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Eurockéennes de Belfort Par Emmanuel Abela Photos : Vincent Arbelet

Kurt Vile

En quelques années, Kurt Vile a su imposer son folk étrangement désinvolte, lo-fi dans un premier temps puis sublimement orchestré, comme s’il ne cherchait pas à se confronter à ses modèles, tout en rivalisant avec eux. En interview, il se montre attentif et précis. À l’image de l’intimité qu’il entretient à son instrument, la guitare. « En pratiquant le picking, nous explique-t-il je cherche à donner une impulsion mélodique, plaisante mais imparfaite, comme une sensation candide et intime. » Cette pratique singulière, il la puise chez l’un de ses artistes préférés, John Fahey, qui a enregistré bon nombre de disques folk souvent instrumentaux dans les années 60. « C’est un pur pionnier du folk qui a grandi en écoutant du blues ou du gospel. Avec ses compositions, il cherchait à développer quelque chose d’ample qui libère l’esprit. Mon disque préféré reste Days Have Gone By [de 1967, ndlr] ». Si Kurt apprécie également Bert Jansch, le pendant anglais de John Fahey, il le juge plus strict dans l’approche. Contre toute attente, c’est du côté de John et Alice Coltrane ou de Pharoah Sanders qu’il faut chercher l’inspiration du sublime B’lieve I’m

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going down, le disque qui nous a obsédés tout le printemps dernier. « L’influence de ces artistes jazz sur ma musique n’est pas nouvelle, mais là c’était particulièrement le cas au moment où j’étais en train de composer dans le désert du Joshua Tree des chansons comme Wheelhouse par exemple. Je cherchais une forme de simplicité, mais qui puisse révéler des éléments musicaux hypnotiques. » À l’égal de ces musiciens jazz qui cherchaient d’autres voies, lui-même avec son jeu rythmique si singulier ne tente-t-il pas une forme psychédélique qui se dispenserait des arrangements pour exister ? « Oui, l’approche est voisine : elle est hautement spirituelle. Je n’aime pas beaucoup me répéter, je suis constamment en quête de sonorités nouvelles. Ceci dit, je ne dédaigne pas les expérimentations ni les traitements en studio. Même sur ce disque qui semble au ras du sol, je me suis accordé quelques libertés, tout en restant le plus naturel possible. » Ce naturel, il l’entretient en lisant beaucoup sur la route. « Je me trouve bien meilleur, nous avoue-t-il, quand je me sens absorbé par quelque chose que je suis en train de lire, comme c’est le cas en ce moment avec le livre de Nick Tosches sur la country [l’édition française chez Allia, Country : les racines tordues du rock’n’roll, ndlr]. Ça me met dans une position obsessive et ça c’est bon ! ». Il l’admet, c’est bien là sa manière à lui de maintenir son approche créative : intégrer les éléments du quotidien, que ça soit de l’ordre du vécu ou de l’imaginaire, pour nourrir ses petits instants psychédéliques qui fonctionnent par couches successives, chacune d’entre elles révélant sa part d’affect. « Yeah! Sure!, s’amuset-il comme le gamin pris en flagrant délit, la main dans le sac, j’aimerais tant que ça soit perçu ainsi… »


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