Le Produit Intérieur Brut (PIB) est un indicateur clé de la performance économique dun pays. Ce concept a été développé au milieu du XXe siècle. Il a été officiellement introduit en 1934 par l’économiste Simon Kuznets. Cependant, il est devenu largement utilisé comme indicateur économique standard après la conférence de Bretton Woods en 1944. Indicateur incomplet, il est utilisé pour mesurer la performance de la France. Cependant, il ne prend pas en compte un grand nombre d’éléments sur la qualité de l’augmentation de la richesse créée, notamment l’impact de la dépense publique sur son augmentation mécanique. L’indicateur du PIB est-il pertinent concernant la situation économique française ?
En première partie, nous verrons l’évolution du PIB français en pourcentage et en valeur depuis 1945 (Partie 1). Puis, en deuxième partie, nous prendrons connaissance de l’évolution du PIB déduite du déficit public (Partie 2). Enfin, nous ferons le lien entre le PIB et la dépense publique en valeur (Partie 3). Le rapport conclut sur la pertinence de cet indicateur (Partie 5). Les calculs et données sous-jacents sont détaillés en annexes (Annexes A).
1 Évolution du PIB en pourcentage et en valeur
1.1
Méthodologie
Ce rapport examine l’évolution du PIB français depuis 1945, en se basant sur des données historiques disponibles, principalement à partir de 1960 pour les valeurs nominales, en raison de la disponibilité des sources officielles. Les données antérieures à 1960 sont estimées à partir de taux de croissance historiques et de séries agrégées fournies par l’Insee et la Banque Mondiale. Nous analyserons l’évolution en valeur (PIB nominal en euros courants) et en pourcentage (croissance réelle en prix chaînés 2010), ainsi que des indicateurs dérivés comme le PIB net du déficit public (comme nous allons lévoquer en Partie 2) et le PIB net des dépenses publiques (comme nous allons l’évoquer en Partie 3). Les données sont tirées de sources officielles : lInsee pour les comptes nationaux, la Banque de France pour les déficits publics, l’OCDE et le FMI pour les projections récentes, et la Banque Mondiale pour les séries en dollars converties en euros. Les estimations pour 2024 reposent sur une projection de croissance de 1,1 % de l’OCDE, ajustée pour refléter les tendances récentes. Les tableaux sont construits avec des intervalles de cinq ans pour capturer les grandes tendances, avec des années spécifiques (par exemple, 2008, 2020) pourrefléterlescriseséconomiquesmajeures.
Les conversions de devises utilisent les taux de change moyens annuels publiés par la Banque de France, et les données sont harmonisées pour en assurer la cohérence.
1.2
Analyse
Depuis 1945, la croissance du PIB français n’a cessé d’augmenter en termes nominaux. Le PIB nominal passe de 10,2 milliards d’euros en 1945 à 2811,2 milliards d’euros en 2023, et est estimé à 2874,6 milliards deuros en 2024 (équivalent à 3174,10 milliards USD en 2023 selon le FMI). Cependant, avec ce seul indicateur, nous ne pouvons avoir une vision précise de son contenu. Le PIB nominal de la France a connu une croissance exponentielle depuis 1960, passant de 37,4 milliards d’euros (62,23 milliards USD) à 2811,2 milliards deuros (3051,83 milliards USD) en 2023. Cette évolution reflète lexpansion économique, interrompue par des crises comme celle de 2008 (baisse de 7,7 % en 2009) et la pandémie de 2020 (baisse de 7,8 %). La croissance moyenne annuelle en valeur nominale est d’environ 5 % sur la période, influencée par l’inflation et la croissance réelle. Le taux de croissance du PIB a ralenti au fil des décennies, passant d’un taux élevé de 5,7 % pendant les Trente Glorieuses (1945-1973) à 0,9 % en 2023 après la crise de 2008. Pour les années récentes, la croissance a rebondi à 6,8% en 2021 après 7,8% en 2020.
Ce que nous pouvons constater, avec les deux rebonds des années 1970 et 2000, cest le lien avec la thématique de l’offre. Tout d’abord, celui du choc pétrolier (1973), qui impose les prix aux acheteurs.
Dans un second temps, il s’agit de la bulle internet (2000), qui matérialise la fin de la déconnexion entre les marchés et la valeur intrinsèque des valorisations des entreprises.
1.3 Comparaison internationale
Pour mieux comprendre le lien entre l’augmentation du déficit public et la baisse de la croissance du PIB, nous comparons la France à deux pays développés ayant une forte croissance et une gestion efficace des dépenses publiques : l’Allemagne et le Japon. Entre 2000 et 2023, l’Allemagne a maintenu un déficit public moyen de 2,0 % du PIB (FMI), avec une croissance moyenne de 1,8 % par an (Banque Mondiale). Le Japon, avec un déficit moyen de 5,5 %, a affiché une croissance moyenne de 1,0 %. En France, le déficit moyen sur la même période était de 4,5 %, avec une croissance de 1,4 %. Dans les trois pays, une augmentation du déficit public est associée à une diminution de la croissance du PIB plus de deux fois (par exemple, en France
TABLE 1 – Grandes tendances de lévolution du PIB français (1945–2024)
Période Croissance moyenne (%)
1945–1973 5,5
1974–1980 2,8
1981–2007 2,2
2008–2009 2,9
2010–2019 1,4
2020 7,8
2021–2024 2,8
Phase économique
Trente Glorieuses (croissance forte)
Chocs pétroliers (ralentissement)
Maturité économique (croissance modérée)
Crise financière mondiale (récession)
Reprise post-crise (croissance faible)
Crise du COVID-19 (point bas historique)
Rebond post-COVID (croissance modérée)
Commentaire : De 1945 à 2024, la croissance moyenne passe de 5,5% (19451973) à 2,8% (20212024). Le maximum est 5,5% (1945-1973), le minimum 7,8% (2020).
2009 : déficit 7,5 %, croissance 2,9 % ; Allemagne 2009 : déficit 3,0 %, croissance 5,6 % ; Japon 2020 : déficit 9,2 %, croissance 4,5 %). Cette récurrence suggère un lien systématique. En calculant un ratio déficit/croissance optimal (déficit public divisé par la croissance moyenne sur les périodes de croissance positive), l’Allemagne affiche un ratio denviron 1,1 (déficit de 2,0 % pour 1,8 % de croissance), et le Japon 5,5 (déficit de 5,5 % pour 1,0 %). La France, avec un ratio de 3,2 (déficit de 4,5% pour 1,4%), semble moins efficace. Un ratio optimal proche de 1,0 à 2,0, comme en Allemagne, suggère qu’un déficit modéré soutient la croissance sans la freiner, contrairement aux déficits élevés observés en France (comme nous allons l’évoquer en Partie 2).
TABLE 3 – Évolution du PIB nominal et croissance en % (1945–2024)
Année Croissance du PIB (%) PIB nominal (milliards )
3,5 10,2
,8
,2
,2
,
,
,
,
,
,
,
,
,7
,1
,4
,6
,9
,1
,8
6,8
2,5
,8
,3
,2
,6
,1
,5 2023
,9 2811,2 2024 1,1 2874,6
Commentaire: De 1945 à 2024, la croissance passe de 3,5% à 1,1%, et le PIB nominal de 10,2 à 2874,6 milliards deuros. Le maximum de croissance est 6,8% (2021), le minimum 7,8% (2020).
Entre les années 1945 et 1960, la progression du PIB français est très forte en pourcentage. Ensuite, il y a le choc qui impacte la croissance par la suite.
Ensuite, il y a une augmentation très forte du PIB nominal, qui indique l’entrée dans la zone euro (entre 1985 et 2000 le PIB passe de 510,9 à 1490,8).
2 Évolution du PIB déduit du déficit public
2.1
Analyse des données
Le PIB net du déficit public montre comment le déficit impacte la croissance perçue. Le Tableau 5 présente la différence entre la croissance du PIB (en pourcentage) et le déficit public (en pourcentage du PIB), comme nous en avons discuté en Partie 1. En 2020, la différence était négative ( 16,8 %) en raison d’un déficit massif de 9,0 % pour soutenir l’économie pendant la crise du COVID-19. En 2023, avec une croissance de 0,9 % et un déficit de 5,5 %, la différence est de 6,4 %, indiquant que le déficit dépasse la croissance, posant des questions de durabilité du schéma de dépense publique élevée. Lorsque le déficit public est faible, la croissance du PIB est plus forte (années 1970 et 2000). En revanche, lorsque le déficit public est plus fort, il gêne la croissance du PIB. Par exemple, entre 1970 et 1977, il y a une progression du déficit de 0,8% à 3,0%, et lacroissancepasse de 5,7% à 2,2%.
Le même schéma est observé entre 2000 et 2023, avec une augmentation du déficit de 1,5% à 9,0% en 2020, puis 5,5% en 2023.
TABLE 5 – Évolution du PIB déduit du déficit public (1945–2024)
Année Croissance du PIB (%) Déficit public (% du PIB) PIB - Déficit (%)
,
Commentaire : De 1945 à 2024, le PIB - Déficit passe de 1,5% à 5,0%. Le maximum est 5,7% (1960), le minimum 16,8% (2020).
2.2 Analyse de la
corrélation entre
déficit public et croissance
Pour quantifier la relation entre l’augmentation du déficit public et la baisse de la croissance du PIB, une analyse de corrélation a été réalisée sur les données du Tableau 5. Le coefficient de corrélation de Pearson entre la croissance du PIB (%) et le déficit public (% du PIB) est calculé comme suit :
TABLE 7 – Synthèse des périodes critiques pour le PIB net du déficit (1945–2024)
Année PIB - Déficit (%) Contexte
1960 5,7 Forte croissance (Trente Glorieuses)
1980 0,7 Choc pétrolier et ralentissement
2009 7,7 Crise financière mondiale
2020 16,8 Crise du COVID-19
2023 6,4 Ralentissement post-COVID
Commentaire : De 1960 à 2023, le PIB - Déficit passe de 5,7% à 6,4%. Le maximum est 5,7% (1960), le minimum 16,8% (2020).
où xi est la croissance du PIB, yi est le déficit public (% du PIB), et x , y sont leurs moyennes respectives. Sur la période 19452024, le coefficient de corrélation est d’environ 0,68, indiquant une corrélation négative modérée à forte. Cela signifie que, lorsque le déficit public augmente (en pourcentage du PIB), la croissance du PIB tend à diminuer, confirmant l’observation qualitative. Par exemple, en 2020, un déficit élevé de 9,0 % coïncide avec une croissance négative de 7,8 % (bien que le contexte particulier de la crise sanitaire combiné avec une baisse de la production rends la croissance impossible).
Cette corrélation, renforcée par la comparaison internationale (comme nous en avons discuté avec l’Allemagne et le Japon en Partie 1), suggère que des déficits élevés peuvent freiner la croissance économique, possiblement en raison d’une mauvaise allocation des ressources ou d’une pression accrue sur les finances publiques, comme nous allons l’évoquer en Partie 3 Les calculs détaillés sont fournis en Annexe A.
3 Évolution en valeur du PIB moins les dépenses publiques
Sur le graphique, nous pouvons constater que lorsque la courbe de déficit public (courbe rouge) augmente, la courbe de croissance du PIB diminue (courbe bleue).
Les dépenses publiques représentent environ 57 % du PIB en France en moyenne récente, réduisant le PIB net disponible pour le privé. Le Tableau 9 compare le PIB nominal aux dépenses publiques, mettant en évidence l’écart entre ces deux indicateurs, comme nous en avons discuté en Partie 1
De 2008 à 2023, la différence a varié, mais le ratio dépenses/PIB a augmenté, indiquant une plus grande intervention de l’État. En 2023, avec un PIB de 2811,2 milliards d’euros et des dépenses estiméesà1610,0milliardsdeuros, lenet est de1201,2milliards d’euros.
TABLE 9 – Évolution du PIB moins les dépenses publiques (1945–2024)
Commentaire : De 1945 à 2024, le PIB - Dépenses publiques passe de 6,1 à 1149,8 milliards d’euros. Le maximum est 1201,2 milliards d’euros (2023), le minimum 6,1 milliards d’euros (1945).
4 Synthèse
L’évolution du PIB français depuis 1945 montre une croissance soutenue mais ralentissante, avec des valeurs nominales multipliant par plus de 280 depuis 1945 (10,2 milliards d’euros à 2874,6 milliards d’euros en 2024, comme nous en avons discuté en Partie 1). Le déficit public et les dépenses publiques ont augmenté en proportion, réduisant la pertinence du PIB brut comme indicateur de richesse privée (comme nous en avons discuté en Partie 2 et comme nous l’avons évoqué en Partie 3). Les tableaux illustrent un ralentissement post-2008 (0,9 % en 2023) et un impact croissant des finances publiques, avec une corrélation négative entre déficit public et croissance du PIB ( 0,68, Partie 2). Le modèle ń Équilibre relation dépense publique croissance ż, basé sur cette corrélation et la comparaison avec l’Allemagne et le Japon (Partie 1), le modèle postule qu’un déficit public modéré (ratio déficit/croissance de 1,0 à 2,0) soutient la croissance sans la freiner, contrairement aux déficits élevés observés en France (ratio 3,2) qui freinent la croissance.
Ces tendances questionnent la pertinence du PIB comme indicateur unique de la santé économique, comme nous allons l’évoquer dans la conclusion en partie 5.
5 Conclusion sur la pertinence de l’indicateur PIB
Le PIB est pertinent pour mesurer la production globale, mais moins pour la richesse nette ou le bien-être, car l’indicateur ne déduit pas le déficit ou les dépenses publiques, ni les externalités environnementales. Il reste essentiel, mais doit être complété par des indicateurs comme le PIB net ajusté ou l’Indice de Développement Humain (IDH). Nous avons pu constater la relation entre l’augmentation du déficit et la baisse du potentiel de croissance (Partie 2). Le modèle ń Équilibre relation dépense publique croissance ż (Partie 4) montre qu’un déficit public modéré, proche du ratio optimal de 1,0 à 2,0 observé en Allemagne, favorise la croissance tout en évitant une mauvaise allocation des ressources. Ainsi, la règle dun budget équilibré, ou à faible déficit, permet de préserver la relation avec le marché, évitant une destruction de la production de richesse.
Prendre en compte le PIB déduit du déficit, et communiquer serait un bon moyen de rendre plus réaliste les données de croissance.
Limites
Les données sont limitées à 1960 pour les valeurs nominales détaillées, avec des estimations pourlespériodesantérieuresbaséessurtauxde croissance.
Les dépenses publiques sont estimées via ratios (par exemple, 40 % en 1945, 60 % en 2024), enlabsence de séries nominales complètes depuis 1945.
Les données de 2024 incluent des projections basées sur lOCDE et le FMI.
L’analyse de corrélation (Partie 2) et la comparaison internationale (Partie 1) reposent sur des données agrégées, ce qui peut masquer des variations sectorielles.
De plus, nous névoquons pas la création de richesse liée à la dépense publique, voire même la meilleure efficacité dune dépense publique plutôt qu’une autre.
Enfin, les données monétaires ne prennent pas en compte l’augmentation du niveau de vie, ainsi que le changement de monnaie.
Les données des tableaux 1, 3, 5, 7, et 9 sont issues des sources suivantes :
Tableau 1 : Croissance moyenne calculée par période à partir des données du Tableau 3, avec identification des phases économiques basée sur lInsee et la Banque Mondiale. Tableau 3 : Croissance du PIB en prix chaînés 2010 (Insee). PIB nominal en euros courants, converti de USD pour 1960-2023 (Banque Mondiale). Les données de 19451955 sont estimées à partir de taux de croissance historiques. La croissance de 2024 est projetée à 1,1 % (OCDE), avec PIB nominal estimé à 2874,6 milliards deuros (2811,2 Œ 1,011).
Tableau 5 : Déficit public (% du PIB) basé sur Banque de France et FMI. La colonne ń PIB - Déficit ż est calculée comme : Croissance du PIB (%) - Déficit public (%). Corrélation calculée via la formule de Pearson :
Tableau 7 : Sélection d’années critiques basée sur les données du Tableau 5, avec contexte économique ajouté pour clarifier les tendances.
Tableau 9 : Dépenses publiques estimées à partir des ratios Insee (environ 40 % du PIB en 1945, 60 % en 2024). La colonne ń PIB - Dépenses publiques ż est calculée comme : PIB nominal - Dépenses publiques. Données 2024 estimées avec un ratio de 60%.