Études économiques de l’OCDE :
Ukraine 2025

La présente Étude économique a été préparée par Tim Bulman, Volker Ziemann et Andrew Keith, sous la direction de Mame Fatou Diagne. Michela Gamba a fourni une assistance en matière de recherche, tandis que Robin Houng Lee a apporté son concours pour la mise en forme du document, et Nathalie Bienvenu et Laura Fortin pour la communication. Cette Étude s’appuie sur les travaux préparatoires de Jens-Christian Høj, et a bénéficié des contributions et commentaires de nombreux collègues de l’OCDE et du gouvernement de l’Ukraine.
Elle est publiée sous la responsabilité du Comité d’examen des situations économiques et des problèmes de développement de l’OCDE. La situation économique et les politiques de l’Ukraine ont été évaluées par le Comité le 11 mars 2025. Les données utilisées dans ce rapport ont été collectées jusqu’à la date du 22 avril 2025.
Cette Étude économique de l’Ukraine a également bénéficié du soutien de l’Union européenne et des gouvernements des États-Unis et de la Pologne. Les travaux préparatoires ont été effectués par le Bureau géographique de l’Ukraine du Département des affaires économiques, avec l’appui des gouvernements de la Hongrie, de la Pologne, de la Roumanie et de la Slovaquie.
La précédente Étude économique de l’Ukraine a été publiée en septembre 2007. Des informations sur la dernière Étude et les précédentes, ainsi que sur la préparation des Études économiques, sont disponibles à l’adresse suivante : www.oecd.org/fr/economie/etudes.
GRAPHIQUES
Graphique 1. Après le choc initial de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, son économie a fait preuve de résilience 7
Graphique 2. L’invasion à grande échelle a accentué les problèmes liés à la population active 10
Graphique 3. Un redressement durable de l’économie passera par un renforcement de l’investissement 12
Graphique 4. En matière de facilitation des échanges, l’Ukraine devrait se rapprocher davantage des normes internationales 13
TABLEAUX
Tableau 1. Le redressement du PIB restera modeste tant que se poursuivra l’invasion à grande échelle 8
Statistiques de base de l’Ukraine, 20231 (Les nombres entre parenthèses correspondent à la moyenne de l’OCDE) 2 PAYS, POPULATION ET CYCLE ÉLECTORAL
des 5 dernières années
Produit intérieur brut (PIB)
prix courants (milliards UAH, 2023) 6 628
globale (glissement annuel en %, mars 2025, OCDE : février
de la valeur ajoutée (%) Croissance moyenne réelle des 5 dernières années (%)
Par habitant (milliers USD, à PPA, 2023, OCDE : 2023)3
Taux d’emploi (15 ans ou plus, %, 2021, OCDE : 2023) 49.3 (58.0) Taux de chômage, Enquête sur la population active (15 ans ou plus, %, 2021, OCDE : 2023)
Hommes (2021, OCDE : 2023)
(65.5) Chômage des jeunes (15-24 ans, %, 2021, OCDE : 2023)
Femmes (2021, OCDE : 2023) 42.9 (50.8) Chômage de longue durée (1 an ou plus, %, 2021, OCDE : 2023)
Taux d’activité (15 ans ou plus, %, 2021, OCDE : 2023) 54.6 (60.9) Taux de diplômés de l’enseignement supérieur chez les 25-64 ans (%, 2021, OCDE : 2023)4
Durée de travail hebdomadaire moyenne (2021, OCDE : 2023) 39 (37.3) Dépense intérieure brute de R D (% du PIB, 2022, OCDE : 2021)
Approvisionnements totaux en énergie primaire par habitant (tep, 2022, OCDE : 2023)
(1.0)
(41.0)
(3.7) Émissions de CO₂ par habitant dues à la combustion d’énergie (tonnes, 2022, OCDE : 2023)
Énergies renouvelables (%, 2022 ; OCDE : 2023) 7.3 (12.5) Prélèvements d’eau par habitant (milliers de m³, 2021)
Exposition à la pollution atmosphérique (% de la population exposé à une concentration en PM2.5 > 10 μg/m³, 2020)
(56.5) Déchets municipaux par habitant (tonnes, 2019 ; OCDE : 2022)
SOCIÉTÉ
Inégalités de revenu (coefficient de Gini, 2021, OCDE2) 0.244 (0.315) Résultats scolaires (score au PISA, 2022)
Taux de pauvreté (au seuil de 6.85 USD à PPA de 2017) 24.1
Dépenses publiques et privées (% du PIB)
Soins de santé (2021, OCDE : 2023) 8.0 (9.2)
Retraites (2023, OCDE : 2021) 11.6 (9.9)
Compréhension de l’écrit
Culture mathématique
Culture scientifique
(476)
(472)
(485)
Proportion de femmes au parlement (%) 20.4 (32.8)
Enseignement (dépenses publiques, % du RNB, 2021) 5.0 (4.4) Apports nets d’aide publique au développement (% du RNB, 2022, OCDE : 2022)
1 Si l’année à laquelle se rapportent les données diffère de celle qui figure dans le titre de ce tableau, elle est indiquée entre parenthèses.
(0.4)
2 Lorsque l’agrégat OCDE n’est pas disponible dans la base de données utilisée comme source, une moyenne simple des dernières données disponibles pour les pays de l’OCDE est calculée, si elles existent pour au moins 80 % des pays membres.3 L’agrégat OCDE est une moyenne pondérée.
4 Pour l’Ukraine, les données se rapportent aux personnes âgées de 25 ans ou plus.
Source : Calculs fondés sur des informations tirées des bases de données des organisations suivantes : OCDE, Agence internationale de l’énergie (AIE), Fonds monétaire international (FMI), Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), Service national des statistiques de l’Ukraine, Banque nationale d’Ukraine (BNU), ministère ukrainien des Finances, Organisation des Nations unies (ONU), Banque mondiale [Indicateurs du développement dans le monde], Organisation internationale du travail (OIT) et CEIC.
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Principaux messages :
La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a provoqué des pertes humaines et économiques massives. Elle a entraîné le déplacement en Ukraine et à l’extérieur du pays d’un quart environ de la population, et détruit ou endommagé des logements, des entreprises et des infrastructures pour un montant estimé à 2.5 fois le PIB. Après le choc initial, l’économie s’est adaptée peu à peu, grâce à la réaction efficace des pouvoirs publics et à une aide extérieure conséquente (Graphique 1). Néanmoins, la situation en matière de sécurité ainsi que les pénuries de main-d’œuvre et d’énergie continuent d’entraver l’activité, tandis que les déplacements de population, le chômage et la pauvreté s’établissent à des niveaux élevés. Diverses stratégies sont menées et des réformes sont en cours, mais un cadre de l’action publique cohérent est nécessaire pour mettre en place des institutions stables à l’appui d’une économie de marché solide.
• La stabilité macroéconomique exigera que la politique monétaire permette de juguler l’inflation et, une fois que la situation le permettra, que le déficit budgétaire soit limité à un objectif à moyen terme.
• Pour que le redressement de l’économie et la reconstruction du pays soient dynamiques, les autorités devront gérer les finances publiques de manière saine et transparente, en améliorant l’efficience des dépenses et en mobilisant des recettes, tout en continuant à bénéficier d’un soutien budgétaire extérieur important.
• Une fois que la situation le permettra, instaurer des conditions propices à la réintégration dans la population active des membres des forces de défense démobilisés et des personnes déplacées, au retour des émigrés et à l’augmentation du taux d’activité des femmes permettra de favoriser une croissance inclusive.
• Il sera essentiel d’améliorer les conditions-cadre de l’exercice des activités économiques en renforçant l’état de droit, en allégeant les charges réglementaires, en favorisant le jeu de la concurrence et l’innovation, et en améliorant l’accès aux financements, pour étayer le redressement de l’économie et contribuer à stimuler l’investissement, à accroître la productivité et à développer les exportations.
Préparer une reconstruction et un redressement économique durables
Alors qu’elle doit assumer le fardeau de sa défense contre l’invasion à grande échelle lancée par la Russie, l’Ukraine s’efforce de reconstruire des infrastructures endommagées et des entreprises mises à mal, et elle engage d’importantes réformes pour améliorer le fonctionnement de l’État, les biens et les services qu’il fournit aux citoyens, ainsi que l’environnement des entreprises et des investisseurs. Le rythme du redressement de l’économie dépendra de la stabilisation de la situation en matière de sécurité, de la mise en œuvre des réformes, de l’assainissement des finances publiques et du maintien du soutien extérieur apporté au pays.
L’Ukraine fait face aux dommages considérables provoqués par l’invasion russe à grande échelle et aux difficultés exceptionnelles qui en résultent en s’efforçant de transformer son économie et son cadre d’action publique. L’Ukraine a des objectifs très ambitieux pour son économie et sa société après la guerre, et entend rehausser sa productivité, diversifier ses exportations et renforcer les revenus et le bien-être de sa population en se conformant aux normes européennes et à celles de l’OCDE. Depuis son invasion à grande échelle, l’Ukraine a agi pour stabiliser son environnement
macroéconomique. Elle a engagé des réformes pour renforcer ses systèmes d’enseignement et de protection sociale, améliorer sa gouvernance publique et commencer à remédier aux problèmes considérables liés à la corruption et à l’intégrité publique, et alléger les charges réglementaires. Néanmoins, les restrictions découlant de la loi martiale et de la stratégie de défense mise en œuvre à grande échelle ont interrompu le déroulement de nombreuses réformes. Il sera crucial de veiller, dès que la situation le permettra, à ce que les réformes soient pleinement mises en œuvre.
Graphique 1. Après le choc initial de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, son économie a fait preuve de résilience
PIB, 2010 = 100, prix constants, dollars internationaux à PPA
Note : Sauf indication contraire, les données relatives à l’Ukraine se rapportent aux zones géographiques placées sous le contrôle du gouvernement ukrainien au moment où ces données sont collectées ; l’agrégat « Pays comparables » correspond à la moyenne simple des données relatives à la Hongrie, à la Lituanie, à la Pologne, à la République slovaque, à la Roumanie et à la Türkiye ; et l’agrégat « OCDE » correspond à la moyenne simple des données relatives à ses pays membres.
Source : Fonds monétaire international (FMI), base de données des Perspectives de l’économie mondiale.
La reconstruction et le redressement de l’économie exigeront que l’Ukraine modifie plus radicalement son approche de l’élaboration des politiques publiques pour que soient faits des choix économiques étayant la productivité. L’occupation, le déplacement et la destruction de
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zones d’activité industrielle, d’une part, et le dynamisme du secteur de la défense, d’autre part, transforment la structure et la géographie de l’économie ukrainienne. Créer un environnement porteur favorisant divers investissements et activités, au lieu de recourir à des mesures de
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réglementation ou d’incitation spécifiques, contribuerait à stimuler la croissance et à mieux étayer la convergence économique vers les pays européens et de l’OCDE.
Le rythme du redressement de l’économie sera modéré tant que la guerre continuera (Tableau 1). La poursuite des destructions d’entreprises et d’infrastructures, les pénuries d’énergie et de main-d’œuvre, ainsi que les
tensions budgétaires limiteront le redressement de l’économie. Une fois que la situation sera stabilisée sur le plan de la sécurité, le rythme et la qualité des réformes mises en œuvre, le soutien extérieur apporté à l’Ukraine et les déplacements de population détermineront la vitesse à laquelle se concrétiseront les investissements et le redressement de l’économie. Une incertitude extrême entoure les perspectives, notamment sur le plan de la sécurité.
Tableau 1. Le redressement du PIB restera modeste tant que se poursuivra l’invasion à grande échelle
financier des
des paiements courants
Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE.
Pour restaurer la viabilité des finances publiques, les autorités devront faire preuve de discipline en matière de recettes comme de dépenses
Le coût de l’effort de défense s’est traduit par d’amples déficits budgétaires et une montée de la dette publique. Après avoir monétisé initialement une partie de son déficit, l’Ukraine le finance maintenant dans une large mesure au moyen de l’aide extérieure et de l’émission de dette intérieure. Les objectifs budgétaires visés à moyen terme, une fois que la situation sera stabilisée sur le plan de la sécurité, sont prudents, mais leur réalisation exigera un ample effort d’assainissement des finances publiques, même si l’on tient compte des réductions potentielles des volumineuses dépenses de défense, ce qui souligne l’importance de la mobilisation des recettes, de l’efficience des dépenses et de la poursuite de l’aide extérieure.
De très amples déficits budgétaires sont nécessaires pour financer les dépenses de défense, à hauteur de 25 % du PIB. Le déficit budgétaire devrait être proche de 20 % du PIB en 2025 et 2026, ce qui tirera la dette publique ou garantie par l’État vers 120 % du produit intérieur brut en 2026, alors qu’elle s’établissait à 50 % du PIB en 2021.
Les objectifs budgétaires à moyen terme sont prudents, mais leur réalisation passera par une politique budgétaire très restrictive dans un contexte de fortes tensions sur les dépenses et d’aide financière extérieure importante. Une fois que la situation le permettra sur le plan de la sécurité, le gouvernement prévoit dans sa stratégie budgétaire d’obtenir un excédent primaire compris entre 0.5 % et 1.5 % du PIB et d’inscrire la dette publique sur une trajectoire menant à 60 % du PIB.
La diminution des dépenses militaires, en particulier au titre du personnel de défense, contribuera à cet assainissement mais représentera une réduction considérable du revenu des ménages et de la consommation privée. Nombre de personnes recommenceront à travailler dans le secteur privé, mais elles seront généralement moins bien rémunérées que dans les forces de défense et de nombreux emplois ont été détruits par la guerre. Les tensions sur les dépenses liées à la reconstruction, ainsi qu’à l’aide sociale destinée aux personnes démobilisées et aux émigrés de retour en Ukraine, seront également fortes.
Pour assurer la viabilité de sa dette, il faudra que l’Ukraine atteigne son objectif budgétaire, qu’elle mette résolument en œuvre les réformes nécessaires, qu’elle bénéficie d’une croissance
forte, et qu’elle continue d’avoir accès à des financements concessionnels. Il faudra renforcer les recettes, tout en limitant la charge fiscale qui pèse sur l’investissement et l’emploi, pour assurer la viabilité budgétaire. Le niveau des recettes fiscales est élevé par rapport à celui observé dans des pays proches de l’Ukraine en termes de revenu, mais légèrement inférieur à celui auquel elles s’établissaient en proportion du PIB avant l’invasion à grande échelle. Certains taux d’imposition des revenus du travail et des bénéfices des entreprises ont été récemment revus à la hausse, les mesures de recouvrement ont été améliorées et d’importantes réformes ont été engagées, notamment concernant les douanes et les droits d’accise. De nombreuses lacunes subsistent néanmoins en matière de recouvrement. Il serait possible d’accroître les recettes d’impôts indirects en réduisant le champ d’application des taux réduits de TVA et en remédiant aux insuffisances du système de recouvrement des impôts. Les autorités sont en train de mettre en œuvre une stratégie de réforme des recettes pour renforcer l’administration, aligner le système de collecte des recettes sur les normes de l’Union européenne (UE), et remédier à de nombreuses lacunes en matière de recouvrement.
Les besoins de reconstruction exigeront une amélioration de l’efficacité de l’investissement
public et des dépenses sociales. Les cadres de gestion des investissements publics et de passation des marchés publics ont été renforcés, mais ils sont souvent contournés, les spécifications des projets laissent à désirer, et la concurrence est limitée, ce qui gonfle les coûts, crée des risques de corruption et réduit l’efficience économique des dépenses. Les progrès rapides accomplis par l’Ukraine en matière de transformation numérique du secteur public se sont accélérés avec l’invasion à grande échelle, et exploiter pleinement ces outils peut contribuer à améliorer l’efficacité et la transparence des dépenses.
Les administrations infranationales sont un déterminant essentiel de la résilience de l’Ukraine et peuvent améliorer encore leur capacité d’étayer la reconstruction. Des fusions et un renforcement de leur autonomie budgétaire et opérationnelle à la fin des années 2010 ont amélioré leurs capacités. Renforcer les capacités des administrations infranationales, notamment en les incitant à coopérer davantage entre elles et à mobiliser les ressources locales, peut les amener à jouer un plus grand rôle en matière d’investissement public et de fourniture de biens et de services de meilleure qualité tout au long du processus de reconstruction.
Renforcer la population active contribuera à dynamiser le redressement de l’économie
La mobilisation pour la guerre et les déplacements massifs d’Ukrainiens ont fait des difficultés de recrutement un des principaux obstacles à l’exercice des activités économiques, tandis qu’augmentaient le chômage et la pauvreté, et accentué les problèmes posés à long terme par le vieillissement démographique et l’émigration. Il est possible de renforcer la population active en réintégrant efficacement les vétérans et les personnes déplacées dans le pays, en incitant les émigrés à revenir en Ukraine quand la situation le permettra, et en prolongeant le mouvement de hausse du taux d’emploi des femmes provoqué par la guerre.
La guerre à grande échelle a accentué les problèmes liés à la population active ukrainienne (Graphique 2). La mobilisation de plus d’un million de membres des forces de défense, le déplacement à l’intérieur du pays et à l’étranger de 30 % de sa population en âge de travailler, et les besoins de secteurs clés pour la défense, tels que ceux des technologies de l’information et de la construction, ont créé de graves pénuries de main-d’œuvre et alimenté une forte croissance des salaires. Cela a amené davantage de femmes à intégrer la population active, contribuant à faire augmenter le taux d’activité des femmes, qui était relativement faible en Ukraine. Ces évolutions, la poursuite de la baisse du taux de fécondité et la dégradation de l’état de santé général de la population pendant la guerre accélèrent le vieillissement démographique. Lorsque la loi martiale prendra fin, de nouveaux
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problèmes liés à la population active se poseront, du fait de la démobilisation et de la levée des restrictions de déplacement applicables aux hommes en âge d’être conscrits. Les capacités des services de l’emploi sont actuellement renforcées.
Offrir aux adultes de nouvelles possibilités d’emploi et de formation, tout en améliorant l’accès au logement, peut accélérer le redressement de l’Ukraine.
Graphique 2. L’invasion à grande échelle a accentué les problèmes liés à la population active
Note : Les données relatives à la population active se rapportent aux hommes et aux femmes âgés de 15 ans ou plus (avant 2019, la tranche d’âge de référence était 15-70 ans), qui étaient disponibles sur le marché du travail au cours de la semaine de référence. La population active englobe les personnes ayant un emploi et les chômeurs. 2022 et 2023 sont des estimations de l’OCDE.
Source : Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale ; et Perspectives de la population mondiale de 2024 des Nations Unies.
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Les politiques sociales peuvent favoriser une augmentation du taux d’activité, tout en préservant le bien-être de la population. Des problèmes de santé physique et mentale continueront de se poser une fois l’heure de la démobilisation venue, et des politiques sociales judicieusement conçues et dotées de ressources suffisantes facilitant le retour au travail des vétérans et leur réinsertion dans la société seront essentielles pour le redressement de l’économie. Le soutien apporté aux vétérans devra correspondre à un juste équilibre entre reconnaissance de leur contribution et nécessité de les inciter à participer au fonctionnement de l’économie. Lier l’aide sociale apportée à tous les Ukrainiens à leur montée en compétences peut contribuer à renforcer la productivité et les revenus. Les revenus des retraités sont dans une large mesure préservés depuis le début de l’invasion à grande échelle, mais ils sont modestes et de nombreux actifs cessent de travailler tôt. Les réformes des retraites prévues et des mesures de
promotion de la culture financière peuvent contribuer à accroître les revenus des retraités et l’épargne sur le long terme, tout en favorisant un allongement de la vie active.
Pour faciliter le retour de quelque 6.9 millions de personnes déplacées à l’extérieur de l’Ukraine, il faut améliorer la situation du marché du travail, les conditions de logement et les services d’éducation. Mieux réglementer le marché locatif largement informel et, une fois que la situation sera stabilisée, développer le marché du crédit hypothécaire peut contribuer à rajeunir le parc immobilier d’habitation et à régulariser sa situation, ainsi qu’à favoriser la construction de nouveaux logements dans les zones où l’offre est insuffisante. Améliorer l’accès à des structures d’accueil des jeunes enfants de qualité et aligner leurs horaires d’ouverture sur la journée de travail contribuerait à tirer vers le haut le taux d’activité des femmes.
Améliorer l’environnement des entreprises permettrait de renforcer
l’investissement et les exportations une fois que la situation sera stabilisée sur le plan de la sécurité
Le secteur privé jouera un rôle central dans le redressement et la reconstruction de l’Ukraine, ainsi que dans l’amélioration des revenus et du bien-être de sa population. Pour tirer pleinement parti du potentiel du secteur privé, il faut renforcer l’investissement privé, accroître la productivité et développer les exportations. Pour ce faire, les autorités devront remédier aux problèmes structurels qui se posent de longue date, dont bon nombre ont été exacerbés par l’invasion russe à grande échelle. Les principales priorités à cet égard consistent à renforcer les cadres réglementaires, à favoriser la concurrence et l’innovation, et à améliorer l’accès aux financements pour attirer tant les investisseurs nationaux qu’internationaux.
Plusieurs obstacles structurels sapent de longue date l’investissement en Ukraine et le dynamisme de ses exportations, notamment les distorsions induites par les politiques publiques, l’ampleur du secteur informel et la place considérable occupée par les entreprises publiques (Graphique 3). La sous-déclaration d’activités fausse le jeu de la concurrence et fragilise les finances publiques. Le secteur privé est dominé par les petites et microentreprises, qui ont des difficultés à se développer et à investir en raison de la lourdeur des coûts administratifs liés au respect des obligations fiscales, d’un accès insuffisant aux financements et d’un environnement des entreprises incertain. La lourdeur de la discipline fiscale dissuade les entreprises de se faire identifier à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et favorise l’économie informelle. Les entreprises publiques contrôlent près de 15 % du stock de capital des entreprises, mais elles sont inefficaces, ce qui exerce un effet d’éviction sur l’investissement privé et sape la concurrence. Les plafonnements des prix de l’énergie et les effets de la guerre affaiblissent les
incitations à réaliser des gains d’efficience et à investir dans l’infrastructure énergétique. Il est crucial d’instaurer des conditions d’exercice des activités économiques qui soient transparentes, prévisibles et propices à l’efficacité, pour renforcer l’investissement, l’activité et les exportations. L’Ukraine a réalisé des progrès notables pour renforcer ses institutions qui soutiennent l’intégrité du secteur public. Malgré les progrès accomplis, la corruption demeure un problème majeur, dans la mesure où elle fausse la concurrence et sape la dynamique des entreprises. Il est essentiel de renforcer l’état de droit, d’améliorer l’intégrité publique et de garantir l’indépendance et la transparence du système judiciaire pour restaurer la confiance des investisseurs. La consultation du public et une meilleure coordination dans le cadre de l’élaboration de la réglementation instaureraient un climat de l’investissement plus prévisible. Convertir l’administration fiscale au numérique, en automatisant les déclarations et en adoptant un système de contrôles fondés sur les risques, peut contribuer à alléger les coûts induits par le respect des obligations fiscales.
Graphique 3. Un redressement durable de l’économie passera par un renforcement de l’investissement
Formation brute de capital annuelle, en pourcentage du PIB
Source : Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde.
Il est crucial de réformer les entreprises publiques et d’améliorer la gouvernance des entreprises pour le redressement économique de l’Ukraine et sa croissance à long terme. Des mesures de privatisation, accompagnées de la mise en place de mécanismes efficaces garantissant le fonctionnement concurrentiel des marchés et améliorant la gouvernance des entreprises publiques, peuvent attirer l’investissement privé, améliorer le rendement des actifs et accroître les recettes budgétaires.
Renforcer la gouvernance d’entreprise des sociétés cotées, garantir la protection des actionnaires et moderniser les cadres d’insolvabilité améliorera la confiance des investisseurs.
Il est nécessaire de réduire les obstacles aux échanges et à l’investissement et d’étoffer encore les capacités du Comité antimonopole d’Ukraine pour garantir l’équité et la contestabilité des marchés (Graphique 4). Rationaliser la promotion des investissements, améliorer la facilitation des échanges, protéger les droits de propriété intellectuelle et apporter une aide ciblée aux petites et moyennes entreprises (PME) en matière de transformation numérique et d’innovation peut contribuer à diversifier la production et les exportations de l’Ukraine, à mieux intégrer son économie dans les chaînes de valeur mondiales et à alimenter la croissance de sa productivité.
StatLink 2 https://stat.link/76bkdz
Il est crucial pour le redressement de l’Ukraine d’améliorer l’accès des entreprises aux financements. Le secteur bancaire a fait preuve de résilience, mais le crédit au secteur privé reste limité. Les initiatives prises pour renforcer la concurrence entre les banques, par exemple en procédant à des privatisations, devraient être étayées par des réformes visant à apurer les prêts non performants et à réduire l’insécurité juridique. Le développement des marchés financiers et des établissements financiers non bancaires, tels que les sociétés de crédit-bail et d’assurance, peut offrir d’autres sources de financement. Améliorer le cadre réglementaire et promouvoir la participation des PME aux marchés boursiers facilitera la mobilisation des capitaux nationaux et étrangers. En définissant et déployant un système de tarification des émissions de gaz à effet de serre et de la pollution, tout en mettant en place des règles judicieusement conçues, les autorités peuvent encourager des investissements dans la reconstruction qui permettent à l’économie de devenir moins polluante et mieux adaptée au changement climatique. Les entreprises et les ménages ukrainiens sont exposés à d’importants risques climatiques, notamment à des risques d’inondation, d’incendie, de dégradation des sols ainsi que de conditions météorologiques plus chaudes et plus sèches, mais le processus de préparation aux effets du changement climatique n’en est qu’à ses débuts. L’invasion à grande échelle a alourdi le
fardeau antérieur de la pollution résultant des activités économiques. Le ratio entre les émissions de gaz à effet de serre et le PIB est élevé. Renforcer la tarification du carbone, comme le
prévoit le gouvernement, et revoir les exonérations d’impôt et les subventions préjudiciables à l’environnement créerait des incitations à réduire les émissions et à améliorer la durabilité.
Graphique 4. En matière de facilitation des échanges, l’Ukraine devrait se rapprocher davantage des normes internationales
Indicateurs de facilitation des échanges de l’OCDE, 2022
Governance & impartiality Ukraine Peers
External agency cooperation
Internal agency cooperation
Formalities procedures
Formalities automation
community involvement
Advance rulings
Appeal procedures
Fees and charges
Formalities documents
Note : Faute de données disponibles pour la Lituanie et la Roumanie, ces deux pays ne sont pas inclus dans l’agrégat « Pays comparables ».
Source : Indicateurs de facilitation des échanges de l’OCDE.
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Principales conclusions et recommandations
Principales conclusions
Principales recommandations
Préserver la stabilité macroéconomique
Les autorités monétaires ont pris des mesures adaptées pour contenir l’inflation, mais les chocs de demande attisent l’inflation depuis la mi-2024. Les autorités ont rétabli en partie la liberté de mouvement des capitaux, tandis que le taux de change et les réserves de change ont été globalement stables dans le cadre d’un régime de flottement administré du taux de change.
Les finances publiques sont soumises à des tensions extrêmes, l’envolée des dépenses de défense ayant débouché sur d’amples déficits et une montée de la dette publique.
La renégociation de l’encours d’euro-obligations a réduit les tensions budgétaires et étayé la viabilité de la dette.
Maintenir un cadre de politique monétaire solide en préservant l’indépendance de la Banque nationale d’Ukraine et son engagement de maintenir une inflation basse et stable.
Continuer d’ajuster la politique monétaire de façon à maintenir les anticipations d’inflation fermement ancrées et à ramener l’inflation au niveau de l’objectif de 5 % à moyen terme.
Lorsque la situation le permettra sur le plan de la sécurité, ramener le déficit budgétaire au niveau de l’objectif à moyen terme en renforçant les recettes et en améliorant l’efficience des dépenses.
Poursuivre la renégociation de l’encours de dette extérieure publique ou garantie par l’État et prendre en compte les éléments de passif éventuels.
Améliorer la viabilité des finances publiques
Le recouvrement des recettes est affaibli par un niveau d’informalité élevé, d’importantes contraintes liées au respect des obligations fiscales et un régime d’imposition forfaitaire dont le large périmètre est source de distorsions. Les taux de certains impôts sur les sociétés et sur le revenu ont été relevés et une stratégie globale de réforme des recettes a été adoptée, mais les taux d’imposition réduits et les dispositions fiscales spéciales amoindrissent les recettes budgétaires et faussent les incitations.
Le cadre de gestion des investissements publics s’améliore, mais en raison de capacités limitées et d’un manque d’intégration dans le processus budgétaire, de nombreux projets restent non financés. Il est essentiel d’améliorer l’efficience du système de passation des marchés publics et les capacités de gestion des investissements publics dans l’optique d’une reconstruction à grande échelle.
La loi martiale a simplifié les procédures de passation des marchés publics, mais beaucoup d’opérations se déroulent en dehors du système normal, dans des conditions où le jeu de la concurrence est limité. L’Ukraine compte mettre ses procédures de passation des marchés publics en cohérence avec les principes de l’UE en vigueur.
Les fusions de communes et le soutien dont elles ont bénéficié ont renforcé leurs capacités, mais elles sont aujourd’hui mises en difficulté par la diminution de leurs ressources, ainsi que par l’augmentation de leurs besoins en matière de dépenses et de prestations de services. Leur contribution à l’investissement public peut s’accroître à condition de résoudre leurs problèmes de capacités, surtout parmi les communes peu peuplées.
Tout en poursuivant les efforts visant à alléger la charge liée au respect des obligations fiscales, réduire le périmètre du régime d’imposition forfaitaire en abaissant les seuils de revenu et d’éligibilité et en restreignant les activités commerciales éligibles.
Accroître les recettes en réduisant la portée des exonérations et des taux réduits de TVA, et simplifier le respect des obligations fiscales au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.
Mettre rapidement en œuvre les réformes correspondant aux récentes modifications du Code budgétaire relatives à la planification à moyen terme, à la hiérarchisation des projets et à l’intégration des investissements publics dans le processus budgétaire à moyen terme.
Renforcer les procédures de passation des marchés publics et la capacité des agents publics d’attribuer des marchés en se fondant sur une évaluation de l’optimisation de la dépense publique qui ne soit pas limitée au critère du moindre prix.
Renforcer encore le rôle joué par les administrations infranationales en matière d’investissement et de services publics, en mettant en place des mécanismes de financement qui incitent les petites communes à fusionner et favorisent la mise en commun des ressources entre administrations infranationales.
Nombre des 4.6 millions de personnes déplacées dans le pays sont dans une situation difficile, tandis que 6.9 millions d’Ukrainiens se trouvent toujours à l’étranger. Les fonds affectés aux programmes actifs du marché du travail sont modestes et axés sur les services publics de l’emploi, sachant que le niveau initialement faible des aides à la reconversion augmente. Les conditions de travail laissent souvent à désirer et les emplois sont souvent non déclarés.
De nombreux membres des forces de défense seront démobilisés lorsque la situation le permettra sur le plan de la sécurité.
Continuer d’accroître les ressources consacrées aux programmes actifs du marché du travail et d’élargir leur portée, notamment pour les dispositifs de reconversion, les programmes axés sur les vétérans, les femmes et ceux qui assurent l’adéquation entre formation et besoins du marché de l’emploi. Renforcer les liens avec les émigrés, favoriser leur retour et leur accès à l’information sur les perspectives d’emploi en Ukraine.
Renforcer les aides et les incitations des anciens combattants et des personnes invalides à la prise d’un emploi. Le taux d’activité des femmes est faible en termes de comparaison internationale et l’écart de rémunération entre les genres est considérable.
Supprimer les restrictions qui empêchent les femmes d’exercer certaines professions ou de travailler de nuit.
Tirer l’investissement et les exportations vers le haut
Malgré les progrès sensibles accomplis dans la mise en place d’institutions de lutte contre la corruption, le niveau de corruption perçue par la population reste élevé, et l’indépendance de la justice est perçue comme faible, ce qui sape la confiance et exerce en particulier un effet dissuasif sur l’investissement étranger, qui sera indispensable à la reconstruction.
Les lacunes dans la mise en œuvre et l’application des stratégies en faveur de l’intégrité publique, telles que l’indépendance de l’audit interne et la redevabilité des agents publics, pénalisent l’efficacité globale.
Renforcer l’indépendance des organismes de lutte contre la corruption et compléter le cadre juridique relatif à la nomination des juges à l’aide d’évaluations de l’intégrité dont les conclusions soient contraignantes.
Autoriser les organismes de surveillance à sanctionner les infractions aux règles en matière d’intégrité publique, et encourager l’application des règles relatives aux activités de lobbying, y compris les périodes de carence obligatoire, afin de réduire les risques de conflit d’intérêts.
Les problèmes d’inefficience liés à la réglementation, son manque de transparence et son application incohérente pèsent sur le climat des affaires. Les obstacles bureaucratiques, auxquels s’ajoutent un manque d’association des parties prenantes et un alignement insuffisant sur les normes de l’Union européenne (UE), créent un climat d’incertitude.
La distorsion des signaux de prix de l’énergie exerce un effet dissuasif sur les nouveaux investissements dans le secteur de l’énergie et affaiblit les incitations économiques à réaliser des gains d’efficacité énergétique.
Moderniser le cadre réglementaire en appliquant la loi sur les consultations publiques, en adoptant des évaluations des risques fondées sur les données et en renforçant la coordination des politiques publiques.
Une fois que la situation le permettra sur le plan de la sécurité, supprimer progressivement le plafonnement des prix de l’énergie, afin que ceux-ci correspondent aux coûts. Apporter aux ménages vulnérables des aides ciblées, qui ne soient pas fondées sur la consommation effective d’énergie. La gouvernance des entreprises publiques s’améliore, mais le processus de privatisation est entravé par l’absence de programme clair, et l’insécurité juridique constitue un frein pour les investisseurs privés.
La guerre a entraîné des atteintes considérables aux écosystèmes terrestres, forestiers et aquatiques en Ukraine, qui se sont ajoutées aux dommages antérieurs résultant des pratiques industrielles et agricoles, qui tenaient eux-mêmes en partie à une tarification limitée des coûts environnementaux.
Les marchés financiers sont sous-développés et fragmentés.
Mettre en place une structure de centralisation ou de coordination des fonctions actionnariales de l’État, afin de rationaliser le contrôle et la gestion des entreprises publiques, de réduire la fragmentation des fonctions actionnariales de l’État et d’améliorer leur transparence.
Intégrer la remise en état de l’environnement dans la planification et le financement de la reconstruction, en hiérarchisant les projets en fonction du risque que les dommages entraînent des atteintes supplémentaires à l’environnement.
Simplifier le processus d’admission à la cote pour les émissions publiques, favoriser l’introduction en bourse d’entreprises publiques ayant une importance financière et mobiliser les investisseurs institutionnels, par exemple en promouvant les régimes de retraite professionnels.
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