Bulletin des Archives Vladimir Ghika no 3 2016

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Cette joie du rachat et de la délivrance ne me la donnerez-Vous pas ? peut-être Vous ne me la donnerez pas parce que je n’aurais pas l’âme assez forte pour la supporter. Rien ne m’a désigné à Vous – et Vous m’avez permis de vouloir Vous aimer. Pourquoi m’empêcher de Vous aimer maintenant, en me faisant vivre si longtemps dans ma honte ? – Et puis il y a si longtemps que je dois me cacher, mentir pour écrire ceci ; les heures dérobées. Dieu lie à des besognes amères. Ne me donnerez-Vous pas un travail de consolation et de joie ? J’ai faim du pain de vie et je demande Votre sang pour croire à la réalité de mon pardon aussi. Quand je Vous aurai touché de mes lèvres en pleine conscience en plein aveu de mon âme, qui pourra me le faire profaner ? » Iulia Cojocariu

amis. D’ailleurs Pie X, trois mois seulement après son élection, émet un document sur la musique sacrée, dont Perosi est le coauteur. Ce Motu proprio déclare, entre autres, que le chant grégorien doit retrouver une place d’honneur dans les églises catholiques.

Patrice Mac Swiney, l’intrigant

Un autre de leurs amis communs est le baron Rudolf von Kanzler (né le 7 mai 1864), l’archéologue en chef du Saint-Siège. Car, entre autres, une exposition s’élabore alors à Grottaferrata, présentant la foi orientale aux catholiques latins. Pour cette exposition Vladimir Ghika a offert une icône, et Mac Swiney lui écrit le 3 mai 1905 : « Votre icône figure en bonne place, avec votre nom sur l’étiquette ». Vladimir Ghika veut aussi, à l’inverse, présenter le catholicisme aux Roumains orthodoxes, en profitant du fait que son frère aîné, Alexandre, a été nommé directeur de l’exposition du jubilé du Roi Carol en 1906. Il demande à Mac Swiney de l’aider à trouver des documents importants et notamment une reproduction de l’acte d’Union du Concile de Florence (1439), acte signé par l'empereur byzantin, Jean VIII Paléologue, par le futur patriarche de Constantinople, Georges Scholarios, et par le métropolite de Moscou, Isidore de Kiev. On voit aussi Vladimir Ghika plaidant à Rome pour trouver le meilleur successeur possible à l’archevêque de Bucarest, Mgr Hornstein, décédé. Son choix se porte sur le chanoine monégasque Joseph Baud, alors curé de la cathédrale « SaintJoseph », et, à défaut, il verrait bien sur le siège catholique de la capitale roumaine le moine béné-

Intrigant ? Dans quel sens du mot ? Dans les deux, comme on va le voir. Entre le 10 mars 1905 et le 30 octobre 1906, donc pendant environ un an et demi, Vladimir Ghika entretient une intense correspondance en français avec un « camérier de cape et d’épée » du pape, Patrice Mac Swiney. Dans ce court intervalle de temps, Patrice Mac Swiney envoie 17 assez longues lettres à Vladimir Ghika. Comme toujours, nous n’avons pas les réponses de Vladimir Ghika. Hélas ! Trois fois hélas ! De quoi parlent-ils ? D’abord de leur amis communs, comme du grand compositeur Don Lorenzo Perosi (1872-1956), alors directeur du chœur de la chapelle Sixtine, et on voit là encore l’attirance de Vladimir Ghika pour la musique. Les Archives possèdent ainsi, datant de cette époque, quatre lettres de Lorenzo Perosi à Vladimir Ghika. Leur objet est notamment l’organisation d’un concert à Bucarest. Malgré l’aide de Constance Cantacuzène, il semble que ce concert n’ait jamais eu lieu. À noter que Lorenzo Perosi est proche du Pape Pie X, car, comme lui et comme le Père Orione, il est né à Tortona, petite ville du Piémont. Tous trois sont

Lettre de Patrice Mac Swiney à Vladimir Ghika, 8 septembre 1905

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