Une seule terre N°2 - Juillet 2011

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UNE

JOURNAL D’INFORMATION DE PAIN POUR LE PROCHAIN

TERRE N°2 – 15 JUILLET 2011

DOSSIER

S’APPROPRIER LA TERRE POUR ACCÉDER À L’EAU PORTRAIT

Daniel Rochat, la lumière au fond de la mine

ÉVÉNEMENT

La Misa Criolla, un hymne à la spiritualité du Sud


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EN APARTÉ

EN BREF JUBILÉ

Rendre hommage au passé pour tracer l’avenir «Y en la tierra paz» Cela fait un demi-siècle que Pain pour le prochain s’occupe des choses « sérieuses ». « Depuis 50 ans pour un monde plus juste», écrivons-nous sur nos drapeaux pendant cette année de jubilé. Le monde est-il devenu «plus juste» grâce à nous et à ceux et celles qui nous ont précédés dans cette noble tâche? Et de quoi seront faits les prochains dix, vingt ou cinquante ans? Un tiers des Suisses consomment régulièrement des produits du commerce équitable, conscients que les producteurs doivent pouvoir bénéficier d’un salaire décent. Un autre tiers offre occasionnellement à son palais des délices du Sud qui ont un goût de justice – fruits TerrEspoir ou café labellisé Max Havelaar. Plus de 26’000 personnes ont signé notre pétition, convaincues que le gouvernement suisse ne doit pas laisser les entreprises piller les trésors miniers enfouis dans les sous-sols des pays en développement. Nombreux sont les paysans sans terre qui ont fini par obtenir gain de cause, pouvant désormais produire leur propre alimentation et vendre le surplus sur le marché local. Les personnes ayant accès à l’eau, aux soins sanitaires et à l’éducation sont devenues plus nombreuses. En revanche, l’appât du gain continue à spolier les pauvres des biens communs. Dans ce numéro d’Une seule terre, vous allez découvrir une nouvelle manière de dérober les bases de l’existence humaine: «l’accaparement de l’eau». Le chemin est encore long, mais nous le parcourons avec l’espoir que d’autres vont nous y suivre pendant le prochain demi-siècle. Aujourd’hui, cependant, notre esprit est à la fête et au travail de mémoire. Rien n’aurait été possible sans une communauté de convaincus et une espérance porteuse. Pour l’occasion, laissez-vous emporter par les rythmes de la Misa Criolla du compositeur argentin Ariel Ramirez: Gloria Dios. Y en la tierra, paz à los hombres (sans oublier las mujeres), paz, ah!

Martina Schmidt, secrétaire romande de Pain pour le prochain

Il ne sert de rien à l’homme de gagner la Lune s’il vient à perdre la Terre. François Mauriac

Leur expérience au Sud a nourri leur engagement au Nord. En cinquante ans, cinq hommes et femmes – personnalités charismatiques, théologien-ne-s, journalistes et administrateurs-trices – se sont succédé pour diriger le secrétariat romand de Pain pour le prochain. A leur retour d’Afrique ou d’Amérique latine, Willy Randin, Daniel Brandt, Christine von Garnier, Théo Buss et Martina Schmidt ont œuvré sans relâche en faveur de la justice et de l’équité. Si certains souhaitent à PPP de vivre encore cinquante ans, d’autres espèrent, au contraire, qu’il atteigne ses objectifs et n’ait plus de raison d’être… Certes, un vœu pieux. Dans un monde en forte mutation, les uns insistent sur la nécessité de continuer à travailler de façon œcuménique, alors que d’autres soulignent le défi de répondre à la remise en cause de notre travail par certaines populations du Sud. L’intégralité de l’interview se trouve sous www.ppp.ch/50ans.

ENGAGEMENT

Une course par solidarité pour le Rwanda Sensibiliser le grand public, au-delà des paroisses et de nos relais habituels. Tel est le but de «champions solidaires», une course organisée pour la deuxième année consécutive par Pain pour le prochain, DM-échange et mission et l’EPER, en partenariat avec l’Église évangélique réformée du canton de Vaud. Emmenés par le célèbre marathonien érythréen Tesfay Felfele, plus de 150 coureurs de tout âge ont foulé le bitume, dans le cadre des 20 km de Lausanne. Sous un soleil radieux, ils ont acheté des bandanas fabriqués par des femmes camerounaises, dans le respect des règles du commerce équitable, et recueilli le parrainage de 270 sympathisant-e-s. Le but était de soutenir un projet de formation des jeunes au Rwanda, pays décimé par un génocide dont les cicatrices demeurent encore visibles vingt ans après. Un bel effort, qui a permis de récolter presque 3000 fr. et sera certainement renouvelé l’année prochaine, en faveur d’un autre projet.

POLITIQUE

Résultat record pour la pétition œcuménique Vous avez été plus de 26 000 à signer, en trois mois, « Les entreprises doivent respecter les droits humains!», la pétition lancée le 10 mars par Pain pour le prochain et Action de Carême dans le cadre de notre campagne œcuménique. Un record, dont nous vous remercions du fond du cœur ! Le 21 juin, nous avons remis la pétition au Conseil fédéral, pour lui demander de s’engager en faveur d’un cadre politique cohérent, clair et transparent en matière d’entreprises transnationales et de droits humains. Pour les industries minières, pétrolières et gazières, cela implique notamment de publier ouvertement, pays par pays, les versements faits aux gouvernements qui les accueillent. Nous allons aussi discuter de nos revendications avec certains parlementaires et poursuivre le travail de lobbying avec d’autres ONG. Photo de couverture : Les femmes sont obligées de parcourir des distances encore plus grandes pour aller s’approvisionner aux puits. Les fillettes sont parfois sorties de l’école pour aider leur mère dans les tâches ménagères. (Wassadou, Sénégal)

EN CHIFFRES

21%

des enfants de moins de 14 ans au Rwanda sont orphelins. Ils ont perdu un ou les deux parents dans le génocide ou à cause du sida.


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DOSSIER

LA SOIF D’EAU VIRTUELLE POUSSE À L’ACCAPAREMENT DES TERRES

Derrière l’achat de terres en Afrique se cache souvent la course à l’accaparement des ressources hydriques. L’eau, bien public rare, est devenue un produit de spéculation. Pourtant l’accès à l’eau est un droit humain et sa violation peut entraîner des conflits majeurs.

SIERRA LÉONE MALI MADAGASCAR

EN CHIFFRES Entre 51 et 63 millions de terres ont été louées 27 pays africains sont concernés 177 contrats ont été stipulés Dans le monde, 70 % de l’eau douce est utilisée dans l’agriculture


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i les réseaux virtuels comme Facebook et Youtube ont permis de renverser quelques dictateurs arabes, « l’eau virtuelle » risque de provoquer de graves conflits dans les pays du Sud. Cette eau d’un nouveau genre n’a rien à voir avec Internet et les nouvelles technologies, mais elle est aussi impalpable que les liaisons qui se nouent dans la blogosphère. Et aussi dangereuse. On ne la voit pas, mais elle est utilisée pour la production agricole et industrielle. Saviez-vous qu’il faut 15500 litres d’eau pour produire un kilo de viande de bœuf ? Que 208 litres d’or bleu sont nécessaires à la culture des graines de café dont est tiré votre petit noir du matin?

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Les Suisses consomment 6082 litres d’eau par personne et par jour – presque le double de la moyenne internationale. Cette «empreinte hydrique» ne mesure pas seulement le liquide que nous utilisons pour boire et nous laver, mais aussi l’eau virtuelle nécessaire à la production de café, cacao, sucre, noix, oléagineux, blé et biens industriels. En Suisse, deux tiers de cette eau viennent de l’étranger. Nous la consommons avec tous les produits importés. Le problème est que certains de ces produits proviennent de pays où l’eau est une ressource rare. Une raréfaction qui s’est fortement accentuée avec l’accaparement des terres – l’achat ou la location à long terme de terres par des multinationales ou fonds d’investissement étrangers, dans le but d’y cultiver des agro-carburants et

© Yvan Maillard/PPP

S

des produits agricoles pour l’exportation. Or, seules les terres irrigables sont utiles pour l’agriculture industrielle.

L’eau, nouvel or bleu « Derrière l’accaparement des terres se cache souvent l’accaparement de l’eau, c’est à dire l’acquisition des droits de disposer des nappes phréatiques, ou de l’eau des rivières et des fleuves liés aux contrats fonciers», explique Karim Smaller, de l’Institut international du développement durable (IISD).

Au Mali, le fonds souverain libyen Malibya a loué 100 000 hectares de terres dans la région de Ségou, où vivent 75 000 personnes, pour produire du riz et de la viande destinés à l’exportation. Le contrat stipule que Malibya peut se servir librement de l’eau du Niger via un canal construit exprès.

Les fonds de placement et spéculatifs ont flairé le bon filon, notamment en Suisse

Mais comme il est difficile d’obtenir des chiffres, l’accaparement de l’eau demeure invisible aux yeux du grand public, contrairement à l’accaparement des terres, très critiqué depuis la découverte, en 2008, d’un contrat de location de 1,3 millions d’hectares à Madagascar par la multinationale coréenne Daewoo. L’Afrique sub-saharienne utilise seulement 2% de ses ressources en eau pour irriguer, alors que dans les pays du Golfe, plus de 80 % de l’eau douce sert à l’agriculture. Pour préserver ses ressources hydriques, l’Arabie Saoudite a donc décidé d’abandonner la culture de blé et d’investir dans les terres à l’étranger. Les plus faibles voient leur droit à l’eau s’éroder face aux puissants.

Les agro-carburants sont aussi particulièrement assoiffés. Il faut 3500 litres d’eau pour irriguer la quantité de canne à sucre nécessaire à la production d’un litre d’éthanol. C’est ainsi que l’Inde a décidé de délocaliser une bonne partie de cette production en Afrique.

Spéculer sur un droit humain A l’instar de tous les biens rares, l’eau est devenue un investissement très rentable. Susanne Payne, la directrice de l’Africa Agricultural Land Fund, prévoit des rendements annuels de 25% pour les investissements liés à l’eau en Afrique. Les fonds de placement et spéculatifs ont flairé le bon filon. Les premiers produits de placement dans le secteur de l’eau ont été émis par des instituts financiers suisses. Dès 2000, la banque privée Pictet a lancé un fonds sur l’eau de trois milliards de dollars, l’un des plus importants au monde. UBS, Crédit Suisse, la banque Sarasin, Swisscanto et Vontobel se sont aussi engouffrés dans la brèche.


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Les paysans pauvres sont chassés de leurs terres et les conflits s’enveniment. Les petits exploitants souffrent d’une baisse importante de la nappe phréatique, voire de la pollution de l’eau due aux produits chimiques.

Le problème est que plus d’un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, alors même que c’est un droit humain reconnu par l’ONU et un objectif du millénaire. Dans les pays en développement, les conflits se multiplient. Les petits paysans et éleveurs ont d’autant plus de peine à faire valoir leurs droits qu’en Afrique la propriété foncière est un véritable casse-tête et que, la plupart du temps, ils exploitent des surfaces sans en détenir les titres de propriété. Or, les contrats d’achat ou de location de terres sont négociés dans l’opacité la plus totale et sans consulter la population locale. Les petits exploitants ne peuvent plus accéder aux puits et aux rivières, ils souffrent d’une baisse importante de la nappe phréatique, voire de la pollution de l’eau due aux produits chimiques utilisés par l’agriculture industrielle. Et les conséquences pour la population locale sont dramatiques. Lorsque les spéculateurs arrivent, les prix des terres augmentent. Les paysans pauvres sont chassés de ces dernières et les conflits s’enveniment. Les plus faibles voient leur droit à l’eau s’éroder face aux plus puissants. Les femmes sont obligées de parcourir des distances encore plus grandes pour aller s’approvisionner aux puits. Les fillettes sont parfois sorties de l’école pour aider leur mère dans les tâches ménagères. La fondation Pain pour le prochain soutient des ONG du Sud qui se battent contre l’accaparement des terres et de l’eau. En Suisse, elle a lancé plusieurs pétitions dans ce sens qu’elle entend soumettre au Conseil fédéral. IA

EN CHIFFRES

15 500 litres d’eau sont nécessaires pour produire un kilo de viande de bœuf.

CAMPAGNE

Addax Bioenergy: après les promesses, la désillusion durant la saison sèche, Addax utilisera environ 25% du total de l’eau de cette rivière. Et rien ne prouve que ce prélèvement important n’affecte pas le droit à l’eau de la population locale.

Depuis un peu plus d’un an, Pain pour le prochain étudie les investissements d’Addax Bioenergy au Sierra Leone. Cette société suisse a reçu des prêts de diverses banques de développement pour démarrer une plantation de canne à sucre, destinée à la production d’agrocarburants pour le marché européen. Plus de 10 000 hectares de terres ont été loués aux populations locales dans la région de Makeni, ce qui va affecter plus de 13 500 personnes. Bien que l’entreprise suisse suive des standards éthiques internationaux, Pain pour le prochain met en garde depuis plusieurs mois contre les impacts négatifs du projet sur le droit à l’alimentation et le droit à l’eau. En effet, la majorité des habitants de la région sont agriculteurs. Sans terre et sans accès suffisant à l’eau, ils n’ont plus de revenu, de sécurité, d’avenir. Les principaux problèmes qui se posent sont les suivants : - Le manque d’eau. Addax affirme que le projet n’utilisera que 2 % de l’eau de la rivière Rokiel. Cette moyenne est cependant trompeuse car,

- L’assèchement des cours d’eau. Sur les terres qu’elle a louées, Addax a déjà détourné le flux de deux rivières secondaires. Résultat: le village de Maronko est confronté à une crise sans précédent. Suite à l’assèchement des rivières Domkoni et Kirbent, les femmes attendent durant des heures devant un ancien puits d’eau insalubre. Elles ne peuvent plus cultiver du riz et des légumes sur les berges fertiles et les pêcheurs ne trouvent plus de poisson. La colère monte au village… - La pollution de l’eau. Dans ses études d’impact, Addax sous-évalue également le risque de pollution des sources d’eau lié à l’utilisation intensive de pesticides et de fertilisants. La société suisse ne propose aucune mesure pour décontaminer l’eau et garantir la pérennité des cultures locales, irriguées avec cette eau. Malgré les bonnes intentions, le projet d’Addax Bioenergy risque d’aggraver les tensions sociales dans la région de Makeni. Pour Pain pour le prochain, il est urgent d’agir et de revoir les termes du contrat passé entre Addax et les populations locales. CP

Pour consulter l’enquête de terrain et pour plus d’informations : www.ppp.ch


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DOSSIER

© IA/PPP

LA LUTTE POUR LA TERRE ET LA VIE

Au Bénin, un syndicat soutenu par Pain pour le prochain se mobilise contre l’accaparement des terres. Il promeut les réformes juridiques qui garantissent aux paysans le droit à la terre et donc à l’alimentation. es investissements insuffisants dans l’agriculture et la concurrence de céréales importées ont mis les petits paysans béninois sur la paille. N’arrivant plus à joindre les deux bouts, nombre d’entre eux sont contraints de vendre leur terre pour une bouchée de pain. Les acquéreurs sont des notables et fonctionnaires locaux et des investisseurs étrangers. Un phénomène d’accaparement et concentration des terres en plein essor depuis 2006. Les transactions se font en toute opacité, grâce à la complicité d’intermédiaires locaux. Ensuite, les terres sont laissées en friche pendant de longues périodes, en attendant que leur prix augmente. Une spéculation en bonne et due forme, qui menace le droit à l’alimentation de la population, composée en majorité de petits paysans analphabètes et vivant sous le seuil de pauvreté. Alors que le pays pourrait produire assez

D

de nourriture, la malnutrition touche 20% de la population. Les paysans sont obligés de chercher un emploi, souvent précaire et temporaire, dans les grandes plantations, ou de migrer vers les villes, où ils vont grossir les rangs des chômeurs. Ce phénomène touche surtout les femmes, principales responsables de nourrir leur famille. Pain pour le prochain soutient Synergie paysanne dans sa lutte contre l’accaparement des terres. Ce syndicat informe la population rurale sur les risques liés à la vente des terres. Il promeut l’introduction de règles claires, l’enregistrement des terres et l’introduction d’une législation nationale régissant les transactions foncières. Il encourage l’introduction d’un plan de développement de l’économie locale et la formation des jeunes en milieu rural. IA

POUR ALLER PLUS LOIN

Les mouvements sociaux africains se mobilisent L’accaparement des terres était au cœur des préoccupations du Forum social mondial, qui s’est tenu à Dakar début janvier et auquel Pain pour le prochain a participé. Les ONG et organisations paysannes ont lancé « l’Appel de Dakar contre les accaparements des terres » pour demander aux gouvernements de mettre en place un cadre juridique qui régule le droit foncier et mette fin à la corruption et au clientélisme. Ils ont appelé à relancer les processus de réforme agraire basés sur un accès équitable aux ressources naturelles. Ils ont rejeté les «principes pour des investissements agricoles responsables » de la Banque mondiale, une tentative d’autorégulation des grands investisseurs. Au lieu de cela, ils ont soutenu les recommandations du Conseil mondial de l’agriculture (IAASTD), qui prône l’agriculture bio et paysanne pour réaliser le droit à l’alimentation. IA


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PORTRAIT

A DÉCOUVRIR SUR LE NET

La lumière au fond de la mine

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Les web-documentaires d’ARTE

Daniel Rochat est l’un des piliers de Pain pour le prochain depuis trente ans. Son expérience dans les mines d’or sud-africaines a poussé le pasteur vaudois à s’engager pour un développement guidé par la foi. orsqu’il a été nommé aumônier aux côtés des mineurs d’Afrique du Sud, Daniel Rochat a brusquement pris conscience qu’il était blanc. Et ce fut un choc: «Comme envoyés du DM – échange et mission, nous avions passé huit ans au Mozambique, où nous étions totalement intégrés à la communauté noire. Mais en 1968, lorsque nous avons été appelés à travailler dans le pays de l’apartheid, nous avons été coupés des Noirs par une barrière infranchissable. » Son épouse Emilienne, qui partage son engagement depuis les bancs de l’université, acquiesce d’un signe de la tête.

L

« C’est en Afrique que j’ai découvert la situation désastreuse des pays en développement, l’exploitation des migrants et le racisme. C’est de là que vient ma motivation pour le développement. Mais un développement basé sur la foi », insistet-il. La croyance que quelqu’un a créé la Terre et qu’il faut bien la gérer explique, selon lui, une sensibilité plus exacerbée à la pollution, aux guerres, au colonialisme et aux inégalités : « La foi donne des repères éthiques et moraux qui permettent de s’engager avec passion aux côtés des victimes des injustices ». De retour en Suisse, il fait partie, dès 1980, du comité romand de Pain pour le prochain. Il sera le premier animateur cantonal de Terre Nouvelle – un relais important de l’Église au profit de PPP, DM et l’EPER –, chargé de sensibiliser les paroisses aux enjeux de l’aide au développement. Son expérience africaine explique aussi son engagement de trente ans à la Croix Bleue, en tant que spécialiste de l’alcoolisme

africain. Au Mozambique, il a découvert que l’Afrique avait vécu avec l’alcool pendant des siècles, mais que celui-ci était bu seulement aux fêtes. « C’est la colonisation qui a amené l’alcoolisme, assure-t-il, car l’introduction de la bouteille de verre a permis de transporter les boissons partout et l’alambic de distiller des alcools très forts.» Aujourd’hui à la retraite, cet infatigable septuagénaire continue à militer pour la justice sociale. Il a même été l’un des intervenants les plus sollicités de la campagne œcuménique de cette année – ses interventions ont passionné près de 1300 personnes. Mais justement, qu’apporte Pain pour le prochain à la société suisse? «A l’origine, c’était une œuvre d’entraide spécialisée dans la promotion du développement au niveau des Eglises et de la société suisse. Elle faisait aussi du lobbying auprès des autorités pour augmenter le budget de la DDC», explique-t-il.

ARTE a toujours fait œuvre de pionnière en matière de nouveaux formats journalistiques. Aujourd’hui, la chaîne franco-allemande soutient activement la diffusion de web-documentaires. Cette nouvelle forme narrative place le multimédia au premier plan. Un savant mélange de photographies, de vidéos, de textes et de sons emmène l’internaute dans un voyage documentaire interactif et très souvent humaniste. A découvrir sur cette plate-forme : le magnifique travail autour des cinquante ans de l’indépendance de l’Afrique, un regard inédit sur la crise financière en Argentine, et le précurseur Prison Valley, qui évoque l’industrie pénitenciaire du Colorado. http : //webdocs.arte.tv/

A LIRE Dans le secret des dieux Conseiller monastique du film triplement césarisé Des hommes et des dieux, le parcours d’Henry Quinson est tout aussi atypique que le long métrage du réalisateur Xavier Beauvois. Ancien magnat de Wall Street, cet économiste franco-américain a tout quitté, à la fin des années 80, pour aller vivre dans l’abbaye de Tamié, en Savoie. C’est là qu’il a connu quatre des sept frères assassinés en Algérie, en 1996. Dans cet ouvrage, il raconte son expérience sur le tournage du long-métrage de Xavier Beauvois. Mêlant intelligemment spiritualité et problématiques très actuelles, comme la rencontre inter-religieuse et la résistance nonviolente, Henry Quinson apporte bien plus qu’un témoignage : un éclairage profond sur notre capacité à vivre ensemble. Un livre à lire même sans avoir vu Des hommes et des dieux sur grand écran. Secret des hommes, secret des Dieux, de Henry Quinson, préfacé par Xavier Beauvois, Presses de la Renaissance.

La revue qui approfondit En effet, le soutien aux populations du Sud ne saurait se passer d’une action sur les politiques de développement, en Suisse et à l’étranger. Pour Pain pour le prochain, les deux approches sont étroitement liées. Des buts qu’il affirme partager pleinement, « vu qu’on ne peut pas rester en-dehors des problèmes économiques. J’appuie pleinement PPP, à condition qu’elle n’oublie pas la note spirituelle qui doit être la sienne. Je ne voudrais surtout pas qu’elle devienne uniquement une ONG de développement. Elle doit rester une œuvre d’entraide », conclut-il avec conviction. IA

Tous les trimestres, auteurs, journalistes, dessinateurs de BD et photographes proposent des grands reportages – pour une fois le terme n’est pas galvaudé – à travers la planète. Des semaines de travail sur le terrain, des thématiques développées sur des dizaines de pages: l’ensemble offre une information fouillée de qualité, à mille lieux de l’info fast-food de la presse gratuite. La photographie y trouve une place de choix, tout comme la bande-dessinée traitée comme un genre à part entière. Les thématiques du développement, des droits humains et de la solidarité y sont largement couvertes. Revue XXI En vente dans les librairies et les surfaces culturelles.


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AGENDA

ÉVÉNEMENTS LA MISA CRIOLLA

Manifestations dans le cadre des cinquante ans de Pain pour le prochain

Un hymne à la spiritualité du Sud

Genève, le 4 septembre 2011 Temple de Saint-Gervais Berne, le 11 septembre 2011 Eglise française de Berne

© P. Kummer

Concerts Misa Criolla par la Chapelle vocale de Romainmôtier

Un événement à l’image de PPP, mixant cultures, rythmes, langues, couleurs et spiritualité du Sud.

Célébration œcuménique Le 2 octobre à la cathédrale de Lausanne. Fête œcuménique de la solidarité Fête œcuménique de la solidarité autour de la «soupe et du pain». Remise du livre de la solidarité, 11 novembre, Berne, Waisenhausplatz. Une compilation des moments forts vécus pendant les 50 dernières années que vous êtes appelés à co-rédiger. Daniel Tillmanns, tillmanns@bfa-ppp.ch se réjouit de recevoir vos textes et vos photos. Plus de détails: www.ppp.ch/fr/francais/portrait/jubile/

Pour son Jubilé, Pain pour le prochain vous convie à la fête. Une fête en musique, avec La Misa Criolla d’Ariel Ramirez, dimanche 4 septembre, à 17h, au Temple de Saint-Gervais à Genève. Un événement à l’image de PPP, mixant cultures, rythmes, langues, couleurs et spiritualité du Sud. Avec Michel Jordan à la baguette, le groupe Encuentro de Neuchâtel aux instruments et la Chapelle vocale de Romainmôtier côté chœur, les voûtes du Temple feront résonner la musique d’Ariel Ramirez, le compositeur argentin de la Misa Criolla. Une œuvre de musique populaire sud-américaine qui suit les cinq parties traditionnelles de la messe et qui invite à célébrer la vie. Le concert sera co-organisé avec l’Espace Saint-Gervais et l’Eglise protestante de Genève qui, au travers de son Service Terre Nouvelle, collabore avec Pain pour le prochain depuis la création de ce dernier afin que l’annonce de l’Evangile s’exprime également par la coopération entre tous les êtres humains. L’engagement de l’Eglise protestante pour le développement de PPP témoigne de sa contribution à la création de relations humaines et de structures empreintes de justice, de paix et du désir de sauvegarder la création. Plus d’infos, photos et extraits audio du concert du 26.05.2011 à St-François sur www.ppp.ch/50ans

JEÛNE FÉDÉRAL

© PPP

La collecte continue, mais différemment

La collecte de 2010 a servi à financer un projet de formation au Zimbabwe.

Avenue du Grammont 9 – 1007 Lausanne

L’offrande du Jeûne fédéral, le troisième dimanche de septembre, a été lancée en 1957 sous l’impulsion du pasteur Jean-Samuel Javet, à Neuchâtel. Très vite, d’autres comités se sont formés en Suisse romande et dans le canton de Berne, donnant naissance à l’action «Notre Jeûne fédéral». Durant un demi-siècle, des dons ont été distribués à quatre organisations de coopération au développement, parmi lesquelles Pain pour le prochain. Grâce à la générosité des donateurs institutionnels et privés, le comité romand NJF a pu attribuer plus de 20 millions de francs aux plus pauvres de la planète. Mais avec l’évolution récente de la coopération au développement et la difficulté d’élargir l’action au-delà du public habituel, le comité NJF a décidé d’y mettre un terme. Une décision douloureuse en raison de la longue histoire du Jeûne fédéral. Cependant, la solidarité ne s’arrête pas là. Plusieurs Eglises cantonales ont décidé de maintenir une collecte en faveur des projets de Pain pour le prochain. A découvrir dès mi-août sur le site: www.ppp.ch. Renseignements: Anne-Lise Jaccaud

Tél. 021 614 77 17 – Fax 021 617 51 75 ppp@bfa-ppp.ch – www.ppp.ch CCP 10-26487-1

Merci de votre généreux soutien!

Editeur: Pain pour le prochain Rédaction: Martina Schmidt,

EN CHIFFRES

Isolda Agazzi, Chantal Peyer Corrections: Françoise Caroff Graphisme: Corrado Luvisotto, Grafix, Fribourg Impression: Imprimerie St-Paul, Fribourg Prix de l’abonnement: 10 francs suisses Tirage: 16 500 exemplaires ISSN 2235-0780

3500 litres d’eau sont utilisés pour irriguer la quantité de canne à sucre nécessaire à la production d’un litre d’éthanol


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