Une seule Terre N°11 - Octobre 2013

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Une seule terre n° 11 - octobre 2013

© JD Gadmer, AdC/PPP

Journal d’information de Pain pour le prochain

Dossier

LE POKER SUR LES MATIèRES PREMIèRES TUE Portrait

Jean Ziegler, en colère contre l’ordre cannibale du monde

événement

Vers des objectifs de développement œcuméniques ?


En aparté

en bref

Dossier

PRéVOIR

MyHappyEnd : soutenir une œuvre d’entraide jusqu’au bout Le mois dernier, j’ai eu le plaisir d’assister au culte de consécration des nouveaux ministres de l’Eglise évangélique réformée du Canton de Vaud. Et là… coup de théâtre ! Pendant sa prédication, la pasteure Aude Roy a reçu un coup de fil de… Moïse. Qui ne connait pas ce protagoniste d’une action de libération spectaculaire ? Le propos de la conversation : quel est le profil idéal pour exercer un ministère pastoral ou diaconal aujourd’hui, dans un monde où les défis sociaux et les besoins en humanité augmentent ? Pour cela, Moïse est le bon interlocuteur, puisqu’il se vit confiée, par l’appel de Dieu, la mission de sortir tout un peuple de l’esclavage. Faut-il un profil dynamique pour toucher un public de jeunes, ou une personnalité modérée qui aime rendre visite aux personnes âgées ? Faut-il un profil de type assistant social ou plutôt de bon théologien pour répondre aux besoins spirituels des paroissiens ? Ou faut-il que la perle rare réunisse en une seule personne toutes ces qualités ?

1000 milliards d’USD disparaissent chaque année dans la poche de politiciens ou de fonctionnaires corrompus, au plus grand dam des pays du Sud. Un phénomène qui touche directement la Suisse : par le truchement d’ingénieux montages fiscaux, les multinationales helvétiques échappent au fisc des pays d’accueil et une sur cinq graisse directement la patte des dirigeants de ces pays. Pour lutter contre ce fléau, des œuvres d’entraide chrétiennes, dont Pain pour le prochain, ont lancé EXPOSED, une campagne nationale qui fait écho à une campagne mondiale, sous le slogan « De la lumière dans un monde corrompu ». Le but est de récolter un million de signatures d’ici le G20 qui se tiendra en novembre 2014 en Australie car, affirment ses initiateurs, un pays qui lutte efficacement contre la corruption et renforce l’Etat de droit verra son revenu national multiplié par quatre et la mortalité infantile chuter de 75% dans le long terme. IA

CONTRATS INéQUITABLES

« J’établirai ma loi pour être la lumière des peuples »

Esaïe 51 :4

En Sierra Leone, l’entreprise genevoise Addax Bioenergy cultive de la canne à sucre à grande échelle pour produire des agrocarburants destinés à l’exportation. Une nouvelle étude de Pain pour le prochain montre que les effets négatifs sont encore importants et que beaucoup de paysans se plaignent qu’ils n’ont pas pu négocier les contrats avec Addax. « Notre intention n’a jamais été de louer l’ensemble de nos terres à Addax ! », affirme Saidu Fullah, un propriétaire de Mamariah. Les contrats ont été signés avec les autorités locales traditionnelles, mais pas avec les paysans. La plupart considèrent que le loyer de leurs terres, fixé par le gouvernement et Addax, est trop bas et ils exigent une renégociation de ces contrats inéquitables. Pain pour le prochain soutient 70 paysans pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits avec l’aide d’un avocat. YMA

Photo de couverture : Un marché au Sénégal. Une spéculation limitée est utile, car elle permet aux paysans de connaître à l’avance le prix de vente de leur production.

En chiffres Toutes les cinq minutes, 9,5 millions d’USD sont versés en pots-de-vin

© Bobby Timonera/Action de Carême

Des paysans sierra-léonais revendiquent leurs droits face à une entreprise suisse

L’avocat explique aux paysans leurs droits

Secrétaire romande Pain pour le prochain

Le poker sur les matières premières tue

EXPOSED : une campagne internationale pour lutter contre la corruption

© YMA/PPP

La question sensible est celle de la « vocation » et non seulement celle des futurs ministres. A quoi suis-je « appelée » dans ma vie professionnelle et privée ? Autrement dit, qu’est-ce qui me pousse à mettre mes convictions au service de personnes en difficultés, ou d’une cause plus vaste ? Selon Martin Luther, la vocation s’étend à toutes les sphères de la vie, qu’elle soit privée, professionnelle ou publique. Il relevait qu’en allemand « Berufung » (vocation) a trait au « Beruf » (travail). Déconnecter l’un de l’autre reviendrait à se couper du souffle qui rend notre agir plus convaincant, plus beau, partout où nous œuvrons. Pour se sentir « appelé » il faut savoir « écouter », percevoir la mission qui m’est donnée. Chacune et chacun a une mission à accomplir. Quelle est la vôtre ? Celle de Pain pour le prochain est de lever le voile sur les spéculations excessives avec les produits agricoles, qui privent les pauvres de leur alimentation de base. Découvrez dans ce dossier en quoi cela nous concerne, vous et moi.

MOBILISATION

En Suisse, trois personnes sur quatre ne rédigent pas de testament. Vingt organisations d’entraide, dont Pain pour le prochain, ont décidé de créer MyHappyEnd pour les aider à faire don de leur succession à une organisation de bien public. L’association, qui a organisé le 13 septembre la troisième journée internationale du testament, publie un guide fort utile et donne des conseils personnalisés pour déterminer rapidement la situation successorale de chacune et de chacun. Le guide fait écho à « Semer aujourd’hui pour demain – conseils en matière de testaments, successions et legs », élaboré par Pain pour le prochain. IA

en Chiffres Selon la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement, la spéculation financière ne devrait pas dépasser 20% des activités sur les marchés à terme. Or aujourd’hui, elle représente 60%

Une activité spéculative modérée sur les produits agricoles aide les paysans à planifier leur production. Mais la spéculation excessive fait flamber les prix et provoque des crises alimentaires. Les institutions financières doivent arrêter de jouer avec la nourriture.


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ans le sillage de la crise financière de 2007 et 2008, les prix des matières premières agricoles sont montés en flèche sur les marchés mondiaux. Le maïs, le riz et le blé ont atteint des niveaux records, ce qui a fortement contribué à augmenter le nombre de personnes sous-alimentées dans les pays en développement – celles-ci sont passées de 850 millions à plus d’un milliard. Comme les ménages des pays pauvres consacrent entre 50% et 90% du revenu à l’alimentation de base (contre 10% à 20% dans les pays du Nord), des émeutes de la faim ont éclaté dans 37 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.

Les raisons de ces fluctuations sont multiples et elles ne font pas l’unanimité. Pour l’industrie financière, elles sont à rechercher dans l’évolution des fondamentaux du marché qui déterminent l’offre et la demande :la croissance démographique, l’augmentation du prix du pétrole, les mouvements du dollar américain, les changements climatiques et la production d’agro­

© AdC/PPP

Fabrication de pain au Congo. Entre 2006 et 2008, le prix du blé a atteint son plus haut niveau depuis 30 ans

carburants. Mais de plus en plus de preuves s’accumulent pour démontrer que la spéculation a une large part de responsabilité aussi.

fier leur production, étant donné que les quantités et les prix étaient fixés à l’avance. Une certaine dose de spéculation est donc utile.

Spéculer oui, mais pas trop

Mais au cours des années 1990, les règles du jeu ont changé : sous la pression des milieux bancaires, les marchés financiers sont devenus de plus en plus libéralisés et, suite à l’éclatement de la bulle internet et de la crise financière, les investisseurs se sont réfugiés dans les marchés des matières premières agricoles. Dès lors, les banques, les fonds de pension et les compagnies d’assurance se sont mis à parier des milliards sur l ’évolution fu­ture des prix du maïs, du blé, du riz et d’autres produits alimentai­res sans plus aucun lien entre ces valeurs et la réalité.

Les spéculateurs ont toujours joué un rôle important dans le négoce des matières premières. L’objectif principal était de permettre aux agriculteurs de sécuriser le prix de vente futur de leur production. Ils pouvaient ainsi vendre leurs marchandises sur un marché à terme à travers des contrats standardisés (appelés futures) où le prix, la quantité et la date de livraison étaient connus d’avance. Quant aux acheteurs, ils se fournissaient en marchandises sur ce même marché au moment où ils en avaient besoin. Les spéculateurs per­mettaient ainsi au marché de rester liquide en offrant continuellement une contrepartie aux transactions. L’incertitude liée à la fluctuation des prix, et les profits, étaient donc re­por­tés sur un tiers, disposé à prendre ce risque.

Pain pour le prochain et Action de Carême exhortent les citoyens suisses à demander des comptes à leurs caisses de pension sur la manière dont leurs économies et avoirs de retraite sont investis

En se couvrant sur le marché à terme, le paysan pouvait connaître à l’avance la quantité et le prix de vente de son blé, sans risquer que celui-ci baisse entre le mo­ment du semis et celui de la vente. La pla­ni­fication des cultures était ainsi facilitée. Les acheteurs, comme les meuniers et les boulangers, pouvaient aussi plani-

Olivier De Schutter, le Rapporteur spé­ cial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, plaide pour une réglementation des marchés, afin de distinguer entre les opérateurs com­mer­c iaux et les investisseurs purement financiers.

Responsabilité des banques et des caisses de pension suisses Dans ce jeu de poker sur les matières premières agricoles, les banques suisses sont très actives. Elles investissent environ 3,6 milliards de CHF sur le marché des matières premières agricoles. Crédit Suisse en est le principal acteur, avec près

Par ailleurs, en Suisse, près de 655 milliards de francs sont gérés par nos caisses de pension. Selon une étude du Crédit Suisse réalisée en 2012, 5,2% de cette fortune est investie dans des placements alternatifs dont font partie les produits agricoles. Comme la plupart des citoyen­ nes et des citoyens de notre pays sont as­su­rés auprès d’une caisse de retraite, Pain pour le prochain et Action de Carême les exhortent à demander des comptes sur la manière dont leurs économies sont investies et à exiger qu’elles ne soient pas

© AdC/PPP

© AdC/PPP

Battage de céréales à Madagascar. La production locale rend les pays moins vulnérables aux fluctuations des prix sur les marchés internationaux

Le nouveau « poker alimentaire » a aussi vu l’entrée en jeu des fonds indiciels sur matières premières et des Hedge Funds1, encore plus agressifs et moins réglementés. Récemment, Pain pour le prochain et Action de Carême ont lancé une action de grande envergure pour amener différentes banques à renoncer aux activités spéculatives sur les denrées alimentaires, suivant l’exemple de la France et de l’Allemagne, où certaines banques ont accepté de fermer des fonds de matières premières sous la pression de l’ONG Oxfam.

Marché à Haïti, l’un des pays les plus durement frappés par la crise alimentaire de 2008

placées dans des fonds pariant sur la nourriture. Pain pour le Prochain et Action de Carême soutiennent également les revendications d’Olivier De Schutter, qui préconise de fixer une limite supérieure absolue de la proportion des activités spéculatives par rapport à l’ensemble des transactions à terme sur le marché et d’exclure les in­vestis­ seurs institutionnels (fonds de pension, compagnies d’assurance, fondations et gestionnaires d’actifs) du marché des paris sur les matières premières. En tant que fondateurs de Max Havelaar et de Claro Fair Trade, Pain pour le prochain et Action de Carême s’engagent depuis 1992 en faveur d’autres formes de com-

merce. Finalement, grâce à leurs projets sur le terrain, nos deux organisations soutiennent le renforcement de l’agriculture écologique auprès des petits agri­ culteurs pour renforcer la sécurité alimentaire dans les pays du Sud. IA

Fonds hautement spéculatifs utilisant des techniques de gestions non traditionnelles dont l’objectif est de générer une performance absolue positive.

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En chiffres En 2008, au Cambodge, où le revenu quotidien moyen est de 50 cents, le prix d’un kilo de riz a dépassé

1 USD.

Initiative des Jeunes Socialistes : la thématique est également lancée en Suisse

© AdC/PPP

Après une forte baisse à la fin de l’année 2008, les prix ont augmenté de 70% au début de 2010, propulsant 44 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté. Aujourd’hui, les prix du riz, du maïs et du blé sont en moyenne deux fois et demie plus élevés qu’il y a dix ans.

de 2,4 milliards de CHF sous gestion. Mais UBS, Julius Baer, Vontobel, Pictet, Lombard Odier et J. Safra Sarasin ne sont pas en reste, sans oublier les banques can­tonales vaudoise et zurichoise et Swiss­ canto, qui gèrent près de 140 millions de CHF investis en produits dérivés sur pro­duits agricoles.

Egrenage de maïs au Congo En octobre 2012, les Jeunes Socialistes suisses, avec le soutien de diverses ONG, ont lancé l’initiative « Pas de spéculation sur les denrées alimentaires » pour interdire aux banques, aux fonds de pension et aux compagnies d’assurance de spéculer sur les matières premières agricoles. Les initiateurs du projet visent à insérer un nouvel article dans la

Constitution fédérale, intitulé « Lutte contre la spéculation sur les matières premières agricoles et les denrées alimentaires » pour « stopper complètement la spéculation sur les denrées alimentaires, en interdisant aux banques, ainsi qu’à tout acteur financier (négociants en valeurs mobilières, assurances privées, fonds spéculatif, fonds de placements, caisses de pension ainsi que l’AVS, l’AI…) ayant leur siège ou une succursale en Suisse, d’investir directement ou indirectement dans des instruments financiers se rapportant à des denrées alimentaires. « Nous ne voulons plus que notre argent serve à contribuer à la faim dans le monde. Nous désirons aller plus loin que les Etats-Unis, en interdisant totalement l’échange de contrats à terme sur les denrées alimentaires déconnectés de la réalité », explique François Clément, coordinateur romand de l’initiative. A ce jour, cette dernière a recueilli 90’000 signatures environ.

MOBILISATION

Pain pour le prochain et Action de Carême soutiennent l’initiative des Jeunes Socialistes suisses. Mais nos deux organisations ne siègent pas dans le comité, car nous travaillons sur cette thématique indépendamment de celle-ci. « Nous sommes clairement derrière ces préoccupations, précise Beat Dietschy, secrétaire général de Pain pour le prochain. Mais quel que soit le parti qui lance une initiative, en tant qu’organisation religieuse, nous ne sommes généralement pas coorganisateurs. Les initiatives servent souvent aux partis pour se profiler. C’est tout à fait légitime, mais pas forcément le seul ou le meilleur moyen pour endiguer la spéculation. » Il craint aussi que l’initiative ne reçoive pas l’appui des partis du centre-droit, raison pour laquelle notre fondation préfère travailler sur ces problématiques sur le long terme et chercher des soutiens dans des cercles plus larges plutôt que d’être confinée dans une initiative partisane. IA


Dossier

A découvrir

Portrait © Silvia Cattori

La souveraineté alimentaire pour rompre la dépendance vis-à-vis des marchés mondiaux

FESTIVAL DE LOCARNO

Le Jury œcuménique récompense un film sur les jeunes « éclopés » de la vie

Jean Ziegler, en colère contre l’ordre cannibale du monde

Pour l’édition 2013, le prix du Jury œcuménique de SIGNIS et INTERFILM a été décerné au réalisateur américain Destin Cretton, pour son film Short Term 12. La fiction raconte l’histoire de jeunes en difficulté ayant subi des traumatismes tels que des abus et des actes de violence. A travers des relations de solidarité entre les habitants d’une institution pour jeunes éclopés de la vie et les superviseurs, l’avenir redevient possible. Dans ce contexte, la jeune protagoniste, Grace, une éducatrice passionnée par son travail, doit faire face aux zones d’ombre de sa propre jeunesse, mettant en péril l’équilibre délicat entre travail et vie privée. Mais, finalement, l’espoir rejaillit. Le Jury œcuménique a attribué une mention au film Tableau noir du réalisateur suisse Yves Yersin. Sous forme de documentaire, le film illustre l’enseignement holistique dans une école primaire du Jura, condamnée à la fermeture. La relation entre les enfants et leur professeur, aux traits d’un vieux sage, les fait évoluer dans un environnement de camaraderie, d’amour pour la nature et de goût pour les choses de la vie. MS

Le sociologue genevois a été le premier rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation. Aujourd’hui, il continue le combat et vitupère la spéculation sur les matières premières agricoles et l’accaparement des terres, nouvelles « armes de destruction massives ».

© PPP

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Au Honduras, l’association ANAFAE promeut la souveraineté alimentaire et l’agriculture écologique. Elle vise une réforme agricole intégrale pour contrer la politique du gouvernement en faveur de l’agrobusiness et des grands projets miniers qui mettent les petits paysans sur la paille.

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our renforcer la sécurité alimentaire, les petits agriculteurs doivent devenir moins vulnérables vis-à-vis des fluctuations des prix sur les marchés internationaux. En complément aux activités de sensibilisation et de lobbying menées en Suisse, Pain pour le prochain promeut, sur le terrain, l’agriculture écologique – comme dans l’un de nos projets au Honduras. Ce pays d’Amérique centrale dispose de surfaces très fertiles et d’une extraordinaire biodiversité, mais dans les zones rurales, il règne une grande pauvreté, car l’élite dirigeante promeut en premier lieu l’agrobusiness et prend peu en compte les intérêts des petits paysans. Ceux-ci ne peuvent pas acquérir les semences et les engrais – trop chers pour eux –, alors que le savoir sur les semences indigènes, pourtant bien adaptées, se perd. De surcroît,

le gouvernement encourage les grands projets industriels et miniers qui chassent les paysans de leurs terres. Pain pour le prochain soutient ANAFAE, une association locale dont le but est de promouvoir la souveraineté alimentaire, à savoir le droit des peuples de définir leurs politiques agricoles et alimentaires. Ceci implique de donner la priorité à la production locale pour alimenter la population, de garantir l’accès des paysannes et des paysans à la terre, à l’eau, aux semences et de leur fournir l’assistance technique et l’appui financier pour y parvenir. L’association considère que l’agriculture écologique est la voie royale vers la souveraineté alimentaire, pourvu qu’elle s’insère dans une réforme agraire intégrale qui passe par la lutte contre les OGM et contre l’accaparement des terres et en faveur du libre accès aux semences.

ANAFAE informe les jeunes sur l’agriculture écologique et la souveraineté alimentaire

Pour ce faire, ANAFAE vise la création de marchés locaux, la formation des paysannes et des paysans et la mise en réseau des jeunes. Elle accomplit aussi un travail de sensibilisation, d’information et de lobbying au niveau national et régional auprès des étudiants, des enseignants et de la population en général. Les sujets traités sont en lien avec la souveraineté alimentaire : le changement climatique, la gestion locale du territoire, la consommation responsable et les marchés locaux. Elle mène un débat avec ses organisations membres sur la souveraineté alimentaire, le droit à l’eau et à l’alimentation et la protection de la biodiversité. Elle fait un effort particulier pour intégrer les femmes dans toutes les activités et les processus de décision. IA

Dieu n’a pas d’autres mains que les nôtres » et « il ne faut jamais regarder la misère sans prier », a dit Georges Bernanos. Je crois en Dieu et à l’Evangile. Mais ma motivation la plus immédiate, c’est la colère devant l’absurdité de l’ordre cannibale du monde », nous déclare Jean Ziegler, que nous arrivons finalement à joindre entre deux coups de fil. C’est que le sociologue, écrivain et docteur en droit le plus connu du pays a reçu le soutien de la Suisse pour sa candidature au Comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Un poste qu’il a occupé de 2008 à 2012, après avoir été le tout premier rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, et qu’il brigue pour un nouveau mandat. « Quand on connaît les victimes, on ne peut pas baisser les bras, nous explique-t-il. Moi, je suis un privilégié : je suis blanc, bien nourri et citoyen d’un pays libre. » Dans son dernier livre, Destruction massive, géopolitique de la faim1, il montre que la faim n’est pas inéluctable, mais qu’elle est la conséquence de politiques erronées, de la spéculation boursière sur les matières premières agricoles et de la production d’agro-carburants. « Aujourd’hui, le problème n’est plus la production, mais l’accès à la nourriture, continue-t-il. Selon la FAO, l’agriculture pourrait nourrir sans problème douze milliards de personnes, alors que nous sommes sept milliards. Pourtant, la faim est encore la principale cause de mortalité sur la planète. Toutes les cinq secondes, un enfant en dessous de dix ans meurt de faim et un milliard d’êtres humains sont gravement et en permanence sous-alimentés. » Il balaie de la main certaines projections alarmistes – selon lesquelles il faudrait

tripler la production agricole d’ici 2050 pour pouvoir nourrir toute la planète – puisque, selon lui, la croissance démographique ralentit. Pire : alors que l’Afrique pourrait produire assez pour nourrir toute sa population, les 54 pays africains ont importé pour 24 milliards de USD de nourriture l’année passée – « ce qui ne suffisait pas, mais ils n’ont pas pu importer plus à cause de prix devenus prohibitifs. » 141 millions d’hectares de terres arables ont été retirés aux paysans africains et bradés aux Hedge Funds et aux sociétés multinationales pour produire des agrocarburants et des aliments destinés à l’exportation. « Tout investissement privé n’est pas forcément synonyme d’accaparement des terres. Théoriquement, il peut profiter à l’agriculture vivrière, mais à ce jour, on n’a pas encore vu de tels investissements », se désole-t-il, saluant au passage la justesse de Sans terre pas de pain, la campagne œcuménique 2013, qui dénonçait l’accaparement de 200 millions d’hectares de terres.

ENFANTS

La Légende du Colibri Dans la forêt amazonienne, un incendie se déclare. Apeurés, tous les animaux fuient les flammes. Tous, sauf un, le plus petit d’entre eux : Colibri. Colibri déploie ses ailes, prend quelques gouttes dans la rivière et s’envole vers les flammes. Puis il retourne vers la rivière, reprend de l’eau et s’envole à nouveau vers le feu. Etonnés et un peu moqueurs, Tatou et Tigre lui disent : « Ce que tu fais ne sert à rien. » Mais Colibri de répondre : « Je fais ma part. » L’histoire du Colibri est une légende amérindienne qui parle de créativité, d’engagement et de résistance à la fatalité. Le texte a été adapté pour s’adresser plus particulièrement aux enfants. L’auteur et illustrateur, Denis Kormann est un artiste romand connu pour sa maîtrise des couleurs et des textures. Une préface de Pierre Rhabi, fondateur du mouvement écologiste et humaniste Colibris, introduit le récit. Disponible début novembre aux éditions Actes sud Junior (Paris). CP

« Pain pour le prochain est essentielle pour aider les paysans à s’aider eux-mêmes, conclut-il. Vous donnez à des dizaines de milliers d’hommes et de femmes exploités les moyens de se libérer par le travail, c’est formidable ! » Aujourd’hui, Jean Ziegler soutient énergiquement l’initiative constitutionnelle des Jeunes Socialistes suisses visant à interdire la spéculation boursière sur les denrées alimentaires. « Elle vise à exclure du marché, non pas la spéculation tout court, mais les spéculations boursières sur les biens alimentaires faites par les Hedge Funds et tous ceux qui ne produisent, ni ne consomment des biens agricoles. » IA

Qui vient d’être publié en édition de poche et traduit aux Etats-Unis

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VARIA Agenda Berne, 24 octobre Symposium « Quel sang y a-t-il dans nos ordinateurs ? »

éVéNEMENTS ŒCUMéNISME

Vers des objectifs de développement œcuméniques ? La 10e assemblée plénière du Conseil œcuménique des Eglises se tiendra du 30 octobre au 8 novembre 2013 à Busan, en Corée du Sud, avec pour thème « Dieu de la vie, montrenous le chemin vers la justice et la paix ». Plusieurs milliers de personnes vont participer à de nombreux ateliers, notamment autour du concept du Madang qui désigne, en sudcoréen, la cour intérieure des maisons traditionnelles – un lieu d’échange et d’accueil des étrangers par excellence. Pain pour le prochain, qui fait partie de la délégation suisse, a été invitée à organiser un atelier sur le thème de la durabilité dans une perspective œcuménique. Deux questions sont au centre de cette réflexion : quels devoirs spécifiques peuvent et doivent prendre à l’avenir les Eglises et les œuvres d’entraide pour contribuer à un monde durable et pluriel ? Doivent-elles formuler des « objectifs de développement œcuméniques » pour compléter et concrétiser les objectifs de développement durable globaux de l’ONU ? BS

Séances de lancement de la campagne œcuménique « La semence d’aujourd’hui est le pain de demain »  Neuchâtel, samedi 18 janvier 2014 Contact, Joan Pickering : 032 512 50 01 Fribourg, mardi 21 janvier 2014 Contact, Claude Didierlaurent : 026 423 55 80 Vaud, samedi 1er février 2014 Contact, Michel Durussel : 021 331 58 02 Genève, jeudi 6 février 2014 Contact, Georges Deshusses : 022 807 27 30 Valais, vendredi 7 février 2014 Contact, Henri Roduit : hroduit@gmail.com Jura, date pas encore définie Contact, Aline Gagnebin : 032 322 33 94

SYMPOSIUM

High Tech no Rights Combien de sang y a-t-il dans nos ordinateurs, Smartphones et autres écrans plats ? Pour les fabriquer, la demande de matières premières explose, extraites pour la plupart dans des pays en guerre où les violations des droits humains sont légion. Pain pour le prochain et Action de Carême veulent parvenir à une chaîne d’approvisionnement libre, autant que possible, de conflits. Le prochain symposium de la campagne « High Tech - No Rights », qui se tiendra le 24 octobre à Berne, va réunir des représentants du secteur privé, des politiciens et des ONG du Nord et du Sud pour débattre d’initiatives encore embryonnaires, mais bien réelles. Car nous voulons des conditions de travail équitables, des ordinateurs équitables et des téléphones équitables. IA

ACTION

Participer à la campagne œcuménique de Pain pour le prochain

Avenue du Grammont 9 – 1007 Lausanne Tél. 021 614 77 17 – Fax 021 617 51 75 ppp@bfa-ppp. ch – www. ppp. ch CCP 10-26487-1 Editeur : Pain pour le prochain Rédaction : Isolda Agazzi, Yvan Maillard Ardenti, Chantal Peyer, Martina Schmidt, Bruno Stöckli Daniel Tillmanns Corrections : Carine Huber Michoud Graphisme : Corrado Luvisotto, Grafix, Fribourg Impression : Imprimerie St-Paul, Fribourg Prix de l’abonnement : 10 francs suisses Tirage : 14 500 exemplaires ISSN 2235-0780

La campagne œcuménique 2014 de Pain pour le prochain et Action de Carême va poser sa loupe sur l’industrie du textile et ses incidences chimiques sur les sols, ainsi que sur les conditions de travail des ouvriers et des ouvrières de cette branche. Shatil Ara, la coordinatrice de la Fair Wear Foundation, une initiative dans ce secteur que Pain pour le prochain soutient depuis de nombreuses années, sera en visite dans les paroisses et les lieux publics de Suisse romande. De nombreuses activités sont planifiées et nous serions heureux de pouvoir compter sur votre participation ! Pour cela, nous allons organiser des « séances de lancement » dans chaque canton romand où seront présentées la thématique et les diverses actions programmées. Les dates de ces séances, ainsi que les coordonnées des personnes de contact, se trouvent dans l’agenda à la dernière page de votre journal. DT


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