Place financière Le mystère du compte suisse
02 Au service de la vicomtesse ► Amicie de Spoelberch, riche et noble Belge aujourd’hui décédée, accusait son avocate au Grand-Duché de l’avoir dépouillée de ses actions brassicoles. ► L’affaire va de Bruxelles à Luxembourg en passant par Genève et les Îles Vierges. ► L’escroquerie présumée à l’héritage a pris un jour nouveau après la révélation des listes de clients luxembourgeois de HSBC en Suisse.
▲ Vu la taille du paquet, il avait fallu déménager les actions au porteur d’un coffre luxembourgeois à l’autre. Au final, 800.000 actions ont disparu, presque sans laisser de trace.
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― Décembre 2015
Le procès de l’ex-avocate du Barreau de Luxembourg, Farida Chorfi, qui s’est ouvert début octobre, fait faire un saut en arrière de 10 ans, avant la crise financière, dans les coulisses d’un Luxembourg des pratiques opaques, de certains avocats et banquiers peu regardants. À l’heure du bouclage de cette édition, le verdict de la 16e chambre correctionnelle n’était pas tombé. Sans faire à l’avance le procès de Farida Chorfi, peu d’éléments plaidaient en faveur de son ingénuité dans une affaire la mettant au cœur d’une présumée tentative d’escroquerie à l’héritage d’une vieille dame issue d’une des familles les plus riches de Belgique, les de Spoelberch. Toutefois, des éléments font présumer que la prévenue n’agissait pas seule. L’enquête policière n’a pas exploré la piste d’une manipulation de la riche héritière par son entourage familial ni les facéties de la vieille dame. La vicomtesse Amicie de Spoelberch était immensément riche, âgée (née en 1922), veuve et affaiblie. Elle avait dans son patrimoine un paquet de 8.179.600 actions de la société brassicole Interbrew Belgium, valorisées, lorsqu’elle porta plainte en février 2006, à 320 millions d’euros. Ces actions au porteur avaient été initialement déposées sur un compte à la banque Natixis à Luxembourg au nom d’Apal First. Cette société de participations luxembourgeoise avait été constituée en juin 2004 à part égales (chacun des deux actionaires mettant plus de 450.000 actions Interbrew en apport en nature) par la vicomtesse, alors âgée de 82 ans, et son époux, Luka Bailo, alors 68 ans, un Serbe naturalisé en Belgique, réputé volage et amateur de casino, selon la presse belge. Farida Chorfi, avocate de la famille Bailo-de Spoelberch, apparaît alors comme administratrice d’Apal First. Elle était payée 10.000 euros par mois pour rendre des conseils juridiques à la famille. Elle avait été présentée à la riche héritière des brasseries Interbrew (aujourd’hui
PHOTO : SVEN BECKER (ARCHIVES)
― Texte : Véronique Poujol