Croatie
Les chocs affectant l’énergie et les prix devraient nettement ralentir la croissance de la Croatie, qui devrait passer de 6.4 % en 2022 à 0.8 % en 2023. L’augmentation des exportations, de l’emploi et des salaires devrait soutenir les revenus sur fond de stabilisation des prix et des approvisionnements en matière d’énergie, ce qui devrait porter la croissance de la production à 1.5 % en 2024. L’accélération de la mise en œuvre des projets financés par l’Union européenne (UE) et l’intégration de la Croatie dans la zone euro et l’espace Schengen favoriseront l’investissement. La situation tendue du marché du travail, en particulier sur le segment des compétences spécialisées, et la rareté des capacités inutilisées risquent d’accentuer les tensions sur les salaires et les coûts.
Les mesures budgétaires de grande ampleur adoptées par les autorités compensent l’effet négatif induit par la rareté et le renchérissement de l’énergie sur le bien-être des ménages, la production et les exportations, principalement en limitant la hausse des prix, mais elles pourraient également attiser les tensions sur la demande. Veiller à ce que les dispositifs de soutien soient davantage ciblés sur les consommateurs vulnérables et à ce qu’ils préservent les incitations aux économies d’énergie permettrait d’améliorer la viabilité des finances publiques et de renforcer l’efficacité énergétique de la Croatie, à la traîne dans ce domaine. Une poursuite de l’assainissement budgétaire réduirait également les tensions sur la demande et permettrait de libérer des ressources pour s’attaquer à d’autres obstacles à une croissance soutenue, comme les pénuries de compétences.
Croatie
Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 112.
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PIB aux prix du marché
Pourcentage de variation, en volume (prix de 2015)
412.2 -7.8 9.8 6.4 0.8 1.5
Consommation privée 234.7 -5.3 9.9 3.5 0.6 1.4
Consommation publique 85.0 4.2 3.2 2.3 3.7 0.6
Formation brute de capital fixe 88.7 -5.9 7.5 5.6 1.1 2.8
Demande intérieure finale 408.4 -3.4 8.1 4.0 1.4 1.5
Variation des stocks¹ 7.3 0.7 -4.7 0.8 -0.4 0.0
Demande intérieure totale 415.7 -0.7 7.1 3.7 1.0 1.4
Exportations de biens et services 207.0 -19.1 27.8 27.3 3.0 2.3
Importations de biens et services 210.5 -12.1 14.4 24.2 2.7 2.1
Exportations nettes¹ - 3.5 -3.4 5.0 1.3 0.0 0.0
Memorandum items
Déflateur du PIB _ 0.0 3.1 12.0 10.3 4.0
Indice des prix à la consommation harmonisé _ 0.0 2.7 10.6 6.3 3.1 IPCH sous-jacent² _ 0.4 1.3 7.7 6.4 2.8
Taux de chômage (% de la population active) _ 7.5 7.6 7.5 7.8 7.4 _ 9.2 7.6 5.4 5.7 5.6
Taux d'épargne nette des ménages (% du revenu disponible)
Solde financier des administrations publiques (% du PIB) _ -7.3 -2.6 -2.1 -2.3 -1.6
Dette brute des administrations publiques (% du PIB) _ 106.9 100.2 95.3 93.7 93.4 87.0 79.9 75.0 73.4 73.1
Dette brute des administrations publiques, définition Maastricht³ (% du PIB)
Balance des opérations courantes (% du PIB)
_ -0.1 0.4 -1.4 -1.5 -0.9
1 Contributions aux variations du PIB en volume, montant effectif pour la première colonne
2 Indice des prix à la consommation harmonisé, hors produits alimentaires, énergie, alcool et tabac
3. Selon la définition de Maastricht, la dette des administrations publiques comprend uniquement les crédits, les titres de créance et les numéraires et dépôts, la dette étant exprimée en valeur nominale et non à sa valeur de marché
Source: Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 112
StatLink2 https://stat.link/jr5t38
L’envolée des prix de l’énergie et l’incertitude limitent la vigueur de la reprise
Le PIB a fortement augmenté au premier semestre de 2022, tiré par le rebond du tourisme et des autres exportations ainsi que par la vitalité de la consommation des ménages. Les recettes touristiques engrangées entre août 2021 et août 2022 ont dépassé leur niveau record de 2019. Les indicateurs à haute fréquence laissent à penser que cette dynamique s’est essoufflée au troisième trimestre de 2022, tandis que l’accentuation de l’incertitude à l’échelle internationale amplifiait l’effet de freinage exercé par l’envolée des prix, notamment de l’énergie, et les perturbations des approvisionnements. En août 2022, la production industrielle s’inscrivait en baisse par rapport aux sommets historiques qu’elle avait atteints plus tôt dans l’année. Les ventes au détail ont également reculé, le ralentissement de la croissance de l’emploi et la vigueur de l’inflation mesurée par les prix à la consommation, qui s’élevait à 12.6 % en septembre 2022, ayant comprimé les revenus réels des ménages. L’inflation, initialement tirée par les prix des produits alimentaires et de l’énergie, s’est élargie à d’autres biens et services, si bien que l’inflation sous-jacente a dépassé l’inflation globale.
La Croatie s’approvisionnait peu en énergie auprès de la Russie avant 2022, car elle dispose de capacités de production d’énergie renouvelable considérables et d’infrastructures d’importation d’énergie qu’elle continue de développer. Le pays reste cependant exposé à l’envolée des prix de gros de l’énergie en Europe. Pour en compenser les répercussions, les autorités ont mis en place des dispositifs de soutien
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représentant au moins 3.7 % du PIB annuel, sous la forme d’allégements d’impôts et de baisses des droits d’accise (2.6 % du PIB), d’aides au revenu destinées à des groupes vulnérables (0.8 % du PIB) et d’aides à la rénovation énergétique (0.3 % du PIB). À cela s’ajoutent des dispositifs de prêts et de subventions aux entreprises, dont le montant est estimé à 1.7 % du PIB. Le gouvernement a revu à la hausse les prestations sociales dont bénéficient les retraités et d’autres groupes vulnérables, et procède à une revalorisation des salaires des fonctionnaires. La plupart de ces mesures doivent prendre fin en mars 2023, mais on s’attend à ce qu’elles soient prolongées pour une période de 12 mois, compte tenu de la persistance de la crise énergétique.
Les politiques budgétaire et monétaire conserveront une orientation expansionniste
En 2022, la croissance vigoureuse de l’activité et des prix a gonflé les recettes publiques, permettant au gouvernement d’accroître les transferts et d’autres dépenses. Celui-ci table sur un déficit budgétaire proche de 2.4 % du PIB en 2023, car il s’attend à un ralentissement de la progression des recettes et prévoit de continuer à augmenter les dépenses consacrées aux aides énergétiques et à l’investissement public. Cela étant, les effets différés de la croissance plus forte enregistrée en 2022 sur les recettes et l’augmentation des coûts de construction, qui s’ajoutent aux difficultés de mise en œuvre des projets d’investissement programmés, pourraient se traduire par un déficit plus faible que prévu. En faisant disparaître le risque de change associé aux prêts libellés en euros, l’intégration de la Croatie dans la zone euro le 1er janvier 2023 facilitera l’accès du pays aux financements et réduira leur coût. Les agences de notation sont en train de réviser à la hausse leurs évaluations de la dette souveraine croate, et les écarts de rendements sur la dette publique pourraient encore diminuer. Cette évolution pourrait en partie compenser les effets de la hausse des taux d’intérêt dans la zone euro pour les emprunteurs privés.
L’augmentation de l’investissement ravivera la croissance
À partir de 2023, les approvisionnements et les prix de l'énergie devraient se stabiliser, tandis que l'augmentation des dépenses publiques et les hausses substantielles des salaires contribuent à reconstituer les revenus réels des ménages. La dégradation des conditions extérieures, les pertes de revenus réels, les pénuries et l’incertitude devraient freiner la consommation, l’investissement et les exportations à court terme. L’inflation devrait refluer sur fond d’atténuation des tensions sur les capacités et des difficultés de recrutement. À partir de 2023, les approvisionnements et les prix en matière d’énergie devraient se stabiliser, tandis que l’augmentation des dépenses publiques et les hausses substantielles des salairescontribueront àrapprocher lesrevenusréels des ménages de leur niveau antérieur. L’investissement devrait être le moteur du redressement de l’activité, sachant qu’il bénéficiera des décaissements de fonds européens ainsi que de l’intégration de la Croatie dans la zone euro et l’espace Schengen, qui permettra au pays d’attirer davantage de financements et d’investissements directs étrangers. L’arrivée à expiration des dispositifs d’aide énergétique, prévue pour 2024, fera temporairement augmenter l’inflation globale. Des approvisionnements en énergie insuffisants, surtout au cours des hivers à venir, risqueraient de se traduire par des contractions de l’activité plus marquées et des dépenses plus importantes que prévu. Le renforcement de la compétitivité, la crédibilité budgétaire et la pleine mise en œuvre du plan croate pour la reprise et la résilience conditionnent de manière essentielle l’accroissement de l’investissement. Or, ces conditions seraient mises en péril si les salaires ou les prix augmentaient plus rapidement en Croatie que dans les pays comparables, si l’assainissement budgétaire ne permettait pas d’atteindre les objectifs visés à moyen terme, ou si les améliorations prévues de l’environnement des entreprises ne se concrétisaient pas.
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Remédier aux pénuries de compétences et améliorer la résilience de l’économie permettront d’entretenir la croissance
Sachant que la Croatie va intégrer la zone euro, de nouvelles baisses du déficit budgétaire renforceraient la viabilité de la croissance et réduiraient les risques liés aux contraintes de capacité et au recul de la compétitivité. Remplacer progressivement les mesures budgétaires de plafonnement des prix de l’énergie par des aides ciblées aux ménages et aux entreprises visant à réduire leurs besoins en énergie (axées, par exemple, sur la rénovation des bâtiments ou l’amélioration de l’efficience des transports et d’autres équipements) permettrait de réduire l’exposition aux fluctuations des prix de l’énergie, d’alléger le coût budgétaire des mesures de soutien et d’améliorer la qualité de l’environnement. Rehausser la participation à des programmes actifs du marché du travail de qualité et réformer les dispositifs en matière de pension et de départ à la retraite, de façon à encourager les seniors à rester dans la population active, contribueraient à atténuer les tensions sur le marché de l’emploi. À plus long terme, renforcer la participation à des programmes d’enseignement professionnel de haute qualité contribuerait à garantir que les adultes disposent des compétences nécessaires pour tirer parti des nouvelles possibilités d’emploi caractérisées par un niveau élevé de productivité.