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Le billet d’Eef van der Worp

COLONNE eef van der worp

Nous vous avons déjà mis en garde plusieurs fois sur le ton de la plai santerie : «Assurez-vous qu’aucun virus ou aucune bactérie n’infecte votre cabinet de lentilles de contact. Veillez à l’hygiène!» Il s’agit en effet d’éviter les infections de la cornée. Mais ce genre de boutade n’a plus rien d’amusant aujourd’hui. Donc, trêve de plaisan terie. En revanche, le sujet de l’hygiène et de la sécurité reste bel et bien d’actualité pour les professionnels des lentilles de contact. C’est l’occasion de nous pencher une nouvelle fois sur une étude de Kate Gifford parue dans l’un de nos magazines scientifiques de premier plan : Contact Lens & Anterior Eye. L’édition de février était intégralement consacrée à la myopie : voilà bien un sujet qui se propage comme un virus. Mais quel est le rapport entre la sécurité des lentilles de contact et la myopie? Eh bien, elles sont étroitement liées. Une question anime tous les débats avec les ophtalmologues des Pays-Bas et la communauté internationale : quel est le risque que la (forte) myopie pose des problèmes? Et, à l’inverse, quels sont les risques d’un traitement, qu’on préfère appeler «inter vention» dans le cadre du débat sur la myopie (car on intervient sur le cours normal des choses)? La question a beau être simple, y répondre s’avère très compliqué. Kate tente le coup : bien qu’il ait été établi qu’il n’existait pas de «niveau de myo pie sûr», chaque augmentation de dioptrie accroît le risque de problèmes de rétine. Il n’en reste pas moins qu’au-delà d’une myopie de 6D et d’une longueur axiale de 26 mm, on parle de «forte myopie», associée à une hausse prouvée du risque de pathologie rétinienne. Il s’agit là, d’après moi, d’un concept relativement abstrait, car nous sommes rarement confrontés à ces problèmes dans notre cabinet de lentilles de contact. En toute franchise, le risque de décollement de la rétine ou de maculopathie myo pique de «x sur autant» ne me parle guère. Ce que Kate tente de faire, notamment sur la base d’études menées à l’univer sité Érasme de Rotterdam, me semble plus intéressant : elle se penche sur la «perte de vision causée par la myopie» à un âge plus avancé. Bien que ce soit théorique, peut-on établir un rap port avec le risque d’infection, ou mieux, le risque de perte de vision due à une infection liée au port de lentilles de contact sur une période de x années? En résumé, le risque à vie d’une perte de vision définitive due à la myopie sur des yeux de lon gueur axiale supérieure à 26 mm ou en présence d’une myopie d’au moins -6D est plus élevé que le risque de kératite microbienne (KM) due au port de lentilles de contact (souples ou ortho-K). En cas de longueurs axiales inférieures à 26 mm et de myopie inférieure à 3D, le risque de perte de vision permanente avec des lentilles est plus élevé que le risque de perte de vision causé par la myopie. Sauf avec les lentilles journalières. Si on s’intéresse uniquement au port de lentilles durant l’enfance/l’adolescence (et pas toute la vie), ce risque tourne rapidement à l’avantage des lentilles, a for tiori, encore une fois, en cas de port de lentilles journalières. Il convient donc de nuancer le type d’«intervention» en matière de lentilles de contact : à savoir que le risque de perte de vision permanente avec des lentilles de contact journalières est infé rieur, car le risque d’infection est tout simplement plus faible avec des lentilles journalières qu’avec l’orthokératologie. En moyenne. Dans certains cabinets, le protocole d’hygiène est si bien rôdé que les problèmes sont rares, y compris avec l’or thokératologie. Mais les études ne s’y intéressent pas, elles examinent les moyennes. La bonne nouvelle : nous avons une influence (partielle) sur le dernier chiffre. Nous n’en avons, par contre, aucune sur le premier (risque de perte de vision due à la myopie). Nous devons donc nous poser une question face à chaque (jeune) myope : qu’en est-il de cet équilibre? Quel est le rap port risque-résultat? Un exemple : l’atropine a, certes, des effets secondaires, mais elle s’accompagne d’un très faible risque de perte de vision permanente. Ce risque existe donc bel et bien avec les lentilles, ne le minimisons pas. Par contre, les lentilles impliquent à la fois une correction de la vision et une intervention, ce qui n’est pas le cas de l’atropine (il faudra toujours des lunettes ou des lentilles pour corriger le trouble de la réfraction). Une intervention de lifestyle est, quoi qu’il arrive, gratuite (plus vers l’extérieur, donc) et sans risque élevé. La consigne est donc la même que celle du gouvernement dans le cadre de la crise du coronavirus : «restez chez vous, à l’intérieur». Dommage. Gifford KL. Childhood and lifetime risk comparison of myo pia control with contact lenses. Cont Lens Anterior Eye. 2020 Feb;43(1):26-32.

GOING VIRAL: COR(O)NEA-VIRUS

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