paperJam economie & finances juin 2013

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actualité ÉCONOMIE & politique entreprises place financière

observons si peu de grèves dans le secteur privé au Luxembourg, c’est aussi en raison de cette indexation automatique des salaires. Sans cela, il y aurait certainement plus de gens à manifester dans les rues pour réclamer des adaptations et des hausses de salaire. Là, on touche directement au fondement même du modèle social luxembourgeois, qui privilégie de toute façon la concertation plutôt que le rapport de force… « Il est vrai qu’avant de déclencher une grève, les partenaires sociaux doivent saisir l’Office national de conciliation. En règle générale, les problèmes sont résolus avant, ce qui limite le recours à la grève. C’est pareil dans le cadre des conventions collectives : il y a le principe de trêve sociale qui interdit de faire grève tant que la convention est en vigueur. Et là, on revient alors à cette notion de stabilité évoquée précédemment, qui est forcément appréciée par les investisseurs étrangers. Cela va-t-il être remis en cause par l’actuel projet de loi portant réforme du dialogue social à l’intérieur des entreprises ? « L es deux parties semblent pour l’heure tellement éloignées sur leurs positions que l’on peut en effet s’interroger sur le devenir de la paix sociale au Luxembourg. On l’a vu dans certaines grandes entreprises où les conventions collectives ont été dénoncées par les employeurs. C’est prévu par la loi, mais aux yeux des syndicats, c’est évidemment inacceptable. Doucement, mais sûrement, le dialogue social et ce principe de la paix sociale qui l’accompagne ont quelques égratignures. Ça ne veut évidemment pas dire que cela sonne le glas du dialogue social, mais la situation est très délicate, et il y a beaucoup en jeu. Le Luxembourg se démarque-t-il beaucoup des autres pays en matière de droit du travail ? « Ici, le droit n’est pas aussi restrictif que cela. Par exemple, si un employeur perd un procès concernant un licenciement qui serait jugé abusif, les dégâts sont généralement limités et les indemnités qu’il aura à payer seront généralement inférieures à ce qui se passerait en Belgique ou en France. Notre droit du travail n’est pas excessif, au contraire. Beaucoup regrettent, en revanche, un certain manque de flexibilité dans le droit du travail luxembourgeois. Est-ce le cas ? « Il existe beaucoup d’instruments ou de moyens à disposition des entreprises qui permettent d’aller très loin dans la flexibilisation. Mais les entreprises ne les connaissent pas toujours. Il y a évidemment toujours des limites, et le principe de base du droit du travail au Luxembourg reste le contrat à durée indéterminée. Pour le Premier ministre, Jean-Claude Juncker, qui fut ministre du Travail, c’est un principe sacro-saint. Et tout ce qui n’est pas CDI est assimilé à de la précarité, de la pauvreté et source d’insécurité au niveau financier. — Juin 2013

« Notre droit du travail n’est pas excessif. »

Au Luxembourg, le CDD reste et restera Guy Castegnaro probablement longtemps (Eela) une exception. D’ailleurs, à chaque fois qu’un ministre a voulu mettre davantage de poids dans l’application des CDD, cela n’est pas passé. Du reste, quand on compare le Luxembourg avec les pays dans lesquels le recours aux CDD a été rendu plus systématique ou, du moins, facilité, on se rend compte qu’il y a très peu de différence dans le taux de chômage. Il n’est pas possible de prouver qu’une flexibilisation accrue du droit du travail entraîne automatiquement une baisse du chômage. Je pense que, pour lutter contre le chômage, il faut savoir à la fois prendre des mesures protectrices et éviter, dans le même temps, une trop grande rigidité ou une trop grande réglementation du droit du travail. Je pense qu’en la matière, nous ne sommes pas trop mal lotis au Luxembourg. »

EELA

Un think tank, pas un lobby Fondée en 1996, mais officiellement active depuis 1998, l’Eela (European Employment Lawyers Association) vit surtout au rythme de sa grande conférence annuelle, point de rencontre de centaines d’avocats spécialisés en droit du travail. Il y est question non pas de problématiques « nationales », mais bel et bien de sujets transnationaux. Au menu du rendez-vous 2013, à Anvers (du 6 au 8 juin), l’encouragement des actions positives envers les femmes dans les entreprises, mais aussi des sujets récurrents concernant, par exemple, les restructurations et les licenciements collectifs. Avec un orateur de marque : Michael Rubenstein, le grand spécialiste anglais des questions de droit, se penchera sur les derniers arrêts rendus par les juridictions européennes. « Il s’agit de lancer des discussions entre membres, sans volonté de faire pression sur qui que ce soit. Nous nous considérons comme un think tank et non pas comme un lobby », assure Guy Castegnaro. L’avocat luxembourgeois, membre fondateur de l’association, en est, depuis 2012, président, après avoir été vice-président les deux années précédentes. Eela, compte plus de 1.300 membres au sein de l’Union européenne et des pays de l’Espace économique européen, dont 24 pour le seul Luxembourg : Sabrina Alvaro, Cindy Arces et Marielle Stevenot (MNKS) ; Nadège Arcanger, Guy Castegnaro, Ariane Claverie, Céline Defay et Christophe Domingos (Castegnaro) ; Nadine Bogelmann, Paulo Lopes Da Silva et Michel Molitor (Molitor Avocats à la Cour) ; Isabelle Comhaire et Albert Moro (Clifford Chance) ; Mario di Stefano (DSM Di Stefano Sedlo Moyse Avocats) ; Annie Elfassi (Loyens & Loeff) ; Pierre Elvinger, Léon Gloden et Caroline Lootvoet (Elvinger, Hoss & Prussen) ; Anne-Laure Jabin (Wildgen, Partners in Law) ; Christian Jungers (Kleyr Grasso Associés) ; André Marc (Allen & Overy) ; Anne Morel (Bonn Steichen & Partners), Anne-Sophie Ott (Arendt & Medernach) et Georges Wirtz (Étude Georges Wirtz). J.-M. G.


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