Source vol.19, No 3

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AUTOMNE 2023, vol. 19 n o 3

Z RE NE UV ZI OS C O GA N D DÉ MA À L’E LE 3RVE

Le magazine de l’eau au Québec

Convention de la poste-publications no 41122591

TAGE REPORLU S I F E XC

Les trois étapes du traitement des PFAS en phase liquide

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Portrait des infrastructures en eau des municipalités du Québec

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Les compétences qui font la différence : notre nouveau référentiel les répertorie !

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TE SI U T EA N E UV E R NO INT


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reportage 8

« Il faut rendre les métiers sexy. Il faut que ce soit le fun ! On doit montrer aux jeunes que les métiers de l’eau représentent des professions d’avenir, avec de bonnes conditions, et qu’ils soutiennent une grande cause. » — Robert Dubé

chroniques

SOMMAIRE

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LES AMIS DE SOURCE

ONSS LES B TACT

N S CO

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TRAITEMENT DES EAUX LES TROIS ÉTAPES DU TRAITEMENT DES PFAS EN PHASE LIQUIDE

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CERIU PORTRAIT DES INFRASTRUCTURES EN EAU DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC

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CYBERSÉCURITÉ PARLONS CYBERSÉCURITÉ : UN NOUVEAU COMITÉ POUR PROTÉGER NOS USINES !

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GESTION HUMAINE DES RESSOURCES LES COMPÉTENCES QUI FONT LA DIFFÉRENCE : NOTRE NOUVEAU RÉFÉRENTIEL LES RÉPERTORIE !

Éditeur et rédacteur en chef André Dumouchel adumouchel@maya.cc

Chroniqueurs Clément Cartier Dominique Dodier Marc Didier Joseph Caroline Turcotte

Espace publicitaire André Dumouchel Téléphone : 450 508-1515 adumouchel@maya.cc

Direction artistique MAYA

Photos de la page couverture et de l’entrevue iStock by Getty Images, Luc Lavergne et Alexandre Nadeau

Abonnement et administration MAYA communication et marketing 457, montée Lesage Rosemère (Québec) J7A 4S2 Téléphone : 450 508-1515 info@magazinesource.cc www.magazinesource.cc

Designer graphique Sylvain Malbeuf (SymaPub)

Réviseure linguistique Émilie Pelletier

Coordonnatrice à la direction de l’édition Maude Champagne coordination@maya.cc

Impression Héon et Nadeau

Journaliste et rédacteur Steven Ross

Ce magazine est imprimé sur papier à contenu recyclé.

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© Tous droits réservés. Droits d’auteur et droits de reproduction : toute demande de reproduction doit être acheminée à MAYA communication et marketing aux coordonnées figurant ci-dessus. Les opinions et les idées contenues dans les articles n’engagent que leurs auteurs. La publication d’annonces et de publicités ne signifie pas que le magazine SOURCE recommande ces produits et services. Convention de la poste-publications no 41122591. Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada aux coordonnées figurant ci-dessus. Dépôt légal : 1er trimestre 2005. ISSN 1712-9117. Le magazine SOURCE est publié trois fois l’an.

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Le magazine de l’eau au Québec


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ÉDITORIAL

FAIRE DE L’EAU

UNE PRIORITÉ SOCIÉTALE Alors que j’étais sur la route dernièrement, j’ai voulu faire un arrêt rapide pour m’acheter un café. À ma grande surprise, le commerce demandait à ses clients de se diriger exclusivement vers le service au volant. À côté de la note justificative affichée sur la porte de l’établissement, il y avait une seconde note : « Employés recherchés ! » et incident m’a rappelé une autre anecdote vécue quelques semaines plus tôt, alors que je magasinais dans une grande quincaillerie avec fiston. Ma conjointe m’avait gentiment suggéré d’aller demander l’aide d’un expert pour me conseiller avant d’entamer mon nouveau projet de rénovation.

C

Quand l’employé est arrivé dans l’allée, d’un pas nonchalant, j’ai été stupéfait de noter non seulement qu’il terminait à peine sa puberté, mais aussi qu’il était compagnon d’école de mon ado. Je dois avouer que je cherchais davantage les conseils d’un Roger, 69 ans, aux mains maganées que ceux de Félix-Antoine, 16 ans, rempli de bonnes intentions !

tentent de pallier le manque de travailleurs en trouvant les endroits où les compressions feront le moins de dommages. Dans ce contexte, pour le présent numéro, nous avons tenté de brosser le portrait le plus juste des conséquences de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de l’eau. En plus d’être au cœur de l’environnement, le secteur de l’approvisionnement et du traitement de l’eau est un service essentiel, qui a des répercussions directes sur la santé publique.

Je ne suis évidemment pas le seul à vivre ces situations. Nous pourrions probablement tous nommer des dizaines d’anecdotes de ce genre vécues au cours des deux dernières années.

Baisser la garde en ce qui a trait à la qualité des services n’est donc pas une solution, mais le contexte actuel rend la tâche extrêmement difficile aux employeurs publics et privés.

Le constat général est sans équivoque : actuellement, dans un très grand nombre de secteurs, la pénurie de main-d’œuvre force les employeurs à revoir à la baisse (bien malgré eux) leurs standards de qualité et de services.

Au moment où la pénurie les frappe de plein fouet, les départs à la retraite creusent un trou béant de quelque 2 000 professionnels à remplacer d’ici 2024. Oui, vous avez bien lu : 2024. Pour accentuer les besoins criants, on constate une méconnaissance des métiers de la filière de l’eau chez les jeunes, qui leur préfèrent d’autres industries jugées plus attrayantes. Résultat : nos établissements de formation de haut niveau, reconnus ici et ailleurs, peinent à remplir leurs classes. Si vous voulez mon avis, la situation ne risque pas de changer de sitôt avec la récente annonce du gouvernement du Québec, qui lance plutôt une offensive de formation pour le marché de la construction, laquelle vise à former de 4 000 à 5 000 personnes supplémentaires pour qu’elles occupent des métiers en forte demande sur les chantiers.

Il ne faut toutefois pas commettre l’erreur de penser que cette diminution de la qualité et des services est propre au secteur du service à la clientèle, loin de là. On le voit malheureusement dans le réseau de l’éducation et dans le système de santé. Ces services on ne André Dumouchel peut plus essentiels adumouchel@maya.cc

Ces formations seront de courte durée et les étudiants recevront un soutien de 750 $ par semaine durant leur parcours. Une mesure exceptionnelle et ponctuelle du gouvernement pour une situation sûrement critique dans le domaine de la construction, je n’en doute point. Si noble soit-elle, cette mesure pourrait avoir une incidence néfaste sur la décision que prendront les jeunes et les moins jeunes en quête d’un nouveau travail. Choisiront-ils un métier de l’eau ou un métier de la construction, croyez-vous ? Les trois experts rencontrés sonnent l’alarme à propos de la situation actuelle, mais ils sont loin de jeter l’éponge. Selon eux, plusieurs solutions sont possibles pour remettre l’industrie à flot, notamment du côté des formations accélérées, qui permettraient entre autres la réallocation ou la requalification de la main-d’œuvre. On pense également à la simplification de l’immigration ainsi qu’à l’implantation au Québec de systèmes de formation qui font leurs preuves à l’étranger. Au moment où les bouleversements sociaux et les changements climatiques sont déterminés à créer des défis dans le secteur de l’eau, il semble donc que les réponses sont sur la table et que les membres de l’industrie sont plus que jamais prêts à s’unir pour braver la tempête. Encore faut-il que les mots d’ordre soient la concertation et la collaboration entre les différents acteurs afin que tout le monde rame dans le même sens et que l’on refasse de l’eau une priorité sociétale au Québec. n

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REPORTAGE

Par Steven Ross

Au moment d’écrire ces lignes, l’Institut de la statistique du Québec rapportait un taux de chômage de 4,4 % dans la province 1. En d’autres termes, le Québec est en situation de plein emploi. Dans la plupart des industries, les professionnels et travailleurs disponibles sont peu nombreux et ont l’embarras du choix. Le résultat pour les employeurs : un manque criant à combler, qui entraîne parfois une baisse des services.

Dans ce contexte, quel est l’état des lieux dans le secteur de l’environnement et, plus précisément, dans le sous-secteur de l’eau ? Strictement encadrés par le Règlement sur la qualité de l’eau potable, les métiers de la filière de l’eau influencent directement la santé publique. On ne peut donc baisser la garde ni du côté de la qualité des services offerts, ni du côté de leur quantité. Or, selon une récente étude publiée par EnviroCompétences 2, près de 2 000 travailleurs seront à remplacer dans l’industrie de 2020 à 2024, alors que les établissements d’enseignement ne forment qu’une centaine de professionnels par année.

Afin d’établir un portrait clair de la situation et de déterminer les pistes de solution les plus prometteuses pour surmonter les défis actuels, Jean-François Bergeron, président et fondateur de Nordikeau, Dominique Dodier, directrice générale d’EnviroCompétences, et Robert Dubé, administrateur de Réseau Environnement, partagent leurs perspectives sur la situation présente et future du secteur de l’approvisionnement et du traitement de l’eau.

L’eau, cette ressource cruciale « L’approvisionnement et le traitement de l’eau sont en amont de plusieurs services essentiels. Personne ne pourrait s’imaginer un hôpital fonctionner sans eau ! Cela dit, nous n’avons jamais manqué de cette ressource au Québec, et quand quelque chose ne manque pas, on estime moins bien sa juste valeur », résume Jean-François Bergeron. Le président et fondateur de Nordikeau utilise cet exemple pour refléter l’importance cruciale des métiers du secteur de l’eau. Selon lui, les professionnels qui travaillent dans cette filière jouent un rôle de premier plan dans trois grandes

Institut de la statistique du Québec. (2023, 6 octobre). Résultats de l’Enquête sur la population active pour le Québec au mois de septembre 2023. https://statistique.quebec.ca/fr/communique/resultats-enquete-population-active-quebec-septembre-2023 2 EnviroCompétences. (2020). Étude sur la main-d’œuvre de la filière eau : sommaire exécutif (p. 13). https://www.envirocompetences.org/media/publications/Sommaireexcutif-tudesurlamaindoeuvredanslesecteureauVF9oct.2020-VERSIONLONGUE.pdf 1

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Par ailleurs, les infrastructures qui assurent le traitement et la distribution de l’eau sont vieillissantes et parfois vétustes, ce qui laisse présager une demande encore plus accrue dans un avenir proche.

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REPORTAGE

sphères sociales : la santé publique (par l’approvisionnement en eau potable de qualité), la sécurité publique (par l’apport d’eau aux systèmes de protection contre les incendies), et la protection de l’environnement (par l’assainissement et le traitement des eaux usées).

services : « Aujourd’hui, on est confrontés à une pénurie de main-d’œuvre, mais on fait quand même les choses de la bonne façon. Ça prend des travailleurs qualifiés. Nous avons d’excellentes écoles, mais les classes sont vides. L’enjeu est d’attirer des gens dans ces programmes. »

C’est ce rôle critique, conjugué au choc causé par des crises sanitaires comme la contamination du réseau d’eau potable par l’E. coli survenue à Walkerton en mai 2000, qui a amené le Québec à réglementer les métiers entourant le traitement et l’approvisionnement de l’eau au début des années 2000.

En plus des quinze certifications de qualification et attestations d’expérience délivrées par Emploi Québec, une dizaine de formations postsecondaires sont offertes au Québec afin d’obtenir la reconnaissance requise par le Règlement sur la qualité de l’eau potable pour faire fonctionner une usine de traitement de l’eau.

« Le traitement de l’eau est un métier réglementé, géré par Emploi Québec, en collaboration avec l’émetteur de la réglementation, qui est le ministère de l’Environnement, explique Dominique Dodier. Pour exploiter une usine de traitement d’eau, il faut absolument des certifications. On ne peut prendre de risque là-dessus, parce que c’est un secteur de santé publique. »

Au niveau collégial, le Cégep de Saint-Laurent offre cinq programmes, dont un DEC en Technologie de l’eau et quatre AEC, notamment en Assainissement de l’eau, en Production de l’eau potable et en Traitement des eaux de consommation et des eaux usées.

Pour Jean-François Bergeron, ces standards de qualification très élevés peuvent avoir pour effet de compliquer l’accès aux métiers du secteur de l’eau, mais lésiner sur la qualité de la formation n’est pas une option : « La réglementation québécoise est très avancée, contrairement à celle d’autres juridictions. Après Walkerton, on voulait absolument s’assurer que les gens qui s’occupent de ces services sont qualifiés. C’est incontournable, et c’est tout à fait louable. »

Des formations de pointe ouvrant la voie à des emplois qualifiés Selon M. Bergeron, bien que recruter de nouveaux étudiants soit un défi, la réponse à la pénurie passe tout de même nécessairement par la formation plutôt que par la réduction des

Les cégeps de Jonquière, de l’Outaouais, de Rivière-du-Loup et de Shawinigan proposent quant à eux diverses AEC reconnues, dont les Techniques de gestion des eaux et les Techniques de gestion et assainissement des eaux. De son côté, le Centre de formation professionnelle Paul-Gérin-Lajoie offre le seul DEP reconnu au Québec, soit le programme de Conduite de procédés de traitement de l’eau. Ces différentes formations mènent à exercer le métier défini par Emploi Québec comme « opérateur (opératrice) d’installations du traitement de l’eau ». Pour les besoins de son Étude sur la maind’œuvre de la filière eau 3, parue en 2020, EnviroCompétences a établi 15 profils d’emplois répondant à la définition d’opérateur, lesquels peuvent être regroupés en quatre catégories de

fonctions principales : le traitement de l’eau potable, le traitement des eaux souterraines, le traitement des eaux usées et la distribution de l’eau potable. Selon Emploi Québec, les opérateurs d’installations du traitement de l’eau employés par des municipalités en 2020 détenaient au total 8 856 certifications, soit 1,3 certification par personne 4, ce qui confirme la très haute spécialisation des travailleurs du secteur.

Des besoins criants, mais des bancs d’école vides Toutes ces formations de haut niveau ne parviennent toutefois pas à combler le besoin de main-d’œuvre actuel. En effet, toujours selon EnviroCompétences, au Québec, en 2020, 68,57 % des opérateurs étaient âgés de plus de 40 ans 5, donc relativement avancés dans leur carrière. À titre comparatif, la même année, la moyenne d’âge québécoise était de 42,6 ans 6. Sur les quelque 6 997 opérateurs en traitement de l’eau en fonction dans la province en janvier 2020, 1 959 devraient être remplacés d’ici 2024 en raison de départs à la retraite (28 %) 7. Pour Robert Dubé, administrateur de Réseau Environnement, les sommets connus actuellement sur le plan des besoins de maind’œuvre sont si élevés qu’ils rappellent l’époque où l’ensemble du réseau d’assainissement d’eau a été mis au monde : « Au début des années 1980, le programme d’assainissement des eaux du Québec a été l’un des plus gros chantiers dans les régions. Des milliards ont été investis pour construire des stations dans chaque municipalité. Puis, au début des années 2000, une seconde phase de mise à jour a eu lieu. Les besoins d’aujourd’hui sont similaires à ceux connus dans ces grandes périodes d’effervescence. »

‹‹ Nous avons d’excellentes écoles, mais les classes sont vides. L’enjeu est d’attirer des gens dans ces programmes. » — Jean-François Bergeron, président de Nordikeau

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REPORTAGE

SEULS 114 NOUVEAUX DIPLÔMÉS SORTENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT CHAQUE ANNÉE

Or, seuls 114 nouveaux diplômés sortent des établissements d’enseignement chaque année 8. Ce constat alarmant est illustré de façon très concrète par Jean-François Bergeron : « Le nombre de nouveaux travailleurs qui terminent leurs études chaque année n’est probablement même pas assez élevé pour couvrir les départs à la retraite à la Ville de Montréal ! » Selon Dominique Dodier, la situation est due en partie à la méconnaissance des carrières dans le secteur de l’eau, qui engendre un manque d’étudiants dans les établissements postsecondaires : « C’est un secteur névralgique qui touche la santé publique, et il bat de l’aile parce qu’il est peu valorisé et qu’il a fait l’objet de peu de promotion. » Robert Dubé abonde dans le même sens : « Il faut rendre les métiers sexy. Il faut que ce soit le fun ! On doit montrer aux jeunes que les métiers de l’eau représentent des professions d’avenir, avec de bonnes conditions, et qu’ils soutiennent une grande cause. »

Des enjeux hautement significatifs L’accroissement des besoins de main-d’œuvre, couplé au vieillissement des infrastructures et aux conditions climatiques, augmente d’année en année le risque d’urgence sanitaire. Pour le président et fondateur de Nordikeau, qui parcourt le monde pour son travail, la situation est grave, mais elle n’est pas unique à la province : « Les changements climatiques amènent des pressions accrues sur les services d’eau et si on n’a pas de gens pour faire fonctionner ces systèmes, on se dirige vers d’importants problèmes. Ces enjeux sont nationaux, mais ils ne sont pas propres au Québec. » Il cite en exemple les grandes pertes d’eau potable engendrées chaque année par les réseaux d’aqueducs obsolètes des diverses municipalités. Selon le Bilan de l’usage de l’eau potable 2021 publié par la Ville de Montréal, par exemple, on estime à 30 % le taux de perte d’eau potable par le Service de l’eau de la métropole, soit 140 millions de mètres cubes par année 9.

Ibid. Ibid. 5 Ibid. p. 33. 6 Institut de la statistique du Québec. (2021). Panorama des régions du Québec (p. 16). https://statistique.quebec.ca/fr/fichier/panorama-des-regions-du-quebec-edition-2021.pdf 3

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Sur le plan de l’assainissement, l’expert explique que les investissements visant à mettre à jour les installations vétustes deviennent également de plus en plus pressants : « Au Québec, les usines d’épuration ont une trentaine d’années. Des investissements importants sont à prévoir de façon urgente. Il est question de services publics de base, donc c’est inquiétant. »

Les pistes de solution pour vivifier les métiers de l’eau Bien rusé est celui qui établira la solution miracle pour résoudre la pénurie de main-d’œuvre généralisée qui afflige le Québec depuis la pandémie. En revanche, lorsque l’on cible précisément la filière de l’eau, les experts consultés s’entendent sur des pistes de solution à envisager. Sans imaginer de remède infaillible, ils suggèrent certaines approches qui ont fait leurs preuves à l’étranger ou qui permettraient d’offrir une seconde carrière à des professionnels dans des secteurs en perte de vitesse. Dominique Dodier cite notamment la réallocation, c’est-à-dire le transfert de professionnels de

EnviroCompétences, op. cit., p. 13. Ibid. p. 44. Ville de Montréal. (2021). Bilan de l’usage de l’eau potable 2021 (p. 12). https://portail-m4s.s3.montreal.ca/pdf/bilan_de_lusage_de_leau_2021.pdf


REPORTAGE secteurs en perte de vitesse vers le secteur de l’eau, ainsi que la requalification, soit le fait d’offrir la chance à des gens qualifiés dans un domaine de se spécialiser dans un domaine connexe : « Il existe plusieurs compétences transférables entre les divers secteurs. Si un jour les pâtes et papiers ralentissaient, par exemple, la main-d’œuvre pourrait se requalifier pour le traitement de l’eau. L’idée n’est pas de se cannibaliser entre industries, mais de bien évaluer les secteurs qui sont en décroissance. » L’étude d’EnviroCompétences sur la main-d’œuvre dans le secteur de l’eau pointe également vers l’immigration et le recrutement dans le reste du Canada comme pistes de solution. Elle rappelle, entre autres, que les travailleurs certifiés dans les autres provinces sont reconnus au Québec et que les formations données en France sont jugées équivalentes grâce à une entente de reconnaissance mutuelle. Elle précise toutefois que le recrutement international pourrait être encore plus efficace en élargissant la reconnaissance des formations à d’autres pays de la francophonie et aux États-Unis. Les trois experts partagent cet avis, mais nuancent les effets de l’immigration sur la pénurie de maind’œuvre en soulignant la complexité du processus

Phoenix

d’immigration pour les entreprises et en rappelant que les métiers du secteur de l’eau sont réglementés et hautement spécialisés, ce qui limite fortement le bassin de travailleurs étrangers pouvant être embauchés. Les AEC de courte durée sont une autre avenue qui pourrait alléger la pénurie de main-d’œuvre à très court terme. Selon Dominique Dodier, ces formations qui s’adressent aux personnes en recherche d’emploi ou en perfectionnement professionnel ont pour objectif d’offrir une formation très rapide et intensive : « Ces programmes sont comme une voie de desserte d’autoroute ! En l’espace de douze mois, les candidats deviennent opérateurs qualifiés. »

Le programme COUD, par exemple, est une formation en alternance travail-études permettant aux candidats d’obtenir un emploi d’opérateur garanti après seulement 1 400 heures. Tout au long de la formation, les étudiants sont rémunérés. Le programme s’adresse aux personnes en emploi, nouvellement embauchées ou avec peu d’expérience.

EnviroCompétences estime que les AEC pourraient également être utilisées de façon temporaire afin de former, sur une période d’un an, des personnes sorties du secondaire pour les préparer à certains métiers en traitement de l’eau.

De son côté, Robert Dubé rappelle l’efficacité du système ABC, l’une des solutions mentionnées dans l’étude d’EnviroCompétences. Appliquée de façon universelle aux États-Unis et ailleurs au Canada, elle pourrait selon lui se transposer au Québec. Ce système basé à la fois sur les études et sur le nombre d’heures travaillées en usine offre une reconnaissance de l’expérience des opérateurs. L’approche, qui mise aussi sur le compagnonnage, permet ensuite de répartir les travailleurs en usine sur les différents types d’installations selon leur complexité et en fonction du niveau de compétence des travailleurs.

Les formations en alternance travail-études sont aussi très efficaces et prometteuses. Ces programmes qui permettent de combiner enseignement et expérience sur le terrain ont notamment fait leurs preuves en Allemagne et en France.

Finalement, une stratégie de communication percutante visant à mieux faire connaître les métiers de l’eau et leurs avantages est une autre solution avancée par les trois intervenants. JeanFrançois Bergeron propose une application très tangible à cette solution potentielle : « Il faut aller

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REPORTAGE chercher des millions de dollars pour faire une campagne nationale de promotion des métiers de l’eau, afin que la population connaisse ces métiers et que nos écoles, qui sont de très bon niveau, se remplissent. » Si une telle campagne de marketing voyait le jour, quel message devrait-elle contenir pour convaincre les jeunes de s’enrôler ? « Des milliers de jeunes veulent sauver la planète, lance M. Bergeron. Travailler dans les métiers de l’eau, c’est une façon très concrète d’y contribuer ! » Robert Dubé ajoute que pour valoriser les métiers reliés au traitement de l’eau auprès des jeunes, il faut aller au-delà des questions logistiques telles que les tâches à effectuer ou les salaires à gagner. Selon lui, il faut faire appel à leurs valeurs et leur faire réaliser qu’en choisissant cette carrière, ils peuvent aider la société : « Les jeunes veulent s’impliquer dans quelque chose de significatif, notamment l’environnement. Donc travailler dans un secteur environnemental où les besoins sont criants est une façon de s’engager envers la société, tout en ayant de bonnes conditions. C’est un secteur actif et varié qui donne l’occasion d’œuvrer à quelque chose de grand ! » Le dynamisme du secteur et la signification sociale reliée à la carrière sont aussi les messages sur lesquels il faut miser, selon Dominique Dodier : « Ce sont des métiers à valeur ajoutée extraordinaire qui ont des répercussions sur la santé publique et sur toutes nos activités quotidiennes. Les carrières dans le secteur de l’eau proposent des professions d’excellence pour les personnes qui n’ont pas le goût de s’ennuyer. » n

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TRAITEMENT DES EAUX

LES TROIS ÉTAPES DU TRAITEMENT DES PFAS EN PHASE LIQUIDE

Clément Cartier Ing., Ph. D. Représentant technique Brault Maxtech inc. clement.cartier@braultmaxtech.com

ans les derniers mois, de nouveaux contaminants sont apparus de façon marquée dans les médias : les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Les PFAS ont fait la manchette à plusieurs égards : en premier lieu, en lien avec des boues d’épuration en provenance des États-Unis qui étaient « traitées » au Québec et qui se sont avérées être contaminées aux PFAS ; ensuite, après la découverte de PFAS dans l’eau potable de certaines municipalités.

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Les PFAS ne sont pas nouveaux, étant présents dans notre environnement depuis près de 80 ans. Or, ils posent deux difficultés. D’abord, études à l’appui, les scientifiques les ont maintenant associés à de nombreux problèmes de santé, y compris le cancer. Ensuite, les PFAS sont des molécules éternelles, donc pratiquement impossibles à dégrader. Puisqu’ils sont toujours utilisés dans l’industrie, ils s’accumulent graduellement dans l’environnement. Des milliers de molécules sont englobées sous la terminologie « PFAS ». Elles ont en commun d’inclure au moins un groupe perfluoroalkyle, –CnF2n–. En fonction des combinaisons atomiques, les PFAS peuvent être très différents aussi bien du point de vue de leur taille que de celui de leur effet sur la santé. Selon Santé Canada, ils peuvent affecter tant le foie, le système immunitaire, les reins, la thyroïde, les fonctions métaboliques ou la fertilité que le cholestérol. Spécifiquement, les PFAS ont été (et sont encore) utilisés pour différentes applications, y compris les vêtements avec imperméabilisants ou déperlants, les poêles antiadhésives, les emballages alimentaires et les mousses filmogènes aqueuses anti-incendie (AFFF). Ainsi, les principales sources dans l’environnement sont : 1- Les installations industrielles produisant ou utilisant des PFAS ; 2- Toutes les contaminations indirectes, dont les sites d’utilisation ou de stockage de mousses AFFF, les rejets de stations d’épuration, les sites d’enfouissement, les sites d’épandage, etc. LA SÉPARATION Différents procédés peuvent être utilisés pour séparer les PFAS d’un affluent liquide, y compris les procédés membranaires comme l’ultrafiltration (UF) ou l’osmose inverse (RO). Des procédés de flottation sont également utilisés pour traiter des rejets ayant des concentrations très élevées de PFAS. Dans tous les cas, après cette première phase de traitement, les PFAS demeurent en phase liquide, mais concentrés dans un volume réduit. La concentration du contaminant dans un plus petit volume peut simplifier le traitement subséquent d’extraction ou réduire les coûts de transport d’eau contaminée vers un autre site de traitement ou de disposition. C’est aussi durant ou avant cette étape que l’on essaie de séparer les autres substances qui pourraient nuire à l’extraction, étant compétitives avec les PFAS.

d’ions (IX) et le charbon actif en grain (CAG). L’étape d’extraction est généralement la plus coûteuse, il faut donc porter beaucoup d’attention au choix du procédé. Dans les deux cas, un des enjeux est la durée de vie du média, surtout en présence d’autres contaminants. Les résines échangeuses d’ions chargés positivement sont particulièrement efficaces pour capter les PFAS acides (sulfoniques). Les résines sont aussi plus efficaces que le CAG et demandent donc un volume de filtre plus petit. Également, leur durée de vie est généralement plus grande. Le charbon actif a l’avantage d’être moins coûteux. Toutefois, son utilisation est moins adaptée aux eaux de surface chargées en carbone organique total (COT) présent à des niveaux de mg/L, en comparaison avec les PFAS (en ng/L), compétitionnant pour les mêmes sites. La configuration des filtres doit également être considérée, particulièrement pour des volumes importants à traiter. Lors des changements de médias, il est essentiel de nettoyer parfaitement la paroi des filtres pour éviter tout risque de contamination de l’effluent. Cette démarche peut être très ardue, particulièrement avec la conception traditionnelle, qui nécessite parfois un nettoyage en espace clos. Des solutions existent toutefois pour minimiser ce type de manipulation. Peu importe le mode d’absorption, un autre enjeu découle des variations en capacité d’absorption pour les différents types de PFAS. On ne peut donc pas mettre tous les PFAS sur un pied d’égalité. Il est essentiel d’avoir une caractérisation complète de l’affluent pour pouvoir en faire un traitement adapté. LA DESTRUCTION La destruction des PFAS implique principalement l’incinération du média contenant les PFAS. Avec une combustion à 850 OC, la grande majorité des composés sont réduits à leur forme élémentaire, y compris les PFAS. L’incinération a aussi l’avantage d’être exothermique et de réduire énormément le volume des déchets traités. Les résultats ne sont pas toujours parfaits, principalement dans les cas impliquant les PFAS des mousses AFFF. C’est toutefois la méthode la plus adaptée de nos jours. D’autres procédés tels l’oxydation électrochimique, les ultraviolets, supercritique ou des plasmas sont mis de l’avant par différents chercheurs et fournisseurs. Pour l’instant, il n’existe pas de recette miracle peu énergivore. CONCLUSION En présence de PFAS, il est essentiel d’aborder le problème pour chaque site de façon spécifique, particulièrement lorsqu’il s’agit d’eau potable. La mise en place d’une stratégie de traitement des PFAS nécessite une analyse complète de l’eau et des types de PFAS présents. De plus, il faut tenir compte des particularités du site, y compris la proximité d’un incinérateur. Comme on le voit pour certains des puits contaminés au Québec, le plus simple est souvent de changer de source d’eau, si c’est possible. Il est évident qu’une combinaison concertée d’actions citoyennes, de réglementation et de changements dans l’industrie devra être mise en place le plus rapidement possible pour réduire de façon drastique les PFAS à la source. n

L’EXTRACTION Afin d’extraire les PFAS de l’eau, deux technologies d’absorption en filtre sous pression sont principalement utilisées : les résines échangeuses

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PORTRAIT DES INFRASTRUCTURES EN EAU DES MUNICIPALITÉS DU QUÉBEC

CERIU

= 1 008 km de conduites d’eaux pluviales (soit environ 5 % de la longueur totale du réseau, estimée à 19 156 km) ; = 226 ouvrages d’eau potable (soit environ 5 % du nombre total d’ouvrages, estimé à 4 244) ; = 417 ouvrages d’eaux usées (soit environ 7 % du nombre total d’ouvrages, estimé à 5 798).

Marc Didier Joseph Ing., DESS, M. Ing. Directeur de projets Portrait des infrastructures en eau des municipalités du Québec (PIEMQ) CERIU marc.didier.joseph@ceriu.qc.ca

Ces infrastructures nécessiteront une prise en compte particulière par les municipalités afin que ces dernières rattrapent le déficit accumulé et assurent la pérennité des services. La remise en état de ce parc d’actifs exigera donc, au cours des prochaines années, des investissements financiers majeurs et une importante mobilisation des ressources municipales.

e Québec compte près de 100 000 kilomètres de conduites d’eau, 41 000 kilomètres de voirie au-dessus de ces conduites ainsi qu’un peu plus de 10 000 installations de traitement d’eau sous la responsabilité de centaines de municipalités.

L

Une défaillance de ces infrastructures a des répercussions économiques, environnementales et sociales considérables sur les municipalités. Par exemple, l’effondrement d’une conduite souterraine qui a atteint la fin de sa vie utile engendre un risque d’affaissement des infrastructures avoisinantes et d’inondation des résidences et augmente énormément les dépenses pour tout reconstruire (heures supplémentaires et équipes d’intervention d’urgence, dégâts matériels, circulation réduite, coûts de l’interruption des services, etc.). Une défaillance des installations de traitement des eaux usées augmente les risques de déversement et de contamination.

Il est à noter que 34,1 milliards de dollars seraient nécessaires pour remplacer les infrastructures en eau dont l’état, sans être alarmant, peut le devenir dans un avenir rapproché. Des travaux correctifs réalisés au bon moment sur ces infrastructures permettraient de prolonger leur durée de vie utile et ainsi de retarder le besoin de les remplacer. DES RAPPORTS PERSONNALISÉS POUR SENSIBILISER LES MUNICIPALITÉS À LA GESTION D’ACTIFS

Il est à noter que 34,1 milliards de dollars seraient nécessaires pour remplacer les infrastructures en eau dont l’état, sans être alarmant, peut le devenir dans un avenir rapproché. Le Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU), le plus important regroupement de spécialistes en infrastructures municipales au Québec, réalise depuis plusieurs années diverses activités visant à améliorer la gestion de ces infrastructures municipales essentielles. En effet, depuis 2014, l’organisme recueille auprès des municipalités du Québec des données 1 qui lui permettent de consolider notre connaissance de l’état des actifs en eau au Québec et, par conséquent, de déterminer où sont les besoins les plus criants. Ce projet, réalisé grâce à une aide financière du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) et en collaboration avec les principaux acteurs du monde municipal, a permis d’élaborer plusieurs rapports sur l’état des infrastructures municipales d’eau.

En juin 2023, le CERIU a mis à la disposition de plus de 900 municipalités un rapport personnalisé au sujet de leurs infrastructures en eau. Ces rapports, qui sont aussi accessibles en ligne sur le site www.inframunicipal.ca, ont pour objectif de sensibiliser les municipalités à la gestion d’actifs en leur présentant l’état actuel estimé de leurs infrastructures d’eau ainsi qu’une estimation des niveaux d’investissement en maintien d’actifs requis pour assurer la pérennité des services d’eau. De plus, ils permettent la comparaison de certains indicateurs des infrastructures d’eau d’une municipalité donnée avec des municipalités de taille semblable, des municipalités appartenant à une même région administrative ou MRC 3.

Selon le plus récent rapport, publié en mars 2023, la valeur de remplacement de ces actifs est estimée à environ 224,3 milliards de dollars. En excluant la voirie, on parle plutôt de 172,6 milliards. Quand on analyse l’état des infrastructures en eau plus spécifiquement, la majorité de ce parc d’actifs est présentement considéré comme en bon état. Néanmoins, une partie importante, soit environ 10 %, arrive aujourd’hui à la fin de sa vie utile. Des investissements d’environ 16,9 milliards de dollars seraient nécessaires s’il fallait remplacer toutes les infrastructures d’eau considérées comme étant en mauvais et en très mauvais état physique 2. Ces investissements visent les actifs suivants : = 3 679 km de conduites d’eau potable (soit environ 8 % de la longueur totale du réseau, estimée à 44 361 km) ; = 3 466 km de conduites d’eaux usées (soit environ 10 % de la longueur totale du réseau, estimée à 35 837 km) ;

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Dans l’ensemble, ces rapports ont tout de même été bien accueillis dans le milieu municipal. Le taux de satisfaction des répondants a été évalué à plus de 80 % ! À travers ces rapports, le CERIU continue d’innover et contribue de façon significative à consolider la saine gestion des infrastructures municipales. n La base de données du CERIU compile les données de près de 880 municipalités possédant un réseau d’eau et de près de 891 municipalités possédant des ouvrages. 2 Un montant de 21,3 milliards de dollars correspond aux investissements nécessaires s’il fallait uniquement reconstruire les kilomètres de chaussée en mauvais état située au-dessus des conduites. Les municipalités doivent donc surtout s’attendre à faire, voire à poursuivre, leurs travaux de voirie. 3 Il faut noter que les résultats de ces rapports sont intimement liés aux données les plus récentes collectées auprès du MAMH et que, par conséquent, ils peuvent ne pas refléter l’état réel de la situation au sein des municipalités. 1

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MABAREX fête ses 40 ans et demeure pionnière en réalisant le premier projet de traitement des PFAS (polluants éternels) au Québec. DÉBUT DU TR AITEMENT J A N V I E R 20 24 JANVIER 2024 AMPLEUR DU PROJE T 110M$ 0M$

MABAREX est spécialisée dans le traitement de l’eau, point !

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PARLONS CYBERSÉCURITÉ : UN NOUVEAU COMITÉ POUR PROTÉGER NOS USINES !

CYBERSÉCURITÉ

Caroline Turcotte Ing., MBA Chef de section - Automatisation Service de l’eau Direction de l’eau potable Ville de Montréal caroline.turcotte@montreal.ca

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e me suis récemment jointe à une communauté de pratique composée de gestionnaires du Programme d’excellence en eau potable – Traitement (PEXEP-T) organisée par Réseau Environnement à Windsor (Québec). J’étais attirée par le thème très en vogue de la rencontre : « Cybersécurité – Protégeons nos stations ». J’étais également curieuse de savoir ce que les invités spéciaux pourraient nous apprendre. Et je n’ai pas été déçue ! Ce fut une belle rencontre structurée qui regroupait des gestionnaires de plusieurs usines de traitement de l’eau à travers le Québec. Elle a débuté de façon classique avec une présentation diligemment préparée par des représentants du ministère de la Cybersécurité et du Numérique du Québec, plus précisément de la direction du renseignement et du comité de gestion de crise gouvernementale en sécurité de l’information. Après avoir présenté le ministère et ses différentes activités, les intervenants ont expliqué les diverses manières d’attaquer les organisations. À ce sujet, je vous invite à effectuer vos recherches sur les notions d’hameçonnage, de harponnage, de rançongiciel, d’attaque par déni de service, d’ingénierie sociale et de données cryptées. Les conférenciers ont expliqué les manières dont les criminels s’organisent et se raffinent. La nouvelle tendance est celle du « ransomware as a service », soit des rançongiciels en libre-service que l’on peut louer pour quelques dollars. Il n’est même plus nécessaire d’être un expert de la programmation ! Les intervenants ont ensuite exposé quelques statistiques préoccupantes sur la croissance exponentielle de la menace globale, sur l’activité de groupes politisés et sur le fait que le secteur industriel n’est plus épargné. Les attaques avec répercussions physiques sont en croissance. Un cas concret est survenu dans le secteur de l’eau : une usine de Floride a été piratée. L’intrus avait réussi à prendre le contrôle du poste d’opération et était en train de modifier les consignes de dosage de chlore. Par chance, l’opérateur a été vigilant et a vu le curseur de la souris bouger. Il a alerté ses supérieurs et cette attaque a pu être contrecarrée. L’usine l’a échappé belle ! Toutefois, plusieurs autres cas moins heureux ont entraîné des arrêts de production. Toyota, au Japon, a récemment vécu un tel arrêt de production en raison d’une faille de sécurité chez un partenaire d’affaires. En conclusion de cette présentation, les intervenants nous ont exposé quelques ressources : documentation, normes, associations, services offerts.

qui m’a accrochée, c’est que la cybersécurité, ce n’est pas un projet avec un début et une fin. C’est plutôt un continuum. On audite, on met en place des mesures de mitigation, on simule des attaques, on apprend, et on recommence. Il est vrai que lorsqu’on prend conscience de l’enjeu, on doit traverser une phase de rattrapage qui se gère bien en mode projet, mais il demeure qu’il faut constamment se réévaluer. Les échanges se sont poursuivis au sujet de plusieurs problématiques vécues dans les différents sites. De nombreuses suggestions intéressantes ont été abordées, comme le retour au mode d’opération manuel ou, à la rigueur, au mode dégradé. Plusieurs usines réactivent leur mode manuel et s’exercent. Certains ont aussi suggéré l’outil de nettoyage de données (« data scrubber ») comme solution aux fameuses clés USB lorsque l’on n’arrive pas à s’en débarrasser. Il a également été question de gestion de mots de passe et de mécanismes pour en faciliter la gestion en usine. Les gestionnaires se sentent bien petits face à l’ampleur de la menace. Aussi, profitant de l’écoute active de représentants des ministères présents (relevant de domaines comme l’environnement, la cybersécurité et la gestion de crise), certains participants ont lancé l’idée que si des subventions concernent l’amélioration des procédés, il serait judicieux de prévoir une forme d’aide financière ou technique pour sécuriser les activités des usines. Enfin, considérant les enjeux budgétaires à prévoir au cours des prochaines années, les municipalités gagneraient à travailler davantage en collaboration et à favoriser le partage de connaissances et de bonnes pratiques. Profitant de cet élan, j’ai donc proposé de créer un nouveau comité axé sur les systèmes opérationnels, et commençant par la cybersécurité. Les objectifs : = Créer un réseau de contacts pour partager des informations sensibles lors d’incidents. Il est démontré que ce genre de réseau est très utile et qu’il permet de mettre en place un plan de réponse aux incidents rapide et efficace ; = Partager de bons coups et les leçons apprises ; = Influencer les ministères et les législateurs, au besoin. Entre municipalités, je crois qu’il faut davantage d’entraide. Nous devons mettre nos efforts en commun pour mieux protéger nos infrastructures essentielles. Dans un contexte de rareté de ressources, avons-nous même le choix ? Si ce nouveau comité vous intéresse, écrivez-moi sur LinkedIn. Nous pourrions nous rencontrer au début 2024 pour en définir la tournure. n

Après cette présentation, l’équipe des usines de la Ville de Laval nous a parlé de son approche visant à améliorer sa cyberposture. De beaux échanges portant sur les solutions techniques déployées, notamment sur la méthode d’authentification aux postes d’opération, ont eu lieu. J’ai retenu qu’outre la solution technique mise en œuvre, il a fallu investir du temps pour amener les équipes à adopter de nouveaux comportements et pour développer des processus au cas où la solution ne fonctionnerait pas. En matière de cybersécurité, il ne s’agit pas seulement d’instaurer de nouvelles technologies; il faut aussi travailler sur l’humain. Mon exemple préféré pour illustrer l’importance des aspects humains est celui-ci : pour sécuriser une piscine, on ne doit pas seulement mettre une clôture. Il faut aussi fermer et verrouiller la porte. Il faut surveiller les enfants, les éduquer aux dangers de l’eau et enfin leur apprendre à nager. C’est un tout ! Une autre notion

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GESTION HUMAINE DES RESSOURCES

LES COMPÉTENCES QUI FONT LA DIFFÉRENCE : NOTRE NOUVEAU RÉFÉRENTIEL LES RÉPERTORIE !

Dominique Dodier Directrice générale EnviroCompétences dominique.dodier@envirocompetences.org

u Québec, comme ailleurs, on assiste à une transformation du tissu économique qui fait une place grandissante aux secteurs des biens et services environnementaux, notamment en ce qui a trait au marché du travail.

A

Les nombreux projets d’EnviroCompétences ont toujours suscité une réflexion poussée et précise sur l’ADN des métiers, des professions et des formations diplômantes et continues, ainsi que sur la notion de compétence dans notre secteur. Les enjeux de la transition verte, l’intégration de l’économie verte et les stratégies gouvernementales en la matière ne font que confirmer la nécessité de concevoir un référentiel des compétences environnementales – ce que nous avons décidé d’entreprendre. Voici donc le résultat d’un long projet réalisé en concertation avec des experts et des expertes qui nous ont guidés vers l’élaboration du tout premier référentiel des compétences environnementales. Nous les remercions chaleureusement ! CE RÉFÉRENTIEL SERVIRA À DE NOMBREUSES FINS : = Mettre au point des outils diagnostiques spécifiques pour des professions ou des secteurs particuliers ; = Offrir des formations flexibles, adaptées à la réalité des milieux de travail et aux parcours professionnels et scolaires des travailleurs ; = Offrir aux entreprises des guides pour la gestion de leurs ressources humaines ; = Élaborer des modèles de plans de développement de compétences en continu ; = Évaluer la performance des équipes ; = Mieux comprendre les compétences nécessaires à l’exercice d’un métier ou d’une profession ; = Comparer des compétences transversales ; = Devenir un modèle pour l’élaboration de descriptions de postes et une référence pour toutes les stratégies, les actions et les projets en route vers la transition verte. Ce référentiel gradué des compétences de dix sous-secteurs en environnement représente les compétences qui sont mobilisées et nécessaires afin d’assurer la pleine réussite de leurs activités : 1. Qualité de l’air ; 2. Changements climatiques ; 3. Conciergerie ; 4. Eau ; 5. Énergies renouvelables et efficacité énergétique ; 6. Laboratoires en environnement ; 7. Matières résiduelles et dangereuses ; 8. Restauration après sinistre ; 9. Services-conseils ; 10. Gestion des sols.

Ce projet novateur permet de faire progresser les connaissances sur les compétences du futur et d’anticiper les besoins grâce à un référentiel des compétences en environnement gradué et adapté aux besoins des partenaires du marché du travail en environnement. Tout au long du projet, nous avons suivi un processus rigoureux afin de concevoir un cadre de référence basé sur les meilleures pratiques, en tenant compte des différentes expertises et des représentants et représentantes des divers écosystèmes qui gravitent autour des acteurs de ces secteurs de l’environnement. Le choix d’une construction par sous-secteurs d’activité, composés de compétences décrites par degrés de complexité et illustrées par des mises en application, permet de faciliter l’utilisation de ce référentiel. VOICI LES ÉTAPES DU PROCESSUS :

Contributions des membres experts Paramètres de réalisation des définitions des compétences

Répertoire des différentes situations professionnelles

Critères généraux par degré de complexité des compétences sectorielles

Identification des principales compétences tranversales

Composantes des différentes compétences

Graduation de la complexité des différentes situations

Pondération graduée des différentes situations professionnelles

Arrimage avec les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être nécessaires à la réussite des différentes situations

Comité de pilotage Validation en plusieurs étapes des compétences graduées des 10 secteurs de l’environnement Validation du guide d’utilisation Validation du bilan

Nous croyons que ce référentiel complet et pertinent sera un outil utile pour les différents intervenants dans le monde du travail, les pédagogues et le monde de l'emploi. Ce premier travail n’est pas le dernier. Nous suivrons de près l’opportunité de mettre en œuvre une phase 2 à ce référentiel des compétences en environnement. RAPPELONS QUE CE RÉFÉRENTIEL A POUR OBJECTIFS : = De mettre en valeur et de développer les compétences en environnement, de les faire connaître et de permettre leur mise en œuvre ; = D’augmenter les connaissances liées au développement et à la reconnaissance des compétences en environnement ; = D’identifier, de mettre au point, d’expérimenter et d’évaluer de nouvelles façons de faire en lien avec les compétences des dix soussecteurs en environnement. Pour vous procurer le guide dans son intégralité, visitez www.envirocompetences.org. Bonne lecture !

18 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC 3RVE VOL. 19 N O 3 AUTOMNE 2023

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