Une seule terre N°9 - Avril 2013

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Une seule terre Journal d’information de Pain pour le prochain n° 9 - avril 2013

Dossier

L’AGRICULTURE éCOLOGIQUE AU SECOURS DE LA PLANèTE Portrait

Bernadeta Sutrisnowati : préserver le paradis sur terre

événement

Un dialogue tricontinental pour redéfinir le développement


En aparté

en bref EVOLUTION

Plus que de douces rêveuses… Le climat est menacé. Quelques récalcitrants mis à part, plus personne ne nie aujourd’hui le réchauffement de la planète et ses conséquences sur l’agriculture. Il est temps d’agir. Mais la prise de conscience est une chose, le passage à l’acte une autre.

© Didier Deriaz

Max Havelaar : le commerce équitable s’internationalise

Logo Max Havelaar avec société de producteurs de thé rwandais et Rainforest Alliance, Rwanda 2012

Au chapitre des fausses bonnes solutions, on trouve les agrocarburants, que certains appellent encore « biocarburants ». L’Union européenne a décidé de réduire son empreinte écologique et de remplacer 10% du pétrole par de l’agro-carburant d’ici 2020, ce qui entraîne une agriculture à grande échelle de canne à sucre, de soja et de maïs pour produire du carburant soi-disant plus écologique que le pétrole. Les entreprises agro-industrielles, quant à elles, poussent pour des productions agricoles intensives, censées résoudre le problème de la faim dans le monde. N’est-ce pas là une fuite en avant, au lieu de changer nos habitudes de consommation ?

Grâce au Fonds spécial climat et développement, les foyers améliorés permettent aux femmes de cuisiner sans utiliser trop de bois – une alternative simple et efficace au déboisement. Découvrez comment les paroisses et les particuliers peuvent contribuer de manière originale à alimenter ce fonds. Et ne manquez pas de vous laisser entraîner par l’enthousiasme de Wati, devenue facilitatrice des ateliers que Pain pour le prochain organise pour mieux faire face aux changements climatiques.

ENTREPRISE IRRESPONSABLE

© PPP

Addax en Sierra Leone : promesses non tenues

Arbres détruits sur les lieux des projets d’Addax

Pain pour le Prochain vient de publier une étude qui révèle que dans trois projets en Sierra Leone, dont celui d’Addas Bioenergy, l’accaparement touche plus d’un cinquième des terres arables. Cela signifie que celles-ci sont moins disponibles et l’approvisionnement en denrées alimentaires plus difficile. De nombreuses promesses ont été faites à la population, mais apparemment elles n’ont été consignées dans aucun contrat. Les indemnisations pour les arbres détruits et la terre défrichée sont insuffisantes. Le premier bilan de ces investissements montre que les coûts dépassent largement les bénéfices. YMA

ACCES AUX RESSOURCES

Philippines : le conflit autour d’une mine d’Xstrata a déjà fait huit morts

© AdC

Dans ce numéro, vous découvrirez que les alternatives existent. Au Sénégal, les techniques agro-écologiques permettent d’augmenter les récoltes de mil de près de 200%. Au Rwanda, les femmes, gardiennes de la biodiversité, arrivent à produire 600 sortes différentes de haricots. En Ethiopie, grâce au compostage, qui remplace les engrais chimiques, la récolte a doublé. Ces exemples prouvent que les ONG qui promeuvent l’agroécologie sont bien plus que de douces rêveuses. Car ces alternatives concrètes contribuent à la préservation de l’équilibre écologique à long terme.

Miges Baumann, directeur de la politique de développement chez Pain pour le prochain, est le nouveau président de Max Havelaar Suisse. Créée il y a vingt ans par les six principales organisations suisses de développement, dont Pain pour le prochain, la fondation a contribué grandement à rendre le commerce équitable accessible au grand public. Un succès qui s’accompagne de nouveaux défis. Max Havelaar est membre de Fairtrade International (FLO), où les coopératives de producteurs du Sud y ont autant de voix que les organisations du Nord. Les règles négociées avec une entreprise sont désormais valables pour toutes, sur le plan international. Sans compter que le marché devient de plus en plus concurrentiel, avec des labels qui ont des standards plus bas ou se concentrent seulement sur un aspect du commerce équitable, comme l’environnement. IA

Manifestation contre la mine de Tampakan

Dans la région de Tampakan, la plus grande mine d’or et de cuivre d’Asie du sud-est est exploitée, entre autres, par SMI, une filiale de la multinationale suisse Xstrata. Les communautés locales s’opposent à ce projet qui détruit l’environnement et les bases de leur subsistance. Fin janvier, un membre de la communauté autochtone B’laan a été blessé mortellement par l’armée, portant à huit le nombre de victimes depuis le début du conflit minier. Pain pour le prochain, Action de Carême et Misereor appellent Xstrata à faire la lumière sur ces incidents mortels et à prendre les mesures qui s’imposent. IA

En chiffres

Secrétaire romande Pain pour le prochain

Ne juge pas la journée en fonction de la récolte du soir, mais d’après les graines que tu as semées. Robert Louis Stevenson

Photo de couverture : Jardin communautaire de femmes, Niger

© Didier Deriaz

(écrivain britannique, 1850-1894)

La Journée des roses, organisée le 9 mars par Pain pour le prochain, Action de Carême et Etre partenaires, a permis de récolter 800’000.– grâce à la vente de 160’000 roses généreusement mises à disposition par la Migros.


Dossier

© Didier Deriaz

L’agriculture écologique au secours de la planète

en Chiffres Une augmentation de la température de 1,5° entraînerait une baisse de productivité de 20% en Afrique, pour des cultures comme le maïs, le sorgho et le mil. D’ici 2050, la production de riz en Asie du Sud pourrait diminuer de 14%, celle de maïs de 13% et celle de blé de 45%.

L’agriculture conventionnelle contribue massivement au réchauffement de la planète. Pour lutter contre le changement climatique et assurer la sécurité alimentaire, il faut passer sans tarder à une agriculture écologique.


Système traditionnel d’exhaure de l’eau pour les cultures irriguées chez les Touaregs sédentaires de l’Aïr, Niger.

© Didier Deriaz

Concrètement, il s’agit d’assainir les sols et d’augmenter la vitesse d’absorption de l’eau lorsque les pluies tombent abondamment et pendant de courtes durées. Dans la région du Tigray, en Ethiopie, les sols compostés ont donné le double de récoltes que ceux où l’on avait répandu des fertilisants chimiques.

«

L’agriculture conventionnelle contribue au changement climatique autant que d’autres activités humaines, mais on a tendance à l’oublier », nous confie Miges Baumann, directeur de la politique de développement chez Pain pour le prochain. Pour pallier cette lacune, il vient de traduire, avec l’ONG allemande Brot für die Welt, « Agriculture écologique, résilience climatique et une feuille de route pour y parvenir », une prise de position de l’ONG internationale Third World Network. Chiffres à l’appui, celle-ci montre que les monocultures industrielles, très gourmandes en eau, en énergie, en engrais chimiques, en fertilisants et en pesticides, sont responsables de 10 à 12% des émissions annuelles de gaz à effet de serre générées par l’homme. Or, ce réchauffement affecte directement la production agricole. Une augmentation de la température de 1,5° entraînerait une baisse de productivité de 20% en moyenne en Afrique, pour des cultures comme le maïs, le sorgho et le mil. D’ici 2050, la production de riz en Asie du Sud pourrait diminuer de 14%, celle de maïs de 13% et celle de blé de 45% en moyenne, par rapport à 2000, car la productivité diminue avec la sécheresse et son contraire – l’excès de pluie et les inondations –, ou en raison de la pluviométrie plus irrégulière qui résulte du changement climatique.

Promouvoir la biodiversité, au détriment des monocultures, augmente aussi la fertilité des sols et la résilience du système. L’expérience montre que les paysans qui diversifient leurs cultures souffrent moins des aléas climatiques que les autres. Et les femmes sont des gardiennes avérées de la biodiversité : au Rwanda, elles produisent plus de 600 sortes de haricots. Au Pérou, les Aguaruna plantent plus de 60 variétés de manioc.

en développement et leurs petits paysans, pêcheurs artisanaux et bergers.

Augmenter la résilience On le voit : l’agriculture conventionnelle n’est pas durable. Il faut changer de système. L’agriculture écologique orientée vers l’autosuffisance 1 représente une alternative idéale, car elle permet de garantir la souveraineté et la sécurité alimentaire, tout en luttant contre le changement climatique. Les paysans qui se tournent vers cette forme d’agriculture devien­ nent plus résilients et, grâce à de nouvelles techniques – voire, le plus souvent, à des techniques ancestrales remises au goût du jour –, ils améliorent la fertilité des sols et augmentent la productivité.

« Il faut des cultures capables de pousser avec moins d’eau ou dans un climat changeant. Les multinationales essaient aussi de trouver des solutions, mais dans le but de garder le contrôle des semences par le biais des brevets. Pour les ONG, ce sont les paysans qui doivent garder ce contrôle – c’est là toute la différence. »

Finalement, qui dit « agriculture résiliente » dit gestion de l’eau, du moins dans les régions où il y en a en abondance. Pour cela, il suffit parfois de revitaliser les techniques indigènes comme le zaït au Sahel, qui consiste à creuser des trous dans le sol pour collecter l’eau de pluie.

Productivité plus élevée dans les pays en développement Si, dans les pays industrialisés, l’agriculture biologique n’atteint que 92% de la productivité de l’agriculture conventionnelle, dans les pays en développement, elle produit jusqu’à 80% de plus.

Peule cultivant des piments. Les peuls sont des éleveurs nomades, mais ayant perdu son bétail à cause de la sécheresse, cette femme a été obligée de se tourner vers l’agriculture.

© Didier Deriaz

Résultat : les prix des principales denrées alimentaires risquent d’augmenter et de plonger encore davantage de personnes dans la sous-alimentation et la faim. Une situation qui va affecter surtout les pays

C’est ainsi que, dans les territoires arides du Burkina Faso et du Niger, des techniques agro-écologiques de conservation des sols et de rétention de l’eau ont permis de transformer des terrains dégradés. Les familles paysannes sont passées d’un déficit céréalier de 644 kg par an (6,5 mois de déficit alimentaire  !) à un surplus de 153 kg. 1

Cf. Collection Repères 2/2012


Au Sénégal, le compostage et d’autres techniques agro-écologiques ont fait augmenter les récoltes de mil de 75 – 195% et celles d’arachides de 75 – 165%. Dans les régions arides de la vallée du Rift et du Kenya occidental, en diversifiant les cultures et en améliorant la fertilité des sols, plus de 1000 paysans ont vu leurs récoltes de maïs croître de 71% par rapport à l’agriculture conventionnelle. La preuve n’est plus à faire que ces techniques permettraient de lutter plus efficacement contre la pauvreté que tout mégaprojet d’agriculture industrielle. Pareil en Amérique latine : ce système a permis à 45’000 familles au Honduras et au Guatemala d’accroître sensiblement leur sécurité alimentaire. Au Brésil, grâce à l’utilisation de fumier végétal et animal, de cultures de couverture et à l’encerclement des champs par les branches, les récoltes se sont sensiblement améliorées. Quant aux hauts plateaux du Pérou, de Bolivie et d’Equateur, ce sont parmi les endroits les plus difficiles à cultiver au monde. Malgré cela, en utilisant notamment du compost végétal, les paysans ont pu tripler les récoltes de pommes de terre.

Le contrôle des semences aux paysans « Il faut des cultures capables de pousser avec moins d’eau ou dans un climat changeant, nous explique Miges Baumann. Certes, les multinationales essaient aussi

© PPP

Projet d’agriculture écologique soutenu par PPP au Honduras.

de trouver des solutions, mais dans le but de garder le contrôle des semences par le biais des brevets. Pour les ONG, ce sont les paysans qui doivent garder ce contrôle – c’est là toute la différence. » En effet, les marchés mondiaux des semences, de l’agrochimie et de la biotechnologie sont dominés par quatre multinationales, dont Monsanto et la Suisse

local, les systèmes paysans de gestion des semences et les banques communautaires de semences. Ils doivent financer la re­ cherche et le développement – aujourd’hui, la plupart des fonds viennent du secteur privé – et bannir les brevets. IA

En chiffres Au Sénégal, le compostage et d’autres techniques agro-écologiques ont fait augmenter les récoltes de mil de 75 – 195% et celles d’arachides de 75 – 165%. Dans les régions arides de la vallée du Rift et du Kenya occidental, en diversifiant les cultures et en améliorant la fertilité des sols, plus de 1’000 paysans ont vu leurs récoltes de maïs croître de 71% par rapport à l’agriculture conventionnelle.

Syngenta. En 2004, leur part de marché a atteint 60% pour l’agrochimie et 33% pour les semences, en augmentation par rapport aux 47% et aux 23% en 1997. Ces entreprises ont intérêt à promouvoir les

monocultures fortement dépendantes des intrants externes. Pour soutenir l’agriculture écologique, les gouvernements doivent abolir les subventions aux pesticides et aux engrais synthétiques et promouvoir le savoir

MOBILISATION

© PPP

Aux Philippines, apprendre aux paysans à s’adapter

Travail de groupe lors de l’atelier sur l’île de Palavan « Au Nord, nous plaidons pour un changement de cap et le passage à l’agriculture écologique. Au Sud, nous aidons les paysans à s’adapter au changement climatique », nous explique Miges Baumann, de retour d’un atelier sur l’île de Palavan, aux Philippines, organisé en collaboration avec l’ONG allemande Brot für die Welt. Le but était de mettre en œuvre le ParticipatoryAssessment of Climate and DisasterRisks2 , un outil élaboré conjointement par

Pain pour le prochain, Brot für die Welt et l’EPER pour aider les partenaires du Sud à prendre conscience du changement climatique. « C’est un outil participatif qui fait appel à l’expérience et aux connaissances des paysans, continue le directeur de la politique de développement. Au début, ceux-ci disaient qu’ils ne voyaient pas de différence. Mais après réflexion, ils ont reconnu que les saisons avaient changé et qu’ils ne savaient plus quoi planter en février, par exemple. Nous avons cherché des solutions ensemble. » Les Philippines sont un haut lieu des changements climatiques. Les typhons et les inondations sont devenus beaucoup plus fréquents, virulents et imprévisibles qu’avant. Mais le travail des ONG locales, très ciblé sur le développement communautaire, permet aux villageois de s’adapter rapidement. Ils reconnaissent, par exemple, que la méthode de culture traditionnelle, qui consiste à couper et brûler des bouts

de forêt pour dégager des terrains, n’est pas forcément mauvaise quand la population est peu nombreuse, car les arbres qui entourent les terrains préviennent les inondations. Mais si la population augmente, la forêt va finir par disparaître. Il est donc urgent de trouver un équilibre entre les méthodes indigènes et l’évolution des exigences de la population. Le gouvernement philippin applique une bonne politique en matière de catastrophes naturelles. Chaque district doit allouer 5% de son budget au risque de catastrophes, dont 70% pour la prévention et 30% pour faire face aux catastrophes si elles se produisent. Mais les changements climatiques lents, dont les effets sont visibles seulement à long terme, ne sont pris en compte ni par le gouvernement, ni par les ONG locales. C’est là que Pain pour le prochain intervient pour essayer de changer les choses. IA   Evaluation participative des risques liés au climat et aux catastrophes

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Dossier

© DM-échange et mission, Lausanne

économiser ici pour aider le Sud à s’adapter au changement climatique

Le Fonds spécial climat et développement soutient des projets ciblés, qui aident les populations défavorisées du Sud à s’adapter aux effets du changement climatique. Il est financé, notamment, par les économies d’énergie réalisées par les paroisses et les particuliers en Suisse.

A

u Bénin, le Fonds soutient un projet de DM – échange et mission qui vise la fabrication, la diffusion et la commercialisation de foyers améliorés. Pour augmenter le revenu des ménages, l’organisation aide les femmes de la région d’Allada à transformer les produits agricoles sans utiliser trop de bois. Cela évite le déboisement et donc les sécheresses et les inondations qui s’ensuivent, car les terres dénudées ne retiennent plus l’eau. Grâce à l’utilisation de foyers Rocket portables, les ménages ont pu réduire leurs dépenses en bois et en charbon, augmenter le revenu des femmes qui les fabriquent et réduire les émissions de gaz à effet de serre, tout en aidant à stabiliser le microclimat. Dans la région fortement peuplée de l’ouest du Cameroun, le changement climatique fait ressentir ses effets depuis longtemps déjà : la diminution des surfaces boisées

a rendu les précipitations plus irrégulières et déficitaires. En outre, un nombre croissant d’éleveurs brûlent leurs pâturages pour accélérer la pousse de l’herbe. Les feux, devenus souvent incontrôlables, détruisent les champs et provoquent de gros dégâts.Le Fonds appuie un projet visant à expliquer le changement climatique et ses conséquences aux paysans sédentaires et aux éleveurs nomades. Des ateliers et des émissions de radio informent la population des risques encourus. Les paysans apprennent de nouvelles techniques de culture respectueuses de l’environnement et les éleveurs à ne pas brûler les prairies. Les champs sont aussi transformés en prairies : une fois moissonnés, ils servent de pâturages aux animaux et sont fertilisés avec du fumier de vache. Le mécanisme de financement du Fonds spécial climat et développement repose

Productrices et sécheuses de manioc au Cameroun, projet CIPCRE.

sur le principe gagnant-gagnant : nous encourageons les paroisses, les institutions et les particuliers à améliorer leur bilan climatique en réduisant la consommation d’énergie – ce qui leur permet, au passage, de diminuer leurs dépenses. En baissant la température intérieure d’une maison classique de 2°, on peut économiser 400.– par an. En utilisant des appareils domestiques à basse consommation d’énergie et en séchant son linge à l’air, on peut économiser 180.– par personne et par an. Des économies qui peuvent être dévolues à notre Fonds qui, avec des montants très modestes – entre 15’000.– et 17’000.– pour les projets au Cameroun et au Bénin –, aide les populations défavorisées du Sud à lutter contre le changement climatique et à s’y adapter. IA


A découvrir

Portrait PARTAGE ET RéFLEXION

A Caux, l’être humain au cœur de la sécurité

Préserver le paradis sur terre La Balinaise Bernadeta Sutrisnowati est la première « formatrice climat » de Pain pour le prochain issue d’un pays du Sud. Car le changement climatique se fait sentir même dans ce petit coin de paradis touristique, comme dans toute l’Asie.

«

Les conséquences du changement climatique se font déjà sentir partout, y compris dans mon pays. En Indonésie et dans toute l’Asie, nous sommes dans une situation très vulnérable : les catastrophes naturelles ont toujours existé, mais cela est en train d’empirer », nous lance, de Bali, Bernadeta Sutrisnowati. « Wati », pour les intimes, sait de quoi elle parle : la trentenaire, qui a grandi dans un petit village de cette île bénie des dieux, a vu de ses propres yeux les conséquences du changement climatique sur la vie des paysans. Travaillant pour l’EPER sur la réduction des catastrophes naturelles, la perspective à long terme – le changement climatique – lui était plutôt méconnue… Jusqu’à ce jour de 2011 où, à l’occasion d’un atelier organisé à Kalimantan, en Indonésie, Pain pour le prochain lui propose de devenir facilitatrice d’ateliers sur le climat. Et Wati se lance : d’abord au Kenya, ensuite aux Philippines, à Palavan. Elle nous explique que les ateliers servent à aider les organisations partenaires à adapter leurs projets au changement climatique. Pour cela, les hommes et les femmes sont séparés et effectuent des analyses distinctes. « Nous voulons connaître leurs points de vue respectifs, souligne-t-elle. Dans mon pays, les femmes ne peuvent pas parler librement en présence des hommes, ou alors elles se sentent intimidées – des barrières qui existent aussi aux Philippines et au Kenya. J’ai été très surprise par la grande différence de réponses entre les deux groupes et par les conflits qui peuvent parfois surgir. Mais à la fin, ils arrivent toujours à se mettre d’accord. » A Kalimantan, par exemple, il est apparu que les hommes craignent plutôt les ouragans et les éboulements et les femmes les inondations qui suivent les fortes pluies. La raison en est simple : les

premiers gagnent leur vie en construisant des briques sur les talus ; les secondes en cultivant les champs en plaine. Mais les deux redoutent les tremblements de terre et admettent que les pluies et les saisons sèches sont devenues beaucoup plus imprévisibles. Au bout du compte, les participants et participantes peuvent préconiser de travailler plus étroitement avec des universités pour développer des semences moins gourmandes en eau, par exemple. Wati est enthousiaste : « Je veux partager mon expérience et aider les gens à mieux se préparer au changement climatique ! » Certes, Pain pour le prochain est une organisation chrétienne, mais elle travaille avec toutes les personnes affectées par cette réalité. Comme elle agit au plus près des communautés et qu’elle dispose d’un réseau très étendu, elle peut vraiment changer les choses. Les projets sont destinés à essaimer. En Asie, un atelier de suivi va avoir lieu aux Philippines à la fin de l’année. Wati va le préparer et l’animer avec Marion Künzler, responsable du programme climat chez Pain pour le prochain. Ensuite, elle va appuyer les partenaires locaux dans leurs activités ultérieures. Vu le succès de l’expérience avec Wati, Pain pour le prochain est en contact avec des formateurs au Kenya et en recherche d’autres en Amérique latine.

IA

Dans le cadre enchanteur d’un ancien palace au-dessus de Montreux, les rencontres de Caux réunissent chaque année des personnes désireuses de partager une expérience communautaire autour de thèmes d’actualité, inspirés par la spiritualité. Du 29 juin au 12 août, les initiatives de Caux sur la sécurité humaine prévoient un cycle de sept conférences, d’une semaine chacune, sur des thèmes complémentaires : la gouvernance équitable pour lutter contre la corruption ; le dépassement du racisme pour guérir les mémoires ; la préservation de la terre pour assurer la sécurité ; la justice économique pour humaniser l’économie ; la participation des enfants pour assurer la paix ; la multiculturalité pour apprendre à vivre ensemble ; les ressorts intérieurs pour construire un monde meilleur. IA

TECHNOLOGIES POUR LE DéVELOPPEMENT Le nouveau site Terrespoir facilite vos achats de fruits du Cameroun Terrespoir, fondation de commerce équitable créée par Pain pour le prochain et DMéchange et mission, met son site au goût du jour : nouveau graphisme, navigation adéquate, boutique en ligne où l’on peut créer son compte et passer ses commandes, rubrique actualités pour suivre Christophe Reymond, le responsable, dans ses déplacements dans toute la Suisse… C’est lui qui entretient les contacts avec les 140 producteurs camerounais à qui il achète entre 10% et 30% de la production, certifiée bio et Max Havelaar. En Suisse, une association de soutien les aide à racheter des pièces de rechange ou à obtenir des microcrédits pour construire une nouvelle unité de séchage de fruits ou lancer une plantation d’avocatiers, par exemple. IA www.terrespoir.com

FIFF Three Sisters, du chinois Wang Bing, remporte le prix œcuménique du Festival international du film de Fribourg Dans la province du Yunnan, en Chine, trois sœurs vivent dans des conditions d’extrême pauvreté. La mère a disparu et le père travaille en ville. Le film montre avec pudeur les conséquences de la mondialisation sur les plus faibles, entre la précarité du quotidien et l’amour qui unit ces trois sœurs. Il induit une réflexion sur nos propres choix de consommation et notre responsabilité. Pain pour le prochain et Action de Carême décernent le prix œcuménique, doté de Fr. 5’000. AJN


VARIA

éVéNEMENTS OBJECTIFS DU MILLéNAIRE

Agenda

27 avril 2013 Champion solidaire aux 20 km de Lausanne 28-30 mai 2013 Pékin PPP est invité au Dialogue intercontinental Chine-Europe-Amérique latine sur les « Post-Objectifs du Millénaire pour le développement ».

© Martina Schmidt/PPP

18 avril 2013 Berne, Bührenpark Forum de campagne La rencontre réunit le personnel d’Action de Carême et de Pain pour le prochain ainsi que les collaborateurs-trices à la campagne externes des paroisses.

Un dialogue tricontinental pour redéfinir le développement

Début de dialogue avec les partenaires chinois au Sommet de la Terre de Rio.

14 juin 2013 Symposium Entreprises et droits humains (www.droitsansfrontieres.ch)

Martina Schmidt, Secrétaire romande de Pain pour le prochain, va représenter la plateforme Dialogue4Change au dialogue tripartite entre ONG européennes, chinoises et latino-américaines qui va avoir lieu du 28 au 30 mai à Pékin. Initiées par la fondation Charles Léopold Meyer et lancées lors du Sommet des peuples de Rio, les discussions vont porter sur la suite à donner aux Objectifs du Millénaire pour le développement, qui arrivent à échéance en 2015. « Les ONG chinoises sont en train de découvrir les problèmes écologiques liés à la croissance économique et nous voulons imaginer, avec elles, un développement qui ne détruise pas l’environnement. Pain pour le prochain va amener sa contribution œcuménique à la réflexion sur un nouveau paradigme de développement », nous explique Nicolas Krausz, responsable du projet à la fondation. IA

SOUTIEN ACTIF

30 juin 2013, 11h30 Onex, paroisse latino-américaine Culte et conférence-débat avec Martina Schmidt sur le thème « Protestantisme historique et libération » (Harmattan, Paris, 2007)

© PPP

Les champions solidaires sur les traces des indigènes indiens

Les secrétaires romands de PPP (Martina Schmidt), EPER (Philippe Bovey), DM-échange et mission (Jacques Küng) et l’animateur Terre Nouvelle de l’EERV (Michel Durussel)

Le 27 avril, chaussez vos baskets pour une nouvelle édition des Champions solidaires ! Les fonds récoltés vont servir à financer un projet de promotion des enfants autochtones (Adivasi) dans le sud de l’Inde, mis en œuvre par l’EPER, avec le soutien de Pain pour le prochain. Chassés de leurs terres et de leurs forêts pour faire place aux monocultures et aux exploitations minières, les Adivasi – 80 millions en Inde – se voient privés de leurs moyens de subsistance. Les entreprises profitent de leur extrême dénuement, car la plupart des indigènes sont analphabètes et ne savent pas faire valoir leurs droits. Le projet essaie d’inciter les parents à envoyer les enfants à l’école et d’informer les adultes des moyens d’action collective existants pour pousser les autorités à valider leur droit à la terre par un acte officiel. IA

SYMPOSIUM

Entreprises et droits humains : exemples concrets Avenue du Grammont 9 – 1007 Lausanne ppp@bfa-ppp.ch – www.ppp.ch CCP 10-26487-1 Editeur : Pain pour le prochain Rédaction : Martina Schmidt, Isolda Agazzi, Yvan Maillard Ardenti, Anne-Lise Jaccaud Napi Corrections : Carine Huber Michoud Graphisme : Corrado Luvisotto, Grafix, Fribourg Impression : Imprimerie St-Paul, Fribourg Prix de l’abonnement : 10 francs suisses Tirage : 14 500 exemplaires ISSN 2235-0780

© Droit sans frontières

Tél. 021 614 77 17 – Fax 021 617 51 75

Remise de la pétition Droit sans frontières le 13.06.2012.

Le 14 juin, un symposium organisé par la coalition Droit sans frontières, dont Pain pour le prochain est membre, va présenter des cas concrets de violation des droits humains et de pollution de l’environnement par des entreprises suisses. Des experts étrangers vont expliquer comment les Etats-Unis et l’Union européenne obligent les entreprises à assumer leur responsabilité sociale et écologique. Côté suisse, nous allons demander aux parlementaires et aux représentants de l’économie où en est la discussion dans notre pays, ce qu’ils attendent de l’Etat et des entreprises et comment ils s’engagent en faveur de règles contraignantes pour les multinationales. IA


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