Paroles d'ici n°2

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numéro 2

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n1 °

septembre2005

Au moment où nous achevons ce numéro, nos voisins et amis l'haÿssiens du 2, allée du Stade sont touchés par un dramatique incendie. Toute l'équipe du journal se joint à la douleur des proches et rend hommage aux victimes qui ont péri. Nous dédions ce numéro à tous ceux qui, de près ou de loin, subissent les violences d'une existence que l'on voudrait meilleure.

À

L A

R E N C O N T R E

D E

N O S

V O I S I N S

EDITO Paroles d’ici a été lancé par douze personnes dans le cadre d’une action d’insertion. La formation qu’elles ont reçue à cet effet prend fin mi-septembre, et c’est pourquoi il est normal de les présenter dans ces colonnes. C’est aussi parce qu’elles ont profité de cette occasion pour trouver comment aborder le monde du travail que, dans ces pages, trois articles parlent d’emploi : pages 1 & 3, des difficultés que rencontrent certaines personnes pour en obtenir ; page 5, de solutions innovantes, imaginées pour leur en donner. Les petits personnages qui se tiennent par la main tout au long du journal ont été dessinés en juin par les

enfants venus visiter le stand du journal à la fête communale de Chevilly-Larue. C’est un symbole de solidarité, autre objectif de ce journal, qui fait parler les gens de leur quartier pour leur donner plus de chances de se connaître, de se rencontrer... et, pourquoi pas, de construire ce dont ils ont besoin pour mieux vivre ensemble, aspiration aujourd’hui fort légitime. C’est aussi ce dont témoignent les articles des pages 4 & 6. Pour y contribuer encore, Paroles d’ici sera bientôt www.parolesdici.net). Vous présent sur internet (w pourrez y retrouver les deux premiers numéros et commenter en ligne les articles publiés.

C’est quoi la différence ?

Malgré les mesures incitant à l’emploi des personnes handicapées, leur intégration dans le monde du travail progresse lentement : là où le pas a été franchi, employeurs et collègues font tout pour que la différence pèse le moins possible. On ne peut hélas en dire autant de beaucoup d’autres gens que les personnes handicapées sont régulièrement amenées à côtoyer dans l’exercice de leur métier.

L

s o m m a i r e C’est quoi la différence ?

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Faire passer la pilule

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Parcours de combattantes

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Tous profs, tous élèves

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Laboratoire d’innovation sociale

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Qu’as-tu fait cet été ?

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es entreprises privées de plus de 20 personnes sont soumises à une taxe si elles comptent moins de 6% de personnes handicapées dans leurs effectifs. Or le pourcentage constaté est en moyenne d’à peine 4%. L’embauche d’une personne handicapée procède donc d’un réel volontarisme. C’est le cas pour la société l’haÿssienne Infra +, spécialisée dans le précâblage informatique : « Nous avons toujours eu la volonté de faire travailler des personnes handicapées » déclare la responsable Ressources Humaines, Cendrine Grimon. Même conviction à la Mairie de Chevilly : « Quand les gens qui postulent sont des travailleurs handicapés et que l’on peut les prendre, ils ont les mêmes droits et la même chance que n’importe quel autre candidat », affirme Dominique Mendes, chef du service Action Sociale. « Si

nécessaire, on adapte le poste à la personne, par exemple pour le standard téléphonique que tient notre collègue Patrick Chiaudano, non-voyant : il a un matériel particulier pour prendre des notes en braille ». Choix restreint Pour être recrutées, les personnes handicapées doivent bien sûr avoir les compétences que requièrent les postes auxquels elles peuvent avoir accès. Monteur chez Infra + depuis 7 ans, Christian Munier, personne sourde et muette, a appris son métier auprès de son chef d’atelier, Gérard Boulé. « Cela n’a pas posé de problème particulier, vu la nature de ce travail pour lequel on suit un plan de montage », constate celui-ci. À l’origine pompier à la caserne de Rungis, Patrick est devenu aveugle à l’âge de 30 ans, suite à une maladie. « Lorsque j’ai voulu retravailler, les seules possi-

bilités ouvertes aux aveugles étaient la kinésithérapie, qui ne m’attirait pas du tout, et le métier de standardiste, pour lequel il m’a fallu passer un CAP demandant deux années de préparation. Et aujourd’hui, tous les standards des grandes entreprises étant automatisés, vous n’avez plus aucun opérateur ; cette formation a donc totalement disparu pour les aveugles. Il ne reste plus que l’informatique, avec des appareils adaptés et du matériel pour le braille, et toujours la kinésithérapie ». Mais du fait des limites liées au handicap, il n’est pas toujours possible de faire un travail qui plaise : « On ne peut pas dire que subir des reproches tous les jours soit plaisant, quand je n’arrive pas à obtenir rapidement la personne ou le service demandés », déplore Patrick. Manque de tact On constate encore trop souvent un manque de tact ou d’attention de la part des gens

qui se trouvent en contact avec une personne handicapée. Le cas de Patrick est révélateur, dont la cécité est signalée par un panneau placé à proximité de son poste de travail : « On m’a déjà demandé si mon nom était " aveugle " ! Une autre fois, une personne à laquelle je demandais de me dire à qui était destiné le pli qu’elle me remettait, s'est indignée que la mairie embauche des personnes ne sachant pas lire... et comme je lui indiquais alors le panneau placé à côté de moi, elle m’a agressé verbalement... Avec le temps, je prends plus sur moi qu’au départ ; il faut avoir la force de garder le sourire, ça passe mieux ». Autre exemple tout aussi édifiant : « Il n’y a pas si longtemps, un couple demande à voir une personne de la Mairie ; alors que je prends ma canne pour les conduire à son bureau, le couple se tourne vers Aurélie et lui dit : tu ne peux pas te lever toi, pour nous accompagner

Le journal de la rue Paul Hochart et ses alentours : Barbanson, Dahlias, Écluse, Sainte Colombe, Sorbiers, Saussaie...


2 au lieu que ce soit l’aveugle qui s’en charge » ! En fait, Aurélie, qui travaille également à l’accueil, a un handicap qui rend ses déplacements plus difficiles. « On a aussi tendance à me dire de ne pas bouger ; mais cela fait partie de mon travail. Je ne peux bien sûr pas passer ma journée dans les escaliers ; si ma collègue est présente, c’est elle qui accompagne les gens dans les étages ; autrement, je les oriente mais je n’y vais pas ; ils se débrouillent ». Et d’ajouter : « J’ai dû être confrontée deux ou trois fois à des visiteurs qui m’ont demandé ce que j’avais comme handicap ; or ça ne les regarde pas du tout. Nous sommes des êtres humains, nous ne sommes pas définis par le handicap ». Le même manque d’attention se retrouve dans d’autres situations courantes, comme l’évoque Gérard Boulé : « J’ai eu l’occasion d’aider Christian dans les démarches administratives qu’il faut faire par téléphone, par exemple pour la Sécurité Sociale ; et là, on m’a demandé si on pouvait lui parler directement... alors qu’il est clairement indiqué dans son dossier qu’il est sourd et muet ».

Attention, compréhension, respect Heureusement, les relations avec les collègues de travail sont plus réconfortantes : Aurélie, Patrick et Christian sont considérés comme les autres, même s’ils bénéficient sans doute d’un surcroît d’attention, de compréhension et, en définitive, de respect. « On ne peut ignorer leur handicap, mais nous faisons en sorte de ne pas le mettre en avant, d’agir comme avec n’importe qui. Nous faisons principalement attention à ne pas leur demander de faire des choses qui vont les

mettre en difficulté », disent les collègues de Patrick et Aurélie à la Mairie. Même ton chez Infra + : « Pour moi il n’y a pas de souci » affirme Sylviane Lodi, qui travaille avec Christian. « Bien sûr, il y a des jours où il a des ennuis et c’est plus difficile à vivre pour lui qui est isolé, que pour nous autres qui arrivons à gérer nos problèmes en dialoguant. Mais au niveau du travail, Christian est comme les autres ; la seule difficulté, c’est quand il est à l’autre bout de l’atelier : j’ai tendance à l’appeler pour qu’il vienne ». De fait, l’intégration de

Faire passer la pilule Premières amours, premières interrogations. Comme toutes les filles de leur génération, les jeunes chevillaises et l’haÿssiennes se trouvent confrontées à des questions parfois difficiles à aborder. Rencontre avec Michelle Laval, infirmière au centre de planning familial de Chevilly, qui les aide à trouver des réponses. À partir de quel âge les jeunes viennent-elles vous consulter ? Vers 13 ou 14 ans, pour des règles douleureuses et tout ce qui concerne les problèmes et les changements liés à l’adolescence, à la puberté. Puis vers 16-17 ans, pour ce qui concerne le premier rapport sexuel et la prise de pilule. Hésitent-elles à venir vous voir ? Non, pas une fois que le centre est connu. Heureusement, il y a des personnes qui savent ce qu’est un centre de planning familial, qui pratique la gratuité et respecte l’anonymat, essentiels pour les jeunes. En plus, sur Chevilly, à part nous, il n’y a pas de gynécologue. Le personnel médical fait des interventions sur les deux

collèges de Chevilly, en 4ème et en 3ème, ce qui nous permet de nous faire connaître. La question de la sexualité les gêne-t-elle ? Non, mais il faut prendre le temps d’écouter leurs attentes et de discuter avec elles. Une conseillère conjugale est là pour rencontrer les couples qui ont des problèmes, mais aussi pour une première demande de pilule, ainsi que pour les jeunes filles qui, à l’adolescence, rencontrent certaines difficultés. Souvent après les interventions en collège, les jeunes viennent seules, à deux ou trois, pour nous revoir, nous poser des questions, ce qu’elles n’osaient pas faire devant leurs camarades de classe.

Comment se passent les relations avec vos patientes ? Je ne suis là que depuis 3 ans et il a fallu que les patientes s’habituent à moi, qu’elles apprennent à me connaître, mais il n’y a sans doute pas de problème puisqu’elles reviennent. La gynécologue est là depuis plus de 13 ans, donc tout le monde la connaît et revient, parce que c’est une femme très accueillante et douce. Les jeunes préfèrent les femmes, surtout pour un premier examen gynécologique. Viennent-elles régulièrement ? Tout dépend des ordonnances : lorsque c’est un commencement de prise de pilule, elles viennent tous les 3 mois ; ensuite elles ne reviennent que

Christian dans l’entreprise a pleinement réussi, malgré les difficultés qu’elle présentait : « Quand il est arrivé, Christian avait peur, parce que ses collègues étaient des entendants. Au fur et à mesure, il s’est habitué à eux et maintenant il se sent à l’aise, alors qu’avant il ne croyait pas que cela allait se passer aussi bien », traduit Marie-Josée, stagiaire de Paroles d’ici, venue participer à l’interview car elle pratique la langue des signes. Pour cela, il a cependant fallu franchir les obstacles à une communication spontanée avec Christian, même si les solutions adoptées sont contraignantes : « Comme il parvient à lire sur les lèvres, j’essaye d’articuler exprès ; mais quand il est énervé, je n’y arrive pas et lui non plus ; mieux vaut alors un papier pour s’écrire », dit Sylviane Lodi. Ce que confirme Cendrine Grimon : « Pour communiquer avec lui j’écris parce que, même en parlant lentement, je veux être sûre qu’il comprend bien tout ce que je lui dis ». CHANTAL DAVOULT avec la participation de KARIM SINNAS

tous les 6 mois. Par contre, les femmes viennent plutôt pour un suivi de grossesse ou pour le dépistage des cancers du col de l’utérus et du sein, que l’on fait une fois par an. Quelles sont les questions qu’elles vous posent le plus souvent ? Les adolescentes posent des questions sur la puberté et sur les contraceptifs qui existent : Suis-je protégée tout de suite quand je prends la pilule ? Faitelle grossir ? Provoque-t-elle le cancer ? Rend-elle stérile ? Quel moyen de contraception est le plus utilisé ? La pilule, et on remarque une légère augmentation du choix de l’implant*. Mais normalement, on préconise d’utiliser le préservatif avant de commencer la pilule. Est-elle le plus efficace ? Oui, si elle est bien prise. Mais le problème, c’est l’oubli. (suite page 3) *Implant : bâtonnet introduit sous la peau, qui agit comme la pilule et dure 3 ans. Il prévient ainsi tout risque d’oubli.


3 Vos patientes vous parlent-elles plus souvent d’IST* ou de contraception ? Les adolescentes parlent d’avantage d’IST et plus précisément du sida, qui reste mal connu. En revanche, elles savent qu’il faut se protéger des IST. Tandis que les femmes seraient plus sur l’arrêt de la pilule et le désir d’avoir un enfant. À l’approche de l’été, avec le risque d’augmentation d’IVG*, quelles mesures les plannings familiaux prennent-ils ? En avril, mai et juin, on fait de l’information en milieu scolaire pour prévenir ce " pic " de grossesse. Ainsi, certaines adolescentes viennent prendre la pilule avant les vacances... et d’autres prennent des risques. C’est en septembre - octobre que ces dernières s’aperçoivent des conséquences... et arrivent en catastrophe pour une IVG. Rencontrez-vous des patientes qui sont arrivées au-delà du délai légal ? Si oui, que leur proposez-vous ? En général lorsqu’elles arrivent au-delà du délai légal de 14 semaines, elles poursuivent leur grossesse : c’est rare qu’elles décident de l’interrompre à ce stade. Mais si elles veulent vraiment faire une IVG, on les dirige vers un centre de planning familial dans Paris, qui, lui, s’occupe de gérer l’aspect financier et le départ pour l’étranger, puisqu’il y a des pays où l’on autorise l’avortement jusqu’à 22 semaines. Nous nous occupons donc juste de les orienter, aussi bien les mineures que les adultes. Rencontrez-vous les parents des jeunes qui viennent vous voir ? Ça nous arrive de rencontrer les mamans qui viennent avec leurs filles, parce qu’elles s’aperçoivent que leur enfant a eu des rapports non protégés avec leur petit copain et qu’elles veulent leur faire prendre la pilule du lendemain. Mais en principe, pour une demande d’IVG, les parents ne sont pas au courant ; les jeunes font leurs démarches seules et on les encourage à en parler à leur parents. GWENAËL MOUFLET avec la participation de FARÈS BENSALEM *IST : Infection Sexuellement Transmissible. *IVG : Interruption Volontaire de Grossesse.

Parcours de combattantes Pour les femmes immigrées, obtenir un emploi est difficile. Entre contraintes familiales et problèmes avec la langue française, elles restent souvent cantonnées au ménage ou aux gardes d’enfants. Et ce même si, dans leur pays d’origine, elles ont obtenu un diplôme ou acquis des compétences leur ouvrant d’autres débouchés. Le mariage et les enfants d’abord « En Afrique la femme n’a de statut que dans le mariage et la maternité » rapporte Hawa Keïta, ethnosociologue, chargée de mission sur l’interculturalité au Conseil Général du Val-deMarne. Et de préciser : « Habituellement, elle assume la responsabilité de l’éducation des enfants et, en plus, elle doit s’occuper du mari. Ce n’est que progressivement qu’elle va arriver à se soustraire à tout ce poids et à formuler son désir de travailler, de découvrir le monde extérieur et d’accéder au système professionnnel français ». « Je ne suis pas un oiseau dans une cage, j’ai besoin d’argent, de connaître les gens ; rester devant la télévision, ça ne m’intéresse pas », confirme Fatima. De même Khady : « Je suis restée deux ans à la maison sans rien faire. Là, je suis contente; même si je gagne peu, je suis libre ; la liberté c’est important ». Et Hawa Keïta de poursuivre : « Ces femmes ont aussi une dette morale envers leur famille restée au pays, à qui elles doivent régulièrement envoyer des vêtements, de l’argent... C’est une autre raison pour laquelle, après avoir eu des enfants, elles vont chercher du travail, essayer d’être autonomes ». Rassurer le mari, faire garder les enfants Le plus souvent, ces femmes ont recours aux travailleurs sociaux pour les aider à trouver un emploi. Or, lorsque des solutions concrètes leur sont proposées, on constate régulièrement des réticences à franchir le pas : « Souvent elles n’adhèrent pas, un frein vient perturber leurs initiatives », relate Hawa Keïta, qui explique : « En général c’est le mari qui n’est pas d’accord, qui craint qu’elles s’éloignent trop de la coutume ; et, dans ce cas, il est indispensable que nous intervenions pour qu’il puisse adhérer au projet ». Quant aux enfants, ils ne comprennent pas toujours que

leur maman ne les garde plus ; alors, pour les convaincre, elle doit leur expliquer que si elle ne travaille pas, ils ne pourront pas manger, ni être habillés. « De telles situations sont évidemment tout à fait différentes de celles que ces femmes connaissent en Afrique Noire ou au Maghreb où, pour surmonter de tels obstacles, elles peuvent s’appuyer sur la cohésion sociale, la convivialité et la solidarité juvénile » conclue Hawa Keïta. Ménage et garde d’enfants Malgré la bonne volonté et la forte motivation qu’elles peuvent avoir, il est actuellement difficile pour les femmes immigrées de trouver un travail dans notre société. Pour Hawa Keïta, deux raisons: « Soit elles n’ont pas le niveau requis car, venant souvent d’un milieu rural, elles n’ont jamais été scolarisées et n’ont pas les codes, les clefs pour comprendre la société française ; soit elles ont fait des études mais, du fait d’avoir été confinées pendant longtemps chez elles, elles sont en décalage avec les exigences du monde du travail ». Et de constater : « Les femmes originaires d’Afrique Noire et du Maghreb sont vraiment coupées des réalités ». Du coup, on les retrouve dans le ménage ou la garde d’enfants, où « elles peuvent se sentir valorisées car elles savent bien le faire et restent ainsi dans leur rôle traditionnel ». Nelly Bitar, de l’association l’hayssienne Aspir, déplore manifestement cette situation : « De nombreuses femmes issues de l’immigration ont obtenu des diplômes dans leur pays d’origine, mais ne trouvant pas d’équivalence ici, elles ne peuvent pas exercer leur métier en France, et donc s’orientent vers le ménage ou les gardes d’enfants. C’est dramatique de les voir en arriver là ». Ainsi Vino, 23 ans : « Je suis prof d’anglais en Inde. Je suis allée à l’école pendant 14 ans et j’ai l’équivalent du bac. En France

depuis 2002, je cherche du travail ». Inscrite à l’ANPE, elle a commencé les cours d’alphabétisation en février 2005. « J’aimerais trouver un travail dans l’informatique ou donner des cours d’anglais ». Arrivée en France en 2003, Omra, 28 ans, était couturière en Algérie. Elle s’est inscrite à l’ANPE : « On m’a dit il n’y a pas de travail dans la couture. Maintenant j’ai demandé l’agrément pour la garde d’enfants ». « Il y a beaucoup de femmes sachant coudre et la couture est quelque chose qui reste toujours utile ; tout le monde en a besoin », s’indigne Nelly Bitar. L’obstacle de la langue « De nombreuses femmes immigrées parlent mal le français, voire pas du tout, et c’est un frein à leur insertion », constate Nelly Bitar, « d’une part, pour trouver du travail et, d’autre part, parce que certaines d’entre elles se font exploiter en raison de leur faible niveau de français. Apprendre le français est une chose primor-diale pour pouvoir travailler ici ». Ainsi Sivagamy, venue d’Inde, qui a voulu faire du ménage, ce pour quoi elle pensait qu’il n’était pas nécessaire de parler français : « Je travaille toute seule » explique-t-elle. « Mais ils m’ont embauchée pour une heure par jour, alors qu’il y avait deux heures de trajet. Mon mari m’a dit : " ce n'est pas possible ". Nous sommes allés voir le patron et nous avons arrêté le contrat ». Par la suite elle a obtenu un autre

travail où elle est restée deux ans. Or elle travaillait six heures par jour, mais son patron ne la payait que quatre ! Elle n’a pas porté plainte, mais a quitté ce poste. Aujourd’hui inscrite à l’ANPE, Sivagamy attend une réponse depuis six mois pour faire un stage de français en centre de formation. Fatima, elle, s’en est mieux tirée : « Je suis tombée malade huit jours, donc j’ai dû me faire remplacer, et lorsque je suis revenue pour travailler, le patron m’a dit : " T’es rentrée, tu signes "... En fait c’était pour me faire mettre à la porte. Avec une assistante sociale, j’ai porté plainte. Évidemment, le patron cherchait la petite bête : il a dit que je travaillais mal…. Au début il voulait me donner 9000 F d’indemnité ; j’ai refusé. Ça n’a pas été facile pendant deux ans, quelquefois même je ne mangeais pas. Quand le jugement est arrivé, j’ai dit à la juge que je ne savais ni lire, ni écrire et que je ne connaissais pas mes droits. J’avais travaillé 7 ans dans cette entreprise ; le patron a dû m’indemniser 55.000 F ». ÉLISE GASCOIN avec la participation de YANNICK CAILLARD


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Ont assuré la réalisation de ce journal : Anna Abelli, Lætitia Basseville, Farès Bensalem, Marie-Josée Bule-Kimbuyi, Yannick Caillard, Angela Coësy, Lassana Dabo, Chantal Davoult, Sekou Diaby, Élise Gascoin, Gwenaël Mouflet, Karim Sinnas, qui ont occupé les fonctions de journalistes, maquettistes et photographes. Rédaction en chef, direction artistique et encadrement pédagogique : Ghislaine Bassez, Véronique Gestin, Caroline Cozon et Eric Seyden, de l’association Parlez Cités.

4 Tous profs, tous élèves Échanger un cours de cuisine asiatique contre un autre de karaté ; enseigner la photographie et, en retour, apprendre le jardinage ; donner des leçons d’équitation et en recevoir d’anglais... C’est la raison d’être des Réseaux d’Échanges Réciproques de Savoirs (RERS), qui mettent en relation des personnes voulant acquérir et transmettre des savoirs. Rencontre avec les adhérents du RERS Chevillais.

C

réé en 2000, à l’initiative d’Agnès Henocq, qui s’occupe également du Pôle d’Économie Solidaire Chevillais, le RERS de Chevilly compte actuellement 70 inscrits, parmi lesquels on trouve aussi des habitants de Fresnes, Thiais… Un autre réseau doit voir le jour ce moisci à L’Haÿ-les-Roses. Compléter une formation ou concrétiser sa passion ? Pour les uns, la participation au RERS est l’occasion de compléter une formation. Ainsi Corinne Moothery, conseillère en image et adhérente depuis 2001, a-t-elle pu bénéficier de cours d’informatique, bien utiles pour pouvoir créer son entreprise. Pour les autres, le Réseau donne la possibilité de concrétiser leur passion, telle Anne Séverin, inscrite depuis 2000, qui avait travaillé dans la restauration pendant 10 ans, et a trouvé dans le Réseau l’occasion d’apprendre à faire les crêpes bretonnes de façon traditionnelle, ou encore de réussir des recettes africaines ou indiennes que lui ont transmises d’autres membres héritières de ces traditions culinaires. Elle a aussi pris des cours de « danse du monde » avec Camille, de conseil en image avec Corinne. En échange, elle a fait profiter d’autres personnes de ses connaissances sur la cuisine créole, la danse orientale, l’accompagnement scolaire, et de quelques astuces de maman sur l’éducation des enfants. À deux, à trois ou à plusieurs Mais que se passe-t-il lorsque, par exemple, une personne qui propose des cours d’anglais n’est pas intéressée par ceux de ping-pong qu’offre en retour un candidat potentiel ? En fait, l’échange de savoirs s’effectue sur le mode de la réciprocité ouverte : celui qui enseigne l’anglais n’est pas

tenu de suivre les cours de son « élève » : il peut en effet en recevoir de quelqu’un d’autre, selon les savoirs qui l’intéressent. Ainsi, c’est à un informaticien chevronné qu’a eu affaire Corinne pour ses besoins professionnels ; mais en retour, c’est surtout à des femmes issues de l’immigration qu’elle a prodigué ses conseils en image, afin de les aider à préparer un entretien d’embauche dans le cadre de leur recherche d’emploi. Elle leur a en effet appris à adopter une gestuelle appropriée ou encore une coiffure qui les mette en valeur ; elle leur a

échanges sont interculturels et intergénérationnels. « Les valeurs que propose le RERS correspondent aux miennes », constate Anne. Aussi ne se contente-t-elle pas de participer en tant qu’adhérente : elle s’occupe aussi de repérer les savoirs offerts et demandés, d’organiser les échanges et d’animer les rencontres. Pour cela, Anne a suivi une formation spécifique destinée à ceux qui assurent l’encadrement au sein des Réseaux d’Échanges Réciproques de Savoirs. Il en existe à l’échelle

échanger vêtements, objets, livres »... « Il y a quelque chose de vraiment agréable dans le fait d’échanger en étant relaxé, détendu », apprécie Anne. Pendant ces bons moments, adhérents et responsables se retrouvent avec leur petite famille, car il n’est pas interdit d’amener ses enfants ou même son chien. C’est ainsi que, lors d’un Café Troc et à l’occasion des interviews pour cet article, se sont rencontrés Marie-Josée Bule et Damien Bruschi : elle souhaite apprendre l’anglais pour se perfectionner professionnellement, et connaît le langage des signes, que Damien, qui parle couramment anglais veut découvrir. Une sympathique rencontre qui permet au RERS de s’agrandir encore un peu. LÆTITIA BASSEVILLE avec la participation de MARIE-JOSÉE BULE-KIMBUYI

aussi donné des conseils sur le choix des couleurs de leurs vêtements. Il peut ainsi y avoir des échanges entre deux ou plusieurs personnes ; d’ailleurs, pour d’évidentes raisons pratiques, la souplesse est de rigueur car il n’y a pas toujours de demande pour un savoir offert, et réciproquement. La seule contrainte est celle du temps : chacun apprend et enseigne à son rythme. D’abord adhérer, ensuite organiser À l’occasion de leurs échanges, les adhérents sont heureux de se retrouver. « D’autres liens se créent ; on est content de se rencontrer ou de se revoir », nous indique Corinne. Et d’ajouter : « Ce que je trouve riche, c’est surtout le mélange de cultures ». Car le RERS concerne tout le monde, femmes, hommes, enfants, sans distinction d’âge, de classe sociale, de religion ou de couleur de peau. Les

régionale, voire nationale. Qu’ils y travaillent ou qu’ils y participent, les adhérents retiennent un autre aspect positif : " la revalorisation de soi ". Car il n’est pas toujours évident d’apprendre et, à son tour, d’enseigner. « Cela se fait petit à petit, en étant impliqué » nous dit Gérald Parizel, qui fait surtout acte de présence et apporte son soutien au RERS. Président du restaurant associatif Chevillais, il n’a pour le moment ni transmis ni reçu de savoir. Le rendez-vous du dimanche Le RERS n’est pas un simple lieu ou l’on échange ce que l’on sait ; il y a également des réunions appelées " Café Troc ". La plupart du temps cela se passe un dimanche. « Chacun vient avec quelque chose à boire ou à manger, on met tout en commun et chacun peut goûter ce qu’a fait l’autre », explique Damien Bruschi, un autre adhérent, ajoutant : « On peut aussi

RERS en bref

C’est dans les années 70 que l’institutrice française Claire HeberSuffrin, en poste à Orly, a eu l’idée originale des RERS : confrontée au problème de démotivation de ses élèves et réalisant que ces derniers détiennent des savoirs non reconnus par l’école, elle leur propose de les échanger en classe. Ainsi le fait d’enseigner redonne-t-il aux élèves l’envie d’apprendre. D’abord appliquée à l’école, l’idée fait son chemin et s’étend à toute la commune d’Orly. Bientôt, elle est reconnue comme un outil d’insertion sociale sans précédent : les RERS permettent de faire se rencontrer les gens, de créer du lien social. Aujourd’hui la France compte environ 600 RERS et d’autres ont vu le jour dans le monde entier, l’idée s’étant propagée hors de l’hexagone. On peut envisager les RERS comme une forme d’enseignement. Mais aucun diplôme n’est requis ; il faut juste avoir la volonté d’apprendre et d’enseigner, avec la solidarité et la créativité comme philosophie. Pas de professeur, pas d’obligation de résultat, chacun travaille à son rythme. Pas non plus de distinction hiérarchique, tout le monde est au même niveau, et vient pour passer un bon moment. Et tout cela à titre gracieux.


5 Laboratoire d’innovation sociale Confier les travaux d’entretien, de ménage... d’une cité ou d’un quartier à des habitants en situation d’exclusion, afin de favoriser leur insertion : telle est la vocation des régies de quartier, un concept qui a 20 ans. Reportage à Limeil-Brévannes.

L

es régies de quartier assurent essentiellement des prestations de nettoyage, d’entretien et d’embellissement de la ville (espaces verts, rénovation de bâtiments, ménage...). Mais, à la différence d’entreprises classiques, ces associations loi de 1901 emploient principalement des personnes en difficulté, qui habitent le quartier, afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Parmi leurs principaux clients : les mairies des villes où elles sont implantées, les bailleurs sociaux (HLM), certaines associations et entreprises locales... Ces structures visent également à renforcer les liens entre les habitants et à développer une citoyenneté plus active dans le quartier : « Comme les différents travaux sont effectués par des résidents du quartier, les autres habitants respectent beaucoup plus leur travail. Nous n’avons plus de dégradations volontaires, de poubelles jetées par les fenêtres... », apprécie Élodie Coutelier, directrice de la régie de LimeilBrévannes.

traiter la problématique périphérique à l’emploi », remarque Élodie, qui détaille : « régularisation de papiers, demande de carte de résidence, droits à la santé, accès aux soins gratuits »... Il faut aussi soigner la santé psychologique, aider quelqu’un qui est aux prises

Attention à l’ensemble de la personne Employer des chômeurs de longue durée est une mission difficile, qui oblige à mettre en place des méthodes pour accompagner ces personnes, les aider à saisir le sens de leur tâche, à respecter les procédures de travail et surtout à collaborer avec les collègues. « J’ai une femme qui travaille dans le ménage. Comme elle ne sait pas lire, je lui ai mis un code couleur : à chaque produit correspond une couleur spécifique ». explique Micheline da Silva, responsable de chantier à la régie. « Cette mission s’accompagne souvent de formation, d’encadrement et d’attention à l’ensemble de la personne. Il faut aller plus loin, et

Concurrence avec les entreprises classiques La régie doit faire preuve de professionnalisme, ce qui lui permet de mieux aborder la concurrence sur le plan technique. Il ne faut pas oublier que les régies sont situées dans le champ de l’économie solidaire, c’est-à-dire qu’elles sont à la fois considérées comme structures d’insertion et lieux de production. Structure d’insertion, du fait qu’elles perçoivent des subventions : « Nous bénéficions d’une subvention de fonctionnement de la communauté d’agglomération, d’une autre du Conseil Général pour l’emploi de bénéficiaires du RMI, et d’aides au poste accordées

avec l’alcool ou d’autres drogues à s’en débarrasser afin de pouvoir rester au travail. Ou alors inciter celui qui n’arrive pas à se responsabiliser vis à vis de son travail, à se lever tôt le matin, à être à l’heure...

par la DDTEFP* », détaille Élodie Coutelier. Et lieu de production, parce qu’elles doivent être capables de se placer sur le marché local et, progressivement, de s’autonomiser sur le plan économique, en devenant moins dépendantes des

subventions. Ce que réussit assez bien la régie de LimeilBrévannes, puisque son budget prévisionnel pour 2005 comprend 80% de recettes sur les services rendus et 20% de fonds publics. Les prestations assurées sont de même qualité que celles d’entreprises " normales " et donc vendues au même prix, « car il n’y a pas de raison que le travail assuré soit dévalorisé », défend Élodie Coutelier. Bilan mitigé ? Si l’idée de régie de quartier a beaucoup pour séduire, le bilan des quelques 140 associations de ce type créées en France depuis 20 ans est pourtant mitigé. Certaines régies ont totalement rempli leur contrat, mais d’autres sont en difficulté et certaines ont échoué et donc disparu. Luc Bastien, directeur des secteurs socio-éducatif et politique de la ville à la Mairie de Chevilly-Larue, a son idée

Paroles d’ici : le casting

sur la question : « Je pense que pour les entreprises classiques, les régies de quartier restent au niveau de l’expérimentation : elles manquent de légitimité, de reconnaissance de la part du monde du travail français, très frileux sur ce concept ». De fait, la vie ou la survie d’une régie dépendent des commandes que lui passent la collectivité locale, les bailleurs sociaux... Elle est constamment menacée par la concurrence des services techniques des mairies ou d’autres entreprises d’espaces verts, etc... comme par la pression qu’exercent les artisans locaux, qui estiment que la régie, fiscalement avantagée, leur vole leur travail. De plus, la création, puis le recours aux services d’une régie sont souvent un choix politique et donc la pérennité de telles structures est à la merci des changements de municipalité. Enfin, « pour démarrer une régie, il faut avoir un potentiel humain qui ait envie de s’impliquer dans ce projet, trouver des professionnels qui puissent diriger l’équipe », s’accordent à dire Élodie Courtelier et Luc Bastien. Il faut donc nécessairement qu’il y ait une mobilisation sociale durable. C’est encore à ce niveau que l’on mesure la force et la durée de la régie. Une chose demeure cependant sûre : au niveau social, les régies peuvent être considérées comme les plus performantes quand il s’agit de solidarité, d’insertion sociale, de remise au travail de personnes... « On ne peut tout résoudre et on n’a pas cette prétention, parce qu’on n’en a pas la capacité. Mais on essaie de faire du mieux que l’on peut, avec les moyens que l’on a. Et c’est vrai, les gens qui travaillent dans les régies ont acquis des savoir-faire, des savoir être... Ils ont résolu un certain nombre de problèmes », affirme Élodie Coutelier qui conclue : « Les régies sont vraiment des laboratoires d’innovation sur nombre d’activités ; elles ont remis beaucoup de gens en selle ». ANNA ABELLI

*DDTEFP : Direction Départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle.

Elle a 26 ans et vient de la Guadeloupe. C’est une fille sympathique. Elle a voulu faire cette formation pour accéder aux études de journalisme, qu’elle tient vraiment à réussir. Elle a fait deux expériences professionnelles dans le domaine : l’un à la mairie de Cachan et l’autre au Conseil Général du Val-de-Marne où elle a rédigé trois articles parus dans le numéro de septembre de Connaissance du Val-de-Marne, signés AA (Anna Abelli). Notre future journaliste a un charisme et un sourire qui charmeront tous ses interlocuteurs. Originaire de Martinique, Lætitia Basseville, du haut de ses 22 ans, est passionnée de volley-ball, badminton, musique, cuisine et, plus suprenant, de mécanique. Alors imaginez le tempérament de feu ! Lætitia sait quand même se montrer trés aimable, généreuse, sérieuse dans son travail, ainsi que protéger l’environnement. Mais surtout c’est une grande bavarde ! Lætitia souhaite travailler comme chargée de communication. Messieurs, ne soyez pas tristes : cette fille est déjà fiancée. Son proverbe préféré : "Ce qui ne me tue pas, me rend plus forte". Au début, elle se sentait mal à l’aise au milieu de tous ces jeunes. Mais elle a fini par trouver sa place et a été un peu notre maman à tous, durant ces 5½ mois. Marie-Jo est arrivée du Congo il y a 21 ans. Depuis, cette " mwasi makasi " (femme forte) n’a jamais cessé de se battre pour ses 4 enfants, qu’elle élève seule depuis qu’ils sont tout petits. Elle n’a jamais baissé les bras, Marie-Jo ! Battante, elle en veut ! Son souhait : retrouver du travail auprès de malentendants et y exercer ses talents : communiquer par la langue des signes. Farès est un jeune homme de 20 ans, plein de courage, sportif, dynamique et sérieux. Il a différentes expériences dans de nombreux domaines et se prépare à travailler comme agent de la RATP. Boute-en-train de l’équipe, il aime rigoler, mais aussi voyager et changer d’air Il apprécie les belles voitures. Gentil, bon vivant, c’est un mec vrai, il est là pour profiter des bons moments de la vie. "Tranquille" !

C’est notre benjamin, l'homme masqué depuis cinq mois et demi. Aujourd’hui il décide de se démasquer pour le plus beau jour de sa vie. Notre Yannick a 20 ans et à décidé de devenir facteur à La Poste ! Bientôt, vous le verrez tous près de chez vous pour la distribution du courrier. Faites attention les filles, quand vous allez le rencontrer devant votre boîte aux lettres ! Vous risquez d’avoir des problémes avec votre mari, car il est carrément beau gosse ! Cet indien dans la ville, pour l’éviter, il va vous falloir aller consulter les marabouts d'Afrique.

Cette femme, toute suite on l’apprécie. Elle est grande, belle, généreuse, chaleureuse... toujours un peu fatiguée, mais on ne la changera pas, notre Angéla ! 26 ans et mère de deux beaux petits garçons, c’est une Chevillaise qui essaie de trouver un emploi. Faire ce journal était une réelle opportunité, car elle a pu rencontrer de nouvelles personnes, acquérir de nouvelles compétences et se faire aider par des formateurs exceptionnels. Angéla a toujours une anecdote, une attention pour ses collègues. Elle aime rire, faire la fête, être en compagnie de ses amis... vraiment elle croque la vie à pleines dents ! Bientôt Angéla partira à Angoulème rejoindre son compagnon pour construire sa nouvelle vie. Loin de nous, elle nous manquera notre Angéla.


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Paroles d’ici : le casting

Il s’appelle Lassana Dabo, il a 29 ans et il est né à Dakar, au Sénégal. Après six mois de formation, il a su développer ses talents de photographe... pour devenir un as du détourage photo. Il cherche un poste d’agent de prévention et sécurité incendie. On le surnomme " Las des as " ! Pour celles qui sont célibataires et qui ont besoin de se sentir rassurées, il a une moustache et une barbichette qui vous feront frémir, mesdemoiselles ! Il n’y a pas photo, c’est celui qu’il vous faut !

Quinze avril de l’an 2005, elle commençait sa formation. Originaire de Normandie, plus précisement de Bolbec, en SeineMaritime, elle a trente-cinq ans et habite Fresnes. Au RMI depuis dix ans, elle a élevé ses jumelles. Ce stage lui donne l’opportunité de réfléchir sur son projet professionnel et d’avoir un soutien pour sa recherche d’emploi. Elle confirme : " Cela m’a permis de m’évader du quotidien familial parfois éprouvant ". Elle cherche un emploi dans les espaces verts. C’est une femme qui a toujours une histoire à raconter ; chaque lundi, ce sont les aventures de Chantal Davoult !

Sekou Diaby, âgé de 23 ans, est originaire du Mali et habite L’Haÿ-les-Roses. Sociable, travailleur, généreux et ouvert, il aime tout de même avoir raison. Célibataire, il affectionne particulièrement le foot et le hip-hop. Sekou envisage de devenir agent de gare à la RATP. Ayant travaillé comme animateur pour enfants dans les centres de loisirs de L'Haÿ, puis téléopérateur chez M6 boutique, il a le contact facile et sait être à l’écoute. Il aime rire et se montre joyeux. Son proverbe préféré : " Pourquoi remettre au lendemain ce que l’on peut faire le surlendemain ".

Agée de 22 ans, Élise est originaire de Normandie. Elle est drôle, jolie, et tête-enl’air. Elle sait tout de même rester sérieuse lorsqu’il le faut, la preuve en est : elle souhaite travailler dans le domaine social, être à l’écoute des gens et leur tendre la main. À l’issue de la formation, elle entrera en stage dans l’association Unis Cité pour une durée de 9 mois, en qualité de volontaire. Elle devra réaliser 8 projets, avec une équipe de volontaires ; nous n’avons pas fini d’en entendre parler ! Avec son coeur d’or et son joli minois, elle n’arrête pas de nous surprendre ! C’est notre Fée Clochette.

Gwenaël, c’est le rayon de soleil du stage ! Âgée de 23 ans, elle est toujours speed et profite bien de sa jeunesse : sorties entre amis, week-ends en tous genres... Chevillaise, d’origine martiniquaise, elle n’a pas sa langue dans sa poche et dit toujours ce qu’elle pense. En octobre, elle doit partir pour quatre mois en Irlande faire un stage de langue anglaise. Elle souhaite par la suite devenir agent d’escale... " Si Dieu le veut ".

C'est un homme qui se nomme Karim. Un vrai bonhomme, et pas en neige ! Toujours de bonne humeur et l’humour fait partie de sa mauvaise humeur. Sérieusement ! Il demeure à L’Haÿ-les-Roses, et, à 31 ans, il se pose. Son projet : devenir taxi-man. Aussi rapide que l’éclair et, c’est clair, quand il parle, c’est pas très clair... L’articulation ne fait pas partie de sa sphère et c’est ça qui fait que c’est le seul sur terre !

Qu’as-tu fait cet été ? Réveil tardif, piscine l’après-midi, si le temps est clément, aller-retours entre différents quartiers... Pour les plus jeunes, les journées d’été sont souvent monotones. D’autres profitent des services offerts par la ville pour s’occuper. Quant aux plus âgés, certains prennent des initiatives, comme ce collectif qui a organisé une tournée de France jusqu’au Kosovo.

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es plus jeunes profitent du centre de loisirs, tel Mehdi, content d’être « pris en charge toute la journée ; ça nous permet de découvrir certains quartiers de la ville, les parcs et jardins, de pique-niquer dans les bois... On profite ainsi de tous les espaces verts et culturels avec nos camarades de classe ou de quartier ». Les adolescents vont plutôt s’orienter vers les activités proposées par le Service Municipal de la Jeunesse (SMJ), destinées aux 13-17 ans, qui les responsabilisent davantage. Ils apprécient qu’il y ait un choix plus important, que le coût soit très abordable, mais aussi d’être familiers des animateurs qui, le plus souvent, vivent dans leurs cités. La plupart des adolescents ne partent pas en vacances en dehors du SMJ, telle Binta, originaire du Mali : « Je ne vais pas au pays parce que mes frères et mon père y vont déjà, et comme le prix du billet est très cher, c’est chacun son tour ; je n’irai donc que l’année prochaine ». Sonia, âgée de 15 ans et originaire d’Algérie, reste pour de toutes autres raisons : « Moi je ne vais pas en vacances cette année parce que ça me saoûle d’aller en Algérie tous les ans... ». Tous préfèrent le SMJ au centre de loisirs du fait des activités adaptées à leur âge, à leur milieu social et avec lesquelles ils se sentent plus libres. Durant l’été, des séjours en camping sont aussi proposés, l’occasion pour tous de s’éloigner réellement pendant plusieurs jours. S.D.

Comment vous sont venues l’envie et l’idée de monter le projet d’échange au Kosovo ? En fait, Yann Bieuzent, l’organisateur, et moi-même sommes acteurs de la vie culturelle locale depuis 1998; donc on organise régulièrement des concerts et des forums associatifs dans la région parisienne. Yann est parti au Kosovo l’année dernière en vacances chez des amis ; il a adoré et a eu envie de faire quelque chose là-bas. La première idée, c’était de participer au festival du Kosovo et après, on s’est dit que si on allait de Paris au Kosovo, on allait bien faire des concerts sur la route et donc la tournée s’est mise en place comme ça. Qu’a donné le repérage au mois de mai ? Depuis le mois d’octobre, on travaille sur les dates, en relation via internet avec des gens qui gèrent des salles sur place. Pendant le mois de mai, on a fait la route pour baliser le terrain : rencontrer les gens avec qui on allait travailler et promouvoir le concert auprès de la population. Ce qui fait qu’au mois d’août, on savait où on allait, qui on allait rencontrer, on connaissait déjà les lieux ; on est donc arrivé en terrain connu ! Combien de personnes dans le groupe ? 48, dont 40 garçons et 8 filles. Pourquoi si peu de filles ? Parce que dans la musique actuelle, les garçons sont vraiment majoritaires : si tu vas en concert, tu constateras que

ce sont les mecs qui sont sur scène la plupart du temps. En plus, on avait 2 mécaniciens, un chauffeur de bus, 2 organisateurs, 2 ingénieurs du son, qui sont plutôt des métiers d’homme, et le reste c’était des musiciens. De quelles aides avez-vous bénéficié pour mener à bien votre projet ? La mairie de L’Hay-les-Roses 100 € et celle de Sèvres 700, le Conseil Général du 91 1500 €, celui du 92 4500 €, celui du 94 2000 €, le Défi Jeunes 1000 €, la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports du 91 800 €. On a aussi été aidé par l’entreprise Consultants E.S.E. Votre mission durant ce séjour ? Faire partager la musique en partant du principe qu’elle est un langage pour lequel il n’y a pas de barrière. Quasiment tous les textes étaient en français, et comme on avait choisi de la musique très dansante, on partait de l’idée que ça allait permettre aux gens de se renconter. C’est aussi une rencontre entre les groupes d’ici et de là-bas ? Oui, on a rencontré des groupes au Kosovo, mais pas sur les autres dates. En Italie il n’y a pas eu trop de monde, mais sur le reste des concerts on a fait salle comble. Les concerts étaient gratuits ; les seules fois où on a fait payer, c’était pour rembourser les frais des salles qui nous accueillaient. On n’a fait aucun bénéfice, ce n’était pas le but.

Comment vous êtes-vous mis en contact avec les différents groupes ? Par des connaissances, des réseaux d’amis, parce qu’on travaille dans le milieu depuis longtemps. Et aussi par rapport à la sensibilité musicale. Il n’y a pas eu de casting. Quelle difficultés avez-vous rencontrées et comment vous en êtes-vous sortis ? Les douaniers nous ont souvent fait perdre du temps, en demandant de toujours payer plus que prévu et donc on a dû négocier à chaque fois, mais on a fini par passer, c’est le principal. Il y a eu des coupures d’électricité très souvent, mais heureusement les groupes électrogènes des mairies nous ont dépannés. Pourquoi le Kosovo ? Parce que ce pays a une image très négative en Occident : la guerre, les bombes, ça fait peur ; alors que là-bas les gens veulent passer à autre chose, ils essayent de vivre et d’avoir des activités normales. Vos attentes et votre but ? Aujourd’hui, on fait le bilan et on prépare déjà le projet retour pour le mois d’avril 2006 : partir du Kosovo en car, prendre des groupes musicaux étrangers tout le long du chemin, pour finir par un concert à Paris durant le festival " Déjà minuit ". Il faut rendre les dossiers avant le premier novembre, préparer les expositions à Palaiseau, à Sèvres et peut-être à L’Haÿ... S’il y a des gens qui veulent se joindre au projet, ils sont les bienvenus. Que prévoyez-vous pour la suite ? Le projet retour d’abord et peut-être une compil avec les groupes d’Europe de l’Est et les groupes français. Merci à Coline Henry de nous avoir accordé cette interview. Propos recueillis par SEKOU DIABY


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