Zone euro
La croissance du PIB devrait refluer à 0.9 % en 2023, puis se redresser progressivement pour atteindre 1.5 % en 2024. La consommation privée sera soutenue par la vigueur des marchés du travail, mais l’augmentation des coûts de financement et l’incertitude pèseront sur l’investissement privé. Les tensions observées sur les marchés du travail continueront d’alimenter la croissance des salaires en 2023, avant que débute une phase de modération salariale progressive en 2024. La diminution des prix de l’énergie et des produits alimentaires contribuera à réduire l’inflation globale en 2023, mais l’inflation sous-jacente demeurera élevée. Les risques restent orientés de manière prédominante à la baisse, étant donné qu’une nouvelle flambée des prix de l’énergie pourrait raviver la crise énergétique, et qu’une politique monétaire restrictive pourrait mettre au jour les vulnérabilités existant dans le secteur financier.
La persistance de l’inflation, le recul des revenus et la forte incertitude consécutive aux récentes turbulences qu’a connues le secteur bancaire exigent que les pouvoirs publics agissent de manière coordonnée et déterminée. Il faut démanteler progressivement les mesures budgétaires adoptées pendant la crise énergétique, afin de maîtriser la dette publique et d’éviter une relance budgétaire en période de forte inflation. La politique monétaire doit conserver une orientation restrictive pour réduire durablement l’inflation.
Zone euro 1
1. Les données se rapportent aux 20 pays de la zone euro.
2. Tranche des 15 ans et plus.
3. Les mesures de dispersion se réfèrent aux différents pays de la zone euro.
Source : Base de données des statistiques à court terme de l’OCDE sur le marché du travail ; base de données d’Eurostat sur l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) ; et calculs de l’OCDE.
StatLink2 https://stat.link/qusawg
Note: L’agrégat correspondant à la zone euro est calculé à partir des pays de la zone euro membres de l’OCDE, et de données corrigées des variations saisonnières et des effets de calendrier
1 Contributions aux variations du PIB en volume, montant effectif pour la première colonne
2 Indice des prix à la consommation harmonisé, hors produits alimentaires, énergie, alcool et tabac
3. Selon la définition de Maastricht, la dette des administrations publiques comprend uniquement les crédits, les titres de créance et les numéraires et dépôts, la dette étant exprimée en valeur nominale et non à sa valeur de marché
Source: Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 113
L’inflation sous-jacente persistante et la forte incertitude pèsent sur les perspectives
Au premier trimestre de 2023, le PIB a progressé de 0.1 % en glissement trimestriel. L’incertitude demeure élevée et les signaux correspondant aux indicateurs avancés de confiance sont contrastés. L’amélioration des indices des directeurs d’achat relatifs à la production s’est modérée au deuxième trimestre de 2023, la vigueur de la croissance dans le secteur des services ayant fait contraste avec l’affaiblissement de la demande de biens. Le renforcement de l’activité transparaît également dans la vigueur des créations de postes et de la croissance de l’emploi. Cela dit, la confiance des consommateurs et, dans une moindre mesure, celle des entreprises restent nettement en deçà de leur niveau moyen sur longue période. L’inflation globale a continué de diminuer par rapport au pic de 10.6 % qu’elle avait atteint en octobre dernier, pour s’établir à 6.1 % en mai, mais l’inflation sous-jacente s’est encore accrue. Celleci reste généralisée d’un point de vue géographique et en termes de postes de consommation, même si la dispersion des taux d’inflation s’est récemment stabilisée. Les anticipations d’inflation ont augmenté, même à des horizons éloignés. Le crédit bancaire a ralenti dans les pays de la zone euro, du fait d’un fléchissement de l’offre et de la demande de prêts.
Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 113.
StatLink2 https://stat.link/i413dp
En recul, les revenus réels ont été en partie préservés par des mesures budgétaires compensant le renchérissement de l’énergie, au prix toutefois d’un affaiblissement des incitations à réduire la consommation d’énergie. Les marchés du travail restent tendus, comme l’illustre le taux de chômage corrigé des variations saisonnières qui s’est établi à 6.5 % dans la zone euro en avril 2023, ainsi que la croissance de plus en plus rapide des salaires et l’augmentation des prétentions salariales dans de nombreux pays.
Les récentes turbulences qu’a connues le secteur bancaire américain n’ont pas eu de répercussions directes sur la zone euro. Les tensions observées sur les marchés ont toutefois entraîné une forte baisse des cours des actions bancaires, alourdissant le coût des fonds propres. Les retombées économiques de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ont été limitées dans la zone euro. Ses courants d’échanges directs avec la Russie sont modestes et ont été encore réduits par l’interdiction des importations de pétrole brut et de produits pétroliers russes transportés par voie maritime. La crise énergétique s’est atténuée, à la fois en raison du renforcement de l’offre, lié par exemple aux arrivées de gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe, et de la réduction de la demande résultant d’une chute de la consommation, due en partie à la douceur des conditions météorologiques pendant l’hiver. Par ailleurs, dans les secteurs à forte intensité énergétique, le niveau élevé des prix a entraîné des ruptures ou des réductions de production. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les prêts aux entreprises à forte intensité énergétique se caractérisent par une plus forte probabilité de défaut que les crédits accordés aux autres entreprises. La guerre en Ukraine continue également d’avoir des effets sensibles sur l’économie de la zone euro du fait des perturbations persistantes des chaînes d’approvisionnement et du coût élevé de certains produits agricoles. Les pays de l’Union européenne (UE) offrent une protection temporaire à environ 4 millions de réfugiés ukrainiens. Pour aider les États membres à absorber les coûts qui en découlent, l’UE a mis à leur disposition 27 milliards EUR (0.23 % du PIB de la zone euro) provenant du Fonds de cohésion et de la facilité pour la reprise et la résilience créée en réaction à la pandémie.
Il faut durcir encore les politiques macroéconomiques pour réduire l’inflation
Malgré de fortes disparités entre pays, l’orientation globale de la politique budgétaire devrait rester restrictive dans la zone euro considérée dans son ensemble en 2023 et plus encore en 2024. Les aides budgétaires destinées à amortir l’impact des coûts élevés de l’énergie en 2022 ont été d’une ampleur considérable et pour l’essentiel non ciblées, représentant plus de 2 % du PIB dans certains pays de la
zone euro. Un démantèlement progressif de ces mesures de soutien, accompagné d’un ciblage des aides au revenu uniquement sur les ménages vulnérables, est particulièrement important pour limiter la dégradation des finances publiques et procéder au resserrement nécessaire des politiques macroéconomiques. En outre, la guerre en Ukraine a provoqué une augmentation des dépenses militaires et des investissements destinés à garantir la sécurité des approvisionnements énergétiques dans de nombreux pays, qui doivent être réalisés sans stimuler de manière excessive l’activité économique.
La Banque centrale européenne (BCE) a continué de resserrer sa politique monétaire, mais elle devra relever encore ses taux directeurs pour réduire durablement les tensions inflationnistes qui tirent vers le haut l’inflation sous-jacente. Une période de croissance inférieure à son niveau tendanciel sera probablement nécessaire pour contribuer à atténuer les tensions sur les ressources, notamment les effets à court terme des dépenses publiques supplémentaires associées au programme « Next Generation EU (NGEU) ». Le taux des opérations principales de refinancement devrait atteindre 4.25 % au troisième trimestre de 2023 et rester à ce niveau jusqu’à la fin de la période considérée.
La croissance rebondira en 2024 tandis que les revenus réels se redresseront progressivement
La croissance trimestrielle devrait ralentir en 2023, freinée par les prix toujours élevés de l’énergie et des matières premières, la persistance de goulets d’étranglement au niveau de l’offre et le durcissement des conditions de financement. Malgré la vigueur de la croissance des salaires, la hausse des prix à la consommation de 5.8 % en 2023 se traduira par une progression négligeable du revenu disponible réel et pèsera sur la consommation privée. L’investissement sera entravé par la forte incertitude et le durcissement des conditions de financement, même si les dépenses supplémentaires au titre du programme NGEU, qui représenteront un peu moins de 1 % du PIB, atténueront ce ralentissement. L’inflation globale devrait se modérer de manière sensible en 2023, le recul des prix de l’énergie et l’atonie de la croissance intérieure contribuant à limiter les tensions sur les prix et les coûts. L’inflation sous-jacente devrait malgré tout être toujours supérieure à l’objectif retenu par la BCE à la fin de 2024.
Les risques de divergence par rapport aux projections sont orientés à la baisse. La crise énergétique pourrait être ravivée par une augmentation de la demande chinoise de GNL ou des effets imprévus des sanctions occidentales relatives au pétrole russe, notamment à l’approche ou au cours de l’hiver prochain. Les tensions liées aux échanges restent une source de préoccupation. Une fragmentation accrue des chaînes d’approvisionnement mondiales et un renforcement des obstacles aux échanges pèseraient sur la demande extérieure dans la zone euro et contribueraient à alimenter les tensions inflationnistes. Les risques qui entourent la stabilité financière augmentent également. Les tensions découlant du resserrement de la politique monétaire pourraient s’accentuer, en particulier parmi les intermédiaires financiers non bancaires. Un net durcissement de la politique monétaire pourrait également renforcer le risque de récession. À l’inverse, une résolution durable de la guerre en Ukraine pourrait atténuer les tensions sur les prix de l’énergie et des produits alimentaires. Une reprise vigoureuse de l’activité en Chine pourrait aussi tirer la demande extérieure vers le haut.
Étoffer les capacités productives et étayer la transition écologique
La guerre en Ukraine a resserré le lien entre les objectifs de sécurité énergétique et d’atténuation du changement climatique. Un décaissement effectif des fonds du programme « Next Generation EU » contribuera à accélérer à la fois la diversification des approvisionnements en énergie et la transition écologique. Une conception minutieuse et un suivi attentif des mesures adoptées à cet égard au niveau de l’UE contribueraient à en maximiser l’efficacité, tout en garantissant des conditions de concurrence équitables. Il faudrait démanteler progressivement les mesures budgétaires destinées à atténuer l’impact
des prix élevés de l’énergie pour préserver les incitations à réduire la consommation d’énergie et limiter leurs effets négatifs sur la viabilité de la dette. Les investissements dans les énergies propres et les infrastructures énergétiques devront augmenter sensiblement d’ici à 2030. Il faudrait mettre en place un cadre d’action clair pour soutenir les investissements verts de démarrage, conjuguant signaux de prix et instruments réglementaires et budgétaires, au niveau européen. La poursuite du resserrement de la politique monétaire devrait être complétée, le cas échéant, par l’adoption de mesures macroprudentielles et le recours à des instruments ciblés pour remédier aux vulnérabilités du secteur financier.