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LA LOI FLORANGE CENSURÉE

VALLS EN CAMPAGNE... POUR MATIGNON

CAHIER ÉCO – PAGE 3

Sciences: un grand pas vers la vie artificielle

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PLANÈTE – PAGE 5

Samedi 29 mars 2014 - 70e année - N˚21522 - 3,80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---

Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède

La stratégie de Marine Le Pen pour conquérir le pouvoir

Edwy Plenel

Le croisé du journalisme t Son obsession ? Traquer le mensonge

d’Etat. Son arme ? Le site Mediapart

t Dans un entretien au « Monde », la présidente du Front national prétend que son parti est « à l’année zéro d’un grand mouvement, ni de droite ni de gauche »

M

arine Le Pen est en passe de gagner son pari : dans un entretien au Monde, la présidente du FN se dit en mesure d’obtenir plus de 1 000 conseillers municipaux et de conquérir quinze villes à l’issue du second tour des municipales, dimanche 30 mars. « Nous sommes devenus un parti de gouvernement », prétend la leader d’extrême droite, dont le score révèle une tripolarisation de la vie

politique. Mme Le Pen va plus loin et estime que les institutionsvont imposerle retour du bipartisme, « entre l’UMPS d’un côté et le Front national-Rassemblement bleu Marine de l’autre ». Elle estime que son parti ne fait pas partie du bloc de droite : « C’est là où on apparaît que le PS disparaît.» La stratégie du FN consiste à s’implanter par cercles concentriques, à partir de villes

conquises. Son but : pouvoir afficher un bilan pour être crédible. « Le seul plafond de verre (...), qui est en train de sauter, est de ne pas pouvoir montrer ce qu’on est capable de faire. » Le FN veut recruter des directeurs d’administration pour gérer les villes et assure qu’il ne réitérera pas l’expérience de 1995 de confrontation idéologique. p LIRE L’ENTRETIEN P. 6, P. 18-19, P. 21

LE ZOO, MEILLEUR ENNEMI DE L’ANIMAL ? t Alors que le zoo

M LE MAGAZINE DU « MONDE »

de Vincennes rouvre le 12 avril, défenseurs et adversaires des parcs animaliers s’affrontent

UNIQUEMENTENFRANCEMÉTROPOLITAINE,ENBELGIQUEETAULUXEMBOURG

AUJOURD’HUI En Turquie, Erdogan bloque Twitter puis YouTube

t Sanctuaire

des espèces menacées, école de la nature ou temple de l’artifice et de la bonne conscience ? CULTURE & IDÉES

Au zoo de Madrid. A. SLEPNEV/CATERS NEWS AGENCY/SIPA

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LE MUSÉE DU « MONDE » « L’Enterrement du comte d’Orgaz », du Greco

Nous poursuivons notre collection sur les chefs-d’œuvre de la peinture. Cette semaine, gros plan sur un des tableaux emblématiques de Dhominikos Theotokopoulos, alias le Greco EN VENTE EN KIOSQUES EN FRANCE MÉTROPOLITAINE ET EN BELGIQUE

Le patinage artistique, une passion japonaise

Le Japon accueille les championnats du monde de patinage, annulés en 2011 après la catastrophe de Fukushima. Une passion nationale: le pays a pour idole le champion olympique Yuzuru Hanyu. Et dix des treize sponsors de la Fédération internationale sont japonais. SUPPLÉMENT

Le premier ministre turc censure les nouveaux médias, à la veille d’élections municipales décisives: un enregistrement diffusé révèle qu’une intervention militaire en Syrie a été envisagée pour détourner l’attention des scandales intérieurs.

Michel Tomi, considérépar les policiers comme le dernier parrain corse à l’ancienne, est visé par une instruction pour «blanchiment aggravé en bande organisée». Il est notamment soupçonné de financer les présidentsdu Gabon et du Mali.

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Chômage, fatalité française, miracle danois?

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omme une mauvaise piqûre de rappel, le chômage s’est invité entre les deux tours des élections municipales. Les chiffres publiés par Pôle emploi, mercredi 26 mars, pouvaient difficilement être plus calamiteux : fin février, la France a battu un nouveau record, avec 3,35 millions de chômeurs, soit 31 500 demandeurs d’emploi (n’ayant pas du tout travaillé) de plus en un mois et 150 000 de plus en un an. Trois jours après la sévère

ÉDITORIAL

SPORT & FORME

La justice s’intéresse à Michel Tomi, le « parrain des parrains »

sanction électorale du premier tour, ces chiffres, les plus mauvaisdepuisun an,sontvenussurlignerl’échec de François Hollandedanssoncombat contrelechômage. Non seulement le président de la République a perdu son pari d’inverser la courbe du chômagefin2013,mais cettequatrième hausse mensuelle d’affilée balaye les récentes statistiques de l’Insee, qui faisaient état d’une baisse au dernier trimestre 2013. Elle efface le léger mouvement de reprise des créations d’emplois qui s’était amorcé. Tous les indicateurs sont dans le rouge. Le chômage des moins de 25 ans, qui avait commencé à

reculer au printemps 2013, grâce à la bonne réussite des emplois d’avenir, est reparti à la hausse. Les licenciements progressent, alors que les entrées en formation et les reprises d’emploi régressent. Le chômage des seniors fait un nouveau bond, avec une hausse de 1,3 % en février. Pire encore, 2 090 800 personnes sont inscrites à Pôle emploi depuis plus d’un an, la moitié d’entre d’elles depuis plus de deux ans. Le chef de l’Etat veut démentir sonprédécesseursocialiste,FrançoisMitterrand,qui avaitprétendu, en son temps, qu’on avait tout essayé contre le chômage. Mais, jusqu’à présent, la droite comme la gauche (à l’exception des « années Jospin ») ont échoué dans ce combat, comme s’il y avait une fatalité française. A défaut de pouvoir compter sur une croissance beaucoup trop faible pour être créatrice d’emplois, il n’y a pas d’autre voie que de baisser le coût du travail et de poursuivre les réformes structurelles sur le marché du travail. La France peut-elle s’inspirer de modèles étrangers ? Le Danemark s’est ainsi fait le champion de la « flexisécurité», un système qui permet aux employeurs de licencier plus facilement avec, en contrepartie, une bonne in-

demnisation et une formation adaptée pour les chômeurs. Au pouvoir depuis 2011, le gouvernement social-démocrate danois a réduit les durées d’indemnisation. Résultat, en février, le taux de chômage est tombé à 5,3 %, le niveau le plus bas depuis août 2009. Un quasiplein-emploi, dont le revers de la médaille est une hausse des emplois précaires et de la pauvreté. Le Danemark est un pays social-démocrate où les syndicats jouent le compromis. Pour cette seule raison, le modèle danois n’est pas transposable en France, où la culture du compromis est loin d’être majoritaire. Mais il indique une direction à suivre. L’accord de janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi a ouvert la voie de la réforme du marché du travail, mais il tarde encore à donner des fruits. Pour gagner son combat contre le chômage, M. Hollande compte aujourd’hui sur le pacte de responsabilité, qui, grâce à une baisse des charges des entreprises, doit favoriser la création d’emplois. Mais il n’est pas encore sur les rails. Ce sera la tâche du prochain gouvernement, quel que soit son chef. Impérative urgence! p

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LIRE CAHIER ÉCO PAGE 6

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Samedi 29 mars 2014

A la veille des élections, Ankara bloque YouTube

Des bandes audio diffusées sur le site montrentque le premier ministre turc aurait instrumentaliséle conflit syrien

Istanbul Correspondance

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près Twitter, auquel l’accès reste interdit depuis le 20mars,c’estautourdeYouTube d’être censuré depuis jeudi soir en Turquie. Le site Internet de partage de vidéos a été bloqué par l’autorité nationale des télécommunications, sur ordre du gouvernement, à trois jours des élections municipalesdedimanche30 mars, un scrutin capital pour la survie politique du premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. Le verrouillage du site, qui n’a pas nécessité de décision de justice – conformémentà la récente réforme de la loi sur le contrôle d’Internet –, a été décidé « par précaution », selon Fikri Isik, le ministre turc des technologies, pour empêcher la divulgation de « secrets d’Etat» mettant en cause la sécurité nationale. Une nouvelle bande audio, révélée jeudi et qui aurait été enregistrée clandestinement le 13 mars à Ankara, montrerait comment le régime turc aurait instrumentalisé le conflit en Syrie, en pleine campagneélectorale.Surledocument,resté en ligne quelques heures et dont l’authenticité n’a pas été contestée par les déclarations officielles, le ministre des affaires étrangères, AhmetDavutoglu,le chef des services de renseignement (MIT), Hakan Fidan, et le chef adjoint de l’étatmajor des armées discutent d’une possible intervention en Syrie contre les djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Le but: détourner l’attention de l’opinion des affaires de corruption qui mettent en cause le premier ministre et son entourage. « Ils ont même révélé le contenu d’un sommet sur la sécurité nationale. C’est un acte ignoble, lâche et immoral», a lâché M. Erdogan, jeudi, la voix cassée, au cours d’un meeting à Diyarbakir, dans l’est du pays, avant de promettre qu’il allait « poursuivre jusque dans leur cave » les responsables de cette nouvelle humiliation. Visée, la confrérie de l’imam Fethullah Gülen, en conflit ouvert avec M. Erdogan et implantée jusqu’au sommetdel’Etat turc,est jugée responsable de la diffusion, depuis début février, de dizaines d’enregistrements compromettants de hauts responsables turcs. Le ministère des affaires étrangères, dans les locaux duquel aurait été posé le micro, a qualifié les révélations d’« acte d’espionnage» et de « crime grave contre la sécurité nationale de la Turquie ». « Les réseaux traîtres qui ont com-

A l’approche du scrutin municipal du 30 mars, une affiche du premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, dégradée par des opposants, à Istanbul. EMRAH GUREL/AP

mis cette attaque sont les ennemis de notre Etat et de notre nation », accuse le communiqué. L’enregistrement censuré met en cause le gouvernement turc et le chef du renseignement, soupçonnés d’avoir envisagé de provoquer une escalade armée en territoire syrien à des fins électoralistes. Le sommet du 13 mars était consacré à la protection du tombeau de Suleiman Chah, le grandpère du premier sultan ottoman, Osman Ier. Cette sépulture, placée sous souveraineté turque en vertu du traité d’Ankara signé en 1921 par la Turquie et la France, et qui dessine les frontières nord de la Syrie, forme une minuscule enclaveturque, à trentekilomètresàl’intérieur du territoire syrien. Malgré la guerre qui fait rage dans cette région, le mausolée de Suleiman Chah, sur lequel flotte undrapeauturc, est toujoursgardé

par un contingent de 25 soldats. Mais les combattants djihadistes del’EIILontreprisdébutmarsàl’Armée syrienne libre (ASL) cette région, à l’est d’Alep, et ont menacé la Turquie de s’en prendre au mau-

Ces révélations sèment le trouble sur la politique menée par la Turquie en Syrie depuis trois ans solée. Une menace que M. Erdogan aurait perçue comme « une opportunité », rapporte M. Davutoglu dans l’enregistrement. « Si c’est cela qu’il faut, j’enverrai quatre hommes en Syrie. Je causerai un casus belli en faisant tirer un missile sur la Turquie », lui répond

M. Fidan. Le 14 mars, le ministre des affaires étrangères a rappelé que la tombe ottomane «est un territoire turc, le seul hors de nos frontières. Toute attaque engendrera des représailles comme s’il s’agissait de n’importe quelle autre partie de la Turquie». Depuis, Ankara a multiplié les déclarations va-t-enguerre et a renforcé son dispositif militaire le long de la frontière, dans la province de Hatay. Ces révélations sèment le trouble sur la politique syriennemenée par la Turquie depuis trois ans et sur les incidents qui se sont succédé ces derniers jours. Le 20 mars, trois Turcs, un gendarme, un policier et un chauffeur de camion ont ététuésdansunefusillade,àunbarrage routier, dans la province méridionale turque de Nigde. Les trois jeunes assaillants, des djihadistes de l’EIIL aux passeports européens, selon Ankara, ont été arrêtés.

Dimanche 23 mars, la Turquie a abattu un avion de chasse syrien quiavait,selonelle, violésa frontière, dans la zone du poste-frontière de Kassab. Le pilote a pu s’éjecter, pour retomber en Syrie. Damas dément et dénonce une agression sur son territoire alors que l’avion pourchassait des combattants djihadistes. Ankara est accusée d’avoir favorisé les entrées par le nord de la province de Lattaquié. Pour le journaliste Kadri Gürsel, éditorialiste au quotidien Milliyet (« la nationalité»), cette violation limitéedelafrontièreturquenesuffit pas à expliquer pourquoi l’armée a abattu l’avion. Le calendrier politique turc serait plutôt, pour lui, à l’origine de ce passage à l’acte. «Il faut être naïf pour penser qu’un chef à tendance autoritaire, se sentant coincé au point de devoir interdire Twitter, ne serait pas prêt à se lancer dans une aventure au-delà

des frontières pour modifier l’agendanationaletpourenrayerl’hémorragie de son électorat nationaliste et conservateur sunnite, et ainsi, récupérer les votes perdus.» Ankara aurait ainsi pu prendre le risque d’un embrasement. Des échanges de tirs entre les positions d’artillerie de part et d’autre de la frontière ont été confirmés jeudi, sans faire de victimes. Deux policiers ont été blessés en début de semaine dans une fusillade impliquant prétendument des membresdel’EIIL,à Istanbul.Etles services turcs font état d’une menace terroriste accrue dans les grandes villes et dans les provinces limitrophes de la Syrie. En mai 2013, au moins 51 personnes avaient déjà péri dans un double attentat à la bombe à Reyhanli. A quelques jours d’élections décisives, tous les coups semblent permis. p Gu. P.

Discrètement aidés par l’armée turque, les rebelles syriens font une incursion sur la côte C’EST LA VERSION SYRIENNE du pot de fer contre le pot de terre. En début de semaine, prenant à contre-pied le régime Assad, qui concentrait ses efforts sur la reprise en main de la zone frontalière avec le Liban, des brigades rebelles ont avancé dans le djebel turkmène, au sud de la frontière avec la Turquie. Avec la couverture tacite de l’armée turque, qui a abattu un chasseur syrien et les a laissés passer par son territoire, les insurgés ont, pour la première fois, atteint le rivage méditerranéen. Mais cette percée, qui rompt avec une série de revers préoccupants pour l’opposition, semble déjà marquer le pas, en raison de la puissance de feu largement supérieure du camp loyaliste. Jeudi 27mars, fidèle à l’une de ses tactiques contre-insurrectionnelles préférées, l’aviation syrienne a lâché des barils d’explosifs sur l’Observatoire 45, une colline stratégique, proche de la localité de Kastal Maaf. Selon une source militaire syrienne, citée par l’Agence France-Presse (AFP), les bombarde-

TURQUIE Adana

Gaziantep

Reyhanli Antioche Kassab

Lattaquié

Alep

Saniurfa Tombeau de Suleiman Chah (enclave turque)

Djebel turkmène Percée des brigades rebelles Zone alaouite progouvernementale

Tartous

Homs

LIBAN

Qoussair

Hassaké

Rakka

SYRIE 50 km

Avion syrien abattu par l’armée turque Bombardement de l’aviation syrienne sur l’Observatoire 45 et les environs de Kassab

ments ont forcé les rebelles à abandonner ce point haut, qui surplombe la province de Lattaquié, la terre ancestrale du clan Assad. Parallèlement, l’armée régulière pilonnait les environs de Kassab, un village arménien, à un jet de pierre de la Turquie, dont les insurgés se sont emparé dimanche, en même temps qu’un poste-frontière. Selon Rami Abdel Rahmane, de l’Observatoire syrien des droits de

l’homme, Damas a mobilisé des milliers de soldats et de miliciens, en puisant dans la communauté alaouite, la confession du clan Assad, dominante dans la région de Lattaquié. Le pouvoir syrien, qui grignote peu à peu les positions rebelles depuis la chute de Qoussair, en juin 2013, ne peut laisser ses adversaires prendre pied dans son sanctuaire, sans réagir vite et fort. D’autant qu’un

parent de Bachar Al-Assad, Hilal Al-Assad, chef des comités de défense nationale, un groupe paramilitaire alaouite, a été tué dans les combats de Kassab. « Le régime est furieux, dit Rania Kisar, une militante antiAssad, de passage à Paris. Il a dépêché de nombreux renforts sur la côte. Cela va diminuer la pression sur les autres fronts. Le moral des révolutionnaires a été regonflé par cette offensive surprise. » Le politologue Radwan Ziadeh, membre du gouvernement intérimaire mis en place par l’opposition, est nettement moins enthousiaste. « Il y a une pression populaire très forte pour porter le combat sur les terres d’Assad. Mais comme le régime a la maîtrise du ciel, l’attaque n’ira pas loin. Et puis sur un terrain comme celui de Lattaquié, peuplé par de nombreuses minorités, le risque de dérapage est grand. C’est une stratégie à courte vue. » En août 2013, des combattants de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), un groupe djihadis-

te, s’étaient déjà infiltrés dans la campagne de Lattaquié. Avant que la contre-offensive des forces gouvernementales ne les en repousse, les djihadistes avaient exécuté environ 200 civils alaouites, selon Human Rights Watch, dont des femmes et des enfants.

Le pouvoir syrien a mobilisé des milliers de soldats. Il ne peut laisser ses adversaires prendre pied dans son sanctuaire Cette fois-ci, l’attaque est menée par le Front Al-Nosra, une autre formation djihadiste, affiliée à Al-Qaida, mais davantage acceptée dans les milieux de l’opposition, ainsi que par d’autres bataillons islamistes. Attaqué par ses rivaux au début de l’année, l’EIIL s’est retranché il y a deux semaines dans son fief de Rakka, dans l’Est syrien.

Les hommes d’Al-Nosra saurontils éviter les exactions sectaires? Aux yeux de ces radicaux, Arméniens et alaouites, en plus d’être soupçonnés de soutenir le régime, sont considérés comme des hérétiques. Grand classique du conflit syrien, la guerre des vidéos et des témoignages contradictoires a commencé. Un Arménien de Kassab, joint par téléphone à Lattaquié où il s’est réfugié, affirme que 800 familles ont fui l’arrivée des rebelles. Il assure que des obus ont été tirés de Turquie et que des maisons et une église ont été pillées. Dans ce village, rescapé du génocide de 1915, on voit volontiers la main d’Ankara derrière l’attaque des djihadistes. Mais une vidéo, tournée par un militant présent aux côtés des assaillants, montre une église intacte. « Nous sommes différents de l’EIIL, indique un rebelle joint par l’AFP. Nous n’avons pas de problème avec les communautés religieuses. Nous voulons juste que le régime s’en aille.» p

Benjamin Barthe avec Guillaume Perrier


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Samedi 29 mars 2014

Scandale de la NSA: Barack Obama tente de regagner la confiance des Américains Le président veut instaurer un filtre judiciaire et interdire le stockage des métadonnées par l’agence

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omment rétablir la confiance des Américains ébranlée par les révélations sur l’intrusion massive de la NSA dans leurs communications privées, sans être accusé de désarmer l’Agence nationale de sécurité censée prévenir les actes de terrorisme ? Barack Obama pense avoir résolu cette équation complexe, abruptement posée par les révélations d’Edward Snowden. Si le Congrès suit les propositions que lui a faites le président, jeudi 27 mars, la NSA cessera de conserver la trace de centaines de milliards d’appels téléphoniques passés par des Américains. L’agence pourra en revanche, sous le contrôle de juges, piocher dans ces métadonnées (qui appelle qui, quand, etc.) désormais conservées par les seuls opérateurs téléphoniques. Ces derniers auront l’obligation de les stocker au minimum pendant dix-huit mois – comme aujourd’hui –, alors que les ordinateurs titanesques de la NSA les gardent en mémoire durant cinq ans. Ces nouvelles règles « nous permettent de traiter comme il le faut le danger d’attaques terroristes, touten tenantcomptedes inquiétudes du public », a déclaré le président Obama, mardi, au sommet du G7, à La Haye. Pour permettre au Congrès de s’emparer du dossier, M. Obama a renouvelé pour une durée de quatre-vingt-dix jours l’autorisation accordée à la NSA de collecter les données, qui expirait vendredi 28 mars. Une décision critiquée dans un éditorial du New York Times : « Si le président veut vraiment faire cesser l’archivage de masse des relevés téléphoniques (…), il n’a qu’à le décider lui-même, immédiatement», a lancé le quotidien, exprimant la crainte que le projet ne soit raboté, voire passé à la trappe dans le «maelström » parlementaire. Pourtant, l’orientation décidée par M. Obama marque, neuf mois après le début des révélations Snowden, la première remise en cause des pratiques secrètes, massives et juridiquement incertaines mises en place sous George Bush après le 11-Septembre et que l’actuel président avait avalisées. C’est « une avancée majeure et une victoire pour la vie privée, s’est félicité Anthony Romero, de l’in-

La Chambre des députés brésilienne vient de mettre fin à six mois d’impasse et d’interminables négociations en adoptant, à main levée, dans la nuit du mardi 25 mars, un projet de loi censé réguler l’Internet, garantir la protection de la vie privée et la liberté d’expression des usagers. Le texte, appelé « Marco Civil da Internet », considéré comme une sorte de Constitution du réseau, doit encore passer devant le Sénat avant la mi-mai. Cette loi, voulue par la présidente Dilma Rousseff dans les jours qui ont suivi les révélations d’Edward Snowden sur la mise sur écoutes, par l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA), de ses communications et de celles de ses proches, a dû au final être amputée d’une mesure pourtant soutenue par le gouvernement. Celle-ci ouvrait la possibilité d’exiger des fournisseurs d’accès et des portails de contenus le rapatriement des données des internautes brésiliens sur des serveurs situés au Brésil. L’initiative, techniquement difficile et surtout onéreuse, avait provoqué un vent de critiques de la part des entreprises concer-

L’ex-chef des milices pro-Gbagbo, Charles Blé Goudé, a comparu pour la première fois à LaHaye

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«C’est une victoire pour la vie privée. Mais ce doit être le début d’une réforme de la surveillance, pas la fin»

Anthony Romero président l’Union américaine pour les libertés civiques Ce feu vert donné, les compagnies de téléphone auraient l’obligation de fournir rapidement les relevés en question. Le projet présidentiel limite les investigations aux appels passés par une personne suspecte d’activités terroristes et par ses propres contacts. Jusqu’à présent, la NSA pouvait remonter jusqu’aux contacts des

contacts d’un suspect. Ces principes posés, bien des questions restent en suspens : quelleinterprétationlesjuges donneront-ilsdes «soupçons raisonnables et précis» de liens avec le terrorisme nécessaires pour la communication des données aux agences de renseignement ? Comment seront définis les « cas d’urgence » pour lesquels l’avis des juges ne serait pas requis ? L’ensemble des méthodes de captation de données sont-elles concernées ? Quid de l’Internet? Que fera la NSA de la masse de données qu’elle détient déjà ? Le tribunal FISA, chargé de contrôler l’usage des données et dont les décisions sont secrètes, sera-t-il tenu à davantage de transparence ? Sans oublier l’intrusion dans les communications passées dans les pays étrangers, qui ont transformé lesrévélationsSnowdenen scandale planétaire. Barack Obama a reconnu qu’« à cause de ces révélations (…), nous devons regagner la confiance non seulement des gouvernements, mais, plus important encore, de citoyens ordinaires. Cela ne va pas se faire en un jour. » Outre le contexte politique – 48 % des Américains estiment inutile la collecte des données téléphoniquespourluttercontrele ter-

rorisme mais 60 % pensent qu’EdwardSnowden a affaibli la sécurité du pays –, les pressions des opérateurs téléphoniques, éclaboussés par leur collaboration de fait avec la NSA, donneront le ton du débat parlementaire à venir. Déjà, la démocrate Dianne Feinstein, présidente de la commission du renseignement du Sénat, hostile à une réforme d’ampleur de la NSA, a accepté d’ouvrir le débat sur les propositions présidentielles qu’elle a qualifiées d’« effort louable ». Ces discussions, les premières depuis les dérives post-11-Septembre, pourraient aussi être teintées par la controverse sur le statut réel d’Edward Snowden, réfugié dans la RussiedeVladimirPoutine.Dimanche, le républicain Mike Rogers, l’homologue de MmeFeinstein à la Chambre, a affirmé qu’il ne faisait pas de doute pour les services spécialisés que l’ancien collaborateur de la NSA était « sous l’influence des services de renseignement russes». Tous les Américains ne partagent pas l’avis de l’ancien président Jimmy Carter qui « envisagerait d’accorder sa grâce » au lanceur d’alertele plus célèbre du monde: plus de 60 % d’entre eux souhaitent qu’il soit jugé aux Etats-Unis. p Philippe Bernard

LeParlementbrésilienvoteuneloiprotégeantlesinternautes Rio de Janeiro Correspondant

Côted’Ivoire: le «général dela rue» devantla Cour pénaleinternationale La Haye Correspondance

fluente Union américaine pour les libertés civiques (ACLU). Mais ce doit être le début d’une réforme de la surveillance, pas la fin. » Alors qu’un texte préparé à la Chambredes représentantsne prévoitqu’uncontrôlejudiciairea posteriori, le projet de la Maison Blancheexigedes agencesderenseignement qu’elles justifient devant un jugeleur demandede prélèvement de données téléphoniques.

nées, relayées par les principaux élus de l’opposition et du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), membre de la coalition au pouvoir. « C’est parce que le gouvernement a reculé que nous avons voté le projet », a déclaré Eduardo Cunha, chef du PMDB à l’Assemblée et l’un des députés les plus opposé au texte initial.

« Cadeau d’anniversaire » En l’état, la nouvelle loi garantit « la confidentialité de l’usager contre toute violation ou utilisation indue des données des internautes brésiliens», a expliqué le député Alessandro Molon du Parti des travailleurs (PT, au pouvoir) et rapporteur du texte. L’article9 de la loi établit également la « neutralité du réseau », défendue par les internautes. Il interdit aux fournisseurs d’accès de créer des accès « préférentiels » à leurs pages, une mesure visant à empêcher un Internet à plusieurs vitesses et à traitements différenciés (flux d’images et de vidéos plus chers, par exemple). Cette disposition était d’ailleurs « non négociable », comme l’avaient martelé les concepteurs du projet. Seul un décret présidentiel, précisent certains experts proches du gouverne-

ment, pourrait autoriser une réglementation spéciale pour des « services prioritaires» comme des transferts de protocoles médicaux par Internet. «Le Marco Civil fournit un cadre de travail qui va permettre de poser certaines limites en termes de droit et de vie privée », a précisé Virgilio Almeida, secrétaire aux politiques des technologies de l’innovation au ministère de la science. « Le marché régule selon la logique du profit et nous, nous devons arbitrer», a renchéri après le vote le député Fernando Ferro (PT). Il aura donc fallu un scandale d’espionnage américain inégalé, une dizaine de votes au Parlement, plusieurs amendements et une procédure d’urgence imposée par Dilma Rousseff à la mi-septembre2013 pour aboutir à ce texte, certes affaibli, mais unique en son genre. Il intervient en pleine année électorale pour le Brésil et à un mois d’un sommet mondial sur la gouvernance de l’Internet à Sao Paulo. Une décision prise au mois d’octobre par la présidente à l’issue de sa rencontre avec Fadi Chehade, le directeur de l’Icann, l’autorité chargée d’attribuer les noms de domaine sur Internet. Dans un court texte, publié lundi sur son site Webfoundation.org

et repris par la presse brésilienne, le Britannique Tim Berners-Lee, créateur du World Wide Web il y a tout juste vingt-cinq ans, a estimé que ce « Marco Civil » représentait « le meilleur cadeau d’anniversaire pour tous les usagers du réseau». p

Nicolas Bourcier

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harles Blé Goudé n’était pas apparu en public depuis le début de sa cavale, en avril2011. Dès les premières minutes de sa comparution devant la Cour pénale internationale (CPI) le 27 mars à La Haye, l’ex-dirigeant des Jeunes patriotes, une milice qui soutenaitLaurentGbagbo lorsqu’il était président (2000-2010),a profité d’une question anodine pour se lancer dans une déclaration politique. A la juge qui voulait savoir en quelle langue il souhaitait être jugé, tout en saluant son français « parfait », l’Ivoirien a rétorqué : « Je suis d’un pays qui a été colonisé par la France ». A la Cour, celui qui affichait fièrement le surnom de « général de la rue » pour sa capacité à mobiliser et chauffer les foules pendant les heures tourmentées de la première crise ivoirienne, au début des années 2000, s’est présenté comme un « consultant en communication politique». Il a confirmé connaître le mandat d’arrêt émis par le procureur en décembre 2011. La justice internationale le suspecte de crimes contre l’humanité pour des meurtres, viols, persécutions et autres actes inhumains commis entre décembre 2010 et avril 2011 lors des violences post-élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Selon l’ONU, ces affrontements ont fait plus de 3 000 morts. Pourtant, face à la juge, il assure déjà qu’il sera innocenté. « Je retournerai chez moi », assure à l’audience celui qui fut également un éphémère ministre de la jeunesse pendant la crise. A une condition : « Que je sois jugé pour ce que j’ai fait et non pour ce que je suis ». Ce que Charles Blé Goudérevendique d’être, c’est un opposant à l’actuel chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara. Lorsque ce dernier avait été reconnu par la communauté internationale comme le vainqueur de la présidentielle de 2010, son rival et prédécesseur, Laurent Gbagbo, avait répliqué par la violence. C’est à ses côtés, en tant que « conseiller » et subordonné, que CharlesBlé Goudéaurait,selon l’accusation, mis en œuvre un plan destiné« à conserver le pouvoir par tous les moyens. » Le 22 mars, il a quitté Abidjan pour La Haye dans un vol spécial. La veille, « on m’a bandé les yeux, on m’a mis une cagoule », a-t-il affirmé.Pourtant, CharlesBléGoudé dit être « content » d’être devant la CPI, pour que « la vérité soit sue, que cessent les murmures ». « Content » aussi d’être détenu dans une prison où il peut dormir

et manger, même si « ce n’est pas un quatre étoiles ». Au sujet de sa détention à Abidjan, il se plaint d’avoir été mis à l’isolement, maltraité, sans contacts avec sa famille. Dans la galerie du public, sa sœur retient difficilement ses sanglots. Mais la vingtaine de ses partisans venusl’écouterdepuis la galerie publique de la Cour, sourient, ravis, lorsque leur chef proclame, main sur le cœur, être « avec Gbagbo, pro-Gbagbo et fier de l’être.» Charles Blé Goudé a rejoint son mentor en prison. Laurent Gbagbo y réside depuis plus de deux ans. Le procureur aurait cependant demandé que les deux hommes soientpourl’instantséparés. «C’est avecGbagboquej’aiapprislaréconciliation», assure-t-il. Ses partisans saluent le discours poing levé, sous leregardfurieuxdesagentsdesécurité. Peu avant, un militant avait dû enlever son tee-shirt à l’effigie du « général de la rue».

Ses partisans sourient, ravis, lorsque leur chef proclame, main sur le cœur, être « avec Gbagbo, pro-Gbagbo et fier de l’être » « Général de la rue», c’est ce rôle que lui reproche le procureur. Le chef des Jeunes patriotes aurait recruté, entraîné et armé des milliers de jeunes pour mettre en œuvrelapolitiquedeLaurentGbagbo. Une politique, selon l’accusation, qui a ciblé les partisans de son rival Alassane Ouattara pour l’empêcher d’accéder au pouvoir. Charles Blé Goudé ne répondra que de ces faits. Il n’est pas poursuivi pour les manifestations antifrançaises de 2004, qui lui avaient valu des sanctions des Nations unies pour incitation à la haine et violences.L’épisode,quiavaitopposé les forces françaises de l’opérationLicorneàcellesdelaCôted’Ivoire, ne sera donc pas évoqué devant la Cour, même si les juges ont demandé au procureur, mais sans succès, d’enquêter sur les événements survenus depuis le début de la crise politique en Côte d’Ivoire, en septembre2002. A ce momentlà, des forces soutenant Alassane Ouattaras’étaientemparéesdeplusieurs villes du pays, coupant durablement le pays en deux. Les juges ne débattront du dossier sur le fond qu’à partir du 18 août, date des audiences de confirmation des charges destinées à vérifier la solidité des accusations du procureur et, le cas échéant, organiser son procès. p Stéphanie Maupas

14 | 31 MARS nouvelle collection 2014

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La colèresociale etétudianteespagnole dégénèreen violences

L’avant-projet de loi destiné à limiter les manifestations a été jugé inconstitutionnel Madrid Correspondance

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international & europe

es barricades, des conteneurs qui brûlent, quelques dizaines d’étudiants face à un cordon policier : telle étaitl’imagerenvoyéeparl’université Complutense de Madrid, jeudi 27 mars, au deuxième jour de la grève des étudiants organisée dans toute l’Espagne pour protester contre une réforme du système éducatif, la hausse des taxes universitaires et la baisse des bourses. Vendredi matin, le bilan de ces deux jours de grève s’élevait à 54 arrestations à Madrid pour l’occupation d’un édifice universitaire et une dizaine d’autres à Pampelune, après des affrontements avec la police et l’installation de quelques barricades. L’Espagne est-elle victime d’une « escalade de violence » de la part de « groupes minoritaires » dont l’objectif serait de « déstabiliser l’Etat de droit » ? Telle est en tout cas la théorie du directeur général de la police espagnole, Ignacio Cosido, qui s’est exprimé sur le sujet jeudi. Selon lui, les « marches de la dignité», manifestations géantes contre l’austérité, le chômage et la dégradation des services publics, qui ont eu lieu dans les rues de la capitale, samedi 22 mars, sont symptomatiques d’une concentration inédite de « groupes radicaux ». Suivies d’affrontements violentsentre desgroupesde manifestants et les forces de l’ordre, ces « marches » se sont soldées par une centaine de blessés, dont 69 agents de police, et 24 arrestations, ainsi que 166 000 euros de dommages matériels, selon la municipalité de Madrid.«Le gouvernementveutcriminaliser les jeunes pour discréditer nos revendications, affirme TohilDelgado,porte-paroleduSyndicat des étudiants, à l’origine de la grève dans les universités. Les violents sont ultraminoritaires. Nous ne sommes ni des radicaux ni des terroristes. Regardez-nous! » Dans l’une des manifestations organisées jeudi par les étudiants,

les parents, les professeurs et les « indignés », on apercevait des slogans revendicatifs mais pacifiques. Cependant, il suffisait de s’approcher pour comprendre l’ampleur du malaise et ses possibles conséquences sur la paix sociale. « La violence, le gouvernementl’a bien cherchée: les gens perdent leur maison, leur travail, et ne peuvent plus payer leurs études », affirmait ainsi Francisco, 19 ans, étudiant en lettres classiques, qui a vu ses frais d’inscription passer en un an de 1 200 euros à 1 600 euros.

« La Floride de l’Europe » Signe de son inquiétude face à la grogne sociale, le ministère de l’intérieura présentéunavant-projet de loi pour limiter les manifestations (45 000 organisées en 2012, contre 18 000 en 2008). Mais le texte est si restrictif et menaçant pour les libertés civiles qu’il a été jugé inconstitutionnel, jeudi, par le Conseil général du pouvoir judiciaire, et devra être modifié. Maria Ruiz, 21 ans, étudiante en journalisme originaire de Cordoue, s’est enfermée toute la nuit dans sa faculté en signe de protestation. Elle a obtenu une bourse de 1 500 euros pour l’année, contre 3 300 euros en 2013. « C’est juste assez pour vivre mal pendant trois mois », résume-t-elle. Ses deux parents sont sans emploi. « Sans l’aide de mes grands-parents, j’aurais dû arrêter mes études. » David, 19 ans, étudiant en biologie, l’air angélique et un physique d’adolescent maigrelet, reconnaît avoir brûlé des poubelles et monté des barricades lors de manifestations. « On est en colère, explique-t-il. On nous a fait croire que l’on aurait des opportunités si on travaillait bien. La vérité, c’est que l’EspagnevaêtrelaFloridedel’Europe, le pays de la plage, du soleil et de la bière bien fraîche. Avec en prime, pour servir les touristes étrangers, des diplômés en physique! » « Il est temps que la peur change de camp », conclut le jeune homme. p Sandrine Morel

Samedi 29 mars 2014

A Taipei, la «révolution des tournesols» révèle le malaise des jeunes face à Pékin Des étudiants taïwanais occupent le Parlement pour protester contre un accord commercial Reportage Taipei (Taïwan) Envoyé spécial

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es tournesols, envoyés par un fleuriste, sont arrivés le premier jour, avec les vivres et les couvertures, sans que personne ne sache quoi en faire. Alors, un étudiant a planté l’une des grandes fleursjaunessurlepupitreduprésident de l’Assemblée nationale, au milieudecanettesdeboissonsénergisantes, à la façon des autels chinois aux divinités taoïstes. Les photos diffusées sur Internet ont fait le reste : les jours suivants, des caisses entières de tournesols étaient livrées aux étudiants qui occupent le Parlement de Taipei et les rues adjacentes. La presse y a vu le symbole de la lumière, contre tout ce qui se fait dans l’opacité. Comme les tractations avec la Chine continentale conduites par le gouvernement du président Ma Ying-jeou autour d’un accord d’ouverturemutueldu secteur des services. Son parti, le KMT (Kouomintang), a tenté de le faire passer en force le 17 mars au Parlement, au lieu de débattre de chacune de ses clauses, comme le demandaitdepuis des mois l’opposition. Le lendemain soir, les étudiants venus exprimer leur colère s’infiltraient dans le Parlement. Ainsi naissait la « révolution des tournesols» : dix jours après le début,et malgrél’occupationavortée du siège du gouvernement le 23 mars – la police antiémeute a délogé les manifestants –, les protestataires se disent prêts à installer leur mouvement dans la durée, et ont annoncé une manifestation monstre dimanche 30 mars devant le palais présidentiel. « Les accords commerciaux ne sont pas une mauvaise chose, il est évident que c’est important, on est dans une économie globale et la Chine est incontournable. Mais il y a des zones d’ombre dans ce pacte sur des services », juge Hsiao Wenchiu,22 ans,qui faitpartie de lacentaine d’étudiants tenant l’hémicycle. Il faut, dit-elle, « un mécanisme législatif de surveillance des accords commerciaux qui puisse entrer en jeu avant leur mise en œuvre, pendant et après ». L’adoption de cette loi, seule garante, selon eux, d’une supervision effective par le Parlement des relationsavec la Chine, est devenue une condition sine qua non de l’arrêt de l’occupation du Parlement. Dans l’hémicycle, ils ont dressé un tableauaveclesphotosdes députés afin de recueillir leur accord. Seuls

Rassemblement d’étudiants devant le Parlement taïwanais, à Taipei, le 21 mars. CHRIS STOWERS/PANOS-REA

les partis d’opposition, minoritaires, se sont ralliés au projet. Le « Parlement étudiant » est une petite ruche où chacun a sa fonction. Passé le cordon de policierscourtois, onpénètre dansl’hémicycle après une vaporisation des mains au désinfectant et une vérification de la température corporelle. Des amas de chaises bloquent les huit autres portes. L’air conditionnéa étéinstallé.Desinfirmières et des médecins offrent aspirine et vitamines. Devant les pupitres, on débat, assis en cercle, tandis que des étudiants en journalisme tiennent la chronique du siège en direct sur Facebook. Les murs sont tapissés de caricatures du président Ma, héraut du rapprochement entre les deux Chine. Les relations entre Taïwan et la République populaire, sont contraintes par un statu quo fragile : ni indépendance ni réunification. Une délégation d’étudiants de Hongkong arrive de l’aéroport,

brandissant une banderole rouge couverte de centaines de signatures: ils militent pour le projet d’occupationdeCentral,lequartierd’affaires de Hongkong, programmé cet été, afin de pousser Pékin à respecter sa promesse, sans cesse ajournée, d’élections au suffrage universel à Hongkong en 2017. «Vous n’êtes pas seuls ! », crient-ils aux étudiants taïwanais, qui applaudissent à tout rompre.

La Chine n’est pas la cible directe, mais son ombre est partout présente A Taipei, la Chine n’est pas la cible directe des étudiants en colère. Mais son ombre est partout présente. La « révolution des tournesols » est décrite par ses acteurs comme le résultat de frustrations accumulées, au gré de mobilisations sur des questions environne-

M. Hollande salue « un nouveau cycle » avec la Chine Après avoir été dominée par l’économie, la première visite en France du président chinois, Xi Jinping, s’est achevée, jeudi 27 mars, par un concert privé à l’Opéra royal du château de Versailles, suivi d’un dîner au Grand Trianon. La soirée terminait un déplacement de trois jours destiné à célébrer le 50e anniversaire des relations diplomatiques entre

Paris et Pékin. Lors de leurs discours de clôture, jeudi, les deux chefs d’Etat ont évité les sujets controversés, tels que les droits de l’homme ou le déséquilibre dans les échanges commerciaux. M. Hollande a estimé que cette visite marque « l’ouverture d’un nouveau cycle ». De son côté, M. Xi a affirmé qu’elle a constitué « un moment charnière dans [leurs] relations ».

mentales, comme la démolition de villages, ou après la mort d’un jeuneappelé,misauxarrêts.Encause, la résurgence, chez le KMT, d’une culture autoritaire et hégémonique que n’a pas totalement effacée la conversion de l’ex-parti unique à la démocratie au début des années 1990. Les Taïwanais ont élu Ma Ying-jeou à la présidence en 2008,aprèsdeuxmandatsduprésident « indépendantiste » Chen Shui-bian, et l’ont réélu en 2012. M. Ma, lui, est le champion du rapprochementaveclaChinecontinentale. Or, à chaque fois qu’il entre en jeu, le « facteur chinois » vient exacerber le soupçon chez les étudiants d’un déni de démocratie, comme en 2012, lors d’une levée de bouclierscontrelafrénésied’acquisition dans les médias d’un géant taïwanais de l’agroalimentaire très dépendant du marché chinois et soupçonné de rouler pour Pékin. « Les gens ont compris comment les aspects politiques et économiques pouvaient s’entremêler. Or, le pacte touche à des secteurs comme l’édition, la publicité. On a réalisé qu’il risquait d’avoir un impact plus profond encore », explique Chen Wei-ting, un leader étudiant, vêtu d’un tee-shirt jaune orné d’un poing serré. Les étudiants taïwanais, dit-il, ne sont pas « antiChine» : « Ce contre quoi on se bat, c’est l’ingérence des Chinois dans notresystèmepolitiqueet économique. Pour y remédier, il faut renforcer nos mécanismes démocratiques. » p Brice Pedroletti

Taïwan et Hongkong vivent mal l’ingérence chinoise Analyse Taipei Envoyé spécial

Jamais le besoin de se protéger de l’emprise de Pékin n’avait paru aussi impérieux à Taïwan et à Hongkong, les deux dragons asiatiques dont les économies ont profité de l’ouverture de la Chine au capitalisme. Ces deux sociétés chinoises, aux cultures politiques et aux histoires très distinctes, multiplient les signaux de rejet face à une Chine populaire, plus sophistiquée, pragmatique et généreuse dans sa politique de rattachement à la mère patrie que par le passé. Hongkong, 7millions d’habitants, appartient de jure à la Chine, mais bénéficie en tant que région administrative spéciale (RAS) d’une large autonomie garantie, en principe, pour les cinquante années qui suivent la rétrocession de 1997. Mais la promesse sans cesse ajournée de l’élection du chef de l’exécutif de Hongkong au suffra-

ge universel agite les partis démocratiques, encore réduits à un rôle de quasi-figurants dans le miniParlement local acquis au lobby pro-Pékin (et où, paradoxalement, le Parti communiste est banni).

« Invasions de criquets » Comme à Taïwan, les mouvements de contestation sont en pleine effervescence, se mobilisant contre les atteintes à la liberté de la presse. La Chine œuvre à saper cette fronde par des moyens détournés, qui décuplent l’indignation. L’allergie aux hordes de touristes chinois (40millions par an) s’est incarnée dans des rassemblements aux tonalités parfois racistes contre «les invasions de criquets», tandis que l’afflux de Chinoises enceintes dans les hôpitaux de Hongkong, ou de riches investisseurs chinois dans l’immobilier, nourrit le ressentiment. Même le contrat de croissance partagée que promet le géant chinois à ses «compatriotes» de Taïwan, de l’autre côté du détroit

de Formose, est vu avec méfiance. «Si notre économie devient dépendante de la Chine, les Chinois auront un moyen d’intervenir dans nos affaires politiques. Qu’est-ce qu’il nous restera? On risque bien alors de devenir un autre Hongkong. Ce sont les préoccupations de beaucoup de gens [à Taïwan] qui voient ce qui se passe à Hongkong, notamment les limitations à la liberté d’expression, la censure ou même l’autocensure», expliquait jeudi 27mars au Monde Tsai Ingwen, l’ex-candidate du Parti démocrate progressiste à la présidentielle de 2012 et figure de proue de l’opposition à Taïwan. Le parallèle avec Hongkong est embarrassant pour Pékin. Le principe «un pays, deux systèmes» imaginé par Deng Xiaoping en 1980 pour Taïwan et appliqué à Hongkong dans l’espoir d’en faire un modèle acceptable pour les Taïwanais, façonne toute la politique chinoise vis-à-vis de l’île nationaliste dont elle a rogné les ailes dans l’arène internationale, et qu’elle

continue d’intimider par des capacités maritimes croissantes. Démocratie de 23 millions d’habitants où la contestation se cristallise contre l’hégémonie politique du Kouomintang et ses ambitions de retour sur le continent, Taïwan signale lui aussi son malaise face à ces touristes ou encore les compromissions des Taishang, les barons de l’industrie taïwanaise enrichis en Chine et acquis à Pékin. Or, cette crispation contre la Chine favorise chez les jeunes un désir d’indépendance, que l’on perçoit au cœur de la « révolte des tournesols». «Si vous sondez les Taïwanais sur les trois questions de l’indépendance, de la réunification [avec la Chine] ou du statu quo, la majorité des Taïwanais choisiront le statu quo, estime un leader étudiant. Mais s’il n’y a que deux questions, la réunification ou l’indépendance, je vous garantis que c’est l’indépendance qui l’emporte, et là, parmi les étudiants qui ont pris le Parlement, c’est 90 %! » p B. Pe.


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international & planète

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Une nouvelle étape cruciale vers la vie artificielle Un chromosome synthétique a été intégré dans une levure, une cellule du même type que celles qui constituent l’être humain

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a biologie synthétique progressedanssonprojetd’artificialiser la vie : pour la première fois, un chromosome appartenant à une cellule eucaryote, du même type que celles qui nous constituent,a été entièrementsynthétisé et a pu s’exprimer dans celle-ci. En l’occurrence, il s’agit du chromosomeIIIdelalevuredeboulanger, Saccharomyces cerevisiae. La revue Science a mis en ligne, jeudi 27mars, unarticledécrivantl’expérience qui a permis de doter ce micro-organisme,baptisé« Sc2.0», d’un long fragment d’ADN dont la séquence a été réinventée par une équipe dirigée par Jef Boeke (New York University). Pour la biologie synthétique, il s’agit d’une étape cruciale vers des formes de vie supérieures. Jusqu’alors, seuls les patrimoines génétiques de virus ou de bactéries – éloignés des cellules humaines – avaient été entièrement reconstitués artificiellement. En 2010, l’équipe de l’Américain Craig Venter avait annoncé avoirassembléle génome d’une bactérie et être parvenue à le faire s’exprimer dans l’enveloppe d’une autre bactérie. Mais, avec la levure, les biologistess’attaquent aux eucaryotes,des cellules dotées d’un noyau encapsulant leur patrimoine génétique. Il s’agit d’un domaine du vivant bien plus complexe : là où le génome bactérien de Craig Venter ne compte qu’un million de paires de base (l’enchaînement des « lettres» qui constituent l’alphabet de l’ADN), le patrimoine génétique de la levure de boulanger totalise 12 156 677 paires de base pour 6275 gènes, répartis dans 16 chromosomes. Et l’ADN artificiel doit traverserdiversesmembranesavantd’at-

teindre le cœur du noyau. Ce n’est pas une surprise si les biologistes ont concentré leurs efforts sur cette levure. L’homme l’utilise depuis des millénaires pour fabriquer la bière et le pain et, plus récemment, produire des molécules d’intérêt industriel ou pharmaceutique.Songénomeétait séquencé dès 1996. Mais reconstituer celui-ci a longtemps été considéré comme une vue de l’esprit.

La revue «Science» qualifie le projet Sc2.0 d’«Everest de la biologie synthétique» JefBoekea étélepremierày croire vraiment. « Il avait présenté ce projet lors d’une conférence en 2006,raconteHéloïseMuller(Institut Pasteur-CNRS), première coauteure de l’article publié dans Science. J’étais en thèse, je lui ai écrit pour lui proposer de participer à cette construction. A l’époque, ce projet n’était ni très connu ni très bien financé. » Les choses ont changé : c’est aujourd’hui tout un consortium international – Américains, Chinois, Britanniques et Français, entre autres – qui ambitionne d’aboutir, d’ici trois à cinq ans, à une levure de boulanger totalement artificielle. « Ce chromosome de synthèse constitue un jalon symbolique, commentele généticien et chantre de la biologie synthétiquePhilippe Marlière. On se situe entre deux techniques pionnières, celle de CraigVenterquia fabriquéunchromosome entier pour l’introduire in vivo dans une cellule et celle de George Church [Harvard], qui vise

CRISE UKRAINIENNE

L’Assembléegénéralede l’ONU dénoncel’annexionde la Crimée

NEW YORK. L’Assemblée générale des Nations unies a adopté, jeudi 27 mars, par 100 voix pour, 11 contre et 58 abstentions, une résolution non contraignante qui dénonce le référendum en Crimée et le rattachement de cette péninsule à la Russie. Cette résolution proposée par l’Ukraine et parrainée par les Occidentaux, était rédigée en des termes très modérés et ne critique pas explicitement Moscou. La résolution « souligne que le référendum du 16 mars, n’ayant aucune validité, ne peut pas justifier un quelconque changement du statut » de la Crimée. Elle demande à tous les Etats et organisations internationales « de ne reconnaître aucun changement de [ce] statut ». Moscou avait averti, mercredi, que l’adoption de ce texte n’aurait « aucun effet ». – (AFP.) p

Ledépartementd’Etataméricain suspendles exportations militairesvers la Russie

WASHINGTON. En signe de représailles contre le rattachement de la Crimée à la Russie, les Etats-Unis ont annoncé, jeudi 27 mars, avoir suspendu l’exportation vers la Russie de biens et de services à caractère militaire. Trois jours plus tôt, le Bureau de l’industrie et de la sécurité avait déjà annoncé qu’il ne délivrait plus d’autorisations de ventes de biens et de technologies à double usage, civil et militaire, vers la Russie. Par ailleurs, un groupe de sénateurs américains presse actuellement la Maison Blanche de bannir toute transaction commerciale avec Rosoboronexport, l’agence russe d’exportation d’armes, décrite comme le principal pourvoyeur d’armes au régime syrien de Bachar Al-Assad. p

VATICAN

Lepapedéfend «l’objectionde conscience» sur la contraception

Pour leur première rencontre au Vatican, le président américain, Barack Obama, et le pape François se sont entretenus pendant cinquante minutes, jeudi 27 mars, de nombreux sujets internationaux. M. Obama s’est présenté comme un « grand admirateur» du pape. Mais si le président américain espérait surtout discuter de la lutte contre les inégalités, un credo commun, le Vatican a tenu à rappeler le droit « à l’objection de conscience» au sujet, notamment, de la contraception. La réforme de la santé de l’administration Obama, qui prévoit le remboursement par les employeurs des contraceptifs et de la pilule abortive, a été fortement contestée par les évêques américains. – (AFP.) p

des changements plus pointillistes du génome grâce à des mécanismes de recombinaison génétique.» De fait, Héloïse Muller et ses collègues n’ont pas inséré en une fois le chromosome III dans une levure receveuse. Les choses ont été bien plus complexes, mobilisant une petite armée d’étudiants de la JohnsHopkinsUniversity(Baltimore), où enseigne Jef Boeke. Mais les biologistes ont pu profiter de la faculté de la levure à intégrer de l’ADN étranger dans son génome. L’idée de Jef Boeke et ses collègues n’était pas seulement de refaire un chromosome d’eucaryote. Ils voulaient que celui-ci soit un outil capabled’accélérerl’évolutiondela levure. Le chromosome articiciel a donc été simplifié par rapport à la version naturelle et entrelardé de petits segments d’ADN conçus pour faciliter les recombinaisons génétiques. Reste à intégrer quinze

Cellules de levure de boulanger « Saccharomyces cerevisiae ». MEDIAFORMEDICAL/CMSP

autres chromosomes artificiels sans tuer la levure. Il n’est pas certain que l’artificialisationmassiveconstituelavoie la plus efficace pour faire produire à la levure des molécules dites d’« intérêt ». Des méthodes plus classiques de génie génétique ont

déjà permis de lui faire synthétiser, désormais par dizaines de tonnes, un précurseur de l’artémisinine, un médicament antipaludéen. Touchant à la fois à la recherchefondamentale et appliquée, encadré par une charte éthique et de biosécurité, le projet Sc2.0 relève

quasiment de l’exploit sportif. La revue Science évoque à son propos un « Everest de la biologie synthétique ». Et cite Jef Boeke : « Quand nous aurons fini, nous pourrons réellement planter un drapeau dessus.» p Hervé Morin


france

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Samedi 29 mars 2014

M Le Pen: «Ce qui nous manque, c’est un bilan» me

Dans un entretien au «Monde», la présidente du Front national détaille sa stratégie de conquête du pouvoir Entretien

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arineLePenveutparachever la stratégie dite de « dédiabolisation » de son mouvement. Pour cela, la présidente du FN a besoin d’un « bilan » politique à mettre en avant. Ainsi, elle dresse une feuille de route pour ses futurs maires et conseillers municipaux et place la barre très haut : ils devront être vertueux,respectueuxde l’opposition et « tenir leurs promesses». Mme Le Pen appelle de ses vœux à la naissance d’un « grand mouvement patriote, ni droite ni gauche », s’opposant à un autre bloc politique qui serait composé de l’UMPet du PS. Une sorte de « péronisme à la française », définition que l’eurodéputée ne rejette pas. Quel bilan tirez-vous du premier tour des municipales ?

Un bilan très positif. Nous avons rempli nos objectifs : plus de 500 listes, et nous aurons plus de 1 000 conseillers municipaux à l’issue du second tour. Nous avions envisagé plus de quinze villes gagnables, nous en avons effectivement une quinzaine. Il y a une grande leçon dans ce scrutin: la nécessité de l’implantation. D’autant plus que l’implantation se fait par cercles concentriqueset on l’adémontrédans le bassinminier. D’une ville où l’implantation est faite, ce sont quinze ou vingt villes qui peuvent, la fois suivante, avoir des candidats.

Votre positionnement « ni droite ni gauche » n’est-il pas une impasse qui vous empêche de passer des alliances ?

Pas du tout. C’est ce qu’attendentlesFrançais.Dansnotreélectorat, il y a des déçus de l’UMP et des déçus du PS. Nous sommes à l’année zéro d’un grand mouvement patriote, ni de droite ni de gauche, qui fonde son opposition avec la classe politique actuelle sur la défense de la nation, le rejet de l’ultralibéralisme, de l’européisme, capable de transcender les vieux clivages pour poser les vraies questions:est-ondansune visionnationale ou postnationale ? J’espère quecelaapparaîtrademanièreclaire lors des élections européennes.

Le Front national ne fait pas partie du bloc de droite ?

Non, pas du tout. Le bloc droitegauchene correspond plus à la réalité.On nepeut plusclasserles électeurs dans deux camps droite et gauche,la réalitéest bienplus complexe que cela. Pourtant, c’est avec l’UMP que vous êtes en concurrence, c’est avec des listes de droite que vous fusionnez…

Excusez-moi,mais c’est là où on apparaît que le PS disparaît.

Pour vous, le FN pourra prendre le pouvoir seul ?

On passe par une tripolarisation de la vie politique française. Or, sauf à passer à une VIe République, la Ve va imposer à nouveau une bipolarisation, c’est la logique des institutions. Cela se fera entre l’UMPS d’un côté et le Front national-Rassemblement Bleu Marine de l’autre.

Je n’ai jamais été pour ça. La situation est plus apaisée. L’objectif n’est pas de faire des laboratoires idéologiques. En 1995, le FN n’était pas à notre étiage d’aujourd’hui. Les maires à l’époque ont voulu frapper les esprits, avec l’impulsion très idéologique de Bruno Mégret. Je ne suis pas sur cette ligne, ce n’est pas mon état d’esprit. C’est une autre période qui s’ouvre.

En attendant, vous avez des fusions avec des listes de droite, et vous n’en avez pas beaucoup…

C’est volontaire. J’ai toujours dit que l’on se maintiendrait partout et qu’il n’y aurait que quelquesexceptions très rares. Les projets étaient proches, et la chance de victoire existe. Car faire des fusions pour ne pas gagner, cela n’a aucun sens.

C’est le FN qui a changé ou c’est la société ?

Les deux. Le FN a changé parce qu’il est grand. Quand on est grand, on change. On ne voit pas les choses de la même manière que lorsque l’on est un parti d’op-

«Nous sommes devenus un parti de gouvernement, qui a la structuration et la base électorale pour arriver au pouvoir»

Est-ce l’étiquette FN ou vos idées qui empêchent des militants UMP de vous rejoindre ?

Non, le seul plafond de verre que l’on a encore, et qui est en train de sauter, est de ne pas pouvoir montrer ce que l’on est capable de faire. C’est-à-dire, un bilan. C’est ce

«Quand la Ligue des droits de l’homme fait un tract pour appeler à voter pour ou contre quelqu’un, c’est une association politisée»

position, de contestation, qui vit dans une hostilité brutale. Nous avons une vision plus apaisée. Nous sommes devenus un parti de gouvernement, qui a la structuration et la base électorale pour arriver au pouvoir. La charte municipale du Rassemblement Bleu Marine sera le programme commun de tous les maires FN ?

qui nous manque. C’est important. Je n’entends pas refuser cet obstacle. C’est grâce à ce bilan que l’on passera à un stade supérieur.

Oui.

Elle est très passe-partout… Comment se fera votre rupture ?

Vous ne voulez pas faire d’idéologie dans les villes. N’avez-vous pas peur de décevoir vos électeurs qui votent pour votre programme national ?

Cette rupture sera non seulement ressentie, mais les maires seront réélus. Vous le verrez. Les actes doivent suivre les promesses. La première preuve que l’on doit apporter, c’est notre capacité à respecter nos promesses. Ce qui est une sacrée rupture avec la classe politique traditionnelle.

Ce n’est pas tout à fait vrai. Refuser de subventionner les associations politisées et ou communautaristes est un acte politique. Défendre le petit commerce aussi. Tout comme la lutte contre l’insécurité. Les Français savent pertinemmentce qui relève de la municipalité et ce qui relève du national.

Au-delà des villes gagnées, quel est pour vous le scénario idéal ? Une vague bleue ? Un PS qui limite les dégâts ?

Comment définir, justement, ces associations politiques ?

Ce sont celles qui prennent parti dans les élections. Quand la Ligue des droits de l’homme fait un tract pour appeler à voter pour ou contre quelqu’un, c’est une association politisée. Elle n’a qu’à se constituer en parti politique. Les associations peuvent prendre des positions politiques. Mais, à partir du moment où elles demandent des subventions publiques, elles se doivent de respecter un devoir de réserve. Et, par exemple, que pensezvous des associations de piedsnoirs qui appellent à voter pour l’un ou pour l’autre ?

Marine Le Pen en 2012. STÉPHANE LAVOUÉ/PASCO POUR « LE MONDE »

Ils ont tort de le faire. Les associations doivent être mises au pied du mur, en leur disant qu’elles ne doivent pas intervenir dans le débat politique. Cela risque de vous couper d’une partie de votre électorat…

Absolument pas. On peut tenir ce discours au monde associatif sans aucune difficulté. Le refus du communautarisme est pour tout le monde. Il va falloir rappeler les règles du jeu. Un maire FN « désidéologisé »

sera-t-il différent d’un maire UMP ou PS ?

Je crois oui. Je pense surtout rompre avec le fantasme délirant qui consiste à dire : « Ce sera la guerre, le fascisme.» Le danger fasciste est une fable pour les enfants et pour quelques journalistes germanopratins. La vraie question est de savoir si les élus FN seront traités comme les autres ou comme des parias. Dans ce cas-là, il y en aura cent fois plus dans six ans.

Vous craignez d’être traités en parias ?

On l’a déjà vu. En 1995, les maires FN ont dû gérer des villes comme des parias, avec la rupture des subventions, etc. Ce genre de choses, ça ne marche plus. Cela n’a plus d’influence sur l’électorat. Cela a mal vieilli, c’est en décalage. A propos du Festival d’Avignon, les maires FN en 1995 étaient intervenus dans les bibliothèques, dans certaines programmations. Ce sera aussi le cas ?

C’est celui qui arriverait à démontrer que le Front national a des réserves de voix à droite comme à gauche. Cela fera comprendre à nos électeurs que l’on peut gagner demain, à n’importe quelle élection. Vous jouez 2017 en 2014 ?

Pas seulement. Les régionales, les cantonales, la présidentielle, les législatives… Montrer que nous sommes une grande force qui peut gagner les élections,qu’il faut se déplacer au premier tour, que nous avons des réserves pour le second, encore une fois, à droite comme à gauche. p Propos recueillis par Abel Mestre et Caroline Monnot

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Donnerez-vous des consignes aux élus FN dans les conseils municipaux pour amener certains thèmes ?

Bien entendu. On va mettre en place un cycle de formation. On sera peut-être amenés à porter des idées dans les conseils municipaux. Par exemple, la constitution de centrales d’achat municipales, pour le fioul, les fournitures scolaires… C’est une idée qui doit être portée dans les municipalités que nous gagnons, mais aussi portée par nos conseillers municipaux dans l’opposition car cela répond à l’intérêt général et va dans le sens du pouvoir d’achat. Vos élus municipaux vont mener une guérilla permanente ?

Non. Ce n’est pas le but. Nous allons être une opposition réelle. Dans beaucoup de conseils municipaux, il n’y a pas d’opposition réelle. On le fera de manière raide si l’exécutif municipal refuse d’en-

tendre. Ou bien de manière tranquille si l’exécutif est à l’écoute. Mais la surveillance de l’exécutif sera faite. Parce que c’est essentiel. Le rôle de l’opposition, c’est effectivement d’être une sorte de surveillance pour éviter les dérives qui sont, j’allais presque dire « naturelles», les dérives d’un exécutif ultra-majoritaire.

Ces dérives « naturelles » vous concernent tout autant. Ou êtesvous vertueux par essence ?

Mais nous, on a été dans l’opposition très longtemps! Nous avons appris à respecter et à faire respecter les règles. Donc les maires FN respecteront leurs oppositions et accepteront d’être mis sous surveillance par elles ?

Exactement. Mais je trouve que c’est utile, moi ! Y compris pour les gens de chez nous. Parce que par facilité, parce que pressés par le temps, on peut parfois être

amenés à prendre des libertés. Je crois que c’est le rôle de l’opposition, quelle qu’elle soit.

Vos candidats ont adopté des profils de campagne neutres. Ils ont avancé masqués ?

Cela n’a aucun sens. Notre intérêt, c’est de démontrer que tout ce qui a été raconté aux Français par Libération, Mediapart, Le Monde, n’est pas vrai. Vous pouvez me dire quel intérêt nous aurions à donner raison à tous ceux qui ont présenté l’arrivée d’un maire FN dans une ville comme une espèce de truc horrible? Tout ce qu’on a subi, il faut qu’on en tire une plusvalue. Il ne faut pas qu’on fasse aux autres ce que l’on n’a pas tellement aimé qu’on nous fasse. Vous ne craignez pas l’épreuve du pouvoir au niveau local ?

Elle est nécessaire. On considère qu’on est une grande force politique, autonome, qui a vocation à arriver au pouvoir. Et, à ce

moment-là, on ne peut pas refuser l’obstacle.

Avez-vous les équipes pour gérer les villes que vous allez gagner ?

Il y a des postes qui sont politiques. Directeur général des services, c’est un poste politique. Directeur de la communication aussi. D’autres qui ne le sont pas du tout. Nous n’avons pas vocation à mettre des politiques partout, sauf à ce qu’on nous dise : « Il est hors de question de travailler avec vous, je vais vous pourrir la vie. » Directeur général des services, c’est un poste sensible, notamment en termes d’éthique…

Pourquoi croyez-vous qu’il y a huit mois j’ai créé une cellule, confiée à Steeve Briois, pour recruter et détecter des gens pouvant participer à la gestion des villes que nous voulons gagner? Il n’y aura pas de problème. p

Propos recueillis par A.Me et C. M.


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Manuel Valls se prépare discrètement pour Matignon Le ministre de l’intérieur refuse de s’exprimer sur le remaniement. Mais ses proches mènent une campagne active

F

rançois Hollande parviendra-t-il à s’éviter de nommer Manuel Valls premier ministre ? Alors que le remaniement semble n’être plus qu’une question de jours, le faisceau des hypothèses se resserre autour d’une confirmation de Jean-Marc Ayrault ou d’un débarquement de ce dernier au profit du ministre de l’intérieur. Le principal intéressé, pour sa part, s’est rarement montré aussi taiseux. « Je ne répondrai à aucune question de ce type. Cela n’est pas le moment. Parce que nous sommes dansl’entre-deux-toursdes municipales, dans une situation politique difficile qu’il faut considérer avec une certaine gravité. Et parce qu’il ne s’agit pas de mes prérogatives, mais de celles du président», explique Manuel Valls au Monde. Ses amis sont toutefois là pour plaider sa cause. « Il faut donner une marque de professionnalisme, estime son ami Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois à l’Assemblée. Or, Valls incarneune image de fermeté et de constance. Cette hypothèse est la seule qui soit attendue. » Lapressionvallsiste,indéniablement, monte autour de Matignon. « Je ne vois pas comment le président va faire pour ne pas nommer Valls, glisse l’un de ses fidèles. On a encaissé une déroute sévère qui appelle une réponse. Il faut frapper fort,vite et mettredu lourd. Manuel est le mieux à même de faire ça. » A

en croire ses proches, après le tour désastreux qu’a pris ce premier test électoral du quinquennat Hollande, le ministre de l’intérieur se présente comme l’homme de la situation. Et le seul. « Si la réponse, c’est un Ayrault III, ça ne le fait pas», tranche un conseiller. Manuel Valls, l’homme providentiel ? Depuis dimanche, il s’est montré singulièrement discret. « Il n’était pas nécessaire qu’il s’exprime plus que cela », jure un collaborateur. « A certains moments, il faut savoir être dans le laconisme », assure un autre. Par l’épisode de novembre 2013 échaudés, le ministre et ses proches se tiennent cois. A l’époque, le scénario avait été sérieusement envisagé par le chef de l’Etat. « Tout était prêt », rapporte un proche de M.Valls. Mais M. Ayrault avait lancé inopinémentsa grande réforme fiscale et l’opération avait été étouffée dans l’œuf. La prudence, cette fois, est de rigueur. Officiellement, le ministre se serait affairé, cette semaine, à sauver les meubles avant le second tour. Il s’est penché sur des situations délicates dans son département de l’Essonne, sans pouvoir dénouer les cas complexes de Grenoble et Montpellier. Jeudi 27 mars, il se déplaçait à ConflansSainte-Honorine (Yvelines), l’ancien fief de Michel Rocard. A ses côtés, le ministre de l’économie solidaire,BenoîtHamon,représentant de la gauche du PS, qui ne

cache pas ses sympathiespour son collègue de l’intérieur. M. Valls, qui bénéficie par ailleurs de la bienveillance de Laurent Fabius, a reçu lundi place Beauvau Jean-Yves Le Drian et Arnaud Montebourg. « Hollandais » historique, le premier, plaide pour lui depuis l’automne 2013 auprès du président. Le second le soutient, tout en l’exhortant, si d’aventure il était nommé à Matignon, à un changement de ligne. Quand à Cécile Duflot, invitée à déjeuner par le ministre de l’intérieur, elle lui aurait indiqué avoir « un problème avec [lui] sur les questions sociétales ». M. Valls aurait affirmé sa volonté de voir les écologistes demeurer au gouvernement.

Débat tactique Place Beauvau, l’on se montre optimiste. « Il n’y a plus d’oukase des écolos », assure un proche du ministre. Mais l’offensive du ministre de l’intérieur suscite sans surprise l’émoi chez ses camarades socialistes. Lesquels, au fil des mois, ont inscrit, de plus en plus crispés, la réforme pénale, ses déclarationssurles Roms oul’affaire Leonarda dans la colonne passif de son bilan politique. « Valls à Matignon, ce serait une lecture totalementerronéedu scrutin,s’insurge Emmanuel Maurel, leader de l’aile gauche du PS. Il n’y a pas une demande d’ordre et de sécurité, mais de justice et de social.»

Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault, à l’Elysée, le 12 mars. ALAIN JOCARD/AFP

Maisledébatserévèleaussitactique. Ce sont d’abord ses concurrents pour Matignon et leurs partisans qui ont la ferme intention de faire barrage de leurs corps. «Il faut quelqu’un qui réunisse l’ensemble du PS, mais également radicaux et écolos, et ça ne peut être Valls. Ce serait une erreur profonde. C’est du molletisme version 2014, un discours à gauche mais des positions qui ne le sont pas », s’emporte un partisan du maintien de M. Ayrault. Un proche de Claude Bartolone, lui aussi intéressé par le job, partage cet avis : « Pour faire adopter le pacte dans la majorité, il va falloir envoyer un signal à gauche. Valls ne peut pas être le premier ministre de ce signal.» Achargemaintenantpour François Hollande, à l’exacte confluence de ces courants et pressions contradictoires, de peser le pour et

A Beauvau, les difficultés s’accumulent HASARD du calendrier, lundi 31 mars, lendemain du second tour des municipales, cela fera dixans que Nicolas Sarkozy a quitté une première fois le ministère de l’intérieur à l’occasion d’un remaniement post-défaite. Manuel Valls pourrait-il être tenté de suivre le même chemin? M.Sarkozy avait frôlé les vingttrois mois à Beauvau. Même le dernier « grand » ministre de l’intérieur socialiste, Pierre Joxe, n’a pas dépassé les vingt mois lors de

son premier passage (1984-1986). « Premier flic de France » pendant deux ans, c’est long, et l’expérience peut user. Elle l’a déjà usé, et le ministre de l’intérieur paraît chercher un second souffle. Depuis l’affaire Leonarda, en octobre2013, les rendez-vous ratés succèdent aux polémiques. La nomination des nouveaux directeurs de la police judiciaire, en décembre, aurait dû marquer le renouveau d’une belle endormie ? Elle s’est terminée en pugi-

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lat, avec la révélation de conversations téléphoniques durant lesquelles le patron du Quai des Orfèvres conseillait l’ancien ministre de l’intérieur Brice Hortefeux avant une audition. L’affaire Dieudonné? M. Valls a obtenu l’interdiction des spectacles du polémiste, mais au prix d’une chute de sa popularité. La présentation des chiffres de la délinquance, mi-janvier? Il a été contraint d’«assumer» la hausse des cambriolages et des vols, sans tracer réellement de nouvelles perspectives. Les chiffres de l’immigration? Face au procès en « laxisme » de la droite, il a dû à nouveau durcir son image. L’affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy ? La crédibilité du ministre – figé sur la ligne « ni vu ni connu » – a souffert auprès des Français, et peut-être plus encore auprès des policiers, bien placés pour savoir les limites de cette défense.

Crainte d’immobilisme La suite de l’année 2014 offre peu de perspectives réjouissantes pour Manuel Valls. Après les élections municipales et européennes, en mai, une autre campagne va commencer, celle des élections professionnelles, prévues pour décembre. Les résistances syndicales pourraient se multiplier, notamment parce que les relations entre police et gendarmerie se sont à nouveau durcies. Dans ces conditions, à quoi pourrait ressembler l’acte II de Manuel Valls à Beauvau? Chez les policiers et les gendarmes, on craint un certain immobilisme. « Il nous faut des réformes, des résultats, et il faut encore un peu de temps pour installer cela, reconnaît un membre du cabinet du ministre de l’intérieur. S’il s’agit de rester pour arriver à démontrer que la gauche est capable de s’occuper vraiment des questions de sécurité et de faire rentrer définitivement ça dans le logiciel des socialistes, je signe des deux mains.» p

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le contre. Et dans l’équation présidentielle, les ressources de Manuel Valls se révèlent à double tranchant.Son autorité et sa popularitépourraientconstituerun précieux secours pour François Hollande, tant ces qualités lui font défaut. Mais également, à terme, ériger M. Valls en rival. Ce que son entourage nie en bloc, arguant de sa « loyauté ». Cette fois, François Hollande n’a jamais directement évoqué l’hypothèse avec son ministre de l’intérieur, comme il l’avait fait en novembre 2013. En attendant, ce dernier, qui à l’exception de Matignon n’envisage pas de quitter Beauvau, est sur la brèche. « Il se prépare, dit un de ses amis politiques. Mais pas plus aujourd’hui qu’hier. Manuel, il est du genre à être prêt tout le temps. » p David Revault d’Allonnes

2 à 3 milliards de baisse des impôts des ménages Pas question d’infléchir le pacte de responsabilité, malgré les critiques venues d’une partie de la gauche. Mais l’Elysée réfléchit à des mesures fiscales ciblées sur les ménages modestes, dans le cadre de la trajectoire fiscale qui devrait être présentée fin avril et qui concernera les années 2015, 2016 et 2017. Selon les informations du Monde, les mesures en faveur des ménages pourraient représenter une enveloppe de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros. Ces dispositions fiscales seraient financées par de nouvelles économies budgétaires et par une réduction de l’effort annoncé en faveur des entreprises.

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Samedi 29 mars 2014

A Quimper, le grand désarroi de Bernard Poignant, l’ami du président

L’avenirde La Seyne-sur-Mertangue dansunetriangulaire

La gauche espère sauver sa mairie, dans une ville Arrivé en deuxième position, le maire socialiste est menacé par le candidat UMP surendettée et marquée par un fort chômage La Seyne-sur-Mer (Var) Envoyé spécial

J

eudi 27 mars, à la Seyne-sur-Mer (Var), pour les soutiens du maire sortant, Marc Vuillemot (PS), la distribution de tracts a exceptionnellement commencé par une tournée de ramassage. Au petit matin, le maire est tombé sur des copies de son appel à une réunion publique, traduite en arabe. « C’est un coup monté pour accréditer l’idée que je suis le candidat des populationsimmigrées», interprète M. Vuillemot. L’équipe s’est retrouvée lancée dans une grande chasse aux faux tracts, déposés dans tous les coins stratégiques de la deuxième ville du Var (63 000 habitants). En ces derniers jours d’une campagne âpre, tous les coups se tentent pour faire pencher une ville déséquilibréepar la pertedes chantiers navals, dont l’agonie, dans les années 1980, a marqué la fin de la monoculture ouvrière et de la municipalité communiste qui en découlait. Depuis, la cité ne cesse d’osciller entre droite et gauche, comme si elle ne parvenait plus à retrouver sa stabilité entre les trois entités qui la composent. Au sud, les quartiers chics, penchés vers la mer, dont les villas cossues attirent un nombre croissant de retraités. Au nord, près de Toulon,lescitésoùs’installentlespopulations les plus touchées par le plus fort taux de chômage du département. Entre les deux, un centre-ville populaire, qui ne se console pas de la perte des chantiers navals et qui s’inquiète, comme ailleurs, pour ses commerces menacés et ses immeubles dégradés. Ce point de bascule rend la ville, surendettée, encore plus sensible au contexte national. En 2008, Marc Vuillemotavait arrachéd’extrême justesse (370 voix) la mairie à la majorité UMP sortante. La vague rose de cette année-là l’avait aidé à faire fructifier son maigre total du premier tour de 19 % des voix. Six ans plus tard, le voici confronté à une triangulaire très périlleuse. Sa liste d’union de la

gauche a certes rassemblé 29 % des suffrages, mais le candidat du FN, Damien Guttierez (26 %) le talonne, et les deux candidats de droite, Philippe Vitel (UMP, 17 %) et JeanPierre Colin (UDI, 13 %) ont uni leur force en fusionnant leurs listes. L’impopularité du gouvernement a-t-elle contribué à cette mauvaise posture ? Marc Vuillemot affirme ne pas avoir beaucoup de remarques désagréables à ce sujet. Proche de Marie-Noëlle Lienemann, ancré à la gauche du PS,le mairen’ajamais cachéses critiques vis-à-vis des arbitrages rendus à Paris. « Ici, le gouvernement s’est parjuré, dit-il. Je peux vous montrer la vidéo où François Hollande nous a dit, “moi, président, les enfants continueront de naître à La Seyne”. Et à peine installé, le ministère de la santé a confirmé la fermeture de notre maternité. »

Rénovation urbaine M.Vuillemot a toutefois lu l’ampleur de la démobilisation dans l’abstentiondesquartiersnord,censés lui être les plus favorables. Depuis six ans, le maire y a pourtant mené à bien l’un des plus grands plans de rénovation urbain de France. La cité Berthe, qui fut longtempsunrepoussoir,estmétamorphosée avec ses immeubles rénovés autour d’une médiathèque. Ceteffortestaujourd’huiretourné contre lui par les autres candidats, au nom des deux autres entités géographiques. « L’insécurité et l’habitat insalubre ont été déportés vers le centre-ville », dit Damien Guttierez, ancien attaché parlementaire de Nadine Morano, à l’itinéraire politique fluctuant puisqu’il est ensuite passé par le MoDemavantd’arriver auFN.« Les quartiers sud ont été abandonnés parlacommuneetparl’Etat, déplore Philippe Vitel (UMP). On ne s’occupe pas d’eux alors qu’ils portent tout le poids de la hausse de la taxe d’habitation et des impôts nationaux. » La triangulaire a peu de chance de réconcilier La Seyne, et ses trois parties, avec elle-même. p Jérôme Fenoglio

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Bernard Poignant dans un bistrot du quartier de Kermoysan, jeudi 27 mars. LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE » Quimper Envoyée spéciale

C

’est le moment difficile où, dans les rues transies par le crachin, la moitié des passants tournent la tête ou ne regardent pas tout à fait dans les yeux le maire sortant qui leur tend la main. Bernard Poignant le voit. Comme il voit la toute petite troupe qui l’accompagne – une jeune colistière, un vieux militant socialiste – glisser bravement ses tracts dans les cabas de femmes qui ne s’arrêtent même pas. Mardi, lors de sa première sortie de l’entre-deux tour, dans les allées du Moulin vert, au nordouest de Quimper, le visage fermé de ses électeurs l’a frappé comme une gifle. « Je ne les sens pas », a-t-il confié, un peu abattu. Le lendemain, sous un soleil timide, ceux des petites cités populaires de Kermoysan étaient plus aimables et chaleureux : « On espère que ça va passer ! » Mais ce matin, dans ce quartier du Braden où, même dans les bureaux de vote les plus à gauche, le maire sortant a perdu plusieurs centaines de voix en six ans, on diraitque personnene veut s’attarder devant ce candidat qui sollicite un troisième mandat. « On croise les doigts », glisse tout de même une femme blonde timide que le maire a reconnue et arrêtée alors qu’elle trottinait la tête baissée dans le froid humide. « Voilà, triomphele maire, quand c’est perdu, ils disent “C’est dommage”, quandc’est gagné “Allez c’est bon !” Mais, pour les entre-deux, ils disent “On croise les doigts”. » Ses supporters ne sont pas les seuls à croiser les doigts pour sauverBernardPoignantd’un ballottage d’autant plus défavorable que l’effondrement de ses alliés écologistes au premier tour le prive de réserves. Depuis dimanche soir, François Hollande téléphone presque chaque jour pour s’enquérir de sa campagne. Car si Poignant chute, le chef de l’Etat en sera tenu pour partie responsable. Le Télégramme, qui fait presque toujours suivrele nom de Bernard Poignant d’un « LE conseiller du président » écrit en lettres capitales, appelle cela « l’effet double lame » : au niveau local, un plan de circulation très contesté et une certaine usure du pouvoir ont érodéles suffrages de l’électorat plus centriste de l’édile de soixante-huit ans. La proximitéaffichéeavecun Hollan-

de impopulaire a cisaillé les votes de l’électorat populaire. Sesadversairesnel’ignorentpas. Attablé au Bar des amis, au cœur du vieuxQuimper,latête delisteUMP, Ludovic Jolivet, un communicant de 49 ans qui est arrivé en tête au premier tour avec 29,3% des voix contre 27,9% à Poignant et a fusionnésa listeavec laModemIsabelleLe Bal (14,9%), nemanque pasde souligner : «Il paye les erreurs du gouvernement d’autant plus fort qu’il a un bureau à l’Elysée…» Ah, ce fameux bureau ! En mai 2012, il était l’orgueil du maire et de bon nombre de ses alliés. « Il le dira à Paris », glissait-on d’un air entendu. Le mardi matin, Poignant montait dans le TGV et chacun imaginait déjà la Bretagne – et

« Il paye les erreurs du gouvernement d’autant plus fort qu’il a un bureau à l’Elysée… » Ludovic Jolivet tête de liste UMP

notamment ce Finistère qui se sent toujours si loin du pouvoir – voyageant avec lui jusqu’à la rue duFaubourgSaint-Honoréet pénétrant sous les dorures de l’Elysée. « Mais a-t-il vraiment entendu lui-même ce qui se passait ? », s’interroge Isabelle Le Bal, dont une partie de l’électorat vient de celui de Poignant. La hausse des impôts, qui exaspère l’économie locale tissée de PME, le mariage pour tous qui heurte ces populations traditionnellement catholiques et surtout l’écotaxe, qui a occasionné le déferlement à Quimper de la plus grosse manifestation des bonnets rouges, ont commencé à en faire douter. A trois pas de la table où le duo des challengers du maire est attablé, un commerçant dit tout haut: « Poignant, c’est l’homme qui murmurait à l’oreille d’un âne ! » L’agrégé d’histoire, souvent appelé dans la ville « le professeur », reconnaît qu’il a lui-même sous-estiméles conséquencesélectorales de l’extraordinaire impopularité du pouvoir socialiste. Le 31 janvier, il avait lancé sa campagnesansinquiétude:« J’abordecette campagne avec beaucoup de sérénité, déclarait-il dans la presse locale, un peu en force tranquille. » Pas de porte-à-porte – « tout le monde me connaît » sourit-il – peu de réunions publiques. Tout le

contraire de ses opposants, qui se démultipliaient. « Eh oui, il a une certaine condescendance », fait minederegretter le fils decommuniste Ludovic Jolivet devant un ancienouvrier, agacépar « cetintellectuel à la mairie qui ne s’adresse pas aux CAP ! » Est-ce cette distance ou les électeurs eux-mêmes qui, les premiers joursdecampagne,onttrompéBernard Poignant? « J’avais dit à François Hollande: il y aura forcément un coup de tabac. Et puis, j’ai été un peu rassuré par l’accueil, poli et pas hostile… En fait, les gens ne disaient pas grand-chose, mais ils n’en pensaient pas moins… » Le soir du premier tour, il a regardé les résultats dans sa ville, bureau par bureau, constatant un recul de huit points par rapport à 2008. Puis, ceux du Finistère,pasmeilleurs.ADouarnenez, à 25 kilomètres de Quimper, la liste d’union PS-Verts, qui s’imaginait reprendre la ville, a dû se retirer au second tour… Enfin, il a vu ceux qui, dans toute la France, signalaient la gifle magistrale. « On croyait qu’il y aurait moins de pertes », reconnaît-il. Depuis, il a prévenu le Président : « Si les électeurs décident d’amplifierle vote de dimanche, il y aura de la chute… » L’extrême gauche, qui a recueilli 6 % des voix, n’appelle pas à voter pour lui. Et l’hommageappuyéde VincentBol-

loré à Poignant – « l'ami de trentetrois ans du groupe », a souligné publiquement l’industriel quelques jours avant le premier tour –, n’a pas eu d’écho dans l’électorat de centre-droit. « C’est une ville qui joue à se faire peur depuis toujours, relativise le député socialiste Jean-Jacques Urvoas, dernier de la liste de Bernard Poignant aux municipales. Il peut y avoir un effet correctif au second tour. » Le maire sortant espère de son côté que son expériencel’emporterasurcetadversaire UMP de 49 ans qui ne se prive jamais de rappeler: « J’avais douze ans lorsqu’il a été candidat la première fois ! » Mais il paraît parfois las devant ces concitoyens qui viennent en corporations faire signer des chartes en échange de leur vote, « comme si l’intérêt général devait s’effacer devant la somme des intérêts particuliers». Devant les militants socialistes quil’interrogent,BernardPoignant assure qu’il n’a plus mis les pieds à l’Elyséedepuisdécembreet qu’ilne «saitabsolumentpascequevadéciderleprésident».Puis,ilrépètecomme un mantra : « Au premier tour, les gens ont dit ce qu’ils avaient sur le cœur au gouvernement. Mais maintenant, ils vont vraiment choisir le maire. Ils ne vont pas tout confondre, tout de même !» p Raphaëlle Bacqué

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«Il faut arrêter de croire que les gens votent FN par désespoir»

A Bruay-la-Buissière, dans le Pas-de-Calais, le parti d’extrême droite a obtenu 36,84% au premier tour des municipales Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais) Envoyée spéciale

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ans le bassin minier, la ville où se rendre aujourd’hui est Bruay-la-Buissière. « Vous allez voir, ce sera la prochaine », annonce-t-on volontiers. Ici, l’invitation se comprend aisément. Elle signifie : la prochaine ville du Pas-de-Calais susceptible d’être raflée par le Front national après Hénin-Beaumont. Ce ne sera sans doute pas cette fois-ci, mais sûrementaux élections municipales suivantes, « si rien ne change entre-temps », précisent les plus prudents. A Bruay-la-Buissière, Alain Wacheux, maire socialiste sortant, accuse le coup. Ses 49,49 % au premier tour feraient pâlir d’envie biendes candidats,mais lui lestraîne comme une maladie honteuse : Wacheux avait plutôt l’habitude de passer d’un coup avec 70 %. Là n’est pourtant pas le pire. Il y a cette liste du Front national, tout juste créée et qui arrive à ses trousses avec le score de 36,84 %, le onzième plus élevé de France. Depuis, le maire sent vaciller son monde, si familier il y a quelques jours encore. « Je vois la vague arriver sur moi sans comprendre où elle va s’arrêter. A 37 % ? 42 % ? 51 % ? » Jusqu’à présent, le voteFN lui paraissaitun phénomène grave mais abstrait, quelque chose de national, touchant tout le

monde et personne, ou en tout cas pas lui, Wacheux, petit-fils de mineur, fils d’un maire précédent, dont la réputation n’est entachée par aucun scandale financier – à la différence d’Hénin-Beaumont, ni mêmed’une deces guerresfratricides entre socialistes, si fréquentes dans la région. « Nous avons échoué, dit Alain Wacheux. J’en prends ma part. » A Bruay, 23 000 habitants, le FN s’est installé dans un deux-pièces au-dessus d’une charcuterie polonaise, que signale seulement un petit drapeau français à la fenêtre. A toutes les listes, la section régionale avait donné pour consigne de surveiller chaque bureau de vote, « parce qu’ils vont essayer de nous voler nos voix ». Un intermédiaire raconte qu’il a eu tellement peur « de leurs magouilles» qu’il n’a pas oséaller auxtoilettes: « C’estla première fois que je voyais aussi près des gens de ce monde-là, on ne sait jamais.» Dans la pièce, la dizaine de militants acquiesce avec sérieux. « Le maire est un seigneur. Il est partout, mais nous, on ne le voit qu’en photo. » Une jeune femme blonde, cheveuxen brosse: « On a l’impression d’un réseau, qui ne s’intéresse qu’aux grosses têtes. Nous, on est quantité négligeable. Ils ne nous imaginaient pas au deuxième tour. » Un chômeur explique que certains ont refusé de leur parler : « On est dans notre pays, mais il n’est pas pour nous. »

Le PS à la peineà Avignon faceà l’extrêmedroite

La gauche tente de prendre cette ville qui a placé le Front national en tête au premier tour Avignon Envoyé spécial

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arché de Saint-Jean, au cœur de l’un des quartiers populaires d’Avignon. Yasmina Lanthier, 54 ans, sympathisantesocialisteetdirectrice d’un espace socioculturel, les connaît bien, ces quartiers qui ont tant changé depuis sa jeunesse, « depuis qu’on a abandonné l’humain » et que chacun, en conséquence,s’estreplié«sursoietsapropre famille ». Ils seront l’une des clés du second tour de l’élection municipale, dimanche 30 mars, une semaine après que l’extrême droite, à la surprise générale, a viré (de justesse) en tête. Ce jeudi, à trois jours du terme d’une campagne éprouvante, Mme Lanthier entend faire bonne figure. Mais elle ne peut s’empêcherde ruminerceque luiont répété les habitants de ces quartiers. Emploi, logement, formation, cadre de vie constituaient invariablement l’essentiel de préoccupations auxquelles elle s’est toujours efforcée de répondre; comme tant d’autres sympathisants et militants de gauche, « comme Cécile [Helle, la candidate socialiste],qui a passé son temps à discuter et à faire du porte-à-porte». Mais il leur a fallu ramer. Souvent à contre-courant. Combien de fois a-t-elle entendu dire – « y compris par des Maghrébins », précise-t-elle – : « On a essayé la droite, la gauche, on va essayer le FN » ? Quel que soit le résultat du second tour, Yasmina Lanthier sait qu’« il faudra encore beaucoup de dialogue» pour convaincre par la suite. A quelques mètres de là, Patrick Gangloff se tient droit comme un « i », sage comme une image. « La démocratie, c’est respecter les idées de chacun. Philippe Lottiaux [tête de liste du Rassemblement Bleu Marine] ne veut aucun incident. Si jamais ça chauffe, on doit s’en aller », récite le président départemental du Rassemblementpour la France, sa pile de tracts du RBM en

main. Il ne voit pas bien pourquoi çachaufferait,au demeurant.«Avignon est un village, tout le monde se connaît», dit-il après avoir salué LaurenceAbel-Rodet,uneécologiste qui figure en quinzième place sur la liste de gauche. Tous deux ont eu l’occasion de discuter dans un bureau de vote, le jour du premier tour. « Il ne faut pas avoir de mépris », dit Mme AbelRodet. Parce qu’il convient d’« entendre ce vote », et parce qu’il ne faut pas «d’emblée pourrir le climat » alors que l’extrême droite aura, quoi qu’il advienne, des élus à la mairie.

« Porosité » Combattrele FN au nomdu danger qu’il représente? Cette nécessité fut bien évoquée, et avec passion,lors dumeetingdela gauche à la salle des fêtes de la mairie, mercredi soir. Il y fut reçu cinq sur cinq, par des applaudissementsnourris. Mais sur le terrain, l’argument « ne marche pas », reconnaît volontiers Cécile Helle. « Le bon message est de se battre sur nos propositions. C’est cela qu’attendent les gens », poursuit la candidate socialiste. Elle avait très vite senti que le « parachuté » Philippe Lottiaux serait un adversaire redoutable. L’énarque a rapidement digéré les dossiers de la ville et s’est fondu dans le décor. Brillant, comme en conviennent certains de ses adversaires, s’exprimant avec aisance, il a déjà distancé de presque 9 points au premier tour la liste conduite par Bernard Chaussegros, bien pâle représentant d’une UMP locale elle-même fort mal en point, et désormais réduite à jouer les utilités. Cécile Helle veut croire que « le phénomène de porosité » entre électorat de droite et d’extrême droite a produit l’intégralité de ses effets au premier tour. Cela reste à vérifier, tout comme l’ampleur de la « prise de conscience citoyenne» sur laquelle mise la candidate socialiste. p Jean-Baptiste de Montvalon

D’unongleverninoir, Maryvonne Clergé éteint son portable. La candidate du Rassemblement Bleu Marine a tenu une supérette, un bar, un cabinet de diététique avantde prendresaretraite et d’entrer au FN. Aux législatives de 2012, « le score du Front avait été bon à Bruay-la-Buissière, genre 30 % sans rien faire », explique-t-elle. « La section régionale nous a repérés, comme toutes les villes dans ce cas – Montigny ou Lens – et nous a dit : il faut aller aux municipales, on va vous aider. » Certaines bourgades ont eu du mal à suivre, mais « chez nous, les gens sont très ouverts », continue Mme Clergé. Elle décrit la création de la liste comme une sorte de génération spontanée: le téléphone des adhérents lui a été communiqué, aucun ne se connaissait, mais « il a suffi de les appeler pour qu’ils se présentent». La liste s’est boucléel’an dernier pendant une fête du FN à HéninBeaumont, à une demi-heure de route, à l’autre bout du bassin minier. « C’était l’anniversaire des

40ans de Steeve, non ? », demande Christelle,une mère au foyer. Steeve, c’est Steeve Briois, qui vient de décrocher la mairie Hénin-Beaumont, alors que le FN faisait à peine quelques pour-cent des voix quandil s’est lancé dans les années 1990. On parle de « Steeve » à la fois comme d’une star et d’un

«Jevoislavague arriversurmoi sanscomprendre oùellevas’arrêter. A37%?42%?51%?» Alain Wacheux maire sortant (PS)

modèle, « la preuve qu’on peut tous réussir dans la vie ». Lors de la fête, Marine Le Pen a appelé Maryvonne au micro devant 400 personnes pour la nommer tête de liste. « Impossible de faire marche arrière, frissonne-t-elle encore. J’ai bu un verre de sangria pour me donner du coura-

ge. » Jérémy, son numéro deux : « Au FN, on est applaudi quand on adhère. On a une place. » En plus des réunions mensuelles, il a eu droità un stagede troisjours ausiège du FN, à Nanterre. Pendant la campagne, Alain Wacheux a assisté à une seule réunion organisée par le PS pour contrer le FN. « La stratégie consistait à avoir des arguments pour contrer les leurs et révéler ce que ce parti est réellement», raconte-t-il. Dans Bruay, il se trouve qu’une photo s’est mystérieusement répandue, justement à cette période. Elle montrait un proche de MaryvonneClergé en uniforme du IIIe Reich, assorti d’un commentaire où elle le trouvait « beau gosse». La démarche n’a eu aucun effet. Ou plutôt si, « elle a produit l’inverse », se chagrine Wacheux. « L’opinion publique a trouvé que c’était elle la victime, en étant la cibledecegenred’attaque.L’ancienne méthode, qui consiste à dire “le FN c’est mal”, ne suffit plus. » Après le premier tour, aucun élu de la région n’a appelé Alain Wacheux.

Personne du PS non plus. Quand on lui demande s’il ne se sent pas seul, le maire ne répond pas. « Il faut arrêter de croire que les gens votent FN par désespoir. Chez les jeunes, où il y a 25 % de chômage, le seul rêve, au contraire, c’est le FN », dit Lisette Sudic, une enseignante. A Bruay, sa liste Europe Ecologie-Les Verts a fait 13,67% des voix. Certains socialistes font semblant de ne plus la voir depuis qu’elle a décidé se maintenir au second tour face à M. Wacheux. « J’assume, dit Lisette Sudic. J’en ai assez du chantage permanent où il faut se rallier, sinon on fait le jeu du FN. La vie politique doit changer. » Depuis, le ton n’est plus le même quand elle distribue ses tracts au porte-à-porte. On la fête. « Bravo, vous sortez enfin du système », s’exclame un retraité. Pour la première fois de sa vie, il n’a pas voté. Le voisin, non plus d’ailleurs. Il pense voir bientôt une « révolution », sans trop savoir laquelle. En attendant, il se dépêche : il est en retard pour la chorale. p Florence Aubenas


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La justice sur la piste du «parrain des parrains»

L’enquête sur Michel Tomi mêle affairisme corse, réseaux politiques et chefs d’Etat africains

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eux juges et des dizaines d’enquêteurs sont à ses trousses depuis de longs mois.Poureux,pasdedoutespossibles : l’homme d’affaires corse Michel Tomi, 66ans, à la tête d’un empireindustrielen Afrique,serait le dernier « parrain des parrains » français. L’affaire inquiète jusqu’à l’Elysée,ellerisquemêmedeprovoquer de forts remous dans les milieux diplomatiques, avec la mise en cause pour corruption du président malien, Ibrahim Boubacar Keita, dit « IBK ». Selon les informations du Monde, depuis le 25 juillet 2013, date de l’ouvertured’uneinformationjudiciaire par le parquet de Paris pour « blanchiment aggravé en bande organisée », « abus de biens sociaux» et « faux en écriture privée », les juges Serge Tournaire et Hervé Robert enquêtent en toute discrétion sur Michel Tomi, son groupe industriel Kabi, mais également sur ses réseaux politiques. L’homme est soupçonné de blanchir en France une partie de l’argent gagné en Afrique. Et de financer des présidents africains. Plusieurs chefs d’Etat seraient impliqués dans le « système Tomi» : IBK, donc, mais aussi le président gabonais, Ali Bongo, et les présidents tchadien ou camerounais. Deux enquêtes financières ouvertes à Ajaccio et Marseille, ainsi que des rapports de Tracfin (l’organisme anti-blanchiment de Bercy), visant M.Tomi,ont étécentralisés à Paris à l’automne 2013, et jointsaudossier.Enmars,lesmagistratsontfrappéfort :ilsont demandé un réquisitoire supplétif au parquet,afind’étendreleursinvestigations à des faits de « corruption d’agent public étranger ». Leur cible: Ibrahim Boubacar Keita, président du Mali depuis septembre2013, activementsoutenupar la France. C’est dire si l’affaire gêne la diplomatie française. Les présidences malienne et gabonaise n’ont pas répondu aux sollicitations réitérées du Monde. Une autre piste est examinée par les policiers: celle des soutiens dont bénéficierait M.Tomi (condamné en 2008 pour « corruption active » pour avoir

Michel Tomi quitte les locaux de la brigade financière de la police judiciaire d’Ajaccio, le 18 juin 2001. AFP

financé illégalement la campagne du Rassemblement pour la France de Charles Pasqua aux élections européennes) dans la classe politique française. Cette enquête hyper-sensible démarre en 2011, dans le prolongementde l’affaireducercleWagram. Lapolice découvrequ’un clan corse tentedemettrelamainsurl’établissementdejeuxparisien.Troishommes, réputés dangereux, prennent lafuite: Frédéric Federici,Stéphane Luciani et Jean-Luc Germani. La direction du renseignement de la préfecturede police(DRPP) de Paris s’empare du dossier. Et tombe sur M.Tomi, suspecté de subvenir aux besoins du trio en Afrique. Dès lors, les policiers prennent en filature l’homme d’affaires. Et découvrent l’étendue de ses relations.

Avril2012. Par un bel après-midi printanier, un homme en costume azur sort du restaurant parisien huppéLaMaison de la truffe,escorté par ses gorilles. C’est IBK. Il serre dans ses bras un Michel Tomi en

M.Tomi paie les séjours du futur président malien à l’hôtel et met à sa disposition des avions pour sa campagne petite forme. Atteint d’une sclérose en plaques, il se déplace en fauteuil roulant. Son lieutenant, Jean-Luc Codaccioni,dit«Johnny»,estégalement présent. Les trois hommes ne

sontpasseuls:lespoliciers,enplanque, mitraillent la scène au téléobjectif. M. Tomi sait entretenir ses amitiés.Il fournit des vêtementsde marque au futur président malien, paie ses séjours à l’hôtel parisien La Réserve, met à sa disposition des avionspoursacampagneprésidentielle – M. Tomi possède deux compagnies aériennes, Afrijet et Gabon Airlines. Fin juillet2013, la police judiciaire est saisie par les juges Tournaire et Robert. Une petite équipe travaille dans le secret. Au sein de la directioncentraledelaPJ,l’enquête provoque des dissensions: le clan Tomi a des amis dans la maison, comme dans le monde politique. Placé sur écoute, M. Tomi est bavard au téléphone. Il discute avec ses hommes de main, chargés

de rapatrier l’argent en France. Le nom d’IBK revient souvent. M. Tomi est d’ailleurs présent à la cérémonie d’intronisation du nouveau chef d’Etat malien, à Bamako, en septembre 2013. Dans un coin, pour ne pas se faire remarquer. En décembre 2013, en marge d’un sommet africain qui se tient à Paris, IBK effectue un déplacement privé à Marseille, où il est pris en main par les hommes de M. Tomi. Celui-ci multiplie les séjours dans la cité phocéenne : il se rend deux fois par mois à l’hôpital de la Timone. Plus récemment, du 8 au 10 février, M. Tomi héberge son ami, tous frais payés, dans une suite du palace parisien le Royal Monceau.Illuiprocureaussidesvéhicules haut de gamme. Il s’occupe même de sa sécurité.

MichelTomi,unroidescasinos«davantageafricainque corseoufrançais» Portrait Voilà longtemps que certains magistrats et policiers rêvent d’accrocher à leur tableau de chasse Michel Tomi, celui qu’ils considèrent comme le dernier parrain corse à l’ancienne. Au carrefour du monde politique, de l’entreprise, des voyous, des chefs d’Etat africains et des jeux, ce patriarche, né en 1947, qui se déplace en chaise roulante et n’en est pas moins vif d’esprit, le sait bien. «Je suis sur écoute depuis des années alors que je n’ai rien à me reprocher et je défie quiconque de montrer que j’ai une seule affaire en France ou même en Europe», assure-t-il au Monde d’une voix calme. Il ne se connaît qu’un seul investissement par le biais d’une société civile immobilière à Aix-enProvence (Bouches-du-Rhône) pour un studio et dément les projets qu’on lui prête en Autriche. «Je suis davantage africain que corse ou français, ma logique a été payante, ne jamais faire d’affaires en Corse», note-t-il. Il a débuté comme croupier à Monaco avant d’intégrer, en 1968, l’un des cercles de jeux parisien contrôlé par les Francisci, les empereurs des jeux d’alors, qui lui mettent le pied à l’étrier. En 1974, il est au casino Ruhl, à Nice, où règne Jean-Dominique Fratoni, le « Napoléon des tapis verts» lié à la mafia, avant de tenter l’aventure à l’étranger. De retour en France, il est interdit de gestion dans le casino dont son frère, Jean Tomi, est l’action-

naire principal à Bandol (Var). Un établissement fermé en 1988 après l’ouverture d’une enquête. Lors du procès, en 1996, il apparaît que de l’argent du casino était versé à des poids lourds du milieu marseillais. Après cette affaire, Michel Tomi rebondit grâce à un homme qui lui ouvre les portes de l’Afrique: Robert Feliciaggi. Tomi apporte sa connaissance des jeux et une idée : implanter le PMU en Afrique francophone. L’Afrique subsaharienne leur ouvre les portes. Leur fortune est faite. Ses finances, aujourd’hui illimitées, sont à l’abri en Afrique et dans les paradis fiscaux car il n’a plus aucun compte bancaire en France depuis l’affaire du casino d’Annemasse. Il a été condamné pour avoir financé, par le biais de sa fille, directrice du PMU au Gabon, la campagne du Rassemblement pour la France de Charles Pasqua pour les élections européennes de 1999 en contrepartie d’autorisations pour exploiter l’établissement de jeux de Haute-Savoie. Michel Tomi vit, de fait, en Afrique, au Maroc, au Gabon et au Mali. Il vient à Paris régulièrement et à Marseille. En 2007, la mise sur écoute de son téléphone dans l’enquête sur l’assassinat, en mars2006, de son ami Robert Feliciaggi, avait levé une partie du voile sur ses activités. Dirigeant des principaux établissements de jeux en Afrique de l’Ouest, son groupe Kabi s’est étendu géographiquement et s’est enrichi d’autres activités comme l’hôtellerie, le BTP et

l’immobilier. Quand la justice lui prête alors la construction de 250 villas au Maroc, il dit n’avoir connaissance que d’une dizaine de maisons. «Ces surveillances n’ont rien donné, mais Dieu merci, relève-t-il, quelque temps après la mort de Robert, on a compris que je n’y étais pour rien. Son fils travaille avec moi.»

Avec Richard Casanova, figure du banditisme corse, tué en 2008, il confirme avoir eu «une relation presque familiale» Depuis 2005, Michel Tomi est également à la tête, avec son fils, Jean-Baptiste, que l’on voit souvent à Dubaï, de la compagnie Afrijet Business Service, qui possède des Falcon. Avec un associé, il a mis la main sur Gabon Airlines. Les écoutes de 2007 soulignaient ses relations privilégiées avec la famille du président gabonais d’alors, Omar Bongo, et surtout son fils, Ali, à l’époque ministre de la défense. Ce dernier a succédé à son père, mort le 8juin 2009. Les Tomi avaient aussi noué des liens solides avec Frédéric Bongo, chef du renseignement. Les enquêteurs pointaient les services rendus à la famille Bongo: frais d’hospitalisation en France, mise à disposition d’avions, de bateaux et achats de véhicules de prestige en guise de

présents. « Ils n’ont pas besoin de moi pour cela», corrige-t-il. Mais l’ère gabonaise des Tomi est aujourd’hui terminée. Leur influence a reculé à mesure que celle du directeur de cabinet d’Ali Bongo, Maixent Accrombessi, grandissait. Les Tomi ont réduit leurs activités au Gabon pour s’investir au Mali où leur ami Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK», a été élu président en 2013. Durant l’élection présidentielle, IBK a voyagé avec les avions d’Afrijet mais Michel Tomi dément avoir financé sa campagne. Selon un diplomate français, rencontré en juin2013 à Bamako, «la force des Tomi, c’est qu’ils étaient proches d’IBK quand il n’était rien, ils ont du flair». Aujourd’hui, alors qu’IBK installe encore son pouvoir, il s’appuie sur cette confiance scellée avec les Tomi. «J’ai un casino à Bamako depuis vingt ans et je n’en ai pas ouvert un deuxième parce que je sais où me situer, je connais beaucoup de chefs d’Etat africains mais ma relation avec eux est de rester à ma place sans interférer», dit Michel Tomi. Il admet simplement avoir recommandé la société française de sécurité Gallice, chargée de former la garde personnelle d’IBK. Frédéric Gallois, cofondateur de Gallice, confirme que Michel Tomi est intervenu en leur faveur mais précise que le vrai coup de main est venu d’Ali Bongo, que sa société protège également. Sur ses liens avec une figure du grand banditisme insulaire, Richard Casanova, tué en 2008,

Michel Tomi confirmait aux policiers, le 18 mai 2010, « une relation presque familiale » et il confiait sa proximité avec le beau-frère de Richard Casanova, Jean-Luc Germani, recherché pour assassinat et présenté comme le nouvel homme fort du milieu français. Un petit voyou, premier repenti corse, Claude Chossat, avait révélé, en 2010, que le groupe criminel de la Brise de mer, dont M.Casanova était un pilier, avait blanchi «4 millions d’euros» par l’intermédiaire de M. Tomi. Ce dernier dément. «Si nous étions amis avec Richard, je n’ai jamais fait d’affaires avec lui. » Un an plus tôt, le 11 mars 2009, dans un restaurant situé près de l’office central de lutte contre le crime organisé, à Nanterre, une scène avait pourtant ajouté au trouble sur son statut de parrain. Entouré de gardes du corps, il rencontrait, ce jour-là, M.Germani et Stéphane Luciani, autre braqueur chevronné. Le milieu insulaire était alors à feu et à sang. Les policiers pensent que cette rencontre a permis d’y mettre fin. « C’est faux, se défend M.Tomi, ils sont venus me voir pour installer des machines à sous à Kinshasa.» Dubitatifs, les enquêteurs commentaient ainsi, en 2010, son audition comme témoin: «Il décrivait, dans un mélange très surprenant de candeur, de prudence et de rouerie, le fonctionnement de type mafieux de certains personnages autrefois ou toujours influents dans le sud de la Corse.» p

Jacques Follorou

Fin 2013, il contacte ainsi Bernard Squarcini, l’ancien patron de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), proche de Nicolas Sarkozy et débarqué par le pouvoir socialiste mi-2012. M.Squarcini est désormais consultant en sécurité dans le privé. M.Tomi, qui connaît bien l’ex-chef du contre-espionnage, le sollicite pour organiser la protection de son ami IBK. Les enquêteurs s’interrogent sur les relations entre M.Tomi et M. Squarcini. Le demi-frère de M. Tomi travaille d’ailleurs à la DCRI – il a été recalé par la PJ en raison de son patronyme sulfureux… « Il fallait sauver le soldat IBK, protégé par la France, justifie M. Squarcini au Monde. Mais je ne fais pas d’affaires avec Tomi ! Ce n’est pas un ami. En revanche, il a des liens privilégiés avec un commandant de la police judiciaire…» L’enquête va maintenant conduire les policiers à plonger au cœur de l’empire Tomi. Selon les services de renseignement, il est depuis 2009 l’unique détenteur d’une autorisation d’ouverture de casinos à Bamako, où il a créé la salle de jeux Fortune’s club. D’après les enquêteurs, IBK y détiendrait des parts. M. Tomi reproduit partout le modus operandi qui lui a si bien réussi au Gabon, où son groupeestbaséetemploie…40000personnes!Fortdesesrelationsprivilégiéesavecl’ex-présidentOmarBongo, mort en 2012, il a su faire fructifier ses intérêts. Il possède le PMU local,a empoché,en2010,10 %de la vente à l’Etat gabonais pour 16millions d’euros de quatre vedettes de surveillance maritime, sans compter des milliers de logements en construction. Son notaire au Gabon ? Le propre frère du président Bongo… Aux yeux des autorités gabonaises, M. Tomi est intouchable. D’ailleurs, en novembre2013, elles ont refusé d’accorder un visa aux journalistes du Monde désireux d’enquêter à Libreville. Très proche d’AlexandreRodriguez,unhomme d’affaires qui loue des yachts de luxe, il permet au couple présidentiel Ali et Sylvia Bongo de passer de bonnes vacances à Corfou, en juillet2013, sur le yacht Grazia Dio. Il joue aussi les intermédiairesavec des investisseurs chinois, opère au Tchad, au Cameroun, au Bénin, au Niger, au Sénégal ou au Togo, et vise des marchés en Serbie, dans le golfe persique, en Asie… Les secteurs sont nombreux: BTP, centrales hydrauliques, sécurité, textile…

«Jenefaispas d’affairesavecTomi! Maisiladesliens privilégiésavecun commandantdelaPJ» Bernard Squarcini

Une expansion commerciale qui en a fait un milliardaire… sous surveillance : le 2 juin 2013, les enquêteurs surprennent une conversation entre M. Tomi et Edgard Ngo’o, ministre camerounais de la défense. Ce dernier demande à son interlocuteur que les cadeaux offerts par le clan Tomi ne «laissent pas de traces». Car son argent, Michel Tomi le redistribue.Il subvient aux besoins de Sandra Germani, la veuve de Richard Casanova, membre du gang de la Brise de mer. Il supervise la réunion, toujours sur le Grazia Dio,de SandraGermani,FelixAntonietti ou encore Dominique Pasqualetti,toussoussurveillancepolicière. Car s’il étend son empire en Afrique, Michel Tomi semble aussi, selon les enquêteurs, garder des liens avec le milieu corse, tout en soignant ses relations haut placées en France. L’enquête ne fait donc que débuter… p Gérard Davet et Fabrice Lhomme


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Samedi 29 mars 2014

Education: comment le SNES résiste aux réformes Le syndicat majoritaire du secondaire, dont le congrès s’ouvre le 31mars, peine à se défaire d’une image conservatrice et corporatiste

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«Le SNES estincapablede proposer quoiquece soit. Si l’écolen’avance pas, c’est en partie à cause de lui », s’agace François Portzer, président du Syndicat national des lycées et collèges (Snalc), un syndicat concurrent. Début mars, le think tank de gauche Terra Nova recommandait, dans une étude, de « ne plus survaloriserla puissance du SNES » et de « cesser d’en faire unpartenaireprivilégiéduministère ». A l’approche du congrès du syndicat, qui se tient du 31 mars au 4avril, ces propos sonnent comme une provocation. Il est vrai que le SNES a l’oreille du ministre. « Il a tout de suite compris les lignes à ne pas franchir »,

tiendra jamais l’accord du SNES…», déplore un recteur d’académie sous le couvert de l’anonymat. « Je n’aurai sans doute pas tout ce dont j’avais rêvé pour l’école. Je n’ai pas tous les pouvoirs, et il y a des obstacles, des conservatismes… », reconnaissait le ministre en novembre 2013. Sa stratégie, c’est celle des petits pas. Avancer avec prudence, sans froisser le SNES, en gardant toujours les enseignants à ses côtés. N’ouvrir que des brèches susceptibles, plus tard, de s’agrandir. N’être ni un « François Bayrou» ni un « Claude Allègre ». Le premier, ministre de l’éducation de 1993 à 1997, avait laissé le SNES faire la loi à la suite d’un grand mouvement de grève. Le second (1997-2000) est entré en guerre contre lui au point d’y laisser son poste. Faut-il forcément faire du forcing pour réformer l’école ? « Les ministres ont toujours eu tendance à surévaluer l’influence du SNES », observe un ancien recteur d’académie. « Dire qu’il peut tout bloquer, c’est rassurant pour ses militants, mais c’est une image de puissance fausse, estime Frédéric Sève, secrétaire général du SGENCFDT, réputé progressiste. Les réformes passent, même s’il ne les soutient pas. » De fait, la réforme du lycée de 2010 est passée sans l’accord du SNES, comme l’introduction des travaux personnels encadrés (TPE) au lycée en 2001 et comme la suppression des TPE en terminale cinq ans plus tard ! Malgré tout, « tout ministre doit tenir compte du syndicat représentatifd’une profession qui se mobili-

onprédécesseurl’avaitprévenu : le SNES, il faut s’en méfier. Sous ses airs plutôt ouverts, le Syndicat national des enseignants du second degré ne signe jamais ; c’est inscrit dans ses gènes. A ses débuts, le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon – qui a lui-même été syndiqué au SNES lorsqu’il était professeur –, ne voulait y croire. Son a priorisur le syndicatultramajoritaire des enseignants du secondaire était plutôt favorable, même s’il savait que, dans cette maison qui chapeauteprèsd’unmillionde personnels et douze millions d’élèves, on marche toujours sur des œufs. Au cours de ses deux années d’exercice, l’avertissement de Luc Chatel a eu souvent l’occasion de lui revenir en mémoire. Pas plus tard que jeudi 27 mars, lors du vote – consultatif– du projetde réforme des missions des enseignants. Le SNES, qui y semblait plutôt favorable au départ, s’est abstenu. La portée dela mesure est pourtantavant tout symbolique: il s’agit de réécrire le décret de 1950 qui définit ces missions,afin deprendreen compte l’évolution du métier. Reconnaître qu’un professeur aujourd’hui ne fait pas « que » cours, mais qu’il aide ses élèves, travaille en équipe, rencontre les parents… La maison-mère du syndicat, la FSU, s’était également abstenue sur la loi de refondation de l’école promulguée en juillet 2013. Et le SNES, qui avait qualifié de « porteur d’ambition » le plan sur l’éducationprioritaire,soutientmaintenant les appels à la grève en zone d’éducation prioritaire (ZEP).

confirme Frédérique Rolet, l’une des trois cosecrétaires généraux. Dans la loi sur l’école de Vincent Peillon, qui trace la feuille de route de son mandat, rien de frontal sur le temps de présence des enseignantsdanslesétablissements,sur lerapprochementdel’écoleprimaire et du collège, le baccalauréat, le décloisonnement des disciplines… « Vincent Peillon pense que sans accord social – et c’est aussi la thèse de François Hollande –, il n’a pas le droit d’avancer. Et comme il n’ob-

La réforme des missions des enseignants validée

Un syndicat longtemps réputé avoir la main sur la gestion des carrières

Les organisations syndicales ont validé, jeudi 27 mars, le projet de décret qui redéfinit les missions des enseignants du secondaire (avec 5 voix pour, 4 contre et 6 abstentions). Ce texte s’appliquera à la rentrée 2015. Il remplace le précédent décret de 1950, qui réduisait le métier aux seules heures de cours. Il reconnaît les « activités complémentaires » des professeurs (aide aux élèves, travail en équipe, relations avec les parents…), ainsi que leurs missions facultatives (référent numérique, coordinateur de discipline…), qui seront rétribuées. Le décret accorde une « décharge » aux enseignants de zones d’éducation prioritaire (ZEP), qui se traduira par 1 h 30 de cours en moins par semaine. Lire l’intégralité de l’article sur Lemonde.fr.

«VincentPeillon pensequesansaccord social,iln’apasledroit d’avancer.Etcomme iln’obtiendrajamais l’accordduSNES…» Un recteur d’académie

QUAND on fait ses débuts dans le métier, le SNES est souvent le seul syndicat dont on connaît le nom. C’est lui que l’on croise le plus fréquemment en salle des professeurs, lui qui compte le plus de banderoles dans les cortèges. Malgré la crise du syndicalisme, à laquelle n’échappe pas le monde enseignant, le SNES, syndicat des professeurs du secondaire de la FSU, reste ultra majoritaire. Avec 50 % des voix et 60 000 adhérents, il représente un peu plus d’un cinquième de la profession. Sa force repose sur son réseau. Sur le terrain, ses militants sont présents dans sept établissements sur dix (82 % des lycées et 65 % des collèges). Leurs « sections » s’apparentent à des bureaux des plaintes ou des renseignements. Face à une gestion des ressources humaines connue,

dans l’éducation nationale, pour être impersonnelle, « le SNES a une fonction réparatrice, souligne Laurent Frajerman, chercheur à l’Institut de recherches de la FSU. Il connaît mieux que l’administration les dossiers individuels, informe avant elle des résultats des promotions ou des mutations… Il est sans doute l’exemple de syndicalisme de service le plus abouti en France.» Au point de décider de tout? Le SNES a longtemps entretenu le mythe selon lequel il avait la main sur la gestion des carrières. «Il a bâti sa clientèle sur l’idée que c’était lui qui faisait la pluie et le beau temps. Pendant longtemps, on pouvait obtenir une dérogation rectorale par le SNES pour avoir la mutation souhaitée», rapporte François Portzer, président du Snalc, un syndicat concurrent. Ce temps-là est

Vincent Peillon et Frédérique Rolet, cosecrétaire générale du SNES, le 25 novembre 2013. MARTIN/RÉSERVOIR PROD

se quatre fois plus que les autres », estime Laurent Frajerman, chercheur spécialiste du syndicalisme enseignant. Un syndicat capable, aussi, d’entraîner avec lui les lycéens. « Les professeurs ont compris qu’un mouvement lycéen était leur meilleur atout. C’est ce qui fait le plus peur aux ministres », poursuit le chercheur. Vincent Peillon compose donc avec les rapports de force qui structurent le syndicalisme enseignant. Approximativement, le bloc dit « réformateur » (SGENCFDT, UNSA) représente 20 % des suffrages ; le bloc réputé contestataire (FO, CGT, SUD), 30 %. Le SNES, avec 50 % des voix et ses 60 000 adhérents, campe au milieu du paysage. Il est incontestablement le plus représentatif de la profession, avec ses sensibilités, ses clivages. Avec cette difficulté, propre à tout syndicat majoritaire, d’adop-

révolu, même si, « quand vous êtes recteur et que vous avez face à vous, en commission, des représentants du SNES qui bataillent sur chaque nom, contestent, proposent d’autres noms, vous avez intérêt à opposer de solides arguments pour ne pas vous voir imposer un espace de cogestion! », reconnaît un cadre de l’éducation nationale, sous couvert d’anonymat.

Un réseau qui s’effrite Le SNES n’échappe cependant pas à l’érosion du syndicalisme. En dix ans, il a perdu plus de 10000 adhérents. Ses militants ont vieilli; son réseau s’est effrité. A son âge d’or, dans les années 1980, «on parlait de 90 000 adhérents. Près de la moitié des enseignants étaient au SNES», souligne André D.Robert, professeur en sciences de l’éducation à l’université Lyon-

ter des positions tranchées. Contraint de faire la synthèse entre des opinions diverses, il est souvent tenté de rechercher le plus petit dénominateur commun : soit la revendication de moyens en plus, soit le statu quo. L’image de syndicat corporatiste et conservateur lui colle à la peau. Même si « la réalité est plus complexe, prévient André D.Robert, professeur à l’université Lyon-II. Il y a aussi toute une frange de ses militants et adhérents impliquée dans la réflexion sur la pédagogie et les disciplines.» Mais c’est une autre frange qui s’est fait entendre ces dernières semaines. Dans les académies, certains cadres locaux reprochent à la direction d’avoir adopté une ligne trop molle avec le ministre. La tendance minoritaire « Ecole émancipée » regrette de voir le SNES « renoncerà impulser toute mobilisation ». Une autre, « Emancipa-

II. En prévision des élections professionnelles, prévues en décembre, le SNES redouble d’efforts pour capter de nouvelles voix auprès des jeunes enseignants. Lourd défi face à une génération moins disposée à s’encarter. «Dans les années 1970, un “bon” enseignant se devait d’être syndiqué, rappelle André D.Robert. Ce

tion», plus minoritaire encore, de « s’enfermer dans un dialogue social qui sert la politique gouvernementale d’austérité ». La direction ne semble guère s’en étonner. C’est un grand classique:les troupesseserrentet sedesserrent au gré des alternances politiques. « 80 000 suppressions de postes sous le mandat Sarkozy, évidemment ça soude. Sous la gauche, c’est plus compliqué, concède FrédériqueRolet.D’uncôté, on peut obtenir des avancées. De l’autre, on peut se voir reprocher d’accepter desmesures.Il peut yavoir,cheznos militants, une certaine suspicion, la crainte que le changement ne soit porteur de dérives…» Accepterestuneprisede risque; refuser reviendrait à briser le pacte implicite de non-agression avec Vincent Peillon. S’abstenir, c’est permettre au oui de triompher, sans y laisser trop de plumes. p Aurélie Collas

n’est plus le cas. Les jeunes générations, sans être détachées du fait syndical –elles reconnaissent son intérêt et sa nécessité–, ne s’engagent plus systématiquement.» La preuve en est le taux de participation aux élections professionnelles, qui est passé de 60% en 2008 à 40% en 2011. p

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Cinq entreprises ont été sanctionnées pour non-respect de l’égalité salariale entre les sexes depuis le 1er janvier, ce qui porte à dix leur nombre depuis la parution, en décembre2012, du décret renforçant les obligations des entreprises en la matière, selon les chiffres publiés par le ministère des droits des femmes, vendredi 28mars. Au total, 700 entreprises ont été mises en demeure de négocier un accord sur l’égalité salariale avec les syndicats, ou, à défaut, d’engager un plan d’action pour résorber les inégalités.

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Handicap L’Etat porte plainte dans l’affaire des maltraitances à l’Institut Moussaron

Le ministère délégué chargé des personnes handicapées a déposé plainte contre X pour abus de bien social et abus de confiance dans la gestion de l’Institut Moussaron de Condom (Gers), mercredi 26 mars (Le Monde du 14 mars). Cet établissement pour jeunes polyhandicapés est placé sous administration provisoire depuis novembre2013, après qu’un rapport de l’ARS Midi-Pyrénées y eut révélé des « maltraitances institutionnelles».

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culture

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Samedi 29 mars 2014

Les galeries de province font de la résistance

Les foires parisiennes font la part belle à ces espaces de vente en région, dynamiques mais peu médiatiques

Enquête

le rapport du ministère de la culture) ne s’en félicitent pas toujours. Ainsi du Marseillais Sam Dukan, implanté depuis 2011 dans la capitale : « Ça reste difficile et on n’a pas les mêmes coûts. A Marseille, on avait 1 500 euros de frais fixes mensuels, ici 10 000 à 12 000euros.» Didier Gourvennec Ogor est resté, lui, à Marseille, où il a ouvert en 2011. Il paye moins de 1 000 euros de loyer par mois pour 210 m2. Impensable à Paris. « Je n’aurais peut-être pas tenu vingt-sept ans, avec les crises,si je n’avais pas été en province », estime quant à elle YvonnePaumelle,de la galerieOniris à Rennes. Catherine Issert, qui

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Il est difficile de faire passer le périphérique à un critique ou à un conservateur de musée parisien

A Nice, le jeudi 27 mars, inauguration de la Galerie Christian Depardieu. Ici, deux œuvres d’Olivier Lannaud. ALBANE NOOR POUR « LE MONDE »

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en 2009, un bel espace dans un hôtel particulier, qui lui permet de réaliser des projets in situ très ambitieux, qui seraient irréalisablespourelleàParis.«Celam’adonnéunesingularité: êtrela galeriede Nantes, reconnue par toutes les institutions de la région. Le monde des collectionneurs est très restreint à Nantes. Les foires nous sont donc essentielles, nous avons construit un important réseau en participant notamment à Drawing Now. » D’où l’ouverture d’un second espace à Paris, « indispensable pour

entretenir ces nouveaux contacts». Beaucoup ont ainsi deux lieux. Présente à Art Paris, Claire Gastaud cumule un bureau parisien et un grand espace à Clermont-Ferrand. Cortex Athletico, une des rares à figurer à la prestigieuse Foire de Bâle, garde un pied à Bordeaux et un autre à Paris. « A Paris, il y a un environnement constitué. A Bordeaux, je suis plus dans la formation d’un public, c’est un travail de pédagogie», expliqueThomas Bernard, directeur de la galerie. Même si le Sud-Ouest ne représente que

8 % à 10% de sa clientèle, pas question pour lui de rompre les attaches. « Bordeaux, c’est ma ville. Et puislapériphériepermetd’incuber, de faire des expositions ratées, de pousser loin le risque car on est en dessous des radars.» De surcroît, il a plus de place dans ses deux espaces bordelais de 1 000 m2 que dans sa galerie parisienne de 100 m2. Ceux qui, comme Eric Dupont, Michel Rein, Air de Paris ou Art Concept, ont fait le choix de déménager à Paris (il s’y fait 86 % du chiffre d’affaires national, selon

Roxana Azimi, Harry Bellet, Claire Guillot et Emmanuelle Lequeux

Dans les Foires, dessins intimes et art brut en série APRÈS AVOIR frôlé l’annulation en raison de l’occupation du Carreau du Temple par des intermittents et des précaires, la Foire Drawing Now a ouvert mercredi 26 mars, au grand soulagement de ses organisateurs, Christine Phal et Philippe Piguet. Cette édition, la huitième, forte de 87galeries dont la moitié d’étrangères, est l’une des meilleures de ce Salon du dessin contemporain. Elle le doit à son déménagement des sous-sols moroses du Carrousel du Louvre à l’espace lumineux du Carreau. Mais aussi à la situation actuelle du dessin, notion prise ici au sens large de création principalement graphique et plutôt de petit ou moyen format: des travaux qui relèvent souvent de l’intime ou de l’expérimental, qui se jouent des catégories et des modes. Au sentiment d’une plus grande proximité entre regardeurs et créateurs s’ajoute l’intérêt de découvrir des artistes peu connus et la part méconnue d’artistes établis. Parmi les premiers, la Suédoise Emeli Theander (Galerie C), l’Iranienne Elika Hedayat (Aline Vidal), le Japonais Yoshio Kitayama (MEM), les Français Guillaume Dégé (Semiose) et Jérémy Liron (Isabelle Gounod) –énumération non exhaustive. Parmi les seconds, Pat Andrea (Petits Papiers) pour le versant sombre de son imaginaire, Stéphane Pencréac’h (Mazel) pour son éloge de l’érotisme au temps de Raphaël, Marcel Miracle (André Magnin) pour ses montages rêveurs, Alan Vega (Laurent Godin) pour ses portraits terribles. Cathryn Boch (Claudine Papillon) a reçu le prix du Salon, mérité. De Daniel Pommereulle (1937-2003), très grand artiste dont on attend la

rétrospective muséale, Christophe Gaillard a retrouvé des encres et des dessins par brûlure passionnants. En sortant du Carreau, il convient de marcher jusqu’à l’Espace Commines, deuxième lieu du Salon, pour l’installation conçue par les graffeurs Lek & Sowat en compagnie de Jacques Villeglé. Après avoir rôdé dans les pièces converties en caverne aux images, il faut s’arrêter devant leur vidéo Tracés directs, réalisée au Palais de Tokyo en 2013 avec plusieurs dessinateurs d’une sidérante virtuosité.

Encre de Moholy-Nagy L’art dit « brut» – celui des autodidactes et des internés– est décidément à la mode. Trois galeries le présentent à Drawing Now et l’une d’elles, celle de Christian Berst, participe simultanément à Art Paris Art Fair, au Grand Palais, qui invite 140 galeries de 20 pays. La qualité n’est pas égale. A une extrémité, des œuvres de premier ordre. A l’autre, une consternante production en série d’objets qui semblent destinés à des halls d’hôtel ou d’aéroport. On abrégera la visite en suivant un fil conducteur. Celui de l’histoire de l’abstraction conduit d’une sublime encre de Laszlo MoholyNagy (Thessa Herold) à Geneviève Claisse (Bertrand Grimont), Vera Molnar (La Ligne), Marlen Spindler (Nadia Brykina) et Jean Dewasne (Lahumière). Celui du pop attire vers un bel ensemble d’Erro (Ernst Hilger) et la confrontation, sous le signe du drapeau, de Gérard Fromanger et de Jean-Pierre Raynaud (Valérie Cueto). Parmi les raisons de sortir néanmoins agacé de cette Foire, une doit être signalée: alors que la

Chine est l’invitée de la Foire, sa création actuelle est mal représentée, à de rares exceptions. Celles-ci ont pour nom Gao Xingjian (Claude Bernard), Yan Heng (Sator) ou Liu Bolin (Paris-Beijing). p

Philippe Dagen

Art Paris Art Fair, Grand Palais, avenue du Général-Eisenhower, Paris 8e. artparis.fr. 12 ¤ et 22 ¤. Drawing Now, Carreau du Temple et Espace Commines, Paris 3e. 9 ¤ et 16 ¤. Jusqu’au 30 mars. drawingnowparis.com

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des foires comme la FIAC ou Art Basel. Réjane Louin s’est installée à Locquirec, un petit port du FinistèreNordilyasixans:«Maparticipation à Drawing Now depuis quatre ans a été un vrai déclencheur: j’y ai rencontré beaucoup de collectionneurs qui sont ensuite venus chez moi en Bretagne, j’ai créé un noyau durdefidèles; celam’aété très favorableentermesfinanciers.Maparticipation au Salon rassure beaucoup sur mon travail, et même pour les gens de la région, c’est un signe de reconnaissance primordial.» La galerie lyonnaise Le Réverbère, spécialisée dans la photographie, participe à Paris Photo : «C’est là que nous trouvons de nouveaux collectionneurs, qui ensuite viennent nous voir à Lyon quand ils y passent.» Mais la vie en province leur permet aussi, paradoxalement, d’acquérir de la visibilité. C’est le cas de Melanie Rio, qui a ouvert à Nantes,

fêteraen2015sesquaranteansd’activité, ne pensait pas faire long feu à Saint-Paul-de-Vence. Finalement, elle y fait mieux que survivre, confortée par les colonies d’amateursétrangers,suédois,hollandais ou suisses, qui goûtent à la douceur provençale. Implantée dans le même bourg, la galerie Clair, spécialisée dans la photographie, a plus de mal. Pourtant, selon Christian Depardieu, Nice et sa régionreçoivent14millionsde touristes, « des étrangers très au fait de l’art contemporain, vraiment avertis, des connaisseurs». Peut-être les mêmes qui fréquentent depuis trente ans la galerie de Pietro Sparta, qui expose Daniel Buren, Bertrand Lavierou l’Artepovera à Chagny (Saône-et-Loire), village de 5 614 habitants. p

Crédits photos : Fotolia • IM075100099 - Garantie APS

epardieu ouvre une galerie d’art contemporain à Nice. Pas Gérard, Christian. Les Niçois, mais pas seulement, le connaissentbien,ilpratiquel’agitation culturelle depuis toujours, d’abord avec une foire, Art Jonction, qui connut une quinzaine d’éditions jusqu’en 2001, puis avec une galerie ouverte en 2004, implantéeendiversendroitsavant ce nouveau lieu aux voûtes spectaculaires situé en plein centre-ville, près de la place Masséna, inauguré le 28 mars. Depardieu est un parmi ce millier de galeristes de province (1 040 précisémenten2012,selonuneétude du ministère de la culture, soit 47 % du total des galeries françaises) dont la presse nationale ne parle presque jamais. Non que son programme soit ridicule, bien au contraire, sa dernière exposition était consacrée à l’artiste Ultra Violet, et il montre un goût commercialement suicidaire pour l’art de la performance (souvent avec la complicitéde Ben, qui vient en voisin). Mais il est bien difficile de faire passer le périphérique à un critique ou à un conservateur de musée parisien. Alors, les galeries de province viennent à eux, généralement à l’occasion des foires d’art. Nombreuses sont celles qui participent au Salon du dessin contemporain, Drawing Now, au Carreau du Temple et à l’Espace Commines, dans le 4e arrondissement de Paris, ou à Art Paris au Grand Palais, qui se tiennent jusqu’au 30 mars. C’est une quasi-obligation pour elles, comme en témoigne Brice Fauché, qui a été contraint de fermer l’excellente galerie Sollertis qu’il animait à Toulouse : les baisses des ventes liées à la crise ont entraîné «la fin de notre participation à plusieurs foires importantes, ce qui a conduit à une diminution de nos possibilités d’ouverture sur le marché national et international, d’où une baisse de notre chiffre d’affaires, d’où une réduction de nos participations à des foires». Pour ces galeries, les foires, où elles avouent faire jusqu’à 70 % de leur chiffre d’affaires, sont vitales. Si elles participent à des Salons comme Art Paris ou Drawing Now, pas facile toutefois pour elles de gagner le saint des saints, les gran-


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culture

Samedi 29 mars 2014

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Portrait La comédienne, qui n’a jamais quitté la scène depuis

ses débuts, en 1952, incarne Sandra dans «Le Dernier Jour du jeûne»

Judith Magre, féminissime

E

lle surgit de sa caverne d’Ali Baba tapissée de livres, ouvre d’un coup de pied la porte sur laquelle s’affiche une pépée à poil, frotte une allumette sur le sexe de ladite pépée, qui sert de grattoir, et s’allume une cigarette. Elle, c’est Judith Magre , 87 ans aux pelotes. Dans Le Dernier Jour du jeûne, que signe Simon Abkarian au Théâtre Nanterre-Amandiers, elle entraîne dans son sillage, avec une classe folle, une superbe brochetted’actrices, composéed’Ariane Ascaride, Chloé Réjon, Océane Mauzas, Marie Fabre et Clara Noël. Bien sûr il y a des hommes, aussi, dans la pièce – et de sacrés acteurs, comme David Ayala et Cyril Lecomte. Mais Simon Abkarian a donné le beau rôle aux femmes, dans cette pièce qui brasse les mythesméditerranéenset l’histoire de deux familles, au cœur desquelles trois jeunes filles cherchent les voies de leur bonheur et de leur liberté.

«La vie de théâtre m’a convenu, parce que je suis une dépressive qui aime rigoler, et qu’on ne rigole jamais autant qu’avec les acteurs» Judith Magre, tailleur-pantalon noir et chaussures rouges, joue Sandra, autant dire une sorte de Cassandre: la prophétesse, l’érudite, la magicienne aux yeux verts et aux ongles rouges. Féministe et féminissime. Et le rôle lui va tellementcommeun gant que l’oncroirait qu’il a été écrit pour elle – mais, à peine cette idée émise, on se rappelle avoir pensé la même chose lors des derniers spectacles dans lesquels jouait l’actrice, qu’il s’agisse des Dramuscules, de Thomas Bernhard, ou des Inventaires, de Philippe Minyana. Si un grand acteur est toujours quelqu’un qui est à la fois totalement lui-même et totalement le rôle qu’il joue, alors Judith Magre, qui n’a jamais quitté la scène, depuisses débuts,en 1952, estindubitablement une grande. Dans ces années-là, elle se faisait appeler Simone Chambord, après s’être appelée Simone Dupuis, avant d’adopter, en 1954, ce pseudony-

me de Judith Magre. Pourquoi ces changements de nom ? Mystère. « Je ne le dirai jamais, même à vous », dit-elle, féline et indéchiffrable, dans son appartement tendu de velours rouge du 6e arrondissement de Paris. « C’est toujours compliqué, les histoires de famille…» A la fin des années 1940, la jeune Simone, issue d’une famille d’industriels de la Haute-Marne, « monte » à Paris où elle s’inscrit en philosophie à la Sorbonne, et fait les quatre cents coups. « Je m’étais dit que j’allais être prof de philo, alors que j’étais faite pour ça comme pour être pape… » Elle rencontre tout ce que le Paris artistique et bohème de ces années-là concentre de talents, entre SaintGermain-des-Prés et Montparnasse. Côtoie Man Ray et Max Ernst, Roberto Matta, mange des pâtes avec Giacometti, et peint des tours Eiffel sur des foulards pour les touristes américains. Pourquoi a-t-elle voulu être actrice ? Mystère, là encore. « S’il y a un truc pour lequel je ne me sentais pas faite du tout… Mais je me suis inscrite au cours Simon. Je n’ai pas ouvert la bouche pendant troismois, mais Simon m’a trouvé mon premier contrat, et je suis partie en tournée en Autriche. Après, j’ai continué. Je ne savais rien faire d’autre. Et je n’ai jamais été une femme entretenue, hélas – j’aurais adoré…» La vie d’actrice de Judith Magre a commencé comme une farce – tétanisée de peur, il a fallu quele régisseurla poussesur la scène –, elle s’est poursuivie avec un spectacle de Claude Régy. Depuis, Judith Magre n’a jamais cessé de passer d’un registre à l’autre, glissant comme un chat du Boulevard au théâtre « sérieux », de Jacques Chazot à la compagnie Renaud-Barrault, où elle a joué, au début des années 1960, dans Judith, de Giraudoux, ou dans La Cerisaie et l’Orestie. Puis il y a eu le TNP de Jean Vilar, qu’elle a accompagné tout au long des années1960, sans jamais vouloir y être attachée. Même si le maître lui a offert son rôle le plus emblématique, celui qui depuis lui colle à la peau, celui de Cassandre. C’était en 1962, La Guerre de Troie n’aura pas lieu, de Giraudoux, dans la Cour d’honneur du Palais des papes, à Avignon, et l’homme qui l’accompagnait, c’était JeanLouis Trintignant. Pourquoi ce parcours, si atypi-

que dans le théâtre français ? Mystère, bien sûr. « Je n’ai jamais voulu être ligotée, et je n’ai jamais eu de plan de carrière, ou de plan de vie, d’ailleurs. La seule chose dont j’ai toujours été sûre, c’était de ne pas vouloir d’enfant. La vie de théâtre m’a convenu, parce que je suis une dépressive qui aime rigoler, et qu’on ne rigole jamais autant qu’avec les acteurs. » Et puis Judith, la dame de cœur, a toujours cultivé sa vie amoureuse, « la seule chose qui [l]’intéresse », dit-elle, à part jouer. Elle a notamment été mariée, de 1963 à 1971, avec le cinéaste Claude Lanzmann, avec qui elle a passé « des années formidables». « Je n’ai jamais vraiment appris à jouer, je n’ai pas de règles, je ne sais jamais trop bien ce que je fais. » Elle trouve que les acteurs sont souvent « trop appliqués». Pour Le DernierJour du jeûne, Simon Abkarian lui a juste dit : « Tu fais comme si tu étais Marlene Dietrich. » Elle

LE MONDE

Stéphanie Binet

que pas, elle se joue, sur tapis rouge, évidemment. p

Fabienne Darge

Le Dernier Jour du jeûne, de et par Simon Abkarian. Théâtre Nanterre-

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Dessin : Blutch. Mise en couleur : Isabelle Merlet.

La Fédération française de fonck reprend du service ses tubes de Marco à Mauvais garçon en passant par Free for Fever. Ils présentaient aussi un nouveau morceau, digne des hurleurs texans, Black Joe Lewis. En treize ans d’absence, ses membres ont connu des trajectoires diverses : le guitariste Yarol Poupaud a été en 2012 le directeur musical de Johnny Hallyday sur sa tournée, Niktus, le bassiste de Bazbaz et du rasta Winston McAnuff, Marco Prince, un temps acteur, le compositeur musical de BO de films et de séries télé dont « Mafiosa». Après s’être quitté amicalement en 2001, le groupe s’était retrouvé à deux reprises: en 2007 au festival Solidays et en octobre2013 pour un concert en faveur du Secours populaire. Dans un contexte politique particulier, la FFF, plus rafraîchissante que jamais, vient mettre du baume au cœur à une France pluriethnique, qui a failli perdre son groove. p

est surtout elle-même, avec sa voix ensorcelante, ses bagues et ses bracelets de magicienne, et sa présencequicharrie toutun imaginaire de sibylle et de tireuse de cartes. Avec elle, la vie ne se décorti-

« JUBILATOIRE ! » « DRÔLE » « MAGISTRAL »

INSTANTANÉ MUSIQUE

Pour la Fédération française de fonck (FFF), il y a une certaine jouissance à chanter Barbès entre les deux tours des élections municipales. Leur hymne pour « les quartiers populaires» est repris en cœur par le public ce jeudi 27 mars pour leur deuxième concert à guichet fermé dans la capitale: « Je ne sais pas si vous vous êtes rendu compte, décrypte le chanteur, Marco Prince, dans notre joli pays, on voudrait que le bleu blanc rouge ne soit pas notre couleur… Si vous n’avez rien à faire dimanche, allez donc voter. » Reformé depuis peu, ce groupe composé de quatre musiciens, deux Blancs et deux Noirs, a été dans les années 1990 le chaînon manquant entre le rock alternatif et le hip-hop naissant, l’hommage français au Parliamant de Detroit, la version hexagonale des groupes de fusion américains comme Fishbone. Au Bataclan, la FFF a repris tous

Dans « Le Dernier Jour du jeûne », au Théâtre Nanterre-Amandiers. ANTOINE AGOUDJIAN

ACTUELLEMENT AU CINÉMA


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mécaniques avancées sont la quintessence de l’art horloger

Le quatrième Festival de l’image réunit à Amman une vingtaine d’expositions

Photographie Amman

Amman,en Jordanie,la photographie est partout dans la ville : les portraits du roi Abdallah, de feu son père, Hussein, ou de son fils à l’allure de premier de la classe ornent la moindre échoppe. Mais le statut des images, dans ce pays récent, coincé entre des voisins à l’actualité tourmentée (Irak, Israël, Liban, Syrie), reste problématique. « C’est un pays où on est passésans transition d’une tradition musulmane où l’image est taboue à l’utilisation massive des photos sur les réseaux sociaux, indique le directeur de l’Institut français, Charles-Henri Gros. Il y a beaucoup à faire pour apprendre aux Jordaniens à lire les images, et pour soutenir les photographes.» Iladonclancéà Ammanunfestivaldephotographiequifêtesaquatrième édition : dans des centres commerciaux, des cafés ou des galeries élégantes, une vingtaine d’expositions présentent des photographes venus d’Europe, de Jordanie ou du Moyen-Orient. S’y ajoutent des rencontres et même une Nuit de l’année, déambulation organisée dans la rue branchée de la ville, RainbowStreet,en partenariat avec les Rencontres d’Arles. Le thème de 2014, « Ensemble», semblait approprié pour ce pays façonné par les vagues de réfugiés qui l’ont traversé: les Palestiniens en 1948 et 1967, les Irakiens après les guerres du Golfe, et aujourd’huiles Syriens – plusieurscentaines de milliers dans un pays de sept millions d’habitants. Du côté des expositions historiques,c’est plutôt réussi: les organisateurs ont déniché d’incroyables portraits réalisés au début du XXe siècle par les Pères blancs de l’Ecole biblique de Jérusalem. La Fondation arabe pour l’image, qui collecte depuis 1997 photos de studio et albums de famille dans tout le Moyen-Orient, expose aussi des images malicieuses d’anonymes, prises au Liban ou en Palestine des années 1920 aux années 1960, où le photographe s’invitedans l’image par son ombre. Maislefestival,dans son ensemble, fait un peu amateur, avec des accrochages mal pensés, des lieux peu appropriés aux images. Surtout, chez les photographes contemporains, les bons sentiments – l’empathie pour le sort des Palestiniens, l’appel à la solidarité universelle – remplacent souvent la recherche esthétique. Finalement, les plus intéressants parmi les photographes sont les Jordaniens qui ont vécu à

Samedi 29 mars 2014

Carnets de Bâle Au Salon Baselworld, les montres à complications et leurs fonctions

EnJordanie,la photo avanceà petitspas

A

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culture & styles

Un tourbillon de montres

l’étranger. Tel le jeune Sami Haven, formé à la photo de mode en Italie : il a transposé son expérienceacquisesurlescorpsde mannequins vers ceux de jeunes Palestiniens qui font du parkour, de l’escalade urbaine dans les territoires occupés. Des images étonnantes, parfaites techniquement, où la beauté des corps contraste avec les ruines alentour. Pour Majdoline Al-Ghazawi Al-Ghoul, directrice de la galerie Dar Al-Anda, cette ouverture sur l’extérieur est bien ce qui manque aux photographes jordaniens. « Beaucoup n’ont jamais quitté le pays, et Internet ne suffit pas. » Cette femme de caractère a prêté une vieille maison pleine de charme pour l’un des projets les plus originaux du festival, NNIPAS, réalisé par un collectif formé de trois photographes, d’un écrivain et d’une graphiste… européens : « Je les ai incités à faire des ateliers avec des Jordaniens pour les ouvrir à d’autres pratiques», dit-elle.

Glashütte Original Senator Chronograph Panorama Date. GLASHÜTTE ORIGINAL

A gauche : Breguet, Classique Tourbillon Perpétuel, ref. 3797. BREGUET A droite : Corum, Admirals’Cup AC-One 45 Double Tourbillon. CORUM

plus qu’ils donnent une élégance marquée aux montres. Chez Girard-Perregaux, on utilise le tourbillon comme prétexte à mettre en avant une architecture de mouvement tridimensionnelle qu’aucun cadran ne vient cacher. La Neo Tourbillon sous Trois Ponts est la version modernisée d’une structure technique qui date du XIXe siècle. Modèle emblématique de la marque, il est ici réinterprété selon une formule très prisée de l’horlogerie contemporaine.

«Ensemble»: un thème approprié pour un pays façonné par ses réfugiés Cela ne fait pas longtemps que la photographie est enseignée à l’université à Amman. Lorsque la JordanienneLinda Al-Khoury,il y a dix ans, a voulu l’apprendre, elle a dû s’exiler au Liban. A son retour, cette passionnée a créé la maison de la photographie d’Amman, Darat Al-Tasweer, un lieu convivial et foutraque, où les photographes peuvent se retrouver, discuter de photo,suivre descours. Celle qui est devenue coorganisatrice du festival se réjouit : « Une petite communautéa vu le jour.» Tout en précisant que la photographie à Amman est plus considérée comme un service que comme un art, et qu’il reste difficile d’en vivre. Barbara Ravell, une Australiennequi dirigel’élégantegalerie Jacaranda, confirme : « Il n’y a pas de collectionneurspour la photo pointue à Amman, les gens sont plutôt conservateurs. Même si ça change. » La galeriste présente les images du photographe égyptien Mohamed Abou El-Naga, qui travaille sur l’orientalisme, sans trop espérer les vendre. Le festival, pour elle, est surtout l’occasion d’exposer les Jordaniens à un flot d’images inhabituelles. « Il faut du temps pour apprendre un nouveau langage » dit-elle, philosophe. p Claire Guillot

Festival de l’image d’Amman, jusqu’au 31 mars. Ifjordan.com

Musique Les chanteuses en vedette au festival Jazz à Juan

Les chanteuses, tous styles confondus, comme la Coréenne Youn Sun Nah, les Américaines Stacey Kent et Beth Hart et l’Anglaise Joss Stone, domineront par leur présence la 54e édition de Jazz à Juan, qui se tiendra du 11 au 20 juillet à Antibes-Juan-les-Pins. Pour la première fois depuis plus d’une décennie, le pianiste Keith Jarrett et son Trio seront absents de la programmation, afin de « faire une respiration», a annoncé Jean-René Palacio, directeur artistique du festival, lors de la présentation à la presse jeudi 27 mars. La manifestation débutera sous le signe de la soul et du disco funk avec Nile Rodgers et le groupe Chic, et la Family Stone, sans son leader emblématique, Sly. Le crooner et guitariste George Benson fêtera le cinquantenaire de sa première prestation à Antibes. – (AFP.)

Le groupe Fleetwood Mac se reforme pour une grande tournée américaine

Le groupe de rock Fleetwood Mac a annoncé, jeudi 27 mars, qu’il se reformait et allait entreprendre une grande tournée nord-américaine, à partir de fin septembre. « Fleetwood Mac est de retour, et au grand complet », indique le site Internet fleetwoodmac.com, qui précise que la tournée On the Show débutera à Minneapolis (Minnesota) pour se rendre ensuite dans les grandes villes américaines et canadiennes. Après seize ans d’absence, la chanteuse et claviériste Christine McVie, âgée aujourd’hui de 70 ans, retrouve le groupe formé en 1967 par Mick Fleetwood et son ex-époux John McVie, rejoints en 1975 par Lindsey Buckingham and Stevie Nicks. Christine McVie ne s’était jusqu’à présent produite avec Fleetwood Mac qu’à de rares occasions. – (AFP.)

Tag Heuer Monaco V4 Tourbillon. TAG HEUER

L

e monde de l’horlogerie est finement hiérarchisé. En matière de prestige, de compétence et donc de légitimité, les « complications » sont l’aune à laquelle se mesurent les grandes marques. Issu du jargon foisonnantde la montre,le mot « complication » désigne toute fonction autre que les heures, les minutes et les secondes. Le répertoire des possibilités ainsi définies est immense. Ce d’autant plus que l’horlogerie est en plein bouillonnement créatif. Il n’est pas de terrain plus fertile que ces subtilités mécaniques qui stimulent l’intellect de ceux qui les conçoivent, l’adresse de ceux qui les fabriquent et la fierté de ceux qui les commercialisent. La complicationla plus populaire est probablement le chronographe. Il a depuis longtemps été détourné de sa vocation sportive, où il mesure les événements et départage les compétiteurs. La Senator Chronograph Panorama Date de Glashütte Original est ainsi d’une complète élégance. Elle cumule la fonction de chronométrage avec celle de grande date, une fonction emblématique de l’horlogerie allemande dont la marque est l’une des principales représentantes.Elle possède également un indicateur de réserve de marche,jauge d’énergiedumouve-

ment. Avec 70 heures, ce modèle est déjà au-dessus de la moyenne. L’allongement de cette autonomie de fonctionnement est une complication à part entière. Blancpain en a doté sa nouvelle Villeret Quantième Perpétuel. Elle tient huit jours sans remontage et, par ailleurs, calcule mécaniquement les exceptionsdu calendrier grégorien. Les frontières sont sans cesse bousculées par de nouveaux concepts, de nouvelles idées. C’est ainsi que des complications classiques sont régulièrement réinventées. La plus emblématique d’entre elles se nomme « tourbillon ». Inventé au début du XVIIIe siècle par Abraham-Louis Breguet, suisse de naissance et parisien d’adoption, il a pour but de corriger les défauts que la gravité induit naturellement dans le cœur de la montre, ce qui nuit à sa précision. Depuis quinze ans, le tourbillon estdevenule symbolede lacomplication, des galons qu’il a gagnés en étant à la fois spectaculaire et coûteux. En effet, il est en rotation sur lui-même, une cinématique souvent mise en scène sur le cadran. De plus, sa mise en œuvre dans les règles de l’art réclame un véritable savoir-faire et une réelle minutie. Chez Breguet, il est suspendu dans un vide, accroché au mouvement par deux barrettes dont la partie

Echapper à la gravité en paraissant le plus léger possible est une figure de style prisée des horlogers

centrale a été squelettée (c’est-à-dire évidée). Echapper à la gravité en paraissant le plus léger possible est une figure de style prisée des horlogers, et Breguet ne s’en prive pas. Intégré dans le modèle Classique Tourbillon Quantième Perpétuel ref. 3797, il est également muni d’un calendrier perpétuel. Car le tourbillon donne lieu à de multiples variations. Chez Corum, on en loge deux dans le même mouvement pour augmenter la fiabilité de l’Admiral’s Cup AC-One 45 Double Tourbillon. Chez Bulgari, on l’aplatit. Avec 1,95 mm d’épaisseur, le mouvement de l’Octo Finissimo Tourbillon est le plus fin de sa catégorie. Le secteur de l’horlogerie raffole de ce type de records, ce d’autant

Elle consiste à repenser les couleurs, les matières, les concepts anciens en augmentant et exhibant la technicité, quitte à déborder sur le futurisme. C’est le style dans lequel se situe la V4 Tourbillonde Tag Heuer. Noire jusque dans son mouvement, cette montre carrée fait fi des conventions horlogères. En lieu et place de rouages, elle utilise des courroies faites d’un plastique high-tech issu de l’aéronautique. En plus de faire parler d’elle, ce concept lui procureune importante résistance aux chocs. Le tourbillon, réputé comme fragile, y gagne en robustesse et en agrément, complémentaires de son apparence sportive. Car si les montres compliquées sont précieuses, elles ne méritent pas de rester sous cloche. Malgré leur complexité, elles ont depuis longtemps adopté des apparences sportives. Autant que les autres montres,ellesviventet s’épanouissent au poignet. p David Chokron

Le retour de la Pepsi de Rolex Bâle (Suisse)

Dans l’imaginaire des amateurs de montres, la Pepsi fait partie des légendes. Les générations successives de Rolex GMT-Master à la lunette (l’anneau qui cercle le cadran) rouge et bleue ont toujours eu un statut à part parmi les nombreux modèles de la marque à la couronne. A tel point qu’elle a mérité le surnom affectueux de « Pepsi », en hommage au code couleur de la marque de sodas. Entre autres portée à l’écran par Thomas Magnum, détective

de série télévisée des années 1980 incarné par Tom Selleck, cette montre bicolore a la particularité d’indiquer l’heure sur plusieurs fuseaux horaires, une petite complication qui justifie son nom.

Clin d’œil Disparue depuis plusieurs années, la lunette Pepsi fait sa réapparition parmi les lancements de l’année 2014 de la marque suisse. Elle est taillée dans une céramique mate et ponctuée des heures du jour. Son bleu est soutenu et son rouge vire au bor-

Rolex GMT-Master. ALAIN COSTA/ROLEX

deaux, un clin d’œil à la toute première génération de GMT-Master. Conformément aux pratiques de Rolex, ce modèle, qui porte la référence 116719 BLRO, sera d’abord disponible en or gris. Le tour de l’acier, élément naturel de cette montre « collector», viendra plus tard. Les nostalgiques n’auront pas forcément le temps ni le goût d’attendre. En effet, Rolex déclenche le désir les aficionados d’horlogerie comme presque aucune autre marque, surtout lorsqu’elle explore son passé. p

D. C.


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disparitions & carnet

Samedi 29 mars 2014

Philosophe

Jean-François Mattéi

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AU CARNET DU «MONDE»

Naissance En 2007. DIDIER PRUVOT/OPALE

J

ean-François Mattéi s’est éteint le 24 mars à Marseille, dans une ville à laquelle il était profondément attaché. Homme du Sud, né à Oran le 9 mars 1941, cet intellectuel de talent, vif et érudit, avait choisi de mener une carrière universitaire loin de la capitale. Professeur de philosophie grecque et de philosophie politique, il enseignait à l’université de NiceSophia-Antipolis et encore récemment à l’IEP d’Aix-en-Provence. Ses élèves et ses collègues retiennent deluisagrandeaisanceintellectuelle et son agilité à manier toutes les dimensions de la philosophie. Agrégé, jeune docteur après avoir soutenu sa thèse d’Etat sous la direction de Pierre Aubenque, en 1977, Jean-François Mattéi est nommé professeur à Nice-Sophia-Antipolis en 1980. Ses premierstravaux 9 mars 1941 Naissance à Oran 1999 Publie « La Barbarie intérieure » 1993-1994 Conseiller du ministre de l’éducation nationale, François Bayrou 24 mars 2014 Mort à Marseille

sont consacrés à Platon (L’Etranger et le simulacre. Essai sur la fondation de l’ontologie platonicienne, PUF, 1983 ; Platon, PUF « Que saisje? », 3e éd. 2010; Platon et le miroir du mythe, PUF, 2002). Le philosophe grec restera une référence et un compagnon tout au long de sa vie, comme en témoigne le titre de son dernier ouvrage La Puissance dusimulacre.Dans les pas de Platon (François Bourin éd., 2013). Son intérêt pour la métaphysique le porte également vers la penséed’Heidegger,dontildevientspécialiste.Trèssavanten histoirede la philosophie, il coordonne deux énormes volumes de l’Encyclopédie philosophiqueuniverselle (PUF). Son essai le plus remarqué, La Barbarie intérieure (PUF), paru en 1999, fustige « l’immonde moderne » : malgré ses promesses, la modernité aurait échoué à faire un

EdmondTouzeau

Premier directeur commercial du journal Le Monde, mais également premier président de sa société des cadres, Edmond Touzeau est mort le 20 mars à Toulon (Var), à l’âge de 97 ans. Né le 22 septembre 1916, il travaille d’abord comme typographe. Il effectue son service militaire d’octobre1937 à septembre1939, puis se trouve prisonnier en Allemagne. Evadé et repris, il est transféré au camp disciplinaire de Rawa-Ruska, en Ukraine, d’où, après plusieurs tentatives, il réus-

Arthur BOUDET-MANAC’H

monde commun et à repousser la barbarie.Cet ouvrageestle premier d’une série où se perçoit l’inquiétudeduphilosophefaceàcequ’ildésignecommele«nihilisme»contemporain (La Crise du sens, Cécile Défaut,2006; Le Regardvide,Flammarion, 2007 ; Le Procès de l’Europe, PUF, 2011). Jean-François Mattéi déplore notamment que l’Europe, dont l’héritage est sans égal, s’empêtre dans la culpabilité et choisisse le repli frileux.

Un homme d’engagement Jean-françoisMattéi est aussi un hommed’engagement,commel’attestent non seulement le poste de conseiller qu’il occupe, de 1993 à 1994,auprèsduministredel’éducation nationale François Bayrou, mais encore ses prises de position publiques.Se revendiquantde l’héritage de l’humanisme, il s’oppose à la légalisation de l’euthanasie comme au mariage homosexuel et dénonce, le mois dernier, à l’occasiondel’affaireLambert,«unecivilisation mortifère, qui sous couvert d’humanisme,voired’humanitarisme, veut éliminer les personnes dérangeantes, faibles ou malades, qui ne correspondent pas aux critères de l’individu libéral». Dans L’Homme indigné (Cerf, 2012), dont le titre est un hommage à Camus, l’un des auteurs qu’il admire le plus, Jean-François Mattéiopposel’indignationselonlaraison à l’indignation selon la loi du cœur. A l’opposé de Stéphane Hessel, qui appelait à parler haut et fort, il se déclare convaincu que «les cris d’indignation les plus forts sont les plus silencieux». Certes, la valeur du silence n’était pas difficile à mesurer pour lemélomanequ’ilétait.Grandamateurdejazz,pianistevirtuose,ils’intéressa à l’histoire de l’art comme à l’esthétique– au point de consacrer l’un de ses derniers ouvrages à une philosophie des images en 3D. Il aimait à dire que « la philosophie doit être intempestive et inactuelle, c’est-à-dire pour un temps à venir». p Julie Clarini

sit à s’évader. En 1945, il est chef des ventes du journal Le Front national, issu de la Résistance. Il entre en mai 1946 au Monde, sous la direction d’Hubert BeuveMéry, d’abord comme inspecteur des ventes. Puis il devient directeur du service des ventes en 1961, et directeur commercial en 1971, jusqu’à sa retraite, en 1976. Sous son mandat, Le Monde progresse constamment dans sa diffusion. Edmond Touzeau a laissé le souvenir d’un cadre très respecté pour sa compétence et sa profonde humanité. p

est né le 21 février 2014, à Bangkok. chez

ont la tristesse de faire part du décès de

CHU Teh-Chun,

membre de l’Institut, membre de l’Académie des beaux-arts, survenu le mardi 25 mars 2014, à l’âge de quatre-vingt-treize ans. Un hommage lui sera rendu le lundi 31 mars, à 14 h 45, en la salle de la Coupole, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. M. Claude Abeille, président, M. Arnaud d’Hauterives, secrétaire perpétuel Et tous les membres de l’Académie des beaux-arts, ont la tristesse de faire part du décès de leur confrère

CHU Teh-Chun,

membre de la section de Peinture de l’Académie des beaux-arts, membre de l’Institut, chevalier de la Légion d’honneur, officier dans l’ordre national du Mérite, officier dans l’ordre des Palmes académiques, survenu le mardi 25 mars 2014, à Paris, dans sa quatre-vingt-quatorzième année. Les obsèques seront célébrées le lundi 31 mars, à 14 h 45, dans la salle de la Coupole au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, 71, rue des Rondeaux, Paris 20e. Cet avis tient lieu de faire-part. Académie des beaux-arts, 23, quai de Conti, 75270 Paris Cedex 06.

Lucas et Céline.

Décès Mme Roger Baleras, née Marie-France Meltz, son épouse, Jean-Marc et Laurence Baleras, Anne Baleras, François et Séverine Baleras, ses enfants, Alexandre, Stéphanie, Alexis, Léo, Timothé, Ethan, ses petits-enfants, ont la tristesse de faire part du décès de

M. Roger BALERAS,

ancien directeur des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique, commandeur de la Légion d’honneur Commandeur de l’ordre national du Mérite, survenu le 25 mars 2014. La cérémonie religieuse sera célébrée en la cathédrale Saint-Louis des Invalides Paris 7e, le mardi 1er avril, à 10 heures. Les fleurs et couronnes seront remplacées par des dons à l’Institut Curie. Cet avis tient lieu de faire-part. Bernard Bigot, administrateur général du CEA, Yves Bréchet, haut-commissaire à l’énergie atomique, Daniel Verwaerde, directeur des applications militaires du CEA Et tout le personnel du CEA, ont la tristesse de faire part du décès de

Roger BALERAS,

commandeur de la Légion d’honneur, commandeur de l’ordre national du Mérite, ancien directeur des applications militaires du CEA, survenu le 25 mars 2014. Ses obsèques seront célébrées le mardi 1 er avril, à 10 heures, en la cathédrale Saint-Louis des Invalides, Paris 7e. « Y cuando llegue al corazón de la cebolla no me quedará sino la humedad en los ojos. » Rubén Bareiro Saguier. Alain Rouquié, président de la Maison de l’Amérique latine, a la tristesse de faire part de la disparition, le 25 mars 2014, à Asunción de

Rubén BAREIRO SAGUIER,

écrivain et poète paraguayen, promoteur de la langue guarani, ancien ambassadeur du Paraguay en France où il vécut, exilé politique, pendant de longues années. Un hommage lui sera rendu.

Ching-Chao Chu, son épouse, Kate, Yvon, Michael, Catherine, Anne-Valérie, ses enfants et leurs conjoints, Allen, Mei-Line, Oscar, Lucie, ses petits-enfants Et toute la famille,

M Jean-Claude Colliard, née Sylvie Gaudry, son épouse, Jean-Edouard et Emmeline Colliard, Marine Colliard et Romain Stokes, ses enfants, Le docteur et Mme Pierre Colliard, M. et Mme Jacques Colliard, Le docteur Marie-Hélène Colliard, ses frères, sœur et belles-sœurs, leurs enfants et petits-enfants, M. Francis Gaudry, son beau-frère, Les familles Colliard, Gaudry, Ripert, Levent, Chassaigne et Esmein, me

ont la douleur de faire part du décès du

professeur Jean-Claude COLLIARD, agrégé de Droit public et de sciences politiques, président de la communauté universitaire Hautes études Sorbonne arts et métiers (heSam Université), président de la Fondation santé des étudiants de France, représentant pour la France à la Commission de Venise, ancien président de l’université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, membre honoraire du Conseil constitutionnel, ancien directeur de cabinet du président de la République François Mitterrand, ancien directeur de cabinet du président de l’Assemblée nationale Laurent Fabius, ancien directeur du département de sciences politiques de l’université Paris 1, ancien conseiller municipal de La Ciotat, ancien doyen de la Faculté de droit de l’université de Nantes, membre des conseils d’administration de l’Ecole nationale d’administration du CROUS de Paris et de la Cité universitaire internationale de Paris, commandeur de la Légion d’honneur, officier dans l’ordre des Palmes académiques, docteur honoris causa de l’université de Bucarest (Roumanie), docteur honoris causa de l’université de Galatasaray (Turquie), docteur honoris causa de l’université de Nuevo León (Mexique),

La Mutuelle des étudiants a la tristesse d’apprendre le décès de

Jean-Claude COLLIARD, survenu le 26 mars 2014. En tant que président de la FSEF, il a beaucoup œuvré aux côtés des étudiants pour la santé des jeunes. Les mutualistes étudiants saluent sa mémoire et adressent leurs sincères condoléances à ses proches. Mme Yvonne Lasry Et ses enfants, ont la tristesse d’annoncer le décès de

Jacques LASRY,

pianiste, compositeur, cofondateur des « Structures Sonores Lasry-Baschet », survenu le 26 mars 2014, à Jérusalem, dans sa quatre-vingt-dix-septième année. lasry.teddy@gmail.com Le président, Le vice-président, Les secrétaires perpétuels de l’Académie des sciences, ont la tristesse de faire part de la disparition de leur confrère,

15 Colloque

Le Forum Culturel Mondial de Taihu (Chine) La Fondation Prospective et Innovation organisent avec le Musée Guimet La conférence sur le thème « La Route de la Soie, un chemin éternel pour les échanges culturels entre la Chine et les pays occidentaux » en présence de Sophie Makariou, présidente du Musée Guimet Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre français, vice-président du Sénat français, Zhang Meiying, vice-président de la Conférence consultative politique du peuple chinois, Guo Yunde, secrétariat de la Fédération chinoise des cercles de la Littérature et des Arts, les 31 mars et 1er avril 2014, de 9 heures à 18 heures, à Paris, au Musée Guimet, 6, place d’Iéna, à Paris 16e. Entrée libre sur : inscriptionforumtaihu@gmail.com

Conférence

Guy LAZORTHES, professeur émérite à l’université Paul Sabatier de Toulouse, ancien doyen de la Faculté de médecine et de pharmacie de Toulouse, grand-croix de la Légion d’honneur, grand-croix de l’ordre national du Mérite, décédé le 25 mars 2014, à l’âge de cent trois ans.

Conférence publique « Enjeux et Perspectives »,

Ouidah. Dakar. Paris.

le jeudi 3 avril 2014, à 19 h 30,

Mme Rosalie Tetegan, son épouse, Céline, Mireille, Marie-Claude, Jean-Luc, Benoît, ses enfants, Ses petits-enfants, Ses arrière-petits-enfants, Les familles Tetegan, Benissan, Mensah, Dossou-Yovo, Zinzindohoue, parentes et alliées, ont la douleur et le chagrin de faire part du décès de

M. Simon TETEGAN,

avec Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité auprès du Premier ministre, La situation de la laïcité en France. Entrée Libre. Grand Temple de la Grande Loge de France. 8, rue Puteaux, Paris 17e.

Débat

survenu le 25 mars 2014. Ses obsèques religieuses seront célébrées le 29 mars, à 10 heures, en l’église Notre-Dame du Blanc-Mesnil, suivies de l’inhumation au cimetière de la commune.

Remerciements Geneviève Et ses enfants remercient tous ceux qui, ces derniers jours, ont partagé avec eux le souvenir de

Pierre DELAPORTE. Merci pour leur témoignage, leur soutien et leur affection. Cassis (Bouches-du-Rhône). Paris. Olivier, Franck et Sandrine Plaisant très touchés des marques de sympathie qui leur ont été témoignées lors du décès de

M. Alain PLAISANT et

M Monique PLAISANT, me

née GIL,

surnenu les 8 et 9 mars 2014, vous adressent leurs très sincères remerciements.

Conférence

survenu le 26 mars 2014, dans sa soixante-neuvième année.

Cancer et précarité : la double peine Baisse de revenus, frais médicaux et d’assistance : de plus en plus de français touchés par le cancer ne parviendraient plus à joindre les deux bouts. Quelles conséquences au quotidien ? Quelles solutions pour les aider ? Anne Festa, directrice du Réseau Oncologie 93, Agnès Lecas, déléguée aux Actions pour les Malades à la Ligue nationale contre le cancer, Docteur Bernard Asselain de l’Institut Curie, le 1er avril 2014, de 18 h 30 à 20 heures, Institut Curie, Amphithéâtre Constant-Burg, 12, rue Lhomond, Paris 5e. www.curie.fr

Communications diverses 9e Fête de la Médiation, samedi 5 avril 2014, 11 heures - 18 heures, IFOMENE Institut Catholique de Paris, 21, rue d’Assas, Paris 6e, « L’Homme au cœur de la médiation ». Entrée libre. Programme : www.icp.fr

Une cérémonie religieuse sera célébrée le mardi 1er avril, à 10 heures, en l’église de Saint-Etienne-du-Mont. Les obsèques se dérouleront le lendemain à La Ciotat, après une bénédiction à 16 heures, en l’église NotreDame. Des dons peuvent être adressés à la Fondation santé des étudiants de France à laquelle il était si attaché, 8, rue Emile Deutsch de la Meurthe, 75014 Paris. « J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course. » 1, place du Panthéon, 75005 Paris. Lou Secadou, 7, traverse du Sécadou, 13600 La Ciotat.

Conférence-débat autour du dernier livre de Thomas Piketty Le capital au XXIe siècle. Dialogue avec les historiens et les sociologues, le mercredi 2 avril 2014, de 18 heures à 20 heures, en présence de l’auteur, avec les interventions de Katia Béguin, Michel Forsé, Sébastien Lechevalier et Alessandro Stanziani. EHESS, 105, boulevard Raspail, Paris 6e. Entrée libre, accueil à partir de 17 h 30. Inscription indispensable auprès de www.ehess.fr/fr/1Lecapitalauxxiesiecle

SOS AMITIE qui est à l’écoute 24 heures sur 24 de toute personne en situation de solitude, d’angoisse et de mal-être recherche DES ÉCOUTANT(E)S BÉNÉVOLES pour ses sept lieux d’écoute à Paris et en Ile-de-France. Disponibilité souhaitée de quelques heures par semaine, le jour, le soir, la nuit ou le week-end. Formation assurée. Écrire à SOS Amitié Idf 7, rue Heyrault, 92100 Boulogne. Email : sos.amitie.idf@wanadoo.fr


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météo & jeux

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Rouen 5 18

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PARIS

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Châlonsen-champagne

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Limoges

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Montpellier

Toulouse

Températures à l’aube 1 22 l’après-midi

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Un temps généralement sec et lumineux s'imposera sur l'ensemble de l'hexagone malgré le passage de fréquents nuages d'altitude qui viendront voiler le soleil par moments, notamment sur la moitié Sud. Tout au plus, une averse pourra se déclencher vers la pointe bretonne. Le vent d'autan se renforcera nettement et soufflera violemment en direction du Toulousain avec des rafales jusqu'à 100 km/h voire plus localement. La masse d'air se radoucira brutalement.

Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est

Mardi

Ajaccio

70 km/h

7 19

Lever 05h40 Coucher 17h59 5 21

7 17 9 21 8 19

5 20 8 19

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7 20 11 19 10 19

Mercredi

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Anticyclone

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Occlusion

Thalweg

beautemps assezensoleillé enpartieensoleillé bienensoleillé bienensoleillé éclairciesmaisvoilé bienensoleillé beautemps bienensoleillé beautemps averseséparses enpartieensoleillé bienensoleillé averseséparses beautemps bienensoleillé bienensoleillé beautemps assezensoleillé bienensoleillé enpartieensoleillé nuageux bienensoleillé bienensoleillé beautemps assezensoleillé

7 13 13 8 6 0 5 7 8 4 6 6 0 10 -1 14 7 5 6 3 6 -6 17 1 2 2

Istanbul Ankara Athènes

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Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb

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Dans le monde

Alger enpartieensoleillé Amman beautemps Bangkok bienensoleillé Beyrouth bienensoleillé Brasilia soleil,oragepossible Buenos Aires soleil,oragepossible Dakar assezensoleillé Djakarta soleil,oragepossible Dubai beautemps Hongkong assezensoleillé Jérusalem beautemps Kinshasa pluiesorageuses Le Caire assezensoleillé Mexico assezensoleillé Montréal enpartieensoleillé Nairobi assezensoleillé

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8 18 14 12 6 20 12 18 9 18

13 14 28 21 18 19 19 27 22 22 15 23 18 14 -4 15

20 26 36 26 23 28 19 30 26 25 23 29 32 27 0 27

New Delhi beautemps aversesmodérées New York beautemps Pékin bienensoleillé Pretoria assezensoleillé Rabat Rio de Janeiro soleil,oragepossible enpartieensoleillé Séoul Singapour soleil,oragepossible assezensoleillé Sydney beautemps Téhéran enpartieensoleillé Tokyo assezensoleillé Tunis Washington aversesmodérées Wellington enpartieensoleillé

Outremer

Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis

soleil,oragepossible beautemps assezensoleillé soleil,oragepossible bienensoleillé assezensoleillé

18 33 6 11 12 23 13 22 8 16 22 29 9 15 26 33 20 25 8 19 12 21 10 18 8 13 16 18 24 26 22 27 25 25

29 26 28 28 26 28

Météorologue en direct au 0899 700 713

1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h

PARIS LILLE

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Bucarest

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Dépression Front froid

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présente MARSEILLE

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Rabat

Front chaud

Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik

Dimanche 30 mars à partir de 16 heures Suivez la soirée électorale en direct sur Le Monde.fr

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9

Solution du n˚14-074

TF 1

10 1 1 12

Invités : Guillaume Gallienne, Franck Dubosc, Amanda Lear, Stéphane Plaza, André Manoukian... 23.30 L’amour est aveugle. Télé-réalité (saison 3, 115 min) U.

II

FRANCE 2

III

20.47 Caïn.

Série. Caïn et Abel [1-2/2] (saison 2, ép. 3 et 4). Avec Bruno Debrandt (2014, audio., inédit) U. 22.40 Ce soir (ou jamais !). Magazine. 0.20 La Parenthèse inattendue. Invités : Georges Blanc, Patrick Poivre d’Arvor et Hélène de Fougerolles (115 min).

IV V VI

FRANCE 3

VII

20.45 Faut pas rêver.

Australie, les aventuriers du bush. Magazine. Au sommaire : Livraisons au bout du monde ; Marble Bar, le Longchamp des sables ; etc. 22.35 Météo, Soir 3. 23.10 Enquêtes de régions. Magazine. 0.00 Doc 24. Documentaire (55 min).

VIII IX X

I. Ne vous laissera pas dans la peine. II. Remet en bonne place sur l’échiquier. Ne lâchera rien. III. Se fait remarquer quand il est en tête. Se lancent. IV. Roulent en train. Affluent du Rhône. Un peu de jugeote. V. Note. Comble les trous. VI. Croque le monde politique. Pourchassée par Zeus et Héra. Le quatrième est Terrible. VII. Pour ranger et retrouver sans problème. Dieu. VIII. Met la France en cartes. Se rendit. Médecins du monde. IX. Belle enfant d’Alfred de Musset. Défenses naturelles. X. Pierres aux reflets chatoyants.

Solution du n° 14 - 074

Horizontalement

I. Baragouineur. II. Ebullition. III. Gâtées. Imams. IV. Ai. Onet. Is. V. Issue. Radina. VI. Es. Rimeras. VII. Mêlera. USA. VIII. Erosives. Née. IX. Nao. Eider. OE. X. Tisonnerions.

Vendredi 28 mars 20.55 Les Enfants de la télé.

I

Horizontalement

S

’il est bien un genre omniprésent à la télévision, c’est le jeu. De chiffres, de lettres, d’argent, ou d’un peu tout à la fois – si bien que parfois on n’y comprend plus grand-chose –, tout est prétexte à boucher un trou dans la programmation d’une chaîne, de préférence en dehors des heures de grande écoute, parce que, en général, c’est une solution à peu de frais : un animateur, deux candidats, des boules à trifouiller, une grille à compléter et, à la clé, l’Encyclopédie des fromages ou un superbe week-end dans le Vercors à gagner. Les émissions reposant sur des quiz de culture générale connaissent un succès qui ne se dément pas. Ainsi l’inusable Julien Lepers anime, depuis 1988, « Questions pour un champion» : plus de 6000 diffusions et 800000 questions, des chiffres qui dénotent un engouement indéniable. De même, nombreux sont ceux qui surveillent la pendule pour ne pas rater Foucault qui, avec « Qui veut gagner des millions? », aura quasiment fait entrer dans le langage courant l’expression consacrée: « C’est mon dernier mot, Jean-Pierre. » Comme dans le Trivial Pursuit, toutes les chaînes voudraient avoir leur part du camembert. Et, pour doper un peu l’audience, rien de tel que de faire participer des personnalités, qui vont pouvoir cabotiner à qui mieux mieux. Jeudi 27 mars, à 20 h 50, M6 proposait sa propre formule, « Qu’estce que je sais vraiment? » – mais « qu’est-ce que c’est que ce nom? » –, pas franchement originale sur le fond (après tout, des questions restent des questions),

Les soirées télé

Sudoku n˚14-075

Motscroisés n˚14-075 2

100 5

Budapest

Zagreb Belgrade

Rome

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CANADA L’HIVER PERSISTE SUR LE PAYS : 0 DEGRÉ À MONTRÉAL

Dimanche

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Les jeux 1

Madrid Lisbonne Lisbonne

En Europe

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Lever 06h34 Coucher 19h15

Aujourd’hui

Nord-Ouest

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Barcelone Barcelone

Alger

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Jours suivants Lundi

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Munich Vienne

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Gwladys Coeff. de marée 99

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40 km/h

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Clermont-Ferrand

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40 km/h

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Amsterdam Berlin Varsovie Prague

Londres Paris

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Dijon

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St-Pétersbourg

Riga

Edimbourg

Strasbourg

Orléans

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Helsinki

Oslo Stockholm

1025

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4 19

Les jeux sont faits

15 10

Amiens

p a r P i er r e R ubena ch

D

1030

www.meteonews.fr

Samedi 29 mars 2014

C’EST À VOIR | CHRONIQUE

> 40°

20 10

40 km/h

7 14

35 à 40°

A

Reykjavik

5 20

30 à 35°

29.03.2014 12h TU

Lille

Cherbourg

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En EuropeA

Samedi 29 mars Fort vent d’autan et grande douceur 60 km/h

20 à 25°

1015

< -5°

0123

écrans

0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA Verticalement

1. Un petit noir bien crémeux. 2. Douloureux problème dentaire. 3. Pâturage gras et humide. Proscrit. 4. Suit le vu de près. Bison d’Europe. Un peu d’alcool. 5. Victime de sa consommation. Exclut. 6. Article. Production ouvrière. 7. Bien malmenée. 8. Deux roues bruyant et pétaradant. Prise illégale. 9. Creusais en surface. Chez Nini. 10. Frétille dans l’étang. Romains de Tivoli. Sont partout où il y a des problèmes. 11. Pour voir de belles toiles. Equiper le bâtiment. 12. Fisse le plein en cave. Philippe Dupuis Verticalement

1. Bégaiement. 2. Abaisserai. 3. Rut. Loos. 4. Aléoutes. 5. Glène. Rien. 6. Oise. Ravin. 7. Ut. Tri. Ede. 8. III. Amuser. 9. Nomades. Ri. 10. ENA. Iran. 11. Mina. Eon. 12. Rassasiées.

Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: abojournalpapier@lemonde.fr. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: courrier-des-lecteurs@lemonde.fr Médiateur: mediateur@lemonde.fr Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60

La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen

PRINTED IN FRANCE

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Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre »)

CANAL + 20.30 Football.

Ligue 1 (31e journée) : Nice - Paris-SG. En direct. 22.30 Jour de foot, première édition. 23.00 La Cage dorée p Film Ruben Alves. Avec Rita Blanco, Joaquim de Almeida, Roland Giraud (Fr. - Port., 2013). 0.25 Jack le chasseur de géants p Film Bryan Singer (Etats-Unis, 2013, 115 min).

FRANCE 5 20.35 On n’est pas que des cobayes !

Au sommaire : Mission : un saut parfait en motocross ; Peut-on flotter dans l’eau gazeuse ? 22.25 C dans l’air. Magazine. 23.35 Entrée libre. Magazine (20 min).

ARTE 20.50 Sacrifice.

Série [3/3]. Avec Tatiana Pauhofová (inédit). 22.10 La Planète des fourmis. Anatomie d’une colonie. Documentaire (2013). 23.00 Comment te dire adieu, mamie... Documentaire (Allemagne, 2013). 23.55 Court-circuit. Magazine (55 min).

M6 20.50 NCIS.

Série. Criminel un jour... (saison 11, épisode 5, inédit) U ; Un homme de foi. Etroite surveillance. Good Morning Bagdad. Le Jugement dernier (saison 5, épisodes 11, 12, 15 et 19/19) U. 1.10 New Girl. Série (S1, 11 et 12/24, 50 min).

mais dont la particularité résidait dans son interactivité: grâce à l’application 6play, il était possible de confronter ses résultats en direct avec ceux des autres téléspectateurs, et de savoir si on faisait mieux que les femmes ou que les Auvergnats, par exemple. Rien n’empêchait, bien sûr, de faire ça à l’ancienne, papier et crayon à la main. Sur le plateau, la production avait convoqué quatre animateurs maison: Dominique Chapatte, de « Turbo » (l’émission automobile), qui n’aura pas franchement roulé des mécaniques, Cristina Cordula, styliste radieuse des « Reines du shopping», qui a vraiment bien tiré son épingle du jeu, Kareen Guiock, présentatrice du

Comme dans le Trivial Pursuit, toutes les chaînes voudraient avoir leur part du camembert journal « Le 12:45 », assez en retard, et Mac Lesggy, de « E = M6», sans conteste le plus savant. Pour jouer avec eux, 300 étudiants dans une sorte d’amphithéâtre. Sous forme de QCM, quatre réponses sont proposées. Je m’attendais à des questions grand public. Mais allez trouver en seulement 4 secondes quel personnage orne la pièce de 5 000 euros or ? Je n’ai pas brillé. L’ananas requin estil une plante? La blonde d’Aquitaine un bovidé ? Bref, des questions vaches, il y en avait ! Mais l’essentiel, c’était bien de participer. p

Samedi 29 mars TF 1 20.55 The Voice, la plus belle voix.

Episode 12. Présenté par Nikos Aliagas (S 3). 23.25 The Voice. « La Suite ». 0.35 Les Experts : Miami. Série. Sans fleurs ni couronne. Face aux requins. Une proie dans la nuit V (S4, 1 à 3/25, 150min) U.

FRANCE 2 20.45 Le Plus Grand Cabaret

du monde. Divertissement. Invités : Gad Elmaleh ; Claudia Tagbo, Pierre Perret, Florent Mothe, Cyril Féraud, Pauline... 23.15 On n’est pas couché. Talk-show présenté par Laurent Ruquier (240 min).

FRANCE 3 20.45 Mongeville.

A l’heure de notre mort. Téléfilm. Jacques Santamaria. Avec Francis Perrin (Fr., 2013). 22.20 Météo, Soir 3. 22.50 Inspecteur Lewis. Série. Dernier chapitre (saison 1, 2/3). 0.20 Appassionata - Le Trouvère. Opéra de Verdi. En 2012, au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles. Par l’Orchestre symphonique de la Monnaie, dir. Marc Minkowski (205 min).

CANAL + 20.45 Rugby.

Top 14 (23e journée). Toulon - Toulouse.

22.35 Jour de rugby. Top 14 (23e journée). 23.15 Jour de foot. L 1 (31e journée). 0.10 La Chasse Film Thomas Vinterberg.

Avec Mads Mikkelsen (Dan., 2012, 175 min) V.

FRANCE 5 20.35 Echappées belles.

Panama. Magazine. Sommaire : Panama, mélange entre Amériques du Nord et du Sud ; L’Histoire incroyable d’un canal ; La forêt engloutie... 22.05 Visages du littoral. Atlantique. 23.00 L’Œil et la Main (25 min).

ARTE 20.50 L’Aventure humaine.

La Route de l’ambre. Documentaire (All., 2012). 22.15 Les Momies de la route de la Soie (2012). 23.10 Springsteen and I. Documentaire. 0.25 Tracks. Magazine (45 min).

M6 20.50 Hawaï 5-0. Série.

Ha’uoli La Ho’omoaika’i (S4, ép. 9, inédit) U ; Pa’ani. Na Ki’i (S3, ép. 17 et 18/24) U ; Malama Ka Aina. Lanakila (saison 1, ép. 3 et 4/24) U. 1.00 Supernatural. Série (S7, 23/23, inédit ; S5, 1/22, 150 min) V.


décryptages

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Samedi 29 mars 2014

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Moscou est-il victime de dénigrementmédiatique ? Comment l’Occident doit-il réagir à l’offensive contre l’Ukraine et à l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, après le référendum du 16 mars ? Certains estiment que la lecture des événements dans les grands médias occidentaux est biaisée. Tel est l’avis dominant au Kremlin. En France, des voix défiantes envers M. Poutine s’élèvent néanmoins contre une vision en noir et blanc du processus en cours

EnRussie,unepresse auxordres Christophe Deloire

Secrétaire général de Reporters sans frontières

L

a guerre de l’information serait-elle légitime pour rétablir un équilibre des visions du monde ? En Ukraine comme en Russie, Vladimir Poutine tente selon ses affidés de faire contrepoids à une « russophobie» portée par les grands médias occidentaux.Le « premierministre» de Crimée installé par Moscou, SergueïAxionov,affirmaitsansvergogne quelques jours avant le référendum : « Nous ne voulons pas voir ici ceux [des médias] qui viennent pour tout retourner cul pardessus tête. » Cette dénonciation n’épargne pas les médias indépendants russes, assimilés à une sorte de cinquième colonne. Les porte-parole du Kremlin dénoncent l’emprisonnement des journalistes dans une vision unilatérale des affaires du monde, pour ne pas dire une inféodation à l’empire américain, s’ils ne sont pas alignés sur la position officielle russe. Moscou estime devoir rétablir l’équilibre face à une information qu’elle croit biaisée et soutient donc une lecture des événements plus proche des sentiments profonds du peuple russe, naturellement confondus avec les intérêts de l’oligarchie, vision bien servie par les médiasà la botte du pouvoir comme Russia Today. Il n’est pas question ici de récuser l’existence en Europe ou aux Etats-Unis de « biais », c’est-à-dire d’influencesculturellesinconscientes et de prismes déformants dans letraitementdel’information,malgré les pratiques professionnelles et les règles déontologiques. Les journalistes ont parfois (trop souvent) tendance à s’aligner sur les intérêts diplomatiques des pays dont ils sont ressortissants.

Le Kremlin a mis la Crimée sous une cloche de propagande Mais en l’espèce il ne s’agit pas de divergences de visions du monde et d’une sorte de « rattrapage». Le Kremlin a mis la Crimée sous une cloche de propagande, si ce n’est une chape de plomb. Le 1er mars, une trentaine d’hommes en armes de la milice prorusse Front de Crimée faisaient irruption danslecentrede pressede Simferopol, qui abrite les bureaux du Centre d’investigations journalistiques.« Defaussesinformationsproviennent de ce bâtiment », expliquaient les miliciens. Bloquant les journalistes, cette soldatesque inti-

midante proposait de trouver « un accord sur une couverture correcte des événements ». On ne compte plus les agressions de journalistes. Lesinterpellations,voirelesenlèvements, se multiplient. Depuis le 9 mars, le signal des chaînesdetéléukrainiennesetlocalesa étécoupéenCriméeetremplacépardeschaînesrusses(desopérateursukrainiensontàleurtoursuspendu les principales chaînes russes). Dans le même temps, des chaînes russes se sont rendues coupables de manipulations caractérisées, de propagandes mensongères. Pour Poutine, les médias occidentauxpeuvent entrer en Crimée, l’essentiel,c’est que l’information à destination de son « public cible » demeure sous contrôle. Dans ces conditions est-il pertinent d’invoquer l’« autodétermination des peuples » ? L’occupation le rend dérisoire. On ne saurait mettre sous l’éteignoir le droit à l’information comme on enferme la radioactivité sous le béton à Tchernobyl. Cesatteintesne sont pas cantonnéesà laseulepéninsuledeCrimée. Le 14 mars à Moscou, un député du parti croupion Russie juste déposait à la Douma une proposition de loi visant à emprisonner les dirigeants de médias qui diffusent « des informations mensongères antirusses ». Dans ce pays où des journalistes se retrouvent en prison pour avoir enquêté sur des affaires de corruption (le sujet tabou),oùlesassassinatsdejournalistes demeurent largement impunis,oùlesloisliberticidess’accumulent, le pouvoir tente d’annexer les espaces de liberté et de résistance. Derrière les décors Potemkine des Jeux olympiques de Sotchi, la chaîne de télévision indépendante Dojd a disparu des écrans, exclue des bouquets des compagnies de diffusion câblée et satellitaire. La chaîne fait l’objetd’une enquêtedu parquet de Saint-Pétersbourg et d’une vingtaine de demandes de réparations financières. Le 12 mars, Galina Timtchenko, rédactrice en chef du premier site d’information indépendant russe, Lenta.ru, était démise de ses fonctions. Le site venait de faire l’objet d’un avertissement de la part de l’autorité russe de surveillance des communications, le Roskomnadzor, au motif que l’un de ses journalistes avait interviewé un leader ultranationaliste ukrainien. Un entretien en rien complaisant. Maisen Russie il devient de plus en plus difficile de tendre son micro à ceux qui ne sont pas dans les petits papiers du Kremlin. Depuis le 13 mars, trois des principaux sites d’informationproches del’opposition, Grani.ru, Kasparov.ru et EJ. ru sont inaccessibles en Russie. Nonobstant l’importance du gaz russe et des fortunes des oligarques, il est urgent qu’à Berlin, Londres, Paris et Bruxelles on se rende compte que les pratiques en vigueur à Moscou ne relèvent pas du folklore local, mais d’une dérive gravissime. p

En finir avec le manichéisme infantile Jean-François Kahn Ecrivain

A

l’évidence, on n’en a tiré aucune leçon. Il y a neuf ans, les Français étaient invités à ratifier ou à rejeter le traité constitutionnel européen. Les grands médias, massivement favorables au « oui » – et j’en étais – défendirent leur choix, qui correspondait à une honorable conviction, de façon tellement univoque, tellement agressive, tellement peu ouverte aux arguments de l’autre, tellement binaire,quele « non»,d’aborddonné vaincu, l’emporta largement. Il y aurait eu alors quelques questions à se poser. On s’en garda bien. On se contenta d’injurier, après coup,ceux qui avaient malvoté. Et, d’ailleurs, on fit adopter ce que les Français avaient refusé sans, cette fois, leur demander leur avis. Eston conscient à quel point, ce faisant, on a porté un coup terrible à l’esprit civique et grossi les rangs des abstentionnistes comme ceux des électeurs du Front national? C’està unphénomènecomparable que l’on assiste aujourd’hui. La sphère médiatique, au sens le plus large, faitpreuve, à propos des événements d’Ukraine, de Crimée et de Russie, d’un tel binarisme, d’un tel simplisme, d’un tel infantilisme, que l’on assiste à une autre aberration: le retournement proPoutine d’une bonne partie de l’opinion. Cela fait des années que l’on perçoit cettedéplorableévolution : une approche de plus en plus bichromique,bicoloreet, incidemment, néoconservatrice, des grandes questions internationales, un partage du monde entre des gentils qui ne peuvent se conduire que de façon séraphique et des méchants qui ne constituent qu’un ramassis de Belzébuth : un manichéisme de plus en plus puéril quin’est pas étrangerà la redoutable désaffection du public envers ce qui devrait constituer le cœur et l’âme de la démocratie: les médias.

plaire, une Allemagne dévaluée, dévalorisée, minable, aux abois, il aurait, fût-ce inconsciemment, péché à la fois contre l’objectivité journalistique et contre la cause du camp démocratique. A-t-on le droit de poser cette question : un pays où la plupart des éditoriaux, parlés ou écrits, paraissent avoir été rédigés par Bernard-Henri Lévy (membre du Conseil de surveillance du Monde) constitue-t-il un exemple de pluralisme ? Oui, la brutalité avec laquelle a été bousculée, en Crimée, la légalité internationale est inadmissible. Mais pourquoi,lorsque les nouvelles autorités de Kiev ont décidé, dans un premier temps, d’abolir le statut de la langue russe dans les territoires russophones, nos médias n’ont-ils pas mis en garde contre cette décision provocatrice et aventureuse ? Pourquoi le nonrespect de l’accord signé par les ministres européens, dont Fabius, à Kiev n’a-t-il suscité dans les médias aucun regret ? Pourquoi aucune prise de distance à l’égard de certains propos extrémistes (c’est une litote) tenus par les leaders radicaux de la révolution de Maïdan, alors que ces outrances faisaient évidemment le jeu de la Russie, qui les a instrumentalisés? Oui, la majorité des révoltés de Maïdan étaient des démocrates dégoûtés par une gouvernance absolument calamiteuse. Mais pourquoi Stepan Bandera (1909-1959), cet antisémite fanati-

que qui combattit aux côtés des Waffen-SSet qu’exaltel’aileradicale du mouvement, est-il désormais présenté pudiquement chez nous comme un « nationaliste controversé» ? Dans ce cas, il ne fallait pas appeler au boycottage de l’Autricheparceque le parti deHaider avait été intégré au gouvernement. Il est temps de rompre avec une incohérence qui confine au zozoïsme.

Il convient de privilégier soit l’intégrité territoriale, soit le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes Il y a deuxprincipesaussi défendables l’un que l’autre. Le premier, c’est le respectde l’intégritéterritoriale des nations. En fonction de quoi, une sécession de la Crimée, même votant son rattachement à la Russie, est incontestablement condamnable. L’autre principe est le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En fonction de quoi l’OTAN est intervenue militairement pour aider le Kosovo à s’émanciper de la Serbie, ce que souhaitaitla majoritédesa population. Les deux principes étant souvent contradictoires, il convient,

en droit international, de privilégier une fois pour toutes l’un ou l’autre. Soit l’intégrité territoriale, soit le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce qui, en revanche, n’est pas soutenable, c’est de se réclamer de l’un de ces principes les jours pairs et de l’autre les jours impairs. Par exemple, proclamer illégale une sécessionde la Crimée, même si ses habitants l’appellent majoritairement de leurs vœux, après avoir fait une guerre pour permettre la sécession du Kosovo, parce que ses habitants l’appelaient majoritairementdeleursvœux.Ilest éminemment respectable, et sans doute juste,de stigmatiserle jeurussequi a consisté à encourager le mouvement sécessionniste en Crimée. Mais il est étrange que parmi les plusvirulents censeurs se trouvent ceux qui, depuis des décennies (ce futparfoisàleurhonneur),soutiennent toutes les luttes sécessionnistes: au Biafra, au Bangladesh, dans le sud du Liban, en Tchétchénie, au Kurdistan ou ailleurs, quand ils n’ont pas affiché leur sympathie pour la cause basque ou irlandaise. Dessanctionspourimposerun respect du droit international ? Chiche! Mais Chypre? Mais les territoires palestiniens? Ce sont toutes ces contradictions et incohérences qui affaiblissent la position occidentale face à Poutine. Mieux eût valu les pointer à temps que de noyer toute complexité dans l’hystérie. p

présente

Du 17 janvier au 17 février 2014 4e édition Premier Festival de cinéma français en ligne 13 langues - Dans le monde entier

Ce qui se dit dans les médias russes se dit de façon quasi identique chez nous, mais à l’envers Cette régression a atteint, ces derniersjours, un record. Dans certains reportages, les bons deviennent tous beaux et les mauvais tous laids. Ceux-ci sont de jeunes athlètesau regardlumineux,ceuxlà de vieux chnoques alcooliques au regard terne. Ce qui s’écrit ou se dit dans les médias russes se dit de façon quasi identique chez nous, mais à l’envers. Des « correspondances» deviennent des éditos au vitriol, des reportages d’ardentes professions de foi. Ce qui n’est pas, parfois, sans rappeler la presse communiste des années 1950. Laquelle parlait des Etats-Unis. Allons plus loin : si comparer Poutine à Hitler (certains ont osé) est d’une confondante idiotie, l’homme s’apparente plus, en effet, à un nouveau tsar qu’à un démocrate moderne. On peut à cet égard se demander, d’ailleurs, pourquoi Eltsine, lui qui était bien pire, bénéficia d’une telle indulgence : parce qu’une Russie en voie de quart-mondialisation plaisait ? Or, si un envoyé spécial à Berlin,dutempsdu nazisme,avaitsystématiquement décrit, pour com-

4 MILLIONS DE SPECTATEURS DANS LE MONDE POUR LA 4è EDITION. MERCI !


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Le géographe Jacques Lévy analyse la dissémination du vote d’extrême droite dans l’espace urbain, y compris dans certains centres-villes, qui résistent habituellement à la tentation FN

CequelevoteFNnousdit deParis,LyonetMarseille Une cartographie inédite

100 000 hab.

VAL-D’OISE

Les trois cartes principales qui figurent dans cette double page constituent une représentation innovante des trois premières aires urbaines françaises. Ces dernières totalisent plus de 16millions d’habitants (12,2 à Paris, 2,2 à Lyon, 1,7 à Marseille). Elles regroupent 2 443 communes, dont 1 244 ont plus de 1 000 habitants. Dans ces communes, le Front national a présenté 145 listes (91 à Paris, 26 à Lyon, 28 à Marseille). Les résultats ont été collectés à l’échelle du bureau de vote, soit plus de 4 200 unités pour les trois aires. Chaque bureau de vote est représenté par un cercle, les couleurs indiquant la hauteur du score du Front national. Le document principal est dans les trois cas un cartogramme : les communes ont une surface proportionnelle à leur population. En cartouche, les cartes classiques permettent de se donner une idée des surfaces.

Gonesse VillersCotterêts SEINE-SAINT-DENIS

17e

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YVELINES

16

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Cette recherche a été menée, en collaboration avec Le Monde, par le laboratoire Chôros, de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Ogier Maître, Manouk Borzakian, Carole Lanoix, Lucas Tiphine, Mirza Tursic, Jacques Lévy), avec le concours de Marie-Christine Doceul, Arthur Peyre (Géoconfluences, Lyon) et de Gabriel Ishkinazi (université d’Aix-Marseille, Aix-en-Provence).

5e

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VAL-DE-MARNE HAUTS-DE-SEINE

Jacques Lévy est professeur de géographie et d’urbanisme à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Il y dirige le laboratoire Chôros. Il a récemment publié Réinventer la France (2013, Fayard), le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés (avec Michel Lussault, nouvelle édition, 2013, Belin) et a réalisé un film, Urbanité/s (Chôros, 2013).

SEINE-ET-MARNE

ESSONNE

PARIS

VAL-D’OISE YVELINES SEINE-ET-MARNE ESSONNE

20 km

L

e vote pour le Front national dans le paysage urbain français au premier tour des municipales, dimanche 23 mars, présente une géographie à la fois contrastéeet complexe.Onpeutlarésumer par trois paradoxes et trois types de situations.

Trois paradoxes D’abord, ce parti est peu présent là où il avait souvent obtenu ses meilleurs scores lors de l’élection présidentielle de 2012, c’est-à-dire dans les périphéries périurbaines ou « hypo-urbaines». La carte des communes où le Front a pu présenter des listes offredéjà uneinformationutile :elle dessine une organisation du parti encore lacunaire, aggravée par le fait que les communes de moins de 1 000 habitants, nombreuses dans le périurbain, sont demeu-

Résultats du Front national par bureau de vote, au 1er tour des élections municipales, le 23 mars 2014, % par rapport aux exprimés Commune ou secteur où le Front national a présenté une liste Autre commune de plus de 1 000 habitants Limite de département

rées dans un système électoral qui ne permet pas l’expression des partis. Lorsqu’il a pu se présenter dans les marges urbaines comme, en Ile-de-France, à Etréchy ou Mantes-la-Ville, le Front national y a remporté de grands succès. Le Front nationalprogresse et se banalise, mais, c’est le deuxième paradoxe, en se spécialisant dans des zones spécifiques : villes petites ou moyennes désertées par leur « bourgeoisie», banlieues lointaines en difficulté, bassins industriels en crise, environnements urbains illisibles. Si l’on se réfère au classement des aires urbaines françaises, la taille fonctionne, toutes choses égales par ailleurs, comme gradient: plus la ville est grande, moins le FN y prospère. L’aire urbaine de Paris, avec une moyenne de 8,5 % pour les listes d’extrême droite, se détache logiquement. Inversement, les espaces urbains à forte composante ouvrière comme les anciens

Limite de région

plus de 24 % de 18 % à 24 % de 12 % à 18 % de 6 % à 12 % moins de 6 %

bassins miniers, ou même Lille et SaintEtienne, sont des zones de force du Front. Sur le bord de la Méditerranée, le Front national s’est surtout renforcé dans les villes moyennes, qui forment la trame d’un espace très spécifique, connaissant à la fois une forte immigration et des taux de chômage importants. Dans ces communes, les anciens habitants des centre-villes ou les nouveaux arrivants français (actifs ou retraités)ontlargementchoisi deshabitats périurbains tandis que les étrangers s’installaient souvent dans les centres laissés vacants. Ce sont, en résumé, des espaces où l’urbanitéestparticulièrementmalmenée. Le troisième paradoxe du vote Front national touche au rapport entre société urbaine et orientation du vote. C’est là où la composition sociale est la plus diverse que le rejet du Front national est le plus net et le plus massif. Inversement, dans les espaces socialement plus homogènes,

Le FN cantonné à la périphérie L’aire urbaine de Paris montre un rejet assez net du Front national, sauf dans ses périphéries lointaines. Paris et la proche banlieue représentent un bloc homogène.

le vote est souvent fortement contrasté d’un bureau à l’autre.

Trois situations Cette conclusion est rendue possible par le recours à une « maille » très fine, celle des bureaux de vote, qui permet de discerner des agencements subtils et de déceler des disparités à l’intérieur même d’un quartier. Trois grands modèles apparaissent : des espaces homogènes avec un FN faible, des espaces homogènes avec un FN fort et des espaces contrastés. 1. Le rejet des centres-villes. Le cas le plus net est l’éjection du Front national des centres-villes, déjà constatée en 2012. C’est clairement le cas avec les arrondissements centraux de Paris, où le FN enregistre un score inférieur à 3 % dans 19 bureaux de vote. Plus généralement, c’est le cas de l’ensemble constitué de Paris


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100 000 hab.

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LYON

AIN

L’est sous tension

La capitale régionale se situe dans la moyenne des grandes villes françaises. De forts écarts s’y manifestent, y compris à l’intérieur des communes.

Villeurbanne RHÔNE

6e 9

3e e

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AIN ISÈRE

RHÔNE

ISÈRE

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VAUCLUSE

100 000 hab.

Aix-en-Provence

BOUCHES-DU-RHÔNE

FosFo sur-Mer

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MARSEILLE 3e

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VAUCLUSE

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BOUCHES-DU-RHÔNE

Le centre introuvable

12e

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11

e

6e VAR

10e

9e

VAR

8e 20 km

(6,26 %) et de la proche banlieue. On retrouve des niveaux faibles (moins de 6 % pour le FN) dans 17 bureaux lyonnais, surtout situés dans les 1er, 4e et 5e arrondissements. A Marseille, quelques bureaux du 1er arrondissement et de Fos-sur-Mer donnent également moins de 6 % au FN. De même, le soutien au FN apparaît limité à Aix-en-Provence: il recueille moins de 10 % des voix dans la moitié des quatrevingt-dix bureaux de la ville et plus de 15 % dan s 8 bureaux seulement. Dans ces quartiers, on note une surreprésentation des groupes sociaux « créatifs», à « capital culturel» élevé, mais aussiun grandnombred’étrangerset uneproportion significative des catégories « populaires ». A Paris, Lyon ou Aix, la détestation de Marine Le Pen à l’encontre des « bobos » est manifestement réciproque. Les espaces urbains assumant leur diversité sont clairement réfractaires au

L’aire urbaine marseillaise manifeste un fort soutien au Front national. La ville de Marseille y apparaît comme une zone de première périphérie tandis que le rôle du centre est plutôt joué par Aix-en-Provence.

message de l’extrême droite.

2. Un soutien compact. L’influence du

Frontnational est forte et homogènedans un certain nombre de quartiers, situés pourl’essentiel dansl’aire urbaine deMarseille, où les listes FN obtiennent en moyenne 20,5 %, mais souvent plus de 30 %, y compris dans les arrondissements marseillais de 9 à 16. C’est le cas aussi des localisations reculées de l’aire urbaine parisienne: le cas de Villers-Cotterêts (de 24 à 36,5 % selon les bureaux) est emblématique. Cette commune de l’Aisne est typiqued’unesituationde rejetdu « système » dans des périphéries lointaines, et en crise, de la métropole parisienne. 3. Des quartiers sous tension. Le troisièmemodèle est fortementreprésenté dans les espaces tiraillés entre rejet et acceptation des thèses du Front national. La moyenne de ses listes dans l’aire de Lyon est de 14,6 %, et cette valeur élevée s’expli-

que aussi par des succès du FN dans une partie de la zone centrale de l’agglomération. Dans un Est lyonnais comprenant Villeurbanne, Lyon 8e, Saint-Priest ou Corbas, les variations sont fortement marquées d’un bureau à l’autre, souvent dans le même quartier. Ainsi dans les 12 bureaux de Givors, le score du FN s’étale de moins de 11 % à plus de 26 %, dans les 32 bureaux de Saint-Priest de 11 % à près de 30 %, dans les 79 bureaux de Villeurbanne de 12 % à 27 %. On retrouve ces disparités aux marges de l’Ile-de-France, comme Pontault-Combault(23 bureaux,de 12 % à 33 %), maisaussi dans des communes de banlieues à populationnettementplusmodeste,comme Les Mureaux ou Gonesse, ou encore dans les quartiers périphériques de villes anciennes aisées comme Saint-Germainen-Laye (de 5 % à 27%) ou Versailles (41 bureaux, de 6 % à 40% !).

SOURCES : MAIRIES CARTOGRAMME : LOGICIEL SCAPETOAD <SCAPETOAD.CHOROS.CH> CONCEPTION ET RÉALISATION : CHÔROS, EPFL

C’est sans doute l’indication d’une anxiété particulière aux quartiers dont la diversité sociologique contrarie l’identité traditionnelle de la commune et, au lieu de favoriser l’intégration, augmente l’angoisse des « perdants ». Dans l’aire urbaine de Marseille, ce sont les arrondissements centraux, à l’exception du 1er arrondissement, qui expriment jusqu’à l’extrême cette tension, illustrant une fois de plus le caractère singulier, « américain » ou « napolitain », de cette métropole: le centre de l’agglomération y ressemble aux banlieues de Lyon et au périurbain parisien. L’offrepolitiquedu Front nationalrévèle donc à sa manière un classement des aires urbaines et de leurs quartiers en niveaux (gradients) d’urbanité, dans lesquels se combinent la taille de la ville, sa densité et sa diversité. p Jacques Lévy


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Laure Belot

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enquête

9 ans, Chief Nyamweya se retrouve dans une ferme à l’extrêmeouest duKenya où sesparents quadrass’improvisent agriculteurs, en pleine débâcle économique, pour nourrir leurs cinq enfants. Deux décennies plus tard, Chief Nyamweya est avocat, artiste-illustrateur et fondateur de Tsunami, studio de Nairobi qui produit des films d’animation. A 17 ans, Bel Pesce remplit un carton d’objets résumant sa vie avant de sonner chez un diplômé brésilien du MassachusettsInstituteof Technology(MIT), forçant ledestinpourêtre admisedans« l’université de [s]es rêves». Neuf ans plus tard, diplôme en poche, une start-up revendue des millions de dollars et un livre téléchargé par 2 millions de Brésiliens, elle a créé une école, en novembre 2013, dont les cours sont déjà suivis par 25 000 internautes. A 3 ans et demi, Marita Cheng et son frère quittent Hongkong pour Melbourne, où leur mère, femme de chambre, bénéficie du programme de logement pour les sansabri. Vingtans plus tard, Marita Cheng est élue, en 2012, « jeune Australienne de l’année» pour la création de Robogals, organisation internationale rassemblant seize universités qui encourage l’engagement des femmes dans les études scientifiques. Elle dirige aujourd’hui une start-up de robotique. Rien ne prédestinait Chief Nyamweya, Marita Cheng et Bel Pesce à se rencontrer. Et, pourtant, tous trois sont liés, membres d’une même « famille » mondiale dénommée Sandbox, littéralement le « bac à sable». Un réseau de1 100 personnestriées sur le volet que 25000 jeunes de moins de 30 ans ont déjà tenté d’intégrer, sans succès. Fondée par quatre Suisses et un Allemand en 2008, la communauté s’affiche sur le Web en anglais, annonçant « Sandbox is a mobile society of the world’s most extraordinary young game changers ». Comprendre de jeunes créatifs à haut potentiel, qui veulent changer le monde à coups de projets innovants. Entrepreneurs,médecins,artistes,sportifs… les profils les plus divers sont recherchés. Plusieurs centaines d’entre eux ont d’ailleurs,avantou depuisleur« sandboxisation», donné des conférencesTED (Technology, Entertainment and Design) le Graal d’un créatif. Point de catalogue en ligne, mais point de culte du secret non plus, certains s’affichant « sandboxers » sur leur compteTwitter.Et tous réseautent intensément en postant des messages sur leur page Facebook privée. Une application maison devrait, dans quelques semaines, leur permettre de communiquer et de se géolocaliser en toute tranquillité. «Sandboxestun accélérateurde sérendipité. Nous étions faits pour nous rencontrer», explique Rand Hindi, Français d’ori-

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Elites 3.0 Ils sont atypiques, ultra-créatifs et ont moins de 30 ans. Les 1100membres du réseau très exclusif Sandbox s’entraident et veulent changer le monde gine libanaise brassant actuellement des big data. « Les sandboxers n’entrent pas dans les moules et, avec eux, je n’ai pas honte de parler de mes idées folles. Nous nous inspirons mutuellement.» Des personnalitésatypiquessachantdiverger– êtrecréatives – et converger – en faire quelque chose dans le système –, qui trouvent là des compagnonsdejeu planétaires.« J’ai beaucoup d’idées, je suis difficile à suivre et j’ai toujoursété un peuseule. Il y a deux ans, j’avais quelques amis. Maintenant, j’ai l’impression d’en avoir 1 000 », explique Mykim Dang, directrice de création d’une boîte technoà Bostonmaisaussidesignerde skateboards. Fulgurantparcourspourcetteorganisation d’à peine six ans. Antoine Verdon, désormais investisseur à Zurich, se rappelle : « Nous étions cinq amis, Nico [Luchsinger], Fabian [Pfortmüller], Séverin [Jan Rüegger], Christian [Busch] et moi, explique-t-il. La vie nous a un peu éloignés et nous avons découvert que s’être connus très tôt permettait de nous entraider à distance. Nous avons voulu élargir le cercle. » Labandeorganisealorsdes dînersderecrutement. « A l’évidence, certaines personnes ajoutaient de la valeur dans les conversations, d’autres moins», se souvient-il.D’où, très vite, des critères de sélection : « Nous cherchions des personnes porteuses de projets, créatives, ambitieuses, avec des parcours et des origines les plus diverses possi-

ble. » Antoine Verdon reste en Suisse, les autres partent à Londres, aux Etats-Unis et à Singapour… lançant, en 2009, l’internationalisationdu« bacà sable » «lieud’expérimentation, informel, toujours en construction», précise-t-il pour expliquer le nom du réseau désormais présent dans trente-cinq métropoles, appelées « hubs ». Empiriquement, un prérequis plus informel est édicté. « No ashole [littéralement « pas de trou du cul »]. Une façon d’écarter des gens qui veulent bénéficier du réseau sans rien apporter », ajoute Antoine Verdon. A Paris, par exemple, «les candidats potentiels sont invités pendant six mois aux réunions. Les ego-centrés qui la ramènent tout le temps ne passeront pas lefiltre. Lessandboxersdeviennent naturellement des potes », explique Cécile Monteil, ambassadrice parisienne, chargée, commeunecentained’autresdanslemonde, d’animer et de faire croître le réseau à coups de réunions mensuelles et de weekends annuels. Avec déjà un petit côté club de rencontre 3.0 : deux bébés estampillés Sandbox ont déjà vu le jour. Unefoisparan, la porte s’ouvreaux candidatures extérieures. « Vous avez moins de 30ans, vous avez montré de l’excellence dans votre domaine, vous voulez avoir un impact positif sur le monde par votre travail et vos projets», explique le formulaire accessibleenligne.Silesréponsesdu candidat sont acceptées par le siège londonien, l’impétrant doit alors réaliser un « wow project» (prononcer « waou ») pour expliquer « quelles sont ses valeurs, pourquoi c’est un bon recrutement », explique Alexandre Terrien, un des trois sandboxers à plein temps qui coordonnent le réseau depuis Londres. Pour son « wow », Victoria Lelandais, Française qui travaille pour la foire d’art contemporain Art Dubai, a ainsi présenté un projet dans un camp palestinien. « Dix jours d’atelier de peinture avec des enfants afin de repeindre leurs murs vétustes. Le matériel est resté à l’école, l’opération se poursuit cette année », explique-t-elle. Pourinspirerles candidats,untumblrdonne des exemples (Sandboxwows.tumblr.com). L’organisation a accueilli 190 nouveaux en 2013 et devrait dépasser les 400 recrues supplémentaires cette année, précise Alexandre Terrien. Ce dernier prépare pour cet automne, au Costa Rica, un

« Woodstock de l’innovation» qui rassemblera des centaines de membres. Ce réseautage entre soi ouvre évidemmentdes portes.KashuoBennett,architecte sandboxer de Washington, s’attendait à prendre une année sabbatique en suivant son épouse, historienne au Kenya. « Quelques semaines après mon arrivée, j’ai commencé à travailler sur des films 3D dans le studio de Chief Nyamweya. » Kyra Maya Phillips, auteur britannique, voulait s’approcher de Lady Gaga pour un projet de livre, c’est chose faite grâce au réseau. Mark Kaigwa, blogueur star au Kenya et consultant de 26 ans, reconnaît : « C’est mon statut de premier ambassadeur Sandbox en Afrique qui m’a ouvert les portes de l’African Leadership Network », prestigieux rassemblement de l’élite africaine. La planète bouillonne de clubs de cerveaux prometteurs, terrains de recrutement des multinationales qui financent de grands sommets et des « projets» innovants. Comme le « One Young World» lancé par David Jones, l’ancien dirigeant de Havas, ou le « Youth Program » de l’Open Innovation Forum, en Russie.

Certains membres ayant cette année 30ans, il a été décidé que l’on restait sandboxer à vie. Il faut juste être adopté avant l’âge fatidique Certains sandboxers sont d’ailleurs des cumulars.RandHindiappartientainsiaux Global Shapers (club des moins de 30 ans identifiésparle WorldEconomicForumde Davos) mais aussi au réseau d’entrepreneurshigh-techKairosSociety.«Noussommes environ 5 000 à nous retrouver un peu partout. Mais rien ne ressemble à Sandbox », note l’auteure Rahaf Harfoush, syrienne et canadienne, ambassadrice mondialede Sandboxmaisaussivice-curatrice des Global Shapers. « Les sandboxers savent tous qu’ils ont fait des choses exceptionnelles,maisils veulentconstruireavant tout des liens.» Al’opposédesclubsinstauréspardeséli-

Selfies de Sandboxers.

tes établies, Sandbox organise l’émulation entre soi. Sur la page Facebook, une centainedemessagespostésparjour:desdemandes de conseils, d’avis sur un projet, de mises en contact… Rahaf Harfoush se souvient : « Fabian m’a recrutée en disant : “Qu’est-ce qui se passerait si les gens qui vont gouverner le monde s’étaient rencontrés non pas à 42 mais à 22 ans ?”» Le véritable «rosebud», en fait, du réseau. La centaine d’ambassadeurs vient de se réunir sur la très select Osea Island (île sans Internet) pour gamberger sur le business model afin de pérenniser le réseau financé principalement par des business angels. Les pistes ? Une cotisation, du conseil auprès des entreprises… Certains membres ayant cette année 30 ans, il a aussi été décidé que l’on restait sandboxer à vie. Il faut juste être adopté avant l’âge fatidique.

C

e développement organique, mondial et horizontal (les pairs servent de recruteurs) est certes caractéristique d’un XXIe siècle numérique, mais « tout a changé, rien n’a changé », remarque la sociologue Stéphanie GroussetCharrière,auteuredeLaFacecachéede Harvard (La documentation française, 2012). « Avec Internet, l’échelle est radicalement différente. A Harvard, ce sont des chasseurs de têtes qui identifient les personnes à haut potentiel. Ici, ce sont les membres de Sandboxeux-mêmes,un recrutementquiapporte une certaine démocratisation et plus de brassage. [Sandbox ne compte que cinq diplômés d’Harvard et 20 % des sansboxers ont fait une école de management]. Mais la finalité est toujours de créer un réseau d’entraideet d’influence,note-t-elle. Quel que soit le siècle, les élites ont toujours un instinct quasi grégaire, animal. Elles ont envie de l’entre-soi en quête d’effervescence intellectuelle.» Quand deux sandboxers se rencontrent, le hug – l’accolade – est un rite. Un quotidien suisse les a déjà qualifiés de « francs-maçons de l’innovation ». Cécile Révauger, spécialiste des diverses francmaçonneries, pointe les différences. Chez les francs-maçons,« l’âge n’est pas un critère, l’attachement à la tradition est aussi important que le désir d’améliorer l’homme et la société, on respecte le secret et on a une certaine méfiance envers l’élitisme ». Pour autant, cette spécialiste reconnaît de vrais points communs. « Les francsmaçons sont des héritiers du XVIIIe, le siècle des Lumières. Ils ne se cachaient pas, avant que le pouvoir catholique ne les stigmatise, note-t-elle. Ils étaient alors peu nombreux et étaient les futurs leaders, les personnes les plus brillantes, sortant de l’ordinaire. Ils se recrutaient par cooptation à New York, Paris.» Le « bac à sable » n’en est pas loin, une révolution numérique plus tard. p

f Sur Lemonde.fr

Vingt portraits de Sandboxers


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CULTURE | CHRONIQUE pa r M i c h e l G u e r r i n

Olivier Py se trompe

I LE DIRECTEUR DU FESTIVAL D’AVIGNON DONNE DES ARMES À CEUX QUI DÉNONCENT UNE CULTURE D’ÉTAT

l est comme ça, Olivier Py. Talentueux et flamboyant mais aussi entier, lyrique, imprévisible. Après le premier tour des élections municipales du 23 mars, et que certains imaginaient déjà que le FN allait prendre Avignon, on s’est dit que le nouveau patron du Festival, expert en joute verbale, mènerait pendant quatre ans un combat à sa mesure. Eh non. Pas encore arrivé, le metteur en scène a des envies de partir. Dès lundi 31mars en cas de victoire du frontiste Philippe Lottiaux? Même pas. Le metteur en scène entend piloter une «édition de résistance» en juillet. Comme si la ville était occupée. Un petit tour, et puis débrouillezvous… Il verrait bien aussi délocaliser le Festival dans les villes autour d’Avignon. Comme si le Festival lui appartenait. Il entend réveiller les abstentionnistes. En fait, il donne un sacré coup de pouce au FN et, au passage, se met à dos nombre d’Avignonnais, y compris de gauche. Le réflexe Py est typique d’une incompréhension abyssale entre une partie des élites culturelles et l’opinion. Si le FN arrive, je pars, dit-il. Alors que, au contraire, ce scénario devrait l’obliger à rester. Sa mission, puisqu’il est porté par l’argent public, est en effet de jouer de son talent pour sensibiliser ceux qui ne pensent pas

La Crimée expliquée aux enfants russes

L

’épopée de l’armée russe en Crimée va être enseignée dans les écoles et les instituts d’enseignement supérieur de Russie, selon une circulaire du ministère de l’éducation à paraître. « Une conversation sur ce thème favorisera l’éveil de la conscience civile chez l’enfant», s’est félicité Veniamine Kaganov, vice-ministre de l’éducation. L’idée a d’abord germé dans les rangs du groupe parlementaire de Russie unie, le parti pro-Kremlin, à la Douma. «En tant qu’ancien instituteur, je comprends que les écoliers et les étudiants ont besoin d’éclaircissements sur ce qui se passe en Ukraine, en Crimée, en Russie. Il faut absolument leur expliquer la position de notre président », a justifié, mercredi 26 mars, le député Nikolaï Balouev, membre de Russie unie. Dispensés pendant le cours d’histoire ou celui d’éducation civique par des enseignants triés sur le volet ou bien par les parents «connaisseurs», ces cours devront refléter scrupuleusement la ligne du Kremlin. Selon la doxa officielle, la captation d’un large pan de territoire au voisin ukrainien vient réparer une injustice historique, tandis que la défense des droits des russophones suffit à justifier l’envoi de blindés et de militaires. Quelques blogueurs y trouvent à redire: « L’avantage de la nouvelle Russie, c’est que les élèves et les parents n’ont plus à entendre de tels “éclaircissements”. Ils peuvent donc refuser d’y participer et même critiquer les explications officielles au fait que la Russie a bel et bien poignardé l’Ukraine dans le dos», écrit Alex Melnikov sur sa page du LiveJournal. Ces cours ne sont pas sans rappeler les «leçons politiques» (politzaniatia) dispensées jadis à

des générations de jeunes Soviétiques, qui les avaient en horreur. En réintroduisant la propagande politique à l’école, le Kremlin veut conforter son succès auprès de l’opinion. La réactivation de la machine de propagande est peutêtre le signe d’une préparation de l’opinion au fait que d’autres conquêtes territoriales pourraient suivre.

« Traditions historiques » La propagande assénée à longueur de journée à travers le petit écran porte ses fruits. Selon un dernier sondage du centre Levada, 88% des personnes interrogées approuvent la prise de la Crimée et 7% la désapprouvent; 62 % la voient comme un acte indispensable à la défense des russophones menacés, alors qu’aucun incident de ce type n’a eu lieu sur la presqu’île de la mer Noire multiethnique (Russes, Ukrainiens, Tatars, Grecs, Arméniens). Pour compléter le tableau, le président Vladimir Poutine a signé, lundi 24mars, une directive visant à restaurer la formation sportive et militaire des citoyens russes de 6 à 60 ans. Mis en place par Staline en 1931 et dispensés jusqu’à l’effondrement de l’URSS, en 1991, ces cours, appelés en russe GTO (l’abréviation de «Prêt au travail et à la défense») formaient écoliers et adultes au maniement du kalachnikov, au lancer de grenade, à la course à pied, à la natation… « Cette formation retrouvera son ancien nom, hérité de nos traditions historiques», a martelé M.Poutine lors d’une réunion du Conseil pour le développement du sport, le 24mars, rappelant que « plusieurs générations de personnes saines et énergiques» en avaient autrefois bénéficié. p

comme lui. Et de ne pas abandonner les quelque 70% qui n’ont pas voté FN, quand bien même ils habitent dans la mauvaise ville. Le paradoxe est qu’Olivier Py imagine des pièces qu’il veut pour tous. Louable quand on sait que le théâtre est de moins en moins populaire et touche de moins en moins les gens défavorisés, comme si le rêve réalisé de Jean Vilar, le fondateur d’Avignon, s’évanouissait. C’est aussi vrai du livre ou des expositions. Mais, avec cette attitude du « restons entre nous» ou du « vous ne méritez pas», Py creuse un peu plus le fossé et donne des armes à ceux qui dénoncent une culture d’Etat, élitiste, tenue par une caste et destinée à une minorité, une culture qui mépriserait ceux qui ne la comprennent pas. Des acteurs culturels d’Avignon ont dit au contraire qu’ils resteront pour «se battre». La ministre de la culture, Aurélie Filippetti, les a soutenus: « Nous serons vigilants et intraitables vis-à-vis du FN.» Combat perdu d’avance, leur a rétorqué Alain Timar, directeur du Théâtre des Halles: « Mes valises sont prêtes», a-t-il confié, allant dans le sens d’Olivier Py. Quand il est question du FN, les mots des acteurs culturels sont guerriers: bataille, résistance… Il faut les comprendre. Ils citent souvent

les précédents des quatre villes du Sud conquises par le FN dans les années 1990 : Vitrolles, Toulon, Marignane et Orange. Le Monde avait publié deux longues enquêtes, les 8février et 18octobre 1997, prolongées par une autre dans Mediapart en 2012. Il y est plus question de censure que de politique culturelle, à travers des tas d’exemples: associations asphyxiées, subventions supprimées, lieux fermés, responsables écartés, Festivals attaqués, livres censurés… A Toulon, des écrivains d’extrême droite ont été invités à la Fête du livre, rebaptisée Fête de la liberté du livre. Le maire (de 1991 à 2001) JeanMarie Le Chevallier a surtout mené une bataille terrible contre le fondateur du centre national de danse à Châteauvallon, Gérard Paquet, qui lui a fait l’affront de refuser sa subvention. Résultat? Paquet viré.

« Musique de dégénérés » A Vitrolles, Catherine Mégret, maire de 1997 à 2002, a coupé les vivres du bar musical Le SousMarin et en a fait murer l’entrée. On y jouait du rap, qualifié par l’élue de « musique de dégénérés, développant les mauvais instincts de la jeunesse». Marignane est fortement intervenu sur sa bibliothèque: suppression d’abonnements à Libération ou à La Marseillaise (communiste) pour les remplacer par des revues ou livres d’extrême droite. A Orange, le maire Jacques Bompard – il est toujours en place mais plus sous l’étiquette FN – s’en est pris aux Chorégies et au centre culturel Mosaïques, qualifié de «structure malodorante dont il faut se débarrasser». Sinon, le truc des villes FN, c’était de changer le nom des rues et places. A Vitrolles, la place Nelson-Mandela est devenue place de Proven-

ce. L’avenue Jean-Marie-Tjibaou (leader kanak) est devenue Jean-Pierre-Stirbois (responsable du FN), l’avenue Salvador-Allende est devenue Mère-Teresa. Aujourd’hui, le FN jure qu’il a changé. Qu’un maire sera d’abord gestionnaire. Ces polémiques «appartiennent au passé», a confié Philippe Lottiaux au Monde. Même discours pour l’adjoint à la culture d’Hénin-Beaumont (Pas-deCalais), gagné par le FN dès le premier tour: « Il n’y aura aucune chasse aux sorcières!» Est-ce vrai? Des politologues ne voient plus le FN mener de telles ingérences dans la vie culturelle des villes. Reste cette hostilité ancienne du FN au monde culturel, qui le lui rend bien. Il y a aussi de profondes oppositions esthétiques. Et puis des indices peuvent inquiéter, recensés par notre confrère Frédéric Joignot, dans le cahier « Culture & idées» du 22 mars, titré «La culture touche le Front». A Reims, JeanClaude Philipot, directeur de campagne du candidat FN, qualifiait en 2013 le Fonds régional d’art contemporain de Champagne-Ardenne d’« écrin pour de la merde ». A La Roche-sur-Yon, la candidate FN, Brigitte Neveux, désignait les danseurs nus de Tragédie, du Canadien Olivier Dubois, de « totalement décadents». A Lyon, Christophe Boudot décrivait la Fête des lumières, dans le journal d’extrême droite Présent, en novembre2013 : «Ce n’est plus la fête de Marie ni de l’Immaculée Conception, c’est la “Fête des lumières” de Gérard Collomb qui gère la ville avec ses réseaux francs-maçons.» Bon, disons que c’est mal parti… Mais ce n’est pas une raison pour Olivier Py d’abdiquer. p guerrin@lemonde.fr

MUNICIPALES

LUNDI 31 MARS SECOND TOUR

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ÉDITION SPÉCIALE Les résultats détaillés ville par ville.

CAHIER SPÉCIAL

Marie Jégo (Moscou, correspondante)

Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeur adjoint des rédactions Michel Guerrin Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président

pTirage du Monde daté jeudi 28 mars 2014 : 349 869 exemplaires.

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