Larrisolidaire n°1

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MAI 2006

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é ditorial

Fabricants de solidarité

Combien de nos voisins connaissonsnous ? Que savons-nous d'eux ? Alors que nous les croisons tous les jours, nous ignorons souvent qui ils sont, ce qu'ils font, ce que nous pourrions partager avec eux. N'est-ce pas l'une des causes du "malaise dans les banlieues" ? Heureusement, aux Larris comme dans d'autres quartiers semblables, quantité de personnes multiplient les initiatives pour rapprocher les gens. Certaines vous sont présentées dans ces pages. Car ce journal est né pour les faire connaître et, ainsi, pour créer un lien entre tous ceux qui, habitant ou travaillant ici, souhaitent mieux vivre ensemble. Il a été réalisé par 15 jeunes demandeurs d'emploi issus du quartier ou de ses environs, qui se sont impliqués pour le faire exister, pour donner une voix aux Larris. Vous aussi pouvez déjà faire vivre LarriSolidaire : en allant sur son site internet (voir adresse en bas de page), vous retrouverez les articles figurant dans ces pages, mais aussi d'autres, et aurez la possibilité d'y réagir... À votre tour, participez !

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Renouveau du quartier

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Festival De Passage

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Ils habitent les Larris

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'Espace Intergénérationnel et le Centre Social Assofac ont chacun un statut particulier : l'un dépend du Service Municipal de la Jeunesse, l'autre est une association affiliée à la fédération des Centres Sociaux. "Le Centre Social des Larris a pour mission de favoriser et d'organiser des rencontres entre habitants, en vue d'améliorer leur vie quotidienne", explique Anne Desbois, qui y travaille comme animatrice. Elle précise : "Ce n'est pas parce qu'il y a social dans le terme que c'est forcément pour les gens en difficulté. C'est pour tout le monde, et justement pour faire en sorte que tout le monde se rencontre et se connaisse, qu'on avance ensemble". "Notre fil conducteur, c’est de travailler à l'accompagnement des personnes, de les aider à devenir autonomes et à s’intégrer dans la société française", ajoute la directrice Morgane Péron. "L'espace InterG a été créé en réponse à une demande de la population des Larris, dans le cadre des contrats politiques de la ville", rappelle sa responsable Emmanuelle Baraquin. "Comme son nom l'indi-

que, son objectif est de susciter des rencontres intergénérationnelles, mais aussi interculturelles, afin de promouvoir les valeurs de justice, d’égalité et de solidarité. Pour cela, nous nous appuyons sur les activités de loisirs comme tremplin pour échanger, faire émerger des projets... Nous jouons aussi le rôle de relais pour répondre aux gens que nous recevons, qui ont des besoins en matière d’accompagnement scolaire et d’aide à l’intégration".

Agir de multiples façons Les deux structures interviennent sur des points proches, mais chacune peut se spécialiser dans certains aspects particuliers. Premier volet : favoriser l'intégration. En premier lieu, par l'accompagnement éducatif. Dans le suivi de la scolarité des enfants, le Centre Social intervient, au-delà de l'aide aux devoirs, sur la recherche de solutions adaptées pour inscrire l'enfant dans un processus de réussite scolaire plutôt que de

Nouvelle vie pour le Centre Commercial des Larris

s OMMAIRE Mieux vivre ensemble

Faciliter les rencontres et favoriser le dialogue entre les habitants des Larris, aider à s'intégrer ceux qui ont des difficultés... De nombreux acteurs s'emploient ainsi, dans le quartier, à recréer du lien social pour mieux vivre ensemble. Portrait de deux d'entre eux.

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Un projet innovant vise à y implanter des commerces et des services plus proches des besoins des habitants.

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evitaliser le centre commercial des Larris et, à travers lui, la vie du quartier : c'est le but du projet Equitess, né à l'initiative de l'association Terroirs du Monde, à laquelle se sont joints plusieurs acteurs du quartier. Ce projet vise à créer un pôle d'économie solidaire regroupant divers commerces et services de proximité : • vente de produits alimentaires et artisanaux issus du commerce équitable, • restauration collective et cuisines du monde, • jeux du monde entier (fabrication, pratique, vente),

• confection et vente de textiles du monde, atelier couture et retouche de vêtements, • vente et diffusion de produits culturels (livres, disques, films, revues, journaux…), • aide aux familles pour mieux vivre au quotidien avec un enfant handicapé, • rencontres, informations, échanges, élaboration et animation d’évènements et de manifestations, accompagnement de projets individuels et collectifs… • information citoyenne et participative sur le quartier (radio, télé, Suite page 4 journal)...

lutte contre l'échec. Un groupe de parents se met d'ailleurs en place, pour échanger sur les divers problèmes qu'ils rencontrent dans l'éducation des enfants et des adolescents. Pour ce qui est des adultes, le centre social organise des cours pour lever les difficultés de la langue française orale et écrite. Ensuite, il aide les personnes à constituer certains dossiers administratifs, régler des problèmes juridiques... en les orientant vers les services concernés ou d'autres acteurs relais. Dans la mesure du possible, elles sont accompagnées jusqu'au bout de leurs démarches. Enfin, il valorise la personne et lui donne les capacités d'être autonome dans la société française. Deuxième volet : favoriser les rencontres à travers l'accès à la culture, aux loisirs... L'interG et le Centre Social organisent des activités pour découvrir de nouveaux lieux ou loisirs : journées à la mer, parcs d'attraction, expositions, théâtre... L'InterG travaille particulièrement sur l’association du ludique et du pédagogique, en organisant, par exemple, un atelier informatique ludo-éducatif pour tous publics. Suite page 2

De Passage : les Larris au top

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omme chaque année, la ville de Fontenay-sous-Bois a organisé le festival De Passage. Cette neuvième édition s'est tenue du 7 au 23 avril, avec pour thème : Partageons nos cultures. Les artistes des Larris y figuraient en bonne place : le concertconcours du 11 avril comptait parmi ses participants les rappeurs Jack Malone et Nicodem, et la chanteuse de r'n'b Sabrina, qui a remporté la compétition. Cette victoire lui a valu l'honneur de passer en première partie du multi-concert du 19 avril, dont les têtes d'affiche étaient Singuila et Kayliah, chanteurs de r'n'b bien connus.

Enfin, une mention spéciale pour l'association 8ème sens, qui fait la promotion du slam, forme d'expression artistique essentiellement vocale, née aux USA voici quelques années, et qui se développe à présent en France. 8ème sens a présenté le concours évoqué cidessus et a assuré un spectacle au Cezam Café le 20 avril à Paris. Trois artistes emblématiques des Larris, Nicodem, Sabrina et Émeric, ont participé au festival et sont à l'honneur dans ce premier numéro. Nos remerciements à Marion et Noira du SMJ qui nous ont permis de couvrir l'ensemble de la manifestation. Suite page 5

Retrouvez le journal et réagissez aux articles sur www.larrisolidaire.net


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mieux vivre ensemble Fabricants de solidarité

Hormis le travail qu'ils accomplissent ensemble, l’InterG, structure municipale, travaille bien sûr avec plusieurs services et établissements municipaux, et a vocation à fédérer l'ensemble des associations du quartier. L'Assofac s'oriente prioritairement vers des acteurs intervenant spécifiquement dans les champs éducatifs et sociaux : les établissements scolaires et les centres de loisirs qu'ils hébergent, les relais sociaux comme la PMI , l'association des locataires, l'association des parents d'élèves... De plus le centre social des Larris est adhérent de la fédération des centres sociaux du département. Ce réseau permet des échanges de pratiques et de formations avec les différents partenaires sociaux, mais aussi une remise à niveau des pratiques, car d'une année sur l'autre, les actions, les usagers et bénéficiaires ne sont pas forcément identiques, une réadaptation est donc nécessaire.

Faire participer les habitants Pour l'aide aux devoirs, l'InterG bénéficie de l'intervention de salariés : de la Fnafa (Fédération Nationale des Associations FrancoAfricaines) pour les élèves de primaire, du Pij (Point Information Jeunesse) pour les collégiens. De son côté, l’Assofac fait appel à des bénévoles. "Il n'y a pas de tri sur le volet", affirme Anne Desbois, "mais si des doutes persistent envers un bénévole, aucun risque n’est pris pour l’attribution d’une responsabilité, en particulier avec les enfants". Indispennsables aux activités de l'association, les bénévoles – une quinzaine pour l'ensemble des activités du centre social – sont étroitement associés à son fonctionnement : "Une fois entrés en contact avec nous, nous leur présentons notre projet dans son ensemble. L'idée n'est pas qu'ils interviennent ponctuellement sur une activité – aide aux

suite de la page 1 devoirs, alphabétisation, loisirs... – mais bien dans un cadre général, où le travail s'effectue en coordination avec d'autres structures, pour pouvoir affronter et régler les problèmes dans leur globalité", détaille Anne. "Pour les aider à s’adapter au milieu, et pour qu'ils se sentent à l'aise, on privilégie le travail en binôme. L'idéal serait que les bénévoles soient des habitants du quartier, mais dans la réalité, ils proviennent de toute la ville". L'un de points essentiels pour créer du lien social, c'est donc la participation des habitants, sans lesquels rien ne peut se faire. Les acteurs qui y travaillent aux Larris affirment tous chercher à associer le plus de gens possible à leur démarche. Mais comment parvenir à les toucher ? Ainsi pour recruter ses bénévoles, l'Assofac passe notamment par les panneaux lumineux, la gazette minicipale et des affiches apposées dans des structures partenaires. "On a beau multiplier les documents, les affichages, les messages passent mal", constate Emmanuelle Baraquin . "Je me balade aussi dans la rue pour communiquer l'information, car les messages écrits ne sont pas suffisamment lus et compris. La communication est quelque chose de très important ici, et elle est très difficile à mettre en place. Un besoin auquel LarriSolidaire peut apporter une réponse... Thomas Z.

EMMANUELLE

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esponsable de l'Espace Intergénérationnel, Emmanuelle Baraquin a pris en charge cette structure originale après avoir vu du pays. Elle a fait toute sa scolarité à Fontenay-sousBois, puis est allée à la "fac" à St-Denis, finançant ses études grâce à des petits boulots : animatrice, garde d'enfants... Deug de Langues Étrangères Appliquées, Apers en gestion administrative du personnel, BTS tourisme : "J'ai trois bac + 2, mais cela ne me sert pas pour ce que je fais aujourd'hui ", ironise-t-elle. Son engagement sur le terrain de l'action de quartier n'est pas nouveau. Elle a d'abord obtenu un CDI en tant qu'animatrice de quartier : "J'ai participé à la réalisation de la toute première antenne info-jeunes aux Larris, il y a environ 20 ans". Au bout d'un temps, cette exploratrice donne sa démission pour partir en Gambie durant un an et demi, en 1987, "à l'affût de découvertes ethniques". C'est d'ailleurs grâce à ses voyages qu'elle rencontre l'homme qui partage sa vie depuis vingt ans et avec qui elle a deux garçons de 14 et 15 ans, "passionnés de sports et de musique, avec un très large éventail qui va du Rap aux 4 saisons de Vivaldi". Puis elle revient à Paris, pour travailler comme accompagnatrice dans une agence de voyage pendant deux ans. "J'aimais organiser des voyages en groupe, mais surtout pour le contenu : le commerce c'est pas mon truc ! Il m'était difficile de vendre du soleil, du sable et des palmiers qui ne m'appartenaient pas".

FAIT PARTICIPER

Au final, elle revient à Fontenay, pour occuper durant neuf ans un emploi de ludothécaire, utilisant les jeux en famille avec les enfants dans le but d'aborder des questions sociales. Participant aux réunions de quartier, elle propose sa collaboration à la mise en place de l'Espace Intergénérationnel. La municipalité lui fait confiance : la structure ouvrira en avril 2004. "Ce concept est unique à Fontenay", revendique Emmanuelle, "et le besoin s'en faisait ressentir auprès de toutes les personnes et de tous les âges, car c'est la seule structure intergénérationnelle de la ville et la seule municipale aux Larris".

Changer les regards

Son objectif, c'est d'améliorer le quotidien de tous dans ce quartier de 8000 habitants, qu'elle aime. Et cela passe par "changer le regard de certains adultes sur les jeunes, qu'ils apprennent à les connaître, cessent de les considérer systématiquement comme des voyous" ; mais aussi "faire évoluer le regard des jeunes : ils sont dans une phase de développement impliquant tant de préoccupations qu'ils n'ont pas le temps de prendre assez de recul pour développer leur tolérance naturelle et accepter que les adultes pensent différemment. Leur âge fait qu'ils sont en rébellion. Nous devons les aider à passer cette période, avec le moins de conflits possible, que cette phase nécessaire soit constructive pour leur avenir". Vanessa Quartararo

bénévoles, les ateliers de socialisation de base : découverte de la société et de la langue française pour les personnes d'origine étrangère qui ont des difficultés. Enfin elle organise les activités familiales : sorties, soirées en famille, ateliers pour les enfants de 8 à 12 ans, loisirs pour les jeunes collégiens. "On touche très peu les adolescents et les jeunes majeurs, plus attirés par l'espace InterG, dont les activités correspondent mieux à leur tranche d'âge".

Animation et mathématiques

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ACCOMPAGNE

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nimatrice socio-culturelle au Centre Social Assofac, Anne Desbois assure plusieurs missions. En premier lieu, elle encadre et coordonne l'accompagnement à la scolarité pour les enfants d'école primaire et les collégiens ; pour cela, elle s'occupe en particulier des bénévoles impliqués et du lien avec les écoles. Elle anime aussi, avec deux

Son parcours scolaire n'a pas grand chose à voir avec son emploi actuel. Elle a passé une licence de mathématiques afin d'être professeur au collège. "Mais vu que la meilleure des formations était d'aller près de chez moi pour travailler avec des collégiens et autres enfants, je me suis prise au jeu : j'ai commencé en tant que bénévole à l'Assofac pour l'accompagnement scolaire et je n'en suis plus repartie. J'avais toujours fait de l'animation, mais plus comme un loisir ; j'ai réussi à concilier cette

Vues sur les Larris

On entend souvent dire que les Larris ont mauvaise réputation. Quelle est la réalité ? Ceux qui y travaillent et qui s'investissent au service des habitants en ont une vision positive : ils pensent que l'ambiance du quartier est plutôt bonne et, en tout cas, en progrès. Ceux qui y résident ont un avis plus partagé : chacun voit midi à sa porte...

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omment les habitants des Larris ou les personnes qui y travaillent ressentent-ils leur quartier ? Sans doute mieux que ne le laisserait supposer sa réputation, pas toujours positive. Mais pour Brigitte Heimroth, responsable de la politique de la ville à Fontenay, "des gens extérieurs au quartier, par exemple la presse, parlent d'émeute au moindre feu de poubelle. Du coup, la Chambre de Commerce et d'Industrie du Val-de-Marne a constaté que les commerçants refusaient souvent de venir s'installer dans le centre commercial des Larris. Or, selon le commissaire de police, ce n'est pas le quartier le plus difficile, mais il est proche de la gare RER, qui connaît une très forte affluence, et du lieu de tentation qu'est le centre commercial du Val-de-Fontenay ; voilà où se concentre la délinquance". Deux facteurs principaux expliquent qu'un sentiment d'insécurité ait pu s'installer aux Larris, comme dans beaucoup de banlieues : • un habitat, dense et vertical, oppressant, hérité de la politique d'urbanisation menée par l'État dans les années 60 ; si Morgane Péron, directrice du Centre Social Assofac trouve "le quartier agréable à vivre, on peut avoir un autre sentiment lorsqu'on y vit au 17ème étage. Être entassé, c'est dur" ; • l'absence de mixité sociale inhérente à la politique de logement de la ville de Paris, qui possède deux tours de HLM et qui, jusqu'au changement d'équipe municipale survenu en 2001, reléguait systématiquement à Fontenay-sous-Bois les personnes qu'elle considérait comme indésirables dans la capitale. Cette ségrégation a eu des effets

aggravants du fait de l'exclusion croissante qui frappe les populations les plus modestes.

La vie en gris...

En effet, dans de telles circonstances, la vie quotidienne de chaque habitant influe sans doute sur sa vision du quartier. Ainsi Marcellia, mère célibataire de 3 enfants âgés de 2 à 22 ans, logée en HLM rue Jean Macé depuis 21ans, a le souvenir d'une époque où "il y avait tous les jours des voitures incendiées", même si elle reconnaît que "la situation s'est améliorée". Et aujourd'hui ? "On travaille et donc on n'a pas le temps. On rentre chez soi, on ferme à clef. On dit bonjour à ses voisins, c'est tout". Une absence de contact que déplore également Nadine, qui vit aux Larris depuis 10 ans. Elle n'a pas remarqué de changement : "On ne transforme pas un quartier en mettant un coup de peinture sur les immeubles". "Le quartier souffre d'une mauvaise image", constate Anne Desbois, animatrice au Centre Social, "mais nous travaillons à la changer, à faire ressortir les

activité et ma passion pour les mathématiques. J'ai préféré le centre social à l'Éducation Nationale car j'ai plus de liberté, plus de liens avec les parents et l'occasion de faire des sorties intéressantes avec les jeunes". Anne n'a pas pour autant abandonné les mathématiques puisque que l'Assofac a créé un club sur le sujet pour ceux qui ont des difficultés au collège. La transition d'un métier à l'autre n'a pas été immédiate, comme Anne en témoigne : "Au début, je n'avais qu'un Bafa (Brevet d’État à la Fonction d’Animateur). Or la mission d'un centre social, c'est la participation des habitants et cela ne s'improvise pas. J'ai donc fait une formation complémentaire et passé mon Beatep (Brevet d'État d'Animateur Technicien d'Éducation Populaire)". Les fonctions qu'elle assure l'ont obligée à évoluer : "Je suis toute seule, donc il faut être très polyvalente, mais aussi savoir faire des choix sur certaines actions, car je ne peux pas en mener deux simultanément". Eddy Boura valeurs, les richesses qui s'y cachent. Pour un quartier classé prioritaire, il y règne le respect, même s'il y a quelques incivilités. Les grands frères veillent sur les plus petits, il y a du lien entre voisins"... "Un sentiment d'appartenance s'est développé parmi les habitants, il y a un véritable esprit de solidarité", poursuit sa collègue, Morgane Péron.

... ou en rose !

D'autres habitants du quartier, bien plus optimistes, développent un regard franchement positif. Ainsi Catherine : "Mes collègues ne partagent pas tous mon choix d'habiter en HLM. Je leur explique que je me sens parfaitement en sécurité ici. Je promène mon chien matin et soir, il ne m'est jamais rien arrivé, les gens sont tout à fait charmants". De même JeanPhilippe Gautrais, président de l'association Terroirs du monde, qui travaille à la revitalisation du centre commercial du quartier et fait partie du jury pour le projet de requalification : "J'ai grandi aux Larris, j'aimerais pouvoir y rester pour l'esprit de village, la verdure, la proximité de Paris par le RER. Ce n'est pas toujours facile, mais malgré la population très diversifiée , les gens se côtoient facilement". Laissons le mot de la fin à Emmanuelle Baraquin, directrice de l'interG : "Il faut croire en les gens et valoriser leur quartier ; les Larris, ce n'est pas la jungle !" Sandrine Falcato


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ils habitent les Larris

mieux vivre ensemble

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Les Larris en quelques chiffres À l'occasion du lancement du journal, un questionnaire a été réalisé auprès d'une centaine d'habitants du quartier pour mieux les connaître : leurs loisirs, la façon dont ils s'impliquent dans la vie locale, les lieux qu'ils fréquentent, leur activité et, enfin, leurs propositions pour "mieux vivre ensemble". Voici les résultats, classés par tranches d'âges. Retrouvez ce questionnaire sur le site internet du journal (www.larrisolidaire.net) et contribuez à enrichir ce "portrait".

Ils tracent au Val

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Loisirs

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10 Sport Culture

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Autre 0 -18

Implication dans la vie locale

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Participation au journal 0 -18

Lieux fréquentés Commerces Sport

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Culture Lieux publics

es Rythmik Crew pratiquent "l'art du déplacement" dans leur quartier, où ils sont bien connus pour leurs acrobaties impressionnantes et exceptionnelles : sauts de chat, back-flips , sauts du voleur, sauts de bras, sauts de détente, etc. Avec des variantes originales : sur des murs, contre des voitures, ou entre des barrières. Le groupe Rythmik Crew est composé de 6 "traceurs", qui se servent de leur quartier comme d'un vrai champ d'entraînement. Pour eux le "Parkour" c'est la ville : toits, balcons et escaliers publics forment le circuit de cette spectaculaire course d'obstacles. C'est un terrain de jeux et l'architecture moderne un mur d'escalade. Le "Parkour", c'est à la fois un sport en vogue, un art et un nouveau mouvement de jeunes. Plus qu'un simple parcours d'obstacles, c'est aussi le moyen d'avoir une certaine liberté d'expression. Une liberté qu'ils ne trouvent nulle

part ailleurs. Leur objectif : se déplacer sans limites et sans règles dans l'espace. Une liberté de mouvement qu'ils ne peuvent exercer que dans les airs. Leurs motivations : les sensations fortes, l'entretien physique et l'esprit de liberté. Comment leur est venue cette passion ? " Quand j'étais petit", raconte Vincent, "je m'amusais à sauter un peu partout dans mon quartier. Et puis j'ai vu le film Yamakasi et cela m'a incité à

aller plus loin. C'est à ce moment-là que j'ai vraiment commencé à pratiquer l'art du déplacement". Au début chaque membre du groupe s'exerçait de son côté. Ils se sont rencontrés un peu par hasard, par le biais d'amis, et se sont aperçus qu'ils avaient ça en commun. "Alors on s'est mis d'accord pour fonder un groupe et faire de cette passion notre activité sportive", rapporte Jérôme. Les Larris restent leur terrain d'élection : "Comme on habite pratiquement tous le quartier", explique Anthony, "on aime rester là ou dans les environs, mais on est déja parti à la Défense, par exemple, histoire de changer de coin. Le problème est que l'on manque de moyens, ce qui nous restreint dans nos déplacements". Bien sûr, ces voltigeurs voient plus loin. D'après Mickaël : "on a commencé par créer un blog sur internet pour présenter notre activité, avec des vidéos, des photos commentées et expliquées en détail, mais vu nos moyens, on ne peut pas en faire plus pour l'instant". Jérémie Pégorier

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Activité professionnelle 30 Commercial Tertiaire

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Associatif, social Fonction publique

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Commerces Fêtes

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Quelles solutions pour améliorer la vie du quartier ? 20

Communication Cuisine Réhabilitation immeubles

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Réunions Activités Aide aux pers. en difficulté

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Nadine a le goût des autres

près 15 ans dans une banque, Nadine, 42 ans, mariée, trois enfants, a quitté cet emploi : elle en avait assez "d'appeler les gens qui n'avaient pas d'argent sur leur compte et de leur demander ce qu'il comptaient faire". Aujourd'hui, elle s'occupe avec son mari de leur entreprise de plomberie et, en parallèle, fait de l'aide à domicile : pour l'instant, elle s'occupe de deux personnes âgées. Elle a l'intention de monter une association d'aide à la personne, dont les statuts sont déjà prêts. "J'ai toujours aimé aller vers les autres. J'ai plus particulièrement choisi les personnes âgées car cela me plaît, mais aussi parce que beaucoup finissent leur vie seules chez elles, sans que personne ne s'en soucie". En tant qu'aide à domicile, Nadine a le droit de s'occuper des personnes âgées de moins de 70 ans et des enfants de plus de 3 ans. Son travail avec les personnes âgées consiste à préparer leurs repas, à les aider à manger et à faire leur toilette:

"c'est juste les aider à se mettre dans la baignoire, à prendre un gant ou des choses comme ça". Elle s'occupe aussi de leurs sorties : "je suis véhiculée, donc je peux les promener, les emmener chez le kiné, le coiffeur, etc". Ou bien aller chez elles, tout simplement pour faire une heure de ménage... Il peut lui arriver de faire un accompa-

gnement de nuit ou de les aider à faire leur toilette le soir. Depuis dix ans qu'elle habite aux Larris, Nadine n'a pas remarqué d'amélioration : "On ne peut pas changer un quartier en mettant un coup de peinture sur les immeubles. À mon avis, il y a un grand travail de fond à faire". Dans l'immeuble où elle réside, les relations sont plutôt bonnes entre les gens : "On s'invite, on fait des pots, on se rend service. On m'aide si j'ai des problèmes avec les enfants ; de même, si la voisine a mal au dos, je l'aide à faire ses courses... Mes voisins sont pratiquement devenus des amis". En dehors de l'immeuble, Nadine pense que les gens gardent leur distances : "c'est sûr que quand on promène son chien et qu'on croise d'autres personnes qui en font autant, on discute de nos animaux ; alors si après on se revoit dans la rue, on va se dire bonjour naturellement. Mais ça s'arrête là" ! Nadine regrette qu'on vive "dans un monde d'égoïstes, où c'est chacun pour soi et où on ne s'intéresse pas à son voisin : les gens n'ont plus le temps... Entre les transports et le boulot, ils courent sans arrêt. On a perdu la convivialité... La discussion, le dialogue, c'est la base" ! Kahina Kezzouli


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renouveau du quartier JEAN-PHILIPPE

FÉDÈRE

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Nouvelle vie

pour le Centre Commercial des Larris

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Encore en phase de gestation, le projet a plusieurs objectifs dans l'immédiat : • faire participer les habitants et leurs associations, • maintenir et améliorer les commerces existants, • poursuivre un partenariat responsable avec les acteurs politiques et administratifs de la ville concernée, • faire valoir et soutenir les projets de chacun, autant ceux qui trouveront leur place dans l’espace commercial actuel que les autres…

Projet lié à l’économie solidaire

Les membres du collectif et porteurs de projets veulent aussi envisager les commerces et services autrement. Ils optent en particulier pour l'initiative collective plutôt qu’individuelle, un mode de gestion associatif, coopératif et démocratique ; ils visent la prise en compte des attentes et besoins des habitants, l'accès du plus grand nombre aux produits, activités et services, la création d’emplois favorisant l’insertion ou la réinsertion de personnes qui en sont privées, avec une attention envers celles qui connaissent des difficultés particulières ; enfin ils recherchent la reconnaissance et la valorisation de la diversité culturelle et générationnelle, l'ouverture sur la ville, le pays, le monde… Leurs valeurs fondamentales sont donc fort différentes de celles de l'économie classique : solidarité, dialogue, tolérance, citoyenneté, insertion… et utopie, revendiquée comme un droit à imaginer et expérimenter des solutions nouvelles, inédites, là où les anciennes ont échoué. L’idée n’est pas pour autant d’opposer, dans le cadre du projet, économie solidaire, secteur privé marchand et service public. Il s’agit de faire reconnaître que chacun a sa place, que la complémentarité – et non la concurrence – peut être un facteur de réussite pour redonner de la vie et du sens à cet espace de quartier. Plutôt qu'être une nouvelle forme de consommation, les services solidaires veulent contribuer à une construction collective de la société. On trouve dans de nombreuses régions

françaises des initiatives équivalentes ou proches des commerces et services envisagés aux Larris, obéissant à une logique d’économie solidaire. Equitess, cependant, est particulier car il n’existe pas d’équivalent en France. Tout est donc à construire et à inventer en terme de pôle d’activité ; pour y parvenir, la mise en œuvre du projet s'appuie sur une mission d'expertise qui réunit trois structures complémentaires spécialisées dans la recherche socio-économique. Intervenant pour l'une d'entre elles, l'Agence pour le Développement des Services de Proximité, Guy Michel remarque : "Les deux types de ressources – publiques et réciprocitaires – qu'intègre l'économie solidaire (voir encadré) sont confortées dans le projet Equitess par celles qui vont provenir de la vente des produits et des services aux habitants. Mais si cette combinaison, alliée au fait qu’il n’y a pas de recherche systématique de bénéfices, peut permettre de fixer des prix moins élevés, il reste", précise Guy Michel, "que l’économie solidaire doit encore inventer des solutions pour que les habitants aux revenus modestes ou vivant de minima sociaux accèdent à des produits et des services de qualité, au même titre que les autres". Et de conclure : "Ceci n’est pas un problème propre à l'économie solidaire : les services privés marchands n'ont guère la possibilité de traiter cette question. On peut donc s’étonner que l’État lui même organise, dans le cadre du plan Borloo, l’accès aux services à la personne de façon à privilégier les seuls ménages imposables et à hauts revenus" ! Katia Lamrani

Économie solidaire Contrairement à ce que l'on croit le plus souvent, l’économie de marché est très loin d’occuper tout le terrain de l’économie : elle n’en est que la partie “émergente” en termes de visibilité médiatique, dominante et relativement déconnectée des logiques de territoires, puisqu'elle fonctionne de plus en plus à l'échelon mondial. C’est celle qui impose ses normes par le biais de l’Organisation Mondiale du Commerce et dont les idéologues voudraient faire croire à une homogénéité totale, voire totalitaire, de la chose économique. L'économie solidaire cherche à recomposer les rapports entre l'économique et le social en s'appuyant sur des ressources, d'une part, monétaires marchandes (vente de biens, produits et services) et non marchandes (aides financières et publiques) et, d'autre part, non monétaires (bénévolat, contribution volontaire en temps, compétences, savoir-faire). L'une de ses forces est en effet de pouvoir compter sur l’engagement volontaire de personnes qui apportent un concours bénévole dans la construction des projets, leur mise en œuvre et leur fonctionnement au quotidien. Il ne s’agit pas pour autant d’imposer un travail non rémunéré qui se substituerait à l’emploi salarié. D’ailleurs, dans l’économie solidaire, ces deux formes d’engagement sont complémentaires et se renforcent mutuellement. En référence au prix Nobel indien de l’Économie, Amartya Sen, les tenants de l'économie solidaire pensent que le défi actuel est de "bâtir une économie productrice de richesses, mais pas assujettie à la rémunération du capital", une économie "au service de l’humanité".

cteur de terrain, impliqué dans des instances de démocratie participative, Jean-Philippe Gautrais est bien connu dans le quartier pour être à l'origine de l'association Terroirs du Monde, qui gère la boutique de commerce équitable du même nom, et du projet Equitess. À 25 ans, il est titulaire d'un mastère en ingénierie de projet de développement local et d'économie solidaire, qu'il a obtenu à l'université de Valenciennes. Il compte quantité d'expériences enrichissantes à son

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nitié voici dix ans, le projet de requalification des Larris est enfin sur le point d'aboutir. Ce long délai s'explique en particulier par la difficulté à obtenir les financements de L'Anru (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine), qui privilégie les quartiers classés "Zone Urbaine Sensible" ; ce n'est pas le cas des Larris, mais elle a néanmoins accordé une dérogation pour le quartier. L'idée majeure du projet est de revoir complètement les circulations pour remédier aux défauts hérités des conceptions urbanistiques des années 60 – 70 ; en particulier d'ouvrir l'accès aux dalles piétonnes, très peu fréquentées et, en cela, source d'un sentiment d'insécurité. Il s'agit aussi de favoriser l'accès au centre commercial (dont beaucoup de résidents ignorent même l'emplacement !) et de réhabiliter les parkings, très peu occupés, aboutissant à ce que trop de voitures stationnent en extérieur, rendant la circulation dangereuse.

Démarche participative

La ville a tenu à associer les résidents à l'élaboration et au choix du projet. En effet, s'il est obligatoire de constituer un jury d'acteurs de terrain pour ces opérations de requalification très réglementées, rien n'oblige à y faire figurer des habitants. Ainsi, les diagnostics à l'origine du projet ont été établis à partir d'avis recueillis en Conseils de Quartier et enrichis par ceux des gardiens d'immeuble,

actif : il a travaillé comme surveillant de collège, animateur de centre de loisirs ; mais il a aussi été secrétaire d'une instance

Requalification des Larris : les habitants impliqués

agents locaux de médiation sociale, enseignants, commerçants ; des données statistiques complémentaires ont été obtenues auprès des bailleurs, dont certains ont eux-mêmes organisé une consultation de leurs locataires. Une fois franchie cette première phase, les grandes lignes du projet ont été posées par les services de l'Urbanisme et de la Politique de la Ville. Puis des entreprises consultées pour, au final, aboutir à trois propositions présentées à la population début avril 2006, afin de tenir compte de ses remarques. Puis le jury s'est réuni pour choisir le projet définitif, moyennant quelques modifications. Celui-ci sera présenté aux habitants courant

François mène une vie pleine d'animations Persévérance et polyvalence sont de précieuses alliées pour vivre de sa passion. En témoigne François, 32 ans, graphiste. Après avoir travaillé dans la vente de papeterie et de presse, puis s'être engagé dans l'armée, qu'il a quittée au bout de deux ans et demi, il s'est lancé dans ce qui l'avait toujours attiré : "Je dessine depuis que je suis tout petit", ditil. En réactivant ses contacts dans l'édition, il a abouti dans le milieu des jeux vidéo. "J'ai eu la chance de rencontrer des gens grâce auxquels j'ai connu une période faste et créative : j'ai notamment pu travailler en tant que directeur artistique pour des jeux vidéo très connus". Mais cette époque a pris fin et François a dû reléguer sa passion en arrière plan pour assurer sa vie de tous les jours.

régionale du Conseil National de la Jeunesse, où il s'occupait des relations avec les cabinets des ministres et animait des débats avec ces derniers. Éclectique, il a aussi fait du théâtre pendant deux ans. Passionné par le milieu associatif, Jean-Philippe a mis à profit ses études pour "voyager un peu partout dans le monde afin d'enrichir ma culture". En ce qui concerne son avenir professionnel : "J' aimerais mieux travailler dans une association que dans une entreprise, mais si une bonne opportunité m'est offerte, pourquoi pas" ! Katia Lamrani

Heureusement pour lui, il a plusieurs cordes a son arc : il a toujours concilié son métier de graphiste avec un travail dans la restauration, principalement en tant que barman de nuit. "Cela me plaît un peu moins, mais me permet de manger"... Aujourd'hui, il continue d'exercer en freelance pour certaines entreprises de jeux vidéo et contribue à un site collectif de créateurs de spots numériques en 3D, qui marche très bien : "On a récemment recruté une attachée de presse". L'équipe dont il fait partie compte 8 personnes complémentaires, graphistes et musiciens. François travaille principalement chez lui et à Paris. Il réside aux Larris depuis un an et demi, "avec une femme qui habite la ville depuis vingt ans". Il ne se sent pas particulièrement attaché à son lieu

juin ; les travaux débuteront en novembre, pour durer environ un an. Au total, les résidents auront pu donner leur opinion au cours de 6 réunions du Conseil de Quartier, de 2 expositions publiques organisées pour présenter le projet, de 2 fêtes de quartier et de celle de l'inauguration de la plaine de jeux des Henriettes, d'une permanence sur le site, de groupes de travail thématiques dans le cadre de l'élaboration du Plan Local d'Urbanisme et, enfin, de réunions spécifiques avec les locataires, commerçants ou résidents, d'une part, avec les jeunes du quartier, Sandrine Falcato d'autre part.

ils habitent les Larris

de vie : "Je n'ai pas besoin de point d'ancrage. J'ai toujours été très mobile. C'est la première fois que je prends contact avec une association. Je suis volontaire pour donner un coup de main et faire profiter de mon expérience ceux qui continueront à faire vivre ce journal". Adrienne Sémiaticki


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fESTIVAL DE PASSAGE

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De Passage : les Larris au top ! La victoire au peuple permis de m'extérioriser car j'étais quelqu'un de très introverti, timide... Il y en a qui cassent tout, d'autres qui font de la peinture, moi j'ai préféré faire de la musique".

Tout sur la musique

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icodem, c'est son prénom et aussi son nom de rappeur. "Ça signifie la victoire au peuple" en grec. Un nom auquel il a manifestement décidé de faire honneur. D'origine polonaise, il chante depuis 10 ans. Il s'est inspiré du rap américain : "À l'époque, le rap c'était plus marginal, pas comme maintenant où on rappe à chaque coin de rue. En plus on se foutait de ta gueule, yo, yo, yo ! Mais moi, j'avais envie de délirer, ça m'a

"On parle toujours des jeunes qui traînent dans les halls, dans les parkings", constate Nicodem, "mais c'est normal : au début, on est comme toutes les nouvelles générations, on galère... Et puis on s'est rendu compte qu'on était en France et qu'on ne faisait rien pour faire bouger les choses. On s'est dit: on va tout miser sur la musique". C'est ainsi qu'il a créé l'association RIP (Résister, Insister, Persister) et pendant deux ans, composé, fait des concerts et produit une cassette audio. Pour avancer, les créateurs de l'association sont allés se renseigner à la mairie et ont ainsi appris comment avoir plus de moyens pour devenir autonomes et réaliser leurs projets : voyages, expositions... "Mais la première chose qu'on a constatée, c'est que les gens voulaient faire des collectes de vêtements, de fournitures scolaires, du soutien scolaire... Donc on a décidé d'ouvrir les portes à tout le monde et d'obtenir une salle pour l'association. Et du coup, ça nous a amenés à mettre en application ce qu'on disait dans nos textes".

RIP travaille en partenariat avec un foyer de sans-abris situé à Paris, pour qui l'association collecte des vêtements ; elle y emmène des jeunes pour l'aider. Les fournitures scolaires sont destinées à des écoles du Sénégal et du Brésil, dans ce dernier cas pour les enfants des rues. Pour tout cela, elle travaille en relation avec d'autres associations spécialisées. En 2002, des membres de RIP sont partis au Sénégal participer à la construction d'une école.

Toubab, toubab

Bien sûr, l'association garde toujours des activités musicales : "On avait produit un premier CD avec des jeunes de Fontenay, Battle Loyale, qui a été distribué à Auchan", raconte Nicodem. "Dans notre nouvel album, Toubab, toubab, on s'inspire des expériences qu'on a eues en allant au Sénégal : un premier morceau parle de la vision du Français qui se rend en Afrique comme il veut et à qui les enfants demandent des cadeaux, et un autre titre, Visa visé, chanté par Khelcom, donne la vision de l'Africain : il devait se rendre en France et a dû annuler son voyage au dernier moment parce qu'il n'avait pas obtenu son visa". Un clip a déjà été tourné et le groupe cherche un distributeur. Avis aux amateurs. F.G. et M.K.

La victoire en chantant

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récoce, Sabrina : elle a commencé a écrire des textes et à chanter avec son père, dès l'âge de 9 ans. "J'aime chanter: je me sens libre, ça me permet de m'évader, d'avoir confiance en moi et, en même temps, ça me donne des objectifs à atteindre". Cette passion naissante s'est confirmée au collège, où son désir de se produire en public s'est vu concrétisé "le jour où je me suis retrouvée poussée sur le devant de la scène à Jean Macé, à l'occasion d'une fête de fin d'année. Je suis arrivée comme ça, je n'avais presque pas d'expérience. J'ai chanté une chanson de Brandy car c'est ce que j'écoutais et ce qui m'inspirait alors. L'accueil du public m'a donné envie de poursuivre". À l'époque, Sabrina avait monté un groupe avec quelques amies de sa classe de 4ème et découvert le travail en studio en allant à la salle de répétition Joe Turner. Mais le groupe s'est séparé et elle a continué sa carrière en solo, ce qui était son but premier.

Agréable surprise

Une fois son bac obtenu, elle s'est inscrite à l'université en Langues Étrangères Appliquées. Mais elle

n'a pas pour autant abandonné sa carrière artistique, bien au contraire : "je fais en sorte que les choses s'accélèrent : je travaille avec mon manager, dans l'espoir de lancer un CD sur le marché, quelque chose de carré et présentable ; on a aussi en projet de faire un site internet". Objectifs ambitieux, mais que ces deux jeunes gens (ils ont 20 ans) se donnent les moyens d'atteindre par leur sérieux. Le talent de Sabrina est d'ailleurs reconnu, puisque les rappeurs des Larris F.O.X. et Jack Malone font régulièrement appel à elle pour des

chœurs ou des duos, et qu'elle a déjà été sollicitée plusieurs fois pour passer à l'InterG. Mais surtout, il a été confirmé par sa victoire au concert - concours. Une agréable surprise : "au départ, j'étais venue pour faire mon truc. En fait, j'étais la seule chanteuse de R'n'B, puisque les autres étaient tous des rappeurs. Si j'avais perdu ce n'aurait pas été grave". Mais c'était compter sans les soutiens – manager, amis... – de Sabrina, venus l'encourager. Elle a même invité sur scène une amie de classe pour chanter avec elle. Et la consécration fut pour elle "de me retrouver à faire la première partie des artistes invités". D. B.

Mots hauts en couleurs

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'un des temps forts du festival De Passage était la scène de slam organisé... au Cezam café à Montmartre ! Une façon d'ouvrir le quartier sur l'extérieur, bien dans l'esprit d'Émeric, l'un des piliers du groupe 8ème sens, qui organise en fait cette manifestation tous les mois. Natif de Casamance, Émeric a 31 ans, dont 28 passés aux Larris. "Je m'y sens bien. J'y ai fait ma scolarité – j'ai un bac F1 en génie mécanique – puis j'ai obtenu un Deug d'arts du spectacle, option théâtre : comme on me trouvait un côté clown et que j'avais le sentiment de ne pas être fait pour les études, cette voie m'a permis de m'ouvrir sur le monde de la création et du spectacle. J'ai apprécié ces études, mais je n'ai pas souhaité les pousser plus loin car c'était un peu trop académique à mon goût". En parallèle, j'avais commencé à m'intéresser à la musique avec mon voisin et ami Guillaume, dit Selecteur Pogo. Leur envie : "réunir les gens en leur faisant passer un bon moment. On a décidé d'organiser des soirées, et comme il fallait une structure, on a créé So Many Faces Sound System". Ils choisissent de s'inscrire dans la mouvance du reggae "qui réunit le peuple du Ghetto et de ses évolutions, la culture jamaïcaine assaisonnée d'autres influences latines qui ont bercé mon enfance". La culture Hip Hop et le milieu urbain le touchent aussi.

Le goût du slam

Son cousin Gérard Mendy dit "Ngé", qui se produisait dans des festivals à La Villette, lui a inspiré l'envie de faire du slam, style originaire des États-Unis où a eu lieu une résurgence de cette forme de poésie improvisée et scandée que l'on retrouve dans diverses traditions. Émeric a fait appel à lui pour animer la première partie d'une soirée. Avec une idée précise en tête : "très souvent, les gens restent bloqués sur un style musical et, du coup, ignorent les messages que d'autres veulent faire passer. Comme j'avais des choses à dire, j'ai opté pour le slam parce qu'il est musicalement neutre et qu'il permet ainsi d'élargir le terrain, de toucher tout le monde : chacun peut intervenir en prenant le micro, pour exprimer ses idées, mais écoute aussi les autres... Ainsi nous partageons nos points de vue. Le slam me permet de transmettre aux gens le fruit de mes réflexions, de mes interrogations, de donner mon point de vue pour alimenter les échanges. Pour moi, c'est ça la richesse : de confronter nos avis, nos idées qui sont souvent différentes, parce qu'en fait, nous sommes tous logés à la même enseigne". C'est ainsi qu'est né 8ème sens : "A la suite de notre première soirée, on a voulu recommencer et c'est comme cela

qu'on a constitué notre groupe". De cette façon, Émeric a pu toucher un public plus large qu'avec le seul reggae.

Maître de Cérémonie

Son expérience de MC (Maître de Cérémonie) lui permet de compléter son côté comédien, animateur : "Je préfère le relationnel, parler avec les gens, plutôt que l'industrie avec ses machines et ses blouses bleues, à laquelle mon bac me destinait" ! Il n'est donc pas étonnant que le parcours d'Émeric l'ait conduit à l'espace InterG où, en plus d'animer un atelier d'écriture pour communiquer sa passion pour les mots, il occupe les fonctions d'animateur socioculturel, veillant au bon déroulement des activités sur les trois salles. "Je travaille dans le service public : je suis un serviteur du peuple pour créer du lien social", revendique-t-il pour bien marquer son engagement. "Ce serait idéal que tout fonctionne tout seul, que les grands apprennent aux moyens qui, à leur tour, transmettent aux plus petits, qu'il y ait des passerelles communicantes pour lever les barrières entre eux. Mais souvent, en présence des plus vieux, les jeunes partent ; quand les jeunes arrivent, les enfants s'en vont... On aimerait plus de mixité, de convivialité, que tout le monde ait sa place, que personne ne se sente rejeté à cause de son âge ou de sa couleur de peau. Ici, notre objectif est de faire en sorte que tous s'enrichissent des différences".

Partageons nos cultures Le thème du Festival De Passage ne pouvait donc laisser Émeric indifférent : "Il faut mettre nos cultures en avant pour mieux nous découvrir et nous comprendre, si on ne veut pas mourir idiots ! Savoir que untel vient de tel pays, que ses coutumes sont ainsi et qu'un autre vient d'un autre pays et que ses coutumes sont tout autres évite de s'enfermer". Fier de son quartier, Émeric s'attache à le faire bouger au quotidien. Le 10 mai dernier, pour la commémoration de l'abolition de l'esclavage, il a improvisé un sound-system dans le parc de la mairie : "Il faut profiter de cet événement qui marque la reconnaissance par la République d'un fait d'histoire : c'est une bonne occasion pour rassembler les hémisphères nord et sud. Le reggae n'existerait pas sans l'esclavage. Dès qu'on pose du son dans la rue, ça met l'ambiance et on milite pour la cause!" Vanessa Quartararo


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ils habitent les Larris Neyla vit une passion brûlante

Catherine a la télé en ligne de mire

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yant grandi juste à côté des Larris, Neyla, 19 ans, a eu la chance d'aller, de 5 à 10 ans, à l'école de cirque de Fontenay, implantée à la Maison pour Tous et animée par Italo Medini et Josiane Balasko. Malheureusement, elle a dû arrêter pour être suivie par un orthophoniste. Mais sa vocation était née et elle ne l'a plus quittée : "Il y a 3 ou 4 ans, je suis allée de moimême rencontrer des jongleurs à Paris ; j'ai alors commencé à apprendre le jonglage avec des amis que j'avais connus en classe au lycée La Source à Vincennes". Sa carrière était lancée : "Je suis devenue membre d'une première association de jonglage, Fire Urban Kaos". L'expérience a duré un an, mais s'est mal terminée : "On a été "arnaqué" par le directeur : on était parti pour un festival en Vendée et lui s'est envolé avec la voiture de location et tout le matériel, nous laissant là-bas sans rien". Tenace, Neyla n'a pas baissé les bras pour autant et s'est décidée à monter sa propre association avec des partenaires : six jeunes de son âge, quatre filles et deux garçons, originaires de la région parisienne. Ils ont choisi de s'installer à Paris où il y a plus d'endroits propices, plus d'espace pour leurs prestations, lesquelles font appel à de nombreux instruments : torches, "bolas" (boules), bâtons enflammés... Le choix de la capitale, c'est aussi parce que de tels spectacles se déroulent de préférence le soir et qu'il y a plus de monde qui passe, davantage de touristes pour apprécier leur travail ; également parce qu'ils bénéficient des autres attractions.

Ont assuré la réalisation de ce journal : D. B., Eddy Boura, Sandrine Falcato, F. G., Sana H., M. K., Kahina Kezzouli, Katia Lamrani, Élise Mazioux, Jérémie Pégorier, Fabrice P., Vanessa Quartararo, Clément Schilmöller, Adrienne Semiaticki, Thomas Z., qui ont occupé les fonctions de journalistes, maquettistes et photographes. Rédaction en chef, direction artistique et encadrement pédagogique : Ghislaine Bassez, Véronique Gestin, Caroline Cozon, Germain Anglade et Eric Seyden, de l'association

Contact : 01 48 76 68 28 journal-larris@laposte.net www.larrisolidaire.net

lle habite depuis 1981 à Fontenay-sous-bois, et depuis 3 ans et demi dans le quartier des Larris. "J'ai choisi le Val-deFontenay, à l'écart de la ville, pour ses espaces verts, la diversité de la population et pour habiter une municipalité communiste" ! Même si parmi ses amis et collègues de travail, tous ne partagent pas son choix d'habiter en HLM, "je les éclaire, je leur explique que je me sens parfaitement en sécurité dans mon quartier : je promène mon chien matin et soir, et il ne m'est jamais rien arrivé ; les gens ici sont tout à fait charmants". Catherine entretient de bons rapports avec son voisinage et se dit "toujours disponible pour rendre service : j'ai aidé ma voisine quand elle a eu besoin de moi pour régler des problèmes administratifs ; ce fut un échange réciproque car elle avait été là pour moi, bien avant". C'est aussi de cette façon qu'elle s'implique, dans la vie du quartier, même si ce n'est qu'indirectement . Née en 1951, aujourd'hui mère de deux filles de 20 ans et 24 ans, Catherine travaille à l'Ina (Institut National de l'Audiovisuel), l'un des plus grands centres d'archives audiovisuelles en Europe. Elle y est entrée par concours en 1982, avec un bac + 5 et une année de formation en documentation au Cnam (Conservatoire National des Arts et Métiers). Elle exerce le métier de documentaliste à Brysur-Marne, au siège de l'Ina. "C'est un métier très diversifié, qui a beaucoup évolué au fil des années". Il consiste à regarder les émissions puis établir des notices descriptives de leur contenu. Toute l'actualité, les émissions, les journaux... sont ainsi archivés pour alimenter en permanence le fonds documentaire. "Il s'enrichit régulièrement, c'est une vraie encyclopédie". Il faut aussi organiser cette base de données de façon à rendre les recherches rapides et efficaces : si on lui demande de retrouver des images particulières sur un sujet précis,

"Le public se renouvelle sans cesse. Ce ne serait sans doute pas le cas à Fontenay. Mais je sais qu'il y a ici des gens qui apprécient ce que je fais et, si on me le demande, je viendrai", affirme Neyla. A côté de ses activités dans l'association, elle a posé sa candidature dans une école de cirque à Vincennes, pour acquérir plus de connaissances et obtenir un diplôme, ce qui lui permettrait de faire des animations dans les hôpitaux. Mais elle aimerait aussi travailler avec les enfants. "J'ai envie de faire plein de choses ; je sais qu'elles peuvent être associées au même domaine", conclue-t-elle. Sana H.

elle doit pouvoir produire très rapidement un dossier complet, "par exemple, toute la rétrospective de Zidane, de sa première apparition télé jusqu'à maintenant. Il faut répondre en permanence, dans des délais très courts, aux demandes de tous les professionnels de l'audiovisuel". L'Ina a lancé depuis fin avril un nouveau site, dédié au public. Il met à disposition 10.000 heures de programmes, accessibles par internet ; selon les rubriques, la consultation est gratuite ou payante. Les archives couvrent la période de la seconde guerre mondiale jusqu'à nos jours et intéressent donc plusieurs générations. On y trouve des émissions de variétés, d'histoire, de théâtre, un peu de tout. Au fil du temps, le site va s'enrichir considérablement, d'autant que l'Ina est en partie financé par la redevance audiovisuelle. "Il est donc normal que les archives soient ouvertes au public", remarque Catherine, ajoutant : "la raison pour laquelle certains accès resteront payants est que la sauvegarde du patrimoine audiovisuel et la numérisation des supports vidéo et films ont un coût extrêmement élevé". Élise Mazioux

Audrey ne se fait pas de cinéma

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riginaire de la Guadeloupe, Audrey a 21 ans lorsqu'elle décide de quitter son île natale, à l'issue de sa terminale, pour se lancer dans l'audiovisuel et faire un BTS en gestion de production. Mais certains membres de sa famille ne partagent pas l'idée qu'elle fasse une école d'audiovisuel à Paris : "Parce que c'était trop loin de chez moi, que l'école était trop chère et que ça n'allait pas être facile. Je suis donc partie contre la volonté de mon père, mais avec la bénédiction de ma mère et le soutien de mes amies". Pari gagné : deux ans ont passé et Audrey, qui réside aux Larris chez sa tante, est aujourd'hui étudiante à l'Eicar (École Internationale de

Cinématographie, d'Audiovisuel et de Réalisation), implantée à SaintDenis. Mais pour en arriver là, le chemin fut effectivement difficile : "Il a fallu que je finance en partie mon projet en faisant des petits boulots en tant que serveuse ou encore comme animatrice de centres de loisirs". Et l'éloignement aussi lui a pesé : "La première année loin de ma famille fut très dure. Les quinze premiers jours, je n'avais qu'une envie : repartir". Passionnée, motivée et même obstinée, Audrey a les pieds sur terre. En témoigne sa vision réaliste du métier qu'elle a choisi : "Le public ne voit que le côté "strass et paillette" de l'audiovisuel et, au début, plusieurs de mes connaissances m'imaginaient déjà

travaillant avec Spielberg ! Alors que pour assurer tout ce qui touche à la production, aux métiers de la télévision, du cinéma ou encore du spectacle vivant, tout passe par une gestion rigoureuse". Autrement dit, l'organisation est l'indispensable complément de la créativité. Et c'est celà aussi qui intéresse Audrey. En tournant aux Larris son projet de fin d'études (une vidéo sur les loisirs des jeunes en banlieue), Audrey a découvert que "la ville de Fontenay est très ouverte aux jeunes ; il y a des activités pour tous, comme la bibliothèque, l'espace InterG, où l'on peut avoir accès à internet gratuitement... Mais la plupart des gens l'ignorent", regrette-t-elle.

Son avenir ? Audrey l'envisage en Guadeloupe, où elle compte bien monter sa propre entreprise dans le domaine de l'audiovisuel, car làbas, dit-elle, "le métier reste à développer". Fabrice P.


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