Mayotte Hebdo n°889

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LE MOT DE LA RÉDACTION

DIEU A-T-IL UN SEXE ? "Dieu a-t-il un sexe ?", se demandait le psychanalyste Jacques Lacan dans son Séminaire, livre III. Peu de chances que la réponse nous soit un jour révélée, mais ce qui est certain en revanche, c'est que Dieu, ou la conception que l'être s'en fait, pose un tabou sur le sexe d'ici bas. C'est évidemment vrai à Mayotte où la religion, accompagnée des traditions, a longtemps fait peser une chape de plomb sur des rapports physiques et charnels. Des rapports que certains considèreront comme bassement humains, mais qui – tout humain que nous sommes justement – sont bien délicats à laisser de côté. Conséquences : on résiste un peu, mais on trouve surtout des parades pour rester dans les clous. C'était vrai hier mais, si cela le demeure encore en partie, force est de constater que la jeunesse tente aujourd'hui de briser ce tabou. Les pratiques sont plus libres, le regard des anciens compte moins, et la sexualité libre est de moins en moins considérée comme un péché. C'est ce qu'il

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S'il y aura un demain, il y a aussi un hier. Pour en parler, nous avons rencontré François Perrin, un de ces wazungu arrivés à Mayotte au début des années 1980. Il parle de l'île comme d'un amour de jeunesse qui serait finalement devenu la femme de sa vie. Et puis, pour finir, notre entretien de la semaine est consacré à l'économie. Et pas n'importe laquelle puisqu'il s'agit de l'économie de Mayotte dans son environnement régional. Isabelle Chevreuil, vice-présidente de l'Union des chambres de commerce et d'industrie de l'océan Indien (UCCIOI) et Alexandre Kesteloot, directeur du pôle entreprises de la CCI de Mayotte, répondent à nos questions et nous l'affirme : Mayotte ne croit pas assez en son potentiel. À réfléchir. Bonne lecture à tous

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ressort de notre dossier de la semaine, Sexualité des jeunes, les langues se délient, dans lequel les mœurs de demain se laissent entrevoir.

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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo n°351, vendredi 5 octobre 2007

J'ai rêvé d'un front de mer Un groupe de travail a été reconstitué, réactivé, pour proposer un front de mer à Mamoudzou. Alors que le marché sort de terre, avant que le parking voie le jour, les services compétents de la mairie, de la Collectivité, de la Sim notamment planchent dessus. Et les projets ambitieux, les idées originales, encourageantes, ressortent, fruits de voyages, de lectures et d'expériences des uns et des autres. Les élus seront alors consultés pour donner leurs avis, choisir, trancher, mais surtout ensuite pour trouver les moyens financiers de réaliser cette vitrine de l'île, ce futur lieu de vie tant attendu. Il s'agirait apparemment d'orienter l'ensemble du trafic des barges vers l'actuel beaching Colas, voitures et piétons. Cela s'accompagnerait d'un avancement de la côte le long de la pointe Mahabou et jusqu'au niveau du nouveau marché. Ce terre-plein gagné offrirait un grand espace consacré pour une faible part, en arrière-plan, à des places de parking, nécessaires, indispensables. Le principal de cet espace, face au lagon, pourrait d'abord accueillir un (très) large espace de promenades piétonnes. Avec des arbres ombrageux, des ylangs odorants, des bancs nombreux, favorisant des rencontres entre communautés, entre générations, qui ne peuvent se faire ailleurs, sinon pour quelques rares sur les plages, au brochetti de Cavani ou dans les bars et discothèques pour les plus jeunes. Cet espace de rencontres, gratuit, reposant, familial, amical, manque cruellement sur l'île. Des bars, restaurants, glaciers agrémenteraient l'ensemble de cette promenade, du beaching Colas à la pointe Mahabou. Les produits agricoles locaux y trouveraient un important débouché, quotidien. Quelques stands en matériaux locaux, faits de vangate et de msévés pour le toit (feuilles de cocotiers tressées), équipés d'un congélateur ou d'un frigo, d'un mixer et d'un point d'eau, permettraient de proposer tout au long de ce rêve, des jus de fruits frais, locaux, des milkshakes à la banane, etc. Des commerces bien choisis, proposant la presse certes, mais aussi de l'artisanat, de l'art, des galeries exposant des peintures ou des photos draineraient régulièrement les familles ou les amis, les touristes et les résidants, le jour ou la nuit, marchant ou assis, enfin, face au lagon. Le maintien du port de plaisance à cet endroit accaparerait trop d'espace. Une idée serait de le déplacer de l'autre côté de la pointe Mahabou. La "rocade" doit être déclassée en boulevard urbain, avec un terre-plein central arboré et des parkings des deux côtés. Avec le rond-point de Mahabou, cela permettrait d'accueillir de nombreux usagers. Deux

à trois tranchées dans la mangrove permettraient alors d'accéder à des pontons pour offrir un port de plaisance original, mettant en valeur la mangrove, sans la détruire. Un chemin pourrait même y être aménagé. La pointe Mahabou serait alors, enfin, intégrée dans le front de mer. Un escalier permettrait d'y accéder depuis l'actuel petit parking à son pied. Une passerelle piétonne la relierait à la rue Mahabou, afin de désenclaver cet espace vert urbain. Un parc avec des jeux pour les enfants y amènerait assurément de nombreuses familles, participant là encore à créer du lien social, des rencontres. Un beau local avec une vue magnifique sur la Petite-Terre, les îlots, concédé à un restaurateur, qui s'acquitterait d'un loyer bienvenu à la mairie, pourrait créer un restaurant gastronomique, une belle table. Une ou deux buvettes participeraient là aussi à créer de l'activité, des emplois et à l'amélioration du cadre de vie à Mamoudzou. La Maison de la mer, en bas de la pointe Mahabou, avec des aquariums, un musée de la mer, le cœlacanthe formolisé qui dort dans un carton et une belle collection de coquillages, des espaces pédagogiques, de sensibilisation pour l'ensemble de la jeunesse de l'île… Un laboratoire pour les scientifiques en mission, pour les observatoires et autres scientifiques qui travaillent sur l'île… Tout ça aura sa place et intéressera aussi la région. Pour le plus grand plaisir, le plus grand bien des touristes, mais aussi des résidents, des enfants. Tout cela pourrait constituer une magnifique vitrine pour notre île. La touche finale, la goutte d'ylang sur la crème brûlée qui pourrait faire déborder le vase, ce serait une plage de sable blanc. Depuis des années on nous saoule que le front de mer est dégueulasse, que les touristes voient des bouibouis en lieu et place d'un marché, qu'il y a des déchets partout, que nous n'avons pas de belles plages de sable blanc comme aux Seychelles, à Maurice ou à Mada. Une dragueuse ne coûte pas cher. La protection du beaching de la Colas et de la pointe Mahabou sont là. Cela permettrait de fermer la bouche à pas mal de monde, d'offrir une plage, de sable blanc, comme vitrine, à l'arrivée de tout visiteur. Et cela, comme à Saint-Pierre de La Réunion par exemple, transforme le centre-ville en zone balnéaire. Je pense que cela constituerait une bien belle image pour l'île, il serait (il était ?) temps. Cela marquerait la volonté politique, les ambitions que l'on peut légitimement avoir, le cadre de vie agréable que l'on peut concevoir pour nos enfants.

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S LE RÉTRO IL Y A 10 ANS

C'ÉTAIT DANS MH

TO L E R IE - PR E PA R AT IO N - PE IN T UR E

SANS Z RENDE S U O V

Sauver le lagon

État des lieux des travaux menés dans les ateliers locaux du Grenelle de la mer. Parmi les propositions retenues par la mission nationale qui animait ces ateliers : le soutien au développement de l'aquaculture, la nécessité d'équipements structurants pour la pêche, le renforcement des capacités d'assainissement et de gestion des déchets, la création d'un centre permanent de l'Ifremer ou encore la création d'une "Maison de la mer" pour les scolaires. Également abordé : le futur Parc Marin. "Dans ce cadre, le futur Parc naturel marin, en tant que structure pour coordonner tous les acteurs, aura toute sa place pour définir les lignes directrices communes pour le développement économique du lagon, qu'il ne faut pas voir comme un sanctuaire", soulignait un des membres de la mission.

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Mayotte Hebdo n°432, vendredi 12 juin 2009.

IL Y A 5 ANS

Octroi de mer à géométrie variable

Remous dans le monde économique : l'octroi de mer voté en début d'année par les conseillers généraux est estimé "à géométrie variable." Un mécontentement particulièrement présent dans le secteur du BTP : "l’octroi de mer interne propulserait par exemple le coût de la production de granulat de 30%." En conséquence, le président du Conseil général d'alors, Daniel Zaïdani, doit faire quelques ajustements. Il l'expliquait : "Lors de la séance [du mois de février], nous avions indiqué que nous allions revenir par la suite sur l’octroi de mer de manière générale et regarder s’il y a des choses qui doivent être changées. Effectivement un des changements intervenus lors de la présentation du décret de l’État, c’est que les matières premières liées au BTP étaient taxées, ce qui n’était pas le cas les fois précédentes. Cette fois-ci, nous allons les ramener à zéro, en concertation avec les acteurs du BTP."

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Mayotte Hebdo n°663, vendredi 13 juin 2014.

LA PHOTO D'ARCHIVE Des réfugiés pour un sit-in

GRAND CHOIX DE LEURRES Février 2003 : sept réfugiés africains entament un sit-in devant la préfecture pour tenter de trouver des solutions à leur désarroi. Un titre de séjour temporaire en poche, ils sont en situation régulière sur le territoire, sans pour autant pouvoir travailler ni être logés. Plusieurs rencontres avec le directeur de la règlementation de la préfecture, ont abouti à la même réponse : il faut attendre la décision de l’Ofpra pour obtenir - ou non - le statut de réfugié politique. "On n’a plus qu’à attendre de mourir ici", commente, las, l'un d'entre eux.

Pour tous vos communiqués et informations

Une seule adresse : rédaction@mayottehebdo.com

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TCHAKS LE CHIFFRE L'ACTION Un rassemblement contre les tarifs aériens Première action pour la jeune Association d'usagers des transports aériens de Mayotte (Autam), créée à l'initiative du député Mansour Kamardine. Ce samedi 15 juin, de concert avec le Collectif des citoyens, elle appelle à un grand rassemblement dès 9h, sur la place de la République, à Mamoudzou. La manifestation est organisée "pour que la mobilité ne devienne pas une option, pour que l'insularité ne rime pas avec une condamnation à l'isolement du reste du monde", selon les mots des organisateurs.

103 C'est le nombre de sites sélectionnés, parmi 3 500, qui bénéficieront de La Mission Patrimoine, qu'a en charge l'animateur de télévision Stéphane Bern. Parmi eux, la mosquée de Tsingoni et son minaret. Elle pourra ainsi jouir elle aussi des fonds issus du Loto du patrimoine, destinés à financer la rénovation de ces édifices. Dès le 15 juin la grille de ce super loto sera mise en vente au prix de 3 € avec un tirage exceptionnel le 14 juillet, et à partir du 2 septembre deux offres de tickets de grattage à 3 € et 15 € seront proposées. Objectif : collecter beaucoup plus que les 22 millions d'euros de la première édition.

LA PHRASE "On a actuellement 2 000 dossiers ouverts, en cours de traitement" Romain Reille, directeur de Solidarité Mayotte, association en charge de la plateforme départementale d’accueil, d’orientation et d’accompagnement des demandeurs d’asile, détaille la situation des demandeurs d'asile sur le territoire. "C’est quasiment deux fois plus qu’il y a deux ans, et nous ne sommes qu’en juin", souligne-t-il également. Selon lui, c’est la fermeture des "routes traditionnelles" de la migration qui est en cause dans cette augmentation : "Les réseaux de passeurs se sont détournés de l’Afrique du Nord", déchiffre ce dernier. Il poursuit : "Il n’y a qu’à voir la diversification des origines des demandeurs d’asile : il y a de plus en plus de demandeurs venus d’Afrique de l’ouest et du souscontinent indien."

LA PHOTO DE LA SEMAINE Des étudiants de Sada en immersion chez Orange

Une vingtaine d’élèves du BTS "négociation et digitalisation de la relation client" du Lycée de Sada ont visité le site technique de la société Orange, à Kawéni, mercredi 12. Ces étudiants ont pu y rencontrer des employés de l’opérateur de télécommunications et en découvrir les divers métiers de l'entreprise. Les jeunes étudiants ont aussi pu bénéficier de conseils pour bien débuter leurs carrières professionnelles. Cette visite immersive a été organisée dans le cadre de la deuxième édition du "Orange Inside Day".

NATIONS-UNIES

LE PROVERBE

Le Rapporteur spécial des Nations-Unies en visite en Union des Comores Jusqu'au 18 juin, l'expert indépendant des Nations-Unies, Nils Melzer, est en visite en Union des Comores pour "évaluer l'évolution de la situation et déterminer les problèmes concernant l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants", mentionne le communiqué. "Je suis également conscient du défi auquel est confronté le Gouvernement [comorien] qui fait face à un grand nombre de citoyens tentant de quitter les Comores à bord de bateaux dans des conditions dangereuses pour l'île voisine de Mayotte et qui sont systématiquement refoulés par les autorités françaises", a déclaré Nils Melzer. Le rapport sera présenté au Conseil des droits de l'homme en mars 2020.

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Dzitso la munyaho kalihuonyesa. L'œil de ton camarade ne te montre pas.

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LE FLOP LE TOP La Fouine reçoit des jeunes en situation de handicap

Jolie réaction du rappeur La Fouine, en concert à l'hôtel Trévani le week-end dernier. L'artiste a en effet invité à l'évènement cinq jeunes en situation de handicap du Service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) de Trévani, géré par l'association Mlezi Maore. À l'origine de l'initiative : une éducatrice de la structure, réagissant à un échange avec un jeune : "Alors que nous passions devant un panneau publicitaire (faisant la promotion du concert, ndlr), celui-ci a exprimé le fait qu'il aimerait [s'y rendre] mais qu'il] était trop cher. Ce qui m'a amené une question: comment faire pour qu'il puisse y assister ? (…) J'ai décidé d'envoyer un mail "au culot" sans penser que j'aurais de retour", explique-t-elle. Surprise : "L'artiste y a été sensible et j'ai pu entrer en relation avec son entourage qui nous a alors dirigés vers l'hôtel Trévani. Je me suis donc mise en lien avec l'hôtel qui nous a offert en tout sept places (cinq pour les jeunes et deux pour les accompagnants) ainsi qu'un accès au parking. Le jour J, un accueil chaleureux nous a été offert par le responsable Thierry ainsi que par les membres de la sécurité. Les jeunes ont pu profiter du concert et se sont amusés." Cerise sur le gâteau : "Une dernière surprise leur avait été réservée, une rencontre avec La Fouine. Celui-ci a pris le temps de saluer, d'échanger avec chacun d'entre eux, puis de faire une photo."

ILS FONT L'ACTU Saïd Omar Oili

Le maire de Dzaoudzi-Labattoir et président de l'association des maires de Mayotte, Saïd Omar Oili, intervient lors du Printemps des territoires, à Paris devant foule d'élus locaux, partenaires et responsables politiques, parmi lesquels la ministre des outre-mer, Annick Girardin. Objectif : présenter les défis auxquels est confronté le 101ème département. "Aujourd’hui, 44% de la population de Mayotte a moins de 15 ans, six logements sur dix sont dépourvus du confort de base, 84% de la population vit sous le seuil de pauvreté, Si l’on excepte l’Ile-de-France, Mayotte est le département le plus dense du pays avec 555 habitants par kilomètre carré", a notamment rappelé l'élu. L'occasion aussi de sensibiliser les financeurs présents – tels la Banque des territoires ou la Caisse des dépôts et consignations – aux besoins de Mayotte : "D’ici 20 ans, nous devrons loger, soigner, former, nourrir, approvisionner en eau et en énergies propres, offrir des loisirs culturels et sportifs pour une population d’un demi-million d’habitants", a-t-il rappelé.

Le retour de la dengue ?

Neuf cas de dengue on été signalés à Mayotte entre le 31 mars et le 11 juin 2019. Si, parmi les cas déclarés, six avaient voyagé récemment dans une zone de circulation du virus – La Réunion et Afrique de l’Est –, trois n'ont fait part d'aucun voyage récent hors du territoire et auraient donc été contaminés localement à Mayotte. "Les analyses complémentaires sont en cours mais cette situation épidémiologique, avec apparition de cas autochtones, peut traduire un début de circulation du virus sur l’île", précise l'Agence régionale de santé (ARS). L'organisme rappelle donc les comportements à adopter : se prémunir des piqûres de moustiques avec des répulsifs cutanés et des moustiquaires pour les bébés et les personnes alitées ; éliminer l'eau stagnante, les moustiques y pondant ; et consulter un médecin en cas de symptômes (forte fièvre, maux de tête, douleurs musculaires et articulaires, sensation de grande fatigue).

Mahamoud Azihary

L'ancien directeur de la Société immobilière de Mayotte nommé porte-parole du Collectif des citoyens de Mayotte. Réunie dimanche 9 juin à Tsingoni, l'organisation – qui connaissait une période de crise depuis plusieurs semaines – a en effet réorganisé son bureau et s'est dotée d'une "direction collégiale" et "d'un conseil d'administration chargé principalement d'orienter [ses] activités." Par ailleurs, le Collectif précise que "la page Facebook du collectif s'appelle "Collectif des citoyens de Mayotte Officiel"", et qu'un compte Twitter "sera créé prochainement pour émettre et partager les points de vue et les analyses du [collectif]."

TIMBRES FISCAUX Des timbres fiscaux chez les commerçants

Nouveauté pratique : il est désormais possible d'acheter des timbres fiscaux chez des commerçants agréés, dont une liste exhaustive vient d'être publiée par la préfecture*. Afin d'assurer une vente suffisante à l'ensemble des commerçants agréés, la Direction régionale des Finances publiques de Mayotte a cessé de vendre les timbres à ses guichets d'accueil depuis le mardi 11 juin. Il est en revanche toujours possible d'obtenir des timbres fiscaux directement en ligne sur le site timbres. impots.gouv.fr. *À Chirongui, ils sont ainsi disponibles chez Sophiata Souffou (1 route nationale) ; à Rama à Dzaoudzi (62 rue du commerce); à la boutique Rahissi (21 boulevard Chappo) et à la Somalivre (route principale) à Koungou ; à Sada Papèterie et Foto (quartier Mkafeni) à Sada, à Agora Market (Les hauts des jardins du collège), Habari Presse (Shopi, 4 place mariage), la maison de la presse (24 place mariage) et à STOI (13 place Mariage) à Mamoudzou. Les bureaux de postes d'Acoua, Bandrélé, Bouéni, Chiconi, Koungou, M'tsangamouji, Pamandzi et Passamainty assurent également la vente de timbres fiscaux du lundi au vendredi.

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MAYOTTE ET MOI

Houdah Madjid

FRANÇOIS PERRIN

UN DES VÉTÉRANS DE MAY

FRANÇOIS PERRIN A VÉCU À MAYOTTE DE 1995 À 2014. IL A VU LE TERRITOIRE SE TRANSFORMER ET A ASSISTÉ À CHACUN DE SES CHANGEMENTS. CELUI QUI N'A CESSÉ DE PHOTOGRAPHIER L'ÎLE AUX PARFUMS REGORGE DE SOUVENIRS QU'IL PARTAGE DANS MAYOTTE ET MOI. DE SADA À MAMOUDZOU EN PASSANT PAR CHICONI, IL CONNAÎT LES MOINDRES RECOINS DE MAYOTTE, CEUX D' AVANT MAIS AUSSI CEUX D'AUJOURD'HUI. François Perrin ne dit plus "la brousse" mais "zone rurale", car "même dans les villages les plus [reculés] on trouve des maisons en dur". Le voyageur foule le sol mahorais pour la première fois en mai 1981. Il s'en souviendra toute sa vie. Et pour cause : il a passé sa première nuit sur un tas de sable, rue du commerce, à Mamoudzou. Le baroudeur débarque à Mayotte pour "découvrir l'île". Un vrai touriste, comme ils se font rares aujourd'hui. Nous nous interrogeons : comment a-t-il connu Mayotte ? "En mai 1981, j'étais en vacances à La Réunion. Une copine me propose de partir quelques jours à Maurice. Et puis, "il y a un endroit qui est vraiment bien, c'est Mayotte", me dit-elle après réflexion". François Perrin connaissait Mayotte de renommée pour avoir suivi les évènements politiques de l'époque et "son histoire surtout". Pour se rendre sur l'île voisine, "c'était un peu compliqué". À bord d'un avion de type HS 748, dont il a encore la photo, il fallait être quatre pour pouvoir bénéficier d'un prix avantageux. "Coup de tampon sur le passeport" et quatre heures de vol plus tard, les voilà à Mayotte. "En arrivant, il n'y avait aucun hébergement. Ma première nuit je l'ai passée rue du commerce, à proximité de ce qui est aujourd'hui Shopi". Ensuite, les deux voyageurs sont hébergés à Sada dans une famille mahoraise. En une semaine, ils visitent Chiconi, N'gouja et font un "petit tour" car ce n'était pas aussi simple qu'aujourd'hui, "il n'y avait pas de routes". "J'avais flashé sur Mayotte", confie François Perrin. Ce dernier revient en septembre de la même année, puis de plus en plus régulièrement. Mayotte devient une obsession. Ses études d'économie, de commerce international et son expérience d'une vingtaine d'années au sein de la société américaine, Miel Sen, le mènent naturellement à Mayotte. "L'envie du large et le fait de connaître déjà un peu l'île" l'a poussé à saisir l'opportunité professionnelle qui s'offrait à lui. François Perrin regagne Mayotte pour s'y établir en 1995. D'abord à la préfecture, au service économique, au Comité du tourisme, au Conseil général, puis la Chambre de commerce qui venait tout juste de se

créer, de 2006 jusqu'à 2014, date de sa retraite. En tout et pour tout, François Perrin aura passé près de vingt ans de sa vie sur l'île aux parfums. Vingt années au service du développement du territoire, à découvrir et à se familiariser avec la culture locale qu'il affectionne tant.

"J'ai pleuré en quittant l'île" "Je connaissais l'Afrique déjà", explique François Perrin qui recense une dizaine de pays à son carnet de voyage : l'Afrique du Sud, le Mali, la Côte d'Ivoire, le Mozambique, le Kenya, l'Egypte, Madagascar, Maurice, la liste est encore longue. Des pérégrinations qui lui rappelleront Mayotte. En arrivant, se souvient-il, il n'y avait pas de maisons en dur ici, tout était en torchis. "C'était étonnant. J'étais dans un autre monde. Les gens ne portaient pas tous de chaussures. Je me rappelle avoir vu des gens en pagne. On n'était pas très loin de l'Afrique", décrit le voyageur."J'ai vu l'évolution de Mayotte", ajoutant "aussi bien politique que social et économique. Tout ce qui fait Mayotte aujourd'hui". Si le Mayotte d'avant lui manque, le voyageur de 70 ans reconnaît que l'urbanisation était nécessaire. "Il fallait une ville capitale, Mamoudzou, qui, à mon avis, a atteint sa dimension maximum maintenant", explique François Perrin qui fait notamment référence aux embouteillages dû à un fait : toutes les administrations sont concentrées dans le chef-lieu. "Tous les projets de désengorgement, les plans de circulation, c'est ce qui est navrant d'ailleurs, n'ont pas abouti", déplore-t-il. Durant toutes ses années, François Perrin a pris le temps de capturer des moments précieux, des lieux insolites et des paysages anciens qui constituent aujourd'hui des archives de Mayotte. "Mayotte c'est ma deuxième patrie, j'ai pleuré en quittant l'île", confie-t-il, aujourd'hui établi dans l'Allier (03). "J'y reviendrai tant que je le pourrais physiquement et financièrement". Son prochain retour est programmé en octobre prochain. n

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YOTTE

François Perrin en 1999, sur la piste de Combani

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MAYOTTE ET MOI

FRANÇOIS PERRIN

MON ENDROIT FAVORI "Sada bien sûr. À chaque fois que je revenais à Mayotte, quand je n'y habitais pas, j'étais à Sada. Je rayonnais à partir de Sada. Tous mes copains étaient Sadois. J'en reçois d'ailleurs un la semaine prochaine. Sada est mon endroit de cœur. Le nord me plaît beaucoup aussi pour la beauté de ses paysages et la sympathie des gens. Les Mahorais sont gentils de nature. J'aime beaucoup la région de M'tsamboro".

MON MEILLEUR SOUVENIR À MAYOTTE "J'en ai beaucoup. La départementalisation, le jour de la venue de Sarkozy. C'était un moment fort. J'ai des souvenirs musicaux aussi, je me rappelle la venue de l'artiste Ismael Lo en Petite-Terre. De mon arrivée à Mayotte, des rencontres faites au fil du temps avec des gens étonnants comme Mchangama, un monsieur fascinant qui était un spécialiste des plantes ou encore le président Bamana. Beaucoup de souvenirs reviennent dans ma tête".

MON ŒUVRE PRÉFÉRÉE "De Gaulle de Jean Lacouture. C'est un livre de chevet. J'y prends de l'inspiration, tout est à prendre. C'est vraiment mon œuvre préférée, elle date de septembre 1984. Il y a trois tomes, je les conseille à tout le monde de les lire. Ça fait aussi partie de l'histoire de France".

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MA PHOTO MARQUANTE "Mon arrivée à Mayotte le 14 mai 1981. Sur la photo on voit le bâtiment de l'aérogare lors de ma première venue. Quatre heures de vol à bord du HS 748 de Réunion Air Service. Moins d'une dizaine de passagers dans l'avion et obligation d'avoir le vol retour. Une autre époque !".

MA BONNE IDÉE POUR MAYOTTE

"L'aménagement du front de mer me semble indispensable car vitrine, il participera au développement touristique de Mayotte et à l'embellissement de Mamoudzou. Aussi, la coopération régionale est essentielle. Sans elle, le développement de Mayotte ne peut pas être harmonieux tant les liens inter-îles sont importants".

UN NOUVEL ENCYCLO GUIDE SUR MADAGASCAR Avant l'Encyclo guide de Madagascar*, François Perrin en a proposé un premier sur Mayotte en 2003 et un autre sur les Comores publié un an plus tard aux éditions Orphie. Le petit dernier, l'Encylo guide de Madagascar a vu le jour en début d'année. L'ouvrage de 424 pages proposent 2 400 photos et schémas relatives à la Grande île. "Tout ce que j'ai écris, je l'ai vu ou vécu", souligne François Perrin qui connaît Madagascar depuis 35 ans. Le livre a été présenté aux derniers Salons du livre de Paris et de Madagascar où il a d'ailleurs rencontré un franc succès. *Disponible sur internet

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LE DOSSIER

SEXUALITÉ DES JEUNES

QUAND LES LANG Fini le temps des amours discrets et des baisers volés dans la brousse : la jeunesse mahoraise a entamé sa marche pour une (r)évolution sexuelle. Non seulement elle s'expose de plus en plus en public, bien loin de la pudeur sentimentale des anciens, mais elle n'hésite plus non plus à transgresser les règles traditionnelles. Ainsi, les rapports intimes n'attendent plus l'heure du mariage et la découverte de son propre corps se fait dans une liberté, sinon totale, au moins assumée. Cette semaine, Mayotte Hebdo a décidé de regarder à travers le trou de la serrure afin de comprendre quels étaient les nouveaux codes sexuels de la jeunesse mahoraise.


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GUES SE DÉLIENT

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LE DOSSIER

Solène Peillard

TRADITIONS

VERS UNE (R)ÉVOLUTION SEXUELLE MAHORAISE ? TIRAILLÉES ENTRE LA TRADITION LOCALE ET UNE "GLOBALISATION CULTURELLE", LES NOUVELLES GÉNÉRATIONS MAHORAISES JOUISSENT DE LEUR SEXUALITÉ PLUS LIBREMENT QUE LES ANCIENS EN LEUR TEMPS. PETIT À PETIT, LA PAROLE ET LES MŒURS SE LIBÈRENT AUTOUR DE PRATIQUES JUSQU'À ALORS MAL PERÇUES DANS LA VIE SOCIALE ET FAMILIALE. "L’honneur de la famille est dans la vertu des femmes", écrivait en 1996 l'anthropologue Sophie Blanchy à propos de la société mahoraise dans un de ses ouvrages. Selon les mœurs traditionnelles, seul le mariage associé à la maternité peut conférer à la jeune fille un statut d'adulte, souvent avant 20 ou 22 ans. Mais progressivement, les codes changent et les jeunes mahorais s'émancipent du carcan conventionnel : localement, la proportion de femmes mariées entre 14 et 25 ans est passée de 55 % en 1978 à 38 % en 1997, estimait alors l'Insee. En 2007, seuls 1 % des ménages officiellement déclarés étaient constitués par des époux de moins de 20 ans.

Puis, au début des années 2010, les Mahorais voient leur accès à Internet se généraliser, pendant qu'au sein des foyers arrive la TNT et ses premières chaînes pornographiques. Jusqu'alors, le cercle familial, sous l'égide de la religion, dictait dans la plupart des cas les règles de conduite à suivre en matière de vie amoureuse ou sexuelle. Les parents les plus traditionnels occultent même la question, estimant que leur enfant n'a pas à entretenir de relations, quelles qu'elles soient , avant son mariage. Mais ces nouveaux canaux numériques permettent aux jeunes contemporains de s'ouvrir vers l'extérieur et de rompre avec le modèle traditionnel. "Les transformations

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technologiques font entrer Mayotte de plain-pied dans la globalisation culturelle", établit une étude locale réalisée en 2013 par la sociologue Françoise Guillemaut. Petit à petit, les rencontres se font de moins en moins lors de manzaraka et autres évènements culturels comme le voulait la tradition. Désormais, l'amour se cherche sur Internet, et hasard ou pas, les Mahorais en consommaient le double d'un métropolitain en 2012. Aujourd'hui, le site de rencontres Badoo, particulièrement prisé des coureurs d'un soir, affiche plusieurs milliers de profils mahorais. Sur Facebook, les supports dédiés fleurissent. Le groupe "Rencontre amoureuse et amicale entre jeunes de Mayotte" compte déjà plus de 1 000 membres, un an après sa création. Son but ? Aider "les célibataires qui cherchent leur âme sœur" à "trouver [leur moitié]", en un "like" ou un

message. Une autre page, "Parlons d'amour entre Mahorais-e", propose cette fois à ses quelque 32 000 abonnés d'exposer anonymement leurs problèmes de couple afin que chacun puisse recueillir les plus ou moins bons conseils de la communauté. Pour la première fois, Internet offre un espace de parole totalement libérée, brisant le tabou autour des relations amoureuses et sexuelles souvent entretenu par les familles. Chez les nouvelles générations, les langues se délient, les mœurs aussi.

VIRGINITÉ ET MULTIPARTENARIAT "La rupture générationnelle des moins de 25 ans avec leurs aînés (éducation plus normée par la tradition, ndlr) est particulièrement marquée, non pas en termes de pratiques à proprement parler, mais en termes

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d’expression de soi", déroule encore l'étude de la sociologue Françoise Guillemaut. "Des pratiques qui existent déjà depuis X temps sont aujourd'hui mieux assumées", observe également Saïd Mohamadi, responsable du dispositif relais santé de l'association des étudiants du centre universitaire de Mayotte (AECUM). Régulièrement, ce petit groupe organise des café-débats entre jeunes, dont le dernier en date portait sur les relations multipartenariales. Si la polygamie est proscrite à Mayotte depuis une petite décennie, sa version pré-maritale reste encore "assez courante chez les hommes comme chez les femmes", "surtout entre 25 et 30 ans", estime le représentant de l'association. "C'est en partie dû au fait que beaucoup ont grandi avec un père qui avait lui-même plusieurs femmes",

envisage Saïd Mohamadi. Mais alors que les anciens comportements se perpétuent, d'autres changements sociaux viennent dans le même temps perturber la tradition. "Les jeunes Mahoraises font de plus en plus d'études longues et aspirent, par conséquent, à se marier plus tard", note encore le porte-voix de l'AECUM. Exit donc le schéma classique selon lequel la majorité à peine atteinte, la jeune femme devait rapidement célébrer son manzaraka et assurer une descendance à son promis. Le recul de l'âge moyen de la première grossesse chez les Mahoraises en atteste : estimé à 21 ans entre 1985 et 1990, il passe à 26 ans en 2004, puis à presque 28 ans en 2010. Pour autant, grossesse tardive

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LES JEUNES ET LA PROSTITUTION

ne signifie pas sexualité tardive, puisque l'âge médian du premier rapport sexuel à Mayotte, lui, se situe toujours entre 15 et 17 ans. Une donnée à nuancer toutefois : 104 collégiennes et 80 lycéennes ont déclaré une grossesse entre septembre 2011 et mars 2012 selon le vice-rectorat, qui précise également que la majorité d'entre elles étaient mariées devant le cadi. "La question de la virginité avant le mariage est aujourd'hui moins importante qu'il y a cinq ans", observe encore Saïd Mohamadi, de l'association des étudiants du centre universitaire. "Avant, on forçait une jeune fille à se marier dès qu'on la soupçonnait d'être un peu volage". Mais désormais, de plus en plus de familles acceptent de célébrer l'union de leur fille en sachant qu'elle n'a pas attendu la outsamiya, ou nuit de noces, pour perdre son pucelage. "Les mères aspirent toujours à avoir leur grand manzaraka, donc elles sont moins regardantes quant à la virginité", imagine Saïd Mohamadi. Pour autant, certaines familles mahoraises sont, aujourd'hui encore, prêtes à assumer une dot de 15 ou 20 000 euros pour une future belle-fille vierge.

"Les échanges économico-sexuels (à distinguer de la prostitution "de rue," ndlr) concernent probablement au moins la moitié des personnes de plus de 15/17 ans à Mayotte", dévoilait en 2013 une étude portant sur la prostitution et la prévention du VIH à Mayotte, réalisée par la sociologue Françoise Guillemaut. Six ans plus tard, le phénomène serait "de plus en plus banalisé", observe Djamael Djalalaine, directeur de l'association pour la condition féminine et aide aux victimes (Acfav). Selon plusieurs structures locales, certaines jeunes filles issues de familles clandestines ou très précaires monnaieraient, parfois dès 12 ans leurs faveurs sexuelles contre 20 euros, un sac de riz ou une reconnaissance de paternité (lire Mayotte Hebdo n°879). Parallèlement, "entre 14 et 25 ans, beaucoup de jeunes filles se prostituent pour s'acheter des habits, du parfum, des ordinateurs, etc.", relève encore Djamael Djalalaine. Poussées à la fois par la société de consommation et par la jalousie qui habite les cours de récréation, "Certaines sont prêtes à tout pour un smartphone !" Un constat partagé par Moinaecha Noera Mohamed, déléguée régionale aux droits des femmes qui le remarque aussi : "C'est un phénomène dont on entend beaucoup parler depuis plusieurs années."

LIBERTÉ DE JOUIR Cependant, "la femme est de plus en plus libre", se réjouissait Myriam Cassim, Miss Prestige Mayotte 2018, interrogée quelques mois plus tôt. "Elle a le monopole sur son corps et ses envies". À tel point qu'aujourd'hui, l'épanouissement sexuel lui-même n'est plus tout à fait un tabou à Mayotte. "Avant, comme le sujet de la sexualité était tu, les frustrations n'étaient pas exprimées, même au sein du couple !", commente Bacar Achiraf, auteur du livre Les mœurs sexuelles à Mayotte. Sorti en 2005, l'ouvrage faisait déjà état d'un changement global de mentalité sur la question de l'intimité. "Aujourd'hui, si une femme estime qu'elle ne s'épanouit pas sexuellement, elle peut en parler autour d'elle et peut par d'autres biais trouver une solution pour qu'elle aussi accède au plaisir", témoigne l'écrivain mahorais. "À l'époque, l'épanouissement sexuel était réservé aux hommes, et la femme devait le satisfaire", réagit à son tour Mlaili Condro, linguiste et sémioticien qui travaille actuellement sur le corps de la femme et la sexualité traditionnelle. "Aujourd'hui, il y a différentes pratiques sexuelles qui sont réservées à leur plaisir, comme "la serpillère" (le cunnilingus, ndlr) par exemple". La tradition mahoraise et ses codes moraux seraient-ils en train de laisser une place à l'hédonisme ?

L'INCOMPRÉHENSION DE CERTAINES TRADITIONS Si les comportements sexuels s'émancipent peu à peu du cadre traditionnel, certains us et coutumes mahorais ont encore la vie dure. À l'heure où nombre de familles font toujours de la sexualité un tabou, estimant que leur enfant doit rester vierge jusqu'au mariage, beaucoup de jeunes se demandent comment composer avec les traditions locales. Linda Brenou, infirmière scolaire au lycée Bamana de Mamoudzou, est régulièrement sollicitée par des étudiantes à propos de la outsamiya, ou nuit de noces. La tradition du drap tâchée, notamment, préoccupe particulièrement les jeunes filles : "Les élèves ont une grande méconnaissance de leurs corps et s'interrogent beaucoup sur l'hymen et son possible saignement", dévoile l'infirmière. Son attention s'est également portée sur l'hygiène intime de ces élèves : certaines utilisent des mélanges d'épices pour se nettoyer le vagin et le parfumer d'une délicate odeur, en vue d'avoir un rapport sexuel. Or ce mélange peut devenir dangereux pour la flore intime, lorsque les jeunes femmes ajoutent à leur mélange des ingrédients trop agressifs, comme le gingembre notamment. D'autres iraient même jusqu'à positionner leurs parties intimes au-dessus d'un feu afin de les "assécher", ce qui peut, là encore, représenter des risques sanitaires.


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Laureline Pinjon

SANTÉ SEXUELLE

MAYOTTE, UN TERRITOIRE À SURVEILLER L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS) DÉFINIT LA SANTÉ SEXUELLE COMME ÉTANT UN "ÉTAT DE BIEN-ÊTRE PHYSIQUE, MENTAL ET SOCIAL DANS LE DOMAINE DE LA SEXUALITÉ." ELLE REQUIERT UNE APPROCHE POSITIVE ET RESPECTUEUSE ET LA POSSIBILITÉ D’AVOIR DES EXPÉRIENCES SEXUELLES QUI SOIENT "SOURCES DE PLAISIR ET SANS RISQUE, LIBRES DE TOUTE COERCITION, DISCRIMINATION OU VIOLENCE." QU’EN EST-IL CHEZ LA JEUNESSE MAHORAISE ?

L'état de la santé sexuelle de la jeunesse mahoraise n'est pas alarmant selon les professionnels : un constat plutôt rassurant, mais qui ne doit pas masquer le contexte dans lequel se situe l'île et qui fait d'elle un territoire à surveiller, soulignent également les spécialistes. Moncef Mouhoudhoire, directeur de l’association Nariké M’sada, qui lutte contre le VIH, ne parle pas de "la jeunesse mahoraise», mais des "60% de la population mahoraise", rappelant ainsi la large part que représentent ces jeunes dans la démographie de l'île. "Si ce taux augmente, l’activité sexuelle augmente forcément. Ça va plutôt de soi. Qui dit jeunesse, dit rapports sexuels !" Un constat identique à celui d'Anne Barbail, docteure à l'Agence régionale de santé (ARS) : une "configuration multi-partenariale, avec des partenaires occasionnels" dans la vie sexuelle des jeunes habitants de Mayotte qui est vecteur de risques.

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Outre le multi-partenariat, la prostitution et les échanges économico-sexuels inquiètent également. Santé sexuelle et addictologie sont également liées de très près. "On est beaucoup moins vigilants dans nos rapports sexuels sous l’effet d’un quelconque produit. On fait des choses qu’on ne fait pas en pleine possession de nos facultés", précise le directeur de Nariké M’sada. Si le VIH a une file active – c'est-à-dire le nombre de personnes prises en charge dans une structure – qui s’élève qu'à 270 patients à Mayotte, chaque année une trentaine de nouveaux cas apparaissent. Des chiffres demandant une vigilance particulière, d'autant que le continent africain, à quelque 500 km à l'est, enregistre des taux très forts de prévalence du VIH, et que Madagascar, à l'ouest, est connu pour son tourisme sexuel.

UNE SEXUALITÉ À PROTÉGER L'attention des acteurs de la santé sexuelle se porte notamment sur le manque de protection des jeunes. Omar Mohammadi, de l'association de prévention de la santé sexuelle Fahamou Maecha, parle d'une "jeunesse bouillonnante et qui bouillonne également en prise de risques". Son confrère de Nariké M'sada s'interroge : "Si on constate un manque de protection, il faut se poser les bonnes questions. Pourquoi les jeunes ne se protègent pas ?" Il répond de suite à sa question en pointant du doigt l'accessibilité, encore difficile, aux préservatifs. Sur l’île, on dénombre seulement une vingtaine de pharmacies et quelques supermarchés proposant des préservatifs en vente. "En sachant que cette pharmacie peut se trouver dans sa commune, mais aussi dans un autre village, cela demande d’avoir les moyens de payer un taxi en plus d'acheter un préservatif. Ou alors il faut être sacrément motivé pour faire plusieurs kilomètres à pieds pour se procurer ce préservatif", commente-t-il. Pour remédier à ce manque d'accessibilité, des distributions gratuites ont vu le jour. En 2015, on estime que 80 000 préservatifs ont été distribués par l’Instance régionale d'éducation et de promotion de la santé (Ireps) et 250 000 par le Centre hospitalier de Mayotte (CHM). L’année dernière ont par ailleurs été mis en place cinq distributeurs de préservatifs sur l'île. "Un moyen peu coûteux, anonyme et disponible 24h/24", souligne la docteure Anne Barbail. Omar Mohammadi et son association, Fahamou Maecha, en sont à l'origine. "On propose des boîtes de cinq préservatifs à 0,50€. C’est peu cher et ça marche. La preuve : les distributeurs sont souvent à sec." Pour lui, ce premier pas est à continuer : "Des distributeurs devraient être présents dans tous les quartiers. À Mamoudzou, il en faudrait minimum une soixantaine !"

"UNE FRÉQUENTATION EXTRÊME DE LA CONTRACEPTION D’URGENCE" Si le préservatif protège des infections sexuellement transmissibles (IST), il est également un moyen de contraception. La santé sexuelle évoque la liberté de tous de disposer de son corps, et donc aussi de choisir ou non la maternité. L’ARS veut rendre cet accès à la contraception le plus facile possible, afin que "tout le monde ait le choix". Les 21 points de consultation de la Protection maternelle et infantile (PMI) jouent en ce sens un rôle considérable, ils assurent un accès gratuit à la contraception sur l’ensemble du territoire. "Les contraceptifs oraux restent les moyens de contraception les plus rependus sur l’île", atteste Anne Barbail. Derrière la pilule, qui représente 50% de la contraception à Mayotte, viennent les implants. En 2015, on estime à 3 000 le nombre d'implants utilisés. Le stérilet, lui, reste marginal. La docteure souligne cependant "une fréquentation extrême de la contraception d’urgence, chez les mineures en particulier." En 2015, les pharmacies d’officine avaient délivré environ 6 000 pilules du lendemain. À Mayotte, 1 500 Interruptions volontaires de grossesse (IVG) sont réalisées chaque année. À défaut de contraception, les jeunes Mahoraises y ont recours de manière assez importante : pour 1 000 femmes âgées de 15 à 17 ans, 23 IVG sont réalisées. Un taux relativement élevé comparé à celui de la métropole qui comptabilise une moyenne de 6,7. Selon une enquête réalisée par l’Observatoire régional de la santé (ORS), 5,2% des accouchements concernaient des mères mineures sur la période 2010-2012. Soit 350 femmes, dont 50 d'entre elles avaient moins de 15 ans.

UN DIALOGUE MANQUANT En amont de la protection ou de la contraception, ce sont les questions de prévention et la sensibilisation qui sont en jeu. Si la métropole a été submergée par des campagnes de prévention, le 101ème département en manque. D’après une enquête réalisée dans des lycées et au Centre universitaire de formation et de recherche (CUFR) de Mayotte, 48% des sondés n’avaient jamais eu connaissance de campagnes de prévention contre les IST. Près de la moitié des 270 jeunes interrogés n'avaient pas connaissance des lieux de dépistage à Mayotte. Au sein des foyers mahorais, le dialogue sur la sexualité est manquant. "Parents et enfants cohabitent sous le même toit, mais sont sur deux planètes différentes", commente Moncef Mouhoudhoire. "Les parents suivent encore le

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modèle traditionnel, alors que leurs enfants sont davantage dans le modèle occidental. Ils essaient de se comprendre, mais c'est dur." Saïd Adine Mohamadi est responsable du dispositif Étudiants relais santé (ERS) et a la charge des actions de santé de l'association des étudiants du CUFR de Mayotte. Il constate que les jeunes ont justement besoin d'espace où ils peuvent échanger sur la sexualité. "À domicile, ça reste un sujet épineux. Souvent, les seuls interlocuteurs familiaux avec qui les jeunes sont assez proches pour parler sexualité,

ce sont leurs grands-parents." Suite à ce constat, une cellule d’écoute a justement vu le jour à la faculté. Les étudiants peuvent venir parler librement à une psychologue des problématiques diverses qu’ils rencontrent. Et 65% de ces problématiques concernent la santé sexuelle, selon Saïd. Toujours au centre universitaire, l'Associations des étudiants du centre universitaire de Mayotte (l’AECUM) organise des cafés-débats sur la thématique de la santé sexuelle. Ces rencontres, coanimées par des étudiants et des professionnels, invitent les étudiants à

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ses échanges avec les élèves une grande méconnaissance de la santé sexuelle, voire du corps de manière générale, et surtout le besoin d'en parler.

LA PORNOGRAPHIE COMME ÉDUCATEUR SEXUEL En l'absence d'un dialogue pédagogique et informatif sur la sexualité, c'est la télévision et Internet qui prennent le relai. En particulier la pornographie, qui a des conséquences plutôt négatives. Moncef Mouhoudoire de Narike M'sada constate que la cyber sexualité est devenue un modèle de référence chez les jeunes. Durant ses interventions en milieux scolaires, il s'aperçoit que pour de nombreux jeunes hommes, la sexualité rime avec violence. "Dans leur imaginaire, les rapports sexuels doivent faire mal afin que leurs partenaires féminines aient du plaisir." Anne Barbail, docteure sur la santé sexuelle à l’ARS, fait le même constat : "La pornographie donne aux jeunes un modèle de sexualité où la recherche de performance ou la violence sont normatives." Un phénomène qui n’est pas forcément propre à Mayotte. Selon une étude nationale de l'Institut français d'opinion publique (Ifop), 48% des garçons sondés, âgés de 15 à 17 ans, pensent que les films ou vidéos pornographiques qu’ils ont vus ont participé à l’apprentissage de leur sexualité. Dans cette même étude, 18% des femmes et 12% des hommes interrogés déclarent que la pornographie a influencé leur sexualité de façon plutôt négative. À Mayotte, selon Moncef Mouhoudhoire, la sexualité a beaucoup changé depuis l'arrivée de la télévision satellite. La population mahoraise est passée d'une chaîne unique à un panel de plus de 100 chaînes. Avec elles, la première chaîne pornographique. "Une violente ouverture au monde", selon lui. Internet à haut à débit et les smartphones ont aussi apporté leurs pierres à l'édifice, rendant les contenus pornographiques accessibles à tous, gratuitement et de partout.

ENQUÊTE EN COURS dialoguer sans tabou. Les dernières en date concernaient le multi-partenariat et la polygamie. Linda Brenon, infirmière scolaire dans un lycée de Mamoudzou, endosse le rôle de "confident". Comme ses collègues, elle est la professionnelle de santé la plus proche des jeunes. "On sent qu'une relation de confiance se tisse entre nous et les élèves au fils des mois. Les élèves savent qu'avec nous ils peuvent parler de tout, sans être jugés", témoigne-telle. Si beaucoup de garçons viennent à l'infirmerie pour avoir des préservatifs, les filles viennent davantage pour poser des questions. Lorsque l'une d'entre elles tombe enceinte, ou constate un retard de règles, l'infirmière est souvent la première personne prévenue. Linda dégage de

Le 101ème département français souffre du manque de données chiffrées sur son territoire. Omar Mohammadi, de l’association Fahamou Maecha, le constate au quotidien : "On manque de données pour mieux orienter nos actions, pour mieux les cibler. Il faut créer un réseau d’information." Un manque qui ne devrait pas tarder à être pallié grâce à une enquête en cours, nommée "Unono We Maore". Supervisée par Santé publique France (Spf), elle devrait sonder plus de 3 000 personnes afin de photographier les comportements de santé de la population mahoraise. Lancée en novembre 2018, l'enquête doit fournir ses résultats pour fin 2019. Une estimation de la prévalence de certaines maladies comme l’infection au VIH ou encore les IST devraient alors voir le jour.


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Gregoire Mérot

HOMOSEXUALITÉ

SOIS GAY, MAIS TAIS-TOI À MAYOTTE, LES RÈGLES VIENNENT DE TOUTES PARTS : DE L'ÉTAT, DES COUTUMES, DE LA RELIGION, DE LA FAMILLE ET DES COMMUNAUTÉS. MAIS LORSQUE L'ON EST HOMOSEXUEL SUR L'ÎLE AUX PARFUMS, C'EST LA LOI DU SILENCE QUI PRIME.

Si on l'est, on se tait. Si on le sait, on le tait. Tabou ou omerta, bien des mots existent pour dire ce qu'on ne dit pas. Ici comme ailleurs, pourtant, l'homosexualité est vieille comme les hommes. Subtilement, à pas de loups, un chemin s'est ainsi ouvert pour la vivre. Un fil plutôt, entre vie privée et groupe social, sur lequel les hommes qui aiment les hommes et les femmes qui aiment les femmes marchent prudemment. Comme des funambules. "La norme, de toute façon, c'est de ne pas en parler. On peut être gay si on reste discret. Ça ne marche plus quand c'est assumé, si on ne se plie pas à la norme sociale, c'est l'apostat", lâche tout de go Rémi Rozié, journaliste et documentariste pendant de longues années sur l'archipel. Faute de temps, il n'a pu mener à bien son projet de documentaire sur les homosexuels à Mayotte. Mais analyse bien volontiers les témoignages qu'il a pu récolter. "Dans les villages, tout se sait et c'est finalement bien accepté, pourvu que l'on accepte les règles", explique-t-il.

UN BOUCLIER NOMMÉ FAMILLE Des règles au premier rang desquelles se situent le sacro-saint mariage et la filiation.

Peu importe l'orientation sexuelle donc, pourvu que l'on reproduise le modèle de famille traditionnelle. La situation est encore plus paradoxale et complexe pour les femmes. "On est dans une société de type matriarcale, mais ça ne veut pas dire que c'est la femme qui est au centre. C'est la mère. Le poids social est donc beaucoup plus dur pour elles et il y a peu de marges de manœuvre pour assumer leur homosexualité, le rejet peut être très dur si elles ne se marient pas et n'ont pas d'enfants ", détaille le documentariste. Les codes traditionnels apposés au mariage ne sont pas à un paradoxe près. La virginité de la femme reste ainsi une règle bien ancrée. Pourtant, les filles et les garçons sont très vite séparés durant leur enfance et grandissent chacun de leur côté. Ce qui pourrait, selon lui, impliquer que les premières expériences sexuelles soient souvent homosexuelles. Chez les filles comme chez les garçons. "Attention cependant, cela est bien vécu comme une expérience et non une orientation sexuelle. Après, la pression sociale fait son travail et l'on s'affiche hétérosexuel", rappelle Rémi Rozié. Le même jeu de dupes se poursuit à l'âge adulte, et on ne stigmatisera pas une personne en fonction du sexe de ses

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partenaires. Pourvu qu'elle se soit constituée son bouclier nommé famille.

PAS DE PLACE DANS L'ESPACE PUBLIC À ce titre donc, difficile de parler d'une société homophobe. Les chiffres en témoignent : on ne signale quasiment jamais d'actes discriminatoires envers les gays et lesbiennes. Tout simplement car, quelque part, ils n'existent pas dans l'espace public. Mais "attention à ne pas trop porter un regard mzungu sur le sujet", rappelle le réalisateur. Et chez les homosexuels mahorais eux-mêmes, les regards divergent. Si nombre d'entre eux acceptent ce compromis entre tradition et vie privée, d'autres ont plus de mal à accepter qu'on leur refuse une place à part entière dans la société. Et dans ce cas, le choix est cruellement binaire. Au ban de la société, soit on souffre, soit on part. Dans les témoignages recueillis, il s'agit régulièrement d'un élément déclencheur pour les jeunes gays et lesbiennes qui décident d'aller faire leur nid sur d'autres contrées. Pour d'autres, le sort décide à leur place. Issa*, lui, explique "ne pas avoir les moyens d'aller faire [sa] vie ailleurs".

TROUVER LA VOIX Alors, le jeune homme, encore au lycée, considère n'avoir d'autres choix que de se battre pour trouver sa place dans une société qui ne lui en laisse pas. Si sa famille "a finalement

accepté [son] homosexualité, c'est parce qu'elle est un peu plus moderne que les autres. Ça a quand même été très compliqué et ma mère ne m'a plus parlé pendant longtemps. Pour les autres jeunes qui voudraient s'assumer, c'est encore beaucoup plus compliqué alors ils font le dos rond", lâche-t-il avec dépit. Rares sont les jeunes homosexuels qui, comme lui, décident qu'ils "ne se marieront pas pour la façade." Et le mariage gay ? "Je n'ose même pas y penser!", pousse Issa dans un éclat de rire. Un rire jaune dira-t-on. "Non, non… Je ne pourrai pas faire ça, ça ne passerait pas", poursuit-il, taciturne. Alors, le jeune homme occupe le peu d'espace qui lui semble disponible. Et tente, notamment à travers Facebook, de faire entendre la voix des homosexuels sur l'Ile. Un combat "perdu d'avance", déplore-t-il, faute de structures ou de volontés venant des premiers concernés eux-mêmes. Car ici, pas de communauté LGBT et encore moins d'associations. "C'est pourtant indispensable, les jeunes sont très durs entre eux à ce sujet, témoigne le lycéen, on a même souvent l'impression qu'il s'agit de frustration, de refoulement. Il faudrait que la parole puisse se libérer. Mais ça ne veut pas dire tout envoyer péter, j'aime mon île et je respecte ses traditions, mais il faut trouver un équilibre", tempère Issa. Comme un funambule. *Le nom a été changé

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Ibrahim Ahmed

ROZETTE YSSOUF, PSYCHOLOGUE

"LES JEUNES S'AUTORISENT PLUS D'EXPÉRIENCES SEXUELLES"

ELLE EST DÉSORMAIS LOINTAINE L'ÉPOQUE DU BANGA, OU LE JEUNE HOMME DÉCOUVRAIT SA SEXUALITÉ ET OÙ IL INVITAIT PUDIQUEMENT, PARFOIS, UNE FUTURE COMPAGNE. DÉSORMAIS, LES PRATIQUES SEXUELLES SE LIBÈRENT ET LES TABOUS NE SONT QUE DE FAÇADE. ENTRETIEN AVEC LA PSYCHOLOGUE ROZETTE YSSOUF, SPÉCIALISTE DES QUESTIONS LIÉES À LA JEUNESSE MAHORAISE.

Rozette Yssouf

Mayotte Hebdo : Quels sont les codes et les mœurs qu'adopte aujourd'hui la jeunesse mahoraise en ce qui concerne la sexualité ? Rozette Yssouf : La société mahoraise érige un cadre codifié en ce qui concerne la sexualité. Ce qui reste encore de nos jours, c'est le grand mystère sur la chose sexuelle et beaucoup de nondits. Si, paradoxalement, les aînés, les personnes âgées – surtout les cocos – parlent de sexe de manière naturelle en mêlant plaisanterie et humour noir sans que cela ne choque personne, le silence et la pudeur restent de rigueur dans le contexte mahorais. On se montre discret même quand on est marié. On évite le plus possible les gestes affectueux envers son ou

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sa partenaire, on ne montre pas en public de démonstrations affectives comme des bisous, des baisers, des câlins, de la tendresse, des caresses, etc. La sexualité du couple est censée rester secrète, elle leur appartient et fait partie de leur intimité. Les couples dits "interdits" car ils sont hors mariage ou se voient de manière clandestine, doivent rester très vigilants, prudents et surtout discrets sur leurs relations illégitimes. Ils ne doivent surtout pas vivre en couple dans le même logement avant de légaliser, au moins religieusement, leur union. Mais cette règle n'a plus lieu d'être ailleurs. Les jeunes n'hésitent pas, en effet, à vivre pleinement leur amour hors Mayotte, quitte à prendre le même appartement et à s'investir dans une vie à deux comme les Occidentaux, sans peur de jugement ou d'être mal vus puisqu’ils vivent dans une société plus permissive où s'embrasser et se tenir la main est monnaie courante. MH : Il y a donc à l'extérieur une évolution des mœurs chez la jeunesse mahoraise ? RY : Les jeunes mahorais s'adaptent à leur contexte de vie tout en s'imprégnant de ce qui existe ailleurs, avec des référentiels comme les télénovelas et autres séries télévisées, les films d’Hollywood, etc. De ce fait, à Mayotte, certains tentent de respecter les us et coutumes, de respecter les traditions et de garder une certaine pudeur pour ne pas véhiculer une mauvaise image d’eux à la société ; et d'autres se rebellent. Ils s'opposent à la culture et osent l'émancipation sexuelle jusqu'à, parfois, avoir des amants ou maîtresses, participer à des orgies, se filmer en faisant l'amour, collectionner les partenaires sexuels, ou même faire un mariage religieux pour obtenir un rapport sexuel avant de se désengager complètement de la relation, ce que l'on appelle les mariages de complaisance. Ils veulent contrôler leur vie et non plus être sous l'emprise du regard de la société mahoraise. Ils évitent la pression sociale au maximum. MH : Existe-t-il ce qu'on pourrait qualifier de "sexualité à la mahoraise" ? RY : Il existe une sexualité "adaptable à Mayotte" : on fait comme on peut avec le contexte donné. Les jeunes évoluent en termes d’éducation sexuelle, ils peuvent expérimenter et tenter certaines choses – comme faire l’amour de partout, à la plage, au

bureau, etc. –, et explorer leur corps en cherchant différentes façons d'accéder à la jouissance. Les jeunes Mahorais se font plaisir et font plaisir à leurs partenaires en prenant connaissance des différentes positions du Kamasutra, par exemple. Ils s'autorisent plus d'expériences sexuelles et semblent ouverts à d'autres formes de sexualité, d'autres pratiques non recommandées dans la religion comme le sadomasochisme, la sodomie, etc. Mais, pour ne pas heurter les religieux et leurs aînés, ces jeunes font mine d'obéir et tâchent de donner une bonne image d'eux. MH : La sexualité à Mayotte a-t-elle évolué au fil du temps, compte tenu de l'attachement profond de la population à la culture et aux traditions à Mayotte ? RY : Oui, très certainement, et elle ne cesse d'évoluer. Les femmes sont plus libérées, elles ne sont plus passives dans l'acte sexuel, et peuvent même dominer leurs partenaires au lit. Elles peuvent proposer des jeux sexuels, etc. Tout est possible. Le sexe reste en général tabou, mais les jeunes – et plus largement les gens en général – cherchent à trouver du plaisir au maximum sans culpabilité ni remords. Les femmes veulent être égales aux hommes partout, même pour le sexe. Rien n'est figé et les choses continuent d'évoluer, surtout avec un monde désormais interconnecté grâce aux réseaux sociaux. Les jeunes osent également s’exposer, se montrer par les photos suggestives, montrer leur couple, faire des déclarations d’amour, etc. MH : Si la liberté sexuelle gagne du terrain chez les jeunes, quelles étaient les pratiques des générations précédentes ? RY : Ils pratiquaient plus le gourouwa, l'acte de toucher ou frôler le sexe de la femme sans pénétration, par exemple. La sodomie permettait parfois aussi de préserver la "virginité" de la femme pour son mariage. Les jeunes garçons exploraient la sexualité dans leur banga, loin des regards indiscrets de sa famille et de la société. MH : Cette évolution comporte-t-elle des risques ? RY : Les risques sont, de tout temps, les mêmes : attraper des maladies contagieuses. Pour les femmes, c'est aussi le risque de tomber enceinte, d'être chassée du village et d’être traitée de soussou quand elles pratiquent le libertinage.

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LE DOSSIER

Ibrahim Ahmed

TÉMOIGNAGES

D'UNE GÉNÉRATION À L'AUTRE ENTRE LA PUDEUR D'HIER ET LA LIBERTÉ D'AUJOURD'HUI, NOUS SOMMES ALLÉS À LA RENCONTRE DE QUELQUES ANONYMES, DE TOUT ÂGE, AFIN QU'ILS NOUS PARLENT DE LEUR RAPPORT À LA SEXUALITÉ. CONFESSIONS.

BACOCO SAÏD, 60 ANS À l’époque il fallait attendre longtemps avant de flirter avec une fille. Les adultes veillaient beaucoup à ce que les jeunes filles ne puissent pas fréquenter des garçons ou avoir de petits copains. Si on vous attrapait avec une fille, on vous unissait par un mariage ou une promesse de mariage. Personne ne pouvait y échapper. Je me rappelle qu’il y avait un comité spécialisé pour marier les personnes qui se fréquentaient dans la clandestinité. Il ne s’agissait pas de mesures prises à destination uniquement des jeunes, mais pour toutes les personnes se fréquentant en secret alors qu’elles n’étaient pas mariées. On les mariait sur le champ sans aucune autre forme de procès. Prises en flagrant délit le comité ne leur laissait pas le choix. Bien sûr il y avait parmi nous des téméraires. J’avais un cousin qui habitait la capitale et lorsqu’il me rendait visite, il me filait des astuces avec les filles. C’était une question de respect : on ne voulait pas déshonorer la famille de la fille, donc on s’abstenait beaucoup. En revanche lorsqu’on avait une copine, il fallait être très prudent et bien organisé. Pour ma part, j’ai eu ma première copine à l’âge de 17 ans. On se voyait en cachette au moment où son père allait à la mosquée, le soir. Entre deux prières on savait qu’il restait un bon moment à la mosquée. On en profitait pour se voir. Elle me rejoignait donc dans mon petit banga. Dans la pratique, il était interdit de pénétrer avec son sexe. On appliquait la pratique du "pinceau" ou "guourouwa" : un frottement entre les deux sexes sans pénétration. Il était question de maîtriser ses pulsions pendant l’acte pour ne pas en subir les conséquences. Déflorer une fille est un acte très grave et lourd de conséquences, aussi bien pour le garçon que pour la fille. S’embrasser en public était interdit également. Auparavant, la végétation était dense et il n’y avait pas autant de routes, alors parfois pour faire son affaire on se retrouvait dans les bois à l’abri des regards. C’était là encore une fois un moyen comme un autre d’avoir des relations sexuelles (rires). De nos jours par contre, les jeunes ne manquent pas d’occasion de s’embrasser et de se donner des rencarts en plein jour pour flirter.

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BARAKA,

38 ANS POLICIÈRE Je n’ai pas vécu grand-chose dans ma vie. Avec le peu que j’ai pu apprendre de la sexualité, j’essaie d’être plus ouverte d’esprit. De nos jours, les jeunes s'imitent beaucoup. Ils se copient entre eux. C’est comme si ils étaient en compétition pour savoir qui coucherait plus tôt avec quelqu’un pour avoir un palmarès sexuel. C’est vraiment regrettable. Nous, nous avions peur de nos parents. Si on le faisait, on le faisait dans la discrétion et avec une personne précise. On n’avait donc pas beaucoup de risques de MST (Maladies Sexuellement Transmissibles). Je trouve que chez nous, à Mayotte, on n’arrive pas à parler de la sexualité facilement avec nos enfants.

RIDGE , 26 ANS GRUTIER Je fais souvent mon stock de capotes pour mes tchaks (aventures). Moi et quelques potes on aime bien aller chasser en boîte le weekend. Les go (les filles) sont plus accessibles là-bas. On est là pour s’amuser, oublier les tracas de la semaine et passer du bon temps. C’est rare de repartir sans être accompagné au cours de la soirée. Normalement on a de bons contacts avec les filles qu’on rencontre. Dans la semaine on se recroise, et on peut se revoir si elles sont libres. Au lit il n’y a pas de tabous, on se lâche. L’essentiel est de bien se protéger. Même si parfois au cours de voulés nocturnes (barbecues) au bord d’une plage, il peut arriver pour un plan cul régulier qu’on ne se protège pas. Je profite également de mes congés pour aller à Madagascar, car j’ai une copine là-bas. Je suis souvent en contact avec elle. Je ne sais pas encore si je compte me marier, car je vois beaucoup de mes potes qui se marient pour divorcer peu de temps après. J’aime ma liberté, et surtout je n’aime pas trop me prendre la tête.

ELAÏS , 37 ANS AGENT DE BUREAU Je n’y connais rien en matière de sexualité à la mahoraise. Je trouve que les jeunes sont beaucoup plus libérés sexuellement et même libertins. Il n’existe plus de sexualité "à la mahoraise" concernant les jeunes. Oui la sexualité a beaucoup évolué. Auparavant, les femmes n’avaient pas de sexualité débridée. C’était beaucoup plus intime et secret. Les risques d’avant et maintenant : beaucoup de grossesses précoces, et de très jeunes mamans mineures. Le développement d’internet et des modes de communication favorisent aujourd’hui le développement des pratiques sexuelles chez la jeunesse.

RACHIDA 18 ANS LYCÉENNE

,

Avec mes amies nous avons toutes ou presque un petit copain. La famille n’est pas au courant, en particulier les parents. Ils nous recommandent de penser d’abord à nos études. On se retrouve souvent lorsqu’il y a des matchs au plateau polyvalent. Les garçons sont très protecteurs, et on aime, car ça prouve qu’ils tiennent à nous, même s’ils ne le sont pas tous. Moi personnellement, je fais attention lorsqu’un garçon ne cherche qu’à coucher. J’ai des copines qui sont tombées enceintes au collège parce qu’elles n’ont pas été prudentes et ont trop fait confiance aux gars avec lesquels elles flirtaient. J’ai vu la galère qu’elles ont traversée. Dans notre groupe de filles, il y a celles qui sont sérieuses et d’autres qui ont des relations sexuelles. On en parle quelques fois entre copines. Certaines racontent les détails et on en rigole.


ENTRETIEN

Geoffroy Vauthier

"MAYOTTE SE SOUS-ESTIME ÉNORMÉMENT" ISABELLE CHEVREUIL, VICE-PRÉSIDENTE DE L'UCCIOI ET ALEXANDRE KESTELOOT, DIRECTEUR DU PÔLE ENTREPRISES DE LA CCI DE MAYOTTE. 28•

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Créer ce qu'on pourrait appeler le "réflexe Mayotte" dans l'économie des îles de l'océan Indien, c'est la mission de la branche locale de l'Union des chambres de commerce d'industrie de l'océan Indien (UCCIOI). Un développement vers l'extérieur pour les entreprises du 101ème département qui représente un vrai potentiel. Ce que développent Isabelle Chevreuil, viceprésidente de l'organisme, et Alexandre Kesteloot, directeur du Pôle entreprises de la CCI de Mayotte.

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Mayotte Hebdo : L'UCCIOI a présenté récemment une nouvelle plateforme digitale, OceanIndien.biz* destinée à interconnecter les entreprises de six territoires regroupés au sein de l'organisme (Mayotte, La Réunion, Madagascar, Union des Comores, île Maurice, et Seychelles). Comment fonctionne-t-elle ? Isabelle Chevreuil : Il y a plusieurs niveaux. Déjà, le site est accessible à tout le monde, membre ou non. Dans ce dernier cas, on a tout de même accès à certaines données. Pour être membre, il faut faire une demande, et la chambre dont on est ressortissant va valider l'adhésion, afin de s'assurer que les entreprises existent bien. La société en question a ensuite une page où elle présente les produits qu'elle propose, où elle met en avant des services, ses offres promotionnelles, etc. En somme : c'est une page où elle se vend. Entreprises, associations, et toute structure qui a besoin de visibilité et qui œuvre à l'international ou en a envie de le faire, peut en faire la demande. Il y a ensuite un annuaire recensant l'ensemble des membres, qui peuvent être contactés. L'idée est de faire se rencontrer les gens. Jusqu'à présent, l'UCCIOI, c'était surtout le Forum économique des îles : on se rencontrait physiquement. Mais tout le monde ne peut pas se déplacer. Aujourd'hui, cette plateforme est une nouvelle approche. MH : C'était une demande forte des entrepreneurs ? Alexandre Kesteloot : Oui. Lorsqu'on travaille à l'échelle de l'océan Indien, on travaille avec des réalités très différentes. À Madagascar ou aux Comores, c'est par exemple beaucoup plus difficile d'identifier les entreprises. C'est pour cela que dans le travail de fond mené par l'UCCIOI, il y avait cette idée de pouvoir permettre à certains territoires moins outillés d'accéder à cette mise en relation. Et la première façon de le faire, c'est de permettre aux entreprises d'exister sur un territoire ou un autre, afin qu'elle puisse identifier des partenaires, se connecter à des offres, etc. C'est un travail de plus de deux ans, au cours duquel on s'est aperçu qu'il y avait aussi une grosse problématique de

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ENTRETIEN

ON A BEAUCOUP DE FAIBLESSES QUE L'ON PEUT COMPENSER GRÂCE AUX AUTRES recherche de compétences. Les outils comme le réseau social LinkedIn, par exemple, sont peu utilisés dans la région, car trop compliqués. Ici, les entreprises ont besoin d'avoir leur espace à elles. Elles n'ont pas forcément besoin de se connecter au monde entier, mais plutôt de le faire dans la zone. Dans les fonctionnalités de la plateforme, il y a aussi un dispositif permettant d'avoir une veille économique, effectuée par les différentes chambres. On est dans une région de petites entreprises, et ce travail est possible plus simplement pour les grosses PME. Or, les petites en ont besoin aussi : connaître les marchés, appréhender la région, etc. Nous avons donc intégré cette fonctionnalité. IC : Ces échanges entre entreprises se faisaient déjà, notamment dans les services. L'idée, avec cette plateforme, est vraiment de donner de la visibilité et d'inspirer d'autres entreprises. C'est tout notre objectif. AK : Typiquement, c'est très dur de voir les partenaires dans les autres territoires, pour répondre à un marché par exemple. L'entrepreneur sait qu'il en a besoin, mais ne peut pas y accéder. La plateforme a vocation à répondre à cette problématique. Par ailleurs, on vise aussi les entreprises extérieures qui pourraient avoir besoin des boîtes de la zone pour y travailler. C'est un enjeu de valorisation des compétences

dans la zone. Hors services, le taux d'échanges intrazone est de 5%. Il est faible, car on l'habitude de travailler avec l'Europe, alors qu'il y a des compétences dans la zone. IC : La plateforme va aussi faire remonter tous les évènements de la région. Actuellement, il n'y a aucune visibilité dessus. Il y a des choses qui se passent, et il faut le faire savoir. Enfin, il y aura aussi une synthèse de l'actualité de la région. On est en train développer d'autres services. On peut imaginer une mission de prospection, d'accompagnement, d'organisation. Cela sera une plus-value. Parfois, les entrepreneurs vont à l'étranger sans en connaître les codes. Nous, avec nos réseaux et notre connaissance des îles, nous pouvons les aider. MH : le Forum économique des îles regroupe à peu près 400 entreprises. Les diverses CCI en regroupent 200 000. Un vrai potentiel. Mais comment aller les chercher ? IC : Il faut comprendre que la plateforme est une brique parmi d'autres de notre structure. Une autre, pas des moindres, est la cartographie de nos territoires, pour connaître précisément leurs tissus économiques. Elle sera finalisée d'ici à la fin de l'année. Cela sera là aussi une vraie plus-value pour les entreprises, car elles pourront contacter l'UCCIOI, demander une prospection à tel endroit et dans tel secteur, et nous pourrons leur fournir le résultat de cette recherche. Pour toucher ces 200 000 entreprises potentielles, il y aura un CRM – un outil de gestion des relations clients – à disposition des CCI pour communiquer auprès de leurs ressortissants. Cela n'existe pas aujourd'hui. Actuellement, cela se fait ça par mail… On espère que ces outils vont apporter de la valeur ajoutée aux entreprises. MH : Quels sont les secteurs les plus porteurs dans l'océan Indien ? IC : On en a identifié plusieurs : la gestion des déchets – c'est une problématique commune à nos territoires –, les technologies de l'information et de la communication, la grille business. On ne peut pas tout faire, mais ce sont les secteurs principaux, sur lesquels on travaille dans le cadre du Programme de renforcement des capacités commerciales de l'océan Indien (PRCC-OI). AK : On travaille aussi sur la montée en compétences des agents, avec par exemple l'accompagnement collectif et les clusters (concentration d'entreprises et d'institutions interreliées). On a beaucoup d'initiatives locales de

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clusters qu'on essaye de mettre en relation parce que c'est ça qui permet de favoriser les relations de business dans la zone. Elle a beaucoup de potentiel, mais comme on est sur des îles, il faut qu'on arrive à faire intégrer aux gens qu'on est un gros marché, même si cela ne se voit pas quand on est chacun sur notre petite île. Quand on regarde l'agrégat, il y a un vrai potentiel. MH : Certes, mais l'UCCIOI regroupe six territoires et, globalement, on pourrait les diviser en deux parties avec d'un côté des territoires développés – La Réunion, Maurice et les Seychelles –, et de l'autre des territoires qui le sont moins – Mayotte, Madagascar et l'Union des Comores). Ils n'ont pas forcément les mêmes besoins ni les mêmes attentes… AK : Oui, mais on s'adapte. On a beaucoup de faiblesses que l'on peut compenser grâce aux autres. Ils ont tout à y gagner eux aussi. IC : On part de projets communs en sachant que les besoins ne sont pas les mêmes en fonction des territoires. Quand on parle de la plateforme numérique, cela a pris deux ans, car certains en avaient déjà une, d'autres pas du tout, etc. Il a donc fallu mettre tout le monde d'accord. On a un système à géométrie variable : on va plus intervenir sur des territoires qui ont le plus de besoins, mais ce qu'on veut développer, c'est le compagnonnage entre nous. On peut très bien imaginer que la CCI de Mayotte par exemple, qui a des ressources sur l'économie circulaire, aille aider celle de Tananarive dans l'élaboration de sa stratégie locale. L'idée, c'est aussi de développer cette coopération entre nos chambres pour diminuer les décalages. MH : Mais les territoires les plus développés, qu'ontils à y gagner ? IC : Il y a toujours des besoins. Même les territoires comme La Réunion ou Maurice ont toujours des besoins. Ils sont moins importants, peut-être, mais ils y sont. AK : Les chambres ont beaucoup de complémentarité. Les Mauriciens et les Réunionnais ont plutôt, par exemple, des besoins en termes d'export. Nous, on a besoin d'assurer nos ressources en matières premières. Mayotte est aussi un très bon partenaire à l'export. On a une proximité culturelle avec l'Afrique et le reste de la zone qui est un vrai plus. Chez nous, pour une bonne partie de la population, le malgache est une langue maternelle. Sur des territoires où les Mauriciens ou les Réunionnais ont plus de difficultés, nous on est culturellement plus proches. Il y a beaucoup de complémentarité. Il faut prendre conscience qu'on peut

combler des difficultés ou des lacunes avec des gens de notre zone, pas forcément des gens qui viennent de très loin. C'est tout l'enjeu, et cela fonctionne bien : à partir du moment où les gens se rencontrent, cela se passe très vite. On sous-estime la proximité culturelle que l'on a avec la région. Évidemment, nos îles sont différentes, évidemment chacun a son histoire, mais on est tous dans la même zone, avec un bagage commun important. IC : Quand on va vers l'export, le simple fait de rencontrer des Mauriciens et leur vision anglo-saxonne, des Africains qui se développent, etc., est très bénéfique. L'entrepreneur mahorais qui revient après les avoir rencontré s'en inspire, il est plus déterminé et motivé. L'échange des savoir-faire booste tout le monde. MH : Quels savoir-faire Mayotte peut-elle exporter ? IC : On sait faire plein de choses ! Notre expertise dans les TIC et dans le développement durable est forte, notamment pour des territoires comme Madagascar, les Comores ou l'Afrique. On ne se valorise pas suffisamment, mais c'est très français et aussi valable à La Réunion. Cette France de l'océan Indien a du mal à se valoriser. Ces dernières années, l'approche a toutefois beaucoup changé. Mayotte n'a plus la même image dans la région. On a de nouveaux profils d'entrepreneurs locaux, avec une jeune génération qui en veulent, qui ont cette envie de l'international. C'est très vendeurs pour l'île. Partir en mission avec ce type de profils, cela valorise énormément notre territoire. AK : On se sous-estime énormément. On le voit à travers nos actions : Mayotte a une crédibilité à l'international qui est importante. Le territoire a géré de gros projets. Les gens sont souvent surpris de voir que Mayotte est bien connue à l'international, et qu'elle a une capacité à avancer. On a plein d'entreprises qui travaillent à l'international, mais elles n'en parlent pas forcément. Ce sont aussi des boîtes qui travaillent dans le secteur des services, alors cela se voit moins que quand c'est dans le secteur industriel par exemple. Il y a de vraiss success-stories et les entreprises doivent prendre conscience de leur potentiel à l'international. Et puis, nous sommes un peu différents. On est très crédibles, car on a une importante capacité à travailler avec tout le monde, une proximité importante avec les autres territoires et une envie de défendre l'intérêt général de la région, car on s'identifie un peu à tous. Là-dessus, on est pris au sérieux et reconnus.n *www.oceanindien.biz.

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OFFRES D'EMPLOI OFFRES DE FORMATIONS FICHES MÉTIERS TÉMOIGNAGES CONSEILS


LE MÉTIER DE LA SEMAINE

GUIDE

LE GUIDE ACCOMPAGNE DES PERSONNES LORS DE CIRCUITS TOURISTIQUES OU DE VISITES DE SITES AFIN DE LEUR FAIRE DÉCOUVRIR DES LIEUX SELON LES RÈGLES DE SÉCURITÉ DES BIENS ET DES PERSONNES. IL PEUT ANIMER DES CONFÉRENCES ET EFFECTUER UN ACCOMPAGNEMENT SPORTIF.

ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL

- Agence de voyages - Association - Association de protection de la nature - Office du tourisme - Organisme culturel, du patrimoine - Parc naturel - Voyagiste (tour opérateur)

COMPÉTENCES

- Recueillir les informations sur la durée, le nombre de participants, les spécificités de la prestation d'accompagnement touristique - Concevoir une visite guidée - Etablir une demande d'autorisation, de réservation - Organiser le déroulement d'une prestation - Informer les participants sur l'organisation de la prestation d'accompagnement - Accueillir une clientèle - Présenter les particularités géographiques, historiques et culturelles des lieux - Réaliser le bilan de la prestation d'accompagnement - Chercher de nouveaux projets

ACCÈS AU MÉTIER

Cet emploi/métier est accessible avec un Brevet ou un Diplôme d'Etat dans les secteurs de l'animation (Brevet d'Aptitude Professionnelle d'Assistant Animateur Technicien -BAPAAT-, Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l'Education Populaire et du Sport -BPJEPS-, Diplôme d'Etat de la Jeunesse, de l'Education Populaire et du Sport - DEJEPS,...) et du sport (Brevet d'Etat d'Educateur Sportif -BEES-, diplôme d'accompagnateur moyenne montagne, ...) ou avec un BTS dans le tourisme. Une licence professionnelle ainsi qu'une carte professionnelle sont requises pour les postes de guides conférenciers. La pratique d'une ou plusieurs langue(s) étrangère(s), en particulier l'anglais, peut être exigée.

PROPOSENT DES FORMATIONS PREPARATOIRES ADMINISTRATIVES, SANITAIRES ET SOCIALES A DIEPPE (Métropole) Formation préparatoire aux concours des métiers de la sécurité : gardiens de la paix, surveillants pénitentiaires, gendarmes, policier municipal…

Inscription sur le site Internet de l’IFCASS www.ifcass.fr jusqu’au 19 juillet 2019.

Formation préparatoire à l’entrée dans les écoles paramédicales : préparation à l’entrée en Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) et concours d’aide-soignant.

Renseignement : Auprès de l’IFCASS au 02.35.82.67.18 et sur son site Internet www.ifcass.fr

Formation préparatoire à l’entrée en Etablissements de Formation en Travail Social : Assistant de service social, éducateur spécialisé, éducateur de jeunes enfants, moniteur éducateur, TISF,…

Auprès de LADOM au 02.69.61.51.28 et sur son site Internet www.ladom.fr

www.facebook.fr/ifcass

Conditions d’entrée : Être inscrit au Pôle Emploi / avoir entre 18 ans révolus et 30 ans / Avoir un foyer fiscal à Mayotte dont le quotient familial est inférieur ou égal à 26 818 € (« Revenu imposable » de l’avis d’imposition divisé par le nombre de parts) / Ne pas avoir bénéficié d’une autre aide à la mobilité dans l’année / Satisfaire à la sélection sur dossier.


OFFRES D'EMPLOI

GESTIONNAIRE DES STAGES

SERVEUR / SERVEUSE EN RESTAURATION

JARDINIER / JARDINIÈRE D'ESPACES VERTS

FOCONEX - 976 - MAMOUDZOU

Foconex recherche un serveur/ une serveuse pour l'un de ses collaborateurs qui se chargera de: La mise en place - Nettoyage des locaux et du matériel Vérification de la vaisselle

976 - KOUNGOU

Aménage et entretient des espaces verts (parcs, jardins, terrains de sport, ...) et des décors végétaux d'intérieur ou d'extérieur (bureaux, commerces, halls d'accueil, murs végétaux, ...)

ASSISTANT ADMINISTRATIF ET COMPTABLE (H/F)

ASOCIATION HIPPOCAMPE 976 - 976 - MAYOTTE Activités : Comptabilité - Effectuer la saisie et la facturation clients Effectuer la saisie des journaux : banque, achats, opérations diverses - Effectuer le rapprochement bancaire

COMPTABLE (H/F)

PROMAN 976 - 976 - MAMOUDZOU Nous recrutons un(e) COMPTABLE confirmé(e) . Tâches principales : -Saisies factures fournisseurs -Gestion des importations -Suivis des transit -Répondre aux appels d'offres -Gestion RH

CONDUCTEUR / CONDUCTRICE D'ENGINS DE CHANTIER (H/F)

RESPONSABLE GESTIONNAIRE DES STOCKS

* voir site Pôle emploi

976 - KAHANI Vous avez pour missions principales : Accompagnement à la recherche de stage Interface avec les industriels Réalisation des conventions de stage et suivi administratif

PROMAN 976 - 976 - MAMOUDZOU Nous recrutons un conducteur d'engin possédant le CACES R372m - CAT 9 (MANITOU). Type de contrat : Mission d'intérim Chantier : Petite terre Durée de travail : 35H Salaire : Selon profil

PROMAN 976 - 976 - MAMOUDZOU Tâches principales : -rangement des marchandises, étiquetages et précomptage en vue de la préparations des inventaires -Réalisation des inventaires en respectant les procédures



MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier Rédactrice en chef adjointe Houdah Madjid

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Couverture :

La jeunesse & le sexe à Mayotte Journalistes Ichirac Mahafidhou Lyse Le Runigo Hugo Coeff Romain Guille Solène Peillard Ornella Lamberti Correspondants HZK - (Moroni) Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan, Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com


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