UNE SEULE TERRE N°12

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Une seule terre

© JD Gadmer, AdC

Journal d’information de Pain pour le prochain n° 12 - janvier 2014

Dossier

LES SEMENCES D’AUJOURD’HUI SONT LE PAIN DE DEMAIN Portrait

Shatil Ara, tisseuse de liens dans les usines textiles du Bangladesh

événement

Saint Laurent Eglise invite la campagne œcuménique


En aparté

en bref éVéNEMENT

Pain pour le prochain réfléchit à des Objectifs de développement œcuméniques

L’épuisement des ressources naturelles de la terre, en eau par exemple, et l’absence de justice sociale dans le traitement des « ressources humaines », notamment dans l’industrie du textile, donnent à penser que la génération actuelle se soucie peu de la vie des générations futures. La campagne œcuménique de cette année met le doigt sur la « justice intergénérationnelle ». Nous sommes liés les uns aux autres par la succession d’une génération à l’autre ; les générations sont interconnectées, non seulement au sein d’une famille, mais aussi entre les différentes régions du monde. « Qui est ma mère et qui est mon frère … ? » La famille humaine est plus grande que notre petite cellule familiale.

La campagne nous invite aussi à nous confronter aux personnes qui subissent de plein fouet les effets du réchauffement climatique. Celui-ci est dû à nos attitudes de production et de consommation à outrance. Les personnes de pays en développement sont les premières à en faire les frais. Elles aussi sont nos frères et nos sœurs.

CONFéRENCE « HIGH TECH – NO RIGHTS ? »

Produire des ordinateurs équitables doit être l’objectif à atteindre

© PPP

Du point de vue technique, nos ordinateurs et nos téléphones portables offrent toujours plus de possibilités. Les conditions de travail, les droits humains, et une production durable, par contre, sont peu pris en compte. La conférence organisée le 25 octobre 2013 à Berne par Pain pour le prochain et Action de Carême dans le cadre de leur campagne « High Tech – No Rights ? » a montré que produire des appareils high tech équitables devait être l’objectif à atteindre. Mais le chemin vers des conditions de travail dignes sur toute la chaîne de production reste encore semé d’embûches, comme l’a fait remarquer Beat Dietschy, secrétaire général de Pain pour le prochain : « Un téléphone portable n’est pas une banane : le doter d’un label garantissant des conditions de production équitables n’est pas aussi simple. » DT

MOBILISATION

Campagne contre la spéculation alimentaire L’explosion des prix des denrées alimentaires aggrave la faim dans le monde – et la spéculation des banques sur les matières premières agricoles y contribue. C’est pourquoi Pain pour le prochain et Action de Carême ont lancé la campagne « Arrêtons la spéculation sur les denrées alimentaires ! ». A cette occasion, nous avons révélé que les banques suisses sont impliquées, car elles investissent environ 3,6 milliards de francs sur le marché des matières premières agricoles – une somme énorme ! Chacun peut contribuer à changer les choses : en regardant un petit film sur le site de PPP (www.painpourleprochain.ch/speculation) et en écrivant au directeur de Credit Suisse pour lui demander de se retirer de la spéculation alimentaire. Plus de 3’200 personnes lui ont écrit. A vous de jouer ! YMA

© PPP

Lorsque nous comprenons cela, nous ne pouvons pas rester indifférents par rapport aux jeunes femmes qui cousent les jeans que nous enfilons tous les jours. Quelles sont les conditions dans lesquelles elles travaillent, quels sont leurs rêves, quelles sont leurs perspectives d’avenir ? Comment est-il possible qu’un jeans qui a fait le tour du monde en avion soit si bon marché et que les ouvrières ne gagnent pas de quoi boucler leurs fins du mois ? Grâce à Shatil Ara, notre hôte de campagne du Bangladesh, nous allons à la rencontre de ces femmes exploitées au quotidien. Soudainement, elles deviennent nos « sœurs » et suscitent notre indignation. Selon le philosophe Emmanuel Levinas, c’est le regard d’autrui qui réveille notre sollicitude et qui nous incite à agir pour améliorer durablement les conditions de vie de ces femmes.

« La 10e assemblée du Conseil œcuménique des Eglises, qui s’est tenue du 30 octobre au 8 novembre 2013 à Busan, en Corée du Sud, a conforté ma conviction que Pain pour le prochain pose les bonnes questions. A savoir : comment créer du développement pour celles et ceux qui n’ont toujours pas assez pour vivre ? Et comment pouvons-nous, en même temps, nous défaire de notre « sur-développement », par lequel nous consommons plus de ressources que la planète ne peut le supporter ? Ou, comme cela a été dit à Busan : comment fixer des « limits of greed », c’est-à-dire non seulement consommer moins au niveau individuel, mais mettre aussi un frein à la croissance illimitée ? Pain pour le prochain y réfléchit dans le cadre de la plateforme dialogue4change. » Beat Dietschy, secrétaire général de Pain pour le prochain

© Christoph Knoch

Place à la justice intergénérationnelle ! « Quel père parmi vous, si un fils lui demande un poisson, lui donnera un serpent au lieu d’un poisson ? Ou encore, s’il demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion ? » (Lc 11.11-12) Autrement dit, aucun parent ne donnerait à son enfant un cadeau empoisonné. Et pourtant …

Secrétaire romande Pain pour le prochain

« En faisant scintiller notre lumière, nous offrons aux autres la possibilité d’en faire autant » Nelson Mandela

En chiffres Photo de couverture : Affiche de la campagne œcuménique 2014

Les banques suisses investissent plus de 3,6 milliards de francs sur les marchés des matières premières agricoles.


Dossier

© Bobby Timonera/Action de Carême

Les semences d’aujourd’hui sont le pain de demain

Le jeans est le symbole emblématique de la campagne œcuménique 2014, dont le thème est la justice interen Chiffres Au Bangladesh, le salaire mensuel est de 27.70 fr., alors que les coûts dela vie sont de 105 fr. par mois pour un ménage moyen.

générationnelle. Un vêtement qui traverse les pays et les générations et évoque les liens sociaux, mais aussi l’exploitation. Car nos actions d’aujourd’hui déterminent l’état de la planète de demain.


L

Le voyage commence par exemple aux Etats-Unis, le 3e plus grand producteur de coton au monde. 25’000 grands producteurs s’y partagent 2,5 millions de dollars de subventions, ce qui stimule la production et fait chuter les prix sur les marchés internationaux. A moins que ce ne soit en Chine, en Inde, au Pakistan ou au Brésil – les autres principaux producteurs –, en Asie centrale ou en Afrique. Ici, 10 à 15 millions de petits paysans peinent à joindre les deux bouts, car les prix ont diminué de moitié au cours des quarante dernières années, principalement à cause des subventions américaines et européennes. La culture du coton est très mauvaise pour l’environnement : elle demande beaucoup d’eau, d’engrais et de pesticides – c’est même la fibre végétale qui nécessite le plus d’intrants chimiques. Le coton bio ne représente que 1 % du commerce mondial. Après avoir été séché, égrené et mis en balles, le coton est expédié en Turquie, ou en Chine, où il est transformé en fil. Cette transformation ne peut pas se faire

© Pain pour le prochain

Tisserands et leur métier à tisser.

© Rashed Shumon/PPP

e jeans est le symbole de la mondialisation par excellence : pour arriver sur les étalages de nos magasins, il parcourt 5’000 km en deux mois, d’un bout à l’autre de la planète1.

Sharmin Akhter Rupa, couturière à Dhaka et sa sœur Nipa.

à la main et les machines sont un investissement lourd que les pays pauvres ne peuvent pas se permettre. Pour que le fil ne se déchire pas au tissage, il est blanchi à l’aide de produits chimiques. Ensuite, il est envoyé à Taiwan, où il est tissé à l’aide de grosses machines. La coloration des tissus se fait en Tunisie avec des couleurs fabriquées en Pologne, par exemple. Pour la finition, les tissus repartent vers la Bulgarie, où ils sont traités avec des produits chimiques. De là, ils continuent leur périple vers le Bangladesh, ou la Chine, où ils sont cousus en jeans. Si les consommateurs demandent des jeans délavés, ceux-ci sont alors « sablés » par une technique très gourmande en produits chimiques. La plupart du temps, les eaux usées qui résultent du sablage ne sont pas nettoyées et les produits chimiques polluent les sols et les cultures. Finalement, les jeans sont envoyés en Europe, ou aux Etats-Unis – les plus grands importateurs.

le moins élevé – au Bangladesh, au Pakistan, en Chine, en Inde ou au Vietnam. Le Bangladesh bat tous les records : avec 30 ct. suisses de l’heure, les salaires y sont les plus bas du monde. Le pays compte 5’000 usines textiles, où s’affairent quatre millions de couturières et couturiers, dont 85 % sont des femmes. Une industrie qui représente 80 % des recettes d’exportation.

les coûts de production représentent au maximum 30% du prix de vente de l’habit. Le reste sert à couvrir les coûts de marketing, de distribution et autres, générés par les maisons mères, et les marges des négociants.

Le paradoxe est que ce voyage autour de la planète aura rendu le jeans moins cher, car nous ne payons pas le prix du gaz à effet de serre émis, ni la valeur réelle du travail des couturières du Bangladesh.

Au Bangladesh, des salaires de misère La coupe du jeans se fait à la main dans les pays où le coût de la main d’œuvre est

Au Bangladesh le salaire mensuel est de 27 fr. 70, alors que les coûts de la vie sont de 105 fr. par mois pour un ménage moyen. Et même ce salaire minimum dérisoire n’est pas garanti, car les couturières sont payées en fonction de la production et les heures supplémentaires ne sont pas toujours rémunérées.

Responsabilité des grandes marques Pourtant, il suffirait de payer un jeans deux francs de plus pour garantir un salaire de subsistance à ces couturières ! Car les coûts de production représentent au maximum 30 % du prix de vente de l’habit. Le reste sert à couvrir les coûts de marketing, de distribution et autres, générés par les maisons mères, et les marges des négociants. En 2012, H&M a réalisé un bénéfice de 2,4 milliards de francs suisses. Souvent, les maisons mères ne connaissent même pas leurs sous-traitants et fournisseurs, qui sont recrutés par des intermédiaires.


Mettre la pression sur les détaillants et les distributeurs Les consommateurs et consommatrices suisses doivent exiger des détaillants qu’ils s’engagent pour des conditions de production dignes. Le prix ne devrait pas être le seul critère d’achat. Ils devraient opter pour le coton bio – si possible Max Havelaar –

© Annette Bouteiller

Mais même si ceux-ci rechignent à donner des informations, les maisons mères devraient les demander, car si les couturières du Bangladesh travaillent dans des conditions indignes, les patrons locaux, eux, sont très puissants. Après l’incendie du Rana Plaza en avril 20132, qui a fait plus de 1’100 morts, l’enquête a dévoilé que le propriétaire avait contourné la loi. Il avait fait construire un bâtiment de neuf étages avec les fondations de trois, sur un terrain marécageux, en mélangeant du sable au béton. Le comble est que le bâtiment avait été contrôlé un jour avant l’incendie par un ingénieur, payé par le propriétaire, qui avait affirmé qu’il pouvait tenir encore 100 ans ! C’est que des usines du Rana Plaza sont membres de la Business Social Compliance Intiative (BSCI), une initiative de détaillants européens et nord-américains qui manque d’indépendance, car ceux-ci choisissent eux-mêmes les contrôleurs, sont responsables des résultats de l’enquête et les contrôles peuvent être annoncés à l’avance. Parmi les entreprises suisses, Coop, les CFF, Migros, Swisslite ou encore Vögele adhèrent à l’initiative BSCI.

Au Burkina Faso les paysans peinent à joindre les deux bouts à cause de la chute des prix du coton sur les marchés internationaux

ou pour des fibres synthétiques recyclées, et pour les marques qui garantissent des processus de production certifiés, comme celles de la Fair Wear Foundation (FWF). Mais la consommatrice ou le consommateur avisé devrait aussi se demander si elle ou il a vraiment besoin de nouveaux habits, s’assurer que ceux-ci sont d’assez bonne qualité pour pouvoir les porter pendant plusieurs années, acheter dans des magasins de seconde main et faire les petites réparations nécessaires au lieu de jeter ces vêtements à la première déchirure. Car les semences d’aujourd’hui sont le pain de demain. IA

C f. Pain pour le prochain, Les semences d’aujourd’hui sont le pain de demain, Repères, décembre 2013. www.voir-et-agir.ch 2   w ww.rts.ch/emissions/religion/ faut-pas-croire/4864170-combien-pourton-t-shirt.html 1

En chiffres Le Bangladesh compte 5’000 usines textiles, où s’affairent quatre millions de couturières et couturiers, dont 85 % sont des femmes. Une industrie qui représente 80 % des recettes d’exportation.

MOBILISATION

© Project1photography

Et si une autre entreprise suisse s’inspirait de La Poste ?…

C’est en Asie que sont fabriqués la plupart des habits que nous pourtons L’accident du Rana Plaza a montré que les standards promus par cette initiative BSCI ne suffisent pas à prévenir des catastrophes. A l’occasion de la Campagne œcuménique 2014, Pain pour le prochain et Action de Carême lancent une pétition pour demander à une grande entreprise suisse de s’approvisionner uniquement auprès de fournisseurs qui respectent les règles de la Fair Wear Foundation,

beaucoup plus exigeantes et surveillées de façon indépendante. Au moment de la parution de ce numéro d’Une seule terre, la rédaction n’est pas autorisée de divulguer le nom de la compagnie. En tant qu’entreprise jouissant d’une grande notoriété en Suisse, elle devrait jouer un rôle modèle, comme cela est déjà le cas pour La Poste. Le géant jaune est membre de la FWF depuis un an et cela a influencé son comportement : « Nous sommes devenus plus structurés, reconnaît une responsable. Nous avons par exemple arrêté la collaboration avec certains fournisseurs pour réduire les risques, car celui qui devient membre de la FWF doit construire une relation à long terme avec ses fournisseurs. » La preuve : pour augmenter de 5,7 % les salaires dans son usine bulgare, La Poste n’a pas hésité à déplacer une partie de ses commandes de Chine. « Il est clair que notre engagement entraîne davantage de coûts et de travail, renchérit

Axel Butterweck, le responsable des achats. Notre prix d’achat d’un pantalon correspond maintenant au prix de vente chez H&M. Mais nous sommes convaincus que cela en vaut la peine. Et nous avons le soutien de la direction, qui ne veut pas faire d’économies sur les achats d’habits, un secteur où il y a beaucoup d’abus. » Cette entreprise suisse est un gros acheteur. Même si elle s’approvisionne à 91 % auprès d’entreprises suisses, celles-ci font fabriquer la plupart de leurs habits au Bangladesh, en Inde ou en Chine. Si elle montre qu’il est possible de respecter les normes sociales lors des achats de leurs uniformes, cela peut pousser d’autres institutions publiques, comme la police et l’armée, à faire de même. Et comme la loi sur les marchés publics va être discutée par le Parlement en 2014, la pétition a de bonnes chances d’influencer la politique d’achats publics de la Confédération en général.


PROJET

Un premier pas vers des habits équitables ?

La Fair Wear Foundation s’assure que les vêtements sont fabriqués dans des conditions de travail équitables. Une démarche très prometteuse, mais très discrète : aucune étiquette ne l’indique.

I

l n’existe malheureusement pas « d’habit équitable ». On peut certifier le processus de production – coton bio et équitable – et le processus de production, mais il n’y a pas de label qui garantisse les deux. La Fair Wear Foundation (FWF) permet précisément de garantir le second : elle s’assure que les habits ont été fabriqués dans le respect des normes internationales du travail, même si aucune étiquette n’indique qu’une marque donnée adhère à l’initiative. Créée en 1999, la FWF est une initiative multiacteurs qui réunit, à côté des ONG, dont Pain pour le prochain et Action de Carême, les employeurs et les syndicats, dans le but d’améliorer les conditions de travail dans la production industrielle globale des textiles. Concrètement, il s’agit de s’assurer qu’il n’y a pas de travail forcé, pas de travail des enfants et pas de discrimination. Les syndicats indépendants doivent être autorisés, les employés percevoir des salaires décents, avoir des horaires

La FWF forme les travailleuses à la connaissance de leurs droits

appropriés, un environnement de travail sain et un contrat écrit. La fondation agit au niveau des usines : elle promulgue des standards que celles-ci s’engagent à respecter en matière de méthodes de travail, de salaires de subsistance et de formation des travailleurs, afin que ceux-ci apprennent à connaître et à faire valoir leurs droits.

fournisseurs. L’entreprise s’engage à améliorer continuellement les conditions de travail. La fondation contrôle les améliorations par un processus en trois étapes : inspections dans les usines ; introduction d’un mécanisme de plainte pour les travailleurs ; nomination d’un responsable des plaintes qui est en contact étroit avec la fondation. Tous les résultats sont publiés.

A ce jour, elle compte 80 entreprises membres qui représentent 120 marques. Ces entreprises sont actives dans sept pays européens, dont la Suisse, et dans quinze pays de production en Europe, Afrique et en Asie.

Même si le chemin est encore long, en quinze ans, la FWF a engrangé pas mal de résultats : elle a réussi à faire augmenter les salaires chez les fournisseurs et à améliorer la santé et la sécurité des employés. Les entreprises sont plus conscientes des enjeux éthiques et les problèmes se règlent plus facilement grâce à la coopération et au dialogue. Par son partenariat avec la FWF, Pain pour le prochain poursuit son objectif d’introduire plus d’éthique dans l’économie. Elle soutient la FWF à hauteur de 40’000 francs par an. IA

Toute entreprise qui veut devenir membre doit indiquer comment elle a l’intention d’appliquer ces standards dans les processus de production. Un processus d’amélioration démarre ensuite, lors duquel l’entreprise et la Fair Wear Foundation examinent ensemble, de façon transparente, la situation des employés chez les


A découvrir

Portrait VIDEO

La campagne œcuménique sur youtube !

Pour la coordinatrice de la Fair Wear Foundation, les travailleuses et travailleurs bengalis sont de plus en plus conscients de leurs droits, mais le chemin est encore long pour changer les mentalités. Surtout lorsque les mauvaises conditions de travail touchent en premier lieu les femmes.

S

hatil Ara est tombée dans le chaudron des luttes sociales lorsqu’elle était petite : « C’est en voyant le combat de mon grandpère en faveur des droits des paysans sans terre que j’ai décidé de me battre pour améliorer les conditions de travail dans les usines de prêt-à-porter », nous racontet-elle. Pendant qu’elle me parle, les manifestants battent le pavé de Dhaka pour exiger des augmentations de salaires. Après avoir travaillé pour diverses initiatives multiacteurs, standards et label, elle est aujourd’hui la coordinatrice de la Fair Wear Foundation (FWF) au Bangladesh. « Cette initiative est beaucoup plus porteuse que les autres, nous explique la jeune femme, car elle repose sur un processus à long terme qui vise à gagner la confiance des grandes marques. S’il y a un problème dans une usine, les ouvriers appellent un numéro d’urgence. Nous recherchons alors une solution en amenant autour de la table les travailleurs et la direction. La marque est informée immédiatement du problème qui, généralement, est réglé en quelques jours. » Pour ce faire, la fondation mise sur la formation de tous les acteurs : travailleuses et travailleurs, mais aussi patrons, officiels et syndicats. Le système tranche avec celui des certifications et des labels, où des auditeurs se rendent dans les usines pendant quelques jours seulement. Bien que les accidents sur les lieux de travail continuent et que les manifestations de rue semblent tomber dans les oreilles de sourds, Shatil Ara est convaincue que les choses bougent, car, après la création de la première usine textile par le gouvernement, en 1974, aucun garde-fou n’a accompagné l’explosion de cette activité d’exportation dans les années 1980. Le premier code du travail n’a été promulgué

qu’en 2001 et les initiatives pour améliorer les conditions de travail se sont multipliées depuis lors. « En treize ans, on voit une différence énorme. Les travailleurs sont nettement plus conscients de leurs droits, mais beaucoup de problèmes persistent au niveau des institutions et des infrastructures. » Les syndicats et les tribunaux du travail sont faibles. Les politiciens soutiennent les patrons, lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes parties prenantes dans le secteur du prêt-à-porter. C’est un combat de longue haleine, surtout lorsqu’il s’agit de changer les mentalités. « Notre culture est très patriarcale. Les femmes sont considérées comme des objets. Lorsqu’elles travaillent dans des industries orientées vers l’exportation, où elles sont traitées comme des moins-querien, cela ne choque personne. C’est en train de changer lentement, mais treize ans ne suffisent pas. » Pour cela, Pain pour le prochain a un rôle à jouer. Dans un monde globalisé, animé par « l’obsession dangereuse » de la consommation, dans quelle mesure le Bangladesh bénéficie-t-il réellement de l’exportation des textiles ? se demande-t-elle. « La seule chose qui peut essayer de contrecarrer le fossé croissant entre pays riches et pays pauvres, ce sont les citoyens globaux. Si on donne aux gens du pain et du beurre, ce n’est pas durable. Ce qu’il faut leur transmettre, c’est le savoir et les moyens de changer eux-mêmes les choses dans leur propre pays. » IA

Qu’est-ce que le Carême ? Renoncer au divertissement, à sa mauvaise humeur, retrouver sa spiritualité, du temps pour soi… Voilà les témoignages de quelques « jeûneurs » de la campagne œcuménique 2013, publiés sur youtube. Dans toutes les religions, le jeûne est indissociable de la prière, mais il réveille des craintes existentielles. Pourtant, une fois la peur surmontée, on se rend compte qu’on a des ressources insoupçonnées et beaucoup de choses qui nous encombrent. Les groupes de « jeûneurs » ont une relation importante avec la campagne. Ils tissent des liens précieux pour une solidarité avec les plus faibles et avec celles et ceux qui jeûnent par obligation. IA

PRATIQUE

La souveraineté alimentaire : mode d’emploi Le concept de souveraineté alimentaire implique le droit de déterminer nos politiques agricoles et alimentaires. Il affirme que les biens communs (terre, semences, eau) ne peuvent pas être privatisés et que les marchés alimentaires doivent être régulés. Le syndicat paysan Uniterre a publié une brochure pour le traduire en pratique en Suisse : dans les filières agricoles, à la ferme, dans l’accès à la terre, dans l’intérêt des consommateurs, dans les relations villes – campagne. Ce afin d’éviter que le concept ne soit récupéré par les politiques et les multinationales sans remettre fondamentalement en question le modèle productiviste et néolibéral actuel. IA

ROMAN

Itinérances Cinq personnages, à des périodes différentes de leur vie, traversent un deuil qui les tourmente. Sous l’œil bienveillant d’Oswaldo, le sage, ils vont cheminer ensemble pendant six mois, chacun tendant à l’autre un miroir pour s’y perdre et surtout s’y retrouver. Une quête traversée par la rencontre de Claire et Marie. Ce roman tente de prendre le temps et la mesure de ce que représente la perte d’un être cher dans nos vies organisées. Quelle place pour les interrogations existentielles ? Quel espace pour penser et vivre la transmission et la mort ? Patricia Dubois, Itinérances, édition Mauraz, 2013. Pour commander ce roman de 192 pages au prix de Fr. 30.– + frais de port, écrivez à itinerances@mauraz.ch

© PPP

Shatil Ara, tisseuse de liens dans les usines textiles du Bangladesh


VARIA

éVéNEMENTS JUSTICE INTERGENERATIONNELLE

Agenda

Saint-Laurent-Eglise invite la campagne œcuménique

Neuchâtel, 18.01.2014, 8 h 45 - 14 h Evènement œcuménique, Salle des Valangines Fribourg, 21.01.2014, 19 h 30 - 21 h 30 paroisse Christ-Roi

© Daniel Tillmanns, PPP

Séances de lancement de la campagne œcuménique « La semence d’aujourd’hui est le pain de demain »

Eglise de St-Laurent, Lausanne, 12.03.2011

Vaud, 01.02.2014, 8 h 45 - 14 h 15 Centre paroissial de Saint-Jacques Genève, 06.02.2014, 18 h 30 - 21 h Saint Antoine de Padoue Valais, 07.02.2014, 18 h 30 - 22 h Notre-Dame du Silence Jura, 06.02.2014, 19 h - 21 h 30 Centre Saint-François Hôte de campagne : Shatil Ara, en Suisse romande du 07.03 - 24.03.2013

Le dimanche 9 mars 2014, Shatil Ara, la coordinatrice de la Fear Wear Foundation au Bangladesh, sera l’invitée de Saint-Laurent-Eglise. Elle témoignera de son travail aux côtés des femmes, couturières dans les usines de textiles au Bangladesh. Ce pays est actuellement le deuxième producteur de vêtements « prêt-à-porter » au monde, après la Chine. Ces ouvrières et ouvriers sont des « ressources humaines » bon marché, qui fabriquent les vêtements que nous portons dans des conditions indignes de l’être humain. Derrière le slogan de la campagne « Les semences d’aujourd’hui sont le pain de demain » se cache à la fois l’épuisement des ressources de la terre et celui des « ressources humaines ». Deux facettes d’une même injustice : tous les deux ont des impacts désastreux sur les générations actuelles et futures, ainsi que sur l’environnement. La prédication de Martina Schmidt cherchera des réponses spirituelles pour nous mettre en mouvement vers la « justice intergénérationnelle ». http://saintlaurenteglise.eerv.ch/ Dimanche 9 mars, 10 heures MS

NOUVEAU

Journée des roses : 29.03

Connaissez-vous le « Thé du partage » ?

© PPP

Pain du partage, Thé du partage, Soupe de Carême et Groupes de Jeûneurs : 05.03 - 20.04 Culte à Saint Laurent : 09.03 à 10 h Emission Ensemble : 09.03 à 10 h 30 RTS 1 Célébration œcuménique : 16.03, lieu encore à définir

Monarde rose

Les actions que nous organisons durant notre campagne nous permettent de sensibiliser de nombreuses personnes à notre travail. Quant aux revenus générés, ils servent à financer des projets d’aide au développement dans les pays du Sud. Aux soupes de carême, à la Journée des roses et à l’action « Pain du partage » s’ajoute dorénavant le « Thé du partage ». Il s’agit plus précisément d’une tisane à la monarde rose cultivée de façon biologique (label Bourgeon) dans les Alpes suisses. Présenté dans une élégante petite boîte vendue Fr. 5.–, cet objet conviendra parfaitement à être offert à un proche en guise de petite attention. Vous trouverez plus d’informations sur cette action ainsi que les points de vente de « Thé du partage » sur www.voir-et-agir-ch/the DT

TELEVISION

Célébration œcuménique au Tessin Avenue du Grammont 9 – 1007 Lausanne Tél. 021 614 77 17 – Fax 021 617 51 75 ppp@bfa-ppp. ch – www. ppp. ch CCP 10-26487-1 Editeur : Pain pour le prochain Rédaction : Isolda Agazzi, Beat Dietschy, Yvan Maillard Ardenti,

Graphisme : Corrado Luvisotto, Grafix, Fribourg Impression : Imprimerie St-Paul, Fribourg Prix de l’abonnement : 10 francs suisses Tirage : 14 500 exemplaires ISSN 2235-0780

© PPP

Martina Schmidt, Daniel Tillmanns Corrections : Carine Huber Michoud

A l’occasion de la campagne œcuménique 2014, la télévision suisse va diffuser, comme à l’accoutumée, une célébration œcuménique. Cette année, la cérémonie sera célébrée dans une église au Tessin. L’émission sera produite par la radio-télévision de la Suisse italienne et diffusée en direct, avec traduction simultanée, aussi par les autres chaînes nationales. Pendant la célébration, qui aura comme thème la justice intergénérationnelle, une place important sera accordée au témoignage de Shatil Ara, l’hôte de la campagne.


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