Économie & Politique Sécurité énergétique Rien à voir avec le Luxembourg ? On sait que le Grand-Duché dépend de ses voisins pour son approvisionnement électrique. Mais, là où le patron d’Elia est très inquiet pour les hivers suivants – car E.On et EDF parlent de mettre des centrales classiques à l’arrêt –, le Luxembourg se veut rassurant. « Le réseau public d’approvisionnement est physiquement assuré pour tous les ménages », souligne Tom Eischen, commissaire du gouvernement à l’Énergie. « L’électricité distribuée ici est, en grande majorité, fournie par les producteurs en Allemagne. Et l’on y observe encore de la marge, avec des surcapacités de production à l’heure actuelle. » Dans l’immédiat, le risque de pénurie est donc quasi nul. Le sud du pays est davantage tourné vers les voisins belges et lorrains. En tout cas, les grandes industries du bassin sidérurgique. La ligne Sotel (liée à ArcelorMittal) est connectée, d’une part, au réseau belge de très haute tension du côté d’Aubange et, d’autre part, depuis 2013 et encore plus depuis le jugement du tribunal administratif d’avril 2014, au réseau français. Cette ligne permet d’importer de l’électricité, venant de la centrale lorraine de Cattenom en particulier, afin d’alimenter les aciéries d’Arcelor Mittal. Plus globalement, et avec nuances, la vision officielle voit dans cette connexion une sécurité, propre à satisfaire les besoins des entreprises, liée au réseau français où le courant est de toutes les couleurs (et de plus en plus d’origine éolienne notamment, grâce aux parcs qui se multiplient sur les hauteurs de la frontière lorraine).
DE LA FLEXIBILITÉ DANS LE SYSTÈME Il n’y a donc pas de craintes non plus de ce côté-là. « Il y a une réelle flexibilité dans le système. Nous suivons la situation de près, avec les opérateurs et, bien sûr, avec nos homologues des pays européens », précise Tom Eischen. Ainsi, la situation belge, qui prévoit des faiblesses de livraison et notamment dans les zones frontalières du Grand-Duché, est bien connue des autorités luxembourgeoises. « Nous avons des échanges courants avec la Belgique, dans un cadre bilatéral, mais aussi, notamment, dans le cadre du Forum pentalatéral. » Le Forum pentalatéral de l’énergie, créé en 2005, rassemble les trois pays du Benelux, l’Allemagne et la France, rejoints par l’Autriche et la Suisse. C’est un nœud d’interconnexions politiques sur l’échange transfrontalier d’électricité, une initiative intergouvernementale dont la mission consiste à mieux contrôler le réseau à haute tension, à harmoniser les méthodes d’allocation grâce aux informations échangées entre les régulateurs et les gestionnaires de réseau des pays participants. C’est un espace où les barrières légales sont abaissées autant que possible et dont les principaux objectifs portent sur l’intégra tion du marché libéralisé et la sécurité de
Énergies renouvelables
À toute vapeur écologique Kiowatt fait tourner, à Bissen, une unité de trigénération.
Kiowatt, à Bissen-Roost, c’est, avec 95 % de rendement, Lavoisier revu dans son principe : rien ne se perd, tout se transforme… Au cœur de l’installation, la centrale de cogénération, en n’utilisant que de la biomasse (du bois de rebut, des déchets forestiers), fait tourner une turbine vapeur, qui produit de l’électricité injectée dans le réseau public, et de la chaleur. Celle-ci sèche le bois frais, dont on tire pellets de chauffage et écorces de jardin ; la vapeur alimentera un réseau public de chauffage pour la zone artisanale Klengbousbierg ;
et elle permet aussi de produire des frigories, pour le système de refroidissement indispensable au data center LuxConnect voisin. L’affaire est donc parfaitement écologique et rigoureusement économique. L’expérience l’a d’ailleurs démontré. Si Kiowatt est neuve dans le paysage luxembourgeois, son principe a fait ses preuves depuis une dizaine d’années, à Virton en Belgique. Et le groupe François (70 millions de chiffre d’affaires en 2013), initiateur visionnaire de ce site, Recybois, est aussi à l’origine de Kiowatt.
l’approvisionnement, le tout cadrant avec les initiatives régionales soutenues par la Commission européenne. Il s’agit aussi de permettre aux États membres de quitter progressivement les marchés énergétiques nationaux pour intégrer un marché européen où les acteurs sont publics et privés. « Il est évidemment important d’avoir tous les acteurs de l’interconnexion transfrontalière à la table, et entre autres les gestionnaires de réseaux, garants de l’approvisionnement et du service public », ajoute M. Eischen. Dans ce tableau, finalement pas trop électrique pour un Luxembourg qui semble résistant au stress test, le cas de la centrale TGV
Kiowatt réunit le groupe François et LuxEnergie, filiale d’Enovos spécialisée dans l’énergie verte. Paul Weis, son administrateur délégué, voit ce partenariat couler de source, vu la complémentarité des acteurs et les objectifs poursuivis. Administrateur délégué de Kiowatt, Bernard François insiste sur la réflexion (menée depuis 2008 pour Bissen) visant à améliorer ce qui tourne à plein régime (y compris pour ses actionnaires) dans le sud de la Belgique. De fait, le site de Roost n’est pas gourmand en espace (à peine 1,5 ha),
produit déjà environ 14 % de l’électricité verte du pays et a créé 15 emplois locaux… Avec la production en mode industriel (35.000 tonnes par année) de pellets (distribués par des entreprises locales, prolongeant la logique du circuit court commencée avec la récupération de rebuts de bois luxembourgeois, jusque-là non valorisés ou expédiés en Allemagne), en plus de la production d’électricité, de chaleur et de froid, « on peut même le qualifier de centrale de quadrigénération », souligne Paul Weis. A. D. ◄
de Belvaux, près d’Esch-sur-Alzette, est un épiphénomène aux contours perturbants (lire encadré page 40). Stratégiquement postée à deux pas des frontières belge et française, elle turbine quasi exclusivement pour le réseau belge. La potentielle mise à l’arrêt de cette centrale gaz-vapeur, mue par Twinerg (elle-même animée par Electrabel) et en proie à des problèmes de rentabilité, ne serait donc pas un souci, non plus, pour le Grand-Duché. Au contraire, à la limite… Car, vu les soucis actuels dans le royaume voisin, il est envisagé, entre les autorités luxembourgeoises et le gestionnaire de réseau belge, un rôle ►
― Novembre 2014 ― 041