Oito ou 80 - SEXES.03

Oito ou 8O Sex e S

Oser jouir à donner du plaisir Sexe. C’est un mot délicieux destiné à l’homme. La liberté et à dire. Juste d’y penser, nous mordons déjà nos lèvres, soupirons rêveuses et sourions du coin de la bouche.

Le sexe fait partie de notre culture à différents niveaux.

Il est présent partout, dans toutes les situations, même lorsque nous faisons quelque chose qui n’a rien à voir avec le sexe, notre corps, notre regard peuvent nous conduire vers ce repaire de plaisirs internes.

Lorsque nous avons commencé à concevoir cette édition – une envie depuis plusieurs mois de donner une voix au désir et au plaisir féminins – nous nous sommes heurtées au concept du tabou.

Le sexe suit une prémisse d’interdiction, surtout lorsque nous l’associons au féminin.

Pendant des siècles, le plaisir féminin a été nié, considéré comme de l’hystérie, et invisibilisé.

La femme était un objet

l’émancipation sexuelle des femmes sont très récentes, et derrière se cachent toujours l’idée d’être « sale, incorrecte, impure, laide, inexistante ».

De cette manière, comment donner une voix à la sexualité et au désir féminins sans être freinées par nos propres tabous ?

Et plus encore, sans retomber constamment dans le concept de ce qui est sexuel, érotique, sensuel à partir d’un regard patriarcal ; une perspective où les femmes sont subordonnées depuis leur plus jeune âge ?

En raison de la formation sociale, où les femmes sont encore éduquées à se comporter, à s’habiller, à agir pour plaire à l’homme, et où la grande production de contenu érotique est encore faite par et pour les hommes, à partir d’une image dégradante de la femme, comment explorer la sexualité féminine ?

Lui donner une nouvelle

signification et apporter un nouveau contexte à la littérature érotique représentent de nombreux défis.

Ainsi, cette édition cherche à créer un espace où l’érotique pourrait être littéraire, où l’acte de donner et de recevoir du plaisir dépasse l’imaginaire limité d’un plaisir qui se produit uniquement lors des relations charnelles, avec la perspective de plaire à l’autre.

Le sexe se limite-t-il à cette unique chorégraphie des corps ?

Les textes réunis ici abordent le plaisir dans ses formes les plus plurielles, repensant la littérature érotique, considérée comme marginale et vulgaire, comme quelque chose de naturel et présent dans la vie quotidienne, considérant ainsi le sexe comme une nécessité naturelle pour l’être humain.

a pour seul but d’apaiser une pulsion interne. Et rien n’est plus plaisant (et effrayant) que d’explorer la satisfaction des désirs de la chair de manière libre de tout jugement préétabli.

Nous vous invitons à entrer dans des écrits vulnérables et à l’écoute de leurs purs besoins. Laissez vos vêtements et chaussures à la porte, dénuez-vous de vos masques, aversions, idées et préjugés, et permettez-vous d’explorer les sensations proposées. Nous vous souhaitons une lecture débordante de plaisir.

S.P et A.D.

Tout acte cherchant le plaisir 2

photographie © Elea Terodde illustration © Samantha Chuva conception de la maquette © Elea Terodde

L’eau, les saveurs

4

Lecture

6

Frotilèges

8

Ciller, briser

10

Ses yeux brûlent dans mon ventre

16

Cérémonie

20

Charmes

28

Je sens

32

Biographies

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Aele Dee

Samantha Pluie Samantha Pluie écrit à quatre mains Aele Dee

écrit à quatre mains Aele Dee

Samantha Pluie

l’eau, les saveurs, l’eau de tes yeux, la saveur de tes mots les cheveux entourent ton cou le tissu se tend contre ta peau l’eau, les saveurs, l’eau de tes lèvres, la saveur de tes mains paumes soulignent ma taille doigts en tenailles hanches chaotiques l’eau, les saveurs, à quelques souffle de nos voix les fluides s’immiscent saveurs de nos hésitations l’eau de tes mots les couleurs contre ta peau saveur des nuances interdites main à plat contre le bois cuisses agrippantes lumière de tes lèvres qui se posent l’eau, une chaleur perle le long de ton dos saveur dans nos voix exalte, mélodique amour affolé l’eau file vers sa ruine ta confiance se loge dans mon souffle gorge ma poitrine saveurs d’entre les reins ruisselle le long de mes nerfs

l’eau, les saveurs les murmures de nos yeux ton sourire entre mes mains dégustation sacrée

L’eau, les saveurs - Aele Dee

4

Lecture Il fait chaud. Les gouttes de sueur rayent mon dos, traçant un chemin vers mes fesses. L’eau salée se loge derrière mes genoux. J’allume le ventilateur. Le vent me caresse le visage, mettant mes mèches rebelles derrière les oreilles. Une boucle s’enroule autour de mon cou, chatouillant ma nuque, me provoquant. Je sens mes poils s’hérisser avec la touche légère et douce de mes propres cheveux. Je respire fort ; haletante à cause de la chaleur lourde et humide qui me rend molle et paresseuse.

J’ouvre mon livre à la page 46. C’est une histoire lente sur la vie d’Anne de Bretagne. Je laisse les mots imprégner mon cerveau, toucher mon corps, rentrer dans mon esprit. Chaque paragraphe est comme une gorgée qui coule dans ma trachée. Mes yeux parcourent de gauche à droite, accompagnant les stratégies de guerre de la duchesse, pendant que mes mains glissent dans mon short en jeans. Mes doigts traversent ma culotte et ouvrent un espace dans mes lèvres. Je suis sèche. Ainsi je me mouille. Je cours avec mes doigts de retour vers le haut de mon corps, passant par mon ventre, mes seins, jusqu’à ma bouche, où je laisse ma langue se promener librement, suçant mes doigts. Je refais le chemin de retour, pendant qu’Anne de Bretagne raconte la mort de ses parents.

Le vent prolonge ses bras, frémissant sur ma chemise de soie. Le tissu lèche mes seins, les réveillant d’un sommeil tranquille. Je touche mon clitoris, dou-

cement, faisant des petits ronds avec mon index. La caresse accompagne la vitesse rythmée et constante de ma lecture.

Je lis sur la cour bretonne et sa guerre avec la France, mais pour une raison que je n’arrive pas à saisir, mes doigts frottent plus fort et plus vite. Des perles de transpirations glissent dans mon dos trempant mes vêtements. Mes jambes s’allongent. Mes cuisses se crispent. J’ai envie de fermer les yeux et de me laisser m’évader dans les sensations de mon corps ; de mettre pause au livre que je suis en train de lire et de m’échapper dans le plaisir qui veut kidnapper ma conscience.

Pourtant je reste.

J’accompagne le cheval d’Anne de Bretagne galoper vers Nantes, pendant que je galope sur moi‑même. Je m’oblige à continuer à lire chaque mot, chaque syllabe, chaque lettre, chaque virgule et point final. M’oblige à rester vigilante, pendant que mon plaisir me tire de l’autre côté, vers la folie ; comme si je jouais au tir à la corde entre mon corps et mon esprit.

Et pendant qu’Anne échoue son arrivée au château de Nantes pour échapper à la France, je jouis. Ma respiration accélère, ma tête devient d’une chaleur insupportable, mes mâchoires se serrent et je tremble entière, en un soulagement éveillé. Les yeux figés sur le contrat de mariage d’Anne et Charles V.

Lecture - Samantha Pluie

6

frotilèges

Sur le sol d’une pièce moitié sombre, moitié illuminé, des jeans emmêlés s’embrassent, pressés.

Une bougie dorée projette des ombres contre le mur blanc. Les flammes hésitent, frétillant sous le rythme des souffles accélérés.

Une lèvre se ferme, timide.

Une lèvre s’ouvre, famine.

Une langue passe dans les lèvres humides.

Les ongles descendent le dos, raclant la surface d’un son purifiant.

Une femme respire vite, sa gorge se contracte et un cri échappe, victorieux.

La peau bronzée arrête de bouger, chaque pore brille fait d’eau pailletée translucide.

Assommé d’une fièvre délirante un corps nu frappe un autre corps nu.

Aveugle, une langue lèche une oreille.

Un cou se contracte, suivi d’un rire étouffé.

débridés Des draps tombent par terre, d’une lutte sauvage.

Des

corps

éparpillés

soupirent,

endormis.

Une culotte noire traîne par terre, rejetée.

Frotilèges - Samantha Pluie

8

Ciller, briser 18:11 La geisha allume une cigarette, les cheveux toujours impeccables. Au bout de la rue, une silhouette dans l’éclairage des magasins. Elle s’approche, relèvent ses longs cils, elle traverse le regard de la geisha. Le jour décline, la nuit dépose sa soie.

Le téléphone vibre, d’un geste elle le déverrouille et lit le nom du destinataire.

UN NOM QUE JE NE PENSAIS PLUS VOIR. Elle éteint l’écran et plonge dans ses souvenirs de montagne. La montagne claire, la montagne avec ses deux, trois couleurs au plus. Le vent la ramène, un frisson lui rappelle son corps, trop lourd pour une nuit d’été. Ses extrémités sont crispées.

Elle recrache la fumée. La femme aux longs cils aspire son souffle.

Qui c’est ?

UN MESSAGE QUE JE NE PENSAIS PAS LIRE. Son regard échaudé parcourt le visage, les cils, la ligne du sourcil, le cou, l’épaule, la taille, le poignet. La femme aux longs cils observe la geisha la parer de son désir, elle claque des doigts pour entendre l’écho. Elle cherche dans l’épaisseur du silence une preuve que rien d’autre n’existe autour.

Ce son qui les empêche de nier le présent.

Ciller, briser - Aele Dee et Samantha Pluie

Les cheveux noirs de la geisha sont illuminés par le clair de lune. Elle attrape la main, interrompt l’écho, détend les doigts, les glisse dans sa bouche. La nuit ne fait qu’embarquer.

00:37 Décharge de plaisir 01:12 Le feuilles de thé se reposent Quand elle se lève dans la nuit, la geisha cherche ses affaires. Elle allonge le dos, en arrondissant la main, le poignet est léger. Les cils clos, elle est épicurienne, les yeux poids plume. Elle se lève, s’extrait de la chaleur. Elle avance dans l’obscurité, ne retrouve plus ce qui reposait sur la table. Le poignet flottant, la main tâtonne sur les objets. Un instant, la peur remonte, son pouls s’emballe. Elle allume la cuisine. Un papillon de nuit percute sa poitrine. Tout se déroule, les tissus sur sa peau sont lâches, le message revient. Le papillon tourne, aussi effrayé qu’elle. Trompe son cœur. Revient à la chair, la douleur de l’épiderme rougit par la collision. Le papillon s’enroule sur lui-même urgent, se cogne contre la vitre du balcon, elle éteint.

La pluie tombe doucement, glissant satinée contre les fenêtres. Une tasse de thé tourne vide dans sa main.

Calmée par le choc de cette rencontre nocturne. Elle reprend goût, les arômes des feuilles enveloppent sa langue.

Les plantes dessinent un papillon, encore ce papillon. Le message brillant encore contre ses yeux. Une odeur de fleur et cerise émane de son corps.

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Elle était encore une maiko - une apprentie geisha - le cou rouge et les lèvres blanches quand elle a porté ce parfum pour la première fois.

Un cadeau de son danna. Il faisait chaud, c’était le solstice d’été.

Des mains douces lui frottaient la peau, enlevant les tissus lourds.

Le mélange coloré glissait contre son dos, faisant un tapis rembourré sous elle.

Elle s’est allongée, nue, sur la soie neuve.

Elle avait un peu peur de ce qui allait se passer.

Encore maintenant, le simple fait de revivre ces souvenirs lui rappelle les sensations d’un corps plus jeune et inexpérimenté. Son cœur s’accélère dans un souffle court, et bien que son ventre soit noué, chaque partie de sa peau vibre, insistant pour sentir ses mains de désir.

La maiko offrait un sourire timide, attendant, impatiente, le prochain mouvement. Son esprit partagé entre la frayeur obstinée qui voudrait que tout se finisse le plus vite et l’envie dévorante que tout soit le plus lent possible. Cependant, l’homme devant elle, n’était pas pressé. Il la regardait avec des yeux noirs, savourant chaque centimètre de son corps. Ils restaient immobiles pendant un long moment. Elle, allongée, les jambes entrouvertes mouillant le tapis sous elle. Lui, encore habillé en vêtements traditionnels, assis devant elle, la bouche serrée, sèche, lui raclant la gorge. Le kimono un peu ouvert montrait son corps dessiné par quelques muscles et une poitrine duveteuse.

02:42 Fleur, cerise et souvenir. Le flair lui ordonne de prendre cette sensation. Une goutte épaisse descend le long de ses cuisses, la réveillant de sa divagation. La robe de chambre jetée sur ses épaules. Le bord noir caressait son sein dur d’excitation. La tasse de thé serré dans sa

main, dans l’autre le téléphone retenu par ses doigts crispés. Ses yeux, habitués à l’obscurité, voient la femme dans son lit. Éveillée, les cils battants vite, un sourire inhabituel dans les pupilles l’examinait avec des yeux sombres, comme son danna l’a fait il y a tellement d’années. Les mêmes orbes noirs assoiffés de l’eau qui coule entre ses jambes.

Oui, c’est... oui, c’est... ainsi.

3:01 La femme aux longs cils marche silencieuse, un sourire de défi pendu à ses lèvres. Elle enlève la robe de la geisha. Le tissu susurre contre sa peau et bat des ailes dans l’air, tournant en braise au milieu du salon, se transformant en incendie. Elle pose la tasse froide sur la table et marche vers les ailes incandescentes. Elle tourne, urgente, ses longs cheveux lisses et noirs s’éparpillant dans tous les sens, dans une crise épileptique.

3:37 Dans sa tête un tambour sonne à chaque fois plus fort, à chaque fois plus rythmé. Les cils comprimés contre sa peau, leurs peaux entrelacés, humides de sueur, glissant agréablement, les fusionnant en eau tiède. Les yeux clos, serrés par le plaisir douloureux. Une main sur ses seins, pendant que l’autre comprime sa hanche.

Les vitres embrumées les enfermaient dans un univers à part, un endroit au-delà de la réalité, où elles étaient la seule importance.

Ciller, briser - Aele Dee et Samantha Pluie

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La femme aux longs cils mord son sein en même temps qu’elle avance un doigt en elle. La geisha souffle un cri de satisfaction. Sa tête bascule en arrière, les cheveux collés au cou, mouillés de plaisir. Elle lâche le téléphone qui s’écrase en deux parties. La lumière de l’écran s’allume.

JE TE VEUX. Les deux femmes sont aveuglées pendant qu’elles jouissent, emportés par l’éclair de la bourrasque.

Moi aussi je te veux, répète la geisha dans sa tête.

Viens, je te veux, dit la femme.

Moi aussi.

Moi aussi.

Moi aussi.

Aussi.

Aussi.

Ainsi.

Aussi.

Moi aussi.

Je veux.

Ainsi.

Ainsi.

Ain sssssssss.

Ciller, briser - Aele Dee et Samantha Pluie

prendre cette sensation. Une goutte épaisse descend le long de ses cuisses, la réveillant de sa divagation. La robe de chambre jetée sur ses épaules. Le bord noir caressait son sein dur d’excitation. La tasse de thé serré dans sa main, dans l’autre le téléphone retenu par ses doigts crispés. Ses yeux, habitués à l’obscurité, voient la femme dans son lit. Éveillée, les cils battants vite, un sourire inhabituel dans les pupilles l’examine avec des yeux sombres, comme son danna l’a fait il y a tellement d’années. Les mêmes orbes noirs assoiffés de l’eau qui coule entre ses jambes.

Oui, c’est... oui, c’est... ainsi.

3:01 La femme aux longs cils marche silencieuse, un sourire de défi pendu à ses lèvres. Elle enlève la robe de la geisha. Le tissu susurre contre sa peau et bat des ailes dans l’air, tournant en braise au milieu du salon, se transformant en incendie. Elle pose la tasse froide sur la table et marche vers les ailes incandescentes. Elle tourne, urgente, ses longs cheveux lisses et noirs s’éparpillant dans tous les sens, dans une crise épileptique.

3:37 Dans sa tête un tambour sonne à chaque fois plus fort, à chaque fois plus rythmé. Les cils comprimés contre sa peau, leurs peaux entrelacés, humides de sueur, glissant agréablement, les fusionnant en eau tiède. Les yeux clos, serrés par le plaisir douloureux.

Une main sur ses seins, pendant que l’autre comprime

Ses yeux brûlent dans mon ventre

C’est une journée à ne rien faire. Des heures à tuer, où on se laisse digresser au fil de l’appartement. La lumière est trop claire pour nos mines épuisées par la nuit. On vit les volets fermés.

Une journée pour reposer nos corps, pris dans les spasmes de l’épuisement.

On passe rarement des journées entières seules. Elle est toujours pressée ou accompagnée, mais depuis le temps que je la connais, je ne me formalise pas.

Là, je me sens proche d’elle, j’ai tout à coup conscience de mon corps, de la distance à laquelle il se tient près du sien. On a le temps de peser tous ces espaces.

Le rétroprojecteur joue un film qu’on connaît par cœur. Qu’on a déjà fait jouer mille fois. L’image est mauvaise, pixelisée. La lumière du rétroprojecteur se reflète sur son corps. Révèle la beauté de sa lassitude. Nos visages sont ternes, je peux sentir les creux de mes cernes.

Ses lèvres sont sèches, rougies par le froid de la veille. Je ris intérieurement en pensant à son sourire diable, mais

jouissif, qu’elle a au pic de la nuit.

Elle a une vivacité dans le visage qui m’étonne toujours.

Le chat fait tomber la baffe, le son se coupe. On décide que c’est le signal pour aller se ravitailler dans la cuisine.

Pourtant, c’est ses yeux à elle qui brûlent dans mon ventre sans permission.

Je me décompose en face de son visage, vulnérable, mais sauvée par la nuit qui revient. Le crépuscule nous laisse peu de temps. L’odeur des paninis qu’elle fait chauffer monte du four. Une mouchette vole autour de ma bouche, mon cou, mes cheveux, je la chasse, mais elle revient sans se décourager jusqu’à ce que je l’écrase. Je me

sens dans l’extrême instant.

En face de moi, elle sourit, et semble à nouveau bien éveillée, comme si l’arrivée de la nuit l’avait rechargée.

Elle se lève, ses vêtements sont désaccordés, le tissu délavé, et probablement imbibé des sueurs d’alcool de la veille. Je remarque les os de ses hanches à travers les vêtements, Ses yeux brûlent dans mon ventre - Aele Dee

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puis sa taille très fine. Elle est toujours la même, mais quelque chose à changé le temps d’un instant. C’est mon amie de toujours, mais quelque chose émane de sa peau, de sa silhouette.

Une partie de ma tête range cette explosion dans

un recoin lointain. Pourtant elle existe, et

ne signifie rien d’autre que ce qu’elle est.

On se traîne à nouveau jusqu’au canapé. Le chat vient se frotter à mes aisselles. J’allume une cigarette, il s’enfuit. Elle tire deux taffes sur la cigarette et me la rend.

Désinvolte, elle me jette un regard qui dessine des picotements dans mes joues. Sa beauté, la diffraction secrète de cette

nuit, je la garde en moi comme une nouvelle couleur que je suis la seule à percevoir. Je n’ai

pas peur de dire comme je l’aime, comme je l’admire. Mais préciser cette beauté, la savourer, lui donner de la place, la range à côté d’autres souvenirs qui relèvent de la honte.

La nuit est totale, le film est terminé. L’odeur de cigarette

froide me réveille. Un carré gris foncé éclaire encore suffisamment la pièce pour nous diriger dans nos chambres et accepter la marche normale de la nuit.

Ses yeux brûlent dans mon ventre - Aele Dee

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Cérémonie 1. Elle prend les feuilles D’abord elle prend un tissu rouge. Elle le plie en deux, soigneusement. Avec l’autre main, elle attrape un petit bâtonnet métallique qu’elle nettoie avec le chiffon écarlate, le frottant du haut au bas, caressant toute la structure de l’outil. Avec un mouvement anguleux, le chiffon lèche une dernière fois le bâton et est posé sur un pot rond cramoisi d’or.

Un autre tissu, cette fois de couleur blanc crémeux, garde des feuilles sèches, qui reposent sacrées en attendant d’être manipulés. Elle les prend avec ses mains transparentes et fines, les doigts délicats les portent avec douceur, les empêchant de se casser. Elle bouge lentement, caressant chaque branche, chuchotant des mots mystérieux, pendant que ses mains longent avec tendresse la longueur sèche des plantes.

2. Elle macère les feuilles Elle dépose les feuilles dans un bol blanc fait de céramique, les allongeant, une par une, comme une mère qui couche ses enfants dans le lit. Ensuite, elle prend un pilon ; un bâton pas plus grand que la paume de sa main, décoré en nacre, fait par les mains soyeuses des sirènes. Elle glisse le pilon dans le mortier. L’action ne produit pas un son abrupt comme j’attendais. Au contraire, le son est sourd, rembourré. Mon dos se relaxe pendant que les feuilles sont massées. Une odeur chaude et fraîche d’herbes remplit la petite salle, s’enroulant autour de moi. Son mouvement vif et répétitif m’hypnotise. Ses mains font des rebonds mélodieux, qui allument un feu dans mon ventre.

Cérémonie - Aele Dee et Samantha Pluie

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3. Elle verse l’eau sur les feuilles Dans le bol, toutes les feuilles ont été réduites en de copeaux très fins. Fins et lamés, ils attrapent la lumière et scintillent jusque dans mes yeux. Elle dépose le pilon délicatement sur la table. Elle attrape le tissu blanc où réposaient les feuilles et l’enroule dans sa main. J’ai senti un frisson me parcourir. Ensuite, elle verse l’eau chaude sur les feuilles. Tout est devenu trouble. Ce sont mes jambes ou les siennes ? La même brume confondait nos corps dans la pièce. C’est son fluide qui trempe mes cuisses ? J’ai reçu l’odeur du thé chaud par grandes bouffées, à ce moment-là, j’ai cherché son corps, comme un naufragé qui retrouve le banc de sable.

4. Je prépare le service à thé Je replie le tissu rouge, puis j’enroule le pilon dans le tissu blanc. Je serre bien le pilon et, à chaque repli, je sens ma poitrine se charger d’un souffle brûlant. Je suis accroupi devant la table, incapable de me relever, j’ai dû attendre un instant pour contenir ce qui galopait de mon ventre, vers mes lèvres. Elle retient son souffle quand elle se releve, son visage sourit tout entier. Je peux déjà y lire le plaisir que je lui donnerai. Je la regarde s’éloigner, confiante, savourant l’instant. Elle revient avec un plateau dont deux tasses en céramiques décorés tintent sous ses mains tremblantes.

Elle les dépose en s’agenouillant d’un côté de la table, puis de l’autre. Les tasses peintes d’arbres en fleurs dégagent une odeur fraîche de printemps, imprégnés du parfum qui s’échappe de ma maîtresse. Ses hanches dessinent des courbes gracieuses à chaque descente.

Je perds les sensations de mon corps à chacune de ses remontées. Je peux sentir l’effort de ses jambes. Je m’y perds à nouveau. Je plonge.

Cérémonie - Aele Dee et Samantha Pluie

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5. Nous versons le thé La manche de sa robe frotte ma joue pendant qu’elle se tourne vers la théière noire faite de fer fondu. Je sens la chaleur de son corps friser tous ces tissus qui nous séparent. La pièce est d’une chaleur étouffante. Je prends une profonde respiration pour essayer de baisser ma température latente. Sa main enrobe la poignée de la théière, la tenant avec vigueur entre ses doigts longs.

Je pose mes propres doigts sur le couvercle du récipient, pour éviter que tout coule trop vite. Ensemble, nous versons le liquide dans la première tasse. Il glisse entre nos mains, remplissant la céramique jusqu’au bord. On s’arrête net, avant que le thé parfumé déborde. Une goutte s’échappe, éclaboussant la table, sortant un peu trop tôt. Je sens ma propre goutte échapper, me mouillant entre les cuisses.

Nous restons immobiles, observant la goutte chaude entre nous. Elle lève le regard vers moi. Deux soleils brillent à la place de ses yeux, consommés par la chaleur.

Ses lèvres, teintes de rouge cerise me donnent faim.

Elle sourit légèrement, ennuageant la tension entre nous.

Je prends une autre respiration.

Ensemble, nous bougeons lentement en direction de la deuxième tasse. Sa main tremble sous le poids de la théière. J’enveloppe sa main dans la mienne et je la sens pour la première fois. Je me rapproche un peu plus de la table basse qui impose notre distance, en collant

le ventre contre le bord, les genoux raclant le tapis rugueux comme ma propre chair.

Nous versons, encore plus délicatement, notre liquide brûlant dans la deuxième tasse. Une brume de cerise, muscade, hibiscus, jasmin, épices et d’autres fleurs m’envahit le nez, voyageant dans mon cerveau, obscurcissant ma vue et ma pensée. Le liquide cours vite et je retiens ma respiration, m’empêchant de déborder.

Cérémonie - Aele Dee et Samantha Pluie

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6. Nous buvons le thé Je suis guidé par ses mains pendant qu’elle pose la théière sur la table en bois couverte des nappes colorés.

Elle prend une tasse et la pose doucement entre mes mains. La chaleur de la tasse imite ma propre chaleur.

Encore une goutte qui m’échappe et je ne suis pas sûr de réussir à me retenir plus longtemps. Je contracte le bas du ventre en supplice.

Elle prend mes mains entre les siennes. Un choc électrique parcourt mon corps qui s’immobilise, totalement dur. Elle souffle la brume de mon thé. Son visage, à deux doigts du mien, disparaît devant mes yeux. Elle susurre des mots étrangers, enchantant le thé. Son souffle brûlant me chatouille les oreilles.

Sa main fait une légère pression contre la mienne, dirigeant le liquide sacré vers sa bouche. Elle goûte le thé, laissant le liquide couler par le coin de sa bouche.

J’observe le chemin tracé par l’eau et je suis obligé de me retenir pour ne pas le sécher avec ma langue. Elle garde le thé dans sa bouche, pendant qu’elle pousse les mains dans ma direction. J’ai la gorge sèche.

Le bord de la céramique où il y a peu reposaient ses lèvres, touche ma bouche. Je l’entrouvre, creusant ma langue pour recevoir son liquide sacré. Elle verse le thé et je sens son goût ; un goût d’herbes, doux et citronné qui endort mes défenses, allumant les coins lascifs

de mon être. Le liquide est épais, presque laiteux, remplissant toute ma bouche, touchant mon intérieur dans une caresse gentille et veloutée, pendant que ma langue teste ses saveurs.

Avec un gémissement, nous avalons ensemble, laissant le liquide couler dans nos gorges, remplissant nos pores d’une chaleur magnétique. L’énergie chaude me fait transpirer.

Je vois les perles de sueur qui se cachent derrière son maquillage blanc. Elle souffle, aussi brûlante que moi.

Nous baissons la tasse sans émettre un son et nous recommençons.

D’abord moi, puis elle, cette fois-ci.

Je verse le plus lentement possible mon liquide consacré dans sa bouche, pendant que je garde un peu de thé derrière mes lèvres fermes.

Je la remplis jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite.

En nous regardant dans l’âme, nous avalons ensemble, nous laissant nous remplir par l’énergie d’autrui, tressaillant de fièvre. Flasques de plaisir, nos bouches se courbent dans un sourire timide.

Cérémonie - Aele Dee et Samantha Pluie

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charmes

Une lumière jaune et claire envahit la porte vitrée, éclaire la pièce sombre Carmen souffle une poussière cannelle La pleine lune déborde Sa lumière voluptueuse, fait palpiter la chair de Carmen D’elle, émane une pluie d’étoiles scintille et pique remonte le long de tes oreilles J’attire les cordes qui se délient de ton corps Mords à nos rivages Je remonte les cordes Accorde tes secousses Et danse vers ma bouche entrouverte décharge, la première feuille d’automne désinvolte accourt vers l’orage, vient Le souffle de sa voix ambrée remonte ton cou entre dans tes sillages Souffle, retiens avale la douceur sucrée

Braises et terre humide Sa peau bronzée transpire une sueur fraîche et nacrée s’arrondie en perles, ajoute une couche argentée à ses poils hérissés.

Terre en poignées, Carmen te tient dans ses mains en coupe, elle susurre Tu rêves d’entrer dans le milieu le miel infini bientôt tu saisiras ta chance tu luiras tu seras l’escargot sans coquille tu briseras les ailes des attentes infinies dans les terres brûlantes Tu es devenu si petit si réduit qu’elle te glisse entre ses lèvres suffit de parler, réjouis toi d’explorer par ta langue

Charmes - Aele Dee

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Joie violente Elle laisse sa langue humidifier ses lèvres Décharge dans la poitrine de Carmen Carmen Carmen ne se lasse Elle a encore une mélodie pour chaque bourrasque Tes mains délivrent cirrus la légèreté cannelle poudre ocre sur nos cheveux tu seras près de mon corps plus brûlant que 99 soleils tu pourras boire à petites gorgées les parcelles d’épiderme alangui et tu sentiras chaque collision vers nos étoiles Ses mains s’allongent comme pour apprendre à ton désir comment courir, longe tes bras délices deltoïdiques. Les ongles boursouflent la peau rongée de plaisir

Charmes - Aele Dee

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Je sens contact dévot du soleil boutons floraux s’ouvrent appétissant pour une affection plus profonde.

Je sens lumière pénètre terre plonge mains par les moindres passages prendre pour soi sueur qui germe en gouttes.

Je sens rayons dilater chemins terreux, caresse herbe, occupe intérieur de toute matière et brûle brute nature.

Je sens printemps se réveiller dans un battement accéléré. je sens désir.

Je sens - Samantha Pluie

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Aele Dee marche à l’envers Dans la nuit Aele reprend le poème et entend l’obscurité où s’éfface la pudeur, la peur abandonne la netteté et ses fantasmes dans leur noirceur il y a cet indicible bruit il s’avance en elle, devant le couteau de l’écriture la langue se fraye un passage relie les points des désirs tus Aborde le précipice d’où l’on vient tous, le sexe Aele s’éparpille, et s’éclate en miettes à la recherche des dernières évidences plus tout à fait seule dans la langue du plaisir féminin

Samantha Pluie Tremble de peur, tremble de désir tremble rauque voix de plaisir tremble les doigts, fait claquer les fesses, trépasse hurlement du fond du corps casse les masques, le doux et le dur frotte des câlins abrasifs dans la peau violacée fait crier les mains, les yeux, la respiration fait rugir la faim occulte du ventre remplit danse collée à la vitre, cachée sur le voile noir glisse mots liquides arrosés de soi-même

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SAMANTHA PLUIE @samanthachuva

AELE DEE @elea.terodde

n°3 octobre 2023 N°3 Septembre 2023