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Iran
Des milliers de personnes en prison, des centaines de morts: l’Iran réprime sa population. Malgré tout, la Suisse devrait poursuivre le dialogue avec le régime, affirme Giulio Haas, ancien ambassadeur de Suisse en Iran.
Texte: Kian Ramezani, Ralf Kaminski
Giulio Haas, en tant qu’ambassadeur en Iran, vous avez surtout eu affaire à des hommes. Certaines femmes vous ont-elles aussi marqué? Beaucoup, dont d’excellentes femmes médecins et avocates. Les femmes sont nettement sousreprésentées en politique, c’est voulu par le régime. Mais dans la société, elles jouent un rôle important. En Iran, les femmes ont toujours eu confiance en elles. On le constate aussi chaque année dans les examens nationaux d’entrée à l’université: les femmes sont majoritaires et elles ont de meilleures notes que les hommes. Le gouvernement se crée donc lui-même un problème... Et il en est bien conscient. En effet, plus les gens sont instruits, moins on peut leur mentir. Ces jeunes femmes qui descendent dans la rue aujourd’hui en ont assez des milliers de promesses non tenues. La frustration et la déception vis-à-vis du gouvernement sont si grandes chez certaines qu’elles vont jusqu’à mettre leur vie en danger. Le mécontentement de la population et les contestations ont toujours existé en Iran, alors pourquoi cette escalade a-t-elle lieu maintenant? Je pense que la frustration augmente à chaque nouvelle génération. La jeunesse iranienne a les mêmes besoins que partout ailleurs dans le monde, mais tout est interdit ou réglementé. Il est difficile de vivre en Iran quand on est jeune. On reste chez soi ou on se donne rendez-vous quelque part, mais là, on s’expose à l’intervention de la police des mœurs. À cela s’ajoute le fait que le contexte mondial a changé au détriment de l’Iran: l’économie va mal et l’isolement est encore plus marqué qu’auparavant. Bio express
Giulio Haas, 66 ans, a travaillé au service diplomatique de la Suisse de 1988 à 2020. Entre 2013 et 2017, il a été ambassadeur accrédité à Téhéran, puis il a représenté la Suisse en Espagne jusqu’en 2020.
La mort de la jeune Mahsa Amini le 16 septembre lors de sa garde à vue a déclenché une vague de manifestations à travers le pays. Ici à Téhéran le 1er octobre 2022.

En Iran, qui décide de la réaction à adopter face à de tels troubles? D’abord l’Exécutif, c’est-à-dire le président et son Conseil suprême de sécurité nationale, et si les choses dérapent, le Guide de la révolution finit par intervenir. On a pu observer que le régime a d’abord réagi de manière plutôt réservée. Puis le Guide de la révolution a imposé son autorité et la brutalité a augmenté. On estime que 15 000 à 20 000 personnes ont été arrêtées et que 300 à 500 sont mortes. Ce seul fait n’est malheureusement pas inhabituel pour l’Iran. Ce qui est inhabituel, en revanche, c’est à quel point ces personnes sont jeunes. Y a-t-il une composante ethnique dans ces tensions? Après tout, c’est la mort violente de la Kurde Mahsa Amini qui a été l’élément déclencheur... Il est vrai que les protestations ont commencé dans les régions kurdes et que la police y est intervenue très violemment. Les Kurdes iraniens ont toujours fait l’objet de la méfiance du gouvernement de Téhéran, qui ne leur fait pas confiance.
Lorsque j’étais ambassadeur, je me suis rendu deux fois dans cette région et je me souviens de la présence tangible de l’armée et de la police. Cependant, Mahsa Amini n’a pas perdu la vie parce qu’elle est d’origine kurde. En fin de compte, tomber dans les filets de la police des mœurs est une question de malchance. On entend dire qu’en ce moment, le port du voile obligatoire n’est plus appliqué systématiquement. Serait-il imaginable que les dirigeants iraniens cèdent sur ce front de manière pragmatique?
Le voile a toujours été un instrument de pouvoir de l’État iranien vis-à-vis de ses citoyennes. Le père du dernier shah a interdit le port du voile en 1936, puis le gouvernement islamique a interdit de ne pas le porter après la révolution de 1979. La marge de manœuvre que l’État accorde aux femmes sur ce plan, c’est-à-dire par exemple jusqu’à quel point le voile peut tomber en arrière, est toujours un indicateur de la pression que celui-ci subit à un moment donné: plus elle est forte, plus il impose cette obligation avec rigueur. Le port du voile en Iran n’est pas en premier lieu un signe de religiosité, mais d’acceptation de la prétention au pouvoir des mollahs. Inversement, ne pas le porter signifie le rejet, le mécontentement et l’opposition. C’est pourquoi je ne peux pas m’imaginer que le régime va accepter cela sans réagir, car ce serait un signe de faiblesse. Visiblement, le Parlement et la justice veulent se pencher sur la loi de 1983 sur le port du voile obligatoire. On lit même que la police des mœurs a été abolie. J’aimerais bien que ce soit le cas pour les Iraniennes, mais je serais aussi très, très surpris que le régime cède sur ce point. Je pense que ces annonces sont un prétexte pour gagner un peu de temps afin que tous les camps au sein de l’appareil du pouvoir puissent se concerter et se mettre d’accord sur la marche à suivre. L’Iran n’est tout simplement pas connu pour faire des concessions, et pour forcer le changement, la pression de la rue est loin d’être suffisante.
Au Qatar, les footballeurs iraniens ont refusé de chanter l’hymne national avant leur match d’ouverture. Qu’a-t-il pu leur arriver en rentrant dans leur pays? Le comité d’accueil n’a pas dû être très agréable. Je suppose qu’ils ont tous été convoqués à des entretiens individuels lors desquels ils ont dû s’expliquer. Ce sont des stars de premier plan, dont on attend une loyauté envers le régime. J’ai été très étonné par ce geste qui demandait beaucoup de courage. Tous ont de la famille en Iran et certains y jouent encore. Des voix s’élèvent pour demander à l’Europe de mettre fin au dialogue avec les dirigeants iraniens. Qu’en pensez-vous? Regardez ce qui est arrivé aux femmes en Afghanistan. C’est toujours ma réponse à cette question. Mais vous ne pouvez pas vous attendre à autre chose venant d’un ancien diplomate! Couper les ponts de cette façon signifie toujours abandonner de nombreuses personnes à leur sort. Tant que l’on peut discuter, il faut le faire. Même si cela ne fait pas beaucoup avancer les choses.
L’Occident doit-il et peut-il faire quelque chose pour le peuple iranien, ou ses interventions sont-elles contre-productives en fin de compte? Ce sont des questions très complexes, auxquelles il n’y a à mon avis pas de réponse universelle. Ce que j’ai toujours répété lorsque je travaillais au service diplomatique, c’est que l’Occident doit accorder des bourses sans hésiter et permettre à des personnes de se former chez nous. Aujourd’hui, il n’a jamais été aussi difficile de quitter l’Iran, ce qui risque également de frustrer davantage les jeunes. Mais en définitive, c’est autre chose qui fait pencher la balance: c’est le peuple iranien qui décidera s’il veut continuer à vivre sous ce régime. Ce choix ne viendra ni de l’extérieur ni des opposants iraniens à l’étranger. La Suisse représente les intérêts américains en Iran. Quelle attitude doit-elle adopter? Je pense que la Suisse comprend mieux l’Iran que d’autres pays, tout simplement parce qu’elle s’y intéresse davantage et qu’il y a plus d’échanges. Mais elle doit condamner les violations des droits de l’homme, même si elle se positionne en médiateur. Quand des gens meurent en garde à vue, quand on tire sur des manifestants, quand des milliers de personnes sont jetées en prison, il faut agir, et c’est ce qu’a fait la Suisse. MM
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Votre enfant ne veut pas manger le matin? À priori, ce n’est pas un problème. Certains enfants – les adultes ne sont pas en reste – ont besoin de temps pour se mettre en marche. Boire quelque chose aide le système digestif et le métabolisme à démarrer. Pour les adultes, il s’agit en général d’une tasse de café ou de thé. Pour les enfants, un verre de lait fait l’affaire.
Reporter n’est pas renoncer
Au cours de la matinée, un petit-déjeuner tardif ou un dix-heures copieux fournit des nutriments et de l’énergie. Que le premier repas de la journée soit un petit-déjeuner ou une collation, peu importe. L’important, c’est de ne pas renoncer complètement à se nourrir le matin.
Trois fois sain
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