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Trois ans pour ériger la « cité scolaire de la rue de Verdun »

Mettre fin à la longue nuit du sous-équipement calaisien en matière d’enseignement, mais aussi relever les défis démographiques et économiques à venir, telles sont les grandes motivations à l’origine de l’édification de l’énorme complexe scolaire Pierre de Coubertin de Calais au tournant des années 1960/1970. La cité des Six Bourgeois, alors forte d’environ 75 000 habitants, se caractérise à cette époque par un taux de natalité très dynamique. De plus, en raison des réformes allongeant la durée de la scolarité jusqu’à 16 ans, un nombre de plus en plus important d’adolescents doivent poursuivre leurs études : Calais doit nécessairement être capable de les accueillir dans de bonnes conditions.

Un chantier colossal Aussi, alors qu’une vague de construction de C.E.S. (Collège d’Enseignement Secondaire) est entreprise durant la même période sur son territoire, la ville de Calais est en rapport avec l’État via le préfet du département dès 1965, afin de mettre sur pied un très grand établissement apte à scolariser les élèves sortant du collège : ce sera un lycée de taille adaptée proposant divers parcours débouchant sur une entrée dans le supérieur. Dans une convention en date de 1968 dont les archives municipales conservent un exemplaire, la ville de Calais met à disposition de l’État, pour la construction d’une cité scolaire pouvant accueillir jusqu’à près de 3 000 élèves, un terrain d’implantation de plus de 10 ha situé avenue Pierre de Coubertin et s’engage à prendre en charge 19,33% des dépenses générées par les futurs travaux. Trois tranches planifiées À l’autorité supérieure reviennent le choix du maître d’œuvre, la passation et la signature des marchés, l’ordonnancement et le paiement des dépenses ainsi que la réception des travaux. En raison du caractère gigantesque du chantier prévu, ces derniers ne sauraient être accomplis d’une traite.

Trois tranches, échelonnées sur un temps relativement court, sont en effet planifiées. Durant plusieurs mois de l’année 1968, bulldozers et grues Poclain s’activent pour niveler un immense terrain presque toujours boueux en raison de conditions météorologiques souvent défavorables. Il faut notamment détruire plusieurs blockhaus, particulièrement nombreux à cet endroit, et dont certains ont même dû être évacués car ils étaient occupés par des habitants en manque de logements ! Notons que, pour pouvoir aménager cette zone, il a fallu préalablement détourner le chenal d’Asfeld et mettre en place pour le franchir un pont Bailey (surnommé « pont à castagnettes » en raison du bruit causé par le passage des véhicules sur ses planches disjointes ; il a été démantelé en 1982).

Des pieux de 13 mètres

Entre septembre et novembre 1968, cette première phase des travaux s’achève avec la mise en place des égouts, des canalisations d’eau et de gaz et de la voirie. La deuxième tranche, s’étendant jusqu’en décembre 1968, consiste dans la constitution d’une plate-forme, dans la pose de pieux de béton enfoncés de 13 mètres dans le sol pour servir de fondations à l’externat, l’atelier, la chaufferie, l’infirmerie, le bloc administratif et la « tour » des logements. La phase supplémentaire qui débute dans la foulée est consacrée au montage des éléments préfabriqués en usine, tant pour la charpente métallique que pour les éléments du gros œuvre des bâtiments, et à la finition de ces derniers (exécution des cloisons intérieures, des revêtements des sols, des peintures…) ; elle doit prendre fin pour permettre une rentrée des classes 1969 dans des conditions optimales pour les élèves et le personnel. La troisième tranche prend place durant l’année scolaire 1969/1970 pour que l’ensemble de la cité scolaire soit totalement terminé pour la rentrée 1970. Un chantier colossal donc, qui mobilise une main d’œuvre essentiellement locale, s’élevant entre 250 et 600 ouvriers selon les périodes.

Une inauguration en octobre 1969

Le calendrier établi est globalement respecté. Les bâtiments de la cité scolaire étant pour la plupart sortis de terre, le lycée technique et industriel peut ouvrir ses portes… le 1er octobre 1969. En raison de ce décalage par rapport à la date classique de la rentrée, les 669 élèves l’intégrant bénéficient ainsi de quinze jours de vacances supplémentaires ! 892 élèves doivent aussi être scolarisés au C.E.T.

(Collège d’Enseignement Technique) faisant partie de la cité scolaire, mais les salles et les ateliers ne sont pas encore complètement équipés du matériel adéquat, en cours de déménagement depuis le C.E.T. de l’avenue Blériot. Une solide équipe de direction chapeautée par Robert Wattiaux est en place, un premier noyau de professeurs a été recruté.

L’inauguration officielle de la « cité scolaire de la rue de Verdun » a lieu le 7 octobre 1969 à l’occasion des festivités en l’honneur du 25 e anniversaire de la Libération de Calais. En présence du secrétaire d’État à l’Éducation Nationale, Pierre Billecocq, le ruban tricolore tenu par deux matelotes courguinoises formant une barrière symbolique devant l’entrée du hall du principal bâtiment de l’établissement est solennellement coupé ; ce geste inaugural est suivi d’une cérémonie de remise de palmes académiques venant récompenser diverses personnalités du monde de l’Éducation Nationale du Calaisis.

La rentrée 1970 dans une cité scolaire toujours en cours de construction à bicyclettes, un rez-de-chaussée où on trouve une chaufferie, une buanderie, des ateliers pour le personnel, toute une série de salles réservées à l’administration, une réserve, un forum, et l’appartement du concierge ; à l’étage, ont été aménagés les cuisines et le réfectoire, l’infirmerie, un centre médico-sportif, et deux appartements pour les infirmières. Plus loin, l’externat présentant quatre étages, d’une longueur de 116 mètres, ressemble beaucoup à celui de l’internat qui est placé en parallèle, hormis le fait que ce dernier ne comporte que trois étages ; inachevé lors de la rentrée 1970, il est destiné à renfermer des salles d’études, un foyer, des vestiaires, un appartement pour le surveillant général, des chambres d’assistants étrangers de l’établissement, des dortoirs, des chambres pour les maîtres d’internat, et des installations sanitaires. Pas tout à fait achevée non plus la tour de huit étages où doivent être créés les logements à destination des personnels.

Il faut attendre mars 1970 pour que la municipalité achève de poser des réverbères rue de Verdun. Quant à l’installation d’un semblable éclairage avenue Pierre de Coubertin, les Ponts et Chaussées ne l’ont pas alors encore commencée… Mais, sur le site, les travaux menés par l’entreprise Littoral Nord avancent à un bon rythme afin que la rentrée 1970 puisse s’effectuer dans les meilleures conditions possibles. Il faut en effet pour cette date scolariser un effectif en croissance - environ 2000 étudiants, 700 pour le lycée et 1 300 pour le C.E.T. – et gérer l’incorporation du lycée classique et moderne transféré depuis la place de la République. Alors que les élèves prennent le chemin des cours, des ouvriers continuent dans l’effervescence de parcourir le site, peintures, chauffage central et installations électriques n’étant pas finalisés et certains édifices restant à construire.

Quels sont alors les éléments saillants qui composent l’immense cité scolaire, laquelle n’a pas encore de nom officiel ? Conçus par l’architecte Maurice Ego, les bâtiments du lycée technique dont l’entrée se fait par l’avenue Pierre de Coubertin s’élèvent sur trois étages, abritent les salles de classe ; derrière ces bâtiments, on trouve d’immenses ateliers, baignés de clarté.

Au centre, les machines-outils ; tout autour ont été installés différents petits laboratoires (automatisme, électronique, électrotechnique…). Donnant sur le boulevard du 8 mai, on trouve le bâtiment des services généraux qui possède un sous-sol où ont été aménagés un garage Alors que la rentrée est faite, les travaux continuent.

À partir du mois d’octobre 1970 : on peut enfin circuler d’un bâtiment à l’autre à pied sec.

Grand progrès cependant à partir du mois d’octobre 1970 : on peut enfin circuler d’un bâtiment à l’autre à pied sec, ce qui n’était pas le cas auparavant, car les voies d’accès ont été définitivement aménagées. De part et d’autre de celles-ci, des tonnes de terre amenées par camions ont été répandues dans des parterres géométriquement dessinés, puis, après ratissage, une pelouse a été semée qui commence rapidement à pousser.

L’efficacité du service de la demi-pension est saluée par le Recteur de l’académie Guy Debeyre, qui se déplace en personne courant octobre 1970 pour adresser des remerciements appuyés au proviseur Robert Wattiaux, à l’origine d’une modification des plans du réfectoire conçu au départ selon le modèle traditionnel. Pour être en accord avec l’air du temps, Robert Wattiaux a, en effet, plaidé avec succès pour la mise en place d’un système de libre-service, moderne et performant afin de relever le défi de servir des centaines de repas par jour.

Une rentrée 1971-72 définie par une volonté d’achèvement des travaux

C’est une cité scolaire quasiment terminée que les élèves investissent à la rentrée de septembre 1971. Le « coefficient de remplissage » continue de croître légèrement par rapport à celui de la rentrée précédente car la création d’un grand nombre de C.E.S. dans le Calaisis conduit mécaniquement à une augmentation des candidatures à l’entrée en Seconde. De plus, la cité scolaire regroupe dorénavant la totalité des enseignements longs professionnels du secteur, y compris la filière de préparation aux carrières sanitaires et sociales débouchant sur un Brevet de Technicien Social qui existait jusqu’à la rentrée 1970 au lycée Sophie Berthelot ; le recrutement, pour toutes ces classes, s’effectue sur l’ensemble du littoral.

Ce qui sera appelé ensuite le lycée Coubertin atteindra à plusieurs reprises le record de France au point de vue du nombre total d’élèves scolarisés. Robert Wattiaux, originaire de Lens, inaugure la liste des proviseurs placés à la tête de ce gigantesque établissement dont la gestion relève parfois du tour de force. Robert

Wattiaux, spécialisé en mathématiques comme son épouse Léandra qui professe à Sophie Berthelot, s’était auparavant illustré avec elle en signant des manuels de mathématiques dont certains ont été traduits à l’étranger, et en animant des émissions audiovisuelles destinées aux scolaires.

La question de la dénomination Pendant près de cinq années, la cité scolaire de la rue de Verdun n’a pas eu d’appellation officielle. La municipalité calaisienne avait émis le souhait, en juillet 1967, que les établissements scolaires soient baptisés en fonction de l’artère permettant leur accès. La cité scolaire donnant largement sur l’avenue Pierre de Coubertin, il faudrait donc logiquement la baptiser du nom du rénovateur des Jeux Olympiques.

Le maire de la ville d’alors, Charles Beaugrand, dans une lettre en date du 9 novembre 1970 adressée au Recteur de l’académie de Lille, suggère que la prestigieuse structure en train de s’ériger à proximité de la Citadelle pourrait prendre le nom de « lycée François de Guise » afin d’honorer le chef de guerre qui chassa les Anglais de Calais en 1558.

Le Rectorat ne donne pas suite, mais précise qu’avant toute décision définitive, le conseil d’administration de l’établissement doit d’abord émettre un vœu, en vue d’une validation par la municipalité. Ce n’est chose faite que… le 16 février 1974 : il est alors officiellement proposé, dans le cadre du conseil d’administration, d’entériner l’appellation « C oubertin », déjà largement usitée par la population calaisienne. Deux arguments sont émis à l’appui de cette proposition : les élèves de l’établissement participant à des compétitions sportives arborent déjà un maillot frappé du nom « Pierre de Coubertin » ; de plus, aucun autre établissement de l’académie de Lille ne portant ce nom, cela permettrait d’éviter certaines confusions parfois fâcheuses. Ce choix est entériné. Les élèves fréquentant Coubertin sont ainsi devenus des « Coubertinois » !

Pierre de Coubertin est né le 1er janvier 1863 à Paris (France). Il est mort le 2 septembre 1937 à Genève (Suisse). Il est l’auteur de la célèbre phrase : “L’important est de participer”. Il a bataillé pour la mise en place, dans les formations classiques, de l’éducation sportive. En 1894, il lance l’idée d’organiser à nouveau des Jeux olympiques. Il a fondé le comité international olympique. Il en sera le président de 1896 à 1925.