Mayotte Hebdo n°886

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Le mot de la rédaction

Misère et espoir Ils sont environ 3 000 sur le territoire. Quelquesuns sont originaires de Madagascar, quelques autres de l'Afrique des Grands Lacs, et l'extrême majorité de l'Union des Comores. Tous ont un point commun : ils sont envoyés – ou viennent d'eux-mêmes – à Mayotte en quête d'une vie meilleure. Oui, mais voilà : une fois sur le territoire, la désillusion est grande. Bidonvilles, misère, difficultés pour s'inscrire à l'école sans représentant légal sur le territoire, galère, faim, absence de repères, errance : ceux qu'on appelle les mineurs isolés ne trouvent pas toujours ce qu'ils sont venus chercher, mais, malgré tout, gardent l'espoir. Qui sont-ils ? Que pensent-ils ? Qu'espèrent-ils encore ? Ce sont les questions auxquelles nous répondons cette semaine dans notre dossier. Mais Mayotte n'est pas qu'une terre de galère. C'est aussi des gens qui réussissent. Et de plus en plus. Elyassir Manroufou est de ceux-là. Le Mahorais passionné de politique est aujourd'hui attaché parlementaire du sénateur Hassani. Il représente cette nouvelle

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garde, l'avenir du territoire, volontaire et déterminé à le faire bouger. Mayotte, c'est aussi son lagon. Cela tombe bien, car il est doublement mis à l'honneur cette semaine dans nos pages. D'abord avec un entretien avec René Heuzey, caméraman et réalisateur sous-marin de renommée, qui trouve chez nous une source d'inspiration sans fin. Il est d'ailleurs l'invité d'honneur du Festival de l'image sous-marine qui se tient jusqu'au dimanche 26 mai. "Il faut bien comprendre que le prédateur de la nature, c'est l'homme avec ses déchets", nous rappelle-t-il. Enfin, du lagon il en est question aussi dans nos pages magazines. Vous y retrouverez Matai et Kaena, les deux catamarans partis des Sablesd'Olonne il y a presque cinq mois, désormais arrivés à Mayotte. Objectif : améliorer l'offre de tourisme et de loisirs maritime sur l'île. Une piste de développement énorme pour le département. Bonne lecture à tous

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coup d’œil dans ce que j'en pense

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo n°606, 22 mars 2013

Quelques idées pour Mayotte Un musée des arts et traditions populaires en Petite Terre, dans l'ancien siège des PTT. Avec des panneaux explicatifs sur les chants, les danses, sur les esprits, les djinns, des objets tressés, sculptés, brodés exposés, des chombos forgés, du son et des films qui permettent aux visiteurs de s'imprégner de Mayotte. Un banga reconstitué. Des images de l'ancien temps... il y a quelques années à peine. Des traces pour les plus jeunes, des souvenirs pour les anciens, des découvertes pour les gens de passage. Une fierté pour cette île encore malmenée. Un musée consacré à l'histoire de Mayotte, et de la civilisation swahilie, aux peuples arabes, africains, malgaches, indiens, européens qui se sont retrouvés ici, dans cette région. Un musée riche, vivant, qui attirera des visiteurs de toute la zone et au-delà. Un musée de la mer, avec de jolis panneaux sur les coraux, les milliers de poissons multicolores, les mammifères marins... Des photos, des films, des envies de découvrir, de protéger. Des informations sur la mangrove, cette protectrice du lagon et des habitants de l'île, véritable nurserie géante, pleine de vie... et de légendes. Toute cette richesse parfois insoupçonnée du lagon. Des histoires d'uruva et de djarifa, de lamparo, avec une belle pirogue à balancier trônant fièrement au milieu. On peut même imaginer des aquariums, pour ceux qui ne pourront pas aller se promener sous l'eau, pour pouvoir observer plus tranquillement, pour donner un avant-goût de ce magnifique monde sous-marin qui nous tend les bras, qui pourra constituer un jour aussi un vrai élément de fierté pour Mayotte. Un grand stade territorial avec belle un piste d'athlétisme. Avec des gradins protégés de la pluie, avec un vaste parking, des vestiaires, une pelouse synthétique. Avec des milliers de jeunes et de moins jeunes, qui viendraient chaque jour s'entraîner, s'amuser, se retrouver, courir, sauter, jouer. Avec des athlètes de haut niveau qui s'entraineraient le jour, le soir avec de la lumière, que l'on verrait à la télé lors des championnats de France, d'Europe... lors des Jeux olympiques ! Un lieu dédié aux sports, un lieu de vie sérieusement géré. Un système efficace pour relier Petite et Grande Terre. Cela pourrait être un pont, un symbole, un ouvrage d'art mémorable. Cela pourrait aussi être un système de navettes rapides (5 à 10 minutes la traversée), disponibles jour et nuit, le weekend aussi, à des fréquences modulables en fonction du trafic. Beaucoup plus facilement qu'une barge. Elles coûteraient bien moins cher qu'une barge, nécessiteraient bien moins de personnel et seraient plus facilement réparables. Si l'une tombait en panne, ce serait

bien moins gênant qu'une Salama Djéma... Et garder les amphidromes pour les véhicules. Une route de contournement par les hauteurs de Mamoudzou. Elle doit se préparer aujourd'hui pour être inaugurée dans 10 ans, il faut réserver les terrains, les acquérir ! Elle désengorgerait la zone urbaine, offrirait une voie de secours pour traverser la ville en cas d'accident ou de barrages, et permettrait en plus de désenclaver une immense zone, aujourd'hui inutilisée, avec des aménagements possibles qui disposeraient d'une vue imprenable tout au long sur le lagon et la Petite Terre. Un palais des congrès, une halle d'expositions, un centre culturel... Pour des concerts, des foires, des salons, des spectacles, pour dynamiser la vie culturelle, la vie économique. L'École de commerce de Mayotte, pour former les élites mahoraises à la gestion, au management. Les cadres du public et/ou du privé. A l'image de ce que vient de lancer la CCI avec HEC. Ouverte à tous nos voisins francophones ou pas. Un très bon moyen de participer à faire rayonner la France et la francophonie, pour Mayotte d'apporter une contribution utile au développement de la région. Un outil qui semble bienvenu, quand on voit les profonds problèmes de gestion des équipes, des projets, des finances, rencontrés sur l'île, notamment dans le secteur public. Des plages aménagées. Avec des porteurs de projets sélectionnés après appel à candidatures. Des snacks et autres restaurants, des animations, des lieux de vie, de rencontres, de fêtes, de loisirs. Qui manquent cruellement sur cette île. De l'emploi créé, qui manque cruellement aussi. Une piste longue - déjà 250 mètres supplémentaires ! - pour voir arriver des compagnies aériennes, des vols directs sur la Métropole, mais aussi la région, pour voir les prix baisser sérieusement en constituant ici un petit hub régional qui drainerait nos voisins avec des lignes et des compagnies "sécurisantes". Pour ces quelques idées de projets, et sur tant d'autres, c'est le conseil général, notre conseil régional, le coeur le Mayotte, qui doit être à la manœuvre. Il sera suivi, soutenu par les petits et grands élus, par les forces vives de ce territoire, par les acteurs économiques, par la population, qui n'attendent que ça. C'est sur des projets sérieux, concrets qu'il convient de travailler. Avec des chargés de mission clairement identifiés et qui s'y consacrent à plein temps, avec le soutien actif de tous les partenaires nécessaires.

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Total en grève : panne sèche

Durcissement du conflit social chez Total. Malgré un round de négociations de plus de cinq heures, aucun accord n'est dégagé et l'essence commence à se faire rare. Le préfet signe un arrêté de réquisition pour les services d'urgence, mais les grévistes annoncent leur intention de rester mobilisés jusqu'à la nouvelle séance de négociations qui a été fixée deux semaines plus tard. Cause de la grogne : la multiplication des "harcèlements moraux" : "la direction nous déplace tout le temps entre les stations de l'île, à la dernière minute, pour, soi-disant, prévenir le vol de carburant. Nous ne voulons plus travailler dans ce climat de suspicion permanente", expliquait un salarié.

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Mayotte Hebdo n°429, vendredi 22 mai 2009.

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Qui sont les femmes leaders ?

Enquête sur les Femmes leaders dans Mayotte Hebdo : "Qui sont ces Femmes qui se disent leaders de cette société mahoraise ? À chacune de leurs actions, les réactions fusent entre les partisans et les anti." Il faut dire qu'elles ne laissent pas indifférentes : "[Accusées d'être "racistes", "xénophobes", "militantes", ou encore "extrémistes", les qualificatifs ne manquent pas pour parler de ces femmes, qui se sont investies d’une mission : "défendre les intérêts des Mahorais. Mères, elles clament haut et fort se battre pour le futur de leurs enfants. Et parce que la légende veut que les femmes soient à la tête des grands combats de cette île, dans cette droite ligne sont apparues les Femmes leaders. Habituées des actions", écrivions-nous. Mayotte Hebdo n°660, vendredi 23 mai 2014.

GRAND CHOIX DE LEURRES

la photo d'archive Daniel Zaïdani rencontre Andry Rajoelina

Décembre 2011 : le président du Conseil général d'alors, Daniel Zaïdani, se rend une semaine à Madagascar avec une délégation d'entrepreneurs mahorais et de représentants des trois chambres consulaires de Mayotte. En ligne de mire : orienter la coopération décentralisée entre les deux territoires sur le volet économique. À l'occasion de cette visite, il rencontre Andry Rajoelina, président de la Haute autorité de transition.

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tchaks L'action L'Adie contre le gâchis des talents Soutenir la création d'entreprises pour tous : c'est le mot d'ordre de l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie), qui organise, lundi 3 juin, une journée portes ouvertes pour informer sur ses activités de soutien aux porteurs de projet, notamment via leurs microcrédits. "Il s’agit également de leur proposer un accompagnement adapté pour leur permettre de financer, lancer et développer leur activité dans les meilleures conditions", complète l'organisme.

Le chiffre

La phrase

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"À aucun moment je n'ai eu ce début de propos"

C'est le nombre de personnes récupérées par les équipages de la police aux frontières, dimanche 19 mai, suite au chavirement d'un kwassa-kwassa à l'est de PetiteTerre. Parmi elles, une petite fille de 10 ans en arrêt cardiaque, qui a pu être ranimée par un des policiers présent lors de l'opération de sauvetage. En tout, trois passagers de l'embarcation ont dû être déposés à Mamoudzou pour prise en charge par le CHM, et 11 autres ont été pris en charge en Petite-Terre pour une évaluation médicale. Bilan provisoire des recherches : deux personnes décédées et un disparu en mer. Une enquête a été ouverte par le parquet de Mamoudzou.

Le policier mis en cause par les Citoyens volontaires, aussi appelés Gilets jaunes, se défend d'avoir prononcé les propos qui lui sont reprochés. Il aurait en effet dit à un des bénévoles du dispositif, le 9 mai dernier : "Putains d'Anjouanais, vous n'avez rien à faire au commissariat, vous n'avez pas votre place ici." En réaction, l'ensemble des Citoyens volontaires ont décidé d'interrompre leurs patrouilles dans les quartiers de la capitale. Une enquête administrative interne a été ouverte à l'encontre de l'agent accusé. Après avoir été reçus à la préfecture, ils ont décidé de reprendre leurs rondes lundi 27.

La photo de la semaine Arrivée de kwassa-kwassa d'Afrique

Mercredi 22 mai, quatre kwassa-kwassa échouent volontairement sur le sable de la plage à Mtsamoudou. Parmi eux, le premier, arrivé à 2h du matin, transportait 30 personnes originaires de l'Afrique des Grands Lacs. Onze ont pris la fuite et 19 devaient être pris en charge par la gendarmerie. Le second, arrivé deux heures plus tard, amenaient des passagers originaires de la même région. Ils ont été pris en charge par la gendarmerie.

be r e v o r p Le

Concours Arbre de l'année

Huitième édition du concours national "L'arbre de l'année", organisé par le magazine Terre sauvage et l'Office national des forêts, qui vise à récompenser les plus beaux arbres du patrimoine français, outre-mer compris. L'occasion pour les amoureux de la nature à Mayotte d'aller à la recherche du plus bel arbre de l'île et de participer à la compétition. Renseignements et inscriptions sur www.arbredelannee.com.

Djiburilu mwanadamu munyaho Humain, le croque-mort est ton compagnon. 6•

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Le flop Le top Trois-millions d'euros pour Sada

Recherche vice-recteur désespérément

Soutenir le programme d'investissement de la collectivité, et plus précisément la construction d'une nouvelle mairie permettant à l'ensemble des services de se regrouper sur un seul et même site : c'est un des objectifs du financement de trois millions d'euros accordé par l'Agence française de développement (AFD) à la commune de Sada. D'autres chantiers sont prévus dans le cadre de cette convention, comme la modernisation et le développement de l'éclairage public, le financement de l'étude "pour le renforcement des capacités des équipes communales", ou encore celles orientées vers de futurs investissements liés à la réduction des effets du changement climatique. "Cette signature intervient dans un contexte où les finances de la commune présentent des signes d’amélioration tangibles", s'est réjouie la mairie de Sada.

Alors que le très attendu rectorat de plein exercice est en cours de mise en place à Mayotte et que l'exvice-recteur, Stephan Martens, a démissionné de ses fonctions le 15 mai dernier, le ministère de l'Éducation nationale n'avait toujours pas trouvé son remplaçant à l'heure où nous bouclions ces lignes. Plus inquiétant : le ministère en est arrivé à publier une offre d'emploi en ce sens sur le portail de l'État www.fonction-publique. gouv.fr. À croire que les candidats ne se bousculent pas au portillon de l'île. Dans un communiqué faisant suite à l'annonce du départ de Stephan Martens, le ministre Jean-Michel Blanquer avait toutefois affirmé que "la continuité du service public de l’Éducation nationale [serait] pleinement assurée sur ce territoire, grâce à l’investissement des personnels administratifs et enseignants."

Ils font l'actu Mansour Kamardine

Le député de Mayotte crée l'Association de défense des usagers du transport aérien à Mayotte, et invite "toutes celles et ceux qui souhaitent [y] participer." En ligne de mire : le monopole d'Air Austral sur le territoire, les tarifs prohibitifs appliqués par la compagnie, et les nombreux retards et annulation dont sont, malgré tout, victimes les usagers. "De nombreuses personnes expriment régulièrement leur mécontentement et leur souhait d’une ouverture de l’espace aérien mahorais afin que la mise en concurrence produise une action qualitative et quantitative d’amélioration de la desserte, des tarifs et des conditions de transport. Nous sommes nombreux à considérer aujourd’hui qu’il est nécessaire et urgent de créer une association des usagers du transport aérien à Mayotte afin de faire valoir les droits des passagers et les appuyer dans leurs démarches de prise en considération et de réparation des préjudices", détaille Mansour Kamardine.

Écologie

Faouzia Kordjee

La présidente de l'Association pour la condition féminine et aide aux victimes (Acfav), placée en garde à vue mardi 21 mai au commissariat de Mamoudzou. En cause : des faits de "travail dissimulé par dissimulation de salaire et dissimulation d'activité", entre juillet 2013 et août 2017, alors qu'elle présidait l'association Les doigts d'or, dont les activités ont cessé depuis pour des raisons économiques. Montant total du détournement : 56 000€, au profit d'un ancien directeur de l'Association pour la gestion des équipements sportifs départementaux de Mayotte (AGSDM), alors embauché comme "coach" – sans contrat de travail –, et rémunéré via les fonds de l'association. L'enquête a été ouverte suite à la plainte du secrétaire de l'association Les doigts d'or pour travail dissimulé. Une enquête qui a donc permis de mettre à jour d'autres infractions, en ce qui concerne notamment une enveloppe de 14 000 euros – part d'une subvention du Conseil départemental –, qui aurait été promise aux quatre salariés de l’association, ceux-ci n'ayant pas perçu de salaire pendant près de dix mois. Faouzia Kordjee a reconnu l'ensemble des faits, en évoquant un laxisme pour justifier ses agissements.

sondage

Zéro déchet à Dzaoudzi Jusqu'à la fin du mois de ramadan, la municipalité de Dzaoudzi-Labattoir met en place l'opération "Zéro déchets". La population est donc invitée à se présenter dans les locaux de la direction des services techniques afin de faire recenser leurs déchets encombrants pour qu'ils soient ramassés par les équipes de la Ville.

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à la rencontre de...

Laureline Pinjon

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Elyassir Manroufou

attaché parlementaire À seulement 35 ans, Elyassir Manroufou est attaché parlementaire. Quotidiennement, il épaule le sénateur Abdallah Hassani dans son travail législatif. Il jongle constamment entre Paris et Mayotte, et politique et social. Elyassir Manroufou a atterri à Dzaouzi la veille. Loin de la grisaille parisienne, il a troqué son costume aux teintes sombres pour une chemise à manches courtes et aux motifs colorés. Il garde tout de même ses deux iPhones à la main, près à être joignable. La politique, elle, l'a toujours suivi de très près. Son père était luimême politicien. En 2008, il revient sur l’île après ses études en métropole exprès pour suivre de près les élections municipales. Petit à petit il devient un membre actif du paysage politique. En 2015, il est aux côtés de son ami d’enfance Amine Maoudjoudi pour les élections départementales. Deux ans plus tard, il s’occupe de la communication du candidat Abdallah Hassani aux élections sénatoriales. La victoire du candidat déclarée, Elyassir postule en tant qu’attaché parlementaire pour s’afférer aux côtés du sénateur. Il empoche le CDI et rejoint les quelque 800 collaborateurs parlementaires du Sénat. Un emploi prenant qui ne l’empêche pas pour autant d’abonner son engagement associatif. Œuvrer pour le social, c’est ce qui lui plaît le plus. Pour lui politique et social ne devrait faire qu’un, surtout à Mayotte. Les yeux et les oreilles du sénateur à Mayotte “ En tant qu’attaché parlementaire, je fais le relais entre Paris et Mayotte ”, explique Elyassir qui a fait le choix de rester sur sa circonscription, comme plus de la moitié des collaborateurs parlementaires. “ Je suis quelqu’un de terrain ”, se justifie-t-il, “ ça me plaît d’avantage de travailler ici à Mayotte car je maitrîse le territoire et ses acteurs. ” Les journées du jeune collaborateur commencent par l’accueil des doléances des habitants de Mayotte, qu’il accompagne dans leurs demandes. S’en suit “ beaucoup de secrétariat ”, quelques fois entrecoupé par des évaluations locales. “ Je passe beaucoup de temps à répondre au téléphone et à des mails, mais sur des demandes spécifiques de Paris, je fais des enquêtes de terrain. ” Les semaines d’Elyassir sont également ponctuées par des réunions, où il représente le sénateur dans le 101ème département français. “ Je suis un peu les yeux et les oreilles du sénateur Abdallah sur le territoire ”, rigole-t-il. Changement de décor. Tous les mois Elyassir quitte son bureau de Cavani pour le palais du Luxembourg. “À Paris, c’est différent” commente-t-il d’emblée. “Tous les matins, on

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Elyassir Manroufou

L'attaché parlementaire du sénateur Abdallah Hassani l'affirme : "Ce travail est très enrichissant pour moi, j’apprends beaucoup à titre personnel."

Ce qu'ils en disent « Cousin », acolyte d’Elyassir et gérant du bar « Chez Cousin »

"sérieux, présent, mais toujours en retard" "Elysassir c’est le genre de personne qui, même dans la nuit, reste disponible. Il sera toujours présent. Son seul défaut c’est ses retards. Il n’est jamais ponctuel… mais il arrive toujours. C’est quelqu’un de sérieux, qui fait toujours les choses à fond. On ne peut que le suivre. On a besoin des personnes comme lui pour l’avenir de l’île."

prend connaissance de l’agenda et ensuite c’est encore plus de secrétariat. On épluche, on épluche, on épluche. On lit les mails et on fait des résumés au sénateur.” Ce qui surprend toujours le Mahorais, c’est la méconnaissance de Mayotte à Paris, “même au sein du monde politique”. “Ça m’interpelle. Ça me questionne beaucoup, notamment sur les centaines et centaines de rapports sur Mayotte qu’on donne chaque année aux membres du Sénat. Je sais pas, ils ne doivent pas les lire ”, déplore-t-il. Une pointe de positivité se dégage tout de même de son discours. L’attaché parlementaire constate une plus grande visibilité de l’île depuis quelques temps. Une mise en lumière qui s’explique, d’une part par le fait que les deux sénateurs mahorais sont affiliés à la majorité, La République en Marche (LREM). Mais également par la vice-présidence du sénateur Thani Mohamed Soilihi, selon lui. Jongler entre Paris et Mayotte c’est le quotidien d’Elyassir. Mais entre les deux, il a préféré choisir son île natale. “Ce travail est très enrichissant pour moi, j’apprends beaucoup à titre personnel. Être en permanence à Paris m’apporterait d’ailleurs davantage, mais j’ai fait le choix de rester à Mayotte pour m’investir pour l’avenir. Rester sur Paris n’apporterait rien à l’île.” "Il pointe du doigt “le réseautage”

parisien qu’il n’a pas en venant de Mayotte, et qui rend parfois son travail difficile. “ La plupart des collaborateurs ont fait des grandes écoles de métropole, ils maîtrisent les codes, et surtout ils ont ce réseau. Ce réseau qui nous est inconnu quand on vient d’ici. C’est là la plus grande difficulté ”, confie-t-il. “ Toujours un pied dans le social. ” Si Elyassir s’épanouit dans sa tâche d’attaché parlementaire, il avoue quand même s’ennuyer certains jours. “C’est très procédurier et administratif. Par exemple quand je fais une enquête de terrain. J’identifie des problématiques. J’en fais un rapport. Et ce rapport va naviguer entre différents acteurs pendant au moins trois mois. C’est le temps de relecture. Je n’ai pas ce temps-là moi !” C’est pourquoi il “garde toujours un pied dans le social”, sa formation initiale. Lorsqu’il est à Mayotte, tous les jeudis, il tient la cellule de conseils sociaux pour les étudiants du CUFR (Centre Universitaire de Formation et de Recherche). Et les mardis et jeudis soirs, il s’occupe du soutien scolaire à la PREM (Promotion de la Réussite Educatif de Mamoudzou). Cette association, c’est lui qui l'a créée en 2010, pour les jeunes de son quartier d’origine, M’tsapéré. “Aujourd’hui elle s’est étendue

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à l’échelle de la ville”, précise Elyassir avec une pointe d’excitation. Fidèle à sa mission, elle accueille quotidiennement des élèves en difficultés scolaires. “Après être passé par tous les postes”, Elyassir est à présent président de l’association depuis deux ans. Cet attrait pour l’associatif et les aides sociales, Elyassir le détient de ses années estudiantines. Lorsqu’il débarque en métropole en 2003, c’est justement une association étudiante qui l’accueille. Il a voulu “ rendre la pareille ” par la suite, durant ses années de jeune travailleur. Il s’engage alors au sein de l’AEMM (Association des Etudiants Mahorais en Métropole) afin d’aider les étudiants mahorais “à s’installer, à s’orienter, à s’épanouir dans les villes métropolitaines où ils engagent leurs études”. Il se rend alors compte que son engagement associatif lui plaît davantage que son travail de l’époque, dans le management et la gestion. Il bifurque alors de voie, revient dans l’océan Indien, et entame une formation d’aide sociale à La Réunion. Son diplôme d’état d’assistant de service social en poche, il commencera à travailler à Tama, l’ancêtre de l’association Mlezi Maoré, en 2013. Deux ans plus tard, il devient fonctionnaire à la mairie de Mamoudzou au sein du dispositif de réussite éducative. Aujourd’hui ses compétences sociales sont reconnues au sein de sa tâche d’attaché parlementaire. “Quand un projet est proposé à Paris, j’ai les compétences de savoir quels impacts sociaux ils auront ici. Alors j’annote ces propositions de lois et décris leurs possibles conséquences”, décrit l’ancien travailleur social. Lier politique et social “Je me suis toujours intéressé à la politique parce que justement dans toutes les actions sociales que j’ai entrepris, elles se sont toujours heurtées à la politique à un moment ou un autre”, affirme Elyassir. Il constate que souvent, à Mayotte, on distingue le social du politique. Mais lui pense, “que c’est en utilisant les deux qu’on y arrivera”. Selon lui, le social est justement la première compétence de Mayotte, qui va de paire avec le développement de l’île et donc avec la politique. Ce qu’il essaie d’incarner. “La manière dont on voit le social à Mayotte doit évoluer.” Pour l’attaché parlementaire, afin de remédier à ça, c’est les mentalités qui doivent changer. “À Mayotte on pense que le social c’est pour l’étranger, celui qu’on appelle ‘l’autre’, et non pas pour soi. Les Mahorais

voient le social seulement à travers ce qui prend de la place, ce qui est visible. Alors qu’en réalité, il y a des dispositifs d’aides sociales pour tous les Français”, poursuit-il. Il cite l’exemple des aides aux logements qui sont peu sollicitées par les habitants de l’île. Pour palier à ce constat, “les institutions doivent davantage communiquer” analyse le collaborateur. Pour lui, “Mayotte est en situation d’urgence sociale” et c’est là que les politiques doivent intervenir. Il constate que la population n’a cessé d’augmenter sans que personne ne s’empare de ce changement considérable. Après un aparté de huit ans en métropole, Elyassir se rappelle être interloqué par le changement de comportement des habitants à son retour à son île natale. “Avant tout le monde se connaissait, à présent je peux marcher 10 minutes dans les rues de mon quartier sans croiser quelqu’un dont je connais le prénom.” Il relève un individualisme naissant, qui n’existait pas ou peu dans son île d’enfance. “Avec la délinquance, je pense que les Mahorais ont tendance à se renfermer, se réfugier. On devient craintifs et individualistse. On ne fait plus rien pour sa communauté.” Ayant fait une année d’étude au Québec, il joue justement sur le bilinguisme du mot “communauté”. Tel qu’il est employé de manière anglophone, il décrit une population avec des intérêts communs vivant sur un même territoire. Dans son utilisation francophone, il se réfère à une question d’identité. “Ici à Mayotte, on parle de la communauté mahorais, de la communauté anjouanaise, de la communauté malgache. Ce qui prend le dessus c’est l’identité.” Au Canada, il avait justement travaillé sur des activités sociales d’accompagnement communautaire, qui ne seraient pas envisageables à Mayotte selon lui. Pour lui, “le social bloque à Mayotte pour trois raisons” : le fait que les gens ne s’emparent pas de leurs droits sociaux, les institutions qui ont du mal à rattraper leurs retards et l’instabilité de la population, qui impose un contretemps dès que des dispositifs sont mis en place. “C’est frustrant pour des gens comme moi, qui ont vécu un certain temps en métropole, de voir que ça fonctionne dans d’autres territoires mais pas ici à Mayotte”, déplore-t-il, “Les institutions et les collectivités territoriales doivent vraiment prendre en considération l’aide sociale. C’est épuisant de voir que ça ne marche pas”, constate-til tristement avant d’ajouter “qu’il faut continuer de se donner les moyens !”

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Ce qu'ils en disent Amine Maoudjoudi, ami d’enfance d’Elyassir avec qui il a créé l’association PREM.

"bon vivant" "Je connais Elyassir depuis tellement longtemps qu’il est dur pour moi de dresser son portrait. C’est un bon vivant, qui est toujours disponible. Mais surtout c’est quelqu’un qui donne énormément de sa personne pour aider les autres. Il est sans limite."

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le dossier

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Mai 2013 : en réponse à Claude Bartolone, alors président de Seine-Saint-Denis demandant à ce que la solidarité nationale s'applique pleinement à la problématique des enfants isolés, Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux, fait voter la circulaire portant son nom. Cette dernière autorise la prise en charge et la répartition de ceux-ci dans un département autre que celui dans lequel ils sont recensés. Le dispositif permet ainsi d'alléger la charge qui pèse sur les collectivités comptant le plus de ces jeunes... sauf à Mayotte, qui en est exclue. "Risque d'appel d'air", diront certains, "trop cher à prendre en charge", penseront les autres. Conséquence : le Conseil départemental gère seul ces quelques 3 000 jeunes, essentiellement ressortissants de l'Union des Comores, qui essayent de survivre dans nos rues et dans les bidonvilles qui surplombent nos villes. Certes, l'État a bien accordé, en 2016, 62 millions d'euros à l'Aide sociale à l'enfance du Département, mais il s'agissait d'un rattrapage. Une bouffée d'air pour pallier l'urgence et mettre en place des actions de base, mais pas pour autant de quoi envisager sereinement l'avenir, dans un contexte migratoire qui ne s'améliore pas. Qui sont-ils, ces enfants et adolescents en quête d'une vie meilleure ? Quel avenir envisagent-ils dans une réalité qui ne leur laisse que bien peu de chances ? Comment le Conseil départemental gère-t-il cette situation ? Nos réponses dans le dossier de la semaine.

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par Zaguèf, propos recueillis par Alison Morano, doctorante en anthropologie.

Témoignage

"Nous, aux Comores, on pense toujours qu'à Mayotte, on sera tranquille" Zaguèf* est un adolescent de 17 ans, né à Anjouan et arrivé seul à Mayotte à l’âge de 14 ans. Il a accepté de se livrer dans le cadre des recherches en anthropologie qu'Alison Morano mène sur le territoire (lire en pages suivantes). Un témoignage qu'il "est aujourd’hui fier de pouvoir partager" pour faire connaître "son parcours en revenant sur les difficultés qu’il a rencontrées"; explique la chercheuse. Voici donc son portrait, avec ses mots que nous avons choisi de garder quasiment identiques à ceux du texte d'origine. En 2015 je suis parti d’Anjouan. Là-bas je vivais chez ma tante, la sœur de mon père. C’est elle qui m’a élevé, mon père ne s’occupait pas de moi. Depuis que je suis petit, je n’ai jamais vu ma mère, et mon père me disait tout le temps qu’elle était morte. Mais quand je suis devenu adolescent, les filles de ma tante m’ont dit que ma mère était vivante et qu’elle était à Mayotte. Après, c’est elle qui m’a pris, c’est elle qui m’a demandé de venir ici. Elle ne m’a rien dit d'autre, juste de venir à Mayotte. En fait on m’a envoyé. Elle m’avait appelé, mais c’était déjà prévu quoi. On m’a prévenu au dernier moment. Je ne savais pas. Après on m’a dit juste "Zaguèf, va là-bas, après tu vas aller à Mayotte". Genre on me l’a dit le soir pour le lendemain, c’est le truc quoi ! Au début je ne savais pas pourquoi je partais là-bas. Je savais juste que c’était pour retrouver ma mère. J’ai

quitté l’école, j’étais en 4e à Anjouan. J’avais le choix quand même, je pouvais dire non. Mais j’imaginais ! Tu vois la différence ? J’avais envie de venir à Mayotte parce que c’est tellement difficile à Anjouan. Je pensais que ça allait être mieux, car nous, aux Comores, on pense toujours que quand on sera à Mayotte, on sera tranquille. Que tout ira mieux. Mais on n'imagine pas qu'on ne pourra peut-être pas aller à l’école. On pense qu’on va arriver à Mayotte et bass ! Qu'il y a tout, que tout ira mieux, qu'on mangera bien et tout, donc j’ai pensé qu’à Mayotte je serai bien, j'ai pensé, comme on dit là-bas, que "Mayotte c’est la vie !" Quand je suis parti d’Anjouan, j’ai passé une mauvaise nuit à la mer. J’étais tout seul. Je suis arrivé à Mtsamboro, tout seul, j’ai rien mangé. Ma mère a envoyé quelqu’un pour

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venir me chercher. Quand je suis allé chez elle, j’ai patienté un peu et après je lui ai demandé si c'était ma mère. Elle m’a dit "oui c’est moi." Je lui ai demandé : "moi je suis venu pour faire quoi ?". Elle m’a répondu qu’elle allait chercher une école pour moi. Quand je suis arrivé à Mayotte, déjà ça me saoulait parce qu’on ne se connaissait pas avec mes parents (ma mère et mon beau-père), avec mes frères et sœurs, on se connaissait pas quoi ! Je me mettais dans un coin, tout seul, je ne parlais à personne, j’en avais marre. Je lisais toujours un livre pour ne pas oublier pas ce que j’avais appris à Anjouan, à l’école. Donc, la première difficulté, déjà, est qu'on ne s’entendait pas avec mes parents (rires). Enfin, on se connaissait pas depuis mon enfance, quoi. Et du coup c’était tellement différent, je ne pouvais pas rester avec eux. Et aussi, je ne connaissais personne à Mayotte quand je suis arrivé. [Avant mon départ], je me disais que ma mère vivait dans une belle maison, qu’il y aurait tout ce que je veux, tout ! (rires) Tu vois ? Mais quand je suis arrivé, bah j’étais déçu parce que même à Anjouan, je n'étais pas comme ça, ma maison était un peu mieux. J’ai compris que je m'étais trompé de penser qu’à Mayotte ça serait bien, parce que ce qu’on m’avait dit, ce n’était pas vrai. Ce n’était pas la même chose que ce que j'imaginais. J’ai beaucoup galéré. J'en avais marre, et je me suis dit au bout d'un moment qu’il vaudrait mieux retourner à Anjouan. Ça a été ma première déception : il y avait plein de choses que je n’aimais pas du tout ici.

Le pire, c’est que mes frères et sœurs, eux, avaient déjà trouvé une école, et moi non. Tout le monde allait à l’école, sauf moi ! Je me suis dit "Hé, c’est quoi ce bordel ? Pourquoi moi je ne peux pas aller à l’école, ici, à Mayotte ?". J’ai dit à ma mère : "Hé, je veux aller à l’école aussi". Elle m’a dit "Ah bon ? Sache qu’à Mayotte c’est difficile, et toi tu n’es pas né ici ce sera très difficile". Du coup après, elle m’a dit "On verra, je ferai les démarches". Mais on verra quoi ? J’ai attendu, j’ai attendu. Elle ne faisait pas les démarches parce qu’elle n’avait pas de papiers. Mon frère allait au Village d’Éva au début (avant qu’il soit scolarisé). Moi; c’est un voisin de ma cousine, qui habite à Koungou, qui m’a parlé de cette association. Il m’a dit "Hé ! Il y a une association à Kawéni, et c’est elle qui aide les étrangers à Mayotte pour avoir de l’école". Alors je suis allé là-bas, en 2016 (au mois de novembre), j’ai déposé les papiers, j’ai attendu, attendu. Je ne dormais même pas. Puis, enfin, ils m’ont appelé en 2017, en janvier-février, pour que je fasse un test. Mais j’ai dû attendre tellement longtemps ! Ils ont mis du temps, tu ne peux même pas imaginer. J’ai galéré. J’étais à Sada, mais le jour où ils m’ont appelé, j’ai pris toutes mes affaires et je suis allé à Kawéni. Je ne connaissais personne là-bas, du coup je me mettais toujours dans un coin : je suis un peu timide. Pour être plus proche de l’association et pouvoir suivre les cours, j’ai habité à Cavani d’abord, parce que j’avais de la famille là-bas, mais on ne s’entendait pas bien. De Sada je suis allé là-bas, mais c’était toujours la galère. Je vivais dans un banga avec un ami et mon cousin. Il y avait de

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la boue. Mais l’État a détruit les bangas là où on vivait. Ils avaient prévenu, mais moi je ne savais pas où aller. Je me suis arrangé avec un autre cousin qui a une femme à Kawéni pour que je puisse rester là-bas. J’ai insisté parce que c’est un côté de ma famille où on s’entend pas du tout, c’est compliqué. Il n'était pas content, mais il a dit oui parce qu’on a fait un échange avec son fils, qui devait aller suivre ses cours à Kahani. J’allais vivre à Kawéni et son fils à Sada, chez ma mère. Donc j’ai habité chez cette dame, on ne se connaissait même pas. J’en pouvais plus, j’ai galéré encore une fois. Je ne bouffais pas ! Eux mangeaient avant moi, et si j’y étais pas bah [je ne mangeais pas], parce que je n'étais pas leur enfant. Si je n'étais pas là [pour manger], j'étais mort, je restais à avoir faim jusqu’au lendemain. Et le lendemain je partais au Village d’Éva. C’était difficile pour moi. Souvent j’allais au plateau de Kawéni. J’ai commencé à traîner en allant à ce plateau. Je traînais, je rencontrais des gars qui étaient Comoriens, mais aussi Mahorais. À force je me suis dit "bah écoute, il faut avoir l’habitude." Dans ces bandes, il y a plein de Mahorais qui sont délinquants ! Ce n’est pas que les Comoriens. Mais bon, le plus important c’était que moi je puisse vivre. Et pour moi, vivre, c’était de traîner, de voler partout et du coup j’ai commencé à en avoir marre : j’avais faim, je n'avais pas le choix,

je devais voler. J’ai commencé à traîner pour avoir à manger. Ce n'était pas la seule raison, mais … je ne sais pas exactement. Je pensais à plein de choses, je me disais que je ne pouvais pas trouver d’école et je voyais ce que les jeunes comme moi faisaient. Ils se disent que c’est bon, qu'ils en ont rien à foutre, qu'ils peuvent faire n’importe quoi parce que les Mahorais nous détestent. Qu'ils s’en foutent. Ma mère, elle n’avait pas la possibilité de me donner de l’argent pour acheter, par exemple, des vêtements, donc… Moi, je vois, je vis ! Je vois et je ne peux pas rester comme ça, sans manger, c’est impossible ! Donc, je me suis sacrifié. Je me suis dit que même si la police m'attrapait, je m’en foutais complètement, le plus important c’était que je vive. Du coup j’ai volé, j’ai fait ce que je voulais. J’ai volé tellement de choses, des vêtements, tout ! Juste pour avoir à manger et pouvoir m’habiller. Et du coup voilà, c’était difficile de vivre à Mayotte. Et même là où j’étais, là où je vivais, à Kawéni, ça se passait un peu mal parce que je ne pouvais pas me laver tout le temps ni mes vêtements. Je ne payais pas les factures, donc je ne pouvais pas faire comme chez moi, alors j’acceptais ce que tout le monde me disait parce que je n’avais pas le choix. J’avais peur parce qu’en fait, quand on est dans une maison et que ce n’est pas nos parents, ils te jugent, genre

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ils regardent bien ce que tu fais : si tu manges beaucoup, si tu te laves beaucoup, parce qu’on sait bien que c’est payant à la fin du mois. Du coup je n’étais pas du tout à l’aise. Par exemple, quand je sortais pendant la nuit parce que je n’avais pas trouvé à manger, et bien on me fermait la porte. Souvent, les filles de la dame me disaient de partir : "C’est bon Zaguèf, va chez toi ! On en a marre de toi ! Va chez toi maintenant, c’est bon tu es resté longtemps ici !". C’est vrai que j'étais déjà là depuis trois mois. Un jour, j’ai entendu la dame qui disait qu’elle en avait marre de s’occuper de moi parce qu’elle avait beaucoup d’enfants. Mais elle n'osait pas me le dire en face parce que je faisais des bonnes choses pour elle. Je faisais mon voyou, mais pas chez elle. Elle ne savait pas ce que je faisais, parce que moi j’étais un voleur, mais genre un voleur invisible quoi. Tu vois ? Genre je volais, mais ce n’était pas comme les autres voleurs, les gens qui volent face à face. Enfin si, des fois je volais un téléphone, mais bon, ce n’était pas à Kaweni, c’était à Mamoudzou. Quand j’ai entendu ça [qu'on ne voulait plus s'occuper de moi], ça m’a fait tellement de mal. Genre j’étais mort. Je ne savais pas ce que j’allais faire, je restais là, je pleurais, je pleurais, j’étais tellement triste, en colère : comment j'allais faire maintenant ? Comment j'allais faire ? Je me disais que j’allais laisser tomber le Village d’Éva, parce que là j’y arrivais plus. J’ai tellement pleuré. Si j’allais à Sada chez ma mère, comment j’allais faire là-bas ? Au moins ici j’avais des amis, même si je volais, au moins, là, j'étais bien. Mais si j'allais là-bas, je ne saurais pas quoi faire, quoi dire. Je l’ai raconté à ma mère et elle s’est souvenue qu’elle avait une amie à Kawéni. Elle l’a appelé et j’ai pu aller chez elle. Là-bas c’était le pire. Enfin elle, elle m’aimait, mais elle n'avait pas de possibilités ! Elle me considérait comme son fils, mais c’était la galère ! C’était toujours la même galère quoi ! Déjà, elle n'avait pas de robinet [d'eau]. Première chose. Elle avait de l’électricité, mais [en étant branché à quelqu'un d'autre à qui elle avait demandé]. En fait dans cette région là-bas, la [côte] Sogéa, je peux te dire que pour tout le monde ou presque, il n'y avait qu'un compteur ou deux. Tu vois ? Et des fois les compteurs sautent, et pof ! C’était la galère. Je ne dormais pas chez elle, parce que je ne pouvais pas, parce qu’il n'y avait que deux chambres : celle de la dame et celle de ses filles. Donc je dormais avec mes amis, à Mahabourini, dans un banga. J’allais juste chez elle pour me changer ou pour manger ; d’ailleurs elle ne préparait que le soir. C’est vraiment là que j’ai commencé à traîner le plus. Parce que j’avais ma liberté pour ça. Pour l’école, c’était difficile parce que je ne savais pas que pour aller à l’école à Mayotte, il fallait s’inscrire au rectorat. En plus j’avais 15 ans déjà, et c’est très difficile d'avoir une école après l’âge de 15 ou 16 ans parce qu’en France, tu ne peux pas, le rectorat ne peut pas nous accepter. Du

coup, pour les jeunes qui ne trouvent pas, c’est la galère, ils restent dehors, ils galèrent dehors et c’est pour ça que des fois ils deviennent délinquants. Ils galèrent trop. Moi j’ai eu de la chance parce que c’est ma prof de l’association qui a cherché une place dans un collège pour moi. Quand elle m’a dit qu’elle avait trouvé, j’étais tellement content ! Je croyais que moi, comme j’avais 15 ans et demi, je n’allais jamais trouver une école ici. J’étais content, mais aussi angoissé parce que je ne savais pas ce qui aller se passer, ce qui allait m’arriver parce que j’avais un doute : peut-être n'allaient-ils pas m’accepter au dernier moment ? Mais finalement j’ai fait ma rentrée et j’ai dû partir de chez la dame à Kawéni. Elle n'a pas accepté que je reste plus, elle disait que je ne pouvais pas, car je n’étais pas de sa famille et que j’aurais été obligé de rester au moins un an chez elle, le temps que je fasse ma 3e au collège, à Kawéni. J’ai donc déménagé chez ma cousine à Koungou, mais j’ai habité chez elle juste trois mois, car son mari ne voulait pas de moi. Alors j’ai été obligé de construire un banga à Koungou. Je n’avais pas le choix. C’était difficile de vivre tout seul, sans mère, sans père, sans frère. J’étais obligé de prendre le bus chaque jour pour aller à l’école, sans manger. Et je me demandais quand est-ce que j'aurais des papiers et comment j'allais faire. Heureusement, aujourd’hui, ma situation a changé. Maintenant je suis au lycée, en seconde, et j’étudie un métier qui me plaît. J’ai trouvé une bonne personne qui s’occupe de moi, j’habite avec elle, je lui fais confiance. Grâce à elle je m’en sors, Alhamdulillah. Moi, je dirai que le plus difficile à vivre ici, c’est tout. À Mayotte, on se dit qu'il y a tout, mais ce n’est pas vrai. Être Anjouanais ici, c’est difficile à vivre. Les enfants qui sont Comoriens à Mayotte, ils sont traités mal parce que les Mahorais se disent que ce n’est pas leurs enfants, ils ne vont pas s’occuper d’eux. Les enfants, quand ils ont 16 ans, ils ne peuvent pas trouver d’école à Mayotte, alors des fois ils vont faire les poubelles, ils traînent. Après ils se disent que c’est mieux de devenir délinquant parce que peut-être que quand ils le seront, ils pourront avoir de l'argent, et c’est pas bon quoi. Personne ne fait le choix d’être délinquant. En fait, les jeunes ils subissent quand leur famille ne s’occupe pas d’eux. Les familles s’occupent pas des enfants comme à l’époque, ils les laissent faire ce qu’ils veulent alors qu’avant les enfants étaient cadrés. Si je réfléchis, je dirai que ce n’est même pas la peine d’être à Mayotte (rires). Enfin je plaisante, mais si par exemple tu es ici et que tu n’as rien, que tu ne fais rien, que tu n’es pas à l’école, que tu ne travailles pas, que tu ne fais rien du tout, franchement, ce n’est même pas la peine. Moi, je ne sais pas ce qui m'empêche d’être délinquant, mais je vois maintenant que ce n’est pas bien. Depuis que j'ai trouvé une école et que j’ai trouvé quelqu’un avec qui vivre et qui s'occupe de moi, j’ai beaucoup changé. C’est les deux raisons.

*Le prénom a été changé

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Geoffroy Vauthier

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Alison Morano, doctorante en anthropologie

" Il y a toujours une trajectoire migratoire antérieure à l'isolement des mineurs" Spécialiste de la question des mineurs isolés à Mayotte, problématique "indissociable des migrations dans l'archipel des Comores", la doctorante en anthropologie Alison Morano, qui mène actuellement une thèse sur le territoire*, répond à nos questions. Rapport à la délinquance, recherche d'une vie meilleure ici, crispations communautaires, absence de confiance dans leur pays d'origine, délitement de la famille agrandie : le point sur la situation des mineurs isolés à Mayotte. * Entre migration, isolement et relégation : vers une anthropologie de l'enfance en danger dans l'archipel des Comores (titre provisoire).

Mayotte Hebdo : Les mineurs isolés représentent une des problématiques majeures de Mayotte. On dit qu'ils sont essentiellement Comoriens, mais est-ce une réalité ?

fait de la reconduite à la frontière de leurs parents ou parce qu'ils sont venus seuls. Il y a toujours une trajectoire migratoire antérieure à leur isolement. MH : On ne dénombre pas de mineurs isolés malgaches non plus ?

Alison Morano : Des recherches et des entretiens que j'ai pu faire, je n'ai personnellement rencontré aucun mineur isolé dont les parents sont mahorais ou de familles mahoraises depuis plusieurs générations, et qui auraient, par exemple, étaient abandonnés ou délaissés. Ce ne sont que des mineurs qui sont isolés du

AM : Je sais qu'il y a quelques cas, mais je n'ai pas encore eu l'occasion d'en rencontrer. Il y a aussi quelques Africains des Grands Lacs, que j'avais rencontrés en 2015 et que suivait alors Solidarité Mayotte. En revanche,

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dans ce cas-là, le parcours migratoire est solitaire : ils viennent seuls sur Mayotte. Ceux qui viennent en famille ne sont pas considérés comme isolés. Globalement toutefois, ce sont des Comoriens en écrasante majorité. MH : Quels sont les parcours migratoires qui ressortent le plus de ces jeunes venus de l'Union des Comores ? AM : J'ai remarqué deux grandes catégories. La première est composée des mineurs les plus jeunes qui arrivent avec les parents et, si ces derniers sont reconduits à la frontière, se retrouvent mineurs isolés. La seconde concerne les mineurs à partir de 12 ou 13 ans, à la puberté – surtout pour les garçons –, qui viennent seuls. Soit ils ont été envoyés par les parents chez un parent éloigné déjà présent à Mayotte pour être scolarisés, soit, pour ceux qui ont 17 ou 18 ans, pour chercher une vie meilleure. Plus l'âge avance, plus ils viennent seuls. On a vraiment deux catégories.

"Même si c'est la galère ici, c'est toujours mieux que là-bas."

MH : Qu’est-ce qui qualifie un mineur isolé ? Même si les parents peuvent ne plus être présents sur le territoire, d'autres membres de la famille peuvent s'y trouver. AM : C'est justement ce qui est confus ici. D'un point de vue juridique, un mineur isolé est un mineur qui n'a pas de représentant légal sur le territoire. Du moment qu'il n'y pas ce représentant légal, le mineur est considéré comme isolé. Donc il peut y avoir toute la famille à Mayotte, s'il n'y a pas les parents, il sera considéré comme tel. Si l'oncle, la tante, le cousin, le frère, la sœur, ou la grand-mère n'a pas la délégation d'autorité parentale donnée par le juge, l'enfant sera mineur isolé. Ils ne sont pas isolés socialement ou familialement parce qu'il y a un encadrement, certes plus ou moins serré autour de l'enfant, mais ils le sont juridiquement. MH : Cette conception nucléaire de la famille telle qu'on la trouve en Occident apparaît incohérente sur un territoire où la notion de famille agrandie est extrêmement présente. Quels blocages en découlent ?

AM : Des blocages purement administratifs. Par exemple, si le mineur a un accident, qu'il se blesse et qu'il doit être opéré, il n'y a pas les parents pour signer l'autorisation d'opération. Il faut que ce soit un responsable légal qui signe. Autre exemple au niveau de la scolarité pour laquelle la signature du responsable légal est systématiquement demandée pour les papiers, pour les bourses, etc. Donc cela bloque. Et il n'y a pas beaucoup de marge de tolérance : oui, on peut passer à travers les mailles du filet, faire signer n'importe qui, mais cela ne dure pas très longtemps, car il y a un maillage associatif et social à Mayotte qui se met en place : à un moment, il faut rencontrer les parents. MH : Dans votre mémoire* vous écrivez "Ce n'est pas la faim qui les pousse [à venir à Mayotte], mais le manque d'horizon." Or, à l'arrivée, c'est la douche froide puisque le territoire est bien loin d'être ce qu'ils avaient imaginé et les opportunités pour eux sont des plus minces. Certains envisagent-ils un retour aux Comores ? AM : Je compte aller à Anjouan pour approfondir cette problématique, mais pour le moment, je n'ai pas rencontré de mineurs qui soient repartis d'eux-mêmes aux Comores. Tous ceux que j'ai rencontrés me disent "Même si c'est la galère ici, c'est toujours mieux que làbas." Absolument tous, à l'unanimité, qu'ils vivent dans la misère la plus profonde, qu'ils soient complètement seuls, qu'ils n'aient rien à manger, qu'ils dorment par terre, etc. : quelle que soit leur situation, ils préfèrent être ici que là-bas. Alors, peut-être qu'à terme, en ayant vécu 10 ans de galère sur le territoire, ils pensent à repartir, mais sur la tranche d'âge des adolescents que je rencontre, aucun ne l'envisage. Ils veulent y croire coûte que coûte : aller à l'école, suivre une formation, être dans une association, obtenir des papiers, se marier avec quelqu'un en situation légale pour ça s'il le faut, etc. Toutes les stratégies sont envisagées pour rester ici, aider la famille restée là-bas, et rester en France. Certains le disent : ils n'avaient pas aussi faim aux Comores qu'ici, c'était moins difficile là-bas sur certaines choses, mais Mayotte représente un rêve dont ils ont entendu parler, alors ils s'y accrochent. Même si d'autres les mettent en garde aux Comores – mais cela a peu été le cas pour ceux que j'ai rencontrés –, ils ne veulent pas y croire ou veulent prouver qu'au contraire, c'est possible. "Avoir une meilleure vie" est vraiment leur leitmotiv.

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MH : Quel regard portent-ils sur leur pays ? AM : De ce que j'ai observé, actuellement, la question politique revient beaucoup. De ce point de vue là, il n'y a pour eux plus d'espoir, ils sont complètement découragés par ce qu'il se passe. Ils ont la sensation de ne pas avoir de prise sur l'avenir de leur pays : ils pensent que cela ne se développera jamais, que cela n'évoluera pas. Aller à l'école aux Comores ? En plus du fait que celle-ci est payante, ils considèrent que cela ne sert à rien puisqu'il n'y a pas de travail ensuite. C'est quelque chose qui revient beaucoup. J'ai rencontré des jeunes qui ont eu le bac, qui sont allés à la faculté, qui sont instruits, cultivés, et qui le disent aussi : "cela ne sert à rien de rester là-bas". C'est un désespoir profond : ils n'ont plus confiance en leur État. MH : Le témoignage de Zaguèf (lire en pages précédentes) aborde la question des tensions communautaires entre Mahorais et Comoriens. De quelle manière cela pèse dans leurs parcours, notamment en termes de chute dans la délinquance ? AM : Je n'ai pas encore dégagé cet axe-là, mais tous me le disent, comme un fait acté : "Les Mahorais ne nous aiment pas, c'est comme ça. On ne peut rien y faire." Il n'y a ni haine ni rancœur, juste de la résignation. Certains avaient entendu avant de venir "qu'on n'aime pas les Comoriens et les Anjouanais ici", comme ils disent, mais ils font avec. On peut parfois sentir une petite révolte chez certains, qui se disent que si les Mahorais leur en veulent, c'est peut-être par rapport à l'Histoire qui concerne leurs parents et grands-parents, mais pas plus. Au stade où j'en suis de mes recherches, je n'ai donc pas l'impression que les crispations identitaires et communautaires sont un moteur vers la délinquance. Cela serait plutôt l'exclusion sociale et scolaire ainsi que le manque d'encadrement familial qui provoqueraient ce basculement. Cela dit, il ne faut pas généraliser : de tous les mineurs que j'ai rencontrés pour le moment, seule une minorité est tombée dans la délinquance. Les autres ont eu la chance d'être scolarisés, ce qui les a vraiment tirés vers le haut et les a sortis des quartiers. Même si on traîne en groupe, on n'est pas forcément délinquant. D'ailleurs, les mineurs non scolarisés que j'ai rencontrés ont une peur bleue de "ces voyous" comme ils les appellent. Eux luttent contre ça et ne veulent pas y être associés. Ils le disent souvent : "Ce n'est pas parce qu'on n'a pas l'école qu'on est un délinquant." On ne peut donc pas associer absence d'école avec délinquance. En revanche, au bout de plusieurs années de galère, sans être scolarisés, on peut rentrer dans l'errance, qui est encore un autre phénomène. "Pourquoi eux ils vont à l'école et pas moi" se demandent-ils en voyant passer d'autres jeunes. MH : L'école représente le Graal pour eux ? AM : Complètement. Ils disent d'ailleurs "avoir une école". C'est un rêve pour ceux qui n'y sont pas. Même ceux qui ont

une vingtaine d'années, qui ont quitté l'école à 15 ans aux Comores, espèrent encore pouvoir être scolarisés. MH : Pourtant, l'école n'étant plus obligatoire à partir de 16 ans, cela devient de plus en plus compliqué pour ces jeunes adultes, voire impossible. Que devient un mineur isolé qui n'aura pu être scolarisé et qui ne pourra plus l'être du fait de son âge ? AM : C'est la génération "trou noir." Entre 16 et 18 ans, ils ont une chance sur 100 de trouver une place si des démarches sont faites : il y a toujours une petite chance. Au-delà, c'est une génération qui n'a plus aucune perspective. Ils sont arrivés sur le territoire tardivement, n'ont pas trouvé d'école et n'ont donc pas de justificatif de présence sur le territoire pour obtenir des papiers, de fait ils ne peuvent pas non plus bénéficier d'une formation, etc. Cette génération est déjà là. On ne peut rien leur offrir, ils n'ont aucune possibilité. MH : C'est un nœud bien serré. On sait qu'à Mayotte, même avec tous les moyens du monde, le problème demeurerait. C'est en quelque sorte un puits sans fond. Paradoxalement, il faut trouver une solution pour éviter que la situation n'empire. Même si vous n'avez pas vocation à en trouver, quelles pistes vous paraîtraient intéressantes à dégager ? AM : Peut-être faudrait-il proposer des formations indépendantes de l'État – car en l'état des choses, pour entreprendre une formation, il faut être en règle administrativement – mais qui seraient en revanche reconnues par les autorités. On peut imaginer que cela soit les associations qui s'en chargent. Cela permettrait à ces jeunes adultes de construire un projet qui a un sens, une perspective. Avant 18 ans, on peut faire quelque chose, après ce n'est plus le cas. MH : Autre problématique abordée par Zaguèf dans son témoignage : le ballotement à droite et à gauche, chez sa mère, puis d'autres membres de la famille, pas toujours bien accueilli, etc. Le mythe de la famille agrandie et solidaire en prend un sérieux coup… AM : Tout à fait. La solidarité familiale et communautaire se fragilise. Ce n'est pas qu'ils ne veulent pas, mais ils ne peuvent pas. Quand on a six enfants, dont certains ne sont déjà pas scolarisés, sans avoir de travail, avec un mari qui a parfois trois femmes, etc., et qu'il faut encore accueillir l'enfant de la cousine ou de la copine sans avoir de quoi le nourrir, on touche les limites de l'accueil de ces familles-là, qui n'en peuvent plus. J'en ai rencontré qui se voient adresser des enfants depuis les Comores, sans même connaître l'enfant ou être au courant de la raison pour laquelle ils viennent. La famille élargie, ici, a du mal à faire face à tous ces mineurs qui se retrouvent seuls pour différentes raisons. Ils ne peuvent pas prendre en charge tout le monde.

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Solène Peillard

Quand l'école devient le Graal Le service M'Sayidié des Apprentis d'Auteuil permet à plusieurs centaines de jeunes déscolarisés de poursuivre leur éducation dans l'attente d'être affiliés à un établissement. Un soutien scolaire avant tout, qui lutte également contre l'exclusion sociale d'enfants en marge, pour qui "l'école est un rêve" en même temps qu'une porte de sortie de l'isolement. "Apprendre le français et aller à l'école est un rêve pour chacun des gamins qu'on accueille", assure sans hésitation Virginie Raymond, cheffe du dispositif. Toute l'année, cet organisme créé en 2012 accueille chaque jour près de 160 jeunes de 10 à 18 ans, quels que soient leur niveau, leur origine ou leur situation administrative, pour leur enseigner les "savoirs de base", particulièrement en français, qui leur permettront peut-être d'intégrer ou réintégrer le système scolaire. Sur l'année 2017-2018, 178 des 452 jeunes accompagnés par le centre d'accueil de jour ont ainsi pu être scolarisés.

Il est 9h30 ce mercredi matin, et les élèves viennent d'achever leur première heure de classe. Petit à petit, tous se regroupent dans le grand hall d'entrée juxtaposé à leur salle de cours. Serrant fermement une photocopie entre ses mains, une jeune fille d'une petite dizaine d'années répète inlassablement en chantant "Astu vu la sorcière sortir du bois ?" Elle articule presque exagérément, découpe soigneusement chaque syllabe, apprentissage du français oblige. Derrière elle, un adolescent plus âgé, écouteurs enfoncés dans les oreilles, s'essaie au moonwalk sous les yeux ronds de sa bande de copains, qui lâchent ça et là des encouragements en shimaoré. Cette scène ressemblerait presque à une banale récréation entre deux cours, à la différence près qu'elle ne se joue ni dans l'enceinte d'un collège ni entre les murs d'un lycée. Tous ces jeunes sont déscolarisés. Certains mêmes depuis plusieurs années. C'est précisément pour cela qu'ils ont poussé la porte du service M'Sayidié des Apprentis d'Auteuil, implanté à Cavani.

Le cas des mineurs non accompagnés "Le but, c'est qu'ils soient prêts lorsque leur affectation à un établissement tombe, poursuit Virginie Raymond. En sachant que certains sont appelés alors qu'ils ne savent ni lire ni écrire le français". Une grande partie de ces enfants sont ce que l'administration appelle froidement des "mineurs non accompagnés", placés sous la responsabilité d'un adulte référent –

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famille de son oncle à Labattoir, il y a quatre ans. Dès sa première année sur le sol du 101ème département, il rejoint le centre d'accueil de jour. "J'ai de la chance d'être là et de continuer à apprendre des choses", lâche-t-il timidement, d'une voix à peine audible, mais dans un français bien maîtrisé. "L'école me manque", admet rapidement Rafiki, avant que l'un de ses amis ne l'interpelle pour lui montrer ses nouveaux pas de danse. Contre l'isolement social Derrière l'objectif de la scolarisation, celui de la sociabilisation. "Le but c'est aussi de leur donner l'occasion d'apprendre le savoir-être dans une classe, dans un groupe", développe Quentin David, formateur de classes "alpha", pour "alphabétisation", le premier des trois niveaux dans lesquels sont répartis les élèves. "Quand ils arrivent ici, ils n'ont pas forcément confiance en eux, ils sont complexés, mais nous essayons de les aider à trouver leur place, une estime de soi, qu'ils aient les outils pour se préparer au collège", et à la vie en communauté. "Ça leur fait du bien d'être encadrés, d'avoir des adultes à qui ils peuvent parler", la structure comptant dans ses effectifs une psychologue et une infirmière.

un cousin, une tante, un voisin – qui, la plupart du temps, n'a pas de délégation d'autorité parentale. Ils ne sont pas tout à fait isolés socialement, mais "seulement" éloignés de leurs parents, tout au mieux. "Nous avons même deux adolescents qui vivent entre eux, avec d'autres jeunes, dans le même banga", développe la cheffe de M'Sayidié, qui avoue également être parfois confrontée à des jeunes "vraiment isolés", dont la mère a été interpellée et expulsée, pendant que les gamins, eux, restent sur le territoire livrés à euxmêmes. Autre problème : "Pour les primo-arrivants, avant on était sur des enfants qui avaient déjà été scolarisés dans leur pays d'origine et là on a de plus en plus affaire à des jeunes qui n'ont pas eu cette scolarisation", déplore Virginie Raymond. Quoi qu'il en soit, "ils sont particulièrement demandeurs, ils s'intéressent à tout !", sourit Serge Calande, l'un des six formateurs du service M'Sayidié, chargé de la préscolarisation en français, en mathématiques, et des cours de citoyenneté. "Ils viennent ici parce qu'ils le veulent", mais aussi parce que certains "portent l'espoir d'une famille, parfois même d'un village", commente à son tour la cheffe du dispositif. L'éducation, la réussite et à terme, l'obtention d'un contrat de travail, "c'est ce pour quoi certains sont mandatés par leurs parents, qui investissent alors dans un passeur pour la traversée en kwassa, parfois dans la prise en charge sur place". Preuve en est : nombre de jeunes de M'Sayidié ont quitté les bancs de l'école en même temps qu'ils ont quitté Anjouan. Rafiki est l'un d'entre eux. Ce Comorien de 17 ans est déscolarisé depuis son arrivée à Mayotte, chez la belle-

Concernant les mineurs non accompagnés, "ce sont souvent des enfants seuls d'un point de vue éducatif, mais aussi affectif", juge Virginie Raymond. "Ils sont généralement pris en charge par des adultes déjà eux-mêmes en situation extrêmement précaire : ils hébergent, ils nourrissent, mais comme ils ont déjà leurs propres enfants, c'est souvent plus compliqué en matière d'accompagnement". Sur ce sujet, les éducateurs de M'Sayidié "interviennent beaucoup", afin de recréer le lien entre les adultes accueillants et l'enfant accueilli. Une plus-value pour ces bouts d'hommes dont le parcours de vie ne rassemble pas toujours "les meilleurs ingrédients pour un apprentissage facilité", selon les mots, amers, de la cheffe de M'Sayidié. En dehors de ses activités pédagogiques, le service des Apprentis d'Auteuil anime également un autre pôle. Sept éducateurs interviennent sur le terrain, dans les quartiers du Grand Mamoudzou et de Petite-Terre pour y rencontrer directement les jeunes en errance et déscolarisés, donc susceptibles de pouvoir rejoindre le centre d'accueil de jour. L'équipe mobile anime régulièrement des ateliers sportifs et socio-culturels dont la teneur est souvent soufflée par les jeunes eux-mêmes : du foot, du théâtre, du chant, etc. "Ils sont dans une telle demande, pas toujours exprimée, mais dans un tel manque de plein de choses que tout ce qu'on leur propose devient important pour eux", atteste Virginie Raymond. Le service M'Sayidié des Apprentis d'Auteuil est le seul organisme du genre à proposer un accompagnement si complet à Mayotte, où l'observatoire des mineurs isolés estime à 2 300 le nombre d'enfants non scolarisés. n

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Laureline Pinjon

Département

"Un bon en avant" L’action sociale en faveur des mineurs isolés à Mayotte s’est métamorphosée ces dernières années. il existe aujourd’hui plusieurs alternatives sur le territoire pour répondre aux besoins de ces enfants sans représentant légal. Tour d’horizon. isolés, lui, s’élevait à plus de 3 000. Ce qui laissait donc plus de 2 700 enfants sans toit. Même si les problématiques qui touchent ces enfants ne sont toujours pas au cœur des politiques, il existe aujourd’hui plusieurs alternatives afin d’accueillir ces mineurs. Issa Issa Abdou revient sur le cheminement de l’aide sociale à l'enfance (ASE) pour la prise en charge de ces jeunes délaissés. Pallier le placement des mineurs isolés en trois actes Suite au constat déplorant la situation des mineurs isolés sur l’île le Conseil départemental a dû agir. Sa mission s’est alors divisée en trois actes distincts. Acte 1 : l’organisation d’une Direction générale administrative (DGA) spécialisée dans les questions de l’enfance. Acte 2 : le renforcement du dispositif de placement des mineurs isolés déjà en œuvre sur le territoire, c’est-à-dire les familles d’accueil. Acte 3 : trouver des alternatives de placements à ces enfants sans représentants légaux. Une DGA entièrement consacrée aux questions de l’enfance a rapidement vu le jour. C’est la DGAPEFP : la DGA du Pôle Enfance, Famille et Prévention. "L’action sociale, c’est la première mission locale du Département. Tout l’organigramme politique est en réalité orienté en fonction de l’action sociale", atteste le vice-président. En ce qui concerne le deuxième volet de la prise en charge des mineurs isolés, les familles d’accueil, le bilan est

"On présente les mineurs isolés comme étant seulement des jeunes à problèmes, mais je pense qu’ils peuvent être l’avenir de Mayotte", commence d’emblée Issa Issa Abdou, en charge de l’action sociale et de la santé au Conseil départemental. À ses yeux, depuis 2015, l’action sociale mahoraise pour les mineurs isolés à fait "un bon en avant". À cette même date, le seul dispositif de placement pour ces enfants était alors les familles d’accueil. Au nombre de 70, elles ne pouvaient accueillir que trois enfants simultanément, alors que le chiffre de mineurs

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aujourd’hui plutôt positif. Leur nombre a plus que doublé en seulement quatre ans. On décompte à présent plus de 150 familles aptes à accueillir des enfants relevant de l’ASE sur l’ensemble du territoire mahorais. Une floraison d’alternatives En ce qui concerne la création d’autres solutions de placements des mineurs isolés, le Conseil départemental a donné vie à cinq alternatives. La première est un dispositif socio-judiciaire. C’est la mise en place d’un "tiers digne de confiance". Ainsi, le jeune qui vit une situation d’isolement peut être pris sous l’aile d’un adulte de son entourage qui l’accueillera et s’occupera de lui sans aucune rémunération. La seconde alternative a été mise en route en avril 2018. C’est l’Action éducative en milieu ouvert (AEMO) qui accueille les jeunes dans le besoin durant la journée. Suite à un appel à projets, c’est l’association Mlézi Maoré qui s’est emparée de la mission, financée par le Conseil départemental. Alors que les appels à projets s’enchaînent pour la troisième alternative propulsée par le Conseil départemental, c’est encore Mlézi Maoré qui en sera l’un des acteurs principaux. Aux côtés de Maecha Na Ounono, elle prend part au projet des Maisons d’enfants à caractère social (Meca). Deux structures, une au nord et une au sud, à Mamoudzou et à Miréréni. Ces formes d’internats pourront chacune accueillir d’ici quelques mois 20 enfants. Cinq places sont réservées à des cas d’urgence. Afin de toujours diversifier au maximum les modalités d’accueil pour les enfants isolés, le Conseil départemental initie également les Lieux de vie et d'accueil (LVA). Au nombre de cinq, elles peuvent accueillir chacune jusqu’à 10 jeunes. Là-bas, sont présents aux côtés des adolescents des professionnels de la santé et de l’enfance (psychologues, éducateurs spécialisés, travailleurs sociaux, etc.) qui les accompagnent dans différents projets. En parallèle de ces quatre modes de placements, le Conseil départemental entame une nouvelle alternative. La mise en place d’une prévention spécialisée sur tout le territoire. Son but est simple : arriver à entrer en contact avec les mineurs isolés directement sur le terrain. "Des travailleurs sociaux se rendront à la rencontre des enfants dans la rue pour voir la réalité de leur quotidien. Savoir combien ils sont, mais surtout pourquoi sont-ils là ? Comprendre où sont leurs parents", explique Issa Issa Abdou. Grâce à cette prise de contact, le chargé de l’action sociale souhaite ainsi pouvoir trouver à ces enfants les structures sociales adéquates au chacun de leur cas. Ce processus a déjà été expérimenté à Dembeni, via l’association la CroixRouge. En est ressorti un bilan plutôt positif : la petite délinquance a nettement baissé. "On a constaté qu’il y avait moins de bagarres entre villageois par exemple. Les enfants ont reçu les travailleurs sociaux comme s’ils étaient des grands frères et grandes sœurs, qui pouvaient leur apporter des

solutions", décrit l'élu, avant d’ajouter que "l’opération n’est pas dans une optique de répression, mais plutôt de dissuasion." "Tous les maillons de la chaîne doivent jouer le jeu." Issa Issa Abdou voit l’avenir de l’action sociale mahoraise de manière plutôt positive. Notamment par le biais de la nouvelle génération de travailleurs sociaux qui est formée chaque année sur le territoire grâce à l’Institut régional du travail social (IRTS) : "Nous devons développer ces formations et surtout garder ces jeunes." Mais pour le moment, Issa Issa Abdou pointe du doigt la législation inadéquate au territoire mahorais qui persiste à poser problème. "L’île est une sorte de garderie géante", ironise-t-il avant de retrouver son sérieux pour citer les lois relatives à l’accueil de mineurs isolés : "Les mineurs isolés doivent normalement être de passage dans les dispositifs de placements et les structures sociales prévues à cet égard. Or à Mayotte, on garde ces enfants, car leurs parents ne reviennent jamais". Il évoque par exemple l’obligation législative de savoir parler la langue française dans les familles qui souhaitent devenir des familles d’accueil, en précisant qu’on "peut être une très bonne mère sans savoir parler le français", en citant sa propre mère. Outre la loi inadaptée à Mayotte, il interroge les fonctions régaliennes de l’État. "La solidarité nationale doit normalement assurer la répartition des enfants isolés vers un autre territoire, si un territoire sature. Mais rien n’est fait", déplore Issa Issa Abdou. Le conseiller a conscience des limites des actions étatiques et ce qu’impose la situation géographique de l’île : "Je ne souhaite pas non plus qu’il arrive à Mayotte quelque chose comme les enfants de la Creuse." Mais il reste, à ses yeux, beaucoup de questions sans réponses. "Tous les jours, des enfants arrivent à Mayotte. Or on a un petit territoire. Comment va-t-on faire ? Et que doit-on faire en attendant une réponse de l’État ? Si on veut sortir de là, il nous faut de vraies solutions." Il évoque l’un des points du plan Mayotte de la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, qui pourrait être une alternative, mais qui n’est malheureusement pas applicable. Le texte parle de rapprochements territoriaux des enfants et de leurs parents, notamment avec les Comores. "Mais Azali Assoumani n’est pas coopératif, et les enfants ne peuvent pas retrouver leurs parents", déplore Monsieur Abdou, "Ces enfants doivent cependant retrouver leurs parents biologiques." Le conseiller ne compte pas baisser les bras, mais précise que tout fonctionnera à condition que "tous les maillons de la chaîne jouent le jeu". Récemment, on compterait plus que 400 mineurs isolés au sens strict, c’est-à-dire sans adulte référent sur le territoire. Mais des milliers d’enfants restent livrés à eux-mêmes, en étant sous la responsabilité d’un adulte en situation irrégulière "Si le département a pris ses responsabilités" selon Issa Abdou, il tient à préciser "que Mayotte n’est toujours pas sortie de l’auberge." Pour le conseiller départemental : "Il faut voir au-delà des lois, car à Mayotte, elles doivent sans cesse être adaptées au territoire. "Pour lui, une chose est claire : "À Mayotte, il faut être imaginatif." n

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Hugo Coëff

René Heuzey a réussi à approcher un ours polaire. À quelques mètres sous la mer, le réalisateur a pu capturer des images de l'animal. Une première mondiale. (Crédit Mattéo Rivoli)

"Les requins les plus dangereux ne vivent pas sous l'eau" René Heuzey, plongeur, caméraman et réalisateur sous-marin

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René Heuzey, plongeur professionnel, réalisateur et producteur de documentaires sous-marins. Il a été directeur de la photo sous-marine et réalisateur du film à succès Océans. (Crédit Andy Parant)

Célèbre caméraman et réalisateur sous-marin, René Heuzey est l'invité d'honneur du Festival de l'image sous marine de Mayotte, organisé jusqu'au dimanche 26 mai. À l'origine de nombreux films à succès dont "Océan", sorti en 2009, et récompensé par le César du meilleur film documentaire, ce passionné sensibilise le grand public à la protection des fonds marins, afin de protéger les richesses naturelles d'une planète en danger.

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Mayotte Hebdo : Vous êtes déjà venu plusieurs fois dans le département, notamment pour y tourner un documentaire. Cette semaine, vous êtes l'invité d'honneur du Festival de l'image sous-marine de Mayotte. Pourquoi était-il important pour vous de revenir sur l'île aux parfums ? René Heuzey : J'ai accepté l'invitation de Jack Passe pour une bonne raison : en 2006 j'ai réalisé un documentaire intitulé Mayotte, l'île sous la Lune et j'en ai gardé un très bon souvenir. Mayotte est une île très importante dans l'océan Indien et elle correspond à ma philosophie. Ce sont des fonds marins riches en espèces et donc en découvertes, ce qui me permet d'avoir un terrain de jeu immense. Mayotte, à ma connaissance, est le seul endroit au monde qui détient un double lagon. C'est en grande partie pour cette raison que les baleines viennent souvent mettre bas ici, car elles se sentent en sécurité, c'est ce qui me plaît ici. C'est une île avec une immense richesse sous-marine, qui n'est pas forcément connue de tous. J'étais venu faire un sujet en 2004 pour une chaîne de télévision et c'est de là que m'est venue l'idée de faire un documentaire pour parler du monde marin. Quand je réalise un film ou un documentaire, tout d'abord je veux montrer la nature et l'environnement qui m'entourent sous

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"Mayotte est une île très importante dans l'océan Indien et elle correspond à ma philosophie"

l'angle sous-marin, terrestre et aérien. Quand je tourne un film, j'aime bien revenir plusieurs années après pour constater l'évolution des fonds marins. Je ne suis arrivé qu'hier, donc je ne peux pas encore trop me rendre compte, si ce n'est que j'ai remarqué que le corail ne pousse plus. Dans les années 2000, il y avait le phénomène El Niño*, qui a causé une importante mortalité du corail. Quelques années plus tard, en 2006, j'avais constaté qu'il avait repoussé. Mais ce fut bref puisque ce phénomène s'est depuis relancé dans l'océan Indien, comme j'ai pu le voir dimanche en plongée. Les coraux que j'ai pu observer ont blanchi, car l'eau est anormalement chaude actuellement. C'est l'une des conséquences du réchauffement climatique. Mais cet évènement est inéluctable de toute façon, El Niño existe depuis des dizaines et des dizaines d'années. Avec des connaissances plus approfondies sur les fonds marins du lagon, les Mahorais pourraient davantage limiter les effets du phénomène. MH : Vous dites que les Mahorais manquent de connaissances sous-marines. Le festival de l'image est donc important, voire primordial, pour informer et sensibiliser le grand public ? R.H. : Pour moi c'est important de montrer que l'image sous-marine est une image indispensable à la protection de l'environnement. Montrer les productions, c'est expliquer et faire comprendre aux personnes insulaires qu'ils ont un décor fabuleux chez eux, mais qu'ils ne maîtrisent pas. Je viens donc avec mon association – "Un océan de vie" – pour aller à la rencontre de quatre classes de jeunes afin de leur faire découvrir le lagon par le biais de films courts et d'échanges autour de ce thème. Je ne dis pas qu'ils ne sont pas au courant, mais il y a partout une majorité de personnes qui ne connaissent pas leur environnement. Quand je suis en visite dans des établissements scolaires, les seuls poissons que connaissent les enfants, ce sont ceux qu'il y a dans leur assiette. Les insulaires ont la peur de l'eau et cette émotion fait partie de leur culture. C'est également par le biais du film Les dents de la mer, sorti en 1975, qu'il peut y avoir une certaine psychose des fonds marins. Toutefois, la compréhension du milieu aquatique permettrait de le comprendre et de l'appréhender comme un monde exceptionnel. MH : Outre la méconnaissance du monde marin, les Mahorais ne semblent pas non plus toujours sensibles à l'amoncèlement des déchets sur le territoire. Comment peut-

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Au large de l’île Maurice dans l’océan Indien, René Heuzey, plongeur professionnel s’est fait "adopter" par une famille de cachalots qu’il filme depuis 9 ans. (Crédit Éric Lancelot)

on faire, au quotidien, pour protéger ce joyau mahorais ?

capable de comprendre que sans eau, il n'y a pas de vie !

R.H. : Les moyens passent par l'éducation. Aujourd'hui, il suffit d'avoir un masque et un tuba pour découvrir la merveilleuse vie sous-marine. Je pense que l'éducation parentale, mais aussi les politiques nationales, sont en cause. C'est seulement quand le lagon commence à mourir que nous nous préoccupons de le préserver. Il faut bien comprendre que le prédateur de la nature, c'est l'homme avec ses déchets. Quand je suis passé sur les routes mahoraises dimanche, j'ai pu apercevoir des endroits où des réfrigérateurs, des carcasses de voitures, des micro-ondes, etc., étaient abandonnés sur le bas-côté. Tout ce qui part de la terre va à la mer. À Mayotte, il y a également un phénomène qui dure depuis des décennies et qui n'a pas changé : les brûlis. Le territoire détient de nombreuses mangroves qui sont, normalement, une nurserie pour permettre aux poissons de se reproduire. Le problème qui se pose ? Aujourd'hui, la production de brûlis devient trop importante, plus rien ne retient les terres, ce qui noie les mangroves et par conséquent la nurserie. Plutôt que d'interdire purement et simplement ces défrichements, il faudrait parvenir à les contrôler et expliquer aux Mahorais ce qu'ils peuvent faire et jusqu'où ils peuvent le faire. L'Homme n'est pas encore

MH : Pendant de nombreuses années, la préservation des océans n'était pas forcément le sujet à la Une de tous les médias. Aujourd'hui, avec un réchauffement climatique de plus en plus visible, la protection des fonds marins est-elle devenue un sujet prioritaire ? R.H. : Cela fait plus de 20 ans que je réalise des films pour sensibiliser sur la fragilité des océans. C'est un sujet qui n'a jamais été du goût des médias, préférant avoir des catastrophes naturelles à l'antenne afin d'augmenter au maximum les audiences. Donc non, ce sujet n'est pas encore médiatisé comme il le devrait. Le problème, c'est l'information télévisée qui est encore perçue comme la parole d'évangile. Toutefois, depuis quelque temps, les médias commencent à s'intéresser à l'environnement parce que nous n'avons plus le choix. Les dérèglements climatiques, les effets de serre, la pollution du 6ème continent, la surpêche, etc., ne se font pas tout seuls. L'Homme ne comprend pas encore qu'il est responsable de tous ces grands changements. Quand je pense qu'à Fukushima, depuis le 11 mars 2011 jusqu'à nos jours, 300 tonnes de radioactivité se déversent dans l'Océan… Ce sont des poissons contaminés que

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Crédit Patrick Masse

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nous retrouvons dans nos assiettes. Il faut bien comprendre que s'il n'y a plus de poissons, il n'y a plus de vie. Le but n'est pas de rattraper nos erreurs passées, mais de ne plus en faire. Actuellement, notre difficulté est que nous sommes pris entre les politiques, les industriels, les scientifiques et les naturalistes. La technologie a pris le pas sur la reproduction des poissons. L'Océan est donc de moins en moins peuplé. Je ne dis pas qu'il faut interdire la pêche, mais il faut en réduire les quotas et les contrôler. C'est également à nous, individus, de réguler notre consommation de poisson afin de diminuer la cadence du marché. Dans tous les cas, c'est une question de business et de lobby. Si nous continuons dans cette voie, ce sera un avenir de méduses puisqu'elles se sont adaptées. Elles commencent à s'alimenter avec du micro-plastique. Je ne suis pas pessimiste à ce point-là, il y a encore de belles choses, mais nous ne pouvons plus faire machine arrière. MH : 30 ans à côtoyer les fonds marins de la planète. Quels sont les plus gros changements que vous avez pu constater ?

R.H. : C'est paradoxal, mais la méditerranée, pour moi, est devenue plus riche que dans les années 80-90. Premièrement, les grandes villes ont développé des stations d'épuration efficaces ce qui permet une diminution des déchets présents dans l'eau. Deuxièmement, une interdiction est apparue dans les années 2000 pour la pêche au filet dérivant entrainant le retour des mammifères. Dorénavant, à Marseille, nous pouvons voir des dauphins et des baleines que nous n'avions pas il y a 30 ans. Nous pouvons même constater le retour de tortues. MH : Et votre plus beau souvenir de plongée ? R.H. : Je vous en donne trois (rire). Deux mois par an depuis neuf ans je filme une famille de cachalots près de l'île Maurice. Je les ai vu grandir et je sais maintenant comment ils se comportent, il y en a même qui me reconnaissent. Grâce à nos images et nos études, nous avons chamboulé des théories scientifiques mondialement connues. Par exemple, depuis toujours, les scientifiques sont persuadés que seules les mamans mammifères peuvent allaiter les bébés. Or, le bébé cachalot que je suis depuis neuf ans

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tète aussi bien sur sa maman que sur ses nounous. C'est un chamboulement dans l'étude des cachalots. Cette année, nous allons encore avoir une révolution puisque j'ai réussi à filmer un bébé cachalot tétant une nounou qui n'a jamais eu d'enfant. C'est la première fois que je le dis, c'est une exclusivité mondiale ! Mon rêve est de faire un vrai film de cinéma pour montrer comment ils viennent en racontant une histoire. Mon deuxième coup de cœur c'est d'avoir capturé les images d'un ours polaire sous l'eau à quelques mètres de lui, une première mondiale. Et puis enfin, la visite de la grotte Cosquer** de Marseille. Il y a moins de 50 personnes sur terre qui ont pu aller la découvrir. Nous sommes actuellement en train de la reconstruire puisqu'en raison de la montée des eaux les peintures risquent de disparaître. Dans deux ou trois ans, la Villa méditerranée (centre d'exposition, ndlr) accueillera sa reproduction. MH : Au cours de votre carrière, vous avez réalisé près de 30 films, produit une dizaine de documentaires et reçu une douzaine de récompenses dont la Palme d'or du Festival mondial de l'image sous-marine en 2017. Quels sont vos futurs projets ? R.H. : Continuer cette expérience sur les cachalots. C'est une étude qui prend énormément de temps. J'aimerais aussi me consacrer au jeune public avec des séries de petits films. J'ai déjà réalisé 60 films (de 1,30 mn, ndlr) et bientôt j'en serais à 100 pour les diffuser dans les écoles. Ils racontent le quotidien des animaux sous marins et

présentent leur chaine alimentaire. Je vais donc me rapprocher de plus en plus vers la terre, mais j'ai beaucoup moins de soucis sous la mer (rire). Comme je dis toujours, les requins les plus dangereux ne vivent pas sous l'eau. MH : Vous avez passé la moitié de votre vie à filmer les fonds marins. Vous pensez arrêter un jour ? R.H. : Oui évidement, un jour, mais pour moi ce n'est pas d'actualité. Tant que je peux mettre ma caméra et porter ma bouteille, je n'arrêterais pas. Je suis conscient qu'un jour cette aventure se finira, mais je profite de chaque instant. Je n'ai pas de préretraite et puis de toute façon je n'ai absolument pas envie d'être à la retraite. Surtout en ce moment, je pense que nous avons besoin de personnes pour exposer la réalité et dénoncer les ravages du développement de l'industrie et de la surconsommation. Ma caméra est le témoin de ce qu'il se passe réellement. J'ai appris énormément de choses au cours de ma carrière, j'ai maintenant envie de transmettre mes connaissances aux futures générations. Il faut laisser la place aux jeunes.n * Lorsque les alizés – vents d’est près de l’équateur – s’affaiblissent sensiblement, voire s’inversent, la masse d’eau chaude s’étend vers l’est. Cela se traduit par un réchauffement marqué et persistant des températures de surface de la mer (SST) entre le centre et l’est du Pacifique équatorial. C’est ce que l’on nomme communément un évènement El Niño. ** La grotte Cosquer est une grotte sous-marine unique au monde située dans les Calanques, près de Marseille, au cap Morgiou. Avec les animaux terrestres habituels de l’art pariétal, on a également trouvé, dessinés ou gravés dans la roche, des pingouins, phoques, poissons et divers signes pouvant évoquer des méduses ou des poulpes.

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magazine

Textes et photos : Geoffroy Vauthier

Tourisme

Deux nouveaux catamarans à Mayotte Partis des Sables-d'Olonne le 25 décembre dernier, les deux catamarans, Matai et Kaena, sont enfin arrivés à Mayotte à quelques jours d'intervalles. Un périple de plus de quatre mois destiné à renforcer l'offre touristique et de loisirs sur un des plus beaux lagons du monde. Carnet de voyage et visite de ces embarcations haut de gamme. Ils auront donc mis presque cinq mois pour rallier Les Sables-d'Olonne à Mayotte. Arrivés respectivement vendredi 10 et samedi 18 mai, les catamarans Kaena et Maitai, propriétés de Cyrille Civetta, gérant de Planète bleue pour le premier ; et de Pascal Jardin, gérant de NBC Travel et de Matai Croisière – nom sous lequel opèrera le bateau – pour le second ; sont désormais au mouillage dans les eaux mahoraises. Le projet tend à développer l'offre de tourisme et de loisirs sur un des plus lagons du monde, atout touristique numéro de Mayotte. Une offre organisée autour de plusieurs formules* pour chacune des deux structures : sorties à la journée, virées pour le coucher du soleil, plongées, etc., mais aussi croisières dans la région. Avec un projet global de 1,4 million d'euros financé pour moitié par le Fonds européen de développement régional (Feder), les deux opérateurs entendent proposer des prestations axées sur le haut de gamme. Ainsi, les bateaux – des Lagoon 450 Sport Top – disposent de trois cabines et d'une coque, totalisant 12 couchages. Haut de gamme, oui, mais aussi écologiques puisque les voiliers – déjà non polluants – sont équipés pour être le plus autonomes possible avec notamment des dessalinisateurs et des panneaux photovoltaïques. En attendant les premières navigations sur le lagon, photos des embarcations et rappel de leurs parcours. *Pour plus de détails, retrouvez les offres de Matai sur www.mataicroisires.fr (page Facebook : Maitaicroisières) et de Kaena sur www.7planetebleue.com (Facebook : Planète bleue).

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Photos 1 & 2 Arrivé vendredi 10 mai, le catamaran Kaena de Cyrille Civetta, gérant de Planète bleue, se réjouissait d'avoir été, dans l'ensemble "verni. Cette chance nous a accompagnés tout le long du chemin, avec une météo parfaite." Il s'apprête désormais a effectuer ses premières sorties sur le lagon "à la journée, pour des apéros au coucher du soleil, pour de la plongée, peut-être aussi une formule sur huit jours". Le capitaine réfléchit aussi à étendre sa zone d'action dans la région. "Les Comores, Madagascar, les îles Éparses et pourquoi pas les Seychelles", pourraient ainsi faire partie des destinations de croisières à venir.

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Une semaine après, c'est au tour de Maitai, appartenant cette fois-ci à Pascal Jardin, gérant de NBC Travel, de faire son arrivée à Mayotte. Celui qui naviguera sous le nom de Matai Croisières aura lui aussi permis une traversée sans encombre, faites d'escales et de deux transatlantiques : la première pour rallier le Brésil depuis le Cap-Vert, afin de rejoindre – lors d'une deuxième transatlantique – Cap Town en Afrique du Sud, grâce aux célèbres – mais aussi redoutables – quarantièmes rugissants.

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Photos 5, 6 & 7 Près de cinq mois de traversées, escales comprises, ça créé forcément des liens. Ils étaient cinq à naviguer sur Matai : Pascal Jardin (en photo à la barre), sa fille et son compagnon – Alizée et César, (également en photo sur le mât) –, et un couple d'amis à eux, qui ont embarqué au Cap Vert, Max et Lisa.

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8 9 Photos 8, 9 & 10 Chacun des deux catamarans, (ici Matai), dispose en plus du pont, du toit, et de la "terrasse", d'un salon/ cuisine, de trois cabines – 12 couchages – d'une salle de bain et de toilettes.

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Photos 11 & 12 Parmi les activités qui seront bientôt proposées : sorties à la journée, croisières, plongées en partenariat avec des clubs, "apéros coucher de soleil", tour de l'île, etc.

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le métier de la semaine

Carreleur Le carreleur revêt toute surface horizontale ou verticale par scellement, collage ou fixation d'éléments rigides (carrelage, faïence, pierres ornementales, ...) selon les règles de sécurité et peut installer des parquets et effectuer des travaux d'agencement. Environnement de travail -

Entreprise artisanale Bâtiment domestique Bâtiment et Travaux Publics Bâtiment industriel Bâtiment second œuvre Bâtiment tertiaire

Compétences

- Implanter une zone de chantier - Démonter un revêtement existant - Enlever des gravats - Poser des matériaux isolants - Ragréer une surface de pose - Appliquer la barbotine - Définir l'alignement d'un revêtement - Couper des matériaux de revêtements et de finition - Poser des carreaux sur un support - Vérifier l'équerrage et l'aplomb - Fixer les carrelages, faïences, plinthes ou barres de seuil

Accès au métier

Cet emploi/métier est accessible avec un CAP/BEP en carrelage. Il est également accessible avec une expérience professionnelle dans ce secteur sans diplôme particulier. Un diplôme de niveau Bac (Bac professionnel, Brevet Professionnel) peut être demandé pour les postes d'encadrement d'équipe. Des formations complémentaires aux techniques de pose de mosaïque, de faïence, de marbre et de parquet peuvent être requises.

PROPOSENT UNE FORMATION DE RÉFÉRENT DIGITAL A DIEPPE en MÉTROPOLE La formation de référent digital dure 4 mois. A terme, elle permet de créer des supports WEB ou de gérer le web marketing d’une PME. Aucun pré requis technique n’est requis pour s’inscrire. Il faut néanmoins réussir le test de positionnement (2 questionnaires et un entretien). La formation demande un fort investissement, il faut donc avoir une bonne motivation et une grande capacité de travail. Début de la formation : 9 septembre 2019 Renseignements : Auprès de l’IFCASS au 02.35.82.67.18 et sur son site Internet www.ifcass.fr Auprès de LADOM au 02.69.61.51.28 et sur son site Internet www.ladom.fr

Inscription sur le site Internet de l’IFCASS www.ifcass.fr jusqu’au 7 juin 2019

Conditions d’entrée : Être inscrit au Pôle Emploi / Etre âgé au minimum de 18 ans / Avoir un foyer fiscal à Mayotte dont le quotient familial est inférieur à un montant qui vous sera communiqué par LADOM / Ne pas avoir bénéficié d’une autre aide à la mobilité dans l’année / Réussir le test de positionnement.

http://www.facebook.fr/ifcass

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offres d'emploi Ouvrier agricole polyvalent / Ouvrière agricole polyvalente

Animateur / Animatrice radio

TECHNICIEN D'INTERVENTION (H/F)

Monteur / Monteuse de réseaux électriques aero souterain (H/F)

Ambulancier / Ambulancière (H/F)

Secrétaire administratif / administrative

* voir site Pôle emploi

MADI HAFIDHOU - 976 - DEMBENI Il travaille dans la culture, et l'élevage des zébus Dans une exploitation d'élevage, il a la responsabilité de l'alimentation animale, de l'entretien de la prairie et du bon développement

FRANCE TELEVISIONS (MAYOTTE PREMIERE) - 976 - DZAOUDZI

Mission: Vous préparez, animez et présentez des émissions selon la ligne éditoriale définie et tenant compte des possibles expositions et exploitations multi-supports et multi-formats

976 - MAMOUDZOU

Recherche: TECHNICIEN D'INTERVENTION (H/F) Vous intégrez une entreprise reconnue et leader à Mayotte. Votre quotidien ? Intervenir sur l'ensemble du territoire

ADECCO MAYOTTE - 976 - MAMOUDZOU Adecco Mayotte cherche pour son client, spécialisé dans le domaine de la distribution d'énergie (réseaux électriques aériens, souterrains) et de l'éclairage public un Monteur de réseaux électriques

ADECCO MAYOTTE - 976 - MAMOUDZOU Adecco Mayotte cherche pour son client un ambulancier (H/F) diplômé d'état (DEA), motivé et ponctuel. Le diplôme est indispensable pour l'exercice du poste

INSTITUT DE FORMATION DE LA REUNION - 976 - MAMOUDZOU - Accueil physique et téléphonique - - Réalise le traitement administratif de dossiers (frappe de courrier, mise en forme de document, ...) et transmet les informations

Formateur assistant de vie aux familles (H/F)

INSTITUT DE FORMATION DE LA REUNION - 976 - MAMOUDZOU Les Missions sont de : - De Préparer les publics sélectionnés à l'exercice d'Assistant de vie aux familles en leur faisant découvrir le métier et en leur permettant d'acquérir les fondamentaux

Formateur Agent de propreté et d'Hygiène (H/F)

INSTITUT DE FORMATION DE LA REUNION - 976 - MAMOUDZOU Les Missions sont de : - De Préparer les publics sélectionnés à l'exercice d'Agent de Propreté et d'hygjène en leur faisant découvrir le métier et en leur permettant d'acquérir les fondamentaux


Fiche de poste : Directeur(trice) pôle LVA Missions principales : - Mise en œuvre du projet d’établissement - Gestion et animation des ressources humaines - Gestion économique, financière et logistique - Représentation et promotion Compétences : - Gestion administrative et financière du pôle - Management d’équipe - Conduite du changement - Connaissance de l’environnement et des dispositifs médico-sociaux - Connaissance de la réglementation du champ couvert par l’établissement - Connaissance des problématiques liées au public accueilli - Capacité à développer et entretenir des partenariats - Maitrise des procédés d’évaluation des activités et de la qualité des prestations d’une structure sociale et médico-sociale

Aptitudes professionnelles : - Sens de l’organisation - Capacités d’analyse et d’anticipation - Capacités de décision - Aisance relationnelle - Fortes aptitudes à la négociation - Sens de l’éthique Diplômes requis : - Le CAFDES - Le CAFERUIS : Certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale ou DEIS (M2 économie sociale et solidaire) - Master 2 en intervention sociale avec expérience de 3 ans et plus - Justifier d’une expérience significative dans le secteur - Permis B exigé

Le directeur du pôle travaille sous la responsabilité directe de la direction de la structure Ce poste implique des déplacements réguliers sur l’ensemble du département - CDI - Rémunération selon le profil - Début du contrat : dès que possible

Association Messo 85 route nationale de M’Tsapéré , 97600 Mamoudzou Inscriptions : 02 69 62 18 23 – secretariat.direction@messo.fr - MESSO

Fiche de poste :

Directeur(trice) pôle développement économique et social Missions principales : - Mise en œuvre du projet de la structure - Gestion et animation des ressources humaines - Conception, attractivité, développement technique et opérationnel - Gestion économique, financière et logistique - Représentation et promotion

Aptitudes professionnelles : - Sens de l’organisation - Capacités d’analyse et d’anticipation - Capacités de décision - Aisance relationnelle - Fortes aptitudes à la négociation - Sens de l’éthique

Compétences : - Gestion administrative et financière du pôle - Management d’équipe - Conduite du changement - Connaissance de l’environnement et des dispositifs structurants - Capacité à développer et entretenir des partenariats

Diplômes requis : - Master 2 en stratégie de développement/politiques sociales et territoriales - Master 2 en développement économique et social ou équivalent - Justifier d’une expérience significative dans le secteur - Permis B exigé

Le directeur du pôle travaille sous la responsabilité directe de la direction de la structure. Ce poste implique des déplacements réguliers sur l’ensemble du département - CDI - Rémunération selon le profil - Début du contrat : dès que possible

Association Messo 85 route nationale de M’Tsapéré , 97600 Mamoudzou Inscriptions : 02 69 62 18 23 – secretariat.direction@messo.fr - MESSO

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magazine d’Information numérique Hebdomadaire Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier Rédactrice en chef adjointe Houdah Madjid

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Couverture :

Mineurs isolés, enquête Journalistes Ichirac Mahafidhou Lyse Le Runigo Hugo Coeff Romain Guille Solène Peillard Ornella Lamberti Correspondants HZK - (Moroni) Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan, Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com



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