Première Pluie magazine N°8

Numéro 8

Eloïse Gross, légumes branchés

Loïc Villemin, étoile verte Steak 昀氀ippe

Safran à Toul

Jeux & Horoscope

Banques alimentaires

Première Pluie

Hiver 2024 | Spécial cuisine

maGazINe

Gratuit

l i v La →r

i o t à t s le e

s u o n s n i o j e photo : Clotilde Verdenal

Graphisme : Bertrand – Costa – Rey

É DITO · OURS

4-5

ICVQ

6-7

BD

8

C’EST PAS TENDANCE C’EST FASHION

10

LES CHIENS É CR ASÉ S

11

LOÏC VILLEMIN & TOYA, BRIGADE VERTE

12-17

STEAK FLIPPE

18- 20

SAFR AN SIX SOUS

21- 23

LA MÊ ME TABLE QUE D’HABITUDE

24- 25

ELOÏSE GROSS, LA FERME DE DOMANGEVILLE

26- 29

24H EN MONTAGNE

31-33

© Diego Z, p.21

EN MARGE À TABLE

34 35-37

JEANNETO

38

C’EST À STREAMER PRÈ S DE CHEZ VOUS

39

LA BANQUETTE

40- 41 43

JEUX

44

HOROSCOPE

45

REMERCIEMENTS & CONTACT

46

© Diego Z, p.26

MIAMMIAMIA

3

Loïc Villemin, p.12

SOMMAIRE

édi Le manque de temps, le manque d’argent, le manque d’équipements sont autant d’obstacles honnêtes. Les plus favorisé·es ont plus de facilité à bien s’alimenter et à pouvoir accéder à des moyens pour cuisiner. Mais il ne faut jamais se résigner. Il faudra rivaliser d’ingéniosité, mais il est possible de tenir une alimentation correcte avec un budget réduit, un timing serré, et deux pauvres plaques de cuisson pour seul attirail.

Le tout, sans jamais oublier que cuisiner est un petit luxe dans un pays où 16% de la population française ne mange pas à sa faim, quand 735 millions de personnes souffrent de faim chronique dans le monde. À l’heure où les files s’allongent, à tous les âges de la vie devant les distributions alimentaires, et que Les Restos du Cœur viennent d’annoncer que pour la première fois de leur histoire, ils allaient devoir refuser du monde cette année, la cuisine est un espace de luttes.

Le corps est une machine comme une autre, lui donner des carburants corrects lui permet de mieux fonctionner. Pour ce qui est du temps que nécessite la cuisine, vous le récupérerez en efficacité. Pour ce qui est du budget, mal s’alimenter, manger dehors en permanence ou des plats cuisinés, ça revient plus cher que de choper des légumes au marché en soutenant la production locale. Manger de la viande tous les jours ? Tous les rapports démontrent que la planète ira mieux au moment où nous aurons réduit l’apport carné de notre alimentation. L’occasion idéale donc. Pour ce qui est de l’équipement, il existe désormais des applications qui vous proposent des recettes adaptées à ce que vous avez dans votre cuisine.

En fait, peu importe. Tout ce qu’on vient d’évoquer est très technique. Le vrai secret, c’est que cuisiner, ça fait du bien. Au début, s’il faut, invitez des gens à manger pour vous motiver à les régaler. Rapidement, vous ne pourrez plus vous passer de ce précieux moment de paix dans la journée où vos doigts transforment des aliments. Un podcast, de la musique, votre série du moment, ou le silence, accompagnez-vous comme vous le sentez.

Ce qui compte, c’est que vous passiez un bon moment.

Pour celles et ceux qui ont encore besoin d’être convaincu·es que cuisiner est un luxe que vous devez vous permettre de saisir, on a fait un magazine focus sur la cuisine. Avec différents prismes, on va essayer de vous mettre l’eau à la bouche. Si ça ne suffit pas, faites-vous des lasagnes au micro-ondes, regardez Top Chef et allez vous faire foutre.

Première Pluie

to

Pour beaucoup, les études supérieures marquent le début de la vie solitaire.

Loin de la maison parentale. Les premières expériences. La liberté. C’est le moment de la vie où il faut apprendre à cuisiner en solo. Pas faire un plat ou suivre une recette, mais prendre la discipline de suivre une alimentation équilibrée et inventive, goûteuse et nourrissante à la fois.

4

rs

5

ou

DÉPÔT LÉGAL EFFECTUÉ À LA SORTIE DU MAGAZINE TIRÉ À PLUSIEURS MILLIERS D’EXEMPLAIRES

FONTS : ECKMANNPSYCH, GOTHAM, STRIVESVG, FT88, MIGRA, SRISAKDI, PLAYFAIR, GC PRUISTINE, JETBRAINS MONO, BANCO, BOUUUUUH SPELL, SYNE, CLIMATE CRISIS, AGRANDIR, FLECE, GOODDOG NEW

IMPRIMÉ PAR LA NANCÉIENNE D’IMPRESSION (54)

COUVERTURE : DIEGO ZÉBINA

PHOTOGRAPHIES : DIEGO ZÉBINA, JADE L’ONCLE / @JAD.LONCLE

ILLUSTRATIONS : CAMILLE SCALI / @CAMILLE.SCALI, ENORA BOUCHEZ / @_ENORETTE, ETIENNE PUAUX / @LECHATDEVENUS, MARIANNE TRICOT / @MARIANNETRICOT, MATHILDE PETIT, UY VINH LANDRU / @UYVINH. LANDRU

GRAPHISME : DIEGO ZÉBINA, HUGO AOURAGH, MATHILDE PETIT, NOÉLIE DESSALLE / @NONOTUTO, VALENTINE POULET

DIRECTION ARTISTIQUE : DIEGO ZÉBINA / @DIEGOZEBINA, MATHILDE PETIT / @MATHJILDE_, VALENTINE POULET / @CHOCDETOI

COMITÉ DE RÉDACTION : ADÈLE DUMAS / @ADELEDUMS, ARTHUR GUILLAUMOT, CLARA RIFF / @CLARA_ RIFF, DIEGO ZÉBINA, JEANNETO / @JEANNETO_ _, JOSHUA THOMASSIN, ROMAIN BOUVIER, SARAH GIORIA NDENGUE / @GIORIA_NDENGUE

RÉDACTEURS EN CHEF : ARTHUR GUILLAUMOT, JOSHUA THOMASSIN

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ARTHUR GUILLAUMOT

RÉSEAUX SOCIAUX : INSTA / @PREMIEREPLUIE TWITTER / @PREMIERE_PLUIE FACEBOOK / @PREMIEREPLUIE

CE MAGAZINE EST ÉDITÉ PAR PREMIÈRE PLUIE SIRET : 844 432 252 00014 - APE : 58.14Z PREMIEREPLUIE.COM 16 RUE SAINT-MICHEL, 54 000 NANCY TÉLÉPHONE : 06.10.67.12.90 E-MAIL : PREMIEREPLUIECOLLECTIF@GMAIL.COM

6 Photos par Diego Z. Colorimétrie par Valentine P.

ICVQ ICI VÉCU

Elles logent à partir de 1793 chez un Monsieur Gormand (à une lettre près d’être aptonyme), en centreville de Nancy, rue de la Hache. C’est à compter de ce moment qu’elles décident de vendre leurs biscuits aux amandes. Le succès est immédiat : les Lorrains se pressent dans la boutique des Sœurs Gaillot et Morlot, qui deviennent alors les « Sœurs Macarons ».

Soumises à l’ascèse et à l’interdiction de viande, elles trouvent en l’amande une douce alternative en protéines.

Dans les fours du couvent, elles confectionnent de petits macarons à base d’amandes, de sucre et de blancs d’oeufs, sur une inspiration florentine.

Puis vient la Révolution Française, qui met fin aux congrégations religieuses (et aux privilèges, mais c’est un autre sujet). Et à sa suite, la révolution pour les deux sœurs, qui troquent la cornette pour la toque.

Voici le nom qu’elles laisseront à la gastronomie lorraine et à une rue de Nancy. Hors de question pourtant de laisser à la postérité la recette de ces pâtisseries, qui est toujours tenue secrète.

Alors il ne me reste plus qu’une chose à vous souhaiter : rendre hommage à ces Sœurs audacieuses en croquant dans ces macarons car … il paraît qu’ils sont bons.

(Citer Helmut Fritz dans un article, est-ce une riche idée ?… trop tard !).

7

L

aissez-moi vous conter aujourd’hui une histoire enrobée de mystère et de poudre d’amande.

Cette histoire, c’est celle des Sœurs Macarons. « Sœurs » se lit ici dans son sens chrétien : il s’agit de Marguerite Gailllot et Marie-Elisabeth Morlot, religieuses d’un couvent des Dames nancéien, dans les années 1780.

Texte par Adèle Dumas Illustration par Camille Scali Graphisme par Valentine Poulet

L ES S ΠU R S MACARONS

Uy Vinh Landru @uyvinh.landru

SAISON 2023/24

scène nationale de vandœuvre W W W.CE N TR EM A L RAUX .CO M

LICENCES : L-R-20-9821/9819/9822 • DESIGN GRAPHIQUE & ILLUSTRATION : STUDIO PUNKAT

C’EST PAS TENDANCE C’EST FASHION

LA

CAGOULE

TRAUMATISME D’ENFANCE POUR CERTAINS OU SUJET PRINCIPAL D’UN CLASSIQUE DE LA CHANSON FRANÇAISE, LA CAGOULE EST UN ACCESSOIRE « MODE » QUI RÉSONNE EN CHACUN D’ENTRE NOUS. ALORS QUE LOUIS VUITTON, MARINE SERRE OU BALENCIAGA SEMBLENT BIEN DÉCIDÉS À FAIRE REVENIR CET ÉTRANGE COUVRE-CHEF SUR LES CATWALKS, RETOUR SUR LES ORIGINES DE LA CAGOULE, BIEN PLUS ANCIENNES QUE FATAL BAZOOKA.

Texte par Clara Riff Graphisme par Valentine Poulet

Loin du dressing des fashion nerd, la cagoule, traditionnellement appelée « Balaclava », doit son nom à la ville de Balaklava, théâtre d’une des premières batailles de la Guerre de Crimée en octobre 1854. Alors qu’un hiver effroyable s’abat sur l’armée russe et la coalition francobritannique-ottomane, certaines troupes s’avèrent bien mieux préparées que d’autres.

Les Anglais ne font pas partie des plus prévoyants et commencent à souffrir de ce froid glacial qui transperce leurs uniformes usés. La nouvelle s’ébruite alors dans la presse britannique, et les femmes révoltées décident de contribuer à l’effort de guerre en tricotant des capuchons de laine pour les soldats.

Des années plus tard, on donne alors à cette pièce le surnom de « Balaclava » peut-être trop compliqué pour les français, qui lui préfèreront le terme « Cagoule » issu du latin Cuculla qui signifie capuchon.

Je dédie cet article à Christopher, qui était en CE1 avec moi, dont le désespoir transparaissait clairement derrière sa cagoule tricotée main.

Au cours du 20 e siècle, portée par les organisations militaires et les gangsters soucieux de préserver leur anonymat, la cagoule peinera à se défaire de son image violente.

Il faudra attendre les années 80 pour que la cagoule descende dans toutes les cours d’école grâce aux parents de l’époque plus préoccupés du confort de leurs bambins que de leur look.

Peu rancuniers, les graffeurs, rappeurs et skateurs des années 90 s’empareront de cet accessoire un peu ringard pour lui redonner une aura plus branchée. Une tendance qui se poursuivra tout au long des années 2000, au gré des pop stars et de la pop culture, portée par Beyoncé, Kanye West ou les criminelles glamour du film Spring Breakers. Depuis quelques années la cagoule tente un timide mais durable retour, surfant sur les vagues du cocooning et du DIY. À moins qu’un certain désir de rébellion ambiant n’y soit également pour quelque chose.

LES CHIENS ÉCRASÉS Le magazine est gratuit, mais on balance des faits-divers pour vendre plus de papier. Les chiens écrasés, dans la presse traditionnelle, c’est ça. Ici, 3 histoires sont vraies et 1 est fausse. Saurez-vous la retrouver ?

DISCOUNTHÈQUE La première discothèque discount de France, c’est comme ça que Fabien Sanchez, déjà patron du Ruin Bär à Nancy, décrit La Pampa, sa nouvelle acquisition, à Lesménils, près de Pont-à-Mousson.

Des prix cassés sur les verres d’alcool, l’entrée gratuite avant 1h du matin, etc. Le gérant compte sur une clientèle qui subit la crise économique de plein fouet pour ne pas arrêter de faire la fête pour des raisons de portefeuille.

O Ù -S Ve n dr U IS -J ed E? un e s i 20 octo oir é e br e, un na d e ri m é m or n e n. C c éi e n able ’e — au r etr o p oi nt d e 28 ans u v é c st u n h a b i h ez l qu’il a p as du tr ui, s tant d e T sé avail n e se om am . L’ho d’e nt m m e n e di m ati n bl ai n e qui souvie nt r é e, , ’ l a e fê t m ai s l’a en re ar d e vait p as pr ése n tran f n a p ntait ho m m e r o昀椀té er m é sa p t u s ne o . Il se co n e pl aie n’a r r te s n n ai s ie saie n ur le crâ n e. L n volé, t p as es d e . ux

RE MO NT ER LA PE NT E Si vous habi tez à Nancy, vous ne le sa mais vous vi viez peut-êtr vez dans une e pas, ville de mont à tel point agne, au x cô que les tr ot tes escarp ée tinettes élec 18 rues de la s, triques sont ville. Un arrê in terdites dans té municipal le stipule.

Dans les fait daté du prin te mps 2022 s, peu de co joue la cart ntraventions e de la pr év , mais Nancy ention, pour les pentes tr éviter les ac op raides, co ci dents dans mm e l’avenue de Bouf 昀氀ers.

11

Les faits se sont déroulés en gare de Thionville le 12 septembre.

L’armée de Terre, la gendarmerie, le RAID et le GIGN, préparaient une simulation grandeur nature au Musée de la Tour aux Puces.

Une grande première nationale, pour tester une situation avec un nombre important de victimes. Malheureusement tout le monde a pris les choses très à cœur et après 2h d’exercice, 5 personnes ont dû être transportées aux urgences.

Fake : Simulation pour de vrai

Graphisme par Valentine Poulet

SIMULATION POUR DE VRAI

TOYA, BRIGADE VERTE Sous les airs calmes du golf de Faulquemont, rien ne présage de ce qui se passe dans la cuisine du restaurant Toya, de Loïc Villemin, installé ici depuis 2010. 2 ans plus tard, il devenait le plus jeune chef de France à recevoir une étoile Michelin. Dix années se sont écoulées, le natif de Saint-Avold a été récompensé entre autres de 4 toques Gault et Millau et d’une étoile verte, qui signale les démarches éco-responsables.

Grande discussion avec Loïc Villemin, qui revendique une cuisine sincère, à l’écoute du monde et en renouvellement constant.

12

13

Interview par Arthur Guillaumot Graphisme par Valentine Poulet Photos par Diego Zébina

À quel moment tu as compris que la cuisine serait ton moyen d’expression ?

Je l’ai un peu toujours su. Mes parents avaient un restaurant depuis 40 ans, j’ai toujours vécu au-dessus d’un restaurant. Au départ, j’y suis allé par facilité parce que c’est un milieu que je connaissais.

La première impulsion, c’est ça. C’est devenu un moyen d’expression par la suite, quand j’ai compris que je pouvais me servir de la cuisine pour expliquer qui je suis, comment je suis. Mais aujourd’hui, les à-côtés négatifs me mettent parfois dans une urgence telle que ça m’empêche de créer autant que je le souhaite.

“ SI C’ÉTAIT L’ARGENT QUI GUIDAIT MA DÉMARCHE, Tu penses que tu pourrais arrêter un jour ?

Tu pourrais fermer Toya ?

JE ME SERAIS TROMPÉ DE CARRIÈRE. ” Oui, bien sûr. Je suis passionné par mon métier, ce restaurant est primordial pour moi, mais à un moment ou à un autre, il faut prendre des décisions. On a qu’une vie, c’est important de penser à soi et à sa santé. Fermer ce n’est pas le but, mais si un jour je n’ai plus le choix, parce que j’y vais à reculons, je le ferai. Peu importe la raison, je n’aurai aucun regret, j’aurai tout donné. Je n’ai pensé qu’à ça, je n’ai pas eu le temps de fonder une famille. C’est mon choix et je ne le regrette absolument pas. Je savais en me lançant qu’il fallait que je le fasse à fond.

Est-ce que les émotions, même négatives, se ressentent dans ta cuisine ?

Oui, il ne faut pas s’oublier. Moi, je m’en fous de bosser plus. Avant, je venais à 6h, maintenant je viens à 5h. Mais à un moment ou à un autre, je vais venir à 4h, puis je ne vais plus dormir. Elle est où la limite ? C’est mon rôle. Je suis en première ligne et je ne cherche pas d’excuse. Les gens s’en foutent de savoir tout ça, ils viennent passer un bon moment.

Tu dirais que ta cuisine est construite autour de l’improvisation ?

Oui, et tu restes gourmand avant tout. Tu as envie de manger, moi j’adore ça. C’est ton estomac qui commande. Et quand tu as une émotion, tu as envie de la partager.

14

“ MA PÂTISSERIE, C’ÉTAIT UNE TABLE PLIABLE ET MA GRAND-MÈRE A COUSU LES NAPPES ET LES RIDEAUX. ”

J’ai l’impression que l’argent n’est jamais une motivation pour toi.

Honnêtement, si c’était l’argent qui guidait ma démarche, je me serais trompé de carrière. Je n’ai pas besoin d’une Porsche, je vis sur place.

Ce n’est pas dans ce milieu que tu gagnes de l’argent. J’essaye d’être juste. Je ne vais pas te cacher les choses, pour moi c’est cher.

Si je pratique ce genre de prix, c’est que je n’ai pas le choix.

Je n’ai pas d’investisseurs. Quand je sors 1 euro, il sort de ma poche.

Il y a des restaurants de façade, où tout paraît chic, mais en arrière boutique les producteurs ne sont pas payés. Des resto-sociétés avec des investisseurs, qui se mettent en faillite en laissant des producteurs sur le carreau. Mais tout le monde s’en fout et ils peuvent quand même ouvrir d’autres restaurants. Ça me met en colère.

Comment tu t’es fondu dans le rôle du patron ?

Encore à l’heure actuelle, j’ai encore énormément à apprendre à ce niveau-là. J’ai eu la chance de voir comment faisait mon père, qui a pris sa retraite l’année dernière et qui a fermé son restau. Il avait une gestion très saine et équilibrée de sa pizzeria. J’ai béné昀椀cié de ses conseils et je lui dois beaucoup. J’ai commencé, j’avais 23 ans, je n’avais pas d’expérience.

Dans ton histoire personnelle, il y a de la précocité en tout.

On a commencé en 2010, on était deux, j’avais une personne en salle et moi. Personne ne nous connaissait, on se débrouillait comme on pouvait avec les moyens du bord. J’avais 23 ans. Ma pâtisserie, c’était une table pliable de brasserie. Je n’avais pas le choix. Tout s’est fait petit à petit, ma grand-mère a fait les rideaux, les nappes. On a eu de la chance… Un an et demi après l'ouverture, on a eu une étoile.

Jamais je n’aurais pensé ça.

Tu as parfois pensé que c’était trop tôt ?

Clairement ! Mais tu ne fais pas la 昀椀ne bouche. Et c’est une chance in昀椀nie qui oblige à se bouger. Le lendemain de l’étoile, on a décidé de ne pas faire plus de 10 couverts, alors qu’on aurait pû être gourmands.

Tu dis que la meilleure façon d’avoir une deuxième étoile, c’était de garder la première.

15

C’est la logique des choses. Il faut être conscient de ce que tu fais.

S’isoler de ce que projettent les gens. On m’a con昀椀é une étoile, je dois faire ce qu’il faut pour la rendre la plus belle possible. Selon les codes mais sans oublier ma personnalité, c’est important. Il ne faut pas se perdre. Je reste concentré sur ce que j’ai envie de faire.

En fait, c'est une hygiène générale d’athlète de haut niveau non ?

Oui, c’est clair. Après, ça tu gères. Moi je cours beaucoup, je fais beaucoup de vélo. Je n’ai pas besoin de beaucoup de sommeil et je sors très peu, donc ça s'accommode. Mais ça m'empêche d'évoluer.

Le temps que je passe à faire de la pâtisserie, je ne le passe pas à donner des indications à mon équipe.

Oui, ça impacte la partie transmission.

La cuisine c’est un sport d’équipe. Là, quand des gens nous mettent des lapins et ne viennent pas, c’est toute l’équipe qui a davantage de travail. À la sortie du Covid, la restauration a été pointée du doigt en termes de conditions de travail. Nous on en a tiré des conclusions : on ferme trois jours consécutifs, dont le dimanche, la journée avec le plus gros chi昀昀re d’a昀昀aires. Tout le monde a été augmenté de 200 euros.

6 semaines de congés dans l’année et une cuisine au top de l’équipement.

On fait pousser nos plantes dans le jardin, on part au Mexique, on part au Canada. Si ça ne su昀케t pas … Je ne sais pas quoi faire de plus.

J’ai une super équipe, c’est pas le problème, mais je ne peux pas leur en demander plus.

Tu penses que la situation géographique de ton restaurant joue dans cette dif昀椀culté à trouver des gens dans la durée ?

Oui, bien sûr. Je suis en bonne relation avec Charles, de La Maison dans le parc * , à Nancy. Il a beaucoup moins de problèmes de recrutement.

C’est normal. Après nous, on o昀昀re l’hébergement, chaque personne qui vient travailler ici a la possibilité d’être hébergée. *

Restaurant également étoilé

“ DANS 10 ANS, ON BOUFFE TOUS AU BUFFALO GRILL, OU DANS DES CHAÎNES. IL N’Y AURA PLUS DE RESTAURANTS INDÉPENDANTS. ”

C’était une conviction personnelle d’installer ton restaurant dans la ruralité ?

16

Je n’aurais fait mon restaurant nulle part ailleurs. C’est chez moi. Ça fait partie de mon histoire, c’était logique et normal de revenir ici.

C’est ma région, je me sens bien ici. C’est ici que j’ai grandi. Les gens sont cools, il y a un équilibre qui me plaît bien. C’est important de valoriser l’endroit, parce que quand tu dis Faulquemont, c’est di昀케cile à situer.

Avant, les chefs faisaient n’importe quoi avec leur brigade, tu essayes de changer les choses ?

Oui. Notre génération paye les pots cassés des abus des précédentes.

Ces abus, j’en ai été victime aussi, je me suis fait taper sur la gueule, j’ai fait des heures pas possibles pour rien. Mais aujourd’hui, les chef•fes de notre génération, on fait tout pour changer. Charles fait tout ce qu’il peut aussi. Je n’ai pas un•e pote chef•fe qui n’a pas fait d’e昀昀ort pour restructurer son restaurant pour que les conditions de travail soient meilleures. On en discute entre nous, certain•es sont optimistes, j’ai du mal à l’être. Je ne suis pas quelqu’un de négatif, mais à ce rythme, dans 10 ans, on bou昀昀e tous au Bu昀昀alo Grill, ou dans des chaînes. Il n’y aura plus de restaurants indépendants.

Est-ce que les émissions comme Top Chef, et les paillettes, ça ne fait pas du mal à la profession ?

Du mal non. C’est une promotion pour la profession. Mais il faudrait mettre une pancarte “ Attention, ceci est une émission de télé et non la réalité ”. Aujourd’hui, on doit faire avec. Et il y a quand même des vocations qui naissent avec ce genre de programme. C’est le contexte global qui fait qu’on se pose forcément des questions sur l’avenir du métier.

À quel moment et pourquoi la démarche durable est intervenue dans ta pratique de la cuisine ?

C’est venu naturellement, comme souvent. C’était aussi pour me soulager. Je fais souvent des analyses poussées sur ce qui me pose problème au quotidien. Et les poissons en faisaient partie. La qualité des produits est primordiale. Le stress commençait dès le samedi, avec mon mareyeur, pour qu’on puisse répondre le plus précisément à ma demande. Et une fois qu’on trouvait le bon produit, il y avait le problème du transport. Le transport 24h, ça a un prix, que je suis prêt à payer, mais les produits arrivaient au bout de 72h. L’argent, c’est pas le problème, le problème, c’est de jeter des produits, comme si c’était normal.

C’est un dé昀椀 permanent en fait.

17

Oui. Tout est un dé昀椀. On parlait du poisson. J’ai décidé de ne plus travailler le poisson de mer. Bon, il faut quand-même qu’on propose du poisson aux gens, ils n’en mangent pas systématiquement chez eux. On trouve des réponses locales. Ça demande du temps, mais ça ouvre de nouvelles possibilités, parce qu’on va toujours plus loin dans la démarche. On doit se débrouiller.

Alors qu’elle représente depuis longtemps un volet essentiel de la mobilisation écologique, la consommation de viande dans le monde a été multipliée par cinq au cours des soixante dernières années, passant de 71 millions de tonnes en 1961 à 339 millions de tonnes en 2021.* Si l’arrêt ou la diminution de notre alimentation carnée semble être toujours plus une nécessité, les habitudes ont du mal à changer.

Retour sur les impacts et les enjeux qui gravitent autour de la consommation de viande aujourd’hui. * Selon les données de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)

Texte par Romain Bouvier Graphisme et illustration par Mathilde Petit

Destruction de la biodiversité et des écosystèmes

80 % des émissions d’ammoniac proviennent de l’élevage. Ce gaz hautement soluble dans l’eau provoque des pluies acides qui perturbent la photosynthèse, détruisent les éléments nutritifs des sols et déséquilibrent les sols forestiers.

78 % de la perte de biodiversité terrestre est causée par l’élevage.

80 %

de l’acidi昀椀cation des sols

73 % de la pollution de l’eau

sont causés par l’élevage. La gestion des déjections animales dans les élevages intensifs provoque l'in昀椀ltration des nitrates et des agents pathogènes dans les nappes phréatiques, mettant en péril les réserves d’eau potable.

80 % des terres agricoles sont mobilisées par l’élevage dans le monde.

4 fois plus

18

de super昀椀cie terrestre est nécessaire pour produire une calorie animale, comparée à une calorie végétale.

Nutrition & Santé • Les 20% de personnes consommant le plus de viande rouge (près de 100g/jour en moyenne) voient leur risque de développer un cancer augmenter de 30% par rapport aux 20% qui en mangent le moins (40g/jour en moyenne).

• La viande rouge est un facteur aggravant de cancers, de diabètes et de maladies cardiovasculaires.

Climat

14 fois moins de gaz à e昀昀et de serre pour un repas végétarien qu’un repas incluant de la viande de bœuf et près de 3 fois moins qu’un repas incluant du poulet.

• La consommation de viande est responsable de 14% des émissions de gaz à e昀昀et de serre d’origine anthropique*, en y incluant aussi celles liées au transport au sein du secteur. * d'origine humaine

Sou昀昀rance animale • En 2023, l’usage de caméras de surveillance ne constitue toujours pas une obligation, malgré les demandes de nombreuses associations et les images de maltraitance animale régulièrement collectées par des formations comme L214.

Dans les coulisses des abattoirs

• En 2018, dans le cadre de la loi EGAlim, des dispositifs de contrôle par vidéo sont expérimentés. Ils se font sur la base du volontariat et le contrôle des images se fait directement sous la responsabilité des entreprises. Aucun contrôle n’est imposé pour le moment.

Dévorer le monde Stopper ou réduire sa consommation de viande permet de réduire de moitié l’empreinte carbone liée à son alimentation, et a plus d’impact encore dans la préservation des écosystèmes.

Les espaces vierges où des écosystèmes riches peuvent s’exprimer loin de l’impact de l’Homme se raré昀椀ent.

Ils sou昀昀rent de l’urbanisation, des infrastructures, des routes, mais avant tout de la surface démentielle nécessaire à la production de céréales destinés aux bovins. La consommation de viande contraint le monde agricole à mobiliser 5 fois plus d’espaces vierges

pour fonctionner. Il est di昀케cile pour les espèces impactées de s’adapter puis de s’épanouir dans des espaces de monoculture, d'autant plus que les sols et les eaux sont durablement pollués par les pratiques d’élevage.

Nous devons revoir notre rapport à la consommation de viande. C’est une évidence. Mais bouleverser nos habitudes de consommation peut se révéler être assez di昀케cile, nos patrimoines gastronomiques sont construits autour de la viande, sa consommation elle-même est un fait

culturel, agissant à toutes les époques et sur tous les continents. De plus, de 2014 à 2020, le développement des alternatives végétales en Europe et aux États Unis a pu pro昀椀ter de 42 millions d’euros de subventions, contre 35 milliards pour les secteurs de la viande et des produits laitiers, soit près de 900 fois moins. Les lobbys de la viande et du lait n'ont aucune envie qu'on se passe d'eux et font tout ce qui est en leur pouvoir pour maintenir leur in昀氀uence.

S’adapter À notre échelle, le meilleur moyen de changer nos habitudes de consommation est de commencer par adopter un régime 昀氀exitarien, où l’on limite la consommation de viande (notamment de viande rouge) et de poisson à une fois par semaine, par exemple. Si tout le monde se tournait vers le flexitarisme, les problématiques en lien avec les rejets de CO2 du secteur, la pollution des sols, l’accaparement des surfaces ou les e昀昀ets sur la santé évoqués précédemment seraient nettement

pondérés. Les préoccupations en termes de souffrance animale doivent se mener d’abord sur le terrain législatif, ou les lobbys sont pour le moment garants des règles en termes d’élevage et d'abattage. Le fait qu’une surveillance vidéo encadrée dans les abattoirs ne soit toujours pas d’actualité en 2023 va à l’encontre de tout bon sens.

Dans le monde, une personne achète environ 40% de vêtements en plus qu’il y a 15 ans. Le monde du prêt-à-porter

a compris qu’en produisant plus à moindre coût (au détriment des droits humains, de la qualité ou encore des coûts environnementaux), il pouvait générer bien plus de revenus. Le secteur de la viande fonctionne de la même façon, et tente toujours plus de s’installer comme une composante indispensable de notre quotidien.

20

SAFRAN SIX SOUS À la mi-octobre, près de Toul, c’est la période de floraison dans la production de safran de Céline Laurent. Elle nous apprend les secrets de l’épice la plus chère du monde. Fleur violette, dur labeur et pistils rouges.

texte par josh | photo par diego zébina | graphisme par mathilde petit

21

Salle de shoot pour bourdons. La plante émet des odeurs qui les font dormir.

La Safranière du Pierrier se trouve à Domgermain, village niché sur les coteaux toulois.

Pour cultiver du safran, il faut faire pousser du crocus sativus, la fleur violette. Après la cueillette, on lui soustrait ses pistils rouges.

Une fois déshydratés, on obtient l’épice utilisée en cuisine.

Dans sa petite exploitation, Céline Laurent produit 200 grammes par an, soit 40 000 fleurs et 100 000 pistils.

PLUS GROS PRODUCTEURS DE SAFRAN (ESTIMATION) Iran

Inde

Grèce

80 tonnes

20 tonnes

4 tonnes

(France : 100 kilos) Le safran est connu comme étant l’épice la plus luxueuse et la plus chère du monde. Pourtant ici, aucune villa ne s’est construite. La production est artisanale. “Nous on cherche la qualité du produit, et non sa quantité”, clame Céline Laurent. Son safran, vendu 35 € le gramme, ne parvient pas à la faire vivre toute l’année.

Elle a dû quitter la filière bio car cela lui coûtait trop cher. “J’ai pas bien compris que pour faire mieux, j’étais obligée de payer plus cher,

22

c’est ceux qui font moins bien qui devraient payer, c’est le principe du pollueur-payeur.

J’ai décidé de conserver nos bonnes méthodes mais pas le label, on est une safranière rebelle”, prône-t-elle en riant.

Cette épice est appelée l’or rouge : il faut une patience de sage pour la produire et un travail d’orfèvre pour la récolter. Céline s’est lancée en 2005 mais elle a dû attendre 5 ans d’échecs pour que la première récolte de safran ait lieu.

Pendant les 3 semaines de floraison, c’est une astreinte permanente. Le crocus sativus est une plante très capricieuse, chaque matin est une surprise.

“C’est peut-être le moment de nos portes ouvertes mais si c’est pas son moment, c’est pas son moment”.

“La fleur aime les chocs thermiques, il lui faut un été très chaud et un hiver très froid”. Le dérèglement climatique devait donc laisser le safran tranquille. “On pensait que l’été resterait l’été et que l’hiver resterait l’hiver, finalement on n’en est plus sûr”. Le crocus ne fleurit qu’en dessous de 15°C. Avec des premières fraicheurs de plus en plus tard, la floraison est perturbée, mettant en péril l’exploitation.

Avant 2005, Céline décrypte des textes en latin. Elle tombe sur un texte qui parle de la culture du safran : il lui faut des terres abruptes, sèches et sans cailloux.

Elle quitte la recherche pour mener les siennes avec le crocus sativus. “Au XVe, le safran était répandu en France, notamment dans les Alpes ou dans le Quercy. Puis il a peu à peu disparu avec l’ère industrielle car sa production est tout sauf rentable.”

L’or rouge revit en France

23

depuis quelques années.

Malgré le climat changeant et les caprices du safran, Céline Laurent n’est pas découragée. Elle sait qu’elle peut compter sur ses proches pour l’épauler : “sans eux je ne tiendrais pas”.

24

c’était un vrai problème alors j’y suis allée. Celui des deux frères qui porte les lunettes est venu vers moi dès que je suis rentrée dans le restaurant.

— Louise, toi tu es là depuis longtemps. Tu sais qu’on veut juste notre table.

— Oui mais les nouveaux ont donné la table à des allemands.

— On ne peut pas les mettre ailleurs ?

— Je suis désolée, je ne parle pas allemand. Et on est complet.

Arthur Guiomo J’ai vu la scène de loin. Pour accueillir les clients à l’entrée du restaurant, il n’y avait que des nouveaux. Des étudiants consciencieux qui paniquent et font comme ils peuvent. En même temps, c’est pas à eux de se stresser pour la pizzeria. Ce jour-là, le patron, Alph’ était en vacances.

Illustration par Etienne Puaux • Graphisme par Mathilde Petit

Patron avachi et sympathisant fasciste qui transpirait un peu de sa poisse dans les plats décongelés qu’il transportait mollement du passe de la cuisine aux tables des clients. Alph’ pizza était devenu grâce à lui une institution de la mauvaise bouffe, des intoxications alimentaires et des bagarres tardives. Mais dans la ville, c’était le seul qui embauchait sans poser de questions. Vous vouliez du travail ?

Il suf昀椀sait de vous frayer un chemin entre les tables graisseuses et de le chercher dans son dédale de tables et d’étages, jusqu’à l’endroit où il s’envoyait des rasades de whisky écossais. * Nous avions deux habitués, 2 frères, qui venaient tous les samedis soir. Ils ne réservaient jamais, considérant que leurs habitudes faisaient partie des choses à savoir quand on travaillait ici. — La même table que d’habitude. Les frères Royal, Edmond et Luc, commandaient toujours des lasagnes avec un verre de vin rouge et le dessert du moment.

C’était toute une comédie à chaque fois. Ils se séparaient systématiquement fâchés, l’un quittant la table et l’autre réglant l’addition, laissant un pourboire et réclamant de serrer les mains

de toute l’équipe. Ils revenaient toujours le samedi suivant et leurs rôles alternaient d’une semaine sur l’autre. Edmond et Luc étaient tous les deux à la retraite, et sans être jumeaux, ils partageaient une affection commune pour les gros pulls et les jeans larges, été comme hiver. L’un portait des lunettes et avait un peu d’embonpoint, l’autre était sec et portait parfois une casquette de la Coupe du monde 98. Les deux frères connaissaient nos prénoms et aimaient qu’on leur raconte nos histoires de la semaine. C’était bizarre mais ils savaient rendre ça attachant. * Le soir où c’est arrivé, Alph’ était en vacances. J’avais été désignée responsable parce que j’étais là depuis 3 mois et que donc j’étais une ancienne. Je n’étais pas mieux payée qu’en temps normal. J’étais juste celle qui avait vu le plus de monde démissionner. On aurait eu besoin de 3 ou 4 personnes en plus. On se battait contre une armée d’affamés qui recevait du renfort en permanence. Impossible de gagner.

Un nouveau est venu vers moi en courant. Il y avait de la sauce sur son tee-shirt Alph’ pizza.

— Des vieux réclament “La même table que d’habitude”.

— Bah fais-les rentrer et laisse-les y aller.

Je regardais la scène de loin. Les jeans et les pulls habituels, malgré la chaleur. Les deux frères qui s’engouffrent dans le restaurant.

Puis le même nouveau serveur qui revient. — Leur table est prise par des allemands. J’ai compris que

Les deux frères sont sortis du restaurant en se suivant. Sans dire un mot de plus. Je n’ai pas compris sur le moment que c’était si grave que ça. Je prenais ça pour un caprice. * Alph’ est revenu. Mais le samedi suivant, la table des deux frères est restée vide. Alph’ s’en est étonné alors je lui ai raconté la scène. Pendant encore un mois on a laissé leur table habituelle vide.

Le problème, c’est que comme les deux frères venaient sans réserver depuis des années, Alph’ n’avait pas leur numéro de téléphone.

Pendant un moment l’histoire des deux frères m’a traîné dans l’esprit.

Je me sentais coupable, ou plutôt témoin de ce changement brutal.

Au début du mois d’octobre, j’ai démissionné.

J’avais depuis longtemps oublié l’histoire quand j’ai croisé au supermarché celui des deux frères qui portait la casquette de la Coupe du monde 98.

— Vous vous souvenez de moi ?

— Vous êtes Louise de chez Alph’ pizza.

— Pourquoi vous ne venez plus Luc ?

— Moi c’est Edmond. Luc est parti vivre à la campagne. On ne se voit plus.

— Pourquoi ?

— Quand vous nous avez refusés, on s’est quittés sans rien se dire. On ne s’est pas revu depuis. On ne se voyait que chez Alph’. Vous savez c’est important les habitudes.

Il dit ça en me montrant la boîte cartonnée d’une portion de lasagnes surgelées.

texte par arthur guillaumot photo par diego zébina graphisme par mathilde petit

27

Eloïse Gross est influenceuse légumes, ou plutôt maraîchère branchée. À 21 ans, elle est patronne de son exploitation, la Ferme de Domangeville, à une vingtaine de minutes de Metz. Elle compte sur ses 16 000 abonné·es pour dévaliser son étal sur les marchés de Metz et Thionville, et fournit les meilleurs restaurants du coin.

À la base, le père d’Eloïse était comptable. Il n’y a pas d’agriculteurs dans la famille. “Il a acheté la Ferme de Domangeville sur un coup de cœur, alors qu’il cherchait une grange pour le cheval de ma mère”. Le paternel lâche alors son métier pour reprendre la ferme et se lance dans l’élevage de vaches, porcs, moutons. “Il a tenu l’exploitation pendant 13 ans avant de faire un burn-out”. Depuis ses 12 ans, Eloïse est sur les marchés avec sa grande sœur. Elle va progressivement reprendre la ferme par les légumes bio. Le jardin familial s’agrandit alors un peu.

Eloïse est une maraîchère branchée qui décoiffe la profession. “95% des autres maraîchers ragent un peu sur les marchés.

Je suis jeune, je suis une femme, on a plein de monde”. Si elle a appris à prendre du temps pour répondre aux messages et préparer les publications, la profession met du temps à lui emboîter le pas. “Mais ça fait du bien à tout le monde. Les clients parlent de nous.

La lumière sur le métier, elle profite à tout le monde”.

28

Les chiens de la ferme courent entre les rampes d’irrigation du potager. “On a deux puits et un forage, en irriguant dès le printemps, mais très peu, on supporte mieux la sécheresse et le dérèglement climatique”. Pour le moment, dans les serres, les tomates finissent de prendre de la couleur et les choux règnent.

À 16 ans, alors qu’elle vient d’arrêter l’école, Eloïse lance un compte Instagram pour faire découvrir sa ferme et répondre aux gens qui disent “Les carottes sont sales” ou “Les petits pois sont chers”. Sur les réseaux sociaux, le confinement a été bénéfique. “Maintenant, c’est devenu le truc le plus important de la ferme. 80% des gens qui viennent au marché viennent parce qu’ils nous connaissent d’Insta”. La maraîchère revendique une clientèle très jeune, qui détonne un peu sur les marchés. “C’est comme partout, si quelqu’un t’explique, tu comprends mieux.

Sur notre stand au marché, on a des 18-35 ans alors que les autres ont une clientèle plus traditionnelle”.

Du haut de ses 21 ans, Eloïse tient ferme.

Elle a dû apprendre à gérer le rôle de la patronne. “C’est plus simple maintenant, j’ai plus d’expérience, et les gens postulent pour la démarche”. Parmi ses 5 employés, le plus âgé n’a pas la trentaine. Malgré un emploi du temps à la minute près, la jeune boss tente de ne pas se priver de profiter.

“Je sors, je fais plein de trucs, ma vie est très remplie, alors je prends le temps d’apprécier chaque chose”.

Malgré l’hiver qui s’annonce, Eloïse va continuer de livrer les marchés et les magasins bio. Cette année, en plus des étoilés voisins de Toya ou du Quai des saveurs, elle va fournir Michel Bras, à Paris, un des chefs les plus influents du monde. Un nouveau défi à relever pour Eloïse, qui n’a peur de rien.

Retrouver Eloïse sur Instagram : @lafermededomangeville

JAN / MARS 2024

BAM TRINITAIRES

Venise e révélé DIZIER SAINT-Créé avec MUSE, rand Palais -G la RMN

DU 30 NOVEMBRE 2023 AU 1er SEPTEMBRE 2024

#5

FESTIVAL #11

music

a

z.f

r

52100, Saint Saint-D -Dizier izier

CHAPELIER FOU ENSEMB7E CANBLASTER IRL BREAKING BAM HAUNTING THE CHAPEL JOANNA MERYL JOSY BASAR LESCOP ROOM ME VOYOU SLIMKA CLARK VONFELT

c i te

©Iconem - Place Saint-Marc, vue de l’exposition 2019

ITION EXPOS

AV. JEAN MONNET FAULQUEMONT 03 87 89 34 22

l

m e-

et

31

Rocher de Dabo Donon Haut-Koenigsbourg 5 lacs Hohneck Grand Ballon

La neige devient rare mais le Massif des Vosges reste la meilleure attraction de l’hiver. On dit qu’il abrite même des créatures légendaires. 6 lieux mythiques pour tenter d’en voir une. Chaussures de rando, loupe et vêtements chauds.

EN MONTAGNE

24h

Texte par Josh Graphisme par Mathilde Petit

32

5 6

4

2

1

3

1 2 3 4 5 6

12 heures

5 heures

238 kilomètres 36 heures

Trajet complet, dans l'ordre

ROCHER DE DABO DONON HAUT-KOENIGSBOURG 5 LACS HOHNECK GRAND BALLON

© CCPP / Aurélien Munsch

© OTVB / Stéphane Spach

Les recherches sous-marines n’ont rien donné. Mais une trace vous indique que le Dahu est de sortie. Ce chamois à pattes courtes est appelé Darou dans les Vosges. Vous grimpez sur le plus haut sommet du département : le Hohneck. Le panorama vous fait oublier vos recherches.

hauteur : 1 363 mètres accessoire de rando : jumelles animal totem : chamois boiteux

hauteur : 1 424 mètres accessoire de rando : pique-nique animal totem : lutin farceur

18H-20H CHASSER LE DAHU

Un faucon rusé vous guide puis vous perd en forêt.

Après des heures de marche, vous vous écroulez.

Réveil sur le plus haut sommet de tout le Massif, le Grand Ballon, avec un p’tit dej o昀昀ert. Ce serait l’œuvre du Sotré et de ses amis lutins. Vous repartez bredouille mais le voyage en valait la peine.

20H-7H DORMIR AU SOMMET

© OTLBHV / G.Bervard

HOHNECK

GRAND BALLON

© Vincent Schneider

hauteur : 1 008 mètres accessoire de rando : bâton de puissance animal totem : écrivain engagé

Les traces de licorne vous emmènent jusqu’au sommet du Donon. Son temple est le haut-lieu de la mythologie du Massif. Malgré vos prières envers des dieux celtes et romains, votre piste s’estompe.

Seule trouvaille : Victor Hugo aurait été conçu ici.

Un lieu qui forge les destinées.

10H-12H AFFRONTER LES DIEUX

DONON

hauteur : 650 mètres accessoire de rando : bottes de vitesse animal totem : licorne de l’Est

Point de départ de l’enquête : Saverne, ville alsacienne qui porte comme blason la licorne. Vous fouillez plusieurs châteaux en ruines à la recherche de la corne unique. Des habitant·es vous indiquent une piste : le rocher de Dabo. La dernière licorne connue aurait sauté d’ici.

7H-10H APERCEVOIR UNE LICORNE

ROCHER DE DABO

© OT station du Lac Blanc

hauteur : 1 066 mètres accessoire de rando : maillot de bain animal totem : truite géante

On vous rencarde sur l’existence d’un Loch Ness vosgien. Problème, il y a un tas de lacs dans le Massif.

Pour en écumer le plus possible et trouver votre monstre, vous explorez les 5 merveilles de la vallée de Munster. Lac blanc, lac noir, lac vert, toutes les couleurs y passent.

14H-18H PLONGER SANS S’ÉCHOUER

5 LACS

hauteur : 757 mètres accessoire de rando : cotte de mailles animal totem : dragon (graoully pour les messin·es)

Sans piste 昀椀able, vous demandez conseil à un expert dans le plus drip des châteaux du coin : le HautKoenigsbourg. Symbole régional de l’animosité entre les peuples, il réunit les meilleurs chasseurs de dragons. Entre deux animations médiévales, l’un d’entre eux redonne du sens à votre quête.

© Tristan Vuano

12H-14H CHEVAUCHER LES DRAGONS

HAUT-KOENIGSBOURG

Texte par Josh Graphisme par Noélie Dessalle Photo par Diego Zébina

LAISSANT LES ASSIETTES DES AUTRES VIDES L’appel de détresse des Restos du Cœur et le don de Bernard Arnault qui s’en est suivi ont remis l’aide alimentaire au centre du débat début septembre. Tout le monde veut alors sauver les Restos du Cœur.

Mais pourquoi devoir faire appel à la générosité d’un milliardaire pour venir en aide aux plus démuni·es ? On fait le point sur la dangereuse tendance qu’a l’État de déléguer ses devoirs aux autres.

Bernard Arnault sort 10 millions de sa poche pour aider les Restos du Cœur. Le gouvernement, lui, promet 15 millions : 10 sont en réalité déjà prévus depuis mars. Deux mois plus tard, malgré ces chèques, les Restos doivent réduire leurs critères et refuser du monde pour la première fois de leur histoire. Le constat est posé : l’accès à l’alimentation pour la grande pauvreté repose sur le bon vouloir des grandes fortunes.

C’est l’apogée des inégalités. Le patron de LVMH donne 0,005% de son patrimoine1 pour permettre à 1,3 millions de bénéficiaires2 d’accéder à des colis repas. On marche sur la dignité de ces gens.

Malgré ces critiques légitimes, c’est une nouvelle salvatrice pour l’avenir

de l’association. Lorsqu’elle est créée en 1985, Coluche veut répondre à une urgence, pas en faire un pilier de l’alimentation. 40 ans plus tard, l’urgence est devenue un fait social.

On compte près de 3,5 millions de bénéficiaires de l’aide alimentaire en 20213. Les gouvernements ont laissé couler, faisant reposer la charge sur la volonté sans failles des associations et de leurs bénévoles. En 1976 pourtant, la France ratifiait un Pacte4 et promettait “assurer une répartition équitable des denrées alimentaires” et “adopter les mesures nécessaires, y compris des programmes concrets”.

Aujourd’hui, l’inflation fait rage et il n’y a rien de concret. À part que 32% des Français·es n’ont pas une alimentation saine5. À part que les tranches de la population touchées par la grande pauvreté s’élargissent. À part que les files d’attente des banques alimentaires s’allongent inexorablement. Peu importe la taille des enveloppes ou le nombre de dons, le gouvernement doit apporter une réponse structurelle. L’État providence est en faillite car on a troqué la solidarité pour la charité. La solidarité, c’est une aide uniforme, qui permet à toute personne d’accéder à un logement, de la nourriture, des soins et une éducation. La charité,

Lorsque Coluche crée les Restos du Cœur en 1985, il veut répondre à une urgence, pas en faire un pilier de l’alimentation. c’est une aide individuelle, pour laquelle il faut continuellement justifier de sa pauvreté. La charité, c’est une douleur qui se grave dans la vie des bénéficiaires.

Passer la porte des Restos du Cœur n’est pas un acte bénin. On ne vient pas y attendre de la même manière qu’on attend à la caisse d’un supermarché. La violence est symbolique. Lorsqu’on ne peut plus compter sur soi-même pour manger, la nourriture devient un symptôme de stress, elle est réduite à son besoin de survie, au détriment de l’aspect social et convivial du repas. La perte de confiance en soi qui s’installe rend l’espoir d’un retour à l’autonomie difficile à imaginer.

Cette violence est le résultat de gouvernements spectateurs, qui se sont contentés de féliciter le travail des associations. Elles sont devenues les services de l’État. Aujourd’hui, la charité prime pour l’aide alimentaire.

Demain, les hôpitaux se tourneront peut-être vers un modèle similaire, si la solidarité continue de perdre l’estime de nos gouvernements.

On aurait alors recours, comme aux États-Unis, à la philanthropie capitaliste, qui financerait à son bon vouloir les cliniques, et pourquoi pas les écoles par la suite. On ne peut plus se contenter de sauver les Restos du Cœur, on doit faire disparaître leur nécessité.

Article en version longue à retrouver sur premierepluie.com

34

1 : Estimé à 190 milliards d’¤ par Challenges, au 05/09/23.

2 : Personnes accueillies en 2023, au 03/09/23.

3 : France, portrait social, édition 2022, Insee.

4 : Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Nations Unies.

5 : Baromètre de la pauvreté Ipsos / Secours Populaire, 06/09/23.

Pour aller plus loin : • La France qui a faim, Bénédicte Bonzi, 2023.

• Aide alimentaire : les protections sociales en jeu, Déborah Myaux (dir), 2019.

VACHES à table Zébina

Série photo

35

Diego

Graphisme par Mathilde Petit et Diego Zébina

carte postale spéciale

N’4 JEANNETO

C’est fou comme un an ça passe si vite, et comme il peut se passer tellement de choses en si peu de temps. Je viens de sortir un nouveau single, Bagarre , suivi du nouvel EP, RAVEPOP. C’est que des sons pour faire la fête mais l’écriture de ce projet n’a pas été si facile et parfois bouleversante car elle correspond à une période intense pour moi de reconstruction et de remise en question.

La musique a révélé une force en moi que j’ignorais

Dire non c’est aussi accepter de ne pas être aimé·e Il est temps d’ouvrir les yeux et de ne plus aimer aveuglément. Car j’ai besoin de voir où je vais et d’avancer. Je n’ai plus la force d’aimer les autres si fort, ou du moins j’ai envie d’en garder un peu pour moimême. Si je leur donne tout, qu’est-ce qu’il me reste ?

Comment faire quand on aime trop et qu’on a constamment peur d’être abandonnée ? J’ai toujours eu le besoin de plaire constamment, d’être aimée, acceptée, validée, et c’est ce qui me ramenait sans cesse dans des relations douloureuses car impossibles. J’acceptais qu’on me traite mal car j’étais dans une quête infernale d’amour quitte à me piétiner moi-même et à ne pas m’aimer. Mais j’ai fini par me confronter à moi-même, aussi terrifiant que cela puisse être. Ça me fait peur de faire tomber ce masque qui me permet de plaire, ça me fait peur de me rencontrer, de ne plus mentir, et de ne plus me mentir.

Mais c’est ça le vrai amour, l’amour de soi, c’est de savoir ce que je vaux et d’arrêter de passer mon temps à le prouver. J’aimerai toujours beaucoup mais je ne pardonnerai plus aussi facilement. Et si je n’ai pas la force de me battre, je fuirai, et ça c’est tout aussi courageux. Car je ne veux plus que les personnes qui me font du mal soient aussi les seules à pouvoir me consoler.

J’ai l’air d’être assez extravertie en public, je peux chanter devant des centaines de personnes. Mais je suis aussi très sensible, j’adore tout romantiser et flirter avec le cringe. Je crois néanmoins qu’il faut beaucoup de courage pour se montrer vulnérable, et j’ai enfin trouvé ce courage de vous partager des mots plus intimes. Si j’écris beaucoup c’est pour compenser ce que je n’arrive pas à exprimer dehors. Mes paroles sont comme des fiches Bristol pour toutes les fois où je n’ai pas eu la force de trouver les arguments, pas le courage de trouver les mots, pas osé intervenir, pas osé dire non, pas réussi à me défendre. Face aux violences quotidiennes, par fois invisibles, par fois létales, exercées par les hommes. Mais maintenant je pense qu’il est temps de se défendre, pour tous ces moments où nos limites ont été dépassées. Dans mes paroles je prône une certaine violence féministe qui a la couleur d’une reprise de pouvoir, car je suis convaincue que la violence des hommes cessera quand ils auront enfin peur d’en faire usage.

Carte postale de JeanneTo Graphisme par Valentine Poulet Photos par Jade L’oncle

J’ai besoin de parler, mais surtout d’être entendue

RAVEPOP, le nouvel ep de JeanneTo est sorti le 10 novembre.

Alors que notre monde cherche encore à contrôler la parole des femmes, en les faisant taire ou au contraire en les forçant à s’excuser, à être polies et à se justifier ; c’est la première fois que j’ose parler autant. La musique et l’écriture c’est ma chambre à moi. Alors que j’avais l’habitude de ne pas dire un mot plus haut que l’autre, j’ose maintenant les chanter. J’ose faire des reproches même à ceux que j’aime le plus, malgré la peur qu’on m’envoie chier. Et depuis que j’arrive à dire « là c’est stop je ne suis pas d’accord », il y a beaucoup de choses qui s’apaisent en moi.

Mais je sais que ce n’est pas fini, je sais que je vais encore évoluer, sinon pourquoi je serre encore les dents si fort la nuit au point de m’en déchirer la mâchoire ?

Il me reste encore des choses à dire, c’est sûr, tout n’est pas sorti. Mais je vais m’en sortir. Je sais que mon cœur est rempli de failles et qu’il va falloir passer au travers, quitte à serrer les poings. Je sais que je ne pourrai jamais tout contrôler. Je fais beaucoup de sport et je sais que si je cours autant c’est peutêtre qu’il y a encore des choses que j’aimerais dépasser, ou que je n’arrive pas encore à fuir. Je sais que je ne serai jamais parfaite et toujours faillible, mais je serai toujours meilleure qu’hier, même quand tout me prouvera le contraire.

Il ne faut pas oublier que tout change. La seule chose qui changera pas c’est que tout change. Des fois ça se fait tout seul et des fois il faut se bagarrer pour ça. On est plus fort·es que ce qu’on pense, vraiment. Si tu penses que tu mérites mieux, c’est que tu mérites mieux. Si tu as un doute, c’est qu’il n’y a pas de doute. Tu n’es pas folle et tu as le droit d’être en colère.

Il est temps de ne plus se contenter des miettes, alors que tu mérites toute la boulangerie. Les miettes c’est pour les pigeons (qui se poussent pour laisser tout le monde passer).

38

JEANNETO

39

Graphisme par Valentine Poulet

Que des bonnes choses, importées d’ailleurs et à déguster à quelques miles de vos domiciles.

Voilà les dates de concerts à ne louper sous aucun prétexte dans la région. Comme on est sympa, on en a fait une playlist.

氀愀 b愀渀q甀攀琀琀e Fête société

Dans l’histoire de l’humanité, on observe que les individus réunis sous quelque forme que ce soit ont toujours su trouver des pratiques leur permettant de communier ensemble. L’une de ces pratiques et peut-être la plus connue est la fête. Qu’il s’agisse des Grandes Dionysies en Grèce antique, des banquets organisés à la cour sous Louis XIV, du mouvement hippie apparu aux États-Unis dans les années 60 ou encore de la culture de l’enjaillement qui a commencé à se développer en Côte d’Ivoire dans les années 2000, la fête a toujours été un espace de construction des relations interpersonnelles. À ce titre, il s’avère toujours intéressant d’observer comment au fil des siècles elle a participé à la volonté omniprésente des individus de « faire société ».

Le sens de la fête La fête est une célébration qui comme toutes les autres tire son essence de la communion et de la communauté. D’ailleurs, on constate que l’expression « s’enjailler » s’emploie principalement à la troisième personne du singulier, sous la forme « On s’enjaille », comme si elle traduisait que la pratique de l’enjaillement ne pouvait se réaliser que dans le collectif.

Ensuite, pour parler de célébration, il faut qu’il y ait un objet à célébrer.

Pour revenir sur l’exemple de l’enjaillement, c’est un mouvement ivoirien qui dès son émergence a eu pour objet la célébration d’un mode de vie détaché de tout impératif et faisant la part belle à la douceur de la vie, à l’instar de ce qu’on a pu retrouver en Italie entre les années 50 et les années 60 et que l’on a appelé la dolce vita.

40

Mais au-delà de la super昀椀cialité qui de prime abord peut être associée à l’évocation de la fête, l’ancrer dans une ré昀氀exion plus profonde permet également de lui donner d’autres perspectives. La dolce vita par exemple a vu le jour à Rome après la Seconde Guerre mondiale, tandis qu’en Côte d’Ivoire, on a commencé à parler d’enjaillement après le début de la crise politico-militaire de 2002.

Direction Julia Vidit Texte par Sarah Gioria Ndengue Illustration par Marianne Tricot Graphisme par Mathilde Petit

Liberté, égalité, festivité Ces mouvements semblent donc avoir ceci de commun qu’ils se sont construits d’abord dans une logique d’af昀椀rmer la prédominance de la vie sur la mort après les drames survenus, puis dans une volonté de rappeler le caractère éphémère de la vie et la tâche qui incombe aux individus de saisir les instants de bonheur même les plus fugaces et d’en pro昀椀ter. Une mission d’ampleur qui permettrait de redé昀椀nir la place de la fête dans nos sociétés, et qui pourrait être vue comme un levier de réalisation de l’idéal qui consiste à « faire société ».

création

Texte Guillaume Cayet

Mise en scène Julia Vidit

Pour aller plus loin La fête révolutionnaire, 1789-1799 de Mona Ozouf Vingt ans du coupé-décalé : genèse et évolution d'un mouvement culturel de Jean-Jacques Konadjé Totem et Tabou de Sigmund Freud Les mots et les choses de Michel Foucault

Un vent de révolte souffle au collège ! En remontant le fil de trois jours mouvementés, la Discrète nous raconte comment elle en est arrivée sur le toit du collège avec ses camarades.

Et si le soulèvement d’une classe de quatrième pouvait faire basculer l’ordre établi ?

50 min

PASTA AUX PLEUROTES FAÇON PULLED PORK

Recette par Florane Clouet Graphisme par Hugo Aouragh Pictogrammes par Mathilde Petit

INGRÉDIENTS - pour 4 personnes Spaghetti

Pleurotes

Pour les pleurotes façon pulled pork

Pour les pâtes 400 gr de pâtes type spaghetti 1 昀椀let d’huile d’olive 2 oignons 2 gousses d’ail Sauce tomate 1 kg de pulpe de tomate

5 brins de persil haché 2 feuilles de laurier 1 cuillère à soupe de sucre Sel, poivre

400 gr de pleurotes 1 cuillère à soupe de paprika fumé 3 cuillères à soupe de sirop d’agave 5 cuillères à soupe de sauce soja

1 cuillère à soupe de fécule de maïs 150 ml d’eau

Oignons

PRÉPARATION 1 - Ef昀椀locher les pleurotes à la main.

Sauce soja

2 - Dans une poêle, faire revenir l’oignon 昀椀nement émincé ainsi que l’ail écrasé dans l’huile d’olive.

3 - Ajouter les pleurotes et le reste des ingrédients avec la fécule de maïs diluée dans l’eau froide.

4 - Faire réduire une vingtaine de minutes en remuant régulièrement.

Ail

5 - Dans une marmite, faire revenir l’oignon 昀椀nement émincé et l’ail écrasé dans l’huile d’olive.

6 - Quand les oignons sont translucides, ajouter la pulpe de tomate et le reste des ingrédients.

Pulpe de tomate

7 - Porter à ébullition puis faire mijoter 30 minutes à feu doux.

8 - Cuire les pâtes.

Huile d’olive

DRESSAGE 1 - Dresser les pâtes dans une assiette, ajouter une louche généreuse de sauce tomate et recouvrir de pleurotes façon pulled pork.

L’ef昀椀loché de pleurotes a vraiment une texture fondante et juteuse.

Vous pouvez aussi utiliser ces pleurotes façon pulled pork dans un burger, un tacos ou bien un sandwich avec quelques crudités et une bonne végannaise ! À vous de jouer.

LA CANTINE VEGETALE

Chez EVE, on se nourrit en se faisant du bien, avec plaisir et en considérant la planète. Mes produits sont faits maison à partir de fruits, plantes, graines, racines, noix, épices et superaliments. Je propose une alternative végétale à une clientèle en manque de fruits et légumes et avide de cuisine bonne pour la santé.

Florane, fondatrice de EVE Cantine Végétale 22 rue Taison, Metz

43

Fécule de maïs

Jeux Céréales renversées.

On fait les jeux, on nettoie après.

1

Les croisés :

3

Pour les trop longs repas 4

5

Vertical :

6

1 - Légume, souvent associé au poisson

3 - Récompense en piste ou en fourneau

4 - Mignon ou belge 5 - Fade en cuisine,

7

mauvais en salle

7 - Inconnu ou insecte

9

Horizontal : 1 - Déconseillé d’en être une bonne 6 - Après le barreau, avant le guacamole 7 - Combustible ou dessert 9 - C’est perdu si elles sont cuites 10 - Rangement pour danser

10

Sudoku : Concours contre papi & mamie

1

7 Seulement si on a été sage

1 : POIRE 1 : PANAIS 3 : ÉTOILE 4 : CHOU 5 : NAVET 6 : AVOCAT 7 : BUCHE 7 : BOURDON 9 : CAROTTES 10 : BOÎTE

4

6

8

3

8

2

7

1

1

2

4

6

5

6

5

3

9

8

5

2

6

3

4

1

7

8 9

9

5

2

9

6

4

3 4

8

9

1

7 3 1

5

7

8

2

6

7

1 5 7 2 8 9

2

3

4

8 2 7 9 3 4

8

6

6

4

1 6 5

5

9

7

3

2

5

2

6

4

7

3

8

8

7

1

1

3

Graphisme par Mathilde Petit

Solutions :

7

1

2

7

6

1

5

5

8

4

3

4

2

9

9

6

9

3

TAUREAU

45

SAGITTAIRE

VIERGE

GÉMEAUX

LION

En ouvrant des huîtres, vous trouverez une clé USB contenant des preuves que l’arbitrage était truqué pendant la Coupe du monde de rugby. Ça ne justi昀椀e pas le fait de manger des huîtres.

VERSEAU

BÉLIER

SCORPION

Vous taperez un scandale après avoir trouvé un cheveu dans votre soupe au restaurant. C’était marqué sur la carte, vous dira le chef !

CAPRICORNE

D’après les calculs de votre 昀椀lle Lucie, vous avez dit “Oh ça va” 1741 fois dans l’année pour accompagner vos blagues relous. Elle vous réclame donc 1741 euros.

Vous ferez chanter le générique de Code Lyoko à Johnny Hallyday grâce à une IA. Laeticia Hallyday trouvera ça touchant mais portera quand même plainte contre vous.

Vous tenterez vainement d’éduquer vos enfants à la décroissance parce que vous n’avez pas les moyens de leur offrir ce qu’ils veulent pour Noël.

Vous vous mettrez à manger 5 fruits et légumes par jour et serez nommé la personne la plus in昀氀uente de l’année par le Picsou Magazine.

Les vitamines B12 et B6 qui habitent dans votre corps n’en peuvent plus de votre régime alimentaire, elles essaieront de vous tuer. Attention !

POISSON

La conjoncture économique et sociale vous effraie, vous achèterez un bunker et 25 ans de rations de survie avec toutes vos économies. Il ne vous reste plus qu’à survivre.

La ma昀椀a locale s’occupera de vous après que vous ayez encore une fois dit “C’était meilleur en Italie, hein chérie ?” pendant un dîner dans un resto italien.

Vous offrirez une écharpe Première Pluie à votre neveu fan de foot en lui faisant croire que c’est celle d’un club argentin contrôlé par des gangsters.

BALANCE

Vous prendrez la meilleure décision de votre vie : vous mettre au roller disco tous les samedis soirs.

CANCER

Un restaurateur qui vous a pris pour Philippe Etchebest passera l’intégralité du repas à vous prouver qu’il sait prononcer le nom de la star de Cauchemar en cuisine et de Top Chef.

On a sympathisé avec le Père Fouettard pour vous prédire le futur : c’est sur cette page que vous saurez comment se passera 2024, que vous soyez taureau ou taré·e.

Texte par Romain Bouvier et Arthur Guillaumot Illustrations par Enora Bouchez Graphisme par Hugo Aouragh Photo par Diego Zébina

Merci à :

remer

Celles et ceux qui composent Première Pluie ou participent / ont participé à la vie du média :

Nicolas Petit, Florentine Colliat, Eloïse Remy, Coralie Epin, Lou Kintzler, Mélina Rard, Emma Bojan, Camille Scali, Adèle Dumas, Clara Riff, Sarah Gioria Ndengue, Marianne Tricot, Marianne Thiry, Loic Zimmermann, Léo Verhaeghe, Valentin Regazzoni, Eric Gauthier Amoussou, Antoine Martin, Étienne Petitgenet, Zoé Schutz, Thibault Schultz, Emma Tuellion, Thibaud Rolland, Sabrina Benmokhtar, Nathan Roux, Anthony Gaborit, Ben Pi, Sam&Max Photo, Léa Didier Marcolina, Romain Vadala, Pauline Gauer, Laure Gaurois, Anaïs Tazibt, Camille Tinon, Alice Tremeau, Jeanne Idatte, Pierre Mang, Juliette Jeannin, Joane Guiheux, Pamela Mansour, Clémentine Taupin, Jules Boillot, Clément Morlé, Antoine Graff, Baptiste Thiebaut, Emmanuelle Krieger, Chloé Mufraggi, Eunhye Cho, Uy Vinh Landru, Etienne Puaux, PierreOlivier Bobo, Olivier Donnadieu, Valentine et Baptiste Poulet, Enora Bouchez, Guillaume Vrignaud, Erwan Wilhelm, Soline Pin, Mathilde Olry, Inès Aourdache, Listen Tattoo, Arisa Pechin, Léonie Levallois, Océane Muller, Chloé Popovic, April Tacchini, Clara Weiss, Noémie Waldt, Elise Limacher, Marie Tissot, Eloise Dave, Marie-Fleur Lièvre, Sarah Junker Yasmin, Juliette Arrojo, Jules Pelgrims, Marie Pierron, Elise Weber, Guillaume Malvoisin, Elsa Pion, Nathan Boillot, Lilas Faguet, Sarah Tcheir, JeanneTo, Kalika, Clément Regazzoni, Hugo Aouragh, Hugo Laplace, Noélie Dessalle, Mathilde Petit, Ismael Azmi Dahmani, Noé Scheer, Emma Bereau, Léo Mercklé, Laure Habert, Marie Sauvannet, Nastia Zobnina, Claire Bouffaron, Alice Chatard, Dorianne Leroi, Ninon Soulié, Paul Lorenzini, Marie Schaaff, Yves, Siméon Zébina, Victor Wembanyama, Marine Johannès, la forêt de Charmoilles et nos familles.

Nos partenaires, pour ce numéro :

La Ville de Nancy & la Métropole du Grand Nancy, le Centre Culturel André Malraux - Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy, la Cité musicale-Metz, le Théâtre de la Manufacture - CDN Nancy Lorraine, le Frac Lorraine (Metz), L’Autre Canal (Nancy), l’Opéra National de Lorraine (Nancy), le MUSE (Saint-Dizier), Restaurant Toya (Faulquemont), Zikamine et le Festival Zikametz.

Merci à vous d’avoir lu ce numéro et/ou les sept premiers. Faire un magazine gratuit c’est dur mais si vous le lisez ça vaut le coup.

Le prochain numéro sort en mars.

46

ciements

Graziella Guillaumot, Sandra Casale, Ahlem Girard, Leo Verhaeghe, Orianne Barbaux, Clara Weiss, Anna Taillabresse, Lou Kintzler, Clélia Truchot, Esteban Pierre, Benjamin Oger, Mélody Guenat, Sébastien Brogniart, Grâce-Emmanuelle Motassi, Mélina Rard, Tristan Ribault, Philippine Gully, Issam Meroufel, Jeanne Rohmer, Amelie Knoll, Svetlana Poncik, Eloi Toussaint, Hugo Pierard, Marine Slavitch, Quentin Figueras, Aline Couturier, Zakary Bairi.

Nos abonné·es : Pour devenir partenaire, ou pour communiquer dans Première Pluie magazine, vous pouvez nous contacter à cette adresse : premierepluiecollectif@gmail.com ou au 06.10.67.12.90 @premierepluie @Premiere_Pluie @premierepluie Suivez-nous 06.10.67.12.90 premierepluiecollectif@gmail.com Première Pluie, 16 Rue Saint-Michel, 54 000 Nancy Une question, une remarque, une suggestion, une déclaration ? On lit tout.

Retrouvez-nous sur notre site internet pour profiter d’autres contenus : premierepluie.com Abonnez-vous à Première Pluie magazine pour le recevoir directement chez vous à sa sortie.

25€ pour 1 an et 4 numéros. Lien sur notre site et nos réseaux sociaux.

con

tact

08 09 23 28 01 24

Degrés Est : Adriann Béghin

Frac Lorraine

Tellement + que des concerts !

Tellement + que des concerts !

splash.lautrecanalnancy.fr

Médias & musique sur internet Podcast • Mix • Vidéos Photos • Lecture

OPÉRA

Tony Cokes, Zehra Doğan, Rahima Gambo et Tatsuniya Artist Collective, Inner Light, Rory Pilgrim, Gaia Vincensini, Anna Witt et le Jugendforum Gröpelingen

Fonds régional d’art contemporain de Lorraine 1 bis, rue des Trinitaires FR 57000 Metz fraclorraine.org

18 -

DIR

ECT

2 3 F É V. 2 0 2 4

ION M RDO U S I C A L E M A R TA G A MISE EN SCÈNE KEVIN BARZ

L

K IŃS

A

Le 49 Nord 6 Est bénéficie du soutien de la Région Grand Est et du ministère de la culture Drac Grand Est

49 Nord 6 Est

RaÉydAn TI O C H N A L