Lino'Mad n°7 - juin 2018 - Seine-et-Marne

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N°7

juin 2018

Prix libre

seine-et-marne

Mensuel nomade

12 Pages


2 Sommaire : Salut les Totos

Melun black friday a

4-5

Les uniformes 10

de provins

Briards et Gatin ais : le departement

au bord de l’imp losion ?

6-7

ce serait pas des fois de la betterave

?

8-9

mple (savigny) le te du soleil

11

Bords de Ma rne, 12

quinzieme...

Le brie de mon âme Avant toutes choses, nous devons admettre que ce numéro est bien tardif. Mais ce retard est amplement justifié. Car si certains ont passé le mois à commémorer mai 68, en ce qui nous concerne, nous avons plutôt pris le parti de célébrer le terroir. Et pas n’ importe lequel, celui de la Seine-et-Marne.

directeur de la pub lication : Léo Devillers rédacteur en chef : Tanner Memlec responsable illust ration : Estoma ont participé Tanner Memlec, Està ce numéro : Julie Osseau-Bucal oma, Lo P'Othe, , Stecha, Bearboz le logo et la Une sont de : Ludion Depojo maquette : DodZ Lino'Mad est un mag cratif créé dans azine à but non lule Pays d'Othe en octobre 2017. participation vol Il repose sur la ontaire de ses aut eurs nous n'avons mal temps de vérifier heureusement pas eu le toutes les inform ations édité par l'associa tion Lino'Mad en cours de création contact@linomad.fr ou retrou notre page Facebo vez-nous sur ok

Oui, c’ est bien ce département que nous avons arpenté, et que nous vous faisons découvrir (ou redécouvrir) dans ce numéro, non sans émotions. Un département tellement partagé entre la Seine et la Marne qu’ il n’ a pas su choisir entre les deux pour se nommer. Car il y a bien, à vrai dire, deux Seine-etMarne : le nord, traversé par la Marne et dominé par Meaux, et le sud, traversé par la Seine et dominé par Melun. Entre les deux, une vaste zone rurale de faible densité, dans laquelle celui ou celle qui s’ y aventure pourrait facilement se perdre, tant les villages et les horizons qui la composent se ressemblent. Cette coupure territoriale est telle que pour aller d’ une partie à une autre en transport en commun, il vaut mieux passer par Paris en train, plutôt que de se risquer à prendre un bus qui s’ éterniserait dans l’ éparpillement des localités. Mais, nous direz-vous, pourquoi donc s’ intéresser à un département soumis à l’ attraction parisienne, et qui semble n’ être qu’ un immense dortoir pour banlieusards périurbains ? C’ est que, malgré tout, dans ce département des « 3M » (Melun, Meaux et Montereau) , nous considérons qu’ il se trouve suffisamment d’ histoires à raconter. Et surtout beaucoup de choses à voir : châteaux médiévaux et modernes, forêt vallonnée et parsemée de rochers, champs à perte de vue traversés par des lignes haute tension, brie sous diverses formes, hommes politiques à la réplique qui fait mouche, et même Mickey… Avec une telle richesse (et ce n’ est pas seulement le chauvinisme de l’ auteur qui nous poussent à nous exprimer ainsi) , il était donc difficile pour l’ équipe de Lino’ Mad de ne pas faire une étape dans le 77…

Tanner Memlec


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en bref

courrier

2Bal

La rédaction ayant confondu, comme tant d'autres avant elle, les villes de São Paulo et Pontault-Combault, un lecteur pauliste incidemment contacté nous adresse la note suivante :

Après dix années d’interruption, le festival du « Bruit de Melun » pourrait être à nouveau organisé fin juin pour une édition 2018. Outre Cali ou Benabar, le groupe de rap 2Bal est particulièrement attendu. Originaire de Chelles, ce duo actif durant les années 1990 se reforme pour l’occasion et prévoit d’interpréter son célèbre morceau contestataire La Sédition (présente dans la BO du film Ma 6-T va crack-er) . Yonne-et-Marne

Hello Lino'Mad ! Ton projet de 77 me plairait, seulement, bon ami, mon ubiquité a ses mornes limites. Je suis actuellement à SP, Braziou devant une caïpirine cachacée (boazinha) . Je te vois, Seigneur Linomad, sur ton blanc destrier, aller boire la Seine et détaxiser la Marne. Puisse, noble, tu, noble, être une chançouille pour la Franchouille : TOI. Toi // et ta troupe de néoménestrels. Donnez, postilloneurs célestes du verbe, de la voix et des couilles. Surtout : ravagez tout : que nul poil ne repousse sur les vagins vierges.

Sur le site internet change.org, une curieuse pétition a été mise en ligne, appelant à rebaptiser la Seine en Yonne, et à changer le nom du département en Bises Lino the Great! conséquence. « En effet, nous explique la pétition, à Montereau-Fault-Yonne, le débit de l’Yonne est de 93m3/s, contre 80m3/s pour la Seine. Or, à une confluence, c’est le cours d’eau entrant avec le plus fort débit qui donne son nom au cours d’eau issu de cette confluence. Nous demandons donc aux autorités de faire le nécessaire pour donner le nom de Yonne au cours d’eau s’écoulant de Montereau à Rouen, et pour rebaptiser la Seine-etMarne en Yonne-et-Marne ». Survivalisme

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Stecha


4 festivites

« Salut les Totos » : black friday à Melun « Comment vais-je faire maintenant pour acheter mon demi-poulet grillé ? ». C’est la question que nous pose Paul, ce samedi matin, devant le marché couvert du Mail Gaillardon, exceptionnellement fermé à la suite des dégradations commises la veille.

L

a raison ? Les interprétations divergent selon les témoins, sur l’ évènement qui s’ est produit vendredi soir à Melun. « Une énième preuve de la brutalité policière dont fait preuve l’Etat à l’égard de celles et ceux qui luttent » pour Marc, enseignant et syndicaliste. « Une occasion pour une bande de connards de venir foutre la merde », d’ après Sophie, étudiante en droit. Mais pour la Préfecture, d’ après son communiqué, il s’ agit bel et bien d’ un « grave trouble caractérisé à l’ordre public, marqué par des dégradations de biens publics et privés, ainsi que par des agressions en bandes organisées commises sur les forces de l’ordre ». Alors que s’ est-il vraiment passé ? Pour tenter de comprendre, il faut remonter une semaine auparavant. L’ évènement était annoncé sur les réseaux sociaux et sur les ondes par une jeune station de radio locale, Fréquence Melun Singulier. Afin de célébrer sa création, cette radio militante, proche de la mouvance anarcho-autonome, décide d’ organiser une fête sur la place Saint-Jean pour le vendredi soir. Inspirée par le concert de « Salut les Copains » donné place de la Nation à Paris le 21 juin 1963, elle décide de baptiser l’ évènement « Salut les Totos ». D’ après le compte Facebook de la radio, l’ idée était apparemment de « se retrouver pour se réapproprier collectivement un espace soumis aux flux économiques, et créer une brèche dans ce morne quotidien qui nous opprime ». Rapidement, l’annonce trouve un écho favorable sur les réseaux sociaux, au sein de la gauche radicale. Au point qu’elle est même relayée par l’économiste et philosophe Frédéric Lordon sur son compte Twitter, pour qui « il se passe enfin quelque chose à Melun ». Pourtant, la Préfecture ne semble pas s’en inquiéter dans l’immédiat. Michel, membre de l’équipe rapprochée de la préfète, se justifie : « La dernière

manifestation à Melun remonte à 2010, lors de la réforme des retraites. Il y avait alors peu de monde et aucun débordement. Nous ne pensions donc pas qu’une telle mobilisation pouvait avoir lieu ici. Nous avons donc considéré cette annonce comme une mauvaise blague ». Mais l’ évènement eut bel et bien lieu, vendredi soir à 19h, dépassant d’ ailleurs toutes les attentes. Participant au rassemblement, Marc fut lui-même surpris : « Il y avait beaucoup de monde, c’était incroyable ! Les gens venaient de partout, et pas seulement de Melun, mais aussi de la région, de province et même de l’étranger. L’ambiance était bon enfant, il y avait d’ailleurs un clown block ». Résidente dans le quartier, Sophie n’ est pourtant pas de cet avis : « Mon appartement donne sur la place. Alors autant vous dire que c’était vraiment dérangeant. Le bruit déjà, extrêmement assourdissant… Les odeurs désagréables des grillades… Des gens ivres ou drogués, faisant leurs besoins n’importe où… Sans parler de ceux qui taguaient sur les murs. C’était une foule très effrayante, j’ai eu un mal fou à gagner mon modeste studio. Je me suis sentie prise en otage ! ». Mise devant le fait accomplie, la Préfecture doit alors prendre la mesure de l’ évènement. D’ après cette dernière, près de 6 000 personnes participent à ce rassemblement non autorisé, contre 60 000 d’ après les organisateurs.


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Il y a donc urgence à intervenir. Mais les forces de l’ ordre tardent à venir sur les lieux, notamment en raison des embouteillages provoqués par l’ événement. D’ autant que les effectifs sont limités. Les élèves officiers de l’ École des officiers de la Gendarmerie Nationale seront d’ ailleurs mobilisés pour prêter main forte à leurs collègues. Autre difficulté : le manque de coordination entre les différentes unités arrivant sur la place. Ce qui laisse le temps aux « totos » de s’ organiser. Ainsi, à la vue du premier camion de la Gendarmerie mobile, un groupe de quelques centaines de radicaux se change en noir à la hâte, formant alors un black bloc. Celui-ci s’ échappe par la rue Paul Doumer puis emprunte la rue Saint-Aspais, détruisant toutes les vitrines des boutiques sur son passage. Une tentative pour rentrer dans l’ église du même nom, datant du XVIe siècle, est avortée, mais ses murs extérieurs sont recouverts de slogans athéistes et anticléricaux.

tentant de se barricader avec du mobilier. Finalement, le quartier est bloqué par les gendarmes mobiles. 317 personnes seront interpellées. D’ autres, comme Marc, seront rapidement relâchés après avoir été fouillés, « une humiliation, portant gravement atteinte aux libertés ! ». Quant aux dégâts causés, ceux-ci sont estimés à plusieurs millions d’ euros. Choqués, les riverains s’interrogent sur la stratégie menée alors par la Préfecture.

« Comment se fait-il qu’ils n’aient pas prévu cet incident, se demande Sophie. Et pourquoi ne sont-ils pas intervenus plus rapidement ? » Si, dans l’ entourage de la préfète, on admet des « failles dans le dispositif de sécurité », on promet cependant que « l’affaire n’en restera pas là ». Ainsi, Michel insiste sur ce point : « Des poursuites judiciaires seront engagées, non seulement à l’égard des organisateurs, mais également à l’égard des perPoursuivi par une partie des forces de l’ordre sonnes qui, par leurs mots, tendent à mobilisée dans la ville, ce cortège finira par se encourager l’insurrection ». Une enquête est disperser dans le quartier de la gare, après avoir donc en cours pour localiser le studio de traversé la Seine au niveau du pont Jeanne d’Arc. Fréquence Melun Singulier, et surtout interpeller ses membres. Quant à la deuxième anPour le reste des participants à la soirée nonce de la Préfecture, Frédéric Lordon, se « Salut les Totos », la situation s’ est vite sentant personnellement visé, a immédiatement corsée. « Les gendarmes nous ont fait leurs réagi sur son compte twitter : « Je n’étais sommations habituelles, par mégaphone, raconte pas présent à l’évènement « Salut les Totos ». Marc. Pour nous évidemment, hors de question Certes, comme le dit mon ami Ruffin, toutes de nous disperser. Ils ont alors commencé à les initiatives, d’où qu’elles viennent, sont nous encercler, en nous gazant copieusement. bonnes à prendre. Mais de là à aller passer C’était horrible et totalement disproportion- une soirée à Melun, il y a un pas que je ne né ! Plusieurs personnes ont d’ailleurs fait un saurai franchir ! » malaise. Heureusement qu’il y avait des street medics pour l’occasion ». Sous la pression des forces de l’ordre, les participants restés encore sur place tentent de s’échapper par la seule issue encore ouverte, la rue de l’Abreuvoir, puis traversent la rivière de l’Almont. mot de la fin, nous le laissons à Paul : La situation devient très confuse et certains « Le J’habite à Melun depuis plus de 20 ans et je cèdent à la panique. Un groupe décide d’enfon- suis un habitué du marché couvert du Mail cer l’entrée du Carrefour Market et de se li- Gaillardon. Pour moi, demi-poulet grillé du vrer à des pillages. « On parlerait plutôt samedi matin, c’est uneletradition. suis fier d’auto-réduction, explique Marc, qui précise ne d’y avoir amené des amis ou de la Je famille pas avoir participé à l’action. Le coût de la le déguster avec eux. A présent comment je pour vie ne cesse d’augmenter mais les salaires ne faire ? Non, vraiment, plus jamais ça ! ». vais suivent pas. C’est normal qu’il y ait ces actes de désespoir ! » Un autre groupe se réfugie dans le marché couvert du Mail Gaillardon, en Tanner Memlec


6 politique

Briards et Gâtinais : le département au bord de l’implosion ?

La Seine-et-Marne, cette entité administrative issue de la Révolution française, a-t-elle encore un avenir devant elle ? Existe-t-il, d’ailleurs, une identité seine-et-marnaise, ou n’est-ce que pure fiction ? Si ces questions peuvent paraître absurdes de prime abord, il conviendrait pourtant de se les poser sérieusement, au regard de ce qui semble se développer, ces derniers temps, dans le département. En effet, à l’instar des séparatismes catalan, écossais ou corse, des mouvements similaires émergent dans le territoire et menacent son unité.

A

Brie-Comte-Robert, c’ est à l’ occasion d’ un pique-nique dans les ruines du château que près de 200 personnes ont revendiqué et affirmé leur identité briarde. L’ événement fut organisé par un groupe d’ activistes encore peu connu : « La Brigade autonome briarde pour un terroir original et unique » (le BABTOU) . L’ organisation a été créée par un ancien parachutiste et vétéran de la guerre d’ Algérie, Jean-Marie Briethon. Natif de Brie-ComteRobert, c’ était pour lui un honneur d’ y tenir la première manifestation de son mouvement : « Quelque chose est en train de naître, a-t-il proclamé avec émotion devant la foule réunie pour l’ occasion. Viendra le jour où l’identité briarde, longtemps reniée et raillée, sera enfin reconnue sur le plan national, et même international ! ». Toutefois, c’est moins le découpage administratif que la domination de Paris qui est dénoncée avec virulence, sous les applaudissements des militants et sympathisants.

« Trop longtemps, la Brie a été exploitée pour servir de grenier à céréales, afin de remplir les ventres des Parigots ! Encore aujourd’hui, la métropole cosmopolite se sert de notre territoire comme d’un dépotoir pour y reléguer ses rebuts ! Notre culture a été aseptisée, réduite à un folklore vulgaire. Mais la Brie, ce n’est pas que du fromage bordel ! ». Et puis soudain, le mot est lâché : « L’indépendance ! Oui, c’est bien cela qui permettra à notre territoire rural de s’émanciper intégralement de ce pays urbain, qui n’a jamais rien compris à notre identité profonde et à nos valeurs fondamentales ! » Néanmoins, le pays revendiqué par Jean-Marie Briethon et son mouvement, qui se situerait entre les vallées de la Marne et de la Seine, devrait bien inclure quelques villes, parmi lesquelles

Meaux, Melun, Montereau ou encore Provins. La capitale de cette Brie indépendante n’ est d’ ailleurs toujours pas fixée : faut-il l’ établir à Brie-Comte-Robert, fief du BABTOU ? A Meaux, capitale historique ? Ou bien à Melun, surnommée par les locaux la « Lutèce briarde » ? En attendant de trancher cette question, le BABTOU doit d’ abord convaincre les habitants de la Brie. Car nombreux sont encore les sceptiques, qui doutent de la pertinence d’ un tel projet politique. « Se séparer du territoire français serait suicidaire pour la Brie, estime Fanny, qui est venue assister au rassemblement par curiosité, sans grandes convictions. Si l’on s’isolait de la métropole parisienne, notre territoire perdrait tout son dynamisme ». Quoi qu’ il en soit, le BABTOU ne compte pas relâcher son combat. Jean-Marie Briethon envisage même de se présenter aux prochaines élections municipales de Brie-Comte-Robert… Mais il n’ y a pas que dans le Nord (ou plus précisément dans l’ Ouest) du département où des revendications séparatistes s’ affirment publiquement. Ainsi, à Château-Landon, une marche réunissant près de 500 personnes à traversé une partie de la ville (de la rue SaintSéverin à la place de la République) , sous l’ œil inquiet de la maire de la commune. Tolérée mais encadrée par les forces de l’ ordre mobilisées à l’ occasion par la préfecture, la manifestation était appelée par le mystérieux Groupement pour l’ autonomie du Gâtinais (le GAG) . Fondé récemment par Jacqueline Gattin, apicultrice, ce mouvement revendique la création d’ un État unifié dans le Gâtinais. Car pour le GAG, il s’ agit de faire reconnaître et exister une nation à part entière : « Dans le Gâtinais, l’État jacobin a toujours fait son miel de la division de notre peuple, pouvait-on


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entendre lors de la manifestation. D’ailleurs, le découpage administratif imposé en 1790, en nous séparant les uns et les autres entre différents départements, ne visait pas autre chose que notre asservissement ! » L’ enjeu pour le GAG est donc de réunifier un territoire comprenant une partie de la Seine-etMarne (située au Sud de la Seine) , de l’ Essonne, du Loiret et de l’ Yonne. « Nous ne nous reconnaissons pas dans la Seine-et-Marne, affirme Jacqueline Gattin. Nous n’avons rien à voir avec les populations du Nord, vivant à Melun, Meaux ou Provins. Ces gens-là sont loin de nous et de nos préoccupations ». Pour renforcer son argumentaire, la Gâtinaise puresouche n’ hésite pas à comparer son mouvement au Rojava, région autonome kurde qui s’ est affirmée ces dernières années en Syrie. « Les Kurdes aussi se battent pour l’unification de leur peuple. Et leur combat semble susciter ici, en France, de nombreuses sympathies, à raison d’ailleurs… Pourquoi alors le peuple gâtinais ne pourrait pas, lui-aussi, combattre pour son unité et son autonomie ? Pourquoi ses

revendications ne mériteraient pas d’être écoutées ? Il y en a assez de ce deux poids deux mesures pratiqué par l’État français. Il faut en finir avec cette hypocrisie qui nous condamne à être colonisés ! » Alors que pensent les autorités publiques de ces manifestations ? « Nous surveillons de très près les mouvements séparatistes qui se sont exprimés récemment à Brie-Comte-Robert ou Château-Landon, nous explique la préfecture.

Mais pour l’heure, nous n’avons pas de raison d’être particulièrement inquiets, étant donné la faible audience que ceux-ci rencontrent au sein de l’opinion. Seules les prochaines élections locales nous diront si ces mouvements sont à considérer avec sérieux ou non ». Quoi qu’ il en soit, il conviendra sans doute à l’ État de renouer du lien avec les populations de ce département, s’ il ne veut pas prendre le risque de le voir disparaître… Tanner Memlec


8 transports

grande gare parisienne, Cette histoire débute dans une parler train, il n'y a ns allo de là à penser que nous qu'un rail. Mais pas que... Tout ça, l'AJECTA, Association de Jeunes pour l'Entretien et la Conservation des Trains d'Autrefois, fondée en 1968, basée à Longueville, Seine et Marne, près de Provins, l'avait bien assimilé. Et c'est pour cette raison qu'elle entreprit dès sa création de racheter locomotives et matériel roulant que ses moyens humains et fiassé de la capitale, pressé de prendre le nanciers lui permettaient. Et d'entreposer ces train qui me ramènera dans ma province, d'un merveilles au siège de l'association, à l'abri seul coup cette odeur, odeur acre si particu- de la magnifique rotonde qui n'a jamais connu lière, me remplit le cerveau au moins autant que la traction vapeur, et sur les quelques voies de triage attenantes. que les narines. Madeleine de Proust. Il y a un train à vapeur dans cette gare. Pas la voie 9¾ car elle est déjà occupée, mais plutôt 12/69 comme la fermeture de la ligne de la Bastille. Ainsi voie 12/69 la 141TB du dépôt de l'AJECTA L'urgence dans un premier temps était de est attelée en tête de sa rame de voitures, une équipe de bénévoles passionnés et Tiens, c'est bizarre elle ne fume pas noir et réunir d'arriver à mener en parallèle les trois actine sent plus le charbon. vités phares de l'association qui représentaient un budget conséquent : la circulation Serais-je passé dans une autre dimension ? trains, la constitution du musée et la resSi c'est le cas, mon retour va s'en trouver de sérieusement retardé, mais quelquefois cer- tauration de matériel en vue de circulation. tains retards sont salutaires. La partie n'était pas gagnée : la SNCF voyaient d'un très mauvais œil ces antiques machines pour touristes, ne répondant plus aux critères de sécurité et de vitesse du transport ferroviaire soit disant moderne, et faisait payer très cher le droit de circuler sur A son quai, les trains conduisent vers un les mêmes rails que le trafic commercial. monde qui aurait compris que le tout électrique, comme le tout pétrole, ou le tout Avec la fermeture des mines en France, il fallait importer le charbon. tout ce que l' on veut n' a pas de sens. Que le problème de la traction vapeur n' était Reconstituer les plans des machines, retrouver pas la vapeur, mais la manière dont elle les documentations pour restaurer dans les était produite et utilisée : il est paradoxal normes, faire fabriquer les pièces complide constater que c' est bien la même vapeur quées. qui actionne les turbines des centrales nu- Faire circuler des trains pour enrichir les cléaires, fleurons de notre génie technolo- caisses et la notoriété de l'association. gique hexagonal. Que les intentions pour supprimer la vapeur Compliqué. n’ étaient pas que techniques, mais l’ œuvre de certains lobbyismes : l' image de trains à Et en parallèle une quatrième activité sur lavapeur n' est pas conforme à l' image que veut quelle reposait l'ambition folle de l'associase donner un pays qui se veut à la pointe du tion : la création d'un labo secret. En surface la vie normale d'une association de modernisme.


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préservation, en sous-sol un groupe de chercheurs dont la mission était claire : créer un nouveau combustible propre qui permettrait aux locomotives de pouvoir circuler en toutes conditions, d'utiliser les tunnels, et de ne plus avoir besoin de ces arrêts onéreux et trop fréquents de ravitaillement en charbon et en eau.

Les découvertes s'ensuivirent : l'écoulement de la vapeur dans la cheminée n'étant plus nécessaire au tirage de la combustion du charbon, la vapeur à la sortie des cylindres, refroidie par son expansion, se transformait en eau qui était réinjectée dans le circuit et augmentait encore l'autonomie des machines.

Aux confins de la Brie, pays de la betterave, l'évidence s'imposa le combustible fut vite trouvé par un procédé de biomasse. Mais ce n'était pas satisfaisant : les réactions de transformation étaient trop lentes, les infrastructures de production trop importantes, et le transport du gaz était dangereux. Donc la recherche frénétique porta sur un procédé d'accélération de la réaction, qui agissant sur une faible quantité de betterave entreposée dans un compartiment de la locomotive, produirait directement le gaz à la demande, sans système de stockage et de transfert trop compliqués à gérer. Un peu comme un chauffe eau instantané. Eh oui, on se rend vite compte des retombées d'une telle invention dans la production d'eau chaude domestique, mais ne débordons pas, c'est un autre sujet que nous aborderons plus loin. Aller chercher de la pulpe de betterave plutôt qu'une bouteille de gaz n'est pas anodin.

N'étant pas question de détruire le patrimoine historique, dont certaines machines classées, la nécessité intervint vite de construire une locomotive à vapeur contemporaine afin de mettre en pratique les découvertes qui n'allaient pas tarder à mettre en émoi le monde de la traction ferroviaire. Le modèle retenu fut celui de la 141TB, locomotive mythique de la région Est, qui assura les beaux jours de la ligne de la Bastille, avec toute la technologie embarquée semblable à celle d'un RER et une autonomie en eau/carburant d'environ 1000km. Car avec la libération du rail et la perte de monopole des sociétés historiques, l'AJECTA assure désormais un trafic commercial régulier sur les lignes de la grande couronne.

Et un jour, bingo, au terme de longues années de recherche, d'espoirs de réussite suivis de déceptions, un stagiaire, fils d'un chercheur à l'origine du labo, et qui était en passe d'obtenir sa thèse en chimie moléculaire, trouva enfin le bon élément catalyseur. La découverte fut cataclysmique : 10 kg de pulpe donneraient une autonomie de 100km. En parallèle, le labo était également composé de mécaniciens et de thermodynamicien, dont les recherches, exploitant la combustion particulière du système gazeux, ont permis de concevoir une chaudière à très haut rendement capable de fournir la vapeur surchauffée nécessaire à la traction de 6 voitures à 120km/h pour une consommation an eau très réduite de 10l au km, en gros 10 fois moins qu'une chaudière à vapeur équipant les machines à vapeur à charbon. A la mémoire d'André Chapelon qui aurait vu là le couronnement de ses travaux.

Le prochain projet d'envergure : la construction d'une réplique de mountain 241P pour un trafic PLM régulier, le dépôt de Dijon Perrigny et le bourguignon Henri Vincenot en frémissent d'avance. Ah oui, l'AJECTA a bien entendu déposé un brevet pour sa découverte, sous le nom de 10x10, 10 décagrammes de pulpe multipliés par 10 litres d'eau font parcourir 100 décamètres, logique. Important, le brevet ne sert qu'à protéger l'invention, de manière à ce que les grands groupes exaspérés par cette nouvelle concurrence ne puissent pas s'en emparer, mais il est inscrit sous forme libre, c'est à dire que l'AJECTA permet à quiconque le souhaite d'en faire bonne utilisation, pour sa propre fabrication d'eau chaude par exemple. Il s'agit juste de savoir faire pousser un carré de betteraves et de se procurer la molécule catalyseuse sous forme de poudre au siège de l'AJECTA pour un prix dérisoire. Voie 12/69 fermeture des portes, le départ est imminent. Lo P'Othe


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esoterisme

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(Savigny) le Temple du Soleil La vidéo a dépassé le million de vues en trois jours. Diffusée sur une célèbre plate-forme, on y voit Brigitte Bardot et Rémi Gaillard en forêt, assis sur la Table du Roi en grès, dénoncer un massacre et interpeller le gouvernement. « On a en commun une révolte terrible sur la façon dont on traite les animaux en forêt de Fontainebleau », nous explique Brigitte Bardot.

A

l’origine de cette réaction, une autre vidéo. Celle-ci a été filmée au coucher du soleil, toujours en forêt de Fontainebleau, cette fois en haut de la tour Denecourt. On y aperçoit un groupe d’individus encapuchonnés, portant des flambeaux et procédant à un sacrifice de douze couleuvres à collier puis d’un sanglier. Les auteurs de cette vidéo macabre se surnomment eux-mêmes les « héritiers de Quetzalcoatl », en référence à une divinité aztèque métamorphosée en serpent à plumes. D’après ces derniers, ils s’agissaient donc d’un « rituel ancestral », visant à livrer en offrandes le cœur et le sang de ces animaux sacrifiés. Offrandes destinées précisément au dieu Quetzalcoatl, « notre ancêtre commun », afin « d’entrer en communication avec lui ». Qu’ est-ce qui peut donc justifier la pratique d’ un rituel religieux mésoaméricain dans un pays comme la France, en pleine forêt de Fontainebleau ? Serait-ce le résultat d’une vague migratoire venue d’Amérique centrale et installée en région parisienne ? Apparemment non, si l’on en croit les auteurs de cette vidéo, qui possèdent une chaine sur la célèbre plate-forme en ligne. En regardant d’autres de leurs vidéos, on comprend que c’est plutôt l’architecture même de la tour Denecourt qui les a inspirés. En effet, d’ après eux, cette tour présente des similitudes avec les temples aztèques construits dans le Mexique précolombien. « Aucun doute là-dessus, la tour Denecourt est bel et bien un temple aztèque, affirme l’ un des membres du groupe dans une vidéo antérieure au sacrifice. Or, dans la religion des Aztèques, il existait un mythe autour du dieu Quetzalcoatl, qui expliquait que celui-ci était parti vers l’est et que ses descendants

reviendraient un jour au Mexique, mythe que les conquistadores espagnols avaient d’ailleurs habilement instrumentalisé. Tout porte donc à croire que ce mythe avait une part de réalité, qu’un individu aztèque identifié comme étant Quetzalcoatl avait voyagé vers l’est et atterri ici, en forêt de Fontainebleau. Et nous pensons que cette tour a été bâti par ses descendants afin de le célébrer après sa mort ». La tour comprend pourtant une plaque commémorative, rappelant que celle-ci fut bâtie en 1851 par Claude-François Denecourt, à l’origine de la plupart des chemins de randonnées en forêt de Fontainebleau. Elle fut même reconstruite en 1878, à la suite d’un tremblement de terre qui avait causé son écroulement. Mais les « héritiers de Quetzalcoatl » rejettent cette preuve matérielle : « Il s’agit d’un mensonge organisé de toutes pièces par des politiciens maçonniques et maintenu depuis. La vérité qui a été étouffée, c’est que les habitants de cette région sont des descendants de Quetzalcoatl, dont l’identité et l’héritage ont été reniés. Nous appelons donc les habitants alentour de la forêt de Fontainebleau à revenir à leur véritable origine, qui est aztèque, et à vouer un culte en l’honneur de Quetzalcoatl, car nous en sommes les héritiers, d’où notre nom ». La Gendarmerie est en charge de l’enquête pour identifier les individus. Affaire d’autant plus suivie qu’elle en est curieuse. « Habituellement, nous étions plutôt confrontés aux adeptes du druidisme en forêt de Fontainebleau, nous explique le colonel Michaloux. Mais là, des pratiquants d’un rite sacrificiel aztèque, c’est tout à fait inédit ». Espérons donc que leur prosélytisme ne rencontre qu’un écho limité… Tanner Memlec



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