PROCESS #27

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ex pé rie n c e d u r e g a r d \ 10 re ncont re av e c T h i b aud c r i velli \ 17 oktobe r l i e b e r \ 18 b ag arre \ 21 HASSAN HA JJA J \ 26 RONALD M ARTINEZ \ 28 st e p h e n f e lto n \ 3 4 10 an s d e circulation(s) \ 37 Alex Palenski \ 43 VALENTINE GAUTHIER \ 50 un stag r a m 09

creative

process magazine

#27

creative

process

magazine



creative

process

ÉDITEUR / rédacteur en chef  Benoît Pelletier

G

coordination éditoriale  ambre allart    RÉALISATION / diffusion  bel-studio.fr

magazine

goût

0 8 / ac t u g o û t 09 / expérience du regard

direction artistique   Benoît Pelletier

1 0 / r e n c o n t r e av e c T h i b a u d c r i v e l l i

Graphiste  amélie luca    publicité / partenariats  ambre allart ambre@process-mag.com

M

Si vous souh a i te z de ve nir d i ffuseur, vous abonne r pour recevo i r le m agazine , ou en comman de r un e xe mpl aire , contact ez n ous  !

muSique

1 6 / ac t u m u s i q u e 17 / oktober lieber 1 8 / b ag a r r e

h e llo @ proc e ss-mag.com 06 80 65 89 72

Le magazine PROCESS es t édité par Belleripe SARL - 91 BIS RUE DU BARBÂTRE 51100 REIMS. Tous dro its réservés. Toute reproduction , même partielle es t interdite, sans autor isatio n . Le magazine PROCESS décline toute responsabilité pour les document s remis. Les textes, illus trations et photographies publiés en gagent l a seule respo nsabilité de leurs auteurs et leur présen ce dans le magazine impliq ue leur libre public atio n .

A

Le magazine PROCESS es t disponible gratuitement dans 200 points de dépôt à Reims, 25 à épern ay, 40 à c harleville, et 25 à C hâlo ns. retrouvez toute l a lis te sur www.process-mag.com

Arts

2 0 / ac t u a r ts 2 1 / HASSAN HA J J A J 2 6 / RONALD MARTINE Z

Magazine à parution bimes trielle.

2 8 / s t e p h e n f e lt o n

illus tration DE COUVERTURE Ron ald Martinez, Nu Divin n°21.

3 4 / 1 0 a n s d e c i r c u l at i o n ( s )

www.p ro c ess-mag. c om

D   BENOÎT PELLETIER  éditeur / directeur créatif   et photographe

JULES FÉVRIER  PHOTOGRAPHE

Amélie Cabon rédactrice

3 6 / ac t u d e s i g n 3 7 / A l e x Pa l e n s k i

CYRILLE PLANSON  redac-chef La Scène Le Piccolo, Théâtre(s) mag

alexis   jama-bieri  dirigeant   culturel

marie-charlotte burat rédactrice

B   Jérôme Descamps  réalisateur   & montreur   de films

DESIGN

ambre allart  rédactrice

anne de la giraudière journaliste

business

4 2 / ac t u b u s i n e s s 4 3 / VALENTINE GAUTHIER 5 0 / u n s ta g r a m


newscloud les immanquables

24/03>26/07 PICASSO ET   LA BANDE DESSINÉE MUSÉE PICASSO / PARIS « Picasso et la bande dessinée » est la 1ère exposition consacrée aux liens entre l’œuvre de Pablo Picasso et l’univers de la bande dessinée. À travers une sélection de dessins, d’estampes et de planches originales, le parcours revient d’abord sur la passion de Picasso pour le genre. Toujours curieux d’expérimenter de nouvelles techniques, il s’est lui-même essayé à cet art. La seconde partie du parcours montrera quant à elle, la place importante qu’occupe Picasso dans la BD contemporaine, en tant que personnage cette fois-ci.

03> 13/04

JOURNÉES EUROPÉENNES   DES MÉTIERS D’ART DIVERS LIEUX EN FRANCE ET EN EUROPE Depuis 2002, les JEMA sont la plus grande manifestation internationale dédiée aux métiers d’art. La 14ème édition – sous le thème « Matières à l’œuvre » – nous ouvre, une fois de plus, les portes des ateliers d’artisans, dans toute la France et en Europe (18 pays participants), pour faire connaître au grand public ces métiers souvent méconnus.

museepicassoparis.fr

JUSQU’AU

28/06

« LA COLLECTION DE MADAME »

© DR

© succession picasso

journeesdesmetiersdart.fr

QUAI BRANLY / PARIS

ŒUVRE PÉRENNE

Le musée du Quai Branly rend hommage à Helena Rubinstein (1870-1965). D’origine polonaise, celle qui a fondé un empire cosmétique du même nom est considérée comme la première femme d’affaires du XXe siècle. Elle fut par ailleurs une grande collectionneuse d’art, portant un intérêt particulier à l’art extra-occidental. À travers 65 œuvres issues de sa collection, l’exposition dévoile ici son rôle pionnier dans la reconnaissance des arts africains et océaniens.

« L’ONDE DE MIDI »

© ELIAS CRESPIN-PASCAL MAILLARD

quaibranly.fr

16H > 1H

14/03

nuitnumérique#17

© INKYEONG & SUNKYUNG

© DR

SAINT-EX / REIMS

© DR

Musée ouvert tous les jours sauf le mardi. L’accès à l’escalier du Midi est fermé le vendredi / Eliascrespin.net

© DR

MUSÉE DU LOUVRE / PARIS À l’occasion des 30 ans de la Pyramide, le musée du Louvre a invité l’artiste contemporain Elias Crespin à concevoir un nouveau décor pérenne pour le palais, au sommet de l’escalier du Midi. Le travail de cet artiste se situe toujours à la frontière entre l’art et l’informatique : partant de ses recherches en programmation, il les applique aux arts plastiques afin de créer des sculptures en mouvement. C’est ainsi qu’il a créé pour le Louvre « L’Onde de Midi », une œuvre cinétique composée de 128 tubes métalliques, suspendus à des fils animés par des moteurs, et dont le mouvement est induit par des algorithmes numériques. Le résultat est une lente chorégraphie se déployant sans aucune linéarité mécanique (les formes ondulent, se dilatent, s’aplanissent…) pour privilégier l’effet de surprise et la longue contemplation. Hypnotique.

20>22/03 PARIS CAFÉ FESTIVAL LE CENTQUATRE-PARIS Le Paris Café Festival (ancien Café ! Festival & Expo) est né de l’envie de faire connaître au plus grand nombre la diversité de la culture du café et promouvoir l’amélioration des standards de qualité dans l’ensemble de la filière, mettant ainsi en avant les café de spécialités. Au programme de l’événement : championnats de France du café avec 6 compétions organisées par la SCA (Specialty Coffee Association) France mais aussi village des torréfacteurs, débats, démonstrations, dégustations et ateliers pour développer sa culture du café ou sa maîtrise du latte… La journée du 20 est réservée aux professionnels. Plus d’infos sur pariscafefestival.com

La nuitnumérique de Saint-Ex investit les espaces intérieurs et extérieurs du centre. Cet événement phare de leur saison s’articule autour d’une exposition d’œuvres numériques glanées à l’international et qui nous questionnent sur la place de la technologie à l’heure des grands enjeux écologiques. L’équipe de Saint-Ex sera présente pour vous apporter des explications sur ces œuvres que le commissariat d’exposition a souhaitées interactives. Pour parfaire ce moment convivial, il y aura bien sûr : de la musique, bar et restauration (food truck sur le parvis). Bon à savoir si vous ne pouvez pas être présent pour la nuitnumérique : les œuvres resteront sur place pour expocollective, qui aura lieu du 24 mars au 7 juin. Visite libre aux horaires habituels d’ouverture du centre et possibilité de réserver une visite guidée gratuite. saintex-reims.com / facebook.com/saintexreims

JUSQU’AU

26/04

EXPO « LES PETITS   SPECIMENS », 4ème édition LE SIGNE – CENTRE NATIONAL DU GRAPHISME / CHAUMONT Pour ceux qui s’intéressent à l’aspect ludique du graphisme et pour le jeune public, le 4ème opus des expositions « Petits Spécimens » au Signe vous propose littéralement d’entrer dans l’univers des Editions du Livre. Cette maison d’édition indépendante basée à Strasbourg publie des livres pour enfants réalisés par des artistes, illustrateurs ou designers graphiques. La forme du livre en devient ainsi également le fond. À travers cette nouvelle exposition, Le Signe et les Editions du Livre offrent un parcours dans l’univers jeunesse de ces livres-objets devenus installations à taille humaine. centrenationaldugraphisme.fr / editionsdulivre.com


5 raisons d'aimer…

LE LOUP DES CORDELIERS DE HENRI LŒVENBRUCK Par ANTOINE FLASAQUIER & Joachim Boitrelle, de la librairie La Procure Largeron à Reims

Parce que c’est passionnant Lœvenbruck connaît son sujet et aime à le partager. Hyper-documenté sur le Paris de la révolution, ses rues, ses travaux, ses carrières… mais aussi ses salons, ses bistrots,

Parce qu’il est un Chevalier en Harley !

ses commerces et la culture de l'époque ;

Blouson de cuir sur les épaules et bagues

il maîtrise la dynamique des événements

de biker aux doigts, il cache bien son jeu

révolutionnaires et a su les intégrer pour

d’ancien Khâgneux, d’étudiant à la Sorbonne

sublimer sa fiction.

et d’ex-journaliste ! Ses mains peuvent aussi aisément pianoter sur les touches d’un orgue Hammond, que sur le clavier d’une machine à écrire. Il restera discret sur son titre de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres et se régale en compagnie du collectif d’écrivains « La Ligue de l’Imaginaire » aux côtés de Norek, Werber, Minier et autre Thilliez ! Un chevalier biker, sympathique et talentueux, voici Henri LŒVENBRUCK !

Parce que l'intrigue de cette histoire porte l’intrigue de LA grande Histoire Le roman historique cache un polar d’une grande qualité. Une intrigue à plusieurs volets qui nous promène dans les rues sombres du Parce que son talent nous emmène vers tous

quartier des cordeliers, des cachots de la

les univers

Bastille aux palais royaux. Une intrigue qui

De la science-fiction au polar, du roman histo-

interroge sur la participation de Danton ou

rique au livre d’espionnage, Lœvenbruck a le

Terwagne – toujours affublée de pistolets –

talent rare de nous faire découvrir des lieux,

à une série de crimes sanglants et spectacu-

des époques, des épopées, des personnages

laires. Un suspense qui tient ses promesses

impossibles à oublier ! La fresque moyenâgeuse

jusqu'à la dernière page.

de L’Apothicaire nous subjugue grâce à une plume digne de Umberto Eco et du Nom de la rose. Dans Nous rêvions juste de liberté, il nous scotche sur la selle d’une Harley pour une histoire d’amitié extraordinaire dans

Parce qu’on s’y croirait

l’Amérique des Hells Angels et de la Route 66 !

Lœvenbruck, par une écriture dynamique,

Et dans J’irai tuer pour vous, il nous saisit avec

nous fait vivre la fièvre de mai à fin juillet

l’histoire d’un tueur œuvrant pour l’Etat.

1789 de l'intérieur, en utilisant à la perfection

On vous avoue, on adore littéralement

l'alternance des personnages réels et fictifs.

Lœvenbruck ; nous sommes cruellement

Aux côtés de Danton et son manque d’en-

subjectif, mais comment ne pas l’être avec

thousiasme, Desmoulins et sa ferveur révolu-

un écrivain qui nous offre tant de plaisir ?

tionnaire, ainsi que Anne-Josèphe Terwagne et son extravagance, les personnages fictifs permettent d'avoir un autre angle de vision sur les événements. Des évènements que l’on croit connaître mais sur lesquels l’auteur nous en apprend encore.


Césaré présente

CESARE-CNCM.COM


PAR alexis jama-bieri

PLAYLIST RAP N POP

2 No Sleep Till Brooklyn

LuneApache

Beastie Boys

C’est en 2019 que LuneApache a sorti son premier album intitulé Onironautes. Fascinés par la contreculture de la fin des 60’s, LuneApache s’aventure sur les terres teintées de LSD du rock psychédélique, mais chanté en français. Le morceau Onironautes présent sur l’album du même nom contribue à ouvrir sobrement des perspectives sur des terres presque inexplorées.

No Sleep Till Brooklyn est un classique du groupe de rap NewYorkais Beastie Boys sorti en 1987 sur l’album Licensed to Ill. Sixième titre de l’album, il met en lumière les expériences des garçons lors de leurs tournées, parodiant les rockers glam et métal de l'époque et des époques passées. C’est Kerry King du groupe de trash-métal américain Slayer qui a joué le solo de guitare.

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Onironautes

3

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Master Section

She Wants Revenge

Brodinski

Ce morceau du groupe She Wants Revenge nous aspire tel un vortex sombre des années 2000 naissantes constitué de nappes synthétiques rock et goth. Un modèle dans le genre post-punk. Pour ceux qui ne connaîtraient pas la musique de She Wants Revenge, on pourrait dire qu’elle rappelle les sons de The Cure, New Order, Nine Inch Nails, Depeche Mode et Interpol passés au shaker pour offrir un cocktail enivrant portant vers l’infini des abysses.

Master Section est le 1er extrait du projet Evil World (sorti à l'automne 2019) du producteur d'origine rémoise Brodinski. C’est lors d’un séjour à Atlanta qu’il a pu rencontrer la scène trap locale, la trap étant un genre dérivé du rap dont la ville du Sud des ÉtatsUnis est le porte étendard. Brodinski nous fait avec Master Section tomber dans le grand rap – il y a bien du grand rap comme il y a de la grande musique –, en s’associant ici avec le rappeur originaire de Détroit, Zelooperz, pour un hommage a It Takes Two de Rob Base & Dj EZ Rock.

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This Is The End

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6 Don’t come back

Lispector

Comateens

Lispector est un petit diamant de la pop lo-fi française. C’est seule qu’elle compose, avec simplement ses synthétiseurs, son séquenceur et sa boîte à rythme, des morceaux de pop dont certains, tels The Actress in the Background sorti fin 2019 sur l’album Small Town Graffiti, rappellent l’ingénuité des groupes de pop british des années Thatcher.

Comateens nait à New York en 1978 sous la forme d’un duo composé de Nic North à la basse et au chant et de Ramona Jan à la guitare. Ils sont rapidement rejoints par Lyn Byrd aux claviers et au chant et par Oliver North qui remplace Jan en 1980. Comateens a remis au goût du jour un son typé sixties mais modernisé par des synthétiseurs et des boîtes à rythmes 80’s. Leur techno-pop teintée de funk avantgardiste prendra au fil du temps une orientation plus dance dont la quintessence se trouvera dans le troisième album du groupe, Deal With It, sorti en 1984, dont Don’t come back est le troisième titre de la Face B. Les Comateens se sépareront en 1985.

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The Actress in the Background

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5


G La rue Saint-Denis est une rue historique, vivante de jour comme de nuit. Beaucoup de commerces frelatés et aussi beaucoup de commerces historiques. Historique veut dire que cette rue est en perpétuel mouvement comme l’atteste la présence de cette gargote chinoise en face de l’église Saint-Leu. Idéal pour l’en-cas du midi, pas de raison de s’empiffrer d’un panini sans saveur, en deux temps trois mouvements vous voici devant votre menu à 12€ avec 15 raviolis tous faits maison à choisir parmi 11 sortes, avec ou sans viande, accompagnés d’une petite salade à choisir parmi 7 variétés dont la rafraîchissante et goûteuse aux poulpes. L’hiver étant là, foncez sur les soupes ! Essayer, c’est l’adopter. Ravioli Nord-Est : 115 bis rue Saint Denis, 75001 Paris

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2ème étoile pour Racine Ouvert en 2015 (dans un premier temps, rue Colbert, à Reims), le restaurant Racine s’est vu attribuer, fin janvier, sa deuxième étoile au Guide Michelin, après une première étoile décernée en 2017. Son chef, Kazuyuki Tanaka, y propose une cuisine complexe, proche de la nature et influencée par son pays d’origine, le Japon. Cette nouvelle étoile est l’occasion pour lui de repenser les menus (et leurs prix) et d’avoir recours plus largement encore, à des produits de très grande qualité pour composer ses plats. 6 place Godinot, 51100 Reims www.racine.re

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Charles Coulombeau, lauréat du Prix Taittinger Charles Coulombeau, le chef qui représentait l’Angleterre parmi les huit pays en lice lors du Taittinger, a remporté ce concours international dédié à la cuisine d’auteur, dont la finale s’est déroulée le 28 janvier. Le Tattinger a contribué à bâtir, depuis 1967, la réputation de chefs devenus aujourd’hui des figures majeures de la gastronomie. Pour répondre au thème de cette année, la coquille SaintJacques, les chefs ont dû prouver

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qu’ils étaient en mesure d’associer à une maîtrise technique de haut vol, un regard très créatif, laissant exprimer leur personnalité. Charles Coulombeau, chef du Gravetye Manor : Vowels Lane, West Hoathly, Sussex gravetyemanor.co.uk prixculinaire.taittinger.fr.

Pauser Un avant-goût de Scandinavie, le blanc est majoritaire avec quelques couleurs tranchées. Un sentiment de plénitude renforcé par l’accueil jovial des maîtres de maison. Au menu, de la fraîcheur en bouche, des produits croquants qui font craquer. Le Green bowling est parfait et le Bägel « De Luxe » est moelleux et goûteux. La halte parfaite pour bien manger sans se ruiner. Marcel & Jane 99 rue Gambetta, 51100 Reims

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S’enMarseiller Lire ce petit livre tout joli (comme tous ceux de la même collection) c’est respirer les calanques, entendre les cigales, découvrir en marchant le saphir de la Méditerranée. Sur papier bleu, les recettes sont écrites en argent comme la peau des poissons. Et, après tout, puisqu’il y a une bouillabaisse corse, pourquoi ne pas inventer celle du Nord ? « La Bouillabaisse, 10 façons de la préparer » par Emmanuel Perrodin aux éditions de l’Epure, 8€

Mûre La mûre est un délicieux fruit qui sonne la fin de l’été. Mûre est un restaurant de maraîcher pour les gourmands de produits frais. Chaque semaine la ferme située dans le sud-est de Paris livre la petite salle cosy dans le quartier de la Bourse. Arrivé après le coup de feu, ce midi ce sera soupe de rutabagas, salade de chou chinois, lentilles, carottes et persil. En dessert, un granola à la banane, acérola et acaï. J’ai manqué le risotto de légumes ou la quiche. Le tout est frais, le goût des légumes et des fruits à pleine bouche. Le créateur de ce projet, Arnaud Dalibot, navigue entre le jardin le week-end et l’animation du restaurant pour lequel il imagine les recettes en fonction des arrivages. 80% des légumes d’hiver viennent de la ferme, 100% en été plus quelques fruits exotiques en hiver pour étendre la palette des propositions. À vous les madeleines à la farine de châtaigne, yaourt maison, fondant chocolat au gingembre et citron confits. L’addition qui tue : 11,50€ les 2 bols salés et le dessert. Mûre : 6 rue St Marc, 75002 Paris / Mure-restaurant.com

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Déjeuner

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goût : PIERRE SOULAGES AU LOUVRE

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goût

EXPÉRIENCE DU REGARD P I E R R E S O U L AG E S AU L O U V R E

Pour Peinture 162x127cm, 14 avril 1979, vous êtes devant 5 grands coups de large brosse, les stries sont la marque des poils et, presqu’en haut, un large aplat horizontal. C’est sombre et enveloppant. Un pas à droite la noirceur est absolue. Au centre, les dizaines de rainures deviennent rythme. Asseyez-vous près de la fenêtre, le mouvement surgit. Un ressac (bien que ce mot soit trop naturaliste, il ne s’agirait pas, ici, de trivialiser cette expérience) renforcé par cet aplat et c’est une émotion supplémentaire. Comme dans le big bang originel, du noir naît la lumière, la nuit enfante le jour. Ce sont aussi des peintures qui résistent à la photographie, pourtant des centaines de visiteurs s’y essayent. Et toujours le même constat, « ça ne rend rien ». La photographie est impuissante devant de telles œuvres. Ou plutôt, la photographie est à une place différente, elle garde la trace du moment où vous étiez ce spectateur perdu devant tant d’évidence et de questions. La photographie devient un témoin lacunaire comme pour un spectacle vivant. Deux photos du même tableau ne peuvent en aucun cas se ressembler, chacune vous inscrit dans ce moment unique de votre propre expérience. Derrière ces grands remuements, il y a le geste, le geste sans cesse renouvelé de ce peintre explorant son sujet presque unique. © Collection Raphaël Gaillarde, dist. RMN-Grand Palais/Raphaël Gaillarde © RMN-Grand Palais-Gestion droit d’auteur pour Raphaël Gaillarde © ADAGP, Paris 2019 pour Pierre Soulages.

éambulation dans l’ample salon, les grands tableaux s’ordonnent sur de hauts murs neutres, ils s’opposent au plafond choucrouté. Une peinture en forme d’interrogation. Pas de sens apparent, on ne comprend pas et ne pas comprendre est la meilleure façon de s’interroger. Chaque tableau nous absorbe pour devenir un miroir de notre être, c’est une peinture de l’absorption. Il y a une évidence qui nait en nous, regardeurs, ces toiles sont d’hier, de maintenant et de demain, elles vont traverser le temps tel le parallélépipède de 2001, L’odyssée de l’espace. Aucun sens ne nous est donné, grandeur d’un travail hors norme qui nous engloutira. La puissance mystérieuse du minéral est là, partout. Les grands coups de brosse font varier le tableau au fur et à mesure de notre approche. Vous pouvez rester tanker, vous pouvez aussi vous déplacer, reculer, tourner, vous dresser sur la pointe des pieds. C’est une peinture qui vous invite au déplacement, qui pousse au travelling pour jouer avec la lumière. Les traits deviennent sillons, le moindre accroc, le moindre surplus de matière deviennent paysage, un espace qui appartient à la seule géographie de la toile. C’est une peinture des reflets. De loin, tel aplat se nuance, telles lignes creusées horizontalement deviennent gorges matiérées, une fissure diagonale devient un acier tranchant.

S o u l a g e s a u L o u v r e j u s q u ’a u 9 m a r s 2 0 2 0 / L o u v r e . f r é l é g a n t c ata l o g u e s o u s l a d i r e c t i o n d ’A l f r e d Pa q u e m e n t

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TEXTE jérôme descamps

Gallimard I Musée du Louvre. 35€

Hors-série Le 1, spécial Soulages au Louvre é t o n n a n t o b j e t d ’ é d i t i o n av e c n o ta m m e n t l e s t e x t e s p o l é m i q u e s s u r l ’a r t c o n t e m p o r a i n à pa r t i r d ’ u n e t r i b u n e pa r a d o x a l e de Claude Lévi-Strauss. 6,90€


RENCONTRE AVEC THIBAUD CRIVELLI F O N DAT E U R DE MAISON CRIVELLI

À

l’occasion de la sortie de « Papyrus Moléculaire », le dernier parfum de Maison Crivelli signé par le nez Leslie Girard, nous avons eu envie de vous en dire plus sur cette marque que nous avons déjà évoquée ici, dans un article consacré au luxe durable (« Durabilité, le nouveau luxe », Process #24). Le fondateur, Thibaud Crivelli, nous a ouvert les portes de son cheminement créatif où résonne, à chaque étape, son approche sensorielle du monde. L’occasion aussi pour nous, de comprendre un peu mieux l’univers de la parfumerie, aussi confidentiel que fantasmé.

10


goût : MAISON CRIVELLI

G

GOÛT

Peux-tu nous dire d'où vient ton expérience de la parfumerie et comment tu as développé les connaissances techniques ainsi que le vocabulaire propres à ce milieu ?

J’ai travaillé au préalable pour de grandes maisons de parfum sur des postes marketing et commerciaux mais ce n’est pas à ce moment là que j’ai développé mes connaissances olfactives. J’ai développé mes connaissances sur les matières premières de parfums via des expériences personnelles passées souvent sur le terrain, dans des plantations, dans des marchés. Je commence à avoir une connaissance plus technique car j’aborde désormais la matière en étant un peu plus dans les labos et en discutant avec les parfumeurs. Mon expérience sinon est plus brute et sensorielle, ce qui est très complémentaire de celle des parfumeurs. Qu’est-ce qui t’a amené à créer Maison Crivelli ?

J’ai toujours eu à cœur de créer ma maison de parfum, c’est un projet que j’ai en tête depuis très longtemps. Quand j’ai commencé à travailler sur le projet, je me suis donné comme objectif d’avoir une offre qui soit différente à tous points de vue, dont on puisse se souvenir. J’ai donc travaillé à toutes les étapes de création et à chaque point de l’offre sur l’idée de surprise, de contraste et de sensorialité puisque, selon moi,

TEXTE ambre allart    photographies benoît pelletier

ce sont des éléments fondamentaux pour que l’expérience vécue se transforme en souvenir : on marque les esprits, on laisse une empreinte, et le bouche-àoreille se fait. Comment as-tu traduit cette idée ?

D’abord avec le parfum : pour chaque parfum, je suis parti d’un moment vécu pendant lequel j’ai découvert une matière première de parfum de manière inattendue. Par exemple, la découverte d’une rose en bord de mer ; d’un bois de santal brulé sur un volcan en éruption ou un cocktail d’agrumes au piment que j’avais dégusté dans un marché très moite et tropical… Il y a toujours un moment très sensoriel au départ, et ça, c’est lié à mon type de vie car je mets toujours tous mes sens en éveil en même temps, c’est de la synesthésie. Mais ce sont aussi des moments vécus où il y a du contraste. Par exemple, « Bois Datchaï » a été imaginé à partir d’un moment où j’avais bu un thé épicé et mangé des baies sauvages donc il y avait un contraste gustatif original et c’est ce que l’on a retranscrit dans le parfum avec une association de matières premières contrastées qui donne une signature très moderne. Cette notion de surprise et de contraste se retrouve


à d’autres étapes du mix : avec les touches à parfumer où une photo apparaît lorsqu’on vaporise le parfum dessus ; avec le packaging bichrome ocre et blanc ainsi qu’au niveau des éléments du merchandising où l’on est sur une couleur ocre monochrome très impactante avec des contrastes de formes et de textures...

chose de très aérien, ou si je pense à un souvenir plutôt nocturne, quelque chose de plus sombre avec la fraîcheur du vent. Une fois que ton idée est posée et mise en images, que se passe-t-il ensuite ? Estce que tu rentres en contact avec les sociétés qui créent les parfums (ex : Robertet,

Pour en venir au cœur de ton processus créatif, comment imagines-tu un parfum ?

Givaudan, TechnicoFlor…) ou bien t’adresses-tu directement à des parfumeurs?

Je pars d’abord d’une matière première. C’est ma première intention. Pour une matière, je me plonge dans les souvenirs qui y sont liés. Comme je vois les choses sous l’angle des cinq sens, j’essaie de me remémorer les éléments sensoriels que j’avais vus, ressentis et surtout ceux qui m’avaient marqués. Je pense par exemple à des sons, des couleurs… J’essaie d’associer entre elles toutes les choses que mes sens ont perçues pour avoir le plus de complexité possible dans le parfum. Par exemple, cet été, j’ai voyagé dans les fjords, j’ai senti du cèdre, j’ai mangé des rouleaux à la cannelle, il y avait beaucoup de tourbe, de l’humidité, des vents marins, le son des églises dans les villages, de l’herbe sur les toits… Il y avait beaucoup de cascades, des murets en granit ou en ardoise, il y avait la langue locale… Tous ces éléments fusionnent pour créer l’expérience olfactive. Voilà l’inspiration que je retranscris ensuite dans des moodboards en images, en sons, en musiques. Je n’aime pas que les parfums soient inspirés de lieux car, ce qui me semble important, ce n’est pas tellement là où l’on est, mais la façon dont on vit l’instant mais cet exemple me permet d’illustrer la façon dont les souvenirs entrent en jeu.

Au début, le temps de prendre mes marques, j’allais d’abord voir une société de fabrication de parfums qui elle, en interne, mettait en compétition ses parfumeurs sur le brief que j’avais fourni. Maintenant ce n’est plus le cas. Je préfère travailler directement avec un parfumeur que je choisis, dont j’ai senti les créations, avec lequel je pense avoir un très bon contact, ce qui est hyper important pour moi. Derrière chaque parfum, il y a la beauté d’une rencontre, avec des personnalités différentes et des signatures différentes. Je transmets donc au parfumeur des éléments à la fois techniques, certaines notes que je veux retrouver et des éléments propres à mon imaginaire, en lui adressant notamment un moodboard. Il travaille ensuite dans ses labos sur différentes pistes pour traduire mon intention créative, avec des assistants et laborantins qui, eux, créent les formules. Pour certaines créations, je suis directement en contact avec le parfumeur, pour d’autres, je passe par des évaluateurs internes à la maison de parfum. Les évaluateurs retranscrivent le brief de la marque au parfumeur dans son langage. Ce sont des personnes qui ont fait une école de parfumerie. Ils sont à mi-chemin entre la création et le marketing.

En prenant en compte le fait que ta première intention est de partir d’une matière

Lorsque tu travailles avec un parfumeur, dois-tu nécessairement t’approvision-

première, on pourrait donc ici imaginer que ce parfum inspiré de ton voyage dans

ner en matières premières chez la société de fabrication de parfums à laquelle il

les fjords s’articulerait autour du cèdre par exemple ?

« appartient »?

Ça pourrait être le cèdre, la cannelle, la tourbe, ou peut-être le patchouli pour son côté très terreux, ou quelque chose d’humide… Ça pourrait être quelque

Oui, cependant chacune de ces sociétés a ses spécificités ce qui les amène souvent à s’approvisionner entre elles. Si je travaille avec un parfumeur relié à une société


GOÛT : MAISON CRIVELLI

en particulier, c’est à elle exclusivement que j’achète le concentré, bien que certaines matières premières puissent provenir d’autres sociétés. J’achète le concentré assemblé, maturé, avec toutes ses notes. J’achète en fait « la construction » et bien qu’un patchouli par exemple, d’une année sur l’autre, puisse provenir de sources différentes (en fonction des qualités, des prix, des aléas climatiques…), la société à laquelle je l’achète s’engage à me fournir un concentré de qualité constante avec un même rendu olfactif. Il peut y avoir un intérêt à se diriger vers un fabricant plutôt qu’un autre en fonction des programmes qu’ils mettent en place et de leurs spécificités. Par exemple, Accords et Parfums, basée à Grasse a remis en place des programmes de roses Centifolia… Je travaille avec cette maison pour l’un de mes parfums – « Rose Saltifolia » – car je voulais travailler cette variété de rose là en particulier.

juste de prendre un absolu de rose et de le mettre dans le parfum. On peut mettre un peu d’absolu mais on peut aussi jouer sur les facettes. Le travail d’un parfumeur revient donc à jouer sur les contrastes, l’équilibre et en même temps, à donner de la tenue et du sillage. Toutes les molécules interagissent dans le temps. Ce que l’on obtient à un instant T, on estime qu’il faut, selon les notes, à peu près deux ou trois semaines pour que le tout s’équilibre. C’est la phase de maturation. Et après, quand on met dans l’alcool, il y a également une phase de macération qui est souvent autour de deux ou trois semaines. Donc à chaque brief, ça prend du temps car dès que l’on fait un changement dans l’association de matières ou un changement dans le pourcentage, il faut attendre à nouveau au moins deux semaines pour que tout cela mature et que l’on puisse sentir un parfum qui soit équilibré, en condition presque pré-production.

Après avoir travaillé sur ton brief, les parfumeurs te proposent différentes pistes… Comment cela fonctionne ?

Ça paraît extrêmement complexe et très scientifique…

Les parfumeurs travaillent en général entre deux et quatre pistes mais c’est très variable. Pour les tester, j’évalue sur peau, sur touche à parfumer et sur tissu. On en rediscute, puis ils font des changements. En fait, un parfum c’est une association de matières premières donc on parle toujours des « notes de tête », des « notes de cœur », des « notes de fond » mais au final, toutes les matières interagissent entre elles car chaque matière première de parfum a énormément de facettes. Par exemple, pour la rose, on a des notes qui sont communes au géranium, au jasmin ainsi qu’à la citronnelle. Si on associe ces notes là entre elles, on va, en quelque sorte, dupliquer les molécules olfactives qu’il y a en commun. On peut décider d’isoler en labo une facette de la rose pour la mettre en avant plutôt qu’une autre. C’est pour ça que l’on peut « travailler une note ». Il ne s’agit pas

Oui, les parfumeurs sont à la fois des chimistes et des artistes. Ils se forment souvent auprès de « maîtres » en labo ou dans des sociétés de fabrication de parfums avant d’acquérir leur propre signature. Ce n’est pas parce qu’on est diplômé que l’on est un grand parfumeur, c’est quelque chose qui s’apprend dans le temps. La signature d’un parfumeur varie selon son expérience, sa personnalité et il peut avoir, tout comme un artiste, des « périodes ». Lorsqu’un parfumeur te propose des pistes, arrive-t-il que tu valides l’une de ces pistes alors qu’elle diffère fortement de ton idée de départ ?

Oui, je peux être surpris par le parfum mais c’est une bonne chose. Ce qui est important en revanche, c’est que je retrouve ce que je souhaite partager. J’essaie de


GOÛT : MAISON CRIVELLI

retrouver une sensation, pas simplement une odeur car autrement, cela voudrait dire que je réduis le parfum à une matière. Ce qui n’est pas le cas. Par exemple, « Rose Saltifolia », c’était une découverte d’un champs de roses en bord de mer. Donc oui, il y avait l’odeur de la fleur mais il y avait aussi l’odeur de l’iode. J’avais bu ce jour là un jus d’orange sanguine, j’avais senti du romarin… C’est tout ça, en fait, que l’on retrouve dans le parfum. Le résultat ce n’est pas juste : « j’ai senti une rose ». Mais c’est la combinaison de la rose, de l’iode, du romarin, de l’orange sanguine… L’important est-il de retrouver la sensation que tu as vécue ou une sensation quelle qu’elle soit ?

Pour des questions de légitimité, ça me semble important que je retrouve la sensation que j’ai vécue mais avec l’idée de pouvoir la partager pour pouvoir faire vivre à chacun sa propre sensation. Car chaque personne fait une expérience différente du parfum. Et d’une personne à l’autre, on ne ressent pas forcément les mêmes facettes. Si moi je ressens beaucoup dans « Rose Saltifolia » la note hespéridée, certaines personnes vont rentrer par la rose, d’autres personnes vont rentrer par la note iodée voire par la note épicée qui est apportée par la touche de baies roses. Il me semble que le parfum, pour le créateur comme pour le client, relève en quelque sorte d’une quête introspective. Pour le créateur, comme toi, cette quête consiste à relever le défi de matérialiser son imaginaire, ses émotions ; pour le client, ce serait plutôt comprendre ce qui résonne en lui dans un parfum.

Exactement. En fait je crois qu’on aime toujours un parfum pour des raisons personnelles. De facto, je crois que le parfum joue beaucoup sur l’intime, l’émotionnel, qu’il ne joue pas sur l’image que l’on donne en société mais sur l’image que l’on pense donner à la société. Donc finalement, c’est très introspectif. Ce côté intime, introspectif se ressent dans l’identité visuelle de Maison Crivelli. Je pense notamment à l’Instagram de la marque…

Oui, j’ai souhaité travailler davantage sur l’intime que sur la mise en avant de soi, donc pas d’égérie. Il est parfois compliqué de mettre au point l’univers visuel d’un parfum. Par exemple, celui de « Papyrus Moléculaire » était un vrai challenge puisque le parfum partait d’une découverte de poudre de papyrus. J’étais avec des femmes tatouées qui fumaient des petits cigares. Il y avait donc ce côté poudré, féminin, et en même temps un peu rebelle, masculin avec le tabac et le papyrus, tout ça est mélangé. J’avais bu au petit déjeuner une soupe à base de coriandre et de carottes, donc on a utilisé la coriandre et la carotte dans le parfum. Retranscrire ça en photo ce n’est pas évident. Je ne voulais pas tomber dans un angle un peu ethnique, très premier degré, qui ne convient pas du tout. C’est pour ça qu’on est plus sur ce genre de communication, avec des choses

assez subtiles qui évoquent les cinq sens, sur de la matière, sur des mélanges de féminin, de masculin… De qui t’entoures-tu pour ce travail d’image ?

Parmi les photos que je poste, certaines m’appartiennent, certaines viennent de comptes de photographes que j’ai découverts sur Instagram et dont j’aime beaucoup l’approche créative. Par exemple, j’aime énormément le travail de Laurent Castellani, ou les photographies aériennes de Tom Hegen. Il y a Cody Cobb aussi, avec qui je suis en contact. C’est très beau, tout en contraste et simplicité. Donc, tous ces photographes, je peux les contacter pour simplement leur demander d’utiliser leurs photos ou bien, pour qu’ils en fassent spécialement pour Maison Crivelli. J’ai par exemple travaillé avec Camille Brasselet, une très jeune photographe qui vient de sortir de l’école de Condé. Je travaille aussi avec Eléonore Mehl (Tamos Photographie), pour les photos de packs institutionnelles ou ambiance. Maintenant que nous en savons davantage sur la façon dont sont conçus tes parfums, pourrais-tu nous raconter l’idée créative qu’il y a derrière le dernier parfum de la maison, « Papyrus Moléculaire », et la façon dont cette idée, techniquement, a pu être mise en œuvre.

Je suis partie d’une matière première à l’état brut : la poudre de racine de papyrus. Lorsque que j’ai découvert cette matière, j’étais avec des femmes tatouées et maquillées, qui fumaient de petits cigares. Il y avait donc une ambiance assez intime, féminine et en même temps un côté un peu rebelle, rustre, très terrien. La note de papyrus qui est plutôt chaude, boisée, fumée, nous avons décidé de la travailler de façon beaucoup plus transparente, poudrée (pour le côté féminin) et en contraste. J’ai appelé le parfum « Papyrus Moléculaire » pour évoquer cette idée de la poudre et aussi parce qu’on a vraiment associé des matières premières comme si c’était un puzzle. Je fais référence à ce que j’ai dit plus tôt, quand les matières s’associent entre elles. Donc on a travaillé autour du papyrus, on l’a contrasté avec de l’amyris qui est un bois plutôt rond, qui a une facette un peu poudrée. On a voulu que cet accord ait une tête croquante, donc on a utilisé la coriandre et la carotte pour un coté croquant et poudré qui fait le lien avec le bois. On a prolongé et renforcé le côté épicé du papyrus avec du poivre noir et on a complété tout ça avec de la fève tonka, du tabac et de l’encens. L’encens va venir prolonger le poivre tandis que la fève tonka, avec son côté amandé, va renforcer la rondeur du bois. Avec le tabac, on va également prolonger le côté boisé grâce à une facette cette fois-ci plutôt foin. C’est donc finalement un parfum boisé, poudré et épicé autour d’une matière que l’on connaît peu en parfumerie. Cette matière étant habituellement chaude et fumée, nous avons voulu la travailler dans une facette croquante et plus fraîche pour y apporter la complexité et le contraste essentiels dans la signature de Maison Crivelli.

maisoncrivelli.com i n s ta g r a m . c o m / m a i s o n c r i v e l l i Maison Crivelli à retrouver au Bon Marché Rive Gauche 2 4 r u e d e S è v r e s , 7 5 0 0 6 Pa r i s

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PHOTO ©BENOITPELLETIER.PHOTO WWW.BELLERIPE.FR CRÉATION / CONCEPTION

51 rue de Talleyrand - 51100 Reims

03 26 47 49 85

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© dr

LLOYD COLE

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Accompagné de ses vieux compères Neil Clark et Blair Cowan, Lloyd Cole livre Guesswork un surprenant nouvel album de synthpop. Beaucoup ont encore en tête Foreign Language sorti en 2003, qui fut l’une des plus belles réussites en solo de Mister Cole. Particulièrement réussi, ce nouvel album, bien que déroutant par le virage électronique de l’ancien leader des Commotions pourrait devenir un classique dans la décennie qui s’ouvre.

Du rap dans les cités, de l’électro dans les clubs, du classique au Château de Versailles, ce serait un peu trop convenu, ennuyeux, voire même ringard. L’établissement du Château de Versailles a compris qu’il fallait s’extirper des carcans et des vieilles habitudes afin de dépoussiérer la demeure de la cour du Roi Soleil vieille de 337 ans. Après avoir ouvert ses espaces à l’art contemporain, avec une spectaculaire installation d’Anish Kapoor il y a quelques années, le château accueille depuis l’été dernier la musique la plus

actu

musique

contemporaine. Ainsi, le label Ed Banger organise le 23 mai 2020 une soirée électro bousculant les codes en guise d’hommage à l’épicentre de la French Touch, née en partie ici il y a près de 3 décennies, tout en perpétuant l’esprit de grandes fêtes du Château de Versailles. Au programme, du champagne, un décor enchanteur, Justice en tête d’affiche, Kittin et l’Impératrice en majesté. Pour accéder à la fête, il faudra débourser entre 40 et 250 euros. Vive la décadence !

MARTHA HIGH & THE ITALIAN ROYAL FAMILY

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Martha High, c’est la reine de la soul music qui a accompagné James Brown pendant plus de trois décennies. La contribution de Martha High au développement de la musique soul est incontestable. C'est lors d'un concours qu'elle fut découverte par Bo Diddley. Quelques années plus tard elle enregistre avec son groupe et l’aide de George Clinton le hit national Opportunity. 1965 marquera sa rencontre avec James Brown venu assister à un de ses concerts. Elle ne quittera plus le parrain de la soul durant 32 ans. C’est fin janvier 2020 que sortira Nothing's Going Wrong le nouvel album de Martha High, inspiré par les disques de Marvin Gaye, James Brown et Curtis Mayfield du milieu des 70’s prenant position en faveur de l'égalité des cultures minoritaires aux Etats- Unis.

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Le jazz, comme les autres musiques, connaît aujourd’hui une explosion de ses limites esthétiques le faisant sortir de son unique prisme patrimonial, l’attachement aux codes n’étant plus sa principale raison d’être. Antoine Berjeaut (trompette), Makaya McCraven (batterie), Junius Paul (basse) et Julien Lourau (saxophone) sont de ceux qui contribuent à construire le jazz d’aujourd’hui. Rassemblés en compagnie de Arnaud Roulin (synthés), Guillaume Magne (guitare), Matt Gold (guitare) et Lorenzo Bianchi Hoesch (électronique) sur l’album Moving Cities, ils ont organisé des sessions d’écriture, d’improvisation et d’enregistrement lors de leurs différents concerts destinées à capter l’énergie et les idées développées sur le vif, sur la base d’un matériau composé en amont par Antoine Berjeaut et Makaya McCraven. C’est cette matière sonore que Makaya remixe, échantillonne et recompose ensuite en mélangeant hors cadre jazz moderne, musique électronique et post-rock.

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ZIMMER

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Depuis Laurent Garnier, Daft Punk et la célèbre French Touch, plusieurs générations d’artistes électroniques français se sont succédées, mariant l’exigence musicale, le succès public, l’énergie du dancefloor et captivant l’auditoire jusqu’à l’étranger. Repéré dès 2014, Zimmer s’inscrit tout d’abord dans une mouvance Nu Disco aux couleurs planantes et au tempo tranquille tout en s’essayant à la fusion entre house et pop. Avec son 1er album éponyme sorti fin 2019, destiné à la fois au dancefloor comme à l’écoute en solitaire, il assume plus pleinement son inspiration techno tout en explorant sur 3 titres un univers pop synthétique et gracile qui lui était inédit.

© julie michelet

© julien paillot

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Justice royale

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ANTOINE BERJEAUT

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musique : oktober lieber

A

arts

Oktober Lieber est né de la rencontre entre Marion Camy-Palou

oktober lieber

(Deeat Palace) et Charlotte Boisselier (Ambeyance). C’est aussi celle du post-punk et de l’électronique sur le dance-floor. À coup de rythmes martiaux et de synthétiseurs analogiques déchirés, d’électronique vintage et de séquences mélodiques, les deux Parisiennes élaborent des morceaux sauvages aux ambiances synthwave et aux beats répétitifs, saccadés et entêtants. Après un premier album intitulé In Human, une release party au Petit Bain à Paris à l’automne 2018 et une résidence à L’Autre Canal à Nancy, le duo a fait le tour des scènes branchées, amenant avec lui sa musique mêlant Kraftwerk, l’italo-disco et la musique industrielle. C’est lors de la dernière édition du festival du Cabaret Vert que Process magazine a échangé avec Oktober Lieber, en mode minimal wave. Comment est né Oktober Lieber ?

© vincent ducard

Marion : On travaillait déjà ensemble sur d’autres projets, notamment au sein d’un groupe de pop expérimentale avec deux autres potes, ou sur des projets de théâtre dans lesquels Charlotte intervenait en tant que musicienne et technicienne. Et puis, j’ai été invitée pour faire un concert sur la base de compositions minimal wave lors d’un week-end techno et j’ai demandé à Charlotte de m’aider à remixer les morceaux pour que le son soit beaucoup plus « club ». Ce fut donc le premier concert qu’on a fait toutes les deux, un peu sur le fil. On a ensuite renouvelé cette formule en commençant à composer à deux. On nous a alors tout de suite proposé une date et on a cherché un nom pour notre duo. Comme on commençait à travailler sur des sons un peu froids et techno, on a voulu faire un clin d’œil à la scène allemande et au morceau October love song de Chris and Cosey (1982). Oktober Lieber était né ! Quelles sont vos influences majeures ?

Marion : Pour moi c’est le punk du CBGB de la fin des 70’s (The Clash, Blondie, Ramones), le post punk (Joy Division), puis la no wave, la musique industrielle, et la musique électronique au bout de tout ça. Charlotte : Pour moi c’est d’abord la pop et les approches électroniques de cette musique avec des artistes comme Madonna ou Björk qui se sont entourées de producteurs et qui ont hybridé la pop avec des sons synthétiques, et la new wave des 80’s. Notre musique est faite d’hybridations de toutes nos influences et c’est l’esthétique techno et électro indus qui ressort, même si le rock est toujours en arrière-plan. On a des sonorités new wave avec les nappes de synthés, mais on a durci la rythmique. Dans la musique électronique on est plus proche du courant rock que du courant disco. Quelle est votre méthode de travail pour vos compositions ?

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TEXTE alexis jama-bieri

Charlotte : On part souvent d’une ligne de basse, mais aussi d’un rythme, d’un synthétiseur ou d’une simple idée. Marion : On utilise autant l’ordinateur que les synthétiseurs, c’est un peu un travail de Nerd. Nos morceaux ont une durée moyenne de cinq minutes, mais on les étire au maximum sur scène. Du coup, ça nous a donné envie de composer des morceaux déjà plus longs dès le départ. On a ainsi un nouveau morceau qui a une durée de dix minutes.

Soundcloud.com/oktoberlieber i n s ta g r a m . c o m / o k t o b e r _ l i e b e r


B musique : bagarre

Vous

définissez-vous

comme

un

groupe ou comme un collectif allant au-delà de la musique ?

M

musique

À la fois groupe et collectif, on est tant dans la réalisation concrète que dans le concept. On s’est rencontrés à Paris il y a un peu moins de dix ans. C’était une grande période ! On venait d’un peu partout : Paris, banlieue parisienne et province, et on débutait nos études. Comme on sortait beaucoup, notamment au Social club et qu’on avait des connaissances communes, on s’est croisés régulièrement pour faire la fête. On s’est rapidement rendus compte qu’on avait de nombreuses affinités musicales, et comme on s’ennuyait un peu on a eu envie de développer un projet ensemble ! Pour vous, cette « grande période » se caractérisait comment ?

On s’est rencontrés à un moment où les gens ne sortaient plus pour ALLER en club mais pour suivre des gens qui organisaient des soirées, comme le collectif « Fils de Vénus ». C’est à cette époque-là que plein de nouvelles musiques sont entrées dans les clubs et se sont métissées. Ce n’était plus l’hégémonie de la techno comme à la grande époque du Rex et du Social club. Plusieurs collectifs avaient donc pu avoir une résidence en club, particulièrement au Social club. Parallèlement, plein de petits clubs, de bars un

peu « underground » comme le Club 56, et autres lieux alternatifs dans des entrepôts, se sont développés à Paris et en proche banlieue. On ressent dans vos titres de multiples influences. Comment travaillez-vous

tous ensemble pour les mettre en cohérence ?

On a besoin d’être tous ensemble pour composer, même s’il y a beaucoup de morceaux qui partent d’initiatives individuelles. On a besoin que l’énergie soit collective, donc pour composer on se retrouve tous dans une maison. Tout part du morceau en lui-même et de celui qui le porte, sans processus précis. Les thématiques sont assez personnelles, chacun apporte sa propre histoire et ce qu’il a envie de dire puis tout le groupe se met derrière cette idée là et à son service pour essayer de la pousser le plus loin. On pourrait dire que tout débute de l’idée « de se baigner dans la même eau » avec nos diverses capacités, certains sachant plutôt écrire, d’autres sachant plutôt jouer d’un instrument ou faire de la production. On crée beaucoup de playlists de musique avec tous les sons qui nous plaisent et nous influencent. L'avènement des plateformes musicales telles que Soundcloud ont en effet joué un grand rôle dans nos diverses influences au moment de la création de notre groupe : toutes les musiques étaient désormais à disposition et se mélangeaient un peu naturellement.

Il y avait des genres musicaux qui se succédaient rapidement en club. Par exemple, quand le Baile funk est arrivé au Social club, plein de productions, que personne n’avait entendues, sont arrivées du Brésil, et à ce moment-là des sons qui appartenaient à un style particulier se sont très rapidement retrouvés, en deux mois, dans un autre style et ainsi de suite. Cette capacité de mélange a fortement marqué la musique de notre époque et notre propre musique. Quel est votre rapport à la scène musicale française actuelle ?

Certains groupes sont nos amis, on est inspirés par les mêmes choses qu’eux mais pas forcément par eux. On n’a donc pas spécialement de lien musical direct sauf avec ceux avec qui on fait des collaborations ponctuelles comme par exemple Vladimir Cauchemar. Vous préférez plutôt jouer dans les petits clubs ou les gros festivals ?

Peu importe où nous jouons, le tout c’est de créer une énergie particulière, une magie, une communion avec le public par la sueur, de créer LE moment du club ou du festival, même si le public d’un club n’a rien à voir avec le public d’un festival, la démarche et la temporalité étant très différentes.

noussommesbagarre.com i n s ta g r a m . c o m / _ b a g a r r e

Bagarre

Ayant ses quartiers à Paris, Bagarre est un groupe de musique mêlant à la fois le clubbing, la chanson française et la pop, fondé en 2013 et composé de cinq membres répondant aux pseudos de Maître Clap, Emmaï Dee, La Bête, Mus et Majnoun. Dans la continuité de la sortie de leur premier album Club 12345,

les cinq ont foulé de nombreuses scènes, enflammant les festivals d’été. Nous les avions rencontrés au milieu des herbes sauvages, lors de la dernière édition du festival La Magnifique Society à Reims, avant de les revoir quelques semaines plus tard sur la scène du festival Rock en Seine.

TEXTE alexis jama-bieri



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arts

© dr

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www.sinople.paris

© A. girardi pour sinople

@museeorsay @jeanphilippedelhomme

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@catherine_meurisse

Cette année est l’année de la bande dessinée. Organisée par le Ministère de la Culture, « BD 2020 » propose en France et à l’international, tout un tas de manifestions autour du 9ème art.

les lundis à 17h, une illustration de Jean-Philippe Delhomme, mettant en scène les artistes de sa collection (Degas, Manet, Odilon Redon…) comme s’ils vivaient à l’heure des réseaux sociaux. L’idée est ici de « rendre plus proches ces artistes de la seconde moitié du XIXe siècle en les inscrivant dans des interactions d'aujourd'hui ».

Galerie Sinople, la délicatesse

… la bande-dessinée Delacroix de Catherine Meurisse (éd.Dargaud). L’illustratrice nous propose une adaptation toute personnelle et haute en couleurs d’un texte original d’Alexandre Dumas, retraçant les souvenirs qui ont marqué son amitié avec Eugène Delacroix. En agrémentant ce récit de commentaires, de dessins et de peintures, Catherine Meurisse a souhaité en faire « une fête pour l’œil et pour l'esprit ».

BD 2020

actu

La Fab. : Place Jean-Michel Basquiat, 75013 Paris. Ouvert du mardi au samedi de 11h à 19h - www.la-fab.com @la_fab_officiel

Sinople est une jeune galerie d’art en ligne qui investit temporairement des lieux culturels pour y exposer ses collections, axées sur la matière et les savoir-faire. La première collection Collectible Nature Act. 1, fait dialoguer des œuvres et des objets sensibles restituant – dans divers médiums – l’esprit, les formes ou les phénomènes de la nature. Une nouvelle exposition autour de la notion de paysages abstraits et intérieurs, qui s’inscrira dans le prolongement de la première, est actuellement en préparation. Veillez au grain et en attendant, vous pouvez suivre la galerie sur Instagram : @sinople.paris

© Jace Lumley

Le musée d'Orsay accueille pour la première fois, un artiste en résidence virtuelle sur son compte Instagram. Naturellement, le musée s’est tourné vers Jean-Philippe Delhomme qui a publié l’an dernier l’ouvrage « Artist’ Instagram » regroupant des dessins où il s’est imaginé ce que pourraient être les comptes Instagram des grands artistes qui ne sont plus de ce monde. Pendant un an, le musée d’Orsay postera donc tous

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Envie de s’offrir…

Le programme est à retrouver sur bd2020.culture.gouv.fr

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The Trap de Vincent Desailly Le photographe Vincent Desailly propose dans son livre sorti en novembre dernier, une plongée intime dans l’atmosphère d’Atlanta (Géorgie), capitale de la trap music. Ce recueil de photographies documente les scènes de vie quotidienne, entre images des quartiers, des artistes, des strip clubs, des armes, des dealers et de l’ennui… un univers brut qui s’adoucit grâce à la faculté qu’a eue Vincent Desailly à en extraire l’essence poétique. The Trap (éd. Hatje Cantz), disponible ici > librairie sans titre ; Ofr. Paris ; Centre Commercial ; Librairie du Palais de Tokyo / @vincentdesailly

© Vincent desailly

Agnès Troublé, plus connue sous le nom d’Agnès b., vient d’ouvrir un nouveau lieu pour y exposer sa collection d’art contemporain. Situé dans le 13ème arrondissement de Paris, non loin de la bibliothèque François Mitterrand, cet espace de 1400m2, dessiné par l’architecte Augustin Rosenstiehl, regroupe plus de 5000 œuvres. Mais la Fab. n’est pas seulement un écrin pour l’art contemporain puisqu’elle présente également les actions solidaires et environnementales menées grâce au fonds de dotation Agnès b., notamment les expéditions scientifiques de la Fondation Tara Océan qui étudie l’impact de l’activité humaine sur les océans.

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Jean-Philippe Delhomme x Musée d’Orsay

© dr

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La « Fab. » d’Agnès b.

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arts : HASSAN HAJJAJ

HH HASSAN HAJJAJ

Du pop- art maroco - circassien au M an è ge , sc è ne nationale R eims

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arts

Le printemps s’annonce particulièrement chaud et coloré sur les murs du Manège qui expose à partir du 11 mars les photographies d’Hassan Hajjaj, icône du pop-art maghrébin, consacrées aux artistes du Groupe Acrobatique de Tanger à l’occasion de leur passage sur la scène rémoise.

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photographies comme autant de tableaux pop-kitsch aux couleurs explosives qui magnifient une jeunesse virevoltante, symbole d’un Maroc qui surfe entre traditions et cultures du village planétaire. Un riad comme studio de prises de vues, des caisses de soda écarlates en fond, des babouches et des baskets de marque, des tapis et des vinyles fluos : tout un univers bigarré agencé par Hassan Hajjaj pour fixer sur papier glacé les acroba-



arts : HASSAN HAJJAJ

ties, les poses hip-hop ou encore, les pyramides humaines des jeunes circassiens de la troupe tangéroise. Hassan Hajjaj c’est une sorte d’enfant spirituel d’Andy Warhol (Rachid Taha le surnommait « Andy Wahloo ») et de Pierre et Gilles qui seraient devenus accros au thé à la menthe et aux tapis orientaux. À 58 ans, l’artiste photographe qui vit entre Londres et Marrakech, exerce aussi ses talents dans la mode ou la décoration pour construire un pont multicolore, chaleureux mais néanmoins critique entre les lumières éclatantes et l’indolence d’Afrique du Nord et les méandres du consumérisme branché occidental. Car sous cette iconographie réjouissante et acidulée, Hassan Hajjaj interroge la société de consommation, la mondialisation, le sort du Tiers-monde et le postcolonialisme comme lorsqu’il créé sur un mur du quartier hype londonien de Shoreditch, une fresque représentant le visage d’une femme voilée d’un foulard Louis Vuitton. Réveille-toi !

Arrivé ado avec ses parents immigrés dans la capitale britannique, Hassan découvre la culture hip-hop qui lui permettra d’échapper au destin précaire que promet aux jeunes déracinés la crise économique et le chômage de masse des années Thatcher. Entre deux petits boulots, le jeune homme écume les clubs londoniens plus ou moins clandestins, découvre le street-art et fonde son label RAP (Real Artistic People) dédié aux fringues recyclées à la mode hip-hop. Puis, il commence la photographie en même temps qu’il retape un grand riad à Marrakech qui deviendra son atelier. C’est là qu’il réalise notamment le portrait de Madonna en tenue berbère ou encore, celui de la rappeuse Cardi B. Et ce même riad a servi de décor pour une partie des images qui accompagnent FIQ ! (Réveille-toi !), le nouveau spectacle du Groupe Acrobatique de Tanger dont la mise en scène a été confiée à la « circographe » Maroussia Diaz Verbèke, étoile montante du nouveau cirque. « Avec Sanae (Sanae El Kamouni, la directrice du Groupe) nous avons exploré les différents courants artistiques marocains contemporains et quand j’ai découvert le travail d’Hassan Hajjaj,

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ARTS : HASSAN HAJJAJ

j’ai vraiment flashé. Son approche de la couleur, le foisonnement d’objets dans ses œuvres, sa légèreté, sa vitalité, tous ces éléments collaient parfaitement à l’univers du cirque, explique Maroussia. Nous l’avons rencontré à Londres et il a accepté de créer la scénographie et les costumes. L’idée d’un shooting photo est venue dans la continuité de ce projet. » Comme sur les images, le public peut s’attendre à une explosion de couleurs et d’acrobaties aussi pétillantes et joyeuses que les costumes et les décors flashy créés également par Hassan Hajjaj. Sur scène 14 artistes, 5 femmes et 9 hommes, issus de la culture circassienne classique comme des danses urbaines, incarnent le renouveau de cette troupe tangéroise connue depuis 2004 pour ses époustouflantes pyramides humaines. Un spectacle qui se veut résolument optimiste sur l’apport mutuel de cultures artistiques variées, une euphorie de babouches et d’équilibres tournoyant sur la tête, rythmée par les scratch de DJ Key, pionnier du DJing marocain.

F I Q   ! ( R E V E I L L E _ T O I   ! ) R e p r é s e n tat i o n s l e 1 3 m a r s à 1 9 h 3 0 , le 14 mars à 18h30 et le 15 mars à 15h30 E x p o s i t i o n p h o t o d ’ H a s s a n H a jj a j : d u 1 1 a u 2 8 m a r s M a n è g e , s c è n e n at i o n a l e – R e i m s 2 bd du Général Leclerc, 51100 Reims manege-reims.eu

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TEXTE Jules Février


Le rire de

DÉC

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SEP

2020

Du mardi au samedi de 14 h à 18 h 68 rue Léon Bourgeois T 03 26 69 98 21 M duduchotheque.cabu@chalonsenchampagne.fr W chalonsenchampagne.fr

Tous les dessins Cabu : © V. Cabut

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EXPOSITION


arts : ronald martinez

RONALD MARTINEZ La lumière   à fleur de peau

Tableaux ou photographies ? La question se pose devant   les images saisissantes de Ronald Martinez, qui évoquent immédiatement la puissance picturale des grands maîtres de la Renaissance. l'artiste, qui se définit lui-même comme « un photographe qui peint avec la lumière », repousse   les frontières de la photo dans ses Nus divins où l’utilisation dramatique de la lumière fait rayonner la dimension sacrée des corps.



_Nu Divin n°23 © Ronald Martinez

_Vue de couverture, Nu Divin n°25 © Ronald Martinez


_Nu Divin n°6 © Ronald Martinez

_Omnia Vanitas n°1 © Ronald Martinez

_Nu Divin n°20 © Ronald Martinez


_Nu Divin n°9 © Ronald Martinez



_Nu Divin n°10 © Ronald Martinez

_Nu Divin n°1 © Ronald Martinez

_Vierge et l’enfant © Ronald Martinez


_Nu Divin n°7 © Ronald Martinez


_Nu Divin n°22 © Ronald Martinez


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_Omnia Vanitas n°7 © Ronald Martinez

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hotographe depuis plus de 20 ans, Ronald Martinez a fait ses débuts au Midi Libre avant d’ouvrir son propre studio à Paris. Armé de son Nikon, il travaille en collaboration avec des agences de mannequins, des comédiens, mais aussi avec des cinéastes comme Agnès Varda ou Mathieu Demy pour qui il réalise, notamment, les clichés de l’affiche du film « Americano ». À partir de 2011, il commence à travailler sur la technique du clair-obscur. Passionné par la peinture de la Renaissance, il puise son inspiration dans les œuvres du Caravage, de Velásquez, de Michel Ange ou encore de Vermeer et d'Ingres. « Contrairement à la plupart des photographes, je travaille dans l’ombre » confie Ronald.

Une dimension métaphysique

Obsédé par le beau et par une forme de transcendance, il approfondit ses recherches autour de la lumière pour sculpter les contours des corps et sublimer les carnations, dans des œuvres épurées où la frontière entre peinture et photographie devient perméable. Aucune retouche informatique dans ce travail. Séduit par ces premiers nus, le galeriste Maurizio Nobile l’invite à poursuivre ses recherches dans son studio photo à Bologne, la ville du Caravage, où Ronald écume les églises et s’imprègne de scènes religieuses du Quattrocento. Nulle reconstitution pourtant dans les œuvres qu’il produit, mais une réinvention de la peinture avec le langage de la photographie qui tend vers l’universel, l’intemporel. Si l'on reconnaît certains thèmes comme la Pietà (n°9) ou le Christ (n°10 et 11), il s’agit davantage de mémoire « sensorielle ». L’éclairage, comme le

couteau du désir, sculpte le sujet sur un fond noir qui le plonge dans un vide abyssal. Chaque image nous renvoie à notre propre solitude, illustre l’aspect transitoire de la vie, le vide de l’existence, la mort inéluctable… Une part sombre qu’assume entièrement le photographe. « L’homme arrive sur cette Terre nu et repart nu. La nudité à travers mes œuvres est sans artifice et renvoie à une dimension métaphysique. » Cette première série, intitulée Nus Divins : Hommage à la Peinture Italienne, est mise sur le marché de l’art en 2013 à l’occasion de l’Arte Fiera de Bologne et rencontre un succès immédiat. Représenté par la galerie Maurizio Nobile à Bologne et à Paris et par 29 Arts in Progress à Londres et Milan, Ronald Martinez est présent dans de nombreuses collections privées internationales. Une reconnaissance qui l’amène à poursuivre sa recherche artistique sur le chiaroscuro. En 2015, il dévoile sa seconde série de Nus Divins, Du Rêve à l’inéluctable, où il sublime plus que jamais la beauté des corps dans son style si distinctif. Lauréat du concours Codice Mia à la Mia Fair de Milan, il signe la même année la couverture de l’album Kalthoum du trompettiste Ibrahim Maalouf avec son Nu Divin n°13, et voit sa cote s’envoler autour de 8000€ lors de la vente aux enchères chez Cornette de Saint-Cyr. Après une série à part, Omnia Vanitas, où il confronte sa lumière à la thématique des vanités dans un esprit très caravagesque toujours, Ronald Martinez approfondit aujourd’hui sa réflexion sur le nu dans une nouvelle série qui met en scène, pour la première fois, des couples. « Mon idéal est d’aller progressivement vers les grandes fresques de la Renaissance, comme La Cène de Léonard de Vinci » dit-il. Pour l’heure, avec un récent solo show à Legano en Italie, une exposition dans la collection privée de Pierre Passebon à la Villa Noailles et un nouveau projet de livre regroupant ses cent plus beaux Nus Divins, Ronald Martinez continue d’explorer le beau, entre ombre et lumière…

ronaldmartinezartphoto.com Exposition des œuvres de Ronald Martinez à la galerie Maurizio Nobile 3 4 r u e d e P e n t h i è v r e , 7 5 0 0 8 Pa r i s - m au r i z i o n o b i l e . c o m

TEXTE ANNE DE LA GIRAUDIèRE


© grégory copitet

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Stephen Felton au Frac Champagne-Ardenne L e jeu de l’amour et du hasard

« Everyone’s life is a love story ». La vie de chacun est une histoire d’amour aux yeux de Stephen Felton. Peintre américain basé à Brooklyn, cet amoureux des histoires d’amour fait le voyage jusqu’au Frac Champagne-Ardenne pour nous narrer son récit pictural.

Dans un langage entre pictogrammes et rébus, il expose du 20 mars au 31 mai sa version du sempiternel « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ». Une exposition pensée comme un show par un artiste qui joue sur tous les tableaux.


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e hasard est bien fait. C’est lors d’une rencontre au Centre Pompidou Metz que Marie Griffay, directrice du Frac Champagne-Ardenne, fait la connaissance de Stephen Felton. Présent à l’occasion de l’exposition Peindre la Nuit à laquelle il participe, il donne au commissaire de l’événement Jean-Marie Gallais l’opportunité de faire les présentations. Si Marie Griffay est tout d’abord séduite par sa démarche singulière, très spontanée, à main levée entre décontraction et concentration, ainsi qu’à ses formes épurées à l’extrême, c’est finalement le Frac lui-même qui va les réunir. Depuis plusieurs années, Stephen Felton nourrit l’idée d’une exposition, un remake d’une histoire d’amour qui serait la synthèse de toutes les histoires d’amour. Un spectacle en deux actes qui s’inscrit à la perfection dans l’architecture du lieu. C’est le début d’une idylle.

" I think everything is everything "

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TEXTE Marie-Charlotte Burat

Ici une vague, là un oiseau, des poissons, une baleine et là une porte puis un rayon de lune, le tout sur fond écru la plupart du temps et d’une couleur unie, avec une préférence tout de même pour les couleurs douces et primaires. Les peintures de Stephen Felton fonctionnent comme des symboles, des pictogrammes simplifiés au possible mêlant formes géométriques et tracés approximatifs. On se croirait devant un tableau d’écolier avec ce jargon juvénile et ces couleurs comme sorties d’une boîte de Crayola. Un alphabet ludique, basé sur l’évocation, l’imaginaire collectif et les représentations schématisées qui le rendent universel. On est dans le domaine du concept, le mouvement devient une flèche, la lumière un trait, et par métonymie une silhouette suffit à identifier un animal, une expression ou une émotion. Ses toiles sous-entendent au premier regard une gestuelle très libre et impulsive, presque irréfléchie. Une fois face au châssis, c’est son instinct qui mène la danse. « Je pense à quelque chose avec quoi j’aimerais jouer, et je me laisse aller dans cette direction » explique l’artiste. Tout devient inspiration,

© The Journal Gallery

© The Journal Gallery

arts : stephen felton


© grégory copitet



arts : stephen felton

« I think everything is everything » nous dit-il, « Je pense que tout est tout », la création devient un jeu avec ses codes et ses rituels, une performance par l’acte même de peindre. « La peinture a ses propres règles. Les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde, mais lorsque vous commencez à faire beaucoup de peintures, ces règles commencent à se montrer à vous. C'est ainsi que vous trouvez votre propre "voix" dans la peinture. J'ai entendu des gens dire que chaque peinture est le début de la suivante. Je pense que c'est vrai. C'est ce qui fait avancer les peintures » ajoute l’artiste. Avant de se mettre au travail, Stephen Felton mûrit longuement son intention, contrairement à notre première impression, puis c’est devant la toile que sa pensée se concrétise. Il décrit : « Quand je prépare une toile, c'est le meilleur moment pour imaginer ce que je veux faire. Mettre des couches de peinture sur la toile déclenche votre esprit et démarre le processus. C'est un moment vraiment important parce que vous êtes connecté physiquement avec cette peinture pour la première fois. » L’amour est un sport de combat

Pour ce projet au Frac Champagne-Ardenne, Stephen Felton concevra ses œuvres lors d’une résidence in situ, en amont de l’exposition, et non pas dans son atelier. Une histoire d’amour en deux temps, sur les deux étages du Frac comme « un spectacle de peinture à grande échelle où je pourrais faire une peinture dans ce qui est connu comme mon style standard et une peinture dans mon style inversé. Les tableaux que j'appelle mon tableau "à l'envers" » nous dit-il sans plus d’explication, préférant laisser le soin aux peintures de parler d’elles-mêmes. Une histoire à double tranchant, c’est le moins qu’on puisse dire. Intitulée Teeth in the Grass que l’on peut traduire par « mordre la poussière », on sait déjà que l’on n’est pas au bout de nos peines avant même de débuter cette aventure amoureuse. « C’est une référence à ce qu’il reste après la fin d'un combat. Toutes les bonnes histoires d'amour ont du mal » nous explique Stephen Felton. Cette notion de « remake » ou de « refaire » est essentielle pour l’artiste comme nous l’explique Marie Griffay. Sans avoir une référence littéraire ou cinématographique particulière en tête, c’est l’ensemble de ce registre qui compose ce remake, au même titre que ses propres expériences, vécues ou relatées. « S’ouvrir à une histoire d’amour, c’est s’ouvrir à l’imprévu » ajoute Marie Griffay. En concevant cette exposition, Stephen Felton remet en question son processus de création, il s’essaye à de nouvelles expériences et, il prend en considération l’empreinte carbone du projet, préférant se déplacer lui-même plutôt que de faire traverser l’Atlantique à chacune de ses toiles. Là encore, il joue le jeu en respectant ce pan de l’art contemporain avec ses facteurs écologiques et économiques. Il déconstruit par la même occasion ce mythe de l’artiste romantique, rappelant que peindre est une activité douce et constante, pas forcément pleine de gloire. « Honnêtement, la peinture est toujours dans mon esprit. Donc, que je travaille sur une peinture ou que je prépare des pâtes avec mes enfants, je pense toujours en quelque sorte. Que ce soit consciemment ou subconsciemment. » De quoi nous donner pleinement envie d’entrer à notre tour dans la partie.

Un Frac, Fonds régional d’art contemporain vise à constituer une collection (900 œuvres pour le Frac Champagne-Ardenne) qu’il pourra ensuite diffuser auprès de toute la région, même au-delà de ses murs, et sensibiliser les publics à ces formes de création. Il en existe 23 aujourd’hui, pour chaque ancienne région de France, et ils ont vu le jour en 1982 sous la tutelle de Jack Lang dans une volonté de décentralisation culturelle. Les Frac évoluent avec leur temps, et ceux qui constituent la Région Grand Est (Frac Alsace, Frac Lorraine et Frac ChampagneArdenne) travaillent main dans la

© Stephen Felton

main, étant toujours à l’affût des S t e p h e n F e l t o n T eet h i n t h e g r a s s

artistes émergents autant à l’inter-

F rac C h a m pag n e -A r d e n n e d u 2 0 . 03 . 2 0 au 3 1 . 0 5 . 2 0

national qu’à l’échelle régionale, et

f rac - c h a m pag n e a r d e n n e . o r g

l’esprit militant du droit à la culture à l’origine de leur création les animent

© grégory copitet

encore aujourd’hui.


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© Le Confort Moderne


Rendez-vous européen incontournable, le festival Circulation(s) fêtera en mars 10 ans de découverte et de jeune création photographique. Émergent, contemporain et précurseur, tremplin inclusif, collectif, familial et festif sont les qualificatifs employés par ses anciens lauréats. Les éditions se suivent et ne se ressemblent pas, la 10e édition ne fera pas exception.

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ANS DE CIRCULATION(S) Circulation(s) est le festival dédié à la photographie émergente en Europe. Au Centquatre-Paris et dans des lieux satellites en France et à l’international, il révèle chaque année la vitalité de la jeune création et défend la diversité des écritures photographiques au travers d’expositions et d’événements singuliers. Pour sa 10e édition, une programmation exceptionnelle les deux premiers jours est offerte par dix anciens artistes du festival, mêlant danse, performance, musique, projection et bien sûr… photographie. L’équipe du festival nous promet un week-end « sublimissime » tourné vers l’ouverture et la transdisciplinarité. « Nous souhaitions marquer le coup, non pas au travers d’une rétrospective mais bien via ce qui fait la spécificité du festival : un regard sur la création contemporaine. » L’appel à candidature lancé par le festival a souvent permis de soulever des modes et tendances à l’échelle d’un pays ou même de l’Europe. Clara Chalou, coordinatrice de l’événement, remarque : « les photographes sont de plus en plus audacieux dans leur pratique ainsi que dans leur scénographie et nous avons noté une volonté accrue de surpasser les limites de la photographie. » Quelques instants partagés avec les artistes invités suffisent à percevoir le ton des festivités  : « L'équipe, l'engagement, la détermination des bénévoles sont vraiment exceptionnels. Circulation(s) a été une expérience tremplin pour mon travail. La visibilité que j'ai eue et les retours constructifs tant des amateurs que des professionnels de la photographie ont été déterminants pour la suite de mon parcours. Comment ne pas y revenir ? » nous partage Charlotte Mano, exposée en 2018. Elle travaille aujourd’hui sur un projet de livre et plusieurs expositions à venir cette année. « Je dois encore garder cela secret ». Pour l’heure, elle nous décrit « l’ode à la métamorphose, au changement, tout en douceur et en poésie » qu’elle prépare pour Circulation(s). Charlotte souhaite y partager son goût pour le mélange des médiums. « Dans un lieu tamisé où il y aura des projections, une danseuse exceptionnelle, parée des masques uniques et troublants de Muriel Nisse, viendra dévoiler au contact de la

_Le 104 © Jéremy Gaston Raoul

_© Charlotte Mano & Muriel Nisse


arts : festival circulation(s)

_© Morvarid K

chaleur, des images recouvertes d'encres thermiques (encres utilisées pour ma série Blind Visions). » Tout un programme ! Il ne s’agit donc pas d’une simple présentation d’œuvres mais d’une expérience entre le photographe et les spectateurs. Comme l’a défini sa fondatrice Marion Hislen, le festival « milite pour un décloisonnement et une confrontation des regards. » Les spectateurs pourront ainsi venir à la rencontre des artistes en toute décomplexion. Combien de fois vous a t-on dit de ne pas mettre vos doigts sur les photos ? Quand bien même Morvarid K n’en a jamais tenu compte, après sa série crayonnée Once upon a time, elle revient accompagnée des danseurs de butō, Yuko Kaseki et Sherwood Chen. Durant cette performance tout est permis pour laisser une empreinte, une émotion sur les tirages que la photographe souhaite sublimer. Après tout, « les tirages les plus beaux sont les photos de familles ou les vieilles photos crasseuses de fin de soirée. » Hélène Bellenger abordera quant à elle avec pédagogie le processus créatif de son projet Coulure : « Je ramènerai de la glace, prélevée directement sur le glacier de la Mer de Glace du Mont Blanc, et j'activerai en direct le procédé photosensible devant le public. Cette chorégraphie des gestes d'activation (briser la glace, laisser fondre les morceaux, observer le virage du procédé du jaune au gris jusqu'au fixage bleu de Prusse, etc.) permettront aux spectateurs d'être au plus proche du procédé de création des images, de la création de l’œuvre, tout en observant, de manière symbolique, la fonte de ces extraits de glaciers. » Pensé comme un panorama d’audaces photographiques, ce week-end du 14 et 15 mars affiche une programmation éclectique et prometteuse. À découvrir : les performances de Laurie Bellanca, Hélène Bellenger, Aglaé Bory, Brice Krummenacker, Morvarid K, Charlotte Mano, Jeanne Tullen, Julien Taylor, et Kourtney Roy.

F e s t i va l C i r c u l at i o n ( s ) d u 1 4 m a r s a u 1 0 m a i 2 0 2 0 L e C e n t q u at r e , 5 r u e c u r i a l 7 5 0 1 9 Pa r i s f e s t i va l - c i r c u l at i o n s . c o m / @ f e s t i va l _ c i r c u l at i o n s charlottemano.com / @mano_galliano m o r v a r i d - p h o t o g r a p h y. c o m / @ m o r v a r i d k . a r t helenebellenger.com / @helene.bellenger _Sans titre (imbibition), 2019 © Hélène Bellenger

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TEXTE amélie cabon

_© Hélène Bellenger


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… à ce livre miniature – Matriochka – de la graphiste Fanette Mellier imaginé pour les Éditions du Livre, une maison d’édition strasbourgeoise spécialisée dans les livres d’artistes pour la jeunesse. Au fil des pages, 16 poupées russes rétrécissent jusqu’à atteindre quelques millimètres. Les motifs qui habillent ces minuscules figurines deviennent alors uniquement perceptibles à la loupe. Pour magnifier ces icônes – dont l’éclat des couleurs sur ce papier pourtant gris est surprenant – l’artiste a eu recours à la dorure à chaud. Un livre adorable qui parle, de façon imagée, de singularité. editionsdulivre.com / fanettemellier.com

L’Angell Bike de Marc Simoncini

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Le designer Ora-ïto a eu carte blanche pour imaginer le « smart bike » de Marc Simoncini, dernier projet du créateur de Meetic. Mixte, taille unique, fabriqué en alu et carbone, ses 14kg en font un vélo à assistance électrique léger. Mais l’Angell bike revendique surtout le côté sécurisant de son vélo : il dispose d’un écran tactile connecté au smartphone, d’un système de géolocalisation et de déverrouillage par wifi, d’une alarme, d’une alerte acci-

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Ébéniste de la pierre L’atelier Alain Ellouz conçoit des luminaires contemporains et des projets architecturaux sur-mesure à partir d’albâtre ou de cristal de roche, deux pierres naturellement translucides, qui dévoilent à la lumière, toute l’étendue de leur motifs naturels. L’atelier sort des codes de la marbrerie pour œuvrer la pierre à la manière du bois (calepinage, coupes, assemblages, marqueterie…). Une expertise unique, très demandée à l’international, et qui permet à l’atelier de collaborer avec les plus grands noms du luxe pour décorer leurs showrooms. atelier-alain-ellouz.com @atelieralainellouz

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Impression 3D céramique

© Bold

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L’agence de design Bold, qui s’inspire des derniers développements technologiques pour concevoir ses objets, est aussi un laboratoire de recherche autour des technologies numériques. Bold développe notamment de nombreux projets autour de l’impression 3D. Parmi eux, l’impression de la céramique au sein du 8FabLab Drôme. Encore en phase expérimentale, les premiers résultats donnent l'illusion d'objets tissés et l'utilisation de 2 grès contrastés permet de créer un étonnant jeu visuel d’ombres et de lumières. bold-design.fr @bold_designers

© J. Josselin

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dent, de clignotants, de feux stop, etc. Avec sa robe argent et son design épuré, l’homme d’affaires propose un objet élégant auquel il est difficile de rester insensible. Le vélo sera disponible à partir du mois de mars au prix de 2690 € (sans les options). www.angell.bike

Le beau travail

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Si vous ne le connaissez pas encore, on vous invite à aller voir le travail de Jérémy Maxwell Wintrebert, souffleur de verre installé à Paris, et au talent fou. On n’en dit pas plus, les images parlent d’elles mêmes. @jeremymaxwellwintrebert jeremyglass.com

Édition d’Art et de Design de l’ESAD Reims En partenariat avec la Maison Taittinger et le Bureau des Étudiants de l’ESAD de Reims, l’Édition d’Art et de Design, évènement historique de l’école, est une exposition-vente des projets d’étudiants. Ponctué d’interventions et de performances, l'événement est organisé par 8 élèves de l’ESAD représentant les section Design Objet / Espace, Design Graphique et Art. Les bénéfices de la vente seront reversés aux créateurs et au Bureau des Étudiants. Cette nouvelle édition qui a pris pour nom « Les Choses » se concentre sur la notion d’objet. Une notion riche de sens : l'objet que l'on choisit pour ce qu'il est ou ce qu'il transmet, l'objet avec lequel nous créons un lien particulier, ou encore, l'objet spectateur discret de nos vies… Les 27/03 (vernissage à 18H) et 28/03 (10H-20H) à la Demeure des Comtes de Champagne, 20 rue de Tambour 51100 Reims. esad-reims.fr

© Victor Gorini

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On ne résiste pas…


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Alex Palenski C horégraphies sur courant d ' air À l’image de Calder, qu’il a découvert sur le tard, il réalise des mobiles et stabiles de métal en petits ou très grands formats. Tout à la fois artiste et artisan, il est l’une des figures montantes du design contemporain.

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lex Palenski a de qui tenir. Celui qui se définit lui-même comme un « artisan du métal » plus que comme un artiste est le petit-fils d’un designer qui, déjà, travaillait le même matériau. « J’ai ces souvenirs très présents de séjours chez mon grand-père, de son atelier avec de très grosses machines qui s’apparentaient à celles que l’on trouvait alors dans l’industrie. Je me souviens très bien des sons, des différentes matières qu’il utilisait et transformait. » Pourtant, c’est d’abord vers le bois qu’Alex Palenski se tourne. Âgé d’une vingtaine d’années, il utilise ce matériau qu’il trouve simple à aborder, pour sculpter et créer des objets. « Le métal me paraissait difficile à travailler, je ne l’ai approché que plus tard en me formant sur le tas. J’ai développé des techniques personnelles et c’est ainsi que j’ai pu trouver mon style. » Il commence alors à créer des mobiles, mêlant

des miroirs à des tiges de cuivre. Puis un jour, une révélation, une exposition consacrée à Calder au Centre Pompidou. Étonnamment, même dans une famille largement ouverte sur les arts – sa mère est peintre et restauratrice de tableaux –, jamais Calder ne s’était retrouvé dans son champ de vision. « Quelque chose m’a parlé intimement. J’ai aimé cette recherche sur l’équilibre. Et je me suis dit que je pouvais le faire moi aussi, que c’était possible, que je pouvais creuser cette voie. » De retour chez lui, il reprend ses recherches. Il découpe des formes invitées à se mouvoir ensuite dans l’espace. « J’aimais découper l’acier, agencer les différentes pièces. Mes premiers mobiles, je les ai réalisés avec des métaux très simples, peu onéreux, pour 10 ou 15 euros. Il y avait là, pour moi, le plaisir simple de faire soi-même. N’ayant jamais suivi de formation en art ou en métallerie, je me suis



design : alex palenski

formé seul au fur et à mesure et j’ai dû trouver en moi-même les ressources pour combler un manque de technique, d’outillage ou de moyens financiers. Ce parcours d’autodidacte m’a permis de développer un style personnel aux techniques propres en réalisant moi-même toutes les étapes de mes projets. » Un vocabulaire personnel

Alex Palenski est sculpteur en métal direct. Il s’inscrit ainsi dans les traces de Picasso, Gargallo, Pevsner, Calder qui ont inventé la sculpture par assemblage, avec le cuivre, le laiton, l’aluminium, le fer, l’acier, l’inox... Aujourd’hui, il produit deux types de mobiles : les premiers sont de petits formats. Ils ornent les intérieurs et s’apparentent à des bijoux, ciselés avec une grande précision. Les seconds, sont de très grands formats. Réalisés sur commande, ils sont ensuite installés sur site. « J’aime les voir se confronter à la nature, aux saisons, au temps qui passe. Je suis très attentif à la manière dont ils captent la lumière, dont ils entrent en interaction avec l’air. » Traitées avec une peinture anti-corrosion, ces sculptures mobiles extérieures ne " bougent " pas, à la différence d’autres sculptures, dont il apprécie de voir, au fil du temps, la patine naturelle transformer la façon dont elles jouent avec la lumière. « Pour mes pièces d’intérieur, toutes les formes – que ce soit le socle ou les pales – sont obtenues à partir d’éléments initialement plats (tôles) que je travaille par pliage, cintrage, martelage jusqu’à obtenir le volume, la dynamique et la légèreté désirée, résume Alex. En excluant tout autre matière que le métal (aucune peinture, aucun vernis) pour exploiter uniquement la brillance obtenue par le polissage,

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TEXTE Cyrille Planson


j’ai cherché à créer un objet capable de capter et révéler deux éléments essentiels à ma vie, à la vie : l’air et la lumière. » Il le reconnaît, lorsqu’on réalise des mobiles en métal, il est impossible de se détacher de l’influence d’Alexander Calder. « J’ai cependant suivi ma propre voie en développant un vocabulaire personnel de formes en volume créées d’une manière unique et de matériaux simples que j’essaie de rendre précieux. » Équilibres

Pour Alex Palenski, le mobile est le point culminant où fusionnent les différentes propriétés du métal : la légèreté, la finesse et en même temps, la solidité de la structure. Il s’est imposé à lui comme une évidence : travailler les équilibres, les masses, les formes, mais aussi le jeu de ces formes dans l’espace ; le challenge de traduire en mouvement réel tous les calculs réalisés en atelier… Alex dispose de deux espaces pour travailler : l’un, à Paris, est « un vrai atelier d’artiste » où il réalise ses mobiles de petits formats et quelques découpes. L’autre, c’est celui de son grand père, « avec de grosses machines, des enclumes, du bruit ». Deux ambiances aux antipodes l’une de l’autre. À Paris, son atelier s’apparente à l’antre d’un orfèvre, calme, lumineux, tandis que dans celui de son grand-père, il s’équipe des mêmes protections que les ouvriers de la sidérurgie, manie la scie à métaux, le marteau et le fer à souder. C’est là, qu’il façonne aussi les socles de ses sculptures de métal. Aujourd’hui, les mobiles d’Alex Palenski voyagent à travers le monde. Ils figurent dans des galeries à New York, Rio, Moscou, Taïwan, Londres mais aussi à Paris, où une nouvelle exposition aura lieu du 12 mars au 4 avril 2020 à la Galerie Samagra (52 rue Jacob, 75006).

a l e x- pa l e n s k i - m o b i l e s . c o m @ a l e x pa l e n s k i s u r I n s ta g r a m galeriesamagra.com


design : alex palenski


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Le luxe à portée de main

La bonne idée : l’appli Pressmium

Atelier Particulier est un site qui propose des accessoires de mode (écharpes, gants, ceintures…) confectionnés dans les mêmes ateliers que ceux de l’industrie du luxe, à des prix abordables grâce à la suppression des intermédiaires et des coûts marketing. Un concept qui permet de rendre des matières d’exception (et responsables) accessibles et en même temps, d’encourager les savoirfaire artisanaux.

Hebergée à la Station F, la start-up Pressmium a lancé, à l’automne dernier, son application permettant d’avoir accès en illimité à de nombreux articles de presse venant de médias différents. La différence avec les autres agrégateurs d’articles comme Google ou Apple News est que, pour lire entièrement ces articles, vous n’aurez plus besoin de vous abonnez à différents journaux, seulement à Pressmium qui conclue, de son

atelierparticulier.com

L’ONG façon business

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Basée à New York et fondée par Cyrill Gutsch, ex-designer, l’ONG Parley For The Oceans s’est donnée pour mission de lutter contre la pollution plastique des océans. Sa vision : rendre la cause environnementale financièrement intéressante afin qu’elle soit plus attractive pour les industries créatives. Parley met ainsi en place depuis plusieurs années de nombreuses collaborations avec des marques telles que Corona, S’well, American Express, Stella McCartney ou encore Adidas. À titre d’exemple, cette dernière ne cesse d’accroitre ses ventes de chaussures de running conçues grâce au matériau qu’a mis au point l’ONG, à partir des plastiques collectés dans les océans et sur les plages. 2

@parley.tv / www.parley.tv

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B est un mensuel conçu en Corée (disponible en version anglaise) qui propose, pour chaque numéro, un reportage sur l’une des « meilleures marques » présentes sur le marché actuel, et répondant à 4 critères définis par B : beauté, praticité, prix et philosophie. À travers une analyse approfondie et non orientée – puisque ces publications ne sont pas financées par les marques dont il est question – B raconte l’histoire cachée de l’entreprise, sa culture mais aussi le sentiment qu’elle provoque chez ses utilisateurs. Ce magazine est destiné à tous ceux qui s’intéressent, à titre professionnel ou personnel, au management de marque. Quelques marques déjà traitées : Patagonia, Mont Blanc, APC, Aésop, Star Wars, Lego, Pantone…

magazine-b.com côté, des partenariats rémunérés avec les différents médias. Une appli que les deux fondateurs ont voulue comme une sorte de « Spotify de la presse ». pressmium.com

Le Market Place 1.618 1.618 est LA référence du luxe durable. L’agence promeut et fédère au sein de son réseau, les marques haut de gamme les plus créatives et responsables. Depuis peu, 1.618 centralise les produits de ces marques (mode, beauté, design, joaillerie…) dans un e-shop

marketplace.1618-paris.com © dr

Magazine B

Plus rock’n roll que le co-voiturage… Wingly est une plateforme française qui met en relation, selon un schéma proche de celui de Blablacar, pilotes d’avions privés et passagers pour partager les coûts d’un vol. Avec 300 000 membres, Wingly réunit la plus grande communauté de co-avionneurs. Pour le plaisir de voler au dessus du Mont Blanc ou par nécessité de se rendre quelque part, ça se tente…

À partir de 30€ / pers www.wingly.io

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business : valentine gauthier

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dans les champs de vision de

VALENTINE GAUTHIER La fondatrice de la marque de vêtements éponyme nous a ouvert les portes des ses locaux parisiens, et permis d’explorer avec elle le détail de sa vision. Un échange passionnant avec une personnalité pétillante et sans détour.



business : valentine gauthier

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n entre dans un appartement, au premier étage d’un immeuble Haussmannien, boulevard Beaumarchais à Paris. Décoration soignée, avec un « non-ostentatoire » revendiqué, mais le confort est là, et le goût des objets sensibles, ainsi que la volonté manifeste de laisser parler l’élégance naturelle des matériaux, aussi. Du bois, des couleurs sourdes, un plan simple, mais les matières sont choisies, la lumière travaillée. Une association de matériaux bruts et délicats qui fait sens et qui va s’avérer en parfaite cohérence avec le positionnement global de la créatrice et de sa marque. Sur la gauche, une table de travail accueille 5 ou 6 personnes, des jeunes femmes, qui échangent derrière leurs écrans. Deux responsables boutique et deux personnes à l’administratif complètent cette équipe. L’ambiance est décontractée. Dans la pièce principale, un long portant fait face à un grand miroir appuyé sur le mur et indique la fonction qu’occupe aujourd’hui le lieu : il s’agit d’un showroom, celui de la créatrice de mode Valentine Gauthier. Un lieu, qui diffère d’une boutique ouverte au grand public, conçu pour recevoir des acheteurs professionnels (boutiques, réseaux de distribution, etc.). Le reste du temps, cet espace prend la forme d’un lieu de vie, presque comme un appartement, où l’équipe organise des rencontres d’artistes et de chefs cuisiniers autour de thèmes, de découvertes et de prises de parole. La voici justement qui apparaît. Elle ne doit pas avoir atteint la quarantaine. Approche franche et détendue, très souriante, regard rieur. Le personnage a l’air plutôt ouvert et facile d’accès. Résumé des épisodes précédents

Au tout début, nous avons une petite fille du sud qui grandit avec des parents évoluant dans le milieu de la formule 1 (son père était metteur au point et pilote d’essai F1 sur le circuit Paul Ricard ; sa mère travaillait pour l’école de pilotage Winfield). Une période qui lui évoque plus la liberté des grands espaces naturels

du plateau du Castellet que les odeurs de mécanique. Devenue jeune femme, elle obtient un diplôme en géo-ethnologie qui la destinait à une carrière d’ingénieure en écologie. Elle aborde ensuite un léger virage créatif en entrant à l’Atelier Chardon Savard, une école de mode, malgré la crainte de ses parents de la voir évoluer dans ce milieu. La peur est manifestement une question de point de vue. Elle poursuit son apprentissage en travaillant chez Rochas ainsi que dans l’atelier de la ligne artisanale de la Maison Martin Margiela, dont elle retiendra beaucoup. Au commencement, la croisière s’amuse.

L’histoire de sa marque commence vraiment en 2006 grâce à une petite période de remise en question. Alors qu’elle subit le contrecoup de l’abandon prématuré d’un projet très avancé (la direction artistique d’un concept store) qu’elle quitte juste avant son lancement, après l’avoir entièrement conçu, Valentine, éprouvant le besoin de se vider la tête, fait le choix, potentiellement inattendu, de passer des jours à visionner des épisodes de « La croisière s’amuse »… Rien n’étant jamais complètement perdu pour les âmes créatives, la série lui inspire une collection – nommée « love boat » – qu’elle décide de présenter au Festival International des Jeunes Créateurs de Mode de Dinard. Elle emporte la mise, à la faveur d’un jury présidé par un Gaspard Yurkievich, assez client du positionnement arty et un peu barré de sa proposition. Après plusieurs années d’expériences à différents endroits du business de la mode, et une période de questionnement sur quoi faire et pourquoi, elle vit comme un signal la reconnaissance de ce prix prestigieux et décide qu’il est temps de passer à l’action : lancer sa propre marque. Et qu’importe si, de l’esquisse d’une collection à une collection complète il y a un grand pas, si les banques préfèrent passer leur chemin, si la notoriété publique fait totalement défaut, et si cette idée saugrenue surgit peu avant la crise de 2008 qui va clairsemer les rangs des designers indé et des petites marques créatives. Elle sent que l’important, l’urgence, est de faire. De monter dans le train de sa propre vie car il passe maintenant et qui sait s’il repassera demain. Portée par la main de velours du destin qui sait parfois se montrer compatissante, elle réussit à réunir assez d’argent (Love Money + Business Angel) pour ouvrir, from scratch, sa propre boutique, au 58 rue Charlot, Paris 3ème. Un pari plutôt « testostéroné » en cette période économiquement trouble, mais qui lui permet d’entrer au contact de sa cliente, d’éprouver avec elle les bases de ses intuitions, de percevoir la justesse de sa vision créative et de la confronter avec une réalité économique qui, jamais, ne peut être mise de côté, car elle est synonyme, de survie, ou mieux, de liberté, un mot qui vient souvent à l’esprit quand on tire le fil de notre conversation.


business : valentine gauthier

C’est l’époque où elle pose les bases de son style et entrevoit qu’il peut trouver une place spécifique. Un style fait de l’association/confrontation de pièces ou de matières très « brutalistes » * a des pièces/matières très sophistiquées et précieuses. À ce combo, ajoutez un soupçon de pièces « boyish » **, une pincée d’imprimés fleuris délicats, écartez toute « girlitude », finalisez avec une touche sexy et vous obtenez du Valentine Gauthier – pour peu que ce soit la patronne en personne qui s’occupe de votre recette. Car tout est affaire de réglages, de dosages, d’inspiration créative. Processus créatif : déployer et maintenir une vision

Elle a trouvé un ton que, d’années en années, il lui faut à la fois enrichir et renouveler, tout en maintenant lisible une ligne claire qui l’identifie et envoie un signe de reconnaissance à ses clients. Comme elle le dit elle-même, ses vêtements sont « portables » et s’inscrivent dans le vestiaire de la vraie vie. Une partie de ses clientes viendra picorer des pièces qui vont « enjailler » leur uniforme. Une autre viendra chercher le basique quali à la mode Valentine. Une troisième sera accro au total look. Mais toutes auront identifié un ton qui, de collection en collection, revêt une certaine forme de permanence. C’est cet exercice de permanence renouvelée qui est le plus difficile pour un créatif. Il nécessite de se placer dans la posture schizophrène du créateur porté par un vent de fraîcheur spontané et dans celle de son juge impitoyable. Etre à l’intérieur du geste créatif, et en sortir pour vérifier son bon réglage. Ce travail est une dimension importante de l’activité de création de Valentine ; son style, étant, par nature, à la fois composite et constant. Elle a clairement une posture de directrice artistique, qui va sentir un « goût » et qui va actionner tous les curseurs permettant aux vêtements d’approcher une vision globale capable de se déployer sur n’importe quel sujet, par opposition au pur designer qui va créer des objets, même si l’on parle de vêtements. Elle a d’ailleurs déjà collaboré avec des marques comme Monoprix ou Sarenza, pour des souliers ou de la déco. Ce sont des nuances fines, mais qui en disent beaucoup sur la réalité du travail créatif. Processus créatif : faire feu de tous bois

Pour y parvenir, tous les moyens sont bons, la difficulté principale étant de transmettre cette

vision à son équipe qui va concrètement la mettre en musique, et rebondir, sur ses idées. Elle les dessine, les raconte. Elle montre des matières, décrit des ambiances, esquisse des coupes ou des détails. Peu à peu, l’idée s’affine, le dessin se fait technique. Il y a des passages obligés, des pièces ou des matériaux dont on n’a pas l’idée – ou l’impulsion créative –, mais sans lesquels la collection ne sera pas complète. Valentine doit se discipliner, accepter de se plier avec plaisir à un exercice qui n’est pas aussi naturel que d’autres. C’est le cas des imprimés. Ce n’était pas particulièrement son intention première, mais elle a senti que les clientes étaient demandeuses, qu’elles y voyaient une cohérence. Elle s’y est mise et a réussi à développer, au fil des saisons, des pièces en imprimés qui rencontrent du succès et qui s’intègrent très naturellement dans le flux des collections. Elle reste à l’écoute de ses clientes, évalue ce qu’elle sent de leur retour, et fait de ce dernier un paramètre de la création. Valentine a une vision très globale, et on sent bien que créer des vêtements n’est potentiellement qu’une partie des ses préoccupations. On la sent tout autant concernée, par exemple, par l’artisanat (elle a ouvert une galerie, « Holism », dédiée à ces thématiques, à côté de sa boutique) et, bien sûr, par les questions environnementales. L’éco-responsabilité au cœur de son environnement

Valentine Gauthier souhaite, depuis ses débuts, inscrire sa création dans la démarche la plus durable possible. Elle porte beaucoup d’attention au sourcing et aux conditions de travail des ateliers qui produisent pour elle. Elle essaie de faire de chacun d’entre eux, un partenaire qui voit s’installer une relation sur le temps long. La production se fait en Europe et en petites séries avec des partenaires spécialistes et engagés dans une démarche sociale et environnementale. Si elle est très concernée par l’aspect environnemental, elle n’est pas non plus une apparatchik ; elle est avant tout une créatrice, qui voit son business avec réalisme. Elle essaie de concilier plusieurs contraintes dont son souhait d’abîmer la planète le moins possible, sans angélisme. La gamine qui courait dans la garrigue sur le plateau du Castellet voudrait juste que ses enfants puissent y croiser les mêmes animaux et y sentir les mêmes odeurs. Elle a beaucoup affirmé son positionnement « éco-responsable » à ses débuts, puis elle a cessé de le faire, le jugeant

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business : valentine gauthier

contre-productif. Depuis quelques années, elle y revient, la conscience écologique collective grandissant. Sur son site, on peut lire des détails assez précis sur l’origine et les conditions de production – au-delà de l’écologie – de chaque matériau. Elle regarde d’un œil un peu désabusé l’ombre du green-washing progresser. Ce n’est pas à ses yeux un phénomène en soi, ce qui l’est « c’est qu’on nous raconte n’importe quoi ». Au fond, ce n’est pas son sujet toute cette mode autour de l’environnement, même si elle se sent concernée au premier chef. Son sujet c’est de déployer une vision qu’elle a du monde et d’associations d’univers sensibles qui, en se croisant, recréent une harmonie. Et ça passe bien sûr par une planète dans le meilleur état possible. Simple question de bon sens, son fer de lance.

a permis le démarrage de l’aventure et dont les parts sont toujours là). Ce n’est pas vraiment une commerciale, elle peut convaincre de sa vision, mais elle du mal à vendre pour vendre. Elle est peut-être passée à côté d’occasions de faire un peu d’argent, mais au fond, elle s’en fiche. Elle sent bien qu’il faudrait échafauder une vraie stratégie économique, et sans doute, s’adosser à un grand groupe pour anticiper un développement qui serait une sécurité pour l’avenir. On devine que ces questions tournent de temps à autre dans sa tête. On devine aussi qu’elle a envie de les mettre de côté car passer ce genre de cap signifie sans doute changer de métier. Pas sûr qu’elle en ait envie. Et si changement il devait y avoir, ce serait plutôt pour faire tout à fait autre chose : un projet plus global autour d’une vision à 360° de l’art de vivre.

Business durable

Pas toujours évident de concilier ses ambitions éco-responsables, créatives et économiques. S’inscrire dans une démarche éco-responsable est par définition moins rentable, et donc plutôt un facteur de fragilité. Surtout quand on n’est pas accompagné par un groupe aux reins solides. Valentine Gauthier est majoritaire au sein de sa société (il y aussi un associé dormant – et bienveillant – qui

Sa marque est un projet qui reste complètement auto-produit. D’un point de vue économique, il est plutôt artisanal. C’est à la fois un facteur d’inquiétude : elle est seule et potentiellement fragile, mais aussi une belle satisfaction, car avec sa petite équipe, elle a tout construit, à la force du talent. La marque existe depuis 10 ans, elle est toujours là, et surtout, elle est libre.

* un terme d’architecture qu’elle emploie souvent qui décrit le rejet de l’ornementation et qui choisit de laisser parler la simple nature du matériau. ** bien que n’ayant pas encore développé de collection hommes, certains d’entre eux achètent ses vêtements.

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TEXTE & photographies benoît pelletier



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