompagnement de la ville de Sainte-Rose et d’autres actions menĂ©es sur l’ensemble de l’üle, d’autres communes se positionnent actuellement pour prendre part au Plan dĂ©partemental de lutte contre l’obĂ©sitĂ©. Blandine Bouvet Directrice, FrĂ©dĂ©rique MadĂ© ChargĂ©e de projet, diĂ©tĂ©ticienne, Dr RĂ©mi Foubert PrĂ©sident, comitĂ© rĂ©gional d’éducation pour la santĂ© de la RĂ©union, Saint-Paul.

1. Les plats traditionnels rĂ©unionnais sont composĂ©s de riz blanc, de lĂ©gumineuses (lentilles, haricots rouges, haricots blancs, etc.) et de cari (viande, poissons ou des Ɠufs cuisinĂ©s avec des oignons, de l’ail, des tomates, du curcuma, des piments, du thym et de l’huile). 2. Laurence Pourchez, associĂ©e CNRS UMR 5176, MNHN et Centre d’ethnologie française, MNATP ou Muriel Roddier, directrice de RĂ©uCARE.

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EnquĂȘte sur l’alimentation des personnes prĂ©carisĂ©es Socio-anthropologue, consultante sur l’alimentation, Christine CĂ©sar a menĂ© pendant plus d’un an une Ă©tude auprĂšs de familles en grande prĂ©caritĂ© auxquelles elle a rendu visite. Son constat est sans appel : ces personnes sont dans une dĂ©marche de survie avec 3 euros pour vivre (se dĂ©placer, s’habiller
 et manger) par jour et par personne. Pour se nourrir, les choix les plus rationnels sous l’angle de l’apport en Ă©nergie sont les produits les plus gras et sucrĂ©s. Dans les formations qu’elle anime, elle dĂ©culpabilise et conforte les professionnels dans leur dĂ©marche, pour partir de la comprĂ©hension du vĂ©cu des contraintes structurelles et envisager des solutions pragmatiques.

Christine CĂ©sar a rĂ©alisĂ© pour l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’UnitĂ© de recherche en Ă©pidĂ©miologie nutritionnelle (Uren) une Ă©tude sur l’analyse de l’alimentation des familles en situation de grande prĂ©caritĂ©. En matiĂšre de nutrition, la partie de la population la plus paupĂ©risĂ©e Ă©chappe aux Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques, c’est pourquoi l’étude Abena est centrĂ©e sur les personnes ayant recours Ă  l’aide alimentaire (1). Le volet qualitatif a permis de conduire des entretiens approfondis dans les lieux de vie d’une quarantaine de familles rĂ©sidant en rĂ©gion parisienne (les sans domicile fixe n’étaient pas inclus) (2). Les personnes rencontrĂ©es sont essentiellement des allocataires des minima sociaux, des chĂŽmeurs et des travailleurs pauvres. L’étude Ă©pidĂ©miologique pointe chez ces populations des problĂšmes d’hypertension (plus importants chez les hommes que chez les femmes) ; le surpoids et l’obĂ©sitĂ© dans des proportions inquiĂ©tantes chez les femmes mais aussi un niveau Ă©levĂ© de scorbut et d’anĂ©mie ainsi qu’une dĂ©ficience sĂ©vĂšre en folates.

Grande dĂ©pendance Ă  l’aide alimentaire Les deux premiers rĂ©sultats que l’on peut pointer dans cette enquĂȘte sont que la moitiĂ© des personnes dĂ©clare ne pas arriver « souvent » ou « parfois » Ă  manger de façon suffisante et qu’une fraction importante de cette population dĂ©pend de façon exclusive de l’aide alimentaire. 44

Un exemple concret : au lendemain de la distribution d’un colis, je rends visite Ă  une famille – un couple avec trois enfants – vivant dans une piĂšce de 15 m2 d’un hĂŽtel insalubre. Dans leur rĂ©frigĂ©rateur, il n’y a que ce qui a Ă©tĂ© distribuĂ© la veille : un paquet de fĂšves, cinq camemberts allĂ©gĂ©s, des desserts lactĂ©s au chocolat, ainsi que cinq litres de lait, deux boĂźtes de thon, un paquet de semoule, etc. Il y a du pain, rĂ©cupĂ©rĂ© dans la poubelle du boulanger voisin, et un paquet de levure pour en fabriquer. Cette famille n’aura pas accĂšs Ă  une autre distribution avant une semaine. Cela souligne toute l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© de l’aide alimentaire, qui, comme son nom l’indique, est conçue pour rĂ©pondre Ă  des situations ponctuelles (assurant en moyenne 800 cal/jour/personne pour quelques semaines seulement) (3).

consomme pas, elle le porte aux Restos du cƓur, ou elle le distribue aux SDF de son quartier ; ce dernier geste lui permet d’asseoir une position sociale relative en s’assurant ainsi ne pas ĂȘtre le dernier maillon de la chaĂźne sociale. S’organise alors toute une Ă©conomie de recyclage et de partage. Second profil des personnes rencontrĂ©es : elles ne vivent pas que de l’aide alimentaire et font des achats rĂ©guliers dans des hard discount et sur les marchĂ©s de catĂ©gorie II (Ă  Paris, Belleville, BarbĂšs, en banlieue, Ă  SaintDenis, Aubervilliers). Cet approvisionnement-lĂ  est l’apanage des femmes car il exige une expĂ©rience trĂšs forte dans la sĂ©lection des achats (en fonction de leur degrĂ© de maturitĂ©, etc.).

Image dĂ©gradĂ©e de soi-mĂȘme Autre cas : une mĂšre seule avec deux enfants majeurs dĂ©scolarisĂ©s. Cette femme a organisĂ© une stratĂ©gie de « survie en temps de guerre » car elle a expĂ©rimentĂ© l’absence de toute aide pendant l’étĂ© et, depuis, elle stocke et effectue un vĂ©ritable travail de magasiniĂšre afin de tenir dans la durĂ©e. Elle fait les poubelles des marchĂ©s, rĂ©cupĂšre et transforme, son balcon lui sert de zone de triage pour rĂ©aliser compotes, confitures, coulis, soupes que j’ai pu dĂ©guster. Tout cela est mis sous clĂ© dans des armoires mĂ©talliques de rĂ©cupĂ©ration. Elle rĂ©cupĂšre les pains individuels qui n’ont pas Ă©tĂ© consommĂ©s dans l’établissement d’accueil de handicapĂ©s qui se trouve Ă  cĂŽtĂ© de chez elle
 et, ce qu’elle ne

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Pour l’ensemble des personnes rencontrĂ©es, j’ai Ă©tĂ© frappĂ©e par la souffrance psychique, qui est un problĂšme rĂ©current, et les mĂ©dicaments psychotropes sont nombreux. Certaines justifient ce recours pour pouvoir « tenir la face » devant leurs enfants. L’un des symptĂŽmes de dĂ©pression se cristallise dans la difficultĂ© qu’elles ressentent Ă  sortir pour aller chercher leurs enfants Ă  l’école tant le regard des autres devient impossible Ă  soutenir quand l’image de soi et de son corps se dĂ©grade (disqualification sociale, prise de poids rapide, difficultĂ© Ă  s’habiller, etc.). Un exemple de tentative d’accĂ©der Ă  l’autonomie et de restaurer son image :


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Pour conclure, l’une des tĂąches les plus urgentes Ă  mener au regard de ce constat est bien entendu d’amĂ©liorer la situation Ă©conomique et sociale globale des personnes et, parallĂšlement, d’amĂ©liorer la prise en compte et la prise en charge de leur souffrance psychique. Plus prĂ©cisĂ©ment pour l’alimentation, il faut prendre la mesure du dĂ©fi de santĂ© publique que posent les prix Ă©levĂ©s des fruits et des lĂ©gumes et l’une des pistes reste de rĂ©flĂ©chir Ă  organiser un systĂšme de distribution de « chĂšques fruits et lĂ©gumes » pour tous les allocataires d’un minima social. Enfin, pour faire de la prĂ©vention auprĂšs de ces populations, un travail en direction des enfants via l’école et la cantine peut ĂȘtre conduit. D. R.

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une autre femme s’organise pour se faire aider le moins possible car, pour elle, ce n’est pas la misĂšre qui lui fait peur (elle l’a connue dans son enfance) mais l’assistance ! Avec une voisine elle achĂšte chez des grossistes des poulets et des Ɠufs, certains lĂ©gumes (elle fait elle-mĂȘme sa sauce tomate). Elle frĂ©quente trĂšs peu les grandes surfaces Ă  prix cassĂ©s.

riture, l’une des seules alimentations accessibles et assurant la couverture des apports nutritionnels conseillĂ©s serait proche d’un style « indien », centrĂ©e sur le riz complet, les lentilles, les abats et un peu de poisson en conserve. Tout le monde ne souhaite pas ce style alimentaire et, au demeurant, la dĂ©pense moyenne dĂ©clarĂ©e Ă©tant de 2,60 euros, il reste Ă©conomiquement inaccessible.

Autre profil rencontrĂ©, le plus en difficultĂ© du point de vue nutritionnel, les personnes ayant grandi en France avec l’essor des Trente Glorieuses et formatĂ©es Ă  la modernitĂ© agro-industrielle des plats prĂȘts Ă  la consommation. Pour elles, y renoncer est perçu comme une rĂ©gression d’autant plus impossible Ă  assumer que, dans le lot important des privations matĂ©rielles qui caractĂ©rise la vie quotidienne d’un allocataire d’un minima social, l’alimentation apparaĂźt Ă  juste titre comme la seule oasis oĂč une certaine abondance et un partage sont encore possibles.

Au fil de cette enquĂȘte, il apparaĂźt entre autres que, contrairement Ă  ce qui est publiĂ© dans la presse mais aussi dans la littĂ©rature professionnelle, les populations paupĂ©risĂ©es ne commettent pas d’erreurs nutritionnelles en choisissant des produits gras et sucrĂ©s pour leur alimentation. Ils choisissent ces produits parce que ces substances « calent » car elles ont effectivement un rendement Ă©nergĂ©tique le plus important par rapport au prix investi. Cette rationalitĂ© Ă©conomique se fait au dĂ©triment des fruits et des lĂ©gumes, dont les micronutriments sont essentiels pour la santĂ©. Lorsque j’interviens en tant que formatrice (4), j’insiste sur cet aspect : les professionnels doivent en avoir conscience pour ne pas culpabiliser ce public. Il faut prendre en compte les situations Ă©conomiques et sociales que vivent ces personnes : avec 2,60 euros par personne/jour pour s’alimenter, il est absolument impossible de se nourrir de maniĂšre Ă©quilibrĂ©e
, ce n’est donc pas une question d’éducation nutritionnelle et il semble dĂ©calĂ© de vouloir mĂ©dicaliser une problĂ©matique qui butte sur une barriĂšre financiĂšre.

Dernier profil rencontrĂ©, des populations pour lesquelles l’aide alimentaire n’est qu’un appoint, ce sont les travailleurs Ă  temps partiel dans la restauration ou des caissiĂšres de la grande distribution, qui ont la possibilitĂ© dans le cadre de leur travail de bĂ©nĂ©ficier de repas ou de prĂ©lĂšvements de nourriture « en nature » sur leur lieu d’activitĂ©.

Ne pas culpabiliser ce public Si l’on prend en compte un seuil de pauvretĂ© alimentaire autour de 3,50 euros exclusivement investis dans la nour-

Christine CĂ©sar Socio-anthropologue rattachĂ©e Ă  l’UnitĂ© de recherche en Ă©pidĂ©miologie nutritionnelle (Uren), Bobigny. Christine.cesar@cnam.fr

◗ RĂ©fĂ©rences bibliographiques (1) Bellin-Lestienne C., Deschamps V., NoukpoapĂ© A., Hercberg S., Castetbon K. Étude Abena 2004-2005. Alimentation et Ă©tat nutritionnel des bĂ©nĂ©ficiaires de l’aide alimentaire. Rapport de l’étude Ă©pidĂ©miologique. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire, universitĂ© de Paris-13, Conservatoire national des arts et mĂ©tiers : 2007 : 74 p. En ligne : http://www.invs.sante.fr/publications/2007/abena_2007/index.html (2) CĂ©sar C. Étude Abena 2004-2005. Comportements alimentaires et situations de pauvretĂ© : aspects socio-anthropologiques de l’alimentation des personnes recourant Ă  l’aide alimentaire en France. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire, universitĂ© de Paris-13, Conservatoire national des arts et mĂ©tiers : 2007 : 108 p. En ligne : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/074000728/ (3) Bellin-Lestienne C., Dauphin A.-G., Castetbon K., Darmon N. EnquĂȘte auprĂšs des associations d’aide alimentaire (E3A). Rapport pour la direction gĂ©nĂ©rale de la SantĂ©, juillet 2005. (4) Interventions dĂ©centralisĂ©es au Conservatoire national des arts et mĂ©tiers (Cnam) Institut scientifique et technique de l’alimentation et de la nutrition (Istna), auprĂšs de professionnels de la santĂ© et du social. En ligne : http://www.istna-formation.fr

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GuinĂ©e : des centres de santĂ© pour informer les jeunes Comment mieux informer la population en matiĂšre de sexualitĂ© et de contraception ? ConfrontĂ©e notamment Ă  des grossesses trĂšs prĂ©coces et Ă  une forte mortalitĂ© maternelle, la GuinĂ©e a ouvert, depuis 2000, une vingtaine de centres d’écoute, de conseil et d’orientation pour les jeunes. Les premiers rĂ©sultats sont probants mais les moyens manquent cruellement, y compris en approvisionnement de moyens contraceptifs. La question de la promotion de la santĂ© sexuelle et reproductive des jeunes se pose aujourd’hui avec acuitĂ© dans les pays en dĂ©veloppement au regard de l’expansion sans cesse croissante de la pandĂ©mie du VIH/sida. Face Ă  l’absence de ressources suffisantes pour financer de vastes programmes de santĂ©, il devient impĂ©ratif de valoriser des expĂ©riences novatrices qui rĂ©pondent aux attentes et aux spĂ©cificitĂ©s des jeunes. C’est dans cet esprit que des centres d’écoute, de conseil et d’orientation des jeunes (CECOJE) ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©s en GuinĂ©e.

MortalitĂ© maternelle et prĂ©valence du sida Ă  la hausse La GuinĂ©e doit relever plusieurs dĂ©fis en matiĂšre de santĂ© de la reproduction au regard de la derniĂšre enquĂȘte dĂ©mographique et de santĂ© rĂ©alisĂ©e en 2005. La mortalitĂ© maternelle (mortalitĂ© des mĂšres pendant la grossesse, au moment de l’accouchement et quarante-deux jours aprĂšs l’accouchement), par exemple, est passĂ©e de 530 Ă  928 pour 100 000 naissances vivantes entre 1999 et 2005. La prĂ©valence du VIH a presque doublĂ© en douze ans, passant de 0,9 Ă  1,5 %. Les femmes guinĂ©ennes, qui ont presque toutes subi la fatidique Ă©preuve de l’excision (99 % en 1999 et 96 % en 2005) (1), continuent encore d’ĂȘtre la proie des grossesses non dĂ©sirĂ©es et des avortements Ă  risque. Quant Ă  la planification familiale, elle n’est pratiquĂ©e que par 9 % de la population alors que chaque femme est susceptible de donner naissance Ă  prĂšs de six enfants au cours de sa vie (1). Dans ce contexte, les populations vulnĂ©rables, comme les jeunes et les femmes en milieu rural, constituent les cibles prioritaires des projets en cours. 46

Pourquoi s’intĂ©resser Ă  la santĂ© sexuelle et reproductive des jeunes GuinĂ©ens ? Au cƓur des raisons qui ont motivĂ© le gouvernement guinĂ©en Ă  s’engager dans l’offre de services adaptĂ©s aux besoins des jeunes, figure en bonne place le fait que ces derniers constituent une catĂ©gorie de personnes sexuellement actives. En effet, la moitiĂ© des jeunes filles ont dĂ©jĂ  eu des rapports sexuels Ă  16 ans et le tiers d’entre elles ont eu un enfant entre 15 et 19 ans. Par ailleurs, plusieurs Ă©tudes ont mis en Ă©vidence le fait que le niveau d’information et d’éducation sexuelle Ă©tait trĂšs faible au niveau de la cellule familiale et l’introduction de son enseignement Ă  l’école reste tardive (2). Ayant constatĂ© Ă©galement le manque de services adaptĂ©s aux jeunes et le besoin Ă©levĂ© en information, le gouvernement guinĂ©en s’est engagĂ©, Ă  partir de 2000, dans la mise en place des centres d’écoute, de conseil et d’orientation des jeunes (3). Le premier Centre Jeunes a Ă©tĂ© ouvert, en 2001, par l’Association guinĂ©enne pour le bien-ĂȘtre familial (AGBEF). Depuis cette date, une vingtaine de centres se sont installĂ©s Ă  travers le pays ; ils fonctionnent sous la responsabilitĂ© des reprĂ©sentants du ministĂšre de la Jeunesse, ou sont confiĂ©s Ă  des organisations non gouvernementales (ONG) ou des groupements d’associations de jeunesse.

Les particularitĂ©s des Centres Jeunes L’une des particularitĂ©s de ces centres est la prĂ©sence d’un personnel jeune pour rassurer ses pairs et rompre les rĂ©ticences et les hĂ©sitations. Le site choisi pour abriter le centre est en gĂ©nĂ©-

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ral trĂšs accessible. TrĂšs souvent, les Centres Jeunes sont situĂ©s dans l’enceinte du centre culturel de la commune ou de la prĂ©fecture, ou encore Ă  proximitĂ© d’une institution d’enseignement. À Conakry, par exemple, le Centre Jeunes de l’AGBEF est situĂ© dans l’enceinte de l’universitĂ© nationale. Les prestations des Centres Jeunes sous tutelle du gouvernement offrent les services suivants : conseils, sensibilisation pour le changement de comportements. Ceux de l’AGBEF offrent une palette plus large de prestations et de services par rapport Ă  ceux du gouvernement et des autres partenaires par l’intĂ©gration de cliniques de santĂ© sexuelle et reproductive pour les jeunes. Ainsi, les prestations sont particuliĂšrement adaptĂ©es aux attentes des jeunes en termes d’horaires de travail et de services offerts : planification familiale, prise en charge des infections sexuellement transmissibles, dĂ©pistage volontaire et anonyme du VIH, test de grossesse, conseils, sensibilisation pour le changement de comportements. Ces centres sont Ă©galement des points de rĂ©fĂ©rence par excellence vers des structures sanitaires plus adaptĂ©es : maladie spĂ©cifique, prise en charge du VIH, dĂ©sir d’enfant, etc.

La participation effective des jeunes dans le projet La faible implication des jeunes dans la conception, la rĂ©alisation et le suivi des programmes et projets les concernant est un obstacle majeur Ă  la rĂ©ussite des projets qui leur sont destinĂ©s. L’AGBEF, qui travaille depuis vingt-trois ans sur les thĂ©matiques de santĂ© de la reproduction en GuinĂ©e, a crĂ©Ă© et dĂ©ve-


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messages clés en matiÚre de santé de la reproduction et le renforcement de la gouvernance chez les jeunes du MAJ.

Des difficultés à surmonter

© ISABELLE ESHRAGHI –AGENCE VU

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Guinée, Conakry, dispensaire Saint-Gabriel de Matoto.

loppĂ© une dynamique de jeunesse autour de ses Centres Jeunes de Conakry et de l’intĂ©rieur du pays (Kindia en Basse-GuinĂ©e et LabĂ© en Moyenne-GuinĂ©e). Pour ce faire, l’association a mis en place et finance le Mouvement d’action des jeunes (MAJ), composĂ© de jeunes volontaires de 15 Ă  24 ans issus du terroir. Ce mouvement a pour but d’augmenter le nombre de jeunes qui bĂ©nĂ©ficient des services de santĂ© sexuelle et reproductive de qualitĂ© au Centre Jeunes. Pour atteindre cet objectif, le mouvement organise des activitĂ©s d’animation de proximitĂ©, de cafĂ©-dĂ©bat, des projections vidĂ©o rĂ©alisĂ©es dans les Ă©coles, les ateliers et autres lieux de frĂ©quentation des jeunes. Les jeunes du MAJ sont recrutĂ©s dans la zone d’implantation du centre et formĂ©s aux techniques d’animation, de communication interpersonnelle, de plaidoyer et de conseil. Le MAJ de Conakry recrute essentiellement ses membres parmi les Ă©tudiants de l’universitĂ© Gamal Abdel Nasser, qui abrite le Centre Jeunes, ce qui permet un renouvellement continu de l’équipe des pairs Ă©ducateurs.

Des rĂ©sultats encourageants Ă  Conakry À l’issue de deux annĂ©es d’exercice (2006-2007), le Centre Jeunes AGBEF de l’universitĂ© de Conakry a obtenu des

rĂ©sultats encourageants : 1 748 filles ont sollicitĂ© des services de planification familiale, 395 filles et 230 garçons ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une consultation et d’une prise en charge des infections sexuellement transmissibles. En outre, 465 jeunes dont 297 filles ont suivi les sĂ©ances particuliĂšres de conseils pour le dĂ©pistage anonyme du VIH. Quant aux sĂ©ances de sensibilisation grand public, elles ont touchĂ© prĂšs de 5 200 filles et 3 400 garçons. Ces rĂ©sultats bien que modestes sont jugĂ©s trĂšs encourageants par les autoritĂ©s et les responsables de l’AGBEF, qui souhaitent renforcer les capacitĂ©s du centre Ă  travers la formation des membres du Mouvement d’action des jeunes, l’ouverture d’une bibliothĂšque de lecture au sein du centre, l’équipement informatique avec accĂšs Internet et le renouvellement du matĂ©riel audiovisuel destinĂ© Ă  en faire un pĂŽle d’attraction. L’association ambitionne Ă©galement d’implanter dans un bref dĂ©lai deux nouveaux Centres Jeunes dans les villes de Kankan (Haute-GuinĂ©e) et N’ZĂ©rĂ©korĂ© (GuinĂ©e-ForestiĂšre) afin d’assurer une couverture rĂ©gionale du pays (4). Par ailleurs, l’action des centres, audelĂ  des services directement offerts, permet l’appropriation par les jeunes des situations Ă  risque, la maĂźtrise des

Il faut nĂ©anmoins reconnaĂźtre que les Centres Jeunes restent confrontĂ©s Ă  des dĂ©fis, comme le manque de bibliothĂšques, la rupture rĂ©currente des produits contraceptifs et des mĂ©dicaments essentiels destinĂ©s Ă  la prise en charge des infections sexuellement transmissibles, l’insuffisance de la prise en charge du VIH au niveau national mais aussi l’insuffisance des supports Ă©ducatifs. S’agissant du MAJ, il arrive souvent que ses activitĂ©s soient pĂ©nalisĂ©es par manque de financement de ses plans d’action. Ces problĂšmes ont tendance, dans certaines villes, Ă  rĂ©duire la frĂ©quentation et Ă  discrĂ©diter l’institution de gestion (ONG, direction prĂ©fectorale ou communale de la jeunesse, coordination d’associations). En dĂ©finitive, la mise en place des Centres Jeunes, fruit d’une dynamique de partenariat entre l’État, les communautĂ©s et les ONG de terrain, est une initiative qui participe Ă  l’amĂ©lioration de la santĂ© des jeunes GuinĂ©ens. Les rĂ©sultats actuels pourraient ĂȘtre renforcĂ©s si, d’une part, certaines pesanteurs sont surmontĂ©es et, d’autre part, si les jeunes, premiers bĂ©nĂ©ficiaires, sont effectivement associĂ©s Ă  la conception, Ă  la mise en Ɠuvre et au suivi des activitĂ©s. La rĂ©ussite et la pĂ©rennisation des Centres Jeunes en dĂ©pendent. Alexandre Delamou MĂ©decin, coordonnateur rĂ©gional des programmes de l’AGBEF, Conakry, GuinĂ©e.

◗ RĂ©fĂ©rences bibliographiques (1) EnquĂȘte dĂ©mographique et de santĂ© en GuinĂ©e (EDS III 2005). (2) Delamou A. L’éducation sexuelle comme moyen de prĂ©vention des IST/VIH/sida : cas des lycĂ©ens guinĂ©ens. MĂ©moire, 2006. (3) Dans une Ă©tude rĂ©cente de 2006, A. Souare et A. M. Diallo ont confirmĂ© le besoin Ă©levĂ© en information sur la santĂ© sexuelle et reproductive chez les jeunes GuinĂ©ens. (4) Rapports annuels 2006 et 2007 de l’AGBEF.

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Former les professionnels pour lutter contre les discriminations Depuis 2007, soixante acteurs de terrain, en rĂ©gion, ont Ă©tĂ© formĂ©s Ă  la lutte contre les discriminations, Ă  l’initiative de la Ligue française pour la santĂ© mentale. Des groupes de parole permettent aux victimes de discriminations de gagner un peu en estime d’euxmĂȘmes au fil du temps. Cette recherche-action soutenue par les fonds publics vise Ă  dĂ©velopper tant les formations que les groupes de parole, pour s’attaquer aux discriminations de tous types : racisme, sexisme, homophobie, etc. La Ligue française pour la santĂ© mentale1 a mis en Ɠuvre une rechercheaction pour prĂ©venir les discriminations (racisme, sexisme, homophobie, notamment) qui isolent et les risques qui en dĂ©coulent en termes de cohĂ©sion sociale et de santĂ©. Cette action est accompagnĂ©e par un comitĂ© de scientifiques, professionnels et associatifs, dans une perspective de santĂ© communautaire. Cette dĂ©marche fait suite Ă  une premiĂšre recherche-action soutenue notamment par le ministĂšre de la SantĂ©2 autour de la mise en place d’espaces de parole par la Ligue des droits de l’homme de 2003 Ă  2006 (voir Ă  ce propos l’article publiĂ© dans La SantĂ© de l’homme n° 386)3. ConcrĂštement, dans chaque rĂ©gion de France, d’ici Ă  20104 il s’agit de : – former une quinzaine d’acteurs de terrain sur les discriminations et les phĂ©nomĂšnes de « bouc Ă©missaire », et leur incidence sur la santĂ© mentale des personnes. Les thĂšmes suivants seront abordĂ©s au cours de la formation : discriminations, stigmatisation, abus et normopathie ; phĂ©nomĂšnes de bouc Ă©missaire et impact sur la violence et l’estime de soi ; suicides et conduites Ă  risque induits par les discriminations ; rĂ©silience et facteurs de protection ; processus d’acceptation ou dĂ©ni de la diffĂ©rence ; mĂ©canismes sous-tendant la triade racisme-sexisme-homophobie. À ce jour, et depuis 2007, une soixantaine de personnes ont Ă©tĂ© formĂ©es : acteurs de terrain, professionnels et bĂ©nĂ©voles associatifs, impliquĂ©s rĂ©gionalement dans la prĂ©vention, la lutte contre les discriminations, mais aussi l’accompagnement des victimes et le suivi des auteurs. Ce, dans quatre rĂ©gions : Basse48

Normandie, Ile-de-France, Picardie et Provence–Alpes–CĂŽte d’Azur, en partenariat avec les collectivitĂ©s et structures Ă©ducatives, sociales ou sanitaires locales5 ; – accompagner et valoriser les actions locales, en particulier celles qui intĂšgrent un travail sur les comportements dits « masculins » ou « fĂ©minins » et un travail sur l’accumulation des sources potentielles de discrimination. Une attention particuliĂšre sera apportĂ©e aux intervenants qui mettent en place un espace de parole en rĂ©gion Ă  destination des personnes vulnĂ©rables en termes de violence ou de discriminations, des personnes s’identifiant au phĂ©nomĂšne de bouc Ă©missaire et valorisant plus spĂ©cifiquement l’accompagnement des hommes, Ă  tous les Ăąges et statuts de la vie. Cette recherche-action a pour objet de mieux comprendre – et faire comprendre – le fait que la problĂ©matique des discriminations qui isolent (boucs Ă©missaires) est au cƓur des violences contre soi et contre l’autre. Et que cette problĂ©matique est Ă©troitement liĂ©e Ă  une crise sans prĂ©cĂ©dent de l’identitĂ© masculine. En effet, alors qu’il est possible aujourd’hui pour une jeune fille de s’identifier Ă  d’autres modĂšles positifs que celui de la maternitĂ© (mĂȘme si son environnement de vie tente de l’en dissuader), aucun modĂšle valorisĂ© socialement et s’écartant de la virilitĂ© n’est proposĂ© Ă  la trĂšs grande majoritĂ© des garçons.

PhénomÚne du « bouc émissaire » La problématique du « bouc émissaire » est essentielle mais fréquemment oubliée. Le bouc émissaire endosse un

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comportement que le groupe social refuse d’assumer ; or la reconnaissance de ce comportement par la sociĂ©tĂ© peut ĂȘtre un levier puissant en termes de transformation sociale. En effet, ces boucs Ă©missaires attirent notre vigilance sur : – la « normopathie » (pathologie de la norme, en tant que soumission abusive Ă  une autoritĂ©) : il est dur d’ĂȘtre discriminĂ© mais, ce qui devient insupportable, c’est la non-intervention des tiers ; – le dĂ©ni de la souffrance : ce n’est pas la souffrance qui tue mais le fait de ne pas pouvoir en parler car on anticipe le fait qu’on ne sera pas compris. La violence peut ĂȘtre un autre mode d’expression de ce besoin tragique ; – les formes de discrimination passive et de dĂ©tournement, qui tuent plus que celle qui est habituellement dĂ©signĂ©e sous le terme de discrimination (la forme dite active, qui va de l’insulte au meurtre en passant par le refus de fournir un service). La forme passive, c’est lorsque l’on nie l’existence de la diffĂ©rence – comme s’il « n’y en avait pas parmi nous » –, et la forme de dĂ©tournement, ce sont les stĂ©rĂ©otypes que l’on vĂ©hicule, pour la plupart positifs, et qui sont censĂ©s rendre la diffĂ©rence tolĂ©rable – comme « les gros sont joviaux » ou « les homosexuels sont sensibles » ; – les discriminations « banniĂšres » (c’estĂ -dire celles qui sont prises en compte par la sociĂ©tĂ©) masquent les « vraies » discriminations, au sens de celles qui isolent au point de culpabiliser ceux et celles qui en sont victimes. Les « exclue-s des exclu-e-s », les souffre-douleur et autres boucs Ă©missaires ont justement en commun qu’aucune banniĂšre ne se dresse au-dessus de leur tĂȘte, et que personne ne descendra pour dĂ©filer


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entre eux et nous, animateurs. Nous avons su, je pense, garder une certaine souplesse pour mettre les jeunes Ă  l’aise et en confiance », conclut-elle.

Repenser l’identitĂ© masculine

© CLAUDINE DOURY / AGENCE VU

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dans la rue si un acte odieux est commis Ă  leur encontre. Impossible d’en dresser la liste, puisque par dĂ©finition leur discrimination ne porte pas de nom
 ; – les cumulard-e-s, c’est-Ă -dire ceux et celles qui conjuguent plusieurs « diffĂ©rences » et qui font partie de ces discriminĂ©-e-s sans nom. Parmi eux, les entre-deux – entre deux identitĂ©s vues comme incompatibles, souvent l’une visible et l’autre invisible – occupent une place de choix. Leur crainte est souvent d’ĂȘtre dĂ©busquĂ©-e, et leur fiertĂ© – mais qui les enferme Ă©galement – de pouvoir se camoufler ; – les « transgresseurs du genre », c’est-Ă dire les garçons et les hommes dits fĂ©minins, les filles et les femmes dites masculines, qui englobent tout autant des hĂ©tĂ©rosexuel-le-s que des homosexuel-le-s et des bisexuel-le-s, et qui arrivent en tĂȘte parmi les plus frĂ©quemment discriminĂ©-e-s. À souligner, plus gĂ©nĂ©ralement, que parmi les personnes qui sont victimes de discriminations figurent les hommes, les pĂšres, les garçons et les adolescents. Cette population est peu souvent ciblĂ©e dans les actions concernant les discriminations, la violence et la santĂ©, alors qu’elle peut prĂ©senter des risques spĂ©cifiques (par exemple, les hommes se suicident trois fois plus que les femmes).

Gagner en estime d’eux-mĂȘmes L’objectif de crĂ©ation d’un espace de parole par rĂ©gion (voir plus haut) est

d’autant plus pertinent que l’expĂ©rience des groupes de parole qui se sont dĂ©roulĂ©s dans les rĂ©gions françaises Ă  ce jour est trĂšs instructive. Comme en tĂ©moigne Gyslaine Jouvet, chef de service Ă©ducatif, coanimatrice de l’espace de parole du Mans : « Ce groupe de parole a permis aux jeunes qui ont participĂ© d’échanger, de se donner Ă  voir Ă  l’autre. Ils ont eu l’occasion de se valoriser dans le regard de l’autre et de gagner en estime d’eux-mĂȘmes au fil du temps. En effet, ces jeunes en situation de discrimination Ă©taient comme grignotĂ©s, avec un besoin de trouver une place identique ou quasisimilaire aux jeunes de leur Ăąge. Bien qu’ils avaient le dĂ©sir de sauvegarder une identitĂ© particuliĂšre qui donne une forme particuliĂšre Ă  leurs attitudes, langages, etc. » Gyslaine Jouvet souligne avoir eu beaucoup de plaisir Ă  animer ces groupes de parole, toutefois il lui a fallu « apprĂ©hender la diffĂ©rence en partant des jeunes et de leurs propres dires sans tomber dans de l’interprĂ©tation ou dans la rĂ©ponse immĂ©diate ». Dans la foulĂ©e de ce groupe de parole, le fil n’a pas Ă©tĂ© interrompu, une aide, un soutien ont Ă©tĂ© envisagĂ©s et parfois mis en Ɠuvre « pour favoriser une meilleure inscription sociale et pour crĂ©er entre eux des solidaritĂ©s (...) J’ai dĂ» dĂ©passer quelquefois l’aspect technique en matiĂšre d’animation de rĂ©union pour gagner en proximitĂ© par rapport aux jeunes tout en gardant un interstice, espace

L’enjeu sociĂ©tal aujourd’hui est en quelque sorte de repenser l’identitĂ© masculine en correspondance – et non en opposition, comme le politiquement correct l’insinue souvent – avec une prise de conscience croissante de la place des femmes, d’autant plus que ces jeunes hommes et ces hommes sont par ailleurs vulnĂ©rabilisĂ©s sur le plan social. Nous avons soulignĂ© plus haut que ce n’est pas la souffrance psychosociale qui expose au suicide, aux conduites Ă  risque grave et aux violences, mais son dĂ©ni. Il ne s’agit donc pas de dire que « les hommes souffrent plus que les femmes » mais que le dĂ©ni de souffrance est Ă  la fois plus frĂ©quent et plus tenace quand il s’agit d’un homme (y compris dans le regard des professionnels). C’est donc la transformation des acteurs eux-mĂȘmes, par une implication professionnelle et engagĂ©e sur le plan humain, associĂ©e Ă  l’innovation par la crĂ©ation et la modĂ©lisation d’outils originaux, simples et appropriĂ©s aux diffĂ©rents contextes, qui sera notre objectif premier lors de cette phase ambitieuse. Éric Verdier Psychologue, chercheur, Ligue française pour la santĂ© mentale, Paris. 1. Association nationale qui forme, informe et assure des consultations mĂ©dicales dans le champ de la santĂ© mentale ; elle est soutenue par le ministĂšre de la SantĂ© (DGS), le ministĂšre de la Justice (Protection judiciaire de la jeunesse – PJJ), et la Haute AutoritĂ© de lutte contre les discriminations et pour l’égalitĂ© (Halde) (la Ligue s’est vu dĂ©cerner le label 2007 de l’AnnĂ©e europĂ©enne de l’égalitĂ© des chances pour tous) pour mettre en place des actions de prĂ©vention des risques sanitaires graves (suicide, risque addictif, risque sexuel, etc.) et de la violence sur l’ensemble du territoire français. 2. Via la direction gĂ©nĂ©rale de la SantĂ© (DGS). Ce travail prĂ©alable, et les recommandations qui en rĂ©sultent, ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s au rapport du docteur Anne Tursz, de l’Inserm, dans le cadre de l’élaboration du Plan violence et santĂ© (en application de la loi relative Ă  la politique de santĂ© publique du 9 aoĂ»t 2004), Éric Verdier ayant participĂ© prĂ©alablement au groupe « Genre, violence et santĂ© » au titre de la Ligue des droits de l’homme. 3. É. Verdier. PrĂ©fĂ©rence sexuelle, niveau social, origine ethnique : la discrimination conduit Ă  la prise de risque. La SantĂ© de l’homme n° 386, novembredĂ©cembre 2006 : 52-4. http://www.inpes.sante.fr/SLH/articles/386/04.htm 4. Sur un territoire dĂ©terminĂ©, au cas par cas, avec les principaux cofinanceurs locaux. 5. Des groupements rĂ©gionaux de santĂ© publique, des agences rĂ©gionales pour la cohĂ©sion sociale (ACSE) et des contrats urbains de cohĂ©sion sociale (Cucs) mais aussi certains conseils gĂ©nĂ©raux et rĂ©gionaux.

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Carnet d’adresses

Signalez vos changements d’adresse, de tĂ©lĂ©phone
 Ă  Saraniya Suntharampillai INPES – 42, bd de la LibĂ©ration – 93203 Saint-Denis Cedex – Fax : 01 49 33 23 90 Pour toute commande et abonnement, s’adresser Ă  Manuela Teixeira – TĂ©l. : 01 49 33 23 52

ComitĂ©s ou collĂšges rĂ©gionaux d’éducation pour la santĂ© ALSACE Pdt Joseph Becker Dir. Dr Nicole Schauder 3, rue de la ChaĂźne 67000 Strasbourg TĂ©l. : 03.88.22.73.09 Fax : 03.88.32.77.44 MĂ©l : info@cresalsace.org www.cresalsace.org

AQUITAINE Pdt Pr François Dabis Dir. Colette Laugier Craes-Crips 6, quai de Paludate 33800 Bordeaux Tél. : 05.56.33.34.10 Fax : 05.56.33.34.19 Mél : contact@craes-crips.com www.educationsante-aquitaine.fr

BASSE-NORMANDIE Pdt Dr Pascal Faivre-d’Arcier Dir. Jean-Luc Veret 1, place de l’Europe 14200 HĂ©rouville-St-Clair TĂ©l. : 02.31.43.83.61 Fax : 02.31.43.83.47 MĂ©l : cores.bn@wanadoo.fr

BOURGOGNE Pdt Dr Jean-Claude Guillemant 34, rue des planchettes 21000 Dijon TĂ©l. et fax : 03.80.66.73.48 MĂ©l : cores.bourgogne@ wanadoo.fr www.cores-bourgogne.org

BRETAGNE Pdt Dr Jeanine Pommier Dir. Christine Ferron 4 A, rue du Bignon 35000 Rennes TĂ©l. : 02.99.50.64.33 MĂ©l : cres.bretagne@wanadoo.fr www.cresbretagne.fr

CHAMPAGNE-ARDENNE Pdt Yvonne Logeart 45, avenue du Gal-de-Gaulle 51000 ChĂąlons-en-Champagne TĂ©l. : 03.26.68.28.06 Fax : 03.26.68.97.60 MĂ©l : cres.cha@wanadoo.fr http://champagne-ardenne.fnes.fr

FRANCHE-COMTÉ Pdt Christian Magnin-Feysot Dir. Pascale Angiolini 3, rue Rodin 25000 Besançon TĂ©l. : 03.81.41.90.90 Fax : 03.81.41.93.93 MĂ©l : cres.fc@orange.fr www.cres.fc.urcam.org

HAUTE-NORMANDIE Pdt Bernard Lamday Dir. Carole Baeza

LORRAINE Pdt Dr Gérard Beaumont Dir. Lucette Barthélémy

PAYS-DE-LOIRE Pdt Pr Pierre Lombrail Dir. Dr Patrick Lamour

Immeuble le Bretagne 57, avenue de Bretagne 76100 Rouen TĂ©l. : 02.32.18.07.60 Fax : 02.32.18.07.61 MĂ©l. : cres.haute.normandie@ wanadoo.fr www.cres-rouen.org

2, av. du Doyen J. Parisot 54500 VandƓuvre-lĂšs-Nancy TĂ©l. : 03.83.44.87.59 Fax : 03.83.44.87.07 MĂ©l : creslor@wanadoo.fr www.edusante-lorraine.org

CREDEPS Nantes HĂŽpital Saint-Jacques 85, rue Saint-Jacques 44093 Nantes Cedex 1 TĂ©l. : 02.40.31.16.90 Fax : 02.40.31.16.99 MĂ©l : credeps@credeps.org

ÎLE-DE-FRANCE Pdt Jean-Pierre Ferrier Dir. Dr StĂ©phane Tessier 14, rue La Fayette 75009 Paris TĂ©l. : 01.48.24.38.00 Fax : 01.48.24.38.01 MĂ©l. : cresif@orange.fr www.cresif.org

LANGUEDOCROUSSILLON Pdt Dr Claude Terral Dir. Dr Brigitte Sandrin Berthon HĂŽpital la ColombiĂšre 39, avenue Charles-Flahault 34295 Montpellier Cedex 5 TĂ©l. : 04.67.04.88.50 Fax : 04.67.52.02.57 MĂ©l : cres.Lr@wanadoo.fr www.cres-lr.org

MIDI-PYRÉNÉES Pdt Dr Anne-Marie Rajon Dir. Laurence Birelichie 77, allĂ©e de Brienne 31000 Toulouse TĂ©l. : 05.61.23.44.28 Fax : 05.61.22.69.98 MĂ©l : cres.midi-pyrenees@ wanadoo.fr

NORD-PAS-DE-CALAIS Pdt Pr Jean-Marie Haguenoer Dir. Loïc Cloart Parc Eurasanté 235, avenue de la Recherche BP 86 59373 Loos Cedex Tél. : 03.20.15.49.40 Fax : 03.20.15.49.41 Mél : cresnpdc@wanadoo.fr

PICARDIE Pdt Pr GĂ©rard Dubois Dir. Philippe Lorenzo Espace Industriel Nord 67, rue de Poulainville 80080 Amiens TĂ©l. : 03.22.71.78.00 Fax : 03.22.71.78.04 MĂ©l : cres@crespicardie.org www.crespicardie.org

POITOU-CHARENTES Pdt Eric-Pascal Satre Dir. Isabelle Escure 17, rue Salvador-Allende 86000 Poitiers TĂ©l. : 05.49.41.37.49 Fax : 05.49.47.33.90 MĂ©l : diffusion@cres-poitoucharentes.org

PROVENCE-ALPES CÔTE D’AZUR Pdt Pr Jean-Marc Garnier Dir. Zeina Mansour 178, cours Lieutaud 13006 Marseille TĂ©l. : 04.91.36.56.95 Fax : 04.91.36.56.99 MĂ©l : cres-paca@wanadoo.fr www.cres-paca.org

RHÔNE-ALPES Pdt Jacques Fabry Dir. Claude Bouchet 9, quai Jean-Moulin 69001 Lyon TĂ©l. : 04.72.00.55.70 Fax : 04.72.00.07.53 MĂ©l : CRAES-Lyon@asi.fr www.craes-crips.org

RÉUNION Pdt Dr RĂ©mi Foubert Dir. Blandine Bouvet 229, ChaussĂ©e royale 97460 Saint-Paul TĂ©l. : 02.62.71.10.88 Fax : 02.62.71.16.66 MĂ©l : cres.run@wanadoo.fr

ComitĂ©s dĂ©partementaux d’éducation pour la santĂ© 01 AIN Pdt Jean-Claude Degout Dir. Juliette Fovet

06 ALPES-MARITIMES Pdt Dr Claude Dreksler Dir. Chantal Patuano

11 AUDE Pdt Dr Pierre Dufranc

17 CHARENTE-MARITIME Pdt VĂ©ronique Heraud

23 CREUSE Pdt Dr Françoise Léon-Dufour

Adessa – Zac NorĂ©lan 111, avenue San SĂ©vĂ©ro 01000 Bourg-en-Bresse TĂ©l. : 04.74.23.13.14 Fax : 04.74.50.42.98 MĂ©l : ades01@wanadoo.fr www.ades01.org

61, route de Grenoble 06002 Nice TĂ©l. : 04.93.18.80.78 Fax : 04.93.29.81.55 MĂ©l : codes.am@wanadoo.fr

14, rue du 4 septembre 11000 Carcassonne TĂ©l. : 04.68.71.32.65 Fax : 04.68.71.34.02 MĂ©l : codes11@wanadoo.fr http://codes11.over-blog.com

32, avenue Albert-Einstein 17000 La Rochelle TĂ©l. et fax : 05.46.42.24.44 MĂ©l : codes17@voila.fr

Résidence du jardin public Porche A1 27, avenue de la Sénatorerie 23000 Guéret Tél. : 05.55.52.36.82 Fax : 05.55.52.75.48 Mél : codes23@wanadoo.fr

07 ARDÈCHE Pdt Dr Jean-Marie Bobillo Dir. GisÚle Bollon

12 AVEYRON Pdt Jacky Druilhe Dir. MylĂšne CarrĂšre

1A, rue Émile Zola Zac Le Champ du Roy 02000 Chambry TĂ©l. : 03.23.79.90.51 Fax : 03.23.79.48.75 MĂ©l : aisne@crespicardie.org

2, passage de l’Ancien-ThĂ©Ăątre 07000 Privas TĂ©l. : 04.75.64.46.44 Fax : 04.75.64.14.00 MĂ©l : adessa-codes.07@ wanadoo.fr http://perso.wanadoo.fr/adessa

13, bd LaromiguiĂšre 12000 Rodez TĂ©l. : 05.65.73.60.20 Fax : 05.65.73.60.21 MĂ©l : codes.aveyron@wanadoo.fr

03 ALLIER Pdt Jean-Marc Lagoutte Dir. Annick AnglarĂšs

08 ARDENNES Pdt Dr Catherine Juillard Dir. Françoise Maitre

2, place MarĂ©chal de Lattre-deTassigny – 03000 Moulins TĂ©l. : 04.70.48.44.17 MĂ©l : abes-codes03@wanadoo.fr

21, rue Irénée Carré 08000 Charleville-MéziÚres Tél. : 03.24.33.97.70 Fax : 03.24.33.84.34 Mél : CO.DES.08@wanadoo.fr http://champagne-ardenne.fnes.fr

02 AISNE Pdt GĂ©rard Dubois

04 ALPES DE HAUTEPROVENCE Pdt Dr Georges Guigou Dir. Anne-Marie Saugeron Centre médico-social 42, bd Victor Hugo 04000 Digne-Les-Bains Tél. : 04.92.32.61.69 Fax : 04.92.32.61.72 Mél : codes.ahp@wanadoo.fr

09 ARIÈGE Pdt Marie-Laure Moneger Dir. ThérÚse Fruchet 6, cours Irénée Cros 09000 Foix Tél. : 05.34.09.02.82 Fax : 05.61.05.62.14 Mél : caes.ariege@wanadoo.fr

05 HAUTES-ALPES Pdt Pascal Lissy Dir. Brigitte Nectoux

10 AUBE Pdt Sylvie Le Dourner Dir. Line Bret

Immeuble « Les Lavandes » 1 Place Champsaur 05000 Gap Tél. : 04.92.53.58.72 Fax : 04.92.53.36.27 Mél : codes05@codes05.org

6, rue du Pont Royal 10000 Troyes TĂ©l. : 03.25.41.30.30 Fax : 03.25.41.05.05 MĂ©l : codes10@orange.fr http://champagne-ardenne.fnes.fr

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13 BOUCHESDU-RHÔNE Pdt Pr Jean-Louis San Marco Dir. Nathalie Merle 6, rue Fongate 13006 Marseille TĂ©l. : 04.96.11.16.65 Fax : 04.96.11.16.67 MĂ©l : codes.bdr@wanadoo.fr

14 CALVADOS s’adresser Ă  la rĂ©gion BasseNormandie

15 CANTAL Pdt Dr DaniĂšle SouquiĂšre-Degrange BĂątiment de l’Horloge 9, place de la Paix 15012 Aurillac Cedex TĂ©l. : 04.71.48.63.98 Fax : 04.71.48.91.80 MĂ©l : codes15@wanadoo.fr http://www.codes15.fr

16 CHARENTE Pdt Denis Debrosse Dir. Marie Vabre Centre hospitalier de Girac 16470 Saint-Michel TĂ©l. : 05.45.25.30.36 Fax : 05.45.25.30.40 MĂ©l : codes16@wanadoo.fr

LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 396 - JUILLET-AOÛT 2008

18 CHER Pdt Dr Michel Verdier Dir. Marie CĂŽte 4, cours Avaricum 18000 Bourges TĂ©l. : 02.48.24.38.96 Fax : 02.48.24.37.30 MĂ©l : codesducher@wanadoo.fr

19 CORRÈZE Pdt Dr André Cigana Dir. Isabelle Schill Centre hospitalier Ancienne Entrée 1, bd du Dr Verlhac 19312 Brive-la-Gaillarde Cedex Tél. : 05.55.17.15.50 Fax : 05.55.17.15.57 Mél : codes.19@wanadoo.fr

20 CORSE-DU-SUD Pdt Roberte Stromboni Dir. Jean Alesandri 15, parc CunĂ©o d’Ornano 20000 Ajaccio TĂ©l. : 04.95.21.47.99 Fax : 04.95.28.36.76 MĂ©l : codes.aja@wanadoo.fr

21 CÔTE-D’OR Pdt Bruno de Laroque Latour 15, rue Jean XXIII 21000 Dijon TĂ©l. : 03.80.68.04.51 Fax : 03.80.73.77.67 MĂ©l : codes21@wanadoo.fr

22 CÔTES D’ARMOR Pdt Anne Galand 15 bis, rue des capucins BP 521 22005 Saint-Brieuc Cedex 1 TĂ©l. : 02.96.78.46.99 Fax : 02.96.78.42.30 MĂ©l : codes-armor@wanadoo.fr

24 DORDOGNE Pdt Dr Josiane Dereine DDASS 48 bis, rue Paul-Louis Courier 24016 PĂ©rigueux Cedex TĂ©l. : 05.53.07.68.57 Fax : 05.53.06.10.60 MĂ©l : codes24@wanadoo.fr www.educationsante-aquitaine.fr

29 FINISTÈRE Pdt Henri HĂ©naff Dir. Pascale Bargain 9-11 rue de l’Ile d’Houat 29000 Quimper TĂ©l. : 02.98.90.05.15 Fax : 02.98.90.11.00 MĂ©l : Codes29@wanadoo.fr www.codes29.org

30 GARD Pdt Dr ClĂ©ment Nogarede Dir. MichĂšle Rossano 7, place de l’Oratoire 30900 NĂźmes TĂ©l. : 04.66.21.10.11 Fax : 04.66.21.69.38 MĂ©l : CDES30@wanadoo.fr

31 HAUTE-GARONNE 25 DOUBS Pdt Michel Vuillemin Dir. Catherine Filaquier 4, rue de la Préfecture 25000 Besançon Tél. : 03.81.82.32.79 Fax : 03.81.83.29.40 Mél : codes25@wanadoo.fr www.codes25.org

26 DRÔME Pdt Dr Luc Gabrielle Dir. Laurent LizĂ© DrĂŽme PrĂ©vention SantĂ© 36 B, rue de Biberach 26000 Valence TĂ©l. : 04.75.78.49.00 Fax : 04.75.78.49.05 MĂ©l : ades26@free.fr

27 EURE s’adresser Ă  la rĂ©gion Haute-Normandie

28 EURE-ET-LOIR Pdt Dr François Martin Dir. Myriam Neullas CESEL – HĂŽtel Dieu 34, rue du Dr Maunoury BP 30407 28018 Chartres Cedex TĂ©l. : 02.37.30.32.66 Fax : 02.37.30.32.64 MĂ©l : cesel@cesel.org

s’adresser Ă  la rĂ©gion Midi-PyrĂ©nĂ©es

32 GERS Pdt Jean-Pierre Thibaut Dir. Pascale Femy 7 bis rue d’Etigny 32000 Auch TĂ©l. : 05.62.05.47.59 Fax : 05.62.61.25.91 MĂ©l. : codes32@wanadoo.fr

33 GIRONDE s’adresser Ă  la rĂ©gion Aquitaine

34 HÉRAULT Pdt Dr Éric Perolat Dir. RenĂ© Fortes RĂ©sidence Don Bosco 54, chemin de MoularĂšs 34000 Montpellier TĂ©l. : 04.67.64.07.28 Fax : 04.67.15.07.40 MĂ©l : chesfraps@wanadoo.fr www.chesfraps.com

35 ILLE-ET-VILAINE Pdt Josiane JĂ©gu Dir. Pascale Canis 4A, rue du Bignon 35000 Rennes TĂ©l. : 02.99.67.10.50 Fax : 02.99.22.81.92 MĂ©l : codes.35@wanadoo.fr


SH396

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Carnet d’adresses 36 INDRE Pdt Francis Martinet Dir. SĂ©verine Dropsy 73, rue Grande 36019 Chateauroux Cedex TĂ©l. : 02.54.60.98.75 Fax : 02.54.60.96.23 MĂ©l : codes.36@wanadoo.fr

47 LOT-ET-GARONNE Pdt Dr Jean-Michel Drapé

58 NIÈVRE Pdt Dr Alain Lemoine

Lieu dit « Toucaut » Route de Cahors 47480 Pont-du-Casse Tél. : 05.53.66.58.59 Fax : 05.53.47.73.59 Mél : codes47@wanadoo.fr www.educationsante-aquitaine.fr

RĂ©sidence Blaise-Pascal 39, bd Mal-de-Lattre-de-Tassigny 58000 Nevers TĂ©l. et Fax : 03.86.59.35.19 MĂ©l : codes58@wanadoo.fr

37 INDRE-ET-LOIRE Pdt Pr Jacques Weill Rue du Pont de l’Arche

48 LOZÈRE Pdt M.-C. Giraud-Jalabert

« Les Granges Galand » 37550 Saint-Avertin Tél. : 02.47.74.44.80 Fax : 02.47.74.44.85 Mél : cdes37@wanadoo.fr

1 bis, allée des Soupirs 48000 Mende Tél. : 04.66.65.33.50 Fax : 04.66.49.26.77 Mél : codes48@wanadoo.fr

38 ISÈRE Pdt Dr Pierre Dell’Accio Dir. Jean-Philippe Lejard

49 MAINE-ET-LOIRE Pdt Pr Gilles Berrut Dir. Jamy Pacaud

23, av. Albert 1er-de-Belgique 38000 Grenoble TĂ©l. : 04.76.87.06.09 Fax : 04.76.47.78.29 MĂ©l : adessigr@wanadoo.fr

15, rue de JĂ©rusalem 49100 Angers TĂ©l. : 02.41.05.06.49 Fax : 02.41.05.06.45 MĂ©l : codes49@wanadoo.fr www.sante-pays-de-la-loire.com

39 JURA Pdt Pierre Benichou Dir. AgnĂšs Borgia 35, avenue Jean-Moulin 39000 Lons-le-Saunier TĂ©l. : 03.84.47.21.75 Fax : 03.84.24.89.73

40 LANDES Pdt Claude Desbordes Dir. Sylvie Ramis HĂŽpital Sainte-Anne BĂątiment Ritournelle 782, avenue de NonĂšres BP 10262 40005 Mont-de-Marsan Cedex TĂ©l. : 05.58.06.29.67 MĂ©l : contact@codes40.org

41 LOIR-ET-CHER Pdt GĂ©rard Gouzou Dir. Evelyne Gond 34, avenue Maunoury 41000 Blois TĂ©l. : 02.54.74.31.53 Fax : 02.54.56.04.30 MĂ©l : ades41@wanadoo.fr

42 LOIRE Pdt Dr GĂ©rard Mathern Dir. Mohamed Boussouar 26, avenue de Verdun 42000 Saint-Étienne TĂ©l. : 04.77.32.59.48 Fax : 04.77.33.89.28 MĂ©l : direction@codes42.org www.codes42.org

43 HAUTE-LOIRE Pdt Louis Teyssier 8, rue des Capucins 43000 Le Puy-en-Velay TĂ©l. : 04.71.04.94.86 Fax : 04.71.04.97.41 MĂ©l : codes43@wanadoo.fr

44 LOIRE-ATLANTIQUE s’adresser Ă  la rĂ©gion Pays-de-Loire

45 LOIRET Pdt Dr Guy Civil Dir. Romain Laniesse Espace Santé 5, rue Jean-Hupeau 45000 Orléans Tél. : 02.38.54.50.96 Fax : 02.38.54.58.23 Mél : info@codes45.org www.codes45.org

46 LOT Pdt Christian Massaloux Dir. Gilles Nouzies 111, boulevard Gambetta 46000 Cahors TĂ©l. : 05.65.22.64.77 Fax : 05.65.22.64.50 MĂ©l : codes46@wanadoo.fr http://perso.wanadoo.fr/codes.46/

50 MANCHE s’adresser Ă  la rĂ©gion Basse-Normandie

51 MARNE Pdt Yvonne Logeart Dir. Anne Patris PĂŽle Duant Education 1, rue du docteur Calmette – BP 7 51016 ChĂąlons-en-Champagne TĂ©l. : 03.26.64.68.75 Fax : 03.26.21.19.14 MĂ©l : codes.51@wanadoo.fr http://champagne-ardenne.fnes.fr

52 HAUTE-MARNE Pdt Robert Mercey Dir. Eva Bardet 5 bis, boulevard Thiers 52000 Chaumont TĂ©l. : 03.25.32.63.28 MĂ©l : codes.52@wanadoo.fr http://champagne-ardenne.fnes.fr

53 MAYENNE Pdt Catherine Boute Dir. Christel fouache 90, avenue de Chanzy BP 3885 53030 Laval Cedex 9 TĂ©l : 02.43.53.46.73 Fax : 02.43.49.20.72 MĂ©l : codes.53@wanadoo.fr

54 MEURTHE-ETMOSELLE Pdt Jean Pierrel Dir. Aurélie Lauga 18, av. du Maréchal Juin 54000 Nancy Tél. : 03.83.67.45.75 Fax : 03.83.27.40.15 Mél : codes54@codes54.org www.edusante-lorraine.org

55 MEUSE Pdt Christian Charuel Espace Sainte-Catherine 4, boulevard des Ardennes BP 90192 55005 Bar-le-Duc Cedex TĂ©l. : 03.29.79.23.26 Fax : 03.29.79.23.29 MĂ©l : codes55@wanadoo.fr

56 MORBIHAN Pdt Marie-Odile Barbier Zone tertiaire de Kerfontaine Rue LoĂŻc Caradec 56400 Plumeret TĂ©l. : 02.97.29.15.15 Fax : 02.97.29.16.50 MĂ©l : codes.56@wanadoo.fr

57 MOSELLE Pdt Dr Jeanne Meyer Dir. Olivier Aromatario 20, rue Gambetta – BP 30273 57006 Metz Cedex 1 TĂ©l. : 03.87.68.01.02 Fax : 03.87.68.11.89 MĂ©l : codes57@wanadoo.fr

70 HAUTE-SAÔNE Pdt Alain Cusenier Dir. Michel Jassey

84 VAUCLUSE Pdt Dr Claude Soutif Dir. Alain Douiller

GUYANE Pdt Robert Ulic Dir. Stéphanie Lang

4, cours François-Villon 70000 Vesoul Tél. : 03.84.76.16.30 Fax : 03.84.75.00.77 Mél : CODES-70@wanadoo.fr

13, rue de la PĂ©piniĂšre 84000 Avignon TĂ©l. : 04.90.81.02.41 Fax : 04.90.81.06.89 MĂ©l : codes84@wanadoo.fr www.codes84.fr

Association Guyane Promo Santé 59, avenue Voltaire 97300 Cayenne Tél. : 0.594.30.13.64 Fax : 0.594.35.84.80 Mél. : guyane.promosante@ orange.fr

59 NORD s’adresser Ă  la rĂ©gion Nord-Pas-de-Calais

71 SAÔNE-ET-LOIRE Pdt Jean-Claude Guillemant

60 OISE Pdt Alfred Lorriaux

1, rue Winston-Churchill 71000 MĂącon TĂ©l. : 03.85.39.42.75 Fax : 03.85.39.37.10 MĂ©l : codes71@wanadoo.fr

11, rue Jean-Monet Parc d’activitĂ© « Le ChĂȘne bleu » 60000 Beauvais TĂ©l. : 03.44.10.51.90 Fax : 03.44.10.00.90 MĂ©l : oise@crespicardie.org

61 ORNE Pdt Pierre Chastrusse 14, rue du Cygne 61000 Alençon Tél. : 02.33.82.77.70 Fax : 02.33.82.77.71 Mél : codes61@wanadoo.fr

62 PAS-DE-CALAIS Pdt Gérard Pezé Dir. Nathalie Senegas 3, rue des Agaches, BP. 505 62008 Arras Cedex Tél. : 03.21.71.34.44 Fax : 03.21.51.25.73 Mél : cdes62@nordnet.fr

63 PUY-DE-DÔME Pdt Marie-Gentile Gardies Dir. Jean-Philippe Cognet Espace Guy Vigne 30, rue Etienne-Dolet 63000 Clermont-Ferrand TĂ©l./Fax : 04.73.34.35.06 MĂ©l : codes63@wanadoo.fr

64 PYRÉNÉESATLANTIQUES Pdt Jean-Claude Maupas Dir. Jeanine Larrousse 15, allĂ©es Lamartine 64000 Pau TĂ©l. : 05.59.62.41.01 Fax : 05.59.40.28.52 MĂ©l : contact.codes64@orange.fr www.educationsante-aquitaine.fr

65 HAUTES-PYRÉNÉES Pdt Dr Bernard Dupin Dir. Claudine Lamet CPAM 8, place au Bois 65021 Tarbes Cedex 9 TĂ©l. : 05.62.51.76.51 Fax : 05.62.51.76.53 MĂ©l : codes65@wanadoo.fr

66 PYRÉNÉES ORIENTALES Pdt Dr Marie-JosĂ© Raynal 12, avenue de Prades 66000 Perpignan TĂ©l. : 04.68.61.42.95 Fax : 04 68.61.02.07 MĂ©l : codes66.po@wanadoo.fr

67 BAS-RHIN s’adresser Ă  la rĂ©gion Alsace

68 HAUT-RHIN s’adresser Ă  la rĂ©gion Alsace

69 RHÔNE Pdt Dr Bruno Dubessy Dir. Sylvain Jerabek ADESR 71, quai Jules-Courmont 69002 Lyon TĂ©l. : 04.72.41.66.01 Fax : 04.72.41.66.02 MĂ©l : info@adesr.asso.fr www.adesr.asso.fr

85 VENDÉE Pdt Jean-Claude Fonteneau Dir. Élise Guth-QuĂ©lennec Maison de la santĂ© CHD Les Oudairies 85925 La Roche-sur-Yon Cedex 9 TĂ©l. : 02.51.62.14.29 Fax : 02.51.37.56.34 MĂ©l : covess@wanadoo.fr

72 SARTHE Pdt Joël Barault Dir. Valérie Paris 92/94, rue MoliÚre 72000 Le Mans Tél. : 02.43.50.32.45 Fax : 02.43.50.32.49 Mél : codes72@ahs-sarthe.asso.fr www.codes72.fr

13, boulevard de Bellevue 73000 Chambéry Tél. : 04.79.69.43.46 Fax : 04.79.62.10.22 Mél : adess73@sante-savoie.org www.sante-savoie.org

74 HAUTE-SAVOIE Pdt Marc Rabet Dir. Marie-France Viala

s’adresser Ă  la rĂ©gion Ile-de-France

88 VOSGES Pdt Dr GĂ©rard Beaumont 5, Quartier de la Magdeleine 88000 Épinal TĂ©l. : 03.29.64.11.91 Fax : 03.29.82.50.77 MĂ©l : codes88@wanadoo.fr www.codes-vosges.com

90 TERRITOIRE DE BELFORT Pdt Dr Albert Pontes Dir. Valérie Berton

76 SEINE-MARITIME s’adresser Ă  la rĂ©gion Haute-Normandie

22, rue Gaston-Defferre 90000 Belfort TĂ©l. et fax : 03.84.54.09.32 MĂ©l : codes-90@wanadoo.fr

77 SEINE-ET-MARNE s’adresser Ă  la rĂ©gion Île-de-France

91 ESSONNE Pdt Emile Deiss

78 YVELINES Pdt Jean-Pierre Couteron Dir. Isabelle Grouas

CPS 91 Immeuble Boréal 5, place Copernic Courcouronnes 91023 Evry Cedex Tél. : 01.60.79.46.46 Fax : 01.60.79.55.27 Mél : cps91@orange.fr

47, rue du Maréchal-Foch 78000 Versailles Tél. 01.39.49.58.93 Fax : 01.39.51.47.48 Mél : CYES@wanadoo.fr www.cyes.info

92 HAUTS-DE-SEINE Pdt Yolande Deshayes Dir. Margaret Salphati

79 DEUX-SÈVRES Pdt Philippe Gobert 10 bis, avenue Bujault 79000 Niort Tél. : 05.49.28.30.25 Fax : 05.49.24.93.66 Mél : codes79@libertysurf.fr

cotes BĂątiment du dispensaire De M’tsarpĂ©rĂ© 97600 Mamoudzou TĂ©l. et fax : 0.269.61.36.04

SAINT-PIERRE ET MIQUELON Pdt Dr Bourdeloux DDASS Rue Abbé Pierre-Gervain BP 4200 97500 Saint-Pierre et Miquelon Tél. : 0.508.21.93.23

GUADELOUPE Pdt Roberte Hamousin-Métregiste Dir. Pascale Melot COGES 6, résidence Casse Sainte-Hyacinthe 97100 Basse-Terre Tél. : 0.590.41.09.24 Fax : 0.590.81.30.04 Mél : coges@coges.gp

NOUVELLE-CALÉDONIE Dir. Dr Bernard Rouchon Agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-CalĂ©donie 19, avenue du Mal Foch BP P4 98851 NoumĂ©a Cedex TĂ©l. : 00.687.25.07.60 Fax : 00.687.25.07.63 MĂ©l : bernard.rouchon@ass.nc

POLYNÉSIE FRANÇAISE Dir. Dr R. Wongfat Rue des Poilus-Tahitiens BP 611 – Papeete 98601 Tahiti TĂ©l. : 00.689.42.30.30 Fax : 00.689.43.00.74

Immeuble « Le Quartz » 4, avenue Benoßt-Frachon 92023 Nanterre Cedex Tél. : 01.41.20.28.30 Fax : 01.41.20.27.12 Mél : codes92@cg92.fr

80 SOMME s’adresser Ă  la rĂ©gion Picardie

93 SEINE-SAINT-DENIS Pdt Antoine Lazarus

81 TARN Pdt Fabien Catala Dir. Marie-Laure Manhes

UFR MĂ©decine 74, rue Marcel-Cachin 93017 Bobigny Cedex TĂ©l. et fax : 01.48.38.77.01 MĂ©l : codes93@hotmail.com

4, rue Justin-Alibert 81000 Albi TĂ©l. : 05.63.43.25.15 Fax : 05.63.43.18.08 MĂ©l : codes81@wanadoo.fr

94 VAL-DE-MARNE

82 TARN-ET-GARONNE

Immeuble le Verdon 82, boulevard LĂ©on Bourgeois 83000 Toulon St-Jean du Var TĂ©l. : 04.94.89.47.98 Fax : 04.94.92.80.98 MĂ©l : codes.var@wanadoo.fr

MAYOTTE Pdt Ali Ahmed

25, avenue Pasteur – BP 49 89011 Auxerres Cedex TĂ©l. : 03.86.51.80.69 Fax : 03.86.51.80.33 MĂ©l : codes89@sante.gouv.fr

75 PARIS

83 VAR Pdt Dr Jacques Lachamp Dir. Christine Madec

87 HAUTE-VIENNE Pdt Evelyne Robert

86 VIENNE

89 YONNE Pdt Paul Girard

10, rue des GliĂšres 74000 Annecy TĂ©l. : 04.50.45.20.74 Fax : 04.50.45.34.49 MĂ©l : ades74@voila.fr

s’adresser Ă  la rĂ©gion Midi-PyrĂ©nĂ©es

s’adresser Ă  la rĂ©gion Poitou-Charentes

CMPES Centre d’affaires Agora BĂąt. G – niveau 0 – BP 1193 Étang z’abricot – Pointe des sables 97200 Fort-de-France TĂ©l. : 0.596.63.82.62 Fax : 0.596.60.59.77 MĂ©l : cmpes@wanadoo.fr

5, rue Monte Ă  regret 87000 Limoges TĂ©l. : 05.55.37.19.57

73 SAVOIE Pdt Charles Amourous

MARTINIQUE Pdt Louis-LĂ©once LecurieuxLafferonnay Dir. Fred Ho Can Sun

s’adresser Ă  la rĂ©gion Île-de-France

95 VAL-D’OISE Pdt Hussein Mokhtari Dir. SĂ©bastien Charles CODESS 95 2, avenue de la Palette BP 10215 95024 Cergy-Pontoise Cedex TĂ©l. : 01.34.25.14.45 Fax : 01.34.25.14.50 MĂ©l : codess@valdoise.fr

FĂ©dĂ©ration nationale des comitĂ©s d’éducation pour la santĂ© (Fnes) Pdt : Pr Jean-Pierre Deschamps Sec. gĂ©nĂ©ral : Romain Laniesse DĂ©lĂ©guĂ©e : Marie-JosĂšphe Logez SiĂšge social Immeuble Etoile Pleyel 42, bd de la LibĂ©ration 93200 Saint-Denis TĂ©l. : 01.42.43.77.23 Fax : 01 42.43.79.41 MĂ©l. : fnes@fnes.info www.fnes.info

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