PROCESS #25

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le r é c it de c u i s i n e \ 12 V ERA CH AMARA NDE \ 17 c a b a r e t v e rt 201 9 \ 18 fra n z f e r d i n a n d \ 21 f esti val born to be a l i v e \ 24 n o é m ie go udal \ 28 l e b a l l e t d u r h i n s o us l e sig ne d u ta n g o \ 30 t h e ano nymous ( ph oto) p r oj e c t \ 38 chlo é dab e rt \ 41 mart h e c r e ss o n \ 44 la mais o n d e s m u si c i e n s \ 47 Antoine Flasaquier \ 49 fleurs d'ici 11

creative

process magazine

#25

creative

process

magazine


MAXIME TOURATIER

PETITE ÉTUDE SUR LES FOLIES — 24 oct. - 23 nov. 2019


creative

process

ÉDITEUR / rédacteur en chef  Benoît Pelletier

G

coordination éditoriale  ambre allart    RÉALISATION / diffusion  bel-studio.fr

magazine

goût

1 0 / ac t u g o û t 11 / le récit de cuisine de jérôme descamps

direction artistique   Benoît Pelletier

1 2 / VERA CHAMARANDE

Graphiste  amélie luca    publicité / partenariats  ambre allart ambre@process-mag.com

M

Si vous souh a i te z de ve nir d i ffuseur, vous abonne r pour recevo i r le m agazine , ou en comman de r un e xe mpl aire , contact ez n ous  !

muSique

1 6 / ac t u m u s i q u e 17 / cabaret vert 2019 - le report 18 / franz ferdinand

h e llo @ proc e ss-mag.com 06 80 65 89 72

Le magazine PROCESS es t édité par Belleripe SARL - 91 BIS RUE DU BARBÂTRE 51100 REIMS. Tous dro its réservés. Toute reproduction , même partielle es t interdite, sans autor isatio n . Le magazine PROCESS décline toute responsabilité pour les document s remis. Les textes, illus trations et photographies publiés en gagent l a seule respo nsabilité de leurs auteurs et leur présen ce dans le magazine impliq ue leur libre public atio n .

A

Arts

2 0 / ac t u a r ts

Le magazine PROCESS es t disponible gratuitement dans 200 points de dépôt à Reims, 25 à épern ay, 40 à c harleville, et 25 à C hâlo ns. retrouvez toute l a lis te sur www.process-mag.com

2 1 / f e s t i va l b o r n t o b e a l i v e 2 4 / n o é m i e g o u da l  : d e s i l l u s i o n s p e r c e p t i v e s 2 8 / l e b a l l e t d u r h i n s o u s l e s i g n e d u ta n g o

Magazine à parution bimes trielle.

30 / the anonymous (photo) project

illus tration DE COUVERTURE Noémie Goudal, Observatoire III, tirage lightjet, 150 x 120 cm, 2013, Courtesy de l’artis te

3 8 / c h l o é da b e r t a u x c o m m a n d e s d e l a c o m é d i e

www.p ro c ess-mag. c om

BENOÎT PELLETIER  éditeur / directeur créatif   et photographe

D

marie-charlotte burat  rédactrice

DESIGN

hélène virion chercheur en art & photographe

4 0 / ac t u d e s i g n 41 / marthe cresson 44 / la maison des musiciens

CYRILLE PLANSON  redac-chef La Scène Le Piccolo, Théâtre(s) mag

Jérôme Descamps  réalisateur   & montreur   de films

alexis   jama-bieri  dirigeant   culturel

Peggy Leoty  communication / événementiel / relations presse

ambre allart  rédactrice

anne de la giraudière journaliste

B

business

4 6 / ac t u b u s i n e s s 47 / A n to i n e F l a s aq u i e r  : l ' avo c at d e v e n u l i b ra i r e 49 / fleurs d'ici



PAR alexis jama bieri

PLAYLIST 1

2 Slap My Butt

Alex Cameron

Kiddy Smile

En septembre est sorti le troisième album d’Alex Cameron, Miami Memory, sur lequel le jeune dandy australien poursuit ses expérimentations entre synthés kitch, saxophone alto et histoires autour du personnage qu’il s’est inventé, construisant un monde bien à lui. Far from born again, qu’on pourrait imaginer sortir d’une radio FM des 80’s, illustre parfaitement ce dernier album. La lose comme réussite.

Le DJ et producteur français, militant LGBT et chantre du voguing en France, nous plonge avec Slap My Butt (ou « Claque mon cul », dans la langue de Molière) dans une ambiance digne d’un peep show, entre danseuses exotiques ondulant sur des beats house garage, qui donne une folle envie de se déhancher. Un paradis pink.

3 Wanda’s loving boy

Sports © dr

Marquis de Sade

Viagra Boys

Avec Sports, sorti sur leur 1er album Street Worms, les suédois de Viagra Boys se jouent des codes de la virilité et de la masculinité sous la forme d'une parodie post-punk. Les incantations hargneuses du chanteur Sebastian Murphy ponctuent sans mollesse une ligne de basse solide et impeccable. Rageur et bordélique.

Le 12 septembre 2019, Philippe Pascal, chanteur du groupe Marquis de Sade, est mort brutalement. Il avait fondé en 1978 avec Frank Darcel le groupe culte Marquis de Sade, en réponse à la new wave anglaise. En 1981, le groupe sort un nouveau 45 tours, Wanda’s loving boy, extrait de son second album Rue de Siam, du nom d’une rue de Brest. Un titre marquant de l’histoire du groupe, avant sa séparation la même année. Sombre et limpide.

5

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© emma swann

4

6 Street Dance

Freiheit

Break Machine

Oktober Lieber

C’était le temps de l’éclosion du Hip Hop, du rap, de la street dance et de l’émission Hip Hop présentée chaque dimanche par Sydney à la télé française. En 1983, Break Machine sort Street Dance, manifeste de la culture urbaine et de la danse de rue, entre smurf et break dance. À écouter au casque, veste de survêt aux trois bandes sur le dos et Stan Smith aux pieds. H-I-P H-O-P !

Freiheit est l'un des titres du 1er album du duo parisien Oktober Lieber. Nommé d’après le morceau October Love Song de Chris and Cosey, Oktober Lieber est né de la rencontre entre Marion CamyPalou et Charlotte Boisselier. 5ème morceau de l'album, Freiheit nous attire dans un club berlinois, à l'ambiance technoïde et enfumée, classe et sans smartphone.

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Far from born again


les immanquables

07/11 >23/02

20/11 >23/02

Marche et démarche

Pierre et Gilles : La fabrique   des idoles

Musée des Arts Décoratifs / Paris Cette exposition s’interroge sur le statut de cet accessoire indispensable du quotidien qu'est la chaussure, et sur les manières de marcher en Occident et dans les cultures non européennes, de la fin du Moyen Âge à nos jours.

du

16>17/11

Cité de la musique / Paris Depuis les années 1980, Pierre et Gilles ont photographié et sublimé plusieurs générations de stars. Les deux artistes s’investissent aujourd’hui dans la création d’une exposition conçue comme une installation musicale et visuelle qui dévoile les secrets de leur fabrique des idoles.

madparis.fr

Sneakers Summit Paris

philharmoniedeparis.fr

Paris Event Center / Paris Pour sa première édition, le thème développé sera : « Baskets : de la Rue au Grand Écran » et fera d’innombrables clins d’oeil à la culture cinéma des années 90’s; celle qui a vue naitre des égéries incontournables de la Sneakersphère et qui a participé à la " starification " de paires devenues légendaires…

© pierre et gilles

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© iris schieferstein

sonofsneakers.sneakers-summit.fr

15>30/11

FESTIVAL ITINÉRANT   « LITTÉRATURES   NOMADES »

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L’association Interbibly lance la 5ème édition de son festival littéraire itinérant dans le Grand Est. Au programme cette année : Littératures Nomades, avec 45 rencontres d'auteurs, pour 14 auteurs invités. Venez rencontrer ceux qui nous offrent, à travers leurs ouvrages, un voyage dans la géographie des peuples et dans l’histoire du monde. « Une invitation à relever la visière de nos frontières et à dessiner un autre cercle de curiosité, plus riche, plus vaste, plus généreux. » Soirée inaugurale le 15 nov à 18h à la Médiathèque Jean Falala à Reims. Plus d’infos sur les rencontres prévues et les bibliothèques partenaires de l’événement sur interbibly.fr

© lucie vivier

GRAND EST

01>30/11 LE MOIS DU FILM   DOCUMENTAIRE EN FRANCE ET AILLEURS… Le mois du doc c’est 2500 lieux en France et dans le monde, qui diffusent durant tout le mois de novembre 1500 films documentaires à la fois originaux et éclectiques. La Pellicule Ensorcelée organise pour l’occasion des soirées partout dans les Ardennes et à Reims avec notamment une exclusivité Sankara n’est pas mort (photo), diffusé le 6 nov à 19h au cinéma Opéraims, en présence de sa réalisatrice, Lucie Viver. Renseignements sur lapelliculeensorcelee.org / moisdudoc.com


JUSQU’AU

23/02

newscloud

L’ÉLÉGANCE SELON EVELYN TAOCHENG WANG

jusqu'au

05/01

FRAC CHAMPAGNE-ARDENNE / REIMS Diffuser l’élégance est la première exposition monographique en France de l’artiste sino-néerlandaise Evelyn Taocheng Wang. Tout au long du parcours, elle s’intéresse à la notion d’identité en tant que concept mouvant, non binaire, et interroge la représentation sociale du corps. Pour cela, elle a habillé ses amis de ses propres vêtements, faisant d’eux les modèles d’un défilé qu’elle fantasme. Leurs témoignages épistolaires sont ensuite réinvestis par l’artiste dans des dessins sur papier de riz accompagnés d’un jeu de mimétisme calligraphique déconcertant.

Xavier   Veilhan : Plus que pierre

JUSQU’AU

18/12

Collégiale Saint Martin / Angers

CINÉTIQUE POÉTIQUE

Cette exposition montre la richesse des liens entre patrimoine et création. Un mélange unique de sculpture contemporaine et d'architecture historique. L’ occasion de découvrir ou redécouvrir le travail multiforme de Xavier Veilhan incluant la sculpture, l’installation, la peinture et la photographie…

frac-champagneardenne.org

CENTRE CULTUREL NUMÉRIQUE SAINT-EX / REIMS Saint-Ex accueille l’installation Tele-present wind de David Bowen, artiste américain dont les œuvres en mouvement créent des connexions entre les mécanismes de la nature et ceux de la robotique. Tele-present wind se compose ainsi de 42 machines ornées de minces tiges de plantes séchées. Ces dispositifs mécaniques sont tous connectés à une même plante munie d’un accéléromètre et installée en plein air à proximité du laboratoire de l’université du Minnesota aux États-Unis. Quand le vent souffle, il fait osciller la tige : l'accéléromètre détecte ce mouvement et le transmet au groupe d’appareils placés sous vos yeux. Cette captation précise et scientifique est transformée en un ballet chorégraphique poétique, que Saint-Ex vous invite à admirer.

collegiale-saint-martin.fr

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© Xavier Veilhan

saintex-reims.com / dwbowen.com

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01/12

Philippe Katerine

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© mirco magliocca

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La Cartonnerie / Reims

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29/11 TEDxREIMS

Sciences Po Campus / Reims " Temps T ” sera le thème de cette nouvelle édition. “ Temps T ” c’est être au bon moment au bon endroit et l’apprécier, capter l’immédiateté, l’instant T. Dans nos sociétés où tout s’accélère, l’idée est d’être capable de vivre le moment présent, de jouer avec le temps en utilisant le passé et le futur sans se cloisonner. Les 9 speakers que vous pourrez entendre à cette occasion ont tous tenté, osé, malgré des contraintes de temps. Ils ont su se faire du temps un allié en l’appréciant à sa juste valeur. tedxreims.fr

07>10/11 PARIS PHOTO

VERRIÈRE DU GRAND PALAIS / PARIS Comme chaque année, la foire internationale de photographie d’art réunit galeristes, éditeurs spécialisés et artistes pour promouvoir la création photographique. Avec plus de 200 exposants, Paris Photo offre aux collectionneurs et amateurs d’art un panorama complet du médium photographique : œuvres historiques ou contemporaines, artistes confirmés ou émergents. L’occasion aussi de découvrir le travail de la galerie Les Filles du Calvaire, qui compte parmi ses artistes la talentueuse Noémie Goudal, en couverture du mag. parisphoto.com

Concert d’exception pour un album exceptionnel. « Confessions » en public. Parfait, c'est un dimanche ! Cet événement est proposé dans le cadre du Charabia Festival organisé par Barcella & Ulysse Maison d'Artistes & La Cartonnerie de Reims charabiafestival.com


5 raisons d'aimer…

L’ÂGE DE LA LUMIÈRE DE WHITNEY SCHARER

Parce que jalonner ces pages, c'est marcher

Par Joachim Boitrelle, de la librairie La Procure Largeron à Reims

… et croiser les surréalistes Dalí, Tzara

dans les rues du Paris de Montmartre… ou Duchamp dans des fêtes aux vapeurs d'opium. C’est s'aventurer dans les ateliers aux effluves de térébenthine ou des pellicules photographiques ; c'est chevaucher l'encre de Paul Éluard ; c'est ressentir le bouillonnement artistique de ces années emblématiques et accepter une invitation à savourer les délices

Parce qu'ouvrir un livre, c'est se glisser

du Paris de l'époque !

dans un univers autre… … et frôler des vies extraordinaires. Sous la plume merveilleuse de Whitney Scharer, L'Âge de la Lumière nous met dans les pas de Lee Miller. Femme magnifique aux multiples vies : mannequin pour Vogue dans le New-York des années 20, muse du Paris bohème des années 30, et photo-journaliste durant la Seconde Guerre mondiale. Découvrant les premiers camps de concentration ou arpentant la Normandie lors du Débarquement, Lee Miller est l’auteur de clichés exceptionnels.

Parce que Lee Miller fut l'amante de Man

Parce que Lee Miller fut la muse de Man Ray.

Ray.

Le lecteur bascule avec délectation dans la création artistique, dans les coulisses

On se régale d'une histoire d'amour hors-

des photos les plus célèbres – comme celle

norme, éclatante, électrisante et frissonnante !

de Kiki de Montparnasse devenue violoncelle –,

Les frôlements dans la chambre noire du

dans le mystère surréaliste de la solarisation,

photographe, ces regards saupoudrés de

et dans des clichés historiques saisis lors

désir avant de fondre dans un baiser pas-

du Débarquement ou du Blitz en Angleterre.

sionné, aube d'une déambulation amoureuse

L’on s'approche au plus près des instants,

entre les couleurs de peinture et les pellicules

des lieux, des femmes qui inspirèrent Man Ray

des appareils photos. L'amante qui devient

et l’on savoure cet instant où l'émotion devient

l'aimée et l'aimée qui inspire Man Ray, et devient son élève. Un partage de talents

art. Parce que L'Âge de la Lumière, c'est le délice du Paris des grands noms. On y rencontre Cocteau qui fera tourner Lee Miller dans Le sang d’un poète ; on se glisse dans l'atelier de Man Ray lorsqu'il fait le portrait d'un jeune homme inconnu du nom de Hemingway ; on fume l'interdit sur les canapés des surréalistes, et l'on boit même un cognac hors d’âge dans la demeure Munichoise d'un dictateur qui vient de sombrer !

et de sentiments qui atteindra des sommets !


un objet :

vanité Voici une jolie occasion offerte par la Maison de Vente Chativesle de méditer sur la fuite du temps et la vacuité de nos pauvres existences. Il s’agit d’un crâne, humain et véritable, qui aurait siégé un temps dans l’officine d’un pharmacien et daterait du début du 20ème siècle (pas de certitudes sur ce point). Si vous souhaitez regarder la mort en face à demeure, sachez que cet objet de curiosité sera proposé aux enchères le 8 décembre 2019. Crâne humain avec dents sur le maxillaire supérieur / mandibule non vernie avec dents jointes / H_15.5 L_19 l_13 chativesle.fr


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La boutique de l’abbaye d’Igny C’est la ballade du dimanche par excellence. Igny, la quiétude de son église abbatiale, ses chemins creux alentours et, bien sûr, la boutique des sœurs. Les cisterciennes y ont depuis des décennies leur propre chocolaterie, produisant les fameux bouchons de champagne, 30 grammes de chocolat noir fourré à base de gianduja, de marc et de fine champenois. Notre préférence ? Les petits napolitains qui accompagneront formidablement bien le café. Dans la boutique, on trouvera aussi les fameuses « bières d’abbaye » et quelques fromages (dont le célèbre Citeaux !).

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On lit (avec gourmandise)

On en rêve

Le Jacky Durand de Libé (pour un roman) Vous connaissez le Jacky Durand, chroniqueur hebdomadaire dans Libération avec sa rubrique du vendredi, la toujours surprenante « Tu mitonnes ». Découvrez le romancier avec Le Cahier de recettes, ou l'histoire d'un homme dont le père a toujours refusé qu'il suive une voie similaire à la sienne, celle de cuisinier. Le paternel sombre dans le coma et c’est alors que celui qui a enfreint l’injonction part à la recherche du cahier dans lequel sont reportés tous les secrets de ce père si charismatique… Une très belle plume.

Abbaye du Val d’Igny 51 170 Arcis le Ponsart

actu

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La Ferme d’Émilie sur l’Ile d’Yeu. Des pâturages de Ker Poiraud aux landes du vieux château, Émilie est chez elle sur l’Ile d’Yeu, au milieu de son troupeau de 180 brebis. La jeune femme cultive sur buttes permanentes des fruits rouges (cassis, caseilles, groseilles, framboises...) ainsi que de nombreuses herbes aromatiques. Le tout est vite transformé en sorbets, sirops, gelés et tisanes du meilleur effet. Sur place, on réserve son papier de grignotes pour une belle journée de randonnée, pour le reste on se fournit par correspondance. On choisit la tisane « Retour du marin », menthe et sarriette « qui vous donne la pêche » ou « L’étoile du berger », la tisane du soir (verveine, aneth, camomille). lafermedemilie.fr / chemin de la messe 85350 YEU

goût Par

cyrille planson

Le café italien de L’Alternative du cycle À Epernay, L’Alternative du cycle est devenue en quelques mois « the place to be » pour les amateurs de vélo haut de gamme, bien sûr, mais aussi pour les amateurs de café italien. Le bike shop coffee - selon la dénomination en vogue actuellement - s’est équipée de la Rolls italienne, Rocket Espresso. La marque italienne fondée par le néo-zélandais est « la » référence pour la plupart des cyclistes, amoureux du pignon et de bon café (à l’italienne). Il fournit une bonne part des bike coffee shop les plus huppés de la planète et quelques équipes pros. On adore, le lieu et son « petit noir » subtil et dynamisant. 49 Rue Henri Martin 51200 Épernay

On déguste On essaie

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Le Vin sobre, à Paris Le vin naturel, on aime beaucoup. Alors, lorsqu’il est servi avec une belle cuisine de bistrot, simple et « sobre », c’est encore mieux. Asperges blanches des Landes, vinaigrette d'herbes fraîches, gnocchis maison dans leur crème à la truffe, travers de veau aux petits légumes rôtis, le Vin sobre, rue des Feuillantines (Paris, 5e) est une bonne adresse.

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La bière Trois loups Le chroniqueur de France Inter François-Régis Gaudry l’a distinguée dans son livre On va déguster. La bière produite dans le village de Trélou, dans le sud de l’Aisne commence à avoir bon nombre d’adeptes. À la carte, onze bières de fermentation haute, non filtrées, non pasteurisées, et refermentées en bouteille sur lie de levure. Parmi celles-ci la Blonde IPA est fine, légère en bouche, avec des notes d’agrumes. Une amertume douce et maîtrisée qui séduira les amateurs de ces bières, de ces « India Pale Ale » typiques. On vous la conseille bien volontiers. brasserie-les3loups.com

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On savoure

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G On y va !

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goût

L’auteur Jérôme Descamps nous livre ici un de ses récits de cuisine : pas uniquement une recette, mais une histoire unique, tranquillement mijotée à mots doux. Pas forcément un récit au milieu de la cuisine mais toujours la cuisine au centre du récit…

La terrine du jeune homme misanthrope

Un produit

l’olive Lucques de l’Oulibo

On dit d’elle qu’elle est la « Rolls des olives ». Pour le moins, l’olive Lucques est la « star de l’Oulibo ».

Les ingrédients Un derrière de lapin | 300 grammes de porc dans le collier | une couenne de lard | ail, laurier, thym | farine ou maïzéna | 2 œufs | sel, poivre du moulin | baies de genièvre | noix de muscade

À Bize-Minervois, entre Narbonne la romaine et Minerve la cathare, la coopérative oléicole audoise est depuis près de 80 ans une référence chez les gourmets. Chaque année, se sont plus de 1 000 petits producteurs qui confient leurs olives à ce moulin,

Choisissez un week-end qui s'annonce calme. Le vendredi, désossez le lapin. Coupez les viandes (lapin et porc) en dés fins (si vous utilisez un robot, évitez trop de tours d'hélice ou la grille fine qui donnent des pâtés pour Milou), l'œil sec et la main intraitable. Mélangez dans une jatte avec deux gousses d'ail pressées, les deux œufs entiers, une cuillerée de farine (ou de maïzéna), sel et poivre, la noix de muscade râpée et les baies de genièvre (au fond un verre de cognac ne fera pas de mal non plus). Mélangez bien tous ces ingrédients et versez la préparation dans la terrine. Recouvrez du bouquet garni de laurier et de thym et de la couenne de lard. Laissez macérer dans le réfrigérateur jusqu'au dimanche matin.

tous coopérateurs adhérents. D’abord locaux, puis plus lointains, ils se ruent dans la boutique dans les semaines qui suivent la récolte et les premières pressions à froid, en novembre. On y déguste alors la Lucques fraîche qui surpasse déjà celle de conserve, pasteurisée, pourtant déjà exemplaire. Fraîche lors de sa récolte, elle l’est aussi en bouche. Allongée et charnue, elle a dit-on un goût de noisette, ou même d’avocat beurré selon les plus fins palais. Croquer dans une Lucques fraîche © dr

La façon

est une expérience unique qui vous fera regretter les olives

« d’origine UE et hors UE », au goût un peu âcre ou trop vert du dernier apéro chez vos voisins. Pressée,

Le dimanche en question, avant ou après le café du matin (plutôt après), enfournez la terrine au bain-marie pendant deux heures thermostat doux, non sans avoir au préalable soulevé le couvercle afin de constater, d'un œil cependant placide, la joyeuse sardanapale des odeurs. Relisez ses lettres.

elle développe des arômes d’une rare complexité, bien loin des huiles insipides et trop vite rances que l’on peut trouver dans la grande distribution. Une Rolls, vous dit-on ! Fruits secs, amande et noisette rendent ce produit certifié AOP des plus attractifs. Si vous en doutez encore, la tapenade de Lucques – vertes – saura vous convertir. Plus classique, la Picholine, d’origine provençale mais cultivée en Languedoc, ne s’en laisse pas conter. Dans la gamme de produits de l’Oulibo – qui vend sur place et en ligne – notre préférence ira au bocal qui la propose dans une saumure agrémentée de fenouil. Peut-être un peu plus typée, moins douce et aromatique, l’huile d’olive vierge de variété Aglandau a aussi

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Au bout de deux heures (de relecture morose) ; éteignez le four et laissez refroidir en l'état. Sortez vous promener. Évitez la rue où… le jardin quand… le café de votre… (éventuellement, restez chez vous). Au retour, mettez au réfrigérateur. (Le lundi, si le téléphone sonne, ne décrochez pas.) Et le mardi, jour fameux de misanthropie, commencez la dégustation en ne négligeant pas de déboucher ce vin (Gaillac, Cahors ou Beaujolais bien né) qui emplit si fort la bouche et fait chanter le palais et les jeunes hommes (provisoirement) misanthropes. J. D.

son charme. Moins puissante que la Picholine, peut-être, mais marquante par ses arômes d'artichaut et de fruits verts, elle est de bonne composition dans des salades qu’il convient de relever un peu. Et si quelquefois, vos pérégrinations vous conduisent sur la D5 qui borde le magasin de la coopérative, n’hésitez pas, arrêtez vous. Au rayon frais, vous y trouverez une spécialité vraiment très locale : l’écu, un délicieux fromage de la Ferme de Combebelle - la bien nommée - située quelques kilomètres

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plus haut, dans la garrigue. À déguster sur un bon pain avec, bien sûr, un filet d’huile d’olive de l’Oulibo. De Lucques, si, possible… Cyrille Planson

lou libo.c om


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_Vera Chamarande, warrior du café

goût

VERA CHAMARANDE L'AVENTURIÈRE   DU CAFÉ PERDU L A F O N DAT R IC E D ' OM A C O F F E E PA RT À LA RECHERCHE D E S N OU V E L L E S S AV E U R S DU CAFÉ

Lorsque nous avons rencontré Vera Chamarande, un univers multidimensionnel s’est ouvert à nous : celui du café. « On ne pas imaginer tout ce qui se passe derrière un petit café noir que l’on boit le matin ou dans un bar. » Ça, on a bien voulu le croire. Boisson la plus consommée dans le monde après l’eau, 3ème matière la plus échangée sur le marché financier après le pétrole

et l’or, on imagine sans difficulté les dérives que cela induit. Vera a voulu revenir à la source de ce produit pour en exploiter toute la beauté. Aujourd’hui, les cafés qu’elle cultive avec ses deux producteurs colombiens, font partie de la sélection de Connor Bramley (meilleur torréfacteur de France 2019) pour le championnat du monde du meilleur torréfacteur qui aura lieu à Taïwan début novembre.


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texte ambre allart

portrait benoît pelletier

Son père avait des relations directes avec les producteurs de café en Colombie, il pouvait m’ouvrir certaines portes, alors nous avons organisé un voyage là-bas ». L’AVENTURE

2018, voilà donc Vera lancée à la découverte des fincas colombiennes, de petites fermes de café appartenant à des producteurs indépendants. « Avec Juan, nous avons contacté par téléphone environ 300 producteurs en Colombie. Je cherchais à savoir quelles variétés ils cultivaient, selon quelles méthodes de culture, quels étaient leurs process… Ça nous a permis de cibler 45 exploitations, qu’on a toutes visitées. Au final, nous en avons sélectionné deux. » Avec ces deux producteurs, Vera a alors mis en place un cahier des charges ne correspondant à aucun label, mais plutôt à ses propres envies. « Au-delà de mes envies, mon cahier des charges tient aussi compte de l’environnement dans lequel se trouve la plantation. Par exemple, on va considérer la nature des sols, l’altitude, les vents et l’humidité pour faire en sorte de développer une belle sucrosité du café. Je fais aussi beaucoup de recherches sur les méthodes

© VERA CHAMARANDE

a bonne rencontre au bon moment, c’est ainsi que Vera a osé faire le grand saut qui lui a permis de vivre sa passion pour le café d’encore plus près. Alors qu’en 2015 elle ouvre à Reims OMA, un coffee shop comme on en voyait fleurir dans les capitales européennes – où il fait bon siroter un slow coffee avec en fond sonore, toujours, de l’indie ou du jazz –, elle fait la rencontre de Juan, venu de Colombie. Jeune étudiant à l’université de Reims, il poussa la porte d’OMA pour s’y faire barista et resta deux ans auprès de Vera. Le coffee shop allait bon train, jusqu’à ce que Juan, devenu témoin du potentiel de Vera, la pousse en dehors de sa zone de confort. La série d’événements qui en découla ne laissa d’autres choix à Vera que de fermer les portes d’OMA, pour inventer autre chose… « Avec Juan on a formé le binôme parfait chez OMA car il avait la connaissance de la caféologie, raconte Vera. Moi de mon côté, à travers les livres, ça faisait des années que je m’intéressais à l’histoire du café, aux différentes variétés, aux méthodes de culture. Juan m’a fait comprendre que je devais exploiter mes connaissances.

_Visite des fincas reculées de Colombie


_Dans les fermes les plus reculées, là où les champs de café ne sont pas traités, la faune a trouvé son jardin d’Eden

de culture ancestrales, propres à chaque pays car il y a des éléments intéressants à en tirer. Nous travaillons par ailleurs selon les cycles lunaires. En bref, nous testons continuellement de nouvelles choses… » Le cahier des charges vaut aussi pour l’après-récolte, au moment de définir le procédé selon lequel vont être triées, lavées ou séchées, les cerises de café. « Le process que l’on va choisir va donner un café qui sera plutôt doux ou fort ». Celui que Vera apprécie particulièrement, le process Honey. Très délicat il consiste à laisser le mucilage (la fine peau sucrée enveloppant la fève de café) sécher sur le grain pour lui permettre d’augmenter naturellement sa sucrosité. De la rigueur pour développer de la douceur, c’est la recette qu’adopte Vera à chaque étape de ce long processus qui s’étend de la plantation de la graine de caféier à la tasse parfaite du client. Il en va donc ainsi également pour la torréfaction qui se fait sur un temps réduit pour rester « claire » et permettre au café de déployer toute sa palette aromatique. « À l’inverse, les industriels procèdent souvent à une torréfaction très noire car elle permet de faire gonfler la fève et donc de gagner en volume. Ils vont même parfois jusqu’au deuxième crack, ce qui brûle littéralement le café. » Vera propose à l’heure actuelle uniquement des cafés colombiens, selon des variétés et des process différents. Elle s’apprête cependant à se rendre dans différents pays pour sourcer de nouvelles parcelles : « Le milieu du café est un petit monde. Tout le monde, même sans s’être jamais rencontré, se connaît. Aujourd’hui ce sont donc les producteurs de café eux-mêmes qui me contactent afin que je les accompagne dans l’élaboration d’un cahier des charges prenant en

© VERA CHAMARANDE

© VERA CHAMARANDE

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© VERA CHAMARANDE _Parcelles de caféiers

_Cerises de café sur l’arbre

compte les paramètres indispensables à l'excellence : l’apport en nutriments, les essences d’arbres que l’on plante à proximité des parcelles de caféiers (qui vont à la fois apporter des arômes au café et permettre de lutter contre les insectes nuisibles), l’introduction d’insectes qui vont jouer un rôle de barrière contre les ravageurs, l’utilisation des « déchets » du cafés dans une logique d’économie circulaire… Vendre l’histoire qu’il y a derrière le produit, c’est ça qui m’intéresse. Je pourrais acheter des variétés très rares et les revendre plus cher, mais ce qui me passionne c’est tout le travail que je fais en amont avec les producteurs pour en arriver à cette qualité là et être en mesure de proposer une traçabilité totale de la graine à la tasse. » CEREZA DE CAFÉ

Vera ne produit pas seulement des cafés d’exception et grands crus. En début d’année 2019, elle a monté Cereza de Café, une start-up responsable et innovante visant à valoriser les « sous-produits » du café : la peau, la pulpe, le mucilage, la fleur et le marc. « En me renseignant sur les cafés nobles et rares, je me suis aussi beaucoup intéressée à l’histoire du café. À travers les livres je me rendais compte qu’il était beaucoup question du traitement chimique de la pulpe et de la peau des cerises. J’ai aussi appris que, pour survivre, les esclaves se nourrissaient de la pulpe à l’époque où les colonies françaises pratiquaient la culture du café sur les îles. Donc je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire avec tous ces sous-produits, considérés aujourd’hui comme des déchets, d’autant plus que je savais déjà qu’ils polluaient énormé-

_La cascara (ou peau de la cerise de café), utilisée en infusion

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© VERA CHAMARANDE _Lots de café issus des parcelles colombiennes sur lesquelles travaille Vera

_Séchage des cerises de café

ment les rivières dans lesquelles ils étaient jetés…  ». C’est dans les exploitations colombiennes les plus reculées et hautes en altitude que Vera a trouvé matière à réflexion : « Ces fincas, perdues au milieu de nulle part, utilisaient les déchets du café pour en faire du compost ou bien, avec la peau de la cerise, des infusions. Je trouvais ça déjà très intéressant. Et puis, un jour nous avons été mis en contact avec un producteur dont on ne connaissait rien hormis qu’il était relativement important puisqu’il possédait des milliers caféiers et des montagnes. À mon grand étonnement, moi qui m’attendais à voir quelqu’un qui abusait des pesticides, je suis tombée sur un homme vouant un amour essentiel à ses caféiers, avec une fille très engagée dans la protection de l’environnement et des animaux. Il avait entendu parler de moi et connaissait mon intérêt pour les déchets du café. Il nous a accueilli dans un bureau fait d’immenses verrières, surplombant la nature… Il nous a expliqué que depuis 15 ans, sa fille ainsi que toute une équipe d’agronomes et de chercheurs procédaient à des analyses scientifiques sur les sous-produits du café. Il était très étonné que ce soit une européenne qui s’intéresse à ça alors que personne jusqu’ici personne n’avait porté d’intérêt à son travail. Deux semaines plus tard, il nous annonçait que notre start-up serait la seule, en Europe, à pouvoir accéder à leurs analyses scientifiques et travailler avec eux. » Offrant donc à Cereza de Café une exclusivité totale sur tout le marché européen pour commercialiser les produits élaborés grâce à ces recherches, Vera a ainsi eu accès à l’information lui permettant de savoir comment extraire le mucilage du café pour en faire un produit consommable et gustativement exemplaire. Cette transformation du mucilage a pour résul-

tat le futur produit phare de la start-up nommé « Elixir », qui s’apparente à un jus extrêmement concentré, aux notes de fruits rouges (n’ayant rien en commun avec le goût du café), et qui se révèle 300 fois plus antioxydant que la baie de goji – qui fait déjà partie du haut du classement des supers aliments. « Ce que l’on extrait de la cerise représente 1%, c’est minime. Nous avons déjà fait tester le produit par des chefs, des sommeliers, des pâtissiers. Il peut s’utiliser dans la nourriture comme en cocktails. Les premières appréciations étaient que ‘j’avais un truc de fou entre les mains’ ». Ce produit étant nouveau sur le marché européen, Vera a cependant dû faire traduire les analyses scientifiques dont elle disposait afin de les faire valider par la commission européenne et les douanes. « Aujourd’hui on a tout ficelé pour être protégés. Il ne reste plus que la validation au niveau européen pour démarrer la commercialisation. Nous serons en mesure d’apporter une traçabilité totale sur chaque produit de la start-up puisque le producteur qui nous a donné accès aux analyses scientifiques sera notre seul fournisseur et tous ces produits seront totalement exempts de traces de pesticides. » Proposer des choses différentes est un fil conducteur dans le travail de Vera. Elle fut la première à avoir introduit le slow coffee à Reims, faisant découvrir à sa clientèle la largesse d’arômes et de textures que le café est en capacité d’offrir. Aujourd’hui elle continue à performer dans son métier et d’en élargir encore le spectre avec Cereza de Café. Comme si elle nous prenait par la main pour nous montrer de nouveaux horizons, le travail de Vera est une invitation à penser et à consommer plus grand. Ouverture de sa boutique rémoise prévue très prochainement. Stay tuned.

_« L’élixir », jus concentré tiré du mucilage de la cerise de café

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i n s ta g r a m . c o m / o m a _ c o f f e e


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Tigersushi : Musique Ambiante Française vol.2

Kim Gordon revient avec son premier album solo sorti le 11 octobre. Produit par Justin Raisen, enregistré à Los Angeles et nommé d’après le film de Chantal Akerman, No Home Record est tout autant un retour qu’un nouveau départ. À ses débuts, vers les années 80, Kim Gordon composait avec sa guitare, une boîte à rythmes, et à partir de slogans publicitaires trouvés dans des magazines. En presque quarante ans de carrière, Kim Gordon compte parmi les artistes les plus prolifiques et visionnaires en activité. Co-fondatrice des légendaires Sonic Youth, elle s’est produite à travers le monde et a collaboré avec les figures les plus emblématiques de la musique comme Tony Conrad, Ikue Mori, Julie Cafritz et Stephen Malkmus. Depuis quelques années, elle se produit au sein du duo Body/ Head avec Bill Nace. Une carrière portée par un souffle et une curiosité artistiques en perpétuelle évolution. No Home Record en est une nouvelle démonstration.

Encore une fois, Tigersushi a demandé à différents artistes issus du spectre de la musique électronique, pas nécessairement familiers de la musique ambiante, de créer un morceau exclusif pour la compilation Musique Ambiante Française vol.2, sortie le 4 octobre. Certains d’entre eux sont déjà connus pour leur travail

actu

Frustration : So Cold Streams

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Sorti le 18 octobre, So Cold Streams, quatrième album studio édité chez Born Bad, entraine l’auditeur dans un univers plus oppressant et nerveux que celui du précédent album Empires of Shame. So Cold Streams profite de l’influence du groupe Sleaford Mods, invité sur un des morceaux marquants de l’album : Slave Markets. So Cold Streams est, paradoxalement, peut-être à la fois le disque le plus désabusé, le plus énergique et le plus libre de Frustration.

musique Par

alexis jama-bieri

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Antoine Pesle : Hi-Fi Romance

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Après des premiers pas timides en 2013 avec un premier EP, Antoine Pesle est de retour avec un véritable premier album Hi-Fi Romance, sorti le 4 octobre. Avec cet album produit en analogique à Bruxelles dans le mini studio cassette huit pistes qu’il a acquis en 2016, Antoine Pesle revisite la pop sans chichi, puisant son inspiration du côté de Connan Mockasin et de Mac Demarco, et crée une atmosphère mélancolique, douce et sexy à la fois. Antoine Pesle livre ici un premier album de pop solide et planante. 4

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avant-gardiste (Felicia Atkinson, Le Comte, Smagghe and Cross – projet d’Ivan Smagghe et Rupert Cross), tandis que d’autres viennent de backgrounds opposés et ont ainsi produit leur tout premier morceau sans beat (Louisahhh, Bambouunou, DyE, Pierre Rousseau l’ex Paradis ou Destiino alias Yuksek). Le son se déploie entre délices analogiques et électroniques anxiogènes, minimalisme émotionnel et expérimentations électro-acoustiques néo-classiques. La voix humaine peut également faire son apparition ici et là… © dr

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M Kim Gordon : No Home Record

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musique : cabaret vert 2019

cabaret Vert 2019

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Des choix artistiques, mais également des choix liés à une approche générale et durable en prenant en compte dans sa globalité la façon dont on vit le festival, ce que l’on y mange, ce que l’on y boit. Le festival est dans la ville, les habitants sont toujours prêts à donner un coup de main, les produits commercialisés sur le site sont issus de la région. Cette philosophie n’a pas bougé d’un poil depuis le début de l’aventure du Cabaret Vert qui cherche avant tout à faire vivre son territoire : Charleville-Mézières, les Ardennes. Indé et éco-responsable, c’est depuis 15 ans l’ADN de ce festival qui concilie la protection de l’environnement, le développement économique et l’épanouissement social. Ses actions se traduisent notamment par une électricité partiellement produite via des panneaux solaires ; des toilettes sèches ; des gobelets triés par les bénévoles puis recyclés – Bon, la question des gobelets fait débat : est-il plus écolo d’utiliser des gobelets

Cette petite terre de passionnés, porte étendard d’une dissidence heureuse, justifie une nouvelle fois son nom : un nom propre. Un espace authentique et sincère qui ne se prend pas au sérieux. Avec plein d’étoiles dans les yeux et de souvenirs musicaux intenses, nous avons hâte de vivre l’édition 2020.

© F. mayolet / darkroom

À l’heure où un certain nombre de festivals français se font racheter à la pelle, le Cabaret Vert est fier de son indépendance : c’est un festival qui inclut tout le monde, sans nombrilisme, avec un esprit de liberté lié à la musique, une attitude et des codes qu’on ne trouve nulle part ailleurs. « Ici, on ne fait pas comme les autres, on fait des choix », rappelle Christian Allex, le programmateur musical.

jetables mais recyclables, ces derniers étant généralement fabriqués à l’autre bout du monde, transportés en début de cycle depuis l’usine 3. par bateaux puis en fin de cycle depuis le festival par camions, pour être finalement valorisés. Ou bien vaut-il mieux distribuer des gobelets réutilisables et consignables, qui nécessitent une grande consommation d’eau et d’électricité pour le nettoyage ? Autre point, les mégots - le déchet le plus jeté durant le festival - bénéficient d’un traitement particulier : ont été installés des cendriers fabriqués à partir d’une variété de champignon permettant aux déchets d’être « digérés » par le mycélium actif. Les mégots abandonnés sur le sol sont quant à eux ramassés et envoyés à une entreprise spécialisée qui va leur donner une seconde vie en recyclant la partie en plastique.

© F. mayolet / darkroom

jusque dans les plaines glacées de sa Sibérie natale.

2.

c a b a r e t v e r t. c o m

© j. barsby / darkroom

© A. thome / darkroom

© F. mayolet / darkroom

es quelques lignes ne suffiront pas à vous parler de la large programmation concoctée avec brio par Christian Allex. Mais, pêle-mêle, voici les grosses sensations de cette édition (avis totalement subjectif) : Patti Smith 1 et son feu sacré 1. devant une foule immense. La star américaine, possédant une demeure près de Charleville, y était venue en voisine. On lui doit l’un des plus grands moments d’émotion du festival. Oktober Lieber, duo féminin parisien, a quant à lui enflammé le floor de sa synthwave parfaitement ciselée ; Viagra Boys 2, groupe suédois déjanté, a mené la foule dans son délire postpunk et tatoué. Le festival a par ailleurs eu la visite de deux grands monuments de la scène mancunienne : d’une part Johnny Marr 3, qui a rejoué les grands titres de « The Smiths », allant de Bigmouth Strikes Again à This Charming Man (on regrette cependant l’ambiance qui fut 10 fois en dessous de celle vécue le lendemain à Rock-en-Seine, le public s’étant montré plus connaisseur) et d’autre part, JAMES qui a achevé le revival de la scène du Manchester des 80’s / 90’s durant cette édition 2019. Autre moment puissant et « révolutionnaire », le show épatant de Prophets of Rage, pas fans du tout de Donald Trump. Plus dancefloor, le set spatial de Nina Kraviz a transporté, par une chaude soirée aoûtienne, une foule pléthorique

© E. jupinet / darkroom

102 000 personnes en 2019, un record ! Pendant 4 jours, les festivaliers ont lâché prise dans un cocon mêlant l’herbe et la poussière en bordure de Meuse, dans une harmonie quasiment romantique. Là, ils ont pu découvrir les nouveaux aménagements du festival qui a su renouveler son site, en déplaçant certaines scènes, pour une meilleure gestion de l’espace.

C

TEXTE alexis jama-bieri

musique

© E. jupinet / darkroom

le report

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Julian Corrie, Bob Hardy, Alex Kapranos, Dino Bardot, Paul Thomson) © David Edwards

musique : franz ferdinand

M

musique

ff


Quelles sont les racines de votre vocation pour la musique ?

Alex : C’est une vocation « par erreur »… En fait, j’ai toujours eu instinctivement envie de jouer de la musique Paul : J’ai longtemps fait de la musique en pensant que ce n’était pas une vocation viable… Tout comme mes parents ! Mais le temps m’a prouvé le contraire… Alex : Bob notre bassiste n’a jamais voulu être musicien. Il ne se considère toujours pas comme tel, et pense qu’il est un artiste qui joue de la basse.

tour d’une table pour faire des plans. Pour nous la musique c’est « moitiémoitié » : il doit y avoir un stade spontané, où les idées doivent émerger librement, en utilisant la part la moins contrôlée et libre de l’esprit, à l’écart de la part consciente et logique. À ce moment-là, tu éteins quasiment ton cerveau. Ensuite il y a un stade d’analyse et de réflexion. C’est quasiment comme passer du travail de l’écrivain à celui d’éditeur. Quelle est la différence entre « l’ancien » processus et le « nouveau » processus de composition de vos mor-

Quelle est la petite histoire, derrière la

ceaux ?

grande histoire de la création de Franz

A : On essaie toujours de pousser les choses dans différentes directions, d'écrire de différentes manières. Certaines chansons vont venir d’une prose écrite, d’autres d’un rythme de batterie, d’autres du piano, de la guitare ou de la basse. P : On fait parfois évoluer nos morceaux pour le Live, sur ce qui est efficace et ce qu’on peut couper.

Ferdinand ?

A : Paul et moi, on trainait et jouait déjà ensemble bien avant Franz Ferdinand, dans plusieurs autres groupes. Franz Ferdinand est né au départ du fait qu’on était une bande de potes, on sortait et on jouait de la musique à Glasgow. Notre premier gig fut chez un ami commun. P : C’était un feeling naturel.

par le passé, il y avait une petite rivière qui faisait office de frontière pour séparer le village en deux moitiés, qui se haïssaient. C’est exactement ce qu’on récolte avec cette mentalité de mettre des frontières partout : le rejet des autres gens. C’est pervers. On a joué en Turquie, en Hongrie, en Russie et on a pu constater ce rejet. Dans un pub à Douvres, un gars me disait qu’il était gay, que son ami vivait en Pologne et qu’il ne pouvait plus y aller, car les gays n’y étaient plus les bienvenus, surtout hors des grandes villes, là où les réactionnaires sont de plus en plus puissants. Je ne vois donc rien de positif dans ce qui se passe maintenant. Vous pensez que ça va avoir un impact sur la musique ou la créativité ?

A : Tout va être pire ! Dans le sens où il va y avoir une multitude de musiciens qui vont faire de la musique protestataire, en pensant que c’est un « bon filon » pour se faire connaitre…

La musique occupe-t-elle l’ensemble Votre 5e album Always Ascending vous

de vos pensées ?

a amené à prendre de nouveaux che-

A : Quelqu’un qui n’écouterait que de la musique, ça serait bizarre non ? À Franz Ferdinand, on apprécie l’architecture, une bonne lecture, un bon film, un bon plat de restau (j’ai voulu être chef cuisinier dans le passé). Je ne pense pas qu’on puisse être seulement dans un genre ou une seule discipline artistique, parce qu’on va chercher l’inspiration dans tout.

mins musicaux, plus psychédéliques. Vous avez notamment dit qu’il était une renaissance…

A : Oui, c’est une nouvelle décennie et une évolution pour le groupe, avec une nouvelle configuration. Vous l’avez enregistré en partie dans le studio Motorbass avec Philippe Zdar (décédé en juin 2019), moitié de Cassius. Comment est née cette collaboration ?

A : On est fan du travail de Philippe ! On avait déjà parlé de travailler avec lui pour notre 4e album, mais à l’époque il bossait avec les Beastie Boys. Quand vous travaillez sur de nouveaux morceaux, est-ce aussi spontané ?

A : Beaucoup de notre travail est réactif et instinctif. On ne s’assoit pas au-

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TEXTE alexis jama-bieri

Traduction Nathalie Bye

Votre

groupe

est

à

Franz Ferdinand Déjà quasiment 20 ans que le groupe Franz Ferdinand a été fondé en Écosse. Les légendaires chefs de clans écossais, fleurant bon la lande et le whisky, ont pris le nom de l’archiduc d’Autriche, assassiné à Sarajevo en 1914, prélude à un déferlement de feu et de sang sur l’Europe...

Glasgow.

L’Ecosse a voté en majorité contre le Brexit, que le Royaume-Uni va pourtant vous imposer. Vous sentez-vous toujours britannique, ou plus européen ?

A : Personnellement, je me sens très européen car j’aime l’idée de rester ouvert. Ce qui se passe dans le monde, et pas seulement en Europe, est plutôt terrifiant… Notre studio est en Ecosse dans un petit village et apparemment,

C’est plus précisément aux abords d’un champ de courses que l’idée d’endosser ce nom apparût comme une évidence au groupe, l’un des chevaux s’appelant Franz Ferdinand. L’humour british… Leur 1er album sorti au tout début des années 2000 les propulse au firmament de la britpop. Le succès se confirme avec les 3 albums suivants. En 2016, le groupe prend un nouveau tournant avec le départ du guitariste et claviériste Nick McCarthy. Le groupe passe alors de 4 à 5 membres avec l’arrivée d’un nouveau guitariste et d’un claviériste. Franz Ferdinand se compose désormais de Alex Kapranos (chant-guitare), Robert Hardy (basse), Paul Thomson (batterie-guitare), Dino Bardot (guitare) et Julian Corrie (claviers-guitare). Leur 5e album Always Ascending est sorti début 2018. Cet album composé de 10 chansons est une refonte éclatante du groupe, débordant d'idées nouvelles et d'expérimentations soniques. Always Ascending a été écrit dans le sud de l’Ecosse et enregistré en partie au studio Motorbass à Paris, avec l'aide du prodigieux et regretté producteur français Philippe Zdar. L'affection mutuelle entre le groupe et le producteur s'y ressent au détour de chaque groove. Process Magazine a rencontré Alex Kapranos et Paul Thomson dans le cadre bucolique et ensoleillé du festival La Magnifique Society 2019, pour une interview presque exclusive. franzferdinand.com i n s ta g r a m . c o m / f r a n z _ f e r d i n a n d


© luc boegly

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VIRÉE A LONDRES  CHAUDEMENT RECOMMANDÉE

LES SAINTS PÈRES, ÉDITEUR DE MANUSCRITS

Seize ans après le mémorable The Weather Project (2003) où il jouait déjà avec notre perception, l’artiste et architecte Olafur Eliasson est de retour à la Tate Modern de Londres pour le solo show le plus important – jusqu’ici – de sa carrière. Ce maître de l’illusion, qui s’intéresse aux notions d’espace, de structure et de géométrie, s’attache à rendre tangibles des concepts abstraits. Le spectateur devient alors une composante essentielle de ses œuvres puisque c’est sa perception qui forge l’œuvre. Un travail qui explore donc continuellement la notion de vérité propre à chacun. (Olafur Eliasson : In real life, jusqu’au 5 janvier 2020). Et à défaut de vous rendre à Londres, immiscez-vous dans son génie artistique grâce à la série documentaire Abstract de Netflix (saison 2, ép. 1).

Apollinaire, Barjavel, Cocteau, Woolf ou même Nothomb, les éditions des Saint Pères nous offrent l’occasion de nous plonger dans l’intimité de ces auteurs à l’heure de leurs premiers jets. Notes en coin de page, ratures et bavures, illustrations faites sur le vif, Les Saints Pères transforment les manuscrits des grands noms de l’écriture en de superbes livres. lessaintsperes.fr

art Par

ambre allart

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© john hamon

© suzanne jongmans

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John Hamon, dont tous les parisiens connaissent le visage – puisqu’il le placarde dans les rues de la ville depuis 2001 – investit, officieusement, le Louvre. Devenu presqu’un membre de la famille pour chaque habitant de la capitale, à la différence près que personne ne sait de qui il s’agit, celui qui revendique le degré zéro de l’art (« c’est la promotion qui fait l’artiste ») a pu faire son entrée dans les galeries du plus grand musée du monde grâce à un filtre insta permettant de faire apparaître son visage à la place de ceux des figures mythiques du Louvre. Provoquer est un art. On aime. Expo pirate jusqu' au 24 février. @john_hamon sur insta

fondationcartier.com

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Andréa le Guellec, lauréate du prix Prisme

Si vous avez aimé le travail de l’artiste néerlandaise Suzanne Jongmans, qui a signé la couverture de notre 23ème numéro, vous pourrez découvrir plus largement son œuvre à travers le livre Moving through contrast. Bercé par l’incroyable pureté de ses photographies, le spectateur/lecteur plonge dans un état presque méditatif avant de se rendre compte que ce décor éthéré – référence aux maîtres de la peinture hollandaise – est en fait composé des matériaux contemporains qui, en ce siècle de défi environnemental, posent problème. Vous pouvez déjà pré-commander le livre sur Amazon ou, sur galeriewilms.nl, les 2 éditions spéciales (avec coffret + un tirage numéroté et signé).

L’exposition Ici plus qu’ailleurs, présente, aux côtés d’œuvres du FRAC Champagne-Ardenne, les projets de Master des diplômés en art de l’École Supérieure d’Art et de Design de Reims. Chaque année, le prix PRISME, créé à l’initiative de l’association des entreprises mécènes rémoises, récompense après décision d’un jury, l’un des étudiants en lui attribuant la dotation de 5000 euros. Une façon de le soutenir dans son travail de création et le début de sa carrière. Pour cette 6ème édition, qui avait pour thème le paysage – que chacun explore de manière très personnelle (paysages imaginaires, clichés revisités, morceaux de nature, espace construit) –, c’est Andréa Le Guellec qui s’est vue remettre le prix pour son paysage sonore Le bruit des voisins, une exploration de la vie intérieure de la Tour Franchet d’Esperey, logement social de 500 habitants. Expo à voir au Cellier de Reims jusqu’au 3 novembre.

suzannejongmans.nl

instagram.com/andrea.leguellec

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VOIR L’HAMONALISA

Les découvertes scientifiques dont les arbres ont fait l’objet ces dernières décennies nous invitent à porter un nouveau regard sur eux et à émettre l’hypothèse d’une « intelligence végétale ». Réunissant une communauté d’artistes, de botanistes et de philosophes autour de plusieurs ensembles d’œuvres, l’exposition Nous les Arbres de la Fondation Cartier pour l’Art Contemporain met en lumière toute la richesse biologique et la beauté de ces discrets géants. Prolongations jusqu’au 5 janvier.

actu

olafureliasson.net

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(H)ÊTRES SENSIBLES

SUZANNE JONGMANS S’INVITE CHEZ VOUS

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© anders sune berg

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art : born to be a live

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arts

festival

Born to be a live au féminin © Hervé Goluza

Du 5 au 16 novembre, le Manège, scène nationale - Reims, propose une affiche 100% féminine qui fait la part belle à des performances toutes très étonnantes…

« Born to be a live, c’est un contrat passé avec la curiosité du spectateur. » Rencontre avec Bruno Lobé Directeur du Manège scène nationale - Reims

Qu’est-ce qui fait l’originalité de Born to be a live, ce temps fort que propose le

Cette année, vous avez programmé une édition 100% féminine. Pourquoi ?

Manège ?

On discute beaucoup de parité, de diversité, de quotas dans le monde du spectacle. La question est complexe, mais je ne suis pas très fan des quotas. L'idée c'est de montrer que les créations portées par des femmes comptent parmi les plus passionnantes de la scène actuelle. Je les aurais sans doute programmées, quotas ou pas. Les regrouper sur ce temps fort, c‘est leur donner plus de visibilité, aller au-delà des quotas et poser cet acte de programmation comme un manifeste. Mais attention, cela ne doit pas nous exonérer d’une vraie vigilance sur notre programmation à l’année, qui doit aussi être le reflet de cette diversité.

L’idée de départ est simple. Il s’agissait pour moi d’imaginer que le public qui viendrait sur Born to be a live serait forcément surpris par ce que nous allions lui proposer, qu’il allait être littéralement happé par des univers artistiques très singuliers. Born to be a live, c’est entrer dans une intimité artistique très forte. Je passe un contrat avec le spectateur. Le billet n’est pas très cher, les artistes proposent des formes étonnantes même s’ils ne sont pas identifiés de tous. C’est une manière de susciter la curiosité. On ne vient pas voir tel ou tel spectacle, on vient sur Born to be a live et on se laisse guider.

Born to be a live, c’est aussi un projet que vous partagez avec d’autres opérateurs La programmation fait la part belle à la performance. Est-il nécessaire de regrou-

rémois. Quel sens donnez-vous à ces collaborations ?

per ces spectacles dans un temps fort pour leur donner plus de visibilité ?

Nous avons une chance à Reims. Les directeurs des différentes structures culturelles s’aiment bien et, de fait, travaillent bien ensemble. C’est le cas pour Far Away, qui succède à Reims Scènes d’Europe. C’est aussi le cas de Born to be a live, dont une partie de la programmation se fait en concertation avec nos partenaires : Le Frac, Césaré… C’est une co-réalisation qui permet de développer un peu plus la programmation en s’appuyant sur les forces de chacun, qui est expert dans son domaine. C’est grâce à l’expertise de Césaré que nous allons accueillir une soirée avec Patricia Dallio, par exemple. Et c’est grâce aux réseaux de la Cartonnerie, que nous aurons Corine à l’affiche.

Oui, à condition de ne pas s’arrêter là ! Nous présentons en effet régulièrement d'autres spectacles performatifs qui pourraient tout autant figurer à l’affiche de Born to be a live. Ceux-ci voisinent alors dans la saison avec des spectacles d'envergure, ce qui est une autre façon de les appréhender. Le regroupement permet en revanche de les valoriser en profitant de l’énergie que donne un temps fort. Et puis l’événement commence à être bien identifié des professionnels, qui viennent en nombre. Nous sommes en début de saison, il y a là plusieurs créations et l’attractivité est forte, y compris pour les programmateurs.

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TEXTE cyrille planson


B t b a

© hervé goluza

© j.l. Beaujault

art : born to be a live

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© shelby duncan

© luis da cruz

es femmes et rien que des femmes à la programmation de Born to be a live, ce temps fort désormais indissociable de la programmation à l’année du Manège. Avec pour ouvrir cette quatrième édition et porter le drapeau d’un mouvement de féminisation salutaire de la création, le pamphlet de Tatiana Julien, Soulèvement, le si bien sous-titré Un solo sur la résistance, qui fait s’entrechoquer la musique, les discours politiques, la boxe et la danse. Une révolte que partage Phia Ménard (Compagnie Non Nova) dans toutes ses créations, souvent présentées à Reims. Dans ses Contes immoraux – Partie 1 : Maison Mère, elle ouvre une trilogie s’inspirant d’Athènes et de sa déesse tutélaire. Comme une fenêtre ouverte sur la recherche d’une identité et l’affirmation de soi dans une Europe en mal de repères. Une autre femme, totalement affranchie des codes, sera à découvrir dans l’écrin du Cirque : Corine s’affiche, entre strass et paillettes, comme la digne héritière des égéries kitsch des années 1970. Elle ose, elle surprend et ça marche. Mémoires

© bettina blanc penther

© Thibaut Fuks

© Hibou Photography

Cette année, Born to be a live propose également de tourner nos regards vers l’ailleurs, l’extérieur, vers des cultures portées par des femmes puissantes, à l’image des quatre Aïtas, ces chanteuses et danseuses de cabaret populaire du Maroc que l’on retrouve dans Madame Plaza de Bouchra Ouizguen. Le corps et les mots comme expression d’une liberté qui se conquiert chaque jour ; hier comme aujourd’hui ; au Maroc comme chez les habitants de la Serra do Caldeirão au Portugal, dont la mémoire fut recueillie et transformée en plateau par Vera Mantero. Le corps et les mots aussi, essentiels pour transmettre une mémoire qui s’efface inexorablement, celle que nous restitue la chorégraphe chilienne Marcela Santander Corvalán dans ses recherches autour des voix de femmes, d’Europe médiévale comme d’Amérique latine. Nina Santes a quant à elle collecté pour sa pièce Hymen Hymne, les gestes, les formules et les pratiques de pionnières de l’écoféminisme en Californie, ces « sorcières » militantes du 20e siècle. Enfin, mémoires encore, celles transmises par Cécile Loyer et Violaine Schwartz dans un 4 x 100 mètres, où le corps et les mots se font passeurs d’histoires peu banales.


B t b a

UNE   PROGRAMMATION   100%   FÉMININE

© jean-christophe hanché

Cœur battant © Thibaut Castan

Travelling arrière mais démarche similaire pour Patricia Dallio, qui est partie à la recherche des origines de la Fileuse, friche artistique dans le quartier Orgeval. À Reims, des hommes et des femmes qui ont vécu et travaillé là ont livré leur histoire et par là même, celle de leur quartier et de leur temps. La musique de Patricia Dallio et les vidéos de Mathieu Sanchez font autant appel à la douce mélancolie qu’à la force d’un lieu où bat aujourd’hui le cœur de la création. Ici et là, si loin et si proche. Artiste en compagnonnage au Manège, Élodie Sicard y présentera sa toute nouvelle création, Les Assaillants seconde partie d'un triptyque, qui a choisi pour toile de fond les enjeux environnementaux. À ses côtés au plateau, la danseuse Katia Petrowick et la percussionniste Camille Emaille pour une performance à haute intensité. La marionnettiste Violaine Fimbel consacre elle aussi une création aux enjeux écologiques avec la fable immersive Gimme Shelter, présentée au Studio du Manège à Orgeval. Les femmes se font (enfin) une place et le FRAC Champagne-Ardenne se joint au mouvement en présentant une exposition d’œuvres d’artistes femmes, tandis que le partenariat conçu avec Sciences-Po Reims donnera lui aussi matière à réflexion sur la spécificité ou non de la création féminine, avec une conférence de Sonia Recasens sur la performance au féminin. Karaodance en final

Et, quand il s’agira de clore jusqu’à l’année prochaine ce Born to be a live mouture 2019, le Manège fera confiance à un habitué des lieux, le Collectif ÈS. Les trois performeurs
Sidonie Duret, Jeremy Martinez 
et Emilie Szikora 
y seront accompagnés d’un groupe de danseurs amateurs pour Karaodance suivant un principe simple : la star, c’est vous. Rémoises et Rémois, le moment sera venu de faire chauffer la piste du Cirque, devenue, le temps d’une soirée, le dancefloor le plus couru du Grand Est. Les Bee Gees, Michael Jackson et Beyoncé seront du voyage dit-on… Pour le coup, Born to be a live n’aura jamais autant mérité son nom.

manege-reims.eu

i n s ta g r a m . c o m / m a n e g e d e r e i m s

born to be a live du 05 au 16 novembre

© violaine fimbel

fac e b o o k . c o m / m a n e g e d e r e i m s

© Romain Etienne

© géraldine aresteanu

De l’enthousiasme, de la révolte et un vent de liberté soufflent sur une programmation audacieuse. Passage en revue.


NOÉMIE GOUDAL

Des illusions perceptives Les paysages impossibles de Noémie Goudal usent de l’ambiguïté entre régime du visible et régime de vérité. Ils questionnent les potentialités de l’image photographique et ouvrent sur une machination sensible.

TEXTE hélène virion



_Noémie Goudal, Observatoire I, tirage lightjet, 150 x 120 cm, 2013 - Courtesy de l’artiste

_Vue de couverture, Noémie Goudal, Observatoire IX, tirage lightjet, 150 x 120 cm, 2014 - Courtesy de l’artiste


_Noémie Goudal, Observatoire VII, tirage lightjet, 150 x 120 cm, 2013 - Courtesy de l’artiste

_Noémie Goudal, Vue d’exposition, The New Art Gallery Walsall, 2014 - Courtesy de l’artiste


_Noémie Goudal, Satellite I, tirage lightjet, 168 x 208 cm, 2014 - Courtesy de l’artiste

_Noémie Goudal, Station V, tirage lightjet, 168 x 214 cm, 2012 - Courtesy de l’artiste


_NoÊmie Goudal, In search of the first line I, tirage lightjet, 168 x 225 cm, 2014 - Courtesy de l’artiste


_Noémie Goudal, Soulèvement VI, tirage inkjet, 150 x 120 cm, 2018 Courtesy de l’artiste

_Noémie Goudal, Vue d’exposition, The Finnish Museum of Photography, Helsinki, 2018 - Courtesy de l’artiste

_Noémie Goudal, Tower III, tirage inkjet, 200 x 139 cm, 2015 - Courtesy de l’artiste


_Vue d’exposition, Galerie Edel Assanti, Londres, Mai 2018 Courtesy de l’artiste © Will Amlot Studio

_Noémie Goudal, Soulèvement I, tirage inkjet, 150 x 120 cm, 2018 - Courtesy de l’artiste

_Noémie Goudal, Telluris III, tirage inkjet, 160 x 203 cm, 2017 - Courtesy de l’artiste


_Noémie Goudal, Warren, tirage lightjet, 168 x 208 cm, 2011 - Courtesy de l’artiste


art : noémie goudal

A

arts

es univers sensibles de Noémie Goudal sont source d’illusion. Ses structures architecturales, ses éclipses solaires, comme ses observatoires photographiés en pleine nature interrogent notre rapport au réel et à l’illusion. Dans le sillage de l’allégorie de la Caverne de Platon, l’artiste nous offre une vision tronquée de la réalité. Elle fait de nous les captifs d’un piège visuel à la beauté tout aussi poétique que saisissante. Elle fait de nous les prisonniers d’images photographiques trompeuses, d’univers illusoires où régime du visible et régime de vérité se fondent et se confondent. Depuis 2010, l’artiste abuse nos sens et exerce une conviction trompeuse. Elle nous incite à croire en un jeu avec l’illusion et le visible. À cette date, après avoir quitté Paris pour effectuer des études en design graphique, puis en photographie au prestigieux Royal College of Art de Londres, un tournant s’opère dans sa pratique, un double-fond s’invite dans ses images. Lors de son projet photographique sur une île montagneuse du nord de l’Ecosse, les éléments météorologiques, les vents, lui imposent de figer à posteriori le réel, de réaliser ses prises de vue en studio à son retour à Londres. L’illusion dans laquelle elle nous plonge prend alors tout son sens en regard de son étymologie latine illudere, à savoir jouer, tromper abuser. Ses photographies comme ses installations troublent notre perception du visible. L’artiste se joue ainsi de nous et nous propose des univers tiraillés entre illusion et désillusion. Ses œuvres prennent en effet à défaut le fonctionnement des sens et troublent le système de la perception. Ses structures, proches de décors théâtraux, confectionnées méticuleusement, déployées puis photographiées en pleine nature, au bord de mer, dans des déserts de sable et de sel, comme dans les cieux, offrent en partage des espaces susceptibles d’héberger nos utopies. Pour autant ses « hétérotopies », « ces espaces autres », selon les termes empruntés à Michel Foucault, ne possèdent aucune coordonnée géographique et ne font partie que d’une

_Noémie Goudal, Combat, tirage lightjet, 168 x 188 cm, 2012 - Courtesy de l’artiste

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cartographie sensible. Elles ne sont qu’une machination visuelle qui interroge notre rapport à l’espace, à l’image comme aux lieux photographiés. L’artiste usurpe ainsi le réel, mieux elle se joue de notre regard. Pour cela elle intègre à la nature ses installations de papier et de bois tout en laissant la trace de son action, de la structure de son œuvre. Le scotch, les plis, les lignes de séparation, le rapport d’échelle restent visibles dans ses images. Ils en trahissent le subterfuge. Voulus par l’artiste, ces signes dévoilent l’artificialité des décors plats de ses observatoires en bord de mer, de ses structures telluriques, de ses ciels diurnes, comme de ses bâches entrouvrant une percée dans des lieux désaffectés. Pour autant ces indices ne parviennent pas à en faire tomber le mystère. Ils jouent avec l’illusion et la résistance de notre croyance. Notre volonté de croire est en effet plus forte que tout risque de désillusion. Même si nous sommes conscients de la machination qui se trame devant nous, nous succombons sciemment aux apparences, aux illusions que Noémie Goudal élabore. Tels des naufragés en quête d’une terre promise, nous voulons croire en ses images refuges. Après tout, l’illusion la plus forte n’est-elle pas celle dont il n’existe aucune désillusion possible ? N’est-elle pas celle qui supplante l’expérience rationnelle par l’expérience artistique ?

Pour Gaston Bachelard : « On veut toujours que l'imagination soit la faculté de former des images. Or elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images ». Cette citation semble parfaitement résonner avec vos œuvres. Si vous aviez la possibilité de lui répondre, que lui diriez-vous?

Oui c’est en effet exactement la manière dont je conçois mes images. L’imagination s’entremêle avec la réalité, l’image ou le vécu pour pleinement exister. Je joue beaucoup de ça dans mes constructions, je compte sur elle pour ‘finir’ les œuvres. C’est un travail d’équipe… D’ailleurs, dans mes expositions, je cherche à ce que le spectateur soit pris dans une trajectoire, dans un mouvement qui lui permette de se positionner face à l’image, que la physicalité de son corps soit pris en considération dans l’appréciation des images. Cela permet, il me semble, d’inviter ce spectateur à utiliser cet imaginaire qui lui est propre, à confronter les photos. Les images restent les mêmes certes, mais leur interprétation est complètement différente. Le processus de réalisation de vos œuvres est de plus en plus monumental. Pourriez-vous nous dévoiler vos secrets de réalisation, les dessous de vos machinations?

En effet, mes photographies sont toujours faites à partir d’installations dans la nature, plus ou moins grandes. Je travaille avec une petite équipe de cinéma. Nous construisons les installations et faisons des essais de longs mois avant de réaliser la prise de vue. J’aime beaucoup tra-


art : noémie goudal

vailler en équipe, créer une dynamique particulière où chacun est expert dans son domaine. Cela apporte une énergie fantastique, que j’aime vivre pendant les prises de vue, en parallèle d’une vie dans mon atelier, où j’ai plus de temps pour travailler seule, et faire des recherches. Dans vos dernières œuvres vous semblez attirer notre attention sur les enjeux du réchauffement climatique. Votre projet Pressure sur la fonte du glacier du Rhône en Suisse en est particulièrement révélateur. Pourriez-vous nous en dire plus…

Dans mon travail, je ne cherche surtout pas à émettre un point de vue politique ou sociologique, au contraire, j’essaie de présenter des images qui ont de multiples clés de lecture. J’essaie de construire des images qui n’ont aucun repère géographique ou de temps et qui apportent, de par leur construction, une part d’interprétation importante. Le spectateur vient avec son propre vécu, et interprète l’image dans un contexte qui est le sien. Un des thèmes qui me passionne en ce moment, est le mouvement d’un paysage et sa chorégraphie à travers les âges. Ces phénomènes qui se développent dans une temporalité très lente, plus lente que le temps ‘humain’, et qui, il me semble, nous obligent à regarder le paysage sous un angle différent, où l’humain serait placé dans un ‘tout’ et ne serait pas lui seul ‘le tout’. Quand on regarde mes images, dans le contexte actuel, la première chose que l’on a en tête est ‘la destruction de l’environnement’, mais, ces mêmes images ne pourraient-elles pas être vues complètement différemment dans un contexte scientifique, religieux, antérieur par exemple ? Les images de Project Pressure sont bien évidement présentées dans un contexte très spécifique, avec d’autres images qui évoquent toutes la fonte des glaciers. Elles sont donc interprétées de cette manière mais c’est aussi une passion de l’observation et son interprétation que nous partageons. Le risque de la désillusion semble dans votre démarche éminemment latent, comme dissimulé sous la beauté poétique de vos univers. Ce second niveau de lecture est-il intentionnel ?

Oui, il me semble qu’une image est ce qu’elle est mais elle est aussi ce que chacun en fait. C’est pourquoi offrir le plus de clés de lecture possible est très important pour moi. J’aime jouer avec la séduction et l’attraction qu’une image peut apporter, tout en gardant sa fragilité, ses doutes, ses questionnements. Vos œuvres voyagent. Vient de s'achever la présentation de votre série Telluris aux Beaux-Arts du Locle, en Suisse. Vous étiez également présente à la biennale internationale de la photographie en Australie. Quel est votre prochain lieu d’accrochage en France? Donnez-nous rendezvous…

Mon travail est actuellement présenté en Allemagne au Kunstverein Hildesheim. J'exposerai par ailleurs à la Kunsthalle de Vienne en 2020. Je suis en résidence à la Manufacture de Sèvres depuis deux ans et nous allons finir un gros projet de sculptures sur les théories de la Terre en 2020 qui sera présenté à Paris, mais le lieu n’est pas encore confirmé.

noemiegoudal.com i n s ta g r a m . c o m / n o e m i e g o u d a l

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danse : Matias Tripodi

AUTOUR DU SPECTACLE Viens danser ! Rejoignez

Matias

Tripodi,

choré-

graphe du spectacle Maria de Buenos Aires, pour vivre une expérience exceptionnelle : recréer un grand bal argentin. Après une initiation aux fondamentaux du tango, entrez dans la danse et partagez l’atmosphère d’un cabaret de Buenos Aires... JEU. 21 NOV. À 18h Théâtre du Chemin Vert. Durée : 4h. Entrée libre

La leçon de tango Pasquale Nocera, du Ballet de l’Opéra national du Rhin, vous propose, pendant deux heures, de vous faire découvrir le tango et comment il peut être transposé en danse contemporaine. Tous niveaux - Débutants acceptés, à partir de 8 ans.SAM. 23 NOV. À 15h Théâtre du Chemin Vert. Entrée libre dans la limite des places disponibles


LE BALLET DU RHIN SOUS LE SIGNE DU TANGO M A R IA D E BU E N O S A I R E S

A

arts

Le Ballet de l’Opéra national du Rhin s’empare du tango, à travers une version dansée de l’unique opéra d’Astor Piazzolla, imaginée par le chorégraphe Matias Tripodi. Un spectacle total qui revisite les codes du tango et du classique, pour explorer de nouveaux champs esthétiques, loin des clichés du genre. C’est une première ! Le Ballet de l’Opéra national du Rhin se lance dans l’aventure du tango avec Maria de Buenos Aires, unique opéra composé par Astor Piazzolla en 1967, sur un livret du poète argentin Horacio Ferrer. Une œuvre totale, mêlant musique, chant, théâtre et danse, mise en scène et chorégraphiée par Matias Tripodi. Artiste émergent de la scène argentine, ce chorégraphe poursuit depuis plusieurs années un travail exigeant pour renouveler le tango et donner un nouveau souffle à cet art brûlant. Une démarche qui l’a déjà conduit à collaborer avec des compagnies prestigieuses, notamment le Tanztheater de Pina Bausch et le Ballet de l’Opéra de Paris. Autant dire que Matias Tripodi était un choix évident pour chorégraphier cette œuvre mythique qui nous plonge dans les racines profondes du tango. Danse, Maria, danse

Le poème écrit par Horacio Ferrer raconte par ellipse le destin du rôle-titre, Maria, de sa gloire dans les cabarets de Buenos Aires à sa descente aux enfers dans les bas-fonds de la ville. Mais aussi sa lente renaissance. Incarnation allégorique du tango qui meurt et ressuscite, toujours réinventé… Fidèle à ses principes, Matias Tripodi réaffirme ici l’idée de repenser les mécanismes internes du tango, de laisser de côté ses clichés, pour explorer d’autres univers possibles : « L’idée n’était pas de faire danser du tango traditionnel aux ar-

tistes du Ballet du Rhin mais de mêler les codes académiques et ceux du tango pour mieux construire, ensuite, quelque chose de différent. » Si l’esthétique de la pièce doit beaucoup à des images et des expériences des bals de Buenos Aires, le chorégraphe se libère d'une interprétation au premier degré pour privilégier des espaces poétiques et nous plonger dans les remous de l’âme esseulée de Maria, dans ses spasmes vibratiles, ses langueurs sensuelles, ses élans déchirés. Son vocabulaire confronte les effleurements à distance et l’intime des corps enlacés, opposant tension et abandon avant de s’infléchir vers des figures plus classiques, tout en conservant une énergie très contemporaine. Matias Tripodi réussit ainsi à décortiquer la gestuelle du tango pour lui donner une puissance collective. Fusion de la danse et de la musique

Sur scène, dans une ambiance sombre, tout de noir et blanc, les danseurs du Ballet de l’Opéra national du Rhin s’approprient cet univers, ses codes, sa sensualité, accompagnés par les accents du bandonéon et du violon. Ana Karina Rossi, qui a travaillé personnellement avec Horacio Ferrer, chante le rôle-titre et nous emmène avec son timbre si prenant dans les territoires sulfureux du tango tandis qu’un narrateur, incarné par l’étonnant Alejandro Guyot, pilier de la scène du tango du XXIe siècle, nous guide dans les méandres de la vie de Maria. Si l’on ne décode pas toujours les références du texte, cela importe peu tant on se laisse embarquer par le chant, la musique expressive de Piazzolla et l’art du mouvement lui-même. L’ensemble compose un tableau vibrant, fondu au noir, une incantation moderne qui dévoile un tango aux multiples facettes… MARIA DE BUENOS AIRES à L ’ OPÉRA DE REIMS SAMEDI 2 3 NOVEMBRE A 2 0 H 3 0 ET DIMANCHE 2 4 NOVEMBRE À 1 4 H 3 0 TARIFS DE 7 € à 3 6 €

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TEXTE anne de la giraudière

photographies Agathe Poupeney

w w w. o p e r a d e r e i m s . c o m


AP The Anonymous

(Photo) Project

J ournal intime anonyme

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arts


art : the anonymous project

Et si, à l’instar du vinyle, la diapo faisait son (grand) retour ? C’est le rêve de Lee Shulman qui consacre ses journées à les trier, les numériser, et surtout à admirer, à travers ces petites fenêtres, des moments de vie d’avant et d’ailleurs. Installez-vous confortablement dans le canapé. On lance la soirée diapo.

Lanterne magique

C’est pour la fascination qu’il exerçait sur le public que l’ancêtre du projecteur, qui révélait l’image via une lumière de chandelle ou une lampe à huile, a été baptisé « lanterne magique ». La magie a continué d’opérer tout l’été car, pour fêter son cinquantième anniversaire, les Rencontres de la Photographie d’Arles ont confié une maison à Lee Shulman, fondateur de The Anonymous Project. « The House est une immersion. Le visiteur est plongé dans les 50’s par le biais d’une scénographie, d’installations et de projections de diapositives dans les différentes pièces, recréant une ambiance et des instants du quotidien de l’époque ». Diplômé en vidéo et photo, réalisateur de films publicitaires, Lee a collecté 850 000 diapositives, principalement en provenance des Etats-Unis, d’Angleterre et d’Europe. Elles dessinent un portrait, des portraits, de la société des années 40 à 90. « Les diapos sont des pièces uniques, brutes. En 2017, j’ai acheté un lot de 500 diapos pour 10 €. J’étais subjugué par la qualité de l’image, la densité des couleurs et par cette faculté à capter des moments de vie. » The Anonymous Project était né avec l’ambition de créer un fonds inédit de photographies vernaculaires pouvant renseigner des étudiants, des anthropologues ou simplement des curieux sur les modes de vie des décennies précédentes. Collectionneur de mémoire

Contrairement à un film négatif, la diapo enregistre la lumière directement en positif et, insérée dans un cadre, est projetée par transparence. « Avec une diapo,

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art : the anonymous project

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art : the anonymous project

on est honnête. C’est difficile de bien cadrer comme avec un Polaroïd. Le hasard joue un rôle et le résultat est souvent aussi imparfait que touchant », indique Lee. Ce projet, qui exploite 12 000 diapos, parle de mémoire collective et d’humanité. « En découvrant les lots que j’achetais ou que l’on m’envoyait des quatre coins du monde, j’ai compris que nous avions tous les mêmes espoirs, partout, que l’on soit à un repas de famille, en voyage ou à une fête entre amis. » Regroupées par thématiques, les diapos nous racontent une nouvelle histoire : My fucking Christmas, Sweet dreams ou encore The lover’s box qui retrace les instants complices et amoureux d’un couple d’américains. Lee et son équipe répondent aussi à des demandes de magazines comme avec ce dossier de onze pages publiés dans Le Nouvel Obs sur Noël. The Guardian, le New York Times ou encore la BBC ; The Anonymous Project fait parler la presse internationale et l’enjeu pour Lee est bien de faire reconnaître la photo comme discipline artistique à part entière, avec une place qui lui serait dédiée dans les musées.


art : the anonymous project


Storytelling

À travers ce projet, la volonté de Lee est aussi de transmettre : « Ce rapport intime entre le sujet et le photographe, l’humanité qui s’en dégage, est ce qui nous dissocie de l’animal. Partager nos expériences nous enrichit. Et notre besoin d’amour et de rire nous lie tous. » Témoin indirect de moments intimes du passé, Lee leur donne une seconde vie. Et les projets se multiplient ; des expositions à venir dont The House en Chine, la sortie de l’ouvrage Midcentury Memories (Taschen) et d’autres livres en préparation… « On aime les collaborations hybrides et nous sortons prochainement une collection de livres chez Flammarion qui met en regard et en conversation des photos et des textes écrits par des auteurs qui s’approprient librement nos images : " Histoire de familles " signé Justine Lévy et " Andrew est plus beau que toi " d’Arnaud Cathrine. On a hâte de les montrer ! ». Si pendant un temps, The Anonymous Project proposait des tirages à la vente, Lee a choisi d’y renoncer. « La diapo, conservée dans de bonnes conditions, garde intacte l’intensité des couleurs pendant des décennies mais la difficulté était de trouver un support de qualité et à un prix acceptable. Et je pense que le meilleur support pour la diapo, c’est la lumière ! »

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TEXTE Peggy Léoty


art : chloé dabert

Depuis le début de l’année, Chloé Dabert est la nouvelle directrice de la Comédie, succédant à Ludovic Lagarde à la direction de l’un des centres dramatiques nationaux les plus convoités, tant son histoire est riche.

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ormée au Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris, elle a circulé depuis dans ce réseau des Centres dramatiques nationaux, labellisés par le Ministère de la Culture, avec la compagnie Héros-Limite qu’elle a fondée avec Sébastien Eveno, en 2012. Quelques années plus tard, la voici à la direction d’une institution nationale. Une évolution logique dans un parcours fulgurant. « J'ai connu différentes aventures théâtrales à ma sortie du Conservatoire, se souvient-elle, mais après quelques temps j'ai travaillé sur une assez longue période - 8 ans - au CDN de Lorient. J'y menais de nombreuses actions pédagogiques, notamment auprès des amateurs. J'y ai pris de plus en plus de place, j'ai pu tester des choses avec des jeunes, diriger des stages de création, y présenter mes premiers spectacles aboutis. J'ai pu voir comment fonctionnait un lieu comme celui-ci, com-

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arts

chloé dabert

PRESENTÉE À LA COMÉDIE

Chloé Dabert, dont le travail porte habituellement sur les écritures contemporaines, a mis en scène pour le festival d’Avignon 2018, un classique de Racine, Iphigénie. Dans une scénographie atemporelle et portée par des acteurs contemporains qui relèvent le défi de nous faire entendre aujourd’hui les alexandrins de Racine, la pièce de Chloé Dabert rapporte ce mythe universel qui fait écho à notre propre rapport à l’autorité… Menée par Agamemnon, l’armée

Fidélités

Pour autant, l’idée d’une troupe permanente ou d’un collectif artistique comme il a pu en exister au sein de la Comédie n’est pas partie intégrante de son projet. Chloé Dabert imagine autrement cette présence des artistes dans un lieu, la Comédie, et sur un territoire, Reims. Elle souhaite même réinventer les modalités de cette présence. «  J'aime l'idée de troupe, confie-t-elle, j'ai toujours aimé travailler dans ma compagnie et voir nous rejoindre de nouveaux comédiens, mais je ne me voyais pas non plus leur imposer une exclusivité. Nous fonctionnerons autrement. Ils seront présents, bien sûr, mais je souhaite que, dans ces présences artistiques, le projet laisse aussi de la place à d'autres. Il y a aujourd'hui beaucoup plus d'équipes artistiques qu'autrefois, il faut pouvoir en accueillir le plus possible. Plus que sur une troupe, nous travaillerons sur des fidélités. La présence artistique sera constante, mais elle ne sera pas “ enfermante ” pour autant ».

u n e créatrice au x commandes d e l a comédie centre dramatique national de Reims

IPHIGÉNIE,

Et Reims n’est nullement un hasard. L'histoire du CDN, ex Maison de la Culture, qui a vu se succéder à sa tête Jean-Pierre Miquel, Christian Schiaretti, Emmanuel Demarcy-Mota ou Ludovic Lagarde, ne l’a pas laissée indifférente. Au contraire, expliquet-elle, « comme dans mon théâtre, le texte y a toujours été mis en avant. Aujourd'hui, on parle beaucoup des écritures de plateau. Ce n'est pas vraiment mon théâtre, car j'aime toujours et d'abord m'appuyer sur un texte. Avec Christian Schiaretti, les Langagières, Fabrice Melquiot, il y a toujours eu à Reims, une primauté donnée au texte. Je ne me sens pas en rupture avec cette histoire, mais plutôt en cohérence ».

ment travaillaient les équipes, quelles relations il était possible de nouer avec le public… Puis, j'ai poursuivi vers mes projets, traversé d'autres expériences au Festival d'Avignon, au Centquatre, à Angers, à la Comédie Française… » Il était donc naturel pour la jeune femme de déposer sa candidature pour cette direction. Ce qui l’intéresse et la mobilise alors, et la motive toujours quelques mois après son entrée en fonction, « c'est la manière dont on peut penser un projet dans sa globalité, avec une équipe et des publics ».

Un théâtre ouvert

C’est à Reims, aussi, qu’elle déploie désormais son activité de création. «  La saison à venir me donnera l’ occasion de présenter à Reims plusieurs pièces de mon répertoire, se réjouit Chloé Dabert. Après Iphigénie, la pièce que j'ai créée au festival d'Avignon 2018, je ne souhaitais pas repartir d’emblée sur une création trop lourde à mener. Il me fallait du temps pour bien investir le projet de la Comédie. Je monterai au printemps 2020 un monologue de Dennis Kelly, un auteur britannique dont j’ai déjà porté au plateau l’un des textes, L’Abattage rituel de Gorge Mastromas, voici deux ans. Ce monologue, c’est Girls and boys, une pièce qui parle de toutes les étapes que traverse un couple. C’est un texte dur et drôle à la fois, je n’en dirai pas plus, je ne tiens pas à spoiler la pièce ». Sa préférence va aux écritures ciselées et elle s’imagine volontiers comme un passeur entre l’auteur et le spectateur. « Je n'aime pas lorsque l'on fait dire à un texte des choses qui n'y sont pas, assure-t-elle. J'aime revenir à son essence même. J'aime pratiquer un théâtre ouvert, dont on peut ressortir sans avoir vu ou compris la même chose. J'aime mêler de l'humour à un texte profond ». Ainsi, poursuit-elle, ce qui m'intéresse d'emblée, c'est une écriture. J'ai monté des choses très différentes, avec toujours le désir d'aller vers des endroits que je ne maîtrise pas. Iphigénie, c'était un pas de côté dans mon parcours car j'ai surtout mis en scène des auteurs contemporains, mais c'était aussi une manière d'aborder le texte avant toute autre chose ». Récemment, s’est achevée la tournée de la pièce Des cadavres qui respirent, un texte de Laura Wade (adaptation : Kelly Rivière et Blandine Pélissier) mis en scène par Chloé Dabert qui a travaillé pour cela avec sept jeunes comédiens de l’AtelierCité, à Toulouse. Une comédie noire, elle aussi drôle et cruelle, qui n’avait jamais été créée en France. Comme une manière de partager avec eux tout ce qui fait le sel de « son » théâtre.

grecque doit attaquer Troie mais les vents font défaut et la flotte ne peut partir. Un oracle demande alors à Aga-

w w w. l a c o m e d i e d e r e i m s . f r

memnon de sacrifier sa fille, Iphigénie, afin que les dieux soient satisfaits, que les vents se lèvent et que les bateaux puissent enfin prendre le large… Quelle décision prendra Agamemnon ? La pièce sera présentée à la Comédie du 5 au 14 décembre.

TEXTE cyrille planson    Portrait benoît pelletier


jusqu’au 5 janvier 2020 au Musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux retrace de façon assez exhaustive cette bulle d’irrévérence subversive dans l’histoire du design qu’a été le mouvement Memphis. Fondé en 1981 par Ettore Sottsass, il a apporté une grosse bouffée d’air frais dans le modernisme dominant de l’époque. Avec ses formes ludiques et ses « couleurs graphiques », il continue d’inspirer une certaine création d’aujourd’hui.

La chapelle se trouve à Unterliezheim, Bavière.

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madd-bordeaux.fr

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LE 19M DE CHANEL

actu

Le 19M dont le projet a été présenté début octobre, regroupera sous un même toit les métiers d’art qui entrent en jeu dans la mise en œuvre des activités mode de la maison Chanel. Lieu de confection se déployant sur 25 000 m2, le 19M sera aussi une vitrine des savoir-faire français où les publics pourront rencontrer les artisans : brodeurs, plumassiers, bottiers, orfèvres… Le bâtiment, situé dans le nord-est de Paris, a été confié à l’architecte du MuCEM, Rudy Ricciotti et sera inauguré dans un an.

design Par

benoît pelletier

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NOÉ DUCHAUFOUR-LAWRANCE X CRISTALLERIE ST LOUIS Depuis 5 ans, le designer Noé Duchaufour-Lawrance travaille en collaboration avec la plus ancienne manufacture française de cristal – St Louis – dans l’élaboration de la collection Folia (art de la table, décoration, luminaires et mobilier). Une collection inspirée du bois environnant la manufacture située en Moselle, où la délicatesse et l’éclat du cristal fusionnent avec la robustesse du bois de frêne – une essence d’arbre qui a également inspiré le motif taillé dans le cristal.

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PROCESS SUR INSTAGRAM

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© Courtesy of Chanel

En réponse à la Fondation Siegfried et Elfriede Denzel qui lui demandait de concevoir une chapelle sur un site du sud ouest allemand, le petit prince anglais d’un minimalisme doux et serein, a simplement proposé un parallélépipède en rondins de bois, complètement bruts à l’extérieur, assagis en parois lisses à l’intérieur. Il en résulte un abri à la spiritualité évidente. Un dénuement sans pauvreté, riche de l’élégance naturelle des matériaux, et d’une gestion ultra-maîtrisée de l’espace et des proportions. La distinction du minimalisme de Pawson, qui ne consiste pas à mettre peu, mais à rendre évidente la beauté de l’essentiel, se lit dans l’objet fini, mais aussi dans son Process d’élaboration : un simple geste, modeste, naturellement intégré à son environnement, mais orchestré avec cette classe magistrale, aura mieux répondu que tout autre élaboration architecturale à la question posée. Un monument.

L’architecte japonais réalise l’aménagement de l’ancienne Bourse de commerce de Paris en vue d’accueillir la collection d’art contemporain de François Pinault. Apparemment, il va réussir le tour de force de créer un espace à la fois contemporain, minimaliste, asseyant une identité forte mais qui laissera cependant respirer les œuvres. Le tout en magnifiant le bâtiment ancien. Ouverture courant 2020.

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Il est temps de vous abonner  . —> @process_magazine <—

© dr

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TADAO ANDO À LA BOURSE DE COMMERCE

© Patrick Tourneboeuf

« Memphis - Plastic Field »

a été attribué, dans la catégorie « objet d’exception », au designer Marc Venot pour son projet « La Tour dans la peau » qui fait du rivet – dispositif d’assemblage de la tour –, une boucle d’oreille en métal précieux. Un designer élégant, dont nous avions déjà décrit le parcours dans ces pages.

LA WOODEN CHAPEL DE JOHN PAWSON

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Le prix du design Tour Eiffel

marc-venot.com

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SUR LA ROUTE DE MEMPHIS

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noeduchaufourlawrance.com

johnpawson.com

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D PRIX DU DESIGN TOUR EIFFEL

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design : marthe cresson

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design

MARTHE CRESSON LE DESI GN AU CORPS

Marthe Cresson a fondé sa marque bijoux il y a près de deux ans. Ses créations, caractérisées par un style toujours très sobre et délicat, jouent avec les formes courbes et rigides, les variations de volume, les contrastes de matières ; une conception du bijou qui s’apparente plus à la sculpture qu’à l’accessoire de mode.

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TEXTE ambre allart


design : marthe cresson

C

’est après des études en design produit que Marthe Cresson s’est dirigée vers le bijou. « Il y a avait un côté sculptural dans le bijou qui m’intéressait davantage. Le côté fonctionnel et industriel du design produit était un peu trop froid à mon sens. » Elle choisit pour se former, la seule école à Paris orientée bijou contemporain, l’Afedap. « C’était vraiment une ouverture aux différents matériaux. La bijouterie classique et les pierres ne m’intéressaient pas trop. » Pendant deux ans, elle y apprend donc à fabriquer le bijou et à manipuler le métal, un matériau devenu essentiel pour ses collections puisqu’il s’avère être le plus facile d’approche pour construire en volume, fonctionnant bien avec le corps, et offrant la possibilité de le déformer, de le souder, de jouer avec ses aspects de surface. Suite à l’Afedap, elle continue son cursus à la HEAD de Genève, pour acquérir en maturité et élargit encore son champ de vision en expérimentant d’autres matériaux comme le bois et la céramique. À la fin de ses études, Marthe Cresson intègre le bureau de création de la maison de joaillerie Boucheron. « Bien que j’ai pu y apprécier la joaillerie, ça m’a confortée dans mes choix de faire du bijou contemporain. Là-bas, on est beaucoup dans le dessin. L’idée, on la dessine. Alors que moi je suis beaucoup plus maquette et expérimentation en 3D. Ça m’a donc encouragée à aller vers mon idée première : travailler directement la matière et ne pas être focalisée sur la mise en valeur des pierres mais sur la mise en valeur des matériaux, des formes et des jeux que l’on peut créer entre eux. »

À l’issue de cette expérience, elle mène pendant un an et demi, un travail de recherches, définit son identité, et aboutit en janvier 2018 à la création de sa marque. « J’essaie de faire des objets intemporels, je veux qu’ils aient leur force sans qu’ils aient une identité trop marquée. Je ne suis pas dans l’esprit mode. » Coté inspiration, Marthe Cresson avoue presque timidement : « Je vais plus puiser mon inspiration chez Leroy Merlin qu’en regardant mes camarades bijoutiers. Je m’inspire beaucoup des procédés mécaniques. » Nous laissant entendre que ses études en design industriel ont malgré tout eu une forte influence sur son travail : « Quand j’évoquais " le coté froid " du design produit, je faisais référence au côté un peu trop fonctionnel, quand on oublie le coté " sensible ". À l’inverse, j’aime beaucoup le travail des designers qui parviennent à concilier ces deux aspects en apportant une personnalité propre à chacun de leurs objets, comme Gaetano Pesce ou Marianne Brandt. » Cette recherche continue du « sensible » a mené Marthe à introduire dans ses bijoux le verre soufflé, un matériau rencontré durant ses études et pour lequel elle a eu un coup de cœur : « Ce que j’aime c’est son côté aléatoire. Avec le même geste, le même souffle à chaque fois, la bulle se forme toujours différemment ; c’est quelque chose que je trouve magique. On voit vraiment la matière vivre par elle-même. » Marthe, qui travaillait auparavant avec une souffleuse de verre, a suivi une formation pour pouvoir pratiquer le geste elle-même, le procédé restant accessible grâce aux petites dimensions du bijou. Les pièces en verre soufflé de Marthe Cresson traduisent subtilement l’ensemble de la démarche créative dans laquelle elle s’inscrit : ses bijoux sont conçus comme des « sculptures », à la simple différence qu’elles sont à porter sur soi.

marthecresson.fr i n s ta g r a m . c o m / m a r t h e _ c r e s s o n P o u r r e t r o u v e r s e s c r é at i o n s Empreintes (jusqu’à fin déc.) 5 r u e d e P i c a r d i e Pa r i s 3 Les Roussœurs 1 7 r u e d e l a V i l l e t t e , Pa r i s 1 9 S a l o n d e c r é at e u r s Hôtel Bohême (07 & 08 déc.) 7 1 r u e d e l a F o n ta i n e a u R o i , Pa r i s 1 1



design : la maison des musiciens

LA MAISON DES MUSICIENS

R E NA I S S A N C E D’ U N E M B L È M E D U PAT R I M O I N E R É M O I S

Anciennement située rue de Tambour,

la Maison des Musiciens a cédé sa place à un mur bétonné auquel personne ne prête attention. Pourtant, au XIIIème siècle, se dressait là, aux côtés de la Demeure des Comtes de Champagne, l’un des plus beaux édifices de la ville. L’association Renaissance de la Maison des Musiciens de Reims s’apprête aujourd’hui à en reconstruire la façade.

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ouissant au XIXème siècle d’une grande renommée, la Maison des Musiciens fut maintes fois étudiée par les architectes de l’époque. Sa façade sculptée constituait un exemple rare de décor profane de la période médiévale et fut même considérée par Eugène Violletle-Duc comme « l’une des plus belles statuaires laïque d’Europe ». Bien que le passé et la vocation de cette demeure bâtie vers 1260 restent flous, celle-ci aurait appartenu à un marchand ayant fait fortune dans le commerce des étoffes de lin, à l’époque où la prospérité de Reims reposait principalement sur le textile. Dans un élan ostentatoire, ce riche commerçant aurait fait construire sa maison rue de Tambour, au cœur de l’ancien quartier d’affaires, et l’aurait habillée d’un ensemble sculptural composé de quatre musiciens encadrant un cinquième personnage, l’auditeur – très certainement la représentation du maître des lieux. Ces sculptures ne sont pas sans rappeler les musiciens figurant sur la cathédrale de Reims. « On a la quasi assurance que ce travail a été fait par les sculpteurs de la cathédrale. C’est complétement connexe sur le plan chronologique », souligne Jacques Douadi, le président de l’association visant la restitution de la façade. Aujourd’hui exposé au Musée SaintRemi de Reims, le décor sculpté a heureusement était mis à l’abri avant le bombardement de 1918 qui détruisit entièrement la demeure. Grâce aux vestiges conservés et à une abondante documentation composée

d’iconographies du XIXème siècle et de photographies, l’association Renaissance de la Maison des Musiciens de Reims, devenue propriétaire de l’emprise foncière du mur par donation de la Maison Taittinger, a pu lancer le projet de reconstruction. En concertation permanente avec l’architecte des Bâtiments de France et l’association, c'est l’architecte rémois Frédéric Coqueret (agence BLP), accompagné d’Alice CapronValat (architecte du patrimoine), qui a pris en charge le dossier. Il s’est pour cela entouré d’un collège de personnes ressources pour l’épauler dans la restitution de la statuaire. Parmi eux, le professeur émérite d’histoire médiévale et membre de l’association Patrick Demouy, ainsi que l’Instrumentarium de Reims consulté pour son expertise en matière d’instruments du Moyen-Âge. Pour éviter l’approximation en l’absence de certitude quant à l’état initial du décor, il fut unanimement validé que le rez-de-chaussée de la façade serait traité de telle façon à ce qu’il traduise, grâce à un effet de reliefs en creux, les traces du passé architectural de l’édifice. Le portail qui intègre ce rez-de-chaussée sera quant à lui finement travaillé en bois de chêne et fonte d’aluminium. Ne s’agissant pas d’une reconstruction « archéologique », les sculptures originales resteront exposées au musée Saint-Remi. Ce sont donc des

maisondesmusiciensdereims.com

reproductions, réalisées grâce à la modélisation numérique et au travail de finition d’un artisan, qui figureront 1_ sur la façade. Ces copies, tel que nous l’explique le président de l’association, auront cependant été complétées avant d’intégrer l’édifice : « On ne peut pas se contenter d’une restitution de la statuaire telle qu’elle était en 1918 car elle avait déjà beaucoup souffert. Hormis un musicien, plus aucun d’eux n’avait encore son instrument de musique. Nous n’allons pas les guérir de l’ensemble des blessures du temps mais au moins de la disparition de leurs instruments et des membres du corps permettant d’en jouer. Quant à l’auditeur, nous allons restituer le faucon qui reposait sur son poing. On essaie vraiment de proposer une restitution intelligible et qui ait du sens. » Réunissant un petit lot de personnes éminemment impliquées dans le rayonnement culturel de la ville des Sacres, l’association créée en 2015, devrait poser la première pierre en début d’année prochaine. Le chantier qui s’étendra sur près d’une année, a pu être financé grâce aux collectivités territoriales, à des mécènes privés français mais également étrangers, preuve de la valeur patrimoniale que revêt l’édifice pour la ville de Reims bien sûr, mais aussi plus largement, aux niveaux national et international.


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design

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1_Photographies de la Maison des Musiciens et éléments de la statuaire, 1912, Bibliothèque Municipale de Reims 2_Perspective du projet de restitution de la façade © BLP architectes 3_Projet de restitution de la façade © BLP architectes

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TEXTE ambre allart

4_Gravure représentant les 5 statues de la Maison des Musiciens, A. Verdier, 1855, Bibliothèque Municipale de Reims


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Gang de grands-mères

Des vêtements respectueux de l'humain et de l'environnement, c’est l’idée de l’appli Clear Fashion. Au-delà des engagements prônés par les marques, cette start up, fraîchement créée et installée à Reims, teste les marques de prêt-à-porter, 80 à ce jour, selon quatre critères : humain, santé, environnement, animaux. Des notes attribuées à chaque critère et des pastilles de couleurs vous guident vers un look en phase avec vos valeurs.

Clé en main

Simone, Chantal ou encore Eveline forment les tricoteuses du gang ! Avec de l’Alpaga, de la laine Mérinos ou du coton d'Égypte, ces mamies fabriquent et tricotent une ligne d’accessoires de mode colorés 100% faits main et made in France. De l’unique, de l’éthique mais aussi du solidaire puisque 10% des ventes sont reversés à des associations qui luttent contre l’isolement des séniors.

Louer une voiture en ligne, sans passer par une agence et à n’importe quel moment, c’est le concept de la plateforme Toosla. Cette start up rémoise propose les derniers modèles de voitures haut de gamme en location de courte durée. Plus de 1 000 voitures à disposition qui démarrent en un clic via une application. Un coup d’accélérateur pour Toosla avec une nouvelle levée de fonds de 8 millions d’euros.

www.gangdegrandmeres.fr

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Fromagerie brasserie artisanale 100 % bio

actu

business Par

peggy leoty

Lait Brasseur c’est le projet de

Margaux et Antoine. Des yaourts, des fromages, du beurre et de la bière bio fabriqués à Tinqueux, à côté de Reims, et vendus en direct, avec une volonté d’agir pour l'environnement. À coup d’énergie électrique 100% verte et renouvelable et de pots en carton, ce couple de passionnés transforme chaque semaine 900 litres de lait bio et élabore 500 litres de bière.

#Foodtech

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Meal Canteen (et non « 1000

cantines ») est une app prédictive pour réduire le gaspillage dans la restauration collective. Étape 1 : Je choisis mon menu en fonction des infos sur les produits. Étape 2 : En cuisine, les réservations permettent de calculer au plus juste les quantités à préparer. Étape 3 : Ensemble, nous réduisons le gaspillage alimentaire et restaurons la relation usager / cuisine. La cantine de demain !

www.lait-brasseur.com

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Champagne digital

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Ni négociant, ni coopérative, la start up EPC est une marque « acheteur » de champagne qui s’adresse aux 25-35 ans et s’appuie sur un site marchand autour de la réalité augmentée. Elle propose une gamme permanente composée de trois cuvées, toutes au prix public de 27 €. Soutenue notamment par Xavier Niel, EPC fédère 90 vignerons qui ont tous une histoire à raconter autour d’un terroir, d’une cuvée ou d’un cépage. www.epc-champagne.com 4

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www.mealcanteen.fr

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B Mise à nu

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business : Antoine Flasaquier

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business

Tomber la robe, sans tourner la page : L’avocat devenu   libraire

Il exerçait à la barre depuis treize ans. En trois mois, il a décidé de changer radicalement de quotidien. Antoine Flasaquier, avocat jusqu’à fin 2016 est devenu libraire début 2017 – sans jamais perdre de vue ses premières amours juridiques. Une reconversion qui tient autant du romanesque que du cartésien.

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TEXTE Marie-Charlotte Burat

« J’ai toujours voulu ouvrir ma librairie. » Un rêve inassouvi, au même titre que celui de tenir un bar entre amis, une phrase que l’on a forcément déjà entendue au détour d’une conversation. Pour Antoine Flasaquier on est pourtant loin d’une utopie nourrie depuis l’enfance, mais bien dans le choix de la raison qui a fait naître celui de la passion. Après vingt-cinq ans dans le droit, il décide en quelques semaines de laisser ses plaidoiries en instance pour reprendre une librairie, celle de son quartier, La Procure Largeron, située au 13 rue Carnot à Reims. Loin de vouloir délaisser sa profession, ce sont davantage les contraintes y étant associées qui l’ont poussé à remettre sa carrière en question. Trop d’administratif, de secrétariat et de délais de paiement l’éloignent chaque jour un peu plus de son métier d’avocat jusqu’à ce que, sans prévenir, une opportunité se présente à lui. En se rendant au coin de la rue, dans sa librairie, il apprend que le patron cherche à vendre son commerce depuis un certain temps. Et pourquoi pas lui ? Un pari qui peut sembler fou, changer de voie du jour au lendemain et se lancer dans le métier du livre en pleine ère du

numérique. Une profession à laquelle il n’avait jamais songé, mais qui une fois à portée de mains devint pour lui le chemin à suivre. Avec minutie, Antoine mène son enquête. Contrairement aux aprioris, le marché du livre s’avère stable et la vague Amazon apparue il y a dix ans a laissé place à un certain équilibre chez les libraires encore en lice aujourd’hui. En faisant un crochet du côté législatif, on pourra même rappeler que ce secteur est protégé depuis la loi Lang de 1981, qui a instauré le prix unique du livre en France. Antoine se renseigne également sur les cursus envisageables, comme celui de l’Institut National de Formation de la Librairie, et se penche sur les comptes de la boutique. Délaissée depuis quelques années, celle-ci n’atteint pas des records de ventes, mais dispose d’un fort potentiel. En plus d’avoir une équipe compétente aux petits soins avec sa clientèle, la librairie dispose d’une offre foisonnante en littérature adulte, jeunesse et catholique – une niche. Tout ne demande alors qu’à être repensé.

rie, découvre les multiples facettes du métier et les différentes façons de l’exercer. Son regard neuf, le pousse à réagencer les espaces et les étagères. L’idée : rajeunir les écrivains et la clientèle, et surtout, créer des ponts entre les rayonnages. Pour favoriser la proximité et son rôle de prescripteur, il conserve ce qui se faisait déjà avant lui : associer aux bouquins « coups de cœur », de petits résumés ainsi que des commentaires qui permettent d’aiguiller le client. Il organise aussi régulièrement des rencontres d’auteurs. N’oubliant pas d’où il vient, le droit s’y est fait une place plus généreuse, une stratégie de la part d’Antoine puisque la librairie est idéalement située entre le Tribunal et l’Ordre des avocats. C’est également pour lui une manière d’apposer sa patte. À la fois connaisseur du droit et commerçant, il voit désormais s’ouvrir de nouveaux horizons et envisage peut-être à l’avenir de se présenter aux élections pour devenir Magistrat du Tribunal de Commerce. Une jolie façon de sans cesse repenser sa vie, sans nier celle passée.

Le droit sous couverture

Pendant plusieurs mois, Antoine se forme auprès des salariés de la librai-

laprocure.com i n s ta > l i b r a i r i e _ l a p r o c u r e


C E M A G A Z I N E A É T É C O N C U , É D I T É , D E S I G N É AV E C A M O U R P A R

BEL BEL-STORIES.FR

BEL-STUDIO.FR


business : fleurs d'ici

FLEURS D’ICI

U N SU P P L É M E N T D’Â M E P OU R N O S B OU QU E T S

Fleurs d’Ici, c’est l’histoire d’une passion pour

© fleurs d'ici

la botanique transmise à Hortense Harang par les générations de femmes de sa famille. Créée en 2017, le concept de cette entreprise est de proposer via une plateforme web la livraison en France de bouquets de fleurs fraîches, locales et de saison. En décembre, Hortense Harang sera décorée de l’ordre du mérite par Nicolas Hulot pour les services rendus à l’horticulture française…

© fleurs d'ici

Alors qu’aujourd’hui 9 fleurs sur 10 sont importées depuis dans l’esprit « jardin anglais ». Lorsque ces fleuristes intègrent le des pays lointains, Hortense Harang, avec son associée circuit, Fleurs d’Ici leur donne accès au réseau de producteurs de Chloé Rossignol, a quant à elle décidé de travailler en cirvégétaux se trouvant à proximité et dont les pratiques ont été préacuit-court. Pour cela, les deux femmes ont dû mettre en lablement validées par l’entreprise. place sur l’ensemble de l’hexagone, un réseau d’horticulteurs La création d’un bouquet nécessite un approvisionnement par 5 à et de fleuristes s’inscrivant dans une démarche durable. 6 horticulteurs en moyenne puisque certains fournissent du feuilLa tâche n’était pas simple. La filière horticole française lage, quand d’autres fournissent une variété de fleurs. Il ne peut n’étant pas structurée et n’offrant aucune garantie sur la alors naturellement pas exister de catalogue défini des bouquets traçabilité, tout était à faire : « Je pensais que la Chambre Fleurs d’Ici puisqu’ils se font en fonction de l’arrivage et des saisons. d’Agriculture ou la CCI allaient pouvoir me fournir un fiL’entreprise propose donc sur son site des « ambiances » de bouchier listant les producteurs de fleurs, mais en fait non. Perquets mais le client ne doit pas s’attendre à recevoir pour autant le sonne ne savaient où ils se situaient, ce qu’ils faisaient, combouquet qu’il a vu en photo : « On ne commande pas un bouquet, _Hortense Harang et Chloé Rossignol ment ils travaillaient, quelles variétés, en quelles quantités… on commande une " inspiration ". Les critères que l’on transmet C’était un travail considérable à mener, qu’on a démarré de zéro. Aujourd’hui, aux fleuristes ne concernent que la taille du bouquet, le prix, et le ratio entre c’est devenu un avantage majeur sur nos concurrents, puisqu’on maîtrise la totales fleurs structurantes, les fleurs secondaires, les feuillages. Après on s’en remet lité de notre approvisionnement. On sait qui fait quoi, où, à quelle saison, en au talent des fleuristes en qui on a totalement confiance. Ne pas avoir de guiquelles quantités. C’est ce travail qui nous a permis de délivrer la promesse que delines strictes leur permet d’être plus créatifs et même d’intégrer parfois dans l’on s’est fixée. » leurs bouquets des fleurs plus belles et plus rares encore que ce que l’on aurait demandé. » Pour un bouquet créé à partir de variétés locales le client ne paie pas Grâce à un partenariat avec Instagram, l’entreprise repère les fleuristes répartis plus cher que pour un bouquet classique qui repose principalement sur la fleur sur la France qui ont une sensibilité artistique proche de celle de Fleurs d’Ici, d’importation. Il paie en revanche des frais de livraison plus ou moins impor-

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TEXTE ambre allart


© fleurs d'ici

© patrick smith

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peut pas leur demander du jour au lendemain d’arrêter ce qu’ils font. Ce qu’on leur demande en revanche, c’est que lorsqu’ils travaillent en notre nom, ils utilisent de la fleur locale. Ça leur permet de se familiariser peu à peu avec cette matière première et généralement ça leur donne envie de la travailler de plus en plus pour proposer des choses différentes à leurs clients. » À l’avenir, pour une traçabilité totale et non plus seulement déclarative, Fleurs d’ici prévoit la mise en place de flashcodes (fonctionnant grâce à la technologie blockchain) qui permettront au client de connaître précisément les acteurs intervenus dans la fabrication de son bouquet ainsi que les conditions de production de chacune des variétés de végétaux entrant dans la composition. L’entreprise, qui a vu son équipe s’agrandir grâce à une première levée de fonds, envisage par ailleurs de répondre à la demande internationale en traduisant sa plateforme algorithmique à destination notamment de la Belgique, de l’Italie, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Un modèle de bon sens à essaimer sans modération pour redonner vie à nos bouquets et à l’horticulture locale.

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© fleurs d'ici

tants. Pour rester cohérent à chaque étape du processus, la livraison du bouquet se fait en vélo, en véhicules électriques, ou pour les coins plus reculés de province, via un programme décarboné de Chronopost. Ce qui est visible en ligne n’est qu'une petite partie de l’activité de Fleurs d’Ici car 80% de son chiffre d’affaires repose sur le BtoB : « Nous sommes essentiellement sur des modèles d’abonnement. Nous travaillons beaucoup par exemple avec des hôtels qui vont avoir besoin de fleurs renouvelées toutes les semaines ce qui donne de la visibilité sur le long terme aux fleuristes et aux producteurs. Ils savent à quel moment ils vont avoir de la production donc les fleuristes peuvent mieux acheter. Ils passent leurs commandes aux producteurs avant que les fleurs soient coupées, ce qui garantie la fraîcheur et évite le gaspillage. Nous n’avons pas de stocks, on travaille en flux continus. » Pour ces fleuristes, une centaine répartis en France, le partenariat avec Fleurs d’Ici n’est qu’une activité complémentaire : « Il faut savoir que les fleuristes font presque 50% de leur chiffre d’affaires avec de la rose rouge d’importation. On ne

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FRAC Champagne-Ardenne

EVELYN TAOCHENG WANG 12 Octobre 2019 – 23 Février 2020

www.frac-champagneardenne.org Suivez-nous sur Facebook & Instagram

Le FRAC Champagne-Ardenne est soutenu par la DRAC Grand Est – Ministère de la Culture, la Région Grand Est et la Ville de Reims. Il est membre des réseaux Bulles et Platform. Le FRAC Alsace, le FRAC Champagne Ardenne et le 49 Nord 6 Est — FRAC Lorraine constituent le réseau des trois FRAC du Grand Est.

Commissaire d’exposition : Marie Griffay Avec le soutien du Mondriaan Fonds et de l’ambassade du royaume des Pays-Bas.

design graphique : Léa Audouze & Margot Duvivier

FRAC Champagne-Ardenne 1, place Museux - 51100 Reims Ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 18h —


PHOTO ©BENOITPELLETIER.PHOTO WWW.BELLERIPE.FR CRÉATION / CONCEPTION

51 rue de Talleyrand - 51100 Reims

03 26 47 49 85

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