LM magazine 108 - juin 2015

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GRATUIT

nord & belgique Cultures et tendances urbaines




Sommaire LM magazine n°108 - Juin 2015

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08

News

Dossier festivals Part One : Juin 2015

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88

écrans Ex Machina, 1864, Comédie américaine…

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Style

Reportage

Pleins fards sur la mode belge

Le Musée Dr. Guislain Terre d’asile

72

Interview Les Innocents Couleur Mandarine

100

Exposition agnès b., La Flandre et la mer, Jasper Morrison… Agenda

18

Portfolio Frieke Janssens

76

114

Musique

Le mot de la fin

Etienne Jaumet, Franz Ferdinand & Sparks… Sélection concerts

La main à la page

Alex Solis

84

Disques 86

Livres Damien Ravn © Lea Nielsen / Chez Albertje © Frieke Janssens / Festival Y’A Pas L’Feu © Jerome Bujakiewicz / Les Innocents © Richard Dumas / Untitled © Michiel Hendryckx / Inkteraction © Alex Solis



LM magazine France & Belgique

28 rue François de Badts 59110 La Madeleine - F tél : +33 362 64 80 09 - fax : +33 3 62 64 80 07

www.lm-magazine.com* www.facebook.com/pages/LM-Lets-Motiv-Nord-Belgique twitter.com/LM_Letsmotiv

Direction de la publication / Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com

Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com

Couverture Frieke Janssens Girl With A Seagull, 2010, for TAZ (Theater Aan Zee) frieke.com

Amélie Comby info@lm-magazine.com

Publicité pub@lm-magazine.com

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France/Belgique) ; Zoom On Art (Bruxelles)

Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, Gilbert Bensaid (qui nous a fait forte impression, merci !), Rémi Boiteux, Julien Bourbiaux, Madeleine Bourgois, Marine Durand, Frieke Janssens, Audrey Jeamart, Florian Koldyka,Vincent Lançon, Benjamin Leclerc, Marie Pons, Lina Tchalabi et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

Papier issu de forêts gérées durablement



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Everybody Always Thinks They Are Right © Stefan Sagmeister

news

News

Sacrément gonflés En juin, une vingtaine de sculptures gonflables se déploie de Maubeuge à Aulnoye-Aymeries, transformant ces villes en galeries d’art à ciel ouvert. Ces œuvres monumentales ne manquent pas d’air, ni de sens, tels ces singes en colère de l’Autrichien Stefan Sagmeister (notre photo) qui proclament : « everybody always thinks they are right » - « tout le monde pense toujours avoir raison ». Gonflables, 03>07.06, Maubeuge // 19>21.06, Aulnoye-Aymeries, Ferrière-la-Grande, www.lemanege.com

Bar Luce © Attilio Maranzano / Courtesy Fondazione Prada

Wes paie son coup Sur cette photo, on reconnaît au premier coup d’œil la touche rétro et colorée de Wes Anderson. Il n’est pas question du décor de son nouveau film, mais d’un (vrai) bar. Conçu et réalisé par le réalisateur de The Grand Budapest Hotel, le Bar Luce a été inauguré le 9 mai à Milan, au sein de la Fondation Prada, à côté d’un centre d’art de 19 000 m2. Un thé Darjeeling (limited) s’il vous plaît ! Milan, Largo Isarco - 2, tous les jours, 9h>22h, www.fondazioneprada.org


Epluchant quelque 230 programmations françaises, le site Sourdoreille a établi son classement annuel des plus gros squatteurs de festivals. Quel groupe se produira le plus cet été ? Christine and the Queens ? Salut C’est Cool ? Tout faux. Le plus actif est Massilia Sound System, repéré sur 21 affiches. Une surprise à relativiser : les rastas marseillais sont cantonnés aux « petits » événements, contrairement aux inévitables (ou évitables) Fauve et Shaka Ponk, qui complètent ce podium. www.sourdoreille.net

© 99scenes.com

© www.sourdoreille.net

Squatteurs de festivals

Machistador Le site 99scene.com s’est amusé à retirer les groupes masculins de la programmation de 13 prestigieux festivals américains. Les affiches « féminisées » qui résultent de cette expérience sont éloquentes, comme le montre ci-dessus celle du dernier Coachella, qui ne dénombrait que 19 % de musiciennes. Un vide sidéral - et sidérant – qui a trouvé un écho sur le web en Europe : les affiches de Rock en Seine et de Bourges 2015 sont aussi stupéfiantes. Vous avez dit sexisme ?


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© Joey Caslin, photo David Sexton

news

Gay-friendly

© DR

Superclub © DR

Ce monumental collage qui orne un château du xve siècle, dans le comté de Galway, symbolise parfaitement l’évolution des mœurs irlandaises. Et abat quelques clichés – essayez d’imaginer la même chose en France… Baptisée Yes Equality, cette œuvre du street-artiste Joe Caslin a été conçue en marge du référendum sur le mariage gay, dans un pays où l’homosexualité fut considérée criminelle jusqu’en 1993, le divorce légalisé en 1995 - mais où l’avortement reste interdit. joecaslin.com

Sur les bons rails

Cinema Paradiso

Elle n’a pas encore réussi à nous faire préférer le train, mais l’art, peut-être. La SNCF met à disposition 16 friches ferroviaires de son patrimoine immobilier – gare désaffectée, château d’eau, viaduc, etc. – à qui voudrait bien les transformer en lieux de culture éphémères (pas plus de six mois). Festival de musique, lieu d’exposition… toutes les propositions artistiques sont les bienvenues. Un concours est lancé sur le web.

Salle de cinéma géante, club éphémère, restaurant gastronomique… la nef du Grand Palais devient tout cela durant 11 jours ! Après avoir dégusté des plats concoctés par le chef Jean Imbert, on peut voir, sur un écran de 25 mètres – et même depuis un lit ! – des films comme Massacre à la tronçonneuse ou The Big Lebowski, avant de se défouler sur les sets de Superpoze, Cassius ou Agoria. La grande vie quoi !

www.sitesartistiques.sncf.com

16>26.06, Paris, Grand Palais, 180>6,50€





14 style

Martin Margiela Hommes SS 1999


15 style

Les Belges, une histoire de mode inattendue

Figures de style Texte Marine Durand

Inventive, avant-gardiste, la mode belge tient une place à part sur la scène internationale, portée par le génie de couturiers tels que Dries Van Noten ou Martin Margiela. Il y a pourtant une vie en dehors des « Six d’Anvers »*. C’est ce que nous rappelle cet été une exposition du Bozar et du MAD**, qui devrait faire date dans le paysage artistique bruxellois.

P

ionniers, grands noms, avantgardes. Jamais la mode belge n’avait été abordée de façon aussi totale. « Nous souhaitions aller plus loin que les expositions déjà présentées, et raconter toute son histoire », explique Dieter Van Den Storm, coordinateur du pôle industrie créative du Palais des beaux-arts de Bruxelles, qui a conçu l’exposition avec le commissaire Didier Vervaeren. S’il n’est pas chronologique, le parcours ambitieux de The Belgians. An Unexpected Fashion Story démarre avec les débuts balbutiants du prêt-à-porter sur une

terre revendiquant son savoir-faire textile mais curieusement exempte de culture mode. « à une époque où toute l’Europe copie Paris, de rares acteurs, comme la maison bruxelloise Norine, tenue par deux excentriques, parviennent à affirmer leur identité ». Des défricheurs des années 1930 au bouillonnement des années 1970, de l’avènement des « Six d’Anvers » à la « nouvelle vague » de designers – citons Jean-Paul Lespagnard – la célèbre « patte belge » s’est construite progressivement, chaque génération posant les bases de travail de la suivante.


Dirk Van Saene, 1989 © Ronald Stoops

Utile et futile. D’une salle à l’autre, on découvre les liens intimes qui unissent l’art et les stylistes (Walter Van Beirendonck dessina des costumes pour l’Opéra de Paris), le terreau fertile des grandes académies de design – La Cambre à Bruxelles, l’Académie de la Mode d’Anvers – ou encore l’impact des politiques publiques dans la naissance d’une nation de mode. Historique, sociologique, cette étude de la mode belge n’en oublie pas sa portée esthétique. Issues d’archives nationales ou de collections privées, 75 silhouettes – uniquement des vêtements – racontent la richesse du style propre au plat pays tout en valorisant la figure du créateur, Raf Simons,

Jean-Paul Lespagnard © Laetitia Bica

directeur artistique de Dior depuis 2012, en tête. « L’exposition peut se lire de différentes manières », relève Dieter Van Den Storm. « Certains y chercheront des pièces étonnantes, d’autres s’interrogeront sur ce que la mode a offert à la Belgique. Mais j’espère que chacun y trouvera avant tout une belle histoire ». *Walter Van Beirendonck, Ann Demeulemeester, Dries Van Noten, Dirk Van Saene, Dirk Bikkembergs et Marina Yee **Centre du design et de la mode de Bruxelles

05.06>13.09, Bruxelles, Bozar, mar>dim, 10h>18h, sf jeu, 10h>21h, 12/10/6/2/1,25€/ gratuit, www/bozar.be


Alice Knackfuss



19 portfolio

Frieke Janssens Au-delà des clichés Texte Julien Damien Photo Algea Boy, 2011 © TAZ

F

rieke Janssens a beaucoup fait parler d’elle avec la série Smoking Kids, qui magnifiait des enfants clope au bec. Mais au-delà de l’aspect provocateur de ces portraits, c’est surtout son style singulier qui nous a tapé dans l’œil. La photographe bruxelloise s’intéresse à nos modes de vie et stéréotypes pour mieux les dézinguer, via des mises en scène surréalistes – cette femme sous cloche, ces bustes vivants… « Je cherche à présenter un monde différent », confie-t-elle. On ne s’étonne donc pas de l’entendre citer René Magritte, Marcel Duchamp ou Michaël Borremans. L’autre constante de son travail réside dans ce grand sens du détail et le soin accordé à la lumière : un clair-obscur qui donne à ses clichés des allures de toiles flamandes ­– ce gamin qui pose la bouche barbouillée de chocolat, cette jeune fille à la mouette qui fait notre couverture. Une esthétique propre à sa technique. « Je me vois un peu comme une peintre, indique la trentenaire originaire de Bruges. Une fois le shooting terminé, je réunis tous les détails avec un ordinateur. Je ne me sers pas de Photoshop pour créer l’image, mais pour l’assembler, afin qu’elle ressemble à celle que j’avais imaginée.» Ses influences empruntent également au cinéma : Sofia Coppola, Todd Solondz et le film Happiness « pour le cynisme qui s’en dégage. D’une façon générale, j’aime l’autodérision ». Un humour qui transparaît dans ses compositions, et qui a sans doute trait à son environnement : « la Belgique a ce petit quelque-chose de comique qui m’inspire. Je serais une photoà visiter / frieke.com graphe différente si j’habitais à à voir / Dianas, A Series About Single Women, Fotolink, Knokke-Heist, jusqu’au 7.06, New-York ». Convenons-en, cela 10h>19h, gratuit aurait été dommage.


TIGER HUG, 2011, image shot in Cape town — TWINS FOR STROMAE, 2014, Stromae’s first capsule collection Mozart


BRAIDS SCARF, 2011 Image made for VEA (flemish energy agency) to aware people to isolate their homes instead of doing silly things. Agency : Cojak


MCBTH, 2013 Image made for a play © Toneelhuis Director : Guy Cassiers


TRAINER, 2013 Image made for a play © Toneelhuis Director : Abke Haring


ACT LIKE YOU KNOW THE PLACE, image made for MIO, GPS systems Agency : Duval Guillaume — RENOVATION PREMIUMS Agency : Emakina Brussels





Rotterdam C terb y Folk tone

Oo ende

Dover C s

St-J s-Cappel Boulogne s Hardelot Berck

Hazebrouck

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Bethune Cambrin Loos-en-Gohelle nezin

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luxembourg Amiens

Rouen

Chiny B uv s

Compiegne

Creil

Septmonts

Evreux

Paris

Festival Couleur Café © Benjamin Struelens (voir p.64)


Dossier l

Juin 2015

Part 1

s l a v i t s e F Spécia

, Lille, 1. BIAM, Arts de rue, jusqu’au 20.06 Denain, Hellemmes, Denain, Wavrechain-sousVilleneuve d’Ascq, p.34 8.06, ut Loud!, Musique et cinéma, 03>2 2. O Bruxelles, p. 42 03>19.06, Lille, 3. L atitudes Contemporaines, Danse, iennes, p.30 Roubaix, Villeneuve d’Ascq, Valenc , eartbeats, Musique, 05 & 06.06 4. H Halluin, p.40 , 5. Electro Libre, Musique, 05 & 06.06 Dunkerque, p.38 , 6. Y’a Pas L’Feu, Musique, 05 & 06.06 Cambrin, p.42 07.06, appy And, Pluridisciplinaire, 05> 7. H Douai, Arras, p.50 7.06, 8. L es Folies, Pluridisciplinaire, 05>0 Maubeuge, p.38 05>12.06, 9. Brussels Film Festival, Cinéma, Bruxelles, p.36 ition & 10. 20e rdv de la BD d’Amiens, Expos p.44 Littérature, 06 & 07.06, Amiens,

11. Cinémondes, Cinéma, 09>14.06, Berck-sur-Mer, p.70 4.06, 12. Zurban, Pluridisciplinaire, 10>1 Beauvais, p.70 10>14.06, 13. Marché de la Poésie, Littérature, Paris, p.46 de rue, 14. La Constellation Imaginaire, Arts elle, p.48 12>14.06, Annezin & Loos-en-Goh 12>14.06, ue, Musiq al, Festiv s) Piano( ille L 15. Lille, p.54 ue, 19.06> 16. T he Midsummer Festival, Musiq 05.07, Hardelot, p.50

>04.09, 17. Openluchttheater, Musique, 19.06 Anvers, p.56 Dunkerque, 18. Fête de l’îlot, Musique, 19>20.06,

p.50 19>21.06, est Kept Secret Festival, Musique, 19. B Hilvarenbeek, p.52 19>21.06, raspop Metal Meeting, Musique, 20. G Dessel, p.58 20>27.06, 21. Faites de la chanson, Musique, Arras, p.56 Creil, p.56 22. Creil Colors, Musique, 21.06, & 26.06, 23. J’Veux Du Soleil, Musique, 25 Comines, p.70 ock Werchter, Musique, 25>28.06, 24. R Werchter, p.60 Menin, p.66 rensrock, Musique, 26 & 27.06, 25. G & 27.06, 26 ue, Musiq ts, Pic’Ar l estiva F 26. Septmonts, p.62 ue, 27. Le Rock Dans Tous Ses états, Musiq 26&27.06, Evreux, p.62 8, 28. ARTour, Expositions, 26.06>30.0 nwelz, Houdeng-Aimeries, La Louvière, Morla Soignies, p.60 , anses à l’endroit, Danse, 27 & 28.06 29. D Boulogne-sur-mer, Roubaix, p.66 Namur, p.66 30. Verdur Rock, Musique, 27.06, , 31. L a Nuit Africaine, Musique, 27.06 Ottignies, p.70 Lille, p.42 32. Vox Femina, Musique, 05>07.06, 33. Couleur Café, Musique, 03>05.07, Bruxelles, p.64 03>05.07, 34. Main Square Festival, Musique, Arras, p.68


30 dossier festivals

danse

Latitudes

contemporaines « L’urgence est de prendre encore et toujours des risques » entonne l’équipe de Latitudes Contemporaines à l’heure de la 13e édition du festival. En ces temps de grande crispation, 23 pièces se frottent au réel et dressent le panorama des arts vivants : danse, théâtre, arts plastiques et performance... Tour d’horizon d’un événement international, qui place les enjeux sociaux au cœur de sa programmation.

Un Sacre du Printemps © Bart Grietens


31 dossier festivals

Pour naviguer au gré des Latitudes, « il faut arriver sans a priori, c’est le meilleur conseil que je puisse donner » sourit Maria-Carmela Mini, qui a concocté le savant mélange qui déferle sur les scènes de l’eurométropole. Cette année, il y a tant de raisons de s’indigner que les propositions occupent plusieurs fronts, luttent autant contre l’austérité que les extrémismes. Dans Atlas des Portugais Ana Borralho et João Galante, 100 Valenciennois s’emparent de la scène qui devient une tribune politique, tandis qu’Ivana Müller invite carrément les spectateurs à prendre la place des performers sur scène (We are still watching). Identités contemporaines — Un seul mot d’ordre : la résistance, contre toute tentative d’anéantissement. Fil rouge de l’édition, les parcours intimes se heurtent à l’Histoire, souvent avec violence. C’est par exemple Eszter Salamon, qui retrace les guerres du xxe siècle avec six interprètes venus des cinq continents. Dans Samedi Détente, Dorothée Munyaneza dévoile son enfance durant le génocide du Rwanda et sa fuite hors du pays. Jonathan Capdevielle (voir LM n° 103) brosse lui le portrait drôle et percutant de sa famille pas comme les autres tandis qu’avec Tordre, Rachid Ouramdane cherche à saisir l’invisible, le geste singulier qui révèle notre personnalité au quotidien. à vif — Si les corps sont farouchement politiques, questionnent la marge, le déplacement ou l’exil, leur insurrection s’exprime aussi dans la joie et la bonne humeur ! Avec Marie-Caroline Hominal, femme-orchestre toute de Silver vêtue, qui promet une soirée complètement wild, le Boléro aux accents techno sous acide de Cristina Rizzo ou le joyeux bazar belge de Miet Warlop, entre autres. En donnant à voir le pire et le meilleur de l’état du monde actuel, le festival Latitudes Contemporaines taille plus que jamais dans le vif du sujet. Et n’a pas fini de faire des vagues. Marie Pons Monument 0 : hanté par la guerre (1913-2013) (Eszter Salamon) (03.06) // Atlas (Ana Borralho & João Galante) (04 & 05.06) // Dragging the bone (Miet Warlop) (04.06) // Samedi Détente (Dorothée Munyaneza) (05.06) // BoleroEffect - Rapsodia/the long version (Cristina Rizzo) (05.06) // Silver (MarieCaroline Hominal) + carte blanche DJ MCH (06.06) // We are still watching (Ivana Müller) (07.06) // Saga (Jonathan Capdevielle) (11&12.06) // Tordre (Rachid Ouramdane) (19.06) 03>19.06, divers lieux, 13/7/5€ par spectacle, pass 90€, www.latitudescontemporaines.com


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Latitudes

dossier festivals

contemporaines

Mylene Benoit – Notre Danse

© Delphine Lermite Méduses © Grégory Bohnenblust

Quelle danse emporteriez-vous sur une île déserte ? Pour cette nouvelle création, Mylène Benoit pose la question à cinq interprètes et aux deux musiciens du groupe Cercueil. Ensemble, ils composent une sorte de danse folklorique inédite. Une œuvre qui fait appel à la mémoire collective et aux gestes instinctifs, dans laquelle nous sommes invités à entrer. 16.06, Armentières, Le Vivat, 20h, 13/7/5€

Vincent Thomasset – Médail décor Vincent Thomasset emprunte des chemins détournés pour raconter des histoires. L’auteur-metteur en scène convoque ici ses souvenirs, interprétés comme en écho par le danseur Lorenzo De Angelis. Il y est question de l’enfance et de la construction individuelle, de la façon dont chacun affronte obstacles et questionnements existentiels, le tout servi avec beaucoup d’humour. 05.06, Valenciennes, Le Phénix, 19h, 13/7/5€

© Bram Goots

Vincent Glowinski – Méduses On connaît Vincent Glowinski sous le pseudonyme de Bonom, graffeur qui donne vie à un bestiaire étrange sur les murs de Bruxelles et à l’international. Avec Méduses, les fresques quittent la rue pour la scène : ses créatures fantasmagoriques s’habillent de lumière et deviennent formes fluorescentes flottant sur fond noir. Une performance hybride, où dessin et mouvement évoluent en symbiose. 10.06, Lille, maison Folie Wazemmes, 21h30, 13/7/5€



Fred Calmets © Monsieur Cana

arts de rue

BIAM Forte d’une première édition réussie en 2013, la Biennale Internationale d’Art Mural, portée par le Collectif Renart, transforme depuis fin avril la rue en lieu d’expression artistique. Pinceau, acrylique, glycero, pochoir… les techniques sont nombreuses et l’objectif est clair : sensibiliser le public à cette discipline encore méconnue. Terme plus précis que le street art et son usage « bankable », l’art mural invoque – et croise parfois – BD, calligraphie, graffiti ou peinture traditionnelle. Dans cette galerie à ciel ouvert qu’est la rue, le mur se substitue à la toile, l’éclairage est naturel et le ticket d’entrée gratuit. Pierre Thiery aka Monsieur Cana, le commissaire de la BIAM, insiste sur ce dernier point : « Renart est un collectif artistique et militant d’édu-

cation populaire qui a pour but de rendre l’art accessible à tous. » De toutes les couleurs — Pour preuve, les nombreux ateliers publics proposés, les 18 fresques visibles de Denain à Lille, de Villeneuve d’Ascq à Wavrechainsous-Denain… Cette année 21 artistes sont invités, représentant 10 nationalités, pour autant de styles à découvrir. Des précurseurs, comme les Français de VLP – actifs depuis le début des années 1980 et créateurs de l’antihéros Zuman – aux contemporains, telle l’Espagnole Nuria Mora, au style bigarré et poétique, ou le Polonais MCity et ses fresques SF en noir et blanc. Citons encore Yosra Mojtahedi, artistepeintre iranienne, qui projette pour la première fois ses paysages surréalistes sur un mur. De la bombe, on vous dit ! Julien Bourbiaux

01>05.06, Yosra Mojtahedi (mairie de quartier de Lille-Sud), Baba Jung et Wagner Braccini (Villeneuve d’Ascq)... // 15>19.06, fresques collectives : « Trains et cheminots » par 4 Letters et Génie (Lille), « Langage » par Atom et Mask (Lille), « Calligraffiti » par Lady Alezia et Monsieur Cana (Lille et Villeneuve d’Ascq) // 20.06, « P(art) cours » : Farm Prod, Mercurocrom, Mohammed Taghzout, Atom et Mask, Collectif Renart... (Lille, Arras et Denain), Concert de clôture avec DJ Dee Nasty (Lille, Le Flow) Jusqu’au 20.06, Lille, Denain, Hellemmes, Wavrechain-sous-Denain, Villeneuve d’Ascq, Arras, biam-npdc.blogspot.fr



cinéma

Brussels Film Festival Nom de Dieu... On apprend la défection de Julien Temple alors même qu’on venait de faire le plein de jeux de mots vaseux – Temple, le pape du punk, un cinéaste béni, ce genre… Tant pis, on range tout ça et on se réjouit quand même, au vu de l’alléchant programme concocté par le Brussels Film Festival. Car, comme à son habitude, cet anti-Festival de Cannes (ni frime, ni paillettes, mais une passion de tous les instants pour la chose cinéma) convie un grand nom. L’an passé, Alan Parker succédait à Bertrand Tavernier. En 2015, Jacques Doillon assume ce rôle d’invité d’honneur. S’il n’est pas le plus médiatisé des cinéastes hexagonaux, il en demeure l’un des plus précieux – on ne réalise pas un film de la trempe du Petit Criminel (1990) sur un coup de chance.

Bande son — Mieux : l’homme connaît ses métiers, puisqu’il fut entre autres monteur, acteur, producteur, scénariste et réalisateur. Une leçon de cinéma en compagnie de cet autodidacte génial, en prélude au cycle que lui consacrera la Cinematek en août, ne sera pas de trop pour percer les secrets de son œuvre… Pour le reste, comme d’habitude, on jouera les Phileas Fogg de la bobine et on tentera de visiter quinze pays à travers 70 longs et courts métrages. Ah, et comme la musique n’est jamais oubliée, le BFF a dégotté une belle bande d’originaux pour sa bande originale : ainsi, Zone Libre – menée par Serge Teyssot-Gay – revisite (en version courte) 2001, L’Odyssée de L’Espace (1968) de Stanley Kubrick. Vous avez dit stratosphérique ? Thibaut Allemand 12.06>21.08, cycle Jacques Doillon (20 films) // 08.06, 20h30, rencontre avec Jacques Doillon Brussels Film Festival - Dedicated to European Cinema : 05>12.06, Bruxelles, Flagey, www.brff.be

Jacques et Lou Doillon © DR

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musique

Electro Libre France - Allemagne ? Un attentat de Schumacher sur Battiston dont on ne s’est toujours par remis (Séville 1982), et une rivalité sur la scène électronique aujourd’hui ravivée des deux côtés du Rhin. Pour cette 3e édition, Electro Libre investit des friches portuaires pour un combat musical mettant aux prises la deephouse jazzy des Frenchies Blaise Bandini et Ben Vedren, avec le trip-hop de l’Allemand Terranova et la techno minimale de son compatriote Robag Wruhme. Fight ! Jie Heym, Ben Vedren, Robag Wruhme, Fon$$ & Brother Live percu (05 .06) // Phono Logic, Fatherless Child, Philogresz, Terranova, Blaise Bandini Live, Ridoo Diskoo (06.06) 05 & 06.06, Dunkerque, Salle 4.IV, route du quai Freycinet, Môle 1, 22h>06h, 1 Jour : 16€, pass 2 jours : 30€, www.electrolibre.org

pluridisciplinaire

Alpha Blondy © DR

Les Folies

Maubeuge ne se résume pas qu’à un Clair de Lune ni à un zoo – très beau, au demeurant. Et les Folies, pardi ! Etienne Daho, qui a annulé sa venue, ne sait pas ce qu’il rate. Alpha Blondy, qui le remplace au pied levé, découvrira un festival chaleureux et familial, idéal écrin pour son reggae gorgé de sonorités africaines. Entre les remparts, en ville, la trentaine de concerts et spectacles de rue gratuits jusqu’à la grande parade des artificiers du Groupe F, achèvent de nous convaincre de la pertinence touristique de l’endroit.

Alpha Blondy & The Solar System + Georgio (05.06) // Triggerfinger + Birth of Joy + Obsolete Radio (06.06) // Soprano + Sianna (07.07) 05>07.06, Maubeuge, La Luna & en ville, 25/20/15€/gratuit, www.festivallesfolies.com

Terranova © Ronald Dick

dossier festivals



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Róisín Murphy © DR

dossier festivals


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musique

Heartbeats Un festival de plus ? Pas du tout. Tout d’abord, Heartbeats n’a pas invité Salut C’est Cool. L’affiche est l’une des plus alléchantes de ce mois de juin. Mieux, il est le seul de cette envergure situé pile sur une frontière. Le meilleur moyen de les abattre. À l’origine, l’idée d’un tourneur spécialisé dans cette nébuleuse indéfinissable : l’indie vendeur. Or donc, Super!, aux manettes du Pitchfork Festival – par exemple – soumet le projet d’un festival au Grand Mix (Tourcoing) et à L’Aéronef. Bonne idée, mais pourquoi ne pas s’ouvrir aux voisins belges ? D’autant que Le Grand Mix et De Kreun (Courtrai) planchaient déjà sur un projet du même genre. Les quatre structures unissent donc leurs forces, soutenues par leur cinquième Beatle, Philippe Vlerick. Président de l’Eurorégion, celui-ci souhaite donner une dimension... eurorégionale au projet. Les petits ruisseaux font les grandes rivières — Et c’est donc à cheval sur la frontière naturelle des deux pays, la Lys, que se déroule l’événement, dont le line-up a de faux-airs de best of du Grand Mix, de L’Aéro et De Kreun : Caribou, Anna Calvi, Metronomy... Notons que tous ne sont pas logés chez Super!, qui a laissé carte blanche aux salles. On croise des artistes bien plus célèbres en Belgique qu’en France comme Róisín Murphy, et des groupes français émergents, tel Rocky. Avec, en trait d’union entre les deux soirées, Tom Barman, âme de l’incontournable dEUS et du plus confidentiel Magnus. Pour l’heure, en deux soirs et sous un chapiteau de 7 000 places, Heartbeats (baptisé d’après un titre The Knife, repris par José González avec le Metronomy, Caribou, Ibeyi, Years&Years, Magnus (05.06, 17h30) // dEUS, Róisín Murphy, Anna Calvi, José González succès que l’on sait) ressemble à un peBadbadnotgood, Hælos, Rocky (06.06, 14h30) tit cousin de La Route Du Rock. Souhai05 & 06.06, Halluin, Port Fluvial, 1 jour : 37/35€, tons-lui le même succès. Thibaut Allemand pass 2 jours : 65/60€, www.heartbeatsfestival.eu


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© Morgane Delfosse

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Out Loud ! Pas facile le cap de la cinquantaine. Mais le Beursschouwburg ne fatigue pas. Avec « Out Loud! », l’institution bruxelloise multiplie les rendez-vous sur son toit-terrasse durant le mois de juin. Paillettes, rollers, hip-hop (Wild Style) rythment ce festival mêlant films musicaux des années 1980, concerts et DJ sets sous les lampions. Ciné : Wild Style, Charlie Ahearn (03.06) // Fela Kuti : Music Is The Weapon, S. Tchalgadjieff & J.J. Flori (04.06) // The Decline Of Western Civilization Part I, Penelope Spheeris (10.06) // The Decline Of Western Civilization Part II : The Metal Years, P. Spheeris (11.06) // Brand New Day, Amos Gitai (17.06) // Stop Making Sense, Jonathan Demme (18.06) // Rock & Rule, Clive A. Smith (24.06) // Xanadu, R. Greenwald (25.06) 03>28.06, Bruxelles, Beursschouwburg, gratuit, www.beursschouwburg.be

Vox Femina

Y’a pas l’feu

Des chansons du monde entier interprétées par des femmes. C’est le principe de ce festival mis sur pied par la compagnie du Tire-Laine. On se laisse charmer par la voix et le trio à cordes (sensibles) d’Odeia, hypnotiser par les mélodies tsiganes, grecques et ottomanes de Loxandra Ensemble. Avant de chercher un pied sur lequel danser en écoutant la bossa-folk de Bilina.

évitons les calembours pyrotechniques qui tombent à l’eau. Didier Super s’en chargera mieux que nous. Le Douaisien déglingué partage avec les tout aussi barrés Fatals Picards l’affiche de ce festival mis sur pied par Droit de Cité. Pour le reste, entre reggae catalan et trashmusette, la dizaine de groupes attendus dans la campagne de Cambrin nous donne tous une bonne raison de nous enflammer (raté…).

Dervish + La Bergère + AFter « Folk Session » (05.06) // Carminho + Odeia + AFter « JB’s Woman voiced DJ Party » (06.06) // Loxandra + Bilina + Fal Ta Hom (conte) (07.06) 05>07.06, Lille, maison Folie Moulins, 20h30 sf dim 14h, 15>7,50€, pass 3 jours : 36>20€, www.tire-laine.com

Les Fatals Picards, Aux P’tits Oignons, Le Vrai Terrien, 5 Marionnettes Sur Ton Théâtre, Oyamba (05.06) // Didier Super, Sebastian Sturm, Wailing Trees, Sorah, Kermesz à l’Est, Itaca Band (06.06) 05 & 06.06, Cambrin, Stade municipal, 1 jour : 20/15€, pass 2 jours : 30/25€, www.festival-yapaslfeu.com



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exposition

littérature

Les Rendez-Vous de la BD

Vaisseau Riff Reb’s© DR

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En 2015, nul besoin d’écrire des tartines pour réhabiliter les petits mickeys. La bande dessinée est considérée comme un art à part entière et, ce faisant, possède son lot de maîtres, d’écoles, de récompenses et… de festivals, donc. En Picardie, Les Rendez-Vous de la BD font figure de jalon dans la vie des cases et des bulles. Pourquoi ? Visite guidée. L’engouement pour Angoulême nous angoisse. Sans chauvinisme aucun, on lui préfère le festival amiénois. Les auteurs ne s’y sont pas trompés. Des noms ? Kris, Maël, Craig Thompson (Blankets, Habibi), Mezzo, Davyna, Marc-Antoine Mathieu, Loisel… Sept, à la volée, sur plus d’une soixantaine et ce, dans tous les styles. Alors bien sûr, un tel événement propose son lot de séances de dédicaces, de tables rondes, de rencontres avec les auteurs – vous connaissez le principe. En revanche, baladons-nous au fil des (nombreuses) expositions. Du côté de la Maison de la Culture, on (re)découvre l’Oubapo (Ouvroir de Bande Dessinée Potentielle), ce groupe informel qui questionne (et réinvente, souvent) les codes de la BD.

Dans une autre salle, les planches du vénérable Edmond Baudouin (Couma acò, Le Vertige) rencontrent celles du formidable Craig Thompson pour un dialogue silencieux autour du rapport entre texte, dessin, récit… Ailleurs, Magasin Général, fresque signée Loisel et Tripp et (enfin!) achevée l’an passé après neuf albums d’une rare beauté, se dévoile en grand format, et à la verticale, sur les murs de la bibliothèque Louis-Aragon. En dehors des cases. Thibaut Allemand Expositions : À bord du vaisseau Riff (Bibliothèque Universitaire, Pôle Cathédrale, espace Camille Claudel, du 06 & 07.06) // David François – Être soi (Bibliothèque Universitaire, Pôle Cathédrale, 02 > 07.06) // Magasin Général (Bibliothèque Aragon, jusqu’au 14.08) // Contrainte et Liberté (Maison de la Culture, jusqu’au 15.10) 06 & 07.06, Amiens, Pôle universitaire Cathédrale, 10h>19h, 3€/gratuit -12 ans, www.bd.amiens.com



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Marché de la poésie de Paris

La Belgique a l’honneur Invité d’honneur du 33e Marché de la poésie de Paris, le Plat Pays déballe ses vers et ses rimes au cœur de SaintGermain-des-Prés. La poésie belge ? « Elle ne s’est jamais mieux portée ! » De retour du Maelström fiEstival de Bruxelles, David Giannoni, directeur de la maison de la poésie d’Amay, balaye les clichés qui réduiraient la discipline à un art pour initiés. « Le public est au rendez-vous, curieux de découvrir la poésie contemporaine et ceux qui la font ». Créée en 2007, la manifestation, qui articule lecture, danse, musique et nouvelles technologies, est représentative de l’évolution de ce genre «classique» vers des performances hybrides. Booklegs — Vivante, la poésie belge l’est grâce à son réseau (une quarantaine de maisons d’édition spécialisées), et ses auteurs. Aux côtés des

© John Sellekaers

littérature

reconnus Jean-Pierre Verheggen ou William Cliff, prix Goncourt de la poésie 2015, de nouvelles générations (Laurence Vielle, Antoine Wauters, collectif Chromatic) émergent constamment, lors de « micros ouverts » ou via la publication des booklegs – petits recueils à petits prix – des éditions L’Arbre à paroles. Et si les ventes dans le domaine restent modestes, David Giannoni souligne l’importance de conserver en Belgique une création poétique : « Certains auteurs n’écrivent pas de poésie mais en sont de grands lecteurs. Cette nourriture est essentielle à la diversité de la littérature ». Marine Durand Avec Anne Versailles, Karel Logist, Dominique Massaut, Jan H. Mysjkin, Michaël Vandebril, Hilde Keteleer. Présentation par David Giannoni (éditeur d’une anthologie bilingue, Belgium Bordello, Ed. Maëlstrom). 10 >14.06, place Saint-Sulpice à Paris, gratuit, poesie.evous.fr



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arts de rue

La Constellation imaginaire Né sur les cendres du festival Z’Arts Up !, le nouveau rendez-vous de Culture Commune fait figure de baptême du feu pour Laurent Coutouly. « Après 25 ans sans changement de direction, il fallait réinterroger la pertinence de Culture Commune, tant le bassin minier et ses habitants se sont transformés », analyse le directeur, arrivé en octobre à la tête de cette Scène Nationale du Pas-de-Calais. à la Fabrique théâtrale, la saison ne s’articule plus autour d’une programmation, mais via différents temps forts, dont le premier a été joliment baptisé « La Constellation imaginaire ». Rubalise — Dédiée aux « arts dans l’espace public », la manifestation accole au «classique» théâtre de rue des installations évolutives, et mise sur la dimension participative des 19 performances. Ainsi, tandis que les turbulents Padox, marionnettes habitées mais muettes, taquinent au plus près les spectateurs, le plasticien Aurélien Nadaud les invite à dérouler des mètres de « rubalise »

Mazalda, Turbo Clap Fanfare © Sileks

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dans l’espace urbain. Grâce à ces rubans de signalisation, il crée le lien manquant entre les hommes, le lieu et son histoire. Casque sur les oreilles et planisphère devant les yeux, les passants du jardin public d’Annezin devraient eux s’offrir un voyage tout en sons et en voix avec la Compagnie Caracol. Leur Babel sonore permet d’écouter la planète en direct (!) grâce à des micros planqués dans le monde entier – taxi new-yorkais, sauna suédois... « Ici, chaque proposition multiplie les points de vue, comme autant de portes ouvertes sur le monde », confirme Laurent Coutouly. Attention au départ ! Marine Durand Tape Riot (Asphalt Piloten) ; Là Nous (A. Nadaud) ; La Babel Sonore (Cie Caracol) ; La Machine (Cie du Fardeau) ; Mr Kropps (Cie Gravitation) ; Zick’n’tchatche (Les Kag) ; Juste avant que tu ouvres les yeux (Ktha cie) ; Turbo Clap Fanfare (Mazalda) ; Le Schmurtz (La Ménagerie) ; Maître Fendard (Le Nom du Titre / Fred Tousch) ; Tleta (Cie Une Peau Rouge) ; Fraise au Balcon (Les Royales Marionnettes) ; Canoan contre le roi Vomiir + Paco Chante la Paix (Spectralex) ; à Vendre + La succulente histoire de Thomas Farcy (Cie du Thé à la RUE) ; Titanos ; Les Padox… 12>14.06, Annezin, Loos-en-Gohelle, divers lieux, divers horaires, gratuit, www.culturecommune.fr



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La fête de l’îlot

Rich Aucoin © Scott Munn

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Un îlot ? On pense tout de suite au minuscule bout de terre perdu au milieu de l’océan. Rassurez-vous, on ne fera pas de vous un Robinson. C’est à Dunkerque que la fête est prévue. Les 4 Ecluses ont programmé concerts et animations au bord de l’eau. L’affiche est éclectique : le rock oriental de Boogie Balagan croise la pop lumineuse de Rich Aucoin et la «Brasshouse» de Too Many Zooz. Ressourçant. Bombay, Boogie Balagan, Too Many Zooz, Rich Aucoin… (19.06) // June Bug, Laïna Shanties, Boogie Balagan, Brasil Afro Funk… (20.06) 19 & 20.06, Dunkerque, 4Ecluses, ven, 18h, sam, 14h, grat., 4ecluses.com

Midsummer Festival Un siège se prépare au château victorien d’Hardelot. Pas de guerre en prévision, mais une spectaculaire invasion musicale. Durant trois week-ends, le Midsummer réunit des maîtres de la musique baroque et de chambre. On note la présence d’Orfeo 55 et de Nathalie Stutzmann. Nul besoin d’enfiler de majestueux atours. Tendez juste l’oreille. Haydn, Haendel ou Rameau ont quelques notes à vous dire. 19.06>05.07, Hardelot, Château d’Hardelot, Midsummer Pass : 25€ puis 5€/spectacle ou 15€/gratuit –18ans, www.chateau-hardelot.fr

N’en déplaise à Béatrice Dalle qui avait « hâte de se barrer » de la « pas glamour » cité de Gayant, le Tandem clôture sa saison de manière éclatante. L’Hippodrome de Douai et le Théâtre d’Arras donnent carte blanche à la plus classe Agnès Jaoui, qui s’enflamme pour le cinéma latino (Chico Rita) ou les Passionarias. Cirque, danse et théâtre d’objets (Ressacs) sont aussi au programme de ce final très festif. Ciné : Flamenco Flamenco (05 & 06.06) // Nanny McPhee, Chico & Rita (06.06) – Spectacles et concerts : La Convivialité (A. Hoedt & J. Piron), éloge des fesses (Bernadette A / Cie Zaoum), Sous ma peau /Sfu.ma.to/ (Cie S’appelle reviens), Agnès Jaoui… (06.06) // La Convivialité, Ressacs (Cie Gare Centrale), Dakh Daughters... (07.06) 05>07.06, Arras, Théâtre - Douai, L’Hippodrome, 15>2€, divers horaires, www.tandem-arrasdouai.eu

Agnès Jaoui © Patrick Swirc

Happy And



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musique

dossierfestivals festivals dossier

Best Kept Secret festival

© Jenna Foxton

© Shawn Brackbill

Parce qu’on ne sait pas tenir un secret, ça fait quelques années que l’on évoque The Best Kept Secret Festival. Pire, comme chaque année et 99% de nos confrères, on trouve à peu près la même chute. Et on va récidiver ! En même temps, le festival n’a qu’à changer de nom. Parce qu’en invitant des pointures pareilles (ici on en présente six sur une palanquée) dans un tel cadre, impossible de rester... secret. Thibaut Allemand

Matthew E. White

Ghost Culture

Ce multi instrumentiste joufflu fut important à plus d’un titre. L’homme est l’âme du label Spacebomb Records, et on lui doit la découverte des merveilles soul pop de Natalie Prass (voir p. 82). Ah, et tant qu’à faire, le barbu n’est pas manchot non plus à l’heure de composer une pop chargée de soul et de country. Frissons en vue.

De Depeche Mode à James Blake, nombreux sont les électroniciens ayant insufflé de la vie, du cœur, de l’âme à de froides machines. James Greenwood, 24 ans, mêle mélodies intimistes et Korg, chant brumeux et sampler. Sa pop moderne, bardée de sons house, de relents acid et d’effluves new wave, se savoure au coin du feu comme sur un dancefloor cramé.


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© Nick Helderman

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The Jesus & Mary Chain 1985 : The Jesus & Mary Chain signe l’indépassable Psychocandy. Ou comment magnifier le feedback par des mélodies d’une pureté et d’un classicisme absolus – ou l’inverse. Bref, il y a plus d’humanité dans un larsen de ces Écossais que dans toute l’œuvre des ennuyeux Sonic Youth. Et sur scène ? Oh… Disons qu’on visite un monument. On ne s’attend à rien, mais une bonne surprise reste possible. Aux dernières nouvelles, le groupe évoque un nouvel album. Est-ce bien nécessaire ?

Kate Tempest

Kindness

« Que le hip-hop français repose en paix » déclare Booba. Pas grave, le hip-hop anglais se porte bien. La preuve avec Kate Tempest : aperçue aux Trans Musicales l’an passé, son rap joué live est à la fois revigorant et bancal, énergique et mal foutu. Vivant, en somme.

En deux albums, l’Anglais Adam Bainbridge a défini le groove des années 2010. Funk spatiale, soul revue et corrigée et house brûlée au soleil y cohabitent en parfaite harmonie. Hélas, ces œuvres sont passées trop inaperçues. Jetez donc une oreille aux hymnes sensuels du chevelu, vous serez gentils.

The Libertines, The Jesus and Mary Chain, The Tallest Man On Earth, Cashmere Cat, Chet Faker, Earl Sweatshirt, Eskmo, The Pop Group, Blanck Mass, Eagulls, Jungle By Night Soundsystem, Kevin Morby, METZ, Strand of Oaks, Vessels, Yak... (19.06) // Noel Gallagher’s High Flying Birds, A$AP Rocky, Ride, Balthazar, Death Cab For Cutie, Future Brown, Temples, The Vaccines, Ghost Culture, Kindness, Matthew E. White, Outfit, Patten, Riptide... (20.06) // Alt-J, Royal Blood, Sohn, Black Mountain, Evian Christ, Future Islands, Jonny Greenwood & The London Contemporary Orchestra, Mew, Typhoon, Ariel Pink, Dan Deacon, Kate Tempest... (21.06) 19>21.06, Hilvarenbeek, Beekse Bergen (NL), 1 Jour : 69€, pass 3 Jours : 125€, www.bestkeptsecret.nl


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musique

Lille Piano(s) Festival Des chefs-d’œuvre du répertoire classique – Schubert, Béla Bartók – aux musiques de jeux vidéo, l’affiche de lille piano(s) festival nous en fait voir de toutes les couleurs. Au sens figuré comme au sens propre puisque cette 11e édition met à l’honneur Alexandre Scriabine. Le compositeur russe, qui souffrait (ou jouissait) de synesthésie, confondait les sens pour donner vie à une œuvre mystique qui fusionnait images et sons – à chaque note sa couleur. à l’occasion du centenaire de sa mort, Andrei Korobeinikov et l’Orchestre national de Lille ressuscitent son clavier de lumière à travers une création visuelle qui livre une version de Prométhée « telle qu’il a pu la rêver de son vivant », selon François Bou, directeur général de l’o.n.l. Kaléidoscope enchanteur — Un mélange des genres qui donne le ton d’un festival propice à la découverte. Du bal

Andrei Korobeinikov © Irène Zandel

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moderne aux ciné-concerts – dont Sherlock, Jr. avec Buster Keaton – en passant par la note bleue (musique noire américaine, jazz latino ou caribéen), le Nouveau Siècle se mue en « ruche » où chaque porte poussée réserve son lot de surprises. Aux spécialistes comme aux néophytes ! Chacun prendra sans doute le même plaisir à écouter le méconnu Fils des étoiles d’Erik Satie, au Palais des beaux-arts, ou Jean-Pierre Marielle (!) dans le conte musical Philomène et les Ogres de David Chaillou, illustré en direct par le dessinateur Charles Dutertre. Un kaléidoscope de formats qui ne poursuit d’autre but que de « rendre le piano accessible au plus grand nombre ». Et de rappeler qu’il est une fête. J. Damien 12>14.06, Lille, Nouveau Siècle, Palais des beaux-arts, Conservatoire, Gare Saint Sauveur, Maison natale Charles de Gaulle, Centre culturel de Lesquin, Saint-Jans-Cappel (Villa départementale Marguerite Yourcenar), divers horaires, 22>5€, pass 3 jours : 10,, www.lillepianosfestival.fr



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Creil Colors

Aggrrh, la Fête de la musique... Avec ses sempiternelles reprises de Téléphone, ses groupes locaux qui massacrent le répertoire du rock en bas de chez nous entre deux sandwiches merguez… à Creil, au moins, on peut se réfugier au parc de la Faïencerie, histoire de capter le reggae légendaire d’Israël Vibration ou la « voix d’or de l’Afrique » Salif Keita, avant de reprendre les airs engagés de HK & les Saltimbanks. Peace. Les Ambassadeurs, Israël Vibration, HK & Les Saltimbanks 21.06, Creil, Parc municipal de la Faïencerie, 17h, gratuit, www.creil.fr

Faites de la chanson

Devenir star d’un jour, ça vous tente ? Entre autres découvertes musicales, ce festival de la (bonne) chanson francophone invite les spectateurs à se produire sur scène. Bon, si vous n’êtes pas trop sûr de votre coup, inspirez-vous des textes au vitriol de Clarika. Mais il faudra rouler sa bosse pour acquérir le timbre rocailleux de l’écorché Yves Jamait. Trio Lej, Thomas Pitiot (20.06) // Les Blérots de Ravel, Claire Elzière (22.06) // Mèche, Wally, Pagaille (23.06) // Mr et Mme Carton, Duo Donin-Thévenet, Garçons S’il Vous Plaît, Les Chuchoteurs (24&25.06) // Karimouche (24.06) // Nicolas Jules (25.06) // Pink Falda, Lemeslissime (27.06) // Clarika, Les 7 Mères Veillent, Yves Jamait (27.06)… 20>27.06, Arras, divers lieux, 24/15€ (12/8€ avec le pass, en vente pour 15€), www.didouda-arras.fr

Openluchttheater Le plus long festival de l’été (plus de deux mois !) reçoit le plus grand Homme sur terre (The Tallest Man on Earth). Logique. Le folker suédois fait honneur à son idole Bob Dylan dans ce chouette coin de verdure anversois. En attendant Public Enemy en juillet, on se pose devant les légendaires rockeurs belges de The Scabs (Hard Times) ou le Canadien Daniel Lanois (mais si, Jolie Louise !).

© Anneke Peeters

Israël Vibration © DR

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Daniel Lanois (19.06) // The Tallest Man On Earth, Complet ! (24.06) // The Scabs (26.06)… 19.06>04.09, Province d’Anvers, domaine provincial Rivierenhof, théâtre de Deurne, 19h, 36>23€, www.openluchttheater.be



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Kiss Š DR

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musique

Graspop metal meeting Tandis qu’en France, les grenouilles de bénitier saccagent le site du Hellfest - destruction de mobilier et tags du style «Vade Retro Satanas» (mais rien sur Diabolo), en Belgique, les musiques extrêmes coulent des jours paisibles. En témoigne la vingtième édition du Graspop Metal Meeting, dont l’affiche semble presque trop tranquille.

Comme chaque année, et pour le plus grand bonheur des aficionados, le Graspop Metal Meeting sort l’artillerie (très) lourde. Se côtoient grand-guignol (Kiss, Marilyn Manson, Slipknot), hard FM (Scorpions), légendes sur le retour (Slash, Faith No More) et jeune garde – celle qui est écrite en petit sur l’affiche. Ces poids lourds donnent (de loin) l’impression d’un événement bien installé. La relève est assurée — Mais, en observant ces fameux noms plus discrets sur le programme, on tombe sur Evil Invaders (des Belges qui jouent du trash «à l’ancienne»), Godsmack (pas des perdreaux de l’année, mais ce groupe a toujours été trop sousestimé), et surtout sur Orchid, l’un des grands représentants du courant doom – ou comment concilier décibels et farniente. Le manque de renouvellement n’est Kiss, Slash, Marilyn Manson, Epica, Blues Pills, Cannibal donc qu’apparent. Simplement, le metal Corpse, In Flames, Body Count (Feat Ice T), Cavalera Conspiracy, Samael, Marduk, God Seed, H.E.A.T., Ihsahn, n’ayant jamais été mainstream – si l’on My Dying Bride, Life Of Agony... (19.06) // Arch Enemy, Slipknot, Hollywood Undead, Judas Priest, Korn, Alice excepte la parenthèse 80’s, où le hair Cooper, Five Finger Death Punch, Danko Jones, Sonata metal avait le vent en poupe ET dans les Arctica, Exodus, Korpiklaani, Lacuna Coil, Shining, At The Gates, Orchid, Godsmack... (20.06) // Scorpions, cheveux – ce genre s’est toujours situé Motörhead, Faith No More, Within Temptation, Airbourne, Papa Roach, Dragonforce, Amorphis, Septic Flesh, Terror, à part. Et dût faire front. D’où ce resChildren Of Bodom, Equilibrium, Cradle Of Filth, Lamb Of pect envers les anciens. Et si le metal God, Texas In July, Evil Invaders... (21.06) était confucianiste, tout simplement ? 19>21.06, Hasselt, 1 jour : 89€, pass 4 jours : 185€, Vincent Lançon

www.graspop.be


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musique

Rock Werchter

SBTRKT © DR

Rock Werchter nous renvoie direct aux années lycée – Foo Fighters, The Chemical Brothers, Ben Harper – voire à celles de papa – Patti Smith. Elu meilleur festival du monde, le grand frère du Main Square empile les grands noms d’hier et d’aujourd’hui – Kasabian, Muse, Pharrell Williams... Et offre une session de rattrapage idéale si vous avez raté tout ce qui ce faisait de bien cette année – SBTRKT, Caribou, Hot Chip, FKA twigs, Ibeyi... Certes un peu cher, mais fallait réviser avant. Foo Fighters, Patti Smith, Florence And The Machine, The Chemical Brothers, Chet Faker, Jungle, Hot Chip, Eagles Of Death Metal, Caribou, Sbtrkt... (25.06) // Ibeyi, Archive, Alt-J, Pharrell Williams, Balthazar, Ben Howard, Fka twigs... (26.06) // Selah Sue, Lenny Kravitz, Angus & Julia Stone, The Prodigy, Noel Gallagher, ILoveMakonnen... (27.06) // Christine And The Queens, Muse, Ben Harper, Die Antwoord, Alabama Shakes, Kasabian, The Vaccines... (28.06) 25>28.06, Werchter, Parc du Festival, 1 jour : 95€ (seul vendredi dispo), pass 4 jours (Complet), www.rockwerchter.be

exposition

« Ne travaillez jamais », disait Guy Debord. Avant de démissionner, visitez donc la biennale ARTour et son ensemble d’expositions, installations et créations originales. Cette 10e édition questionne notre rapport au travail. Où mènent le capitalisme, la dictature du marché et leurs corollaires, la compétition, le stress ou encore l’obsolescence programmée ? Vaste question. L’exposition Working life pointe l’aliénation de l’homme au labeur. Tandis qu’Homo Faber dissèque les rapports entre l’art et l’industrie. 26.06>30.08, divers lieux, Houdeng-Aimeries, La Louvière, Morlanwelz, Soignies, divers tarifs

Osteodystrophia © Rohan Graeffly

ARTour



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musique

musique

Festival Pic’Arts Imaginez le tableau : bordée de sousbois, une scène plantée dans la cour d’un château, pile au pied d’un donjon du xive siècle. Victor Hugo, qui passa par ici – son nom demeure gravé dans la pierre – en vanta d’ailleurs ses allures de « conte de fées ». Un décor qui nous fait d’autant plus apprécier les mélodies pop-folk et minérales de Shake Skake Go, ou les perforations vocales et androgynes d’Asaf Avidan. Jusqu’à nous rendre Cali sympathique ? Faut pas exagérer non plus. The Swinging Dice, Shake Shake Go, Debout sur le Zinc, Fréro Delavega, Cali, Collectif 13... (26.06) // Thomas Albert Francisco, La Villa Ginette, The Dukes, Boulevard des Airs, Faada Freddy, Asaf Avidan, Danakil... (27.06) 26 & 27.06, Septmonts, Parc du Château, ven, 16h, sam, 15h30, 1 Jour : 43/33€, pass 2 jours : 54/44€, www.festival-picarts.com

Amis turfistes mélomanes, vous pouvez d’ores et déjà tout miser sur The Jon Spencer Blues Explosion. Valeur sûre du punk-rock depuis les années 1990, les New-Yorkais partent favoris pour retourner l’Hippodrome d’Evreux. Bien placé aussi : Hudson Mohawke et ses sets abstract hip-hop qui tabassent (Chimes). à l’opposé, Thylacine, révélation du Printemps de Bourges 2014, jouit d’une belle cote avec ses ritournelles synthétiques. Chez les outsiders, citons les Marseillais de Kid Francescoli, tenanciers d’une poptronica mélancolique qui risque de lâcher tout le monde dans la dernière ligne droite. Mais les paris restent ouverts. Rich Aucoin, Fidlar,The Inspector Cluzo, The Bug Feat Manga, Ez3kiel,Yelle, Hudson Mohawke, Rustie Live… (26.06) // Thylacine, St. Paul And The Broken Bones, The Jon Spencer Blues Explosion, H-Burns, Metz, Cabaret Freaks, Kid Francescoli, Random Recipe, Joy Wellboy… (27.06) 26 & 27.06, Evreux, Hippodrome, 1 Jour : 41€, pass 2 jours : 59,50/54,50€, www.lerock.org

Thylacine © Louis Jammes

Shake Shake Go © Cedric Jereb

Le Rock Dans Tous Ses Etats



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Wu-Tang Clan Š Jonathan Weiner


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musique

Couleur Cafe On a souvent croisé des organisateurs de spectacles pour qui mêler des stars aux artistes émergents constituait l’essentiel d’une programmation… C’est tout le contraire avec Couleur Café. Ce festival bruxellois qui fait preuve d’une indéniable ouverture d’esprit peut se targuer d’avoir une âme. Estampillé « musiques urbaines et métissées » – rap, reggae, r’n’b, soul, funk, bossa nova... – Couleur Café n’a cessé au fil des ans d’élargir son spectre. Jusqu’à réserver une belle place à la pop ou à l’électro (on attend cette année Kavinsky, Etienne de Crécy, The Magician et Milky Chance), pour parachever le dosage de bonnes vibrations. Des valeurs revendiquées de partage et de tolérance qui ne s’arrêtent pas à la scène. Installé au cœur de l’ancien site industriel Tour & Taxis, l’événement s’impose aussi comme « une plate-forme de rencontres et d’expressions culturelles » selon Michel Durieux, l’un des organisateurs. Ethique — Une « ville dans la ville » prise d’assaut durant trois jours par des graffeurs locaux et une myriade d’ONG qui débattent avec les festivaliers – cette année autour de « la sécurité alimentaire ». Le « Palais du Bien Manger » et sa cinquantaine de cuisines du monde nous donnent tout loisir de prolonger la discussion. Et côté musique ? L’affiche de cette 26e édition fait la part belle aux monuments du hip-hop (Wu-Tang Clan, Cypress Hill) mais aussi à la jeune Dub Inc, Wu-Tang Clan, Crystal Fighters, Shantel & garde : on vous conseille le flow raffiné Bucovina Club Orkestar, Ester Rada, Tarrus Riley, The du Californien G-Eazy. Une relève tout Magician, Kavinsky Dj Set, Arsenal, Wyclef Jean... (03.07) // Etienne De Crecy, Caravan Palace, La Fine Equipe, Flavia aussi fougueuse de ce bord-ci de l’AtlanCoelho, Israel Vibration, 1995, G-Eazy, Modestep, Starflam... (04.07) // Naâman, Groundation, Cypress Hill, Joey tique avec, côté révélations belges, les Bada$$, Milky Chance, La Smala, Xavier Rudd, Sergent beats acérés de La Smala ou les textes Garcia, Buraka Som Sistema, Jah9 (Janine Cunningham), Stuff, Oddisee, Lefto... (05.07) décalés de L’Or du Commun & Romeo 03>05.07, Bruxelles, Tour & Taxis, 1 jour : 39€, pass 3 Elvis. Julien Damien jours : 95€, www.couleurcafe.be


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Verdur Rock

Alors oui, c’est vrai, après 30 ans de gratuité, le plus vieux festival rock de Wallonie devient payant. Mais, honnêtement, qui peut se vanter de pouvoir jumper avec Skip the use, se lâcher sur la punktronica de The Subs et headbanger avant tout le monde sur le hip-hop malin d’Hippocampe fou dans la même journée… pour 10  € ? Le tout au sommet d’un site moyenâgeux aux allures de paradis vert ? On est d’accord... Skip The Use, The Subs, Hippocampe Fou, The Computers, Mountain Bike, Alaska Gold Rush 27.06, Namur, Citadelle, 11h30, 15/10€ (prévente), www.verdur-rock.be

Grensrock Du garage blues bien sale (Scrappy Tapes) aux formes les plus raffinées (Robbing Millions), le festival flamand balaye toutes les ramifications du rock, essentiellement à travers la scène belge. Parmi ces 13 concerts, on se jette sur celui des BRNS pour apprendre comment concasser post-punk, noise et nerdy-pop sans se faire mal. Oui, dEUS est bien l’arbre qui cache la forêt. Prog : Hypochristmutreefuzz, Scrappy Tapes, Robbing Millions, Douglas Firs, Wallace Vanborn, The Van Jets (26.06) // Nordmann, BRNS, Steve Gunn, Raketkanon, Magnus, The Sha-La-Lee’s, The RG’s (27.06) 26 & 27.06, Menin, Brouwerspark Menen, gratuit, grensrock.be

Les Danses A l’Endroit Ce festival initié par le Gymnase propose des « objets spectaculaires », des étapes de travail. Il exporte cette « danse in progress » là où on ne la trouve guère : vers les dunes de Boulognesur-Mer ou la Grand’Place de Roubaix. D’ateliers en spectacles inédits, on explore ainsi des paysages insolites, parfois intimes. Notamment avec la Cie József Trefeli qui cherche à transformer notre corps en instrument de percussion !

Jinx 103 © Gregory Batardon

The Subs © Joost Vandebrug

dossier festivals

Atelier de percussions corporelles, Cie József Trefeli, Virages - Maquette, Thibaud Le Maguer (27.06) // Jinx 103, Cie József Trefeli (27.06 & 28.06) // Cœur, Mathieu Jedrazak, Brigitte Nielsen Society (28.06) 27 & 28.06, Boulogne-sur-Mer, Roubaix, divers lieux, gratuit (résa. + 33 (0)3 20 20 70 30), www.gymnase-cdc.com



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© Jérôme Pouille / Live Nation France Festival

dossier festivals

musique

Main Square festival Lenny Kravitz, Muse, IAM... Bon, vous n’avez pas vraiment besoin qu’on vous présente le bébé. A chaque édition c’est un peu le même refrain : un line up mastodonte. Ceci posé, zieutons de plus près… pour se rendre compte qu’on avait tout faux. Dans la cité de Robespierre, on peut encore se faire surprendre. La preuve par quatre. Julien Damien

Madeon

Oscar & The Wolf

Hier rebelles et dépravées, nos idoles contemporaines affichent des visages poupins de geek electro : Superpoze, Fakear et donc Madeon. à 17 ans, le Nantais engrangeait déjà 28 millions de vues sur le Net avec Pop Culture. La suite ? Des collaborations avec Lady Gaga, Coldplay, un 1er album : brassage club et futé de pop, rock, r’n’b. Mais qu’on ne parle pas de French Touch !

Est-il question de pop, folk, soul ou d’electro ? Laissons ces débats stériles aux obsédés des tiroirs. Forts d’un premier album somptueux (Entity) Max Colombie – pour sa maman – et sa meute flamande produisent surtout des ballades éthérées, propices à une salutaire quiétude dans ce monde de brutes, soutenues en cela par une chaude voix de crooner. Et c’est déjà pas mal.


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Pharrell Williams

© DR

Doit-on encore présenter Pharrell Williams ? Eh bien oui. Parce qu’avant d’inonder la planète de bonheur, le jet-setteur a eu une autre vie. Sous la bannière des Neptunes (avec son compère Chad Hugo), il a révolutionné la pop et le r’n’b à l’orée des années 2000. En produisant et (re)plaçant sur orbite des pointures comme Kelis, Justin Timberlake ou Snoop Dog (Drop It Like It’s Hot)... Mais quel Pharrell retrouvera-t-on ici ? La marionnette au chapeau oversize ou l’architecte sonore ?

Derrière ce blase en forme de selfie, on trouve un jeune homme moderne, né avec et révélé par le web. Autoproduits (avec sa mère !) puis diffusés sur la toile, ses titres explosent grâce à un Instagram de Miley Cyrus, et une reprise de Drake (Tuesday). Mais, ne réduisons pas ce garçon rondouillard à une énième révélation deux point zéro. Makonnen Sheran ne sort pas de nulle part. Plutôt de prison – pour avoir tué son meilleur ami en tentant de le désarmer ­– et de cette bonne vieille ville d’Atlanta, capitale du hiphop ricain. Il chemine dans le rap game sans être obsédé par l’oseille. Jamais loin du r’n’b, il se fiche pas mal des convenances liées aux genres musicaux, d’où son goût pour les beats hybrides et les bizarreries sonores. Et si c’était lui, la vraie sensation du Main Square ?

© DR

ILoveMakonnen

Lenny Kravitz, Shaka Ponk, Hozier, Patrice, George Ezra, Rone... (03.07) // Muse, Skip The Use, Madeon, Circa Waves, Royal Blood, Fakear (Live), Brns … (04.07) // Pharrell Williams, Mumford & Sons, Lilly Wood & The Prick, Iam, Tiken Jah Fakoly, The Avener, Oscar & The Wolf, ILoveMakonnen, Tim Fromont Placenti... (05.07) 03>05.07, Arras, La Citadelle, complet sauf ven, 49€, mainsquarefestival.fr


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© DR

dossier festivals

Nuit africaine

De la diva malienne Khaïra Arby, aux jazzmen burkinabè d’Afrikän Protoköl, voici un bon panorama de la scène africaine actuelle… La mise en valeur de projets de coopération complète cette fête et instaure un dialogue Nord/Sud authentique. Pitcho and Co, Chouk Bwa Libéte, Touko Sari, Etoko, Afrikän Protoköl, Sidi Bémol, Khaïra Arby, Batida 27.06, Ottignies, Domaine provincial du Bois des Rêves, 14h, 8/5€/gratuit – 14 ans, www.nuitafricaine.org

Cinémondes

Pourquoi s’enfermer dans une salle obscure en plein été ? Qui plus est face à la plage ? Pour y voir une trentaine de films de 15 nationalités différentes et que vous ne verrez nulle part ailleurs. Ça se tient. 09>14.06, Berck-sur-Mer, Le Cinos & Médiathèque, divers horaires, + rencontre avec Gaston Kaboré + rétro Philippe Noiret, 4/2,50€ (-18 ans) la séance, pass : 40/25€ (- 18 ans), www.kdiffusion.com

Zurban

Du graff en réalité augmentée, du cinéma en avant-première, des concerts – citons Joke, Sianna – une block party (la fête des voisins version US)… ou une autre idée de la teuf autour des cultures zurbaines. Zurban Trip (10>14.06) // Avant-première « Brooklyn », Panique au Bois Béton (10.06) // Sianna (12.06) // Block Party !, Joke + Phases Cachées (13.06) – 10>14.06, Beauvais, Asca, www.asca-asso.com/zurban, 12€> gratuit

J’veux du soleil

Un line-up qui mêle noms bizarres (Ya-Ourt, Les Petlessons, Spoons Of Knowledge) et plus connus (FùGù Mango, Djaikovski Ft TK Wonder), entre découverte et session de rattrapage, de la pop au reggae. Prince Fatty et Mad Professor, Junior Cony (25.06) // Djaikovski Ft T.K. Wonder, Fùgù Mango, GYM, Ya-Ourt, Jahwed Sound, Spoons Of Knowledge, ESITU Records (26.06) 25 & 26.06, Comines, Le Nautilys, Houthem, Sporthall, jeu, 20h30, ven, 17h, 7/5€, www.jveuxdusoleil.com



72 théâtre & danse

« Nous nous sommes retrouvés pour de bonnes raisons »


73 musique

Les Innocents Deux hommes extraordinaires Propos recueillis par Rémi Boiteux Photo Richard Dumas

Plus de quinze ans ont passé depuis Les Innocents, chef-d’œuvre éponyme du groupe à qui l’on doit Jodie, L’autre Finistère ou Colore, qui ont par éclats transformé notre jeunesse en Monde Parfait. Entre-temps, JP Nataf a sorti deux merveilles en solo, et a renoué patiemment les fils avec son compère Jean-Christophe Urbain, de retrouvailles en concerts impromptus, avant de se lancer à deux dans l’aventure tant espérée d’un cinquième album couleur Mandarine. Conversation croisée avec deux esprits pop enfin amis.

Comment est née cette reformation ? JC : En plusieurs étapes. Quand j’ai quitté le groupe en 2000 c’était tendu, mais avec JP on n’avait jamais vraiment été amis de toute façon ! On s’est retrouvés trois ans plus tard et, là, c’est devenu de l’amitié. Puis on a été pris dans un traquenard, à devoir jouer ensemble des vieux titres sur un festival où j’accompagnais Jil Caplan. On a pris goût à ce qu’on n’avait finalement jamais fait : jouer nos chansons juste tous les deux. JP : Et pourtant, Les Innocents, c’était vraiment notre bébé. On était un binôme de travail, comme Voulzy/Souchon, ou Coxon/Albarn, mais on n’avait jamais eu l’opportunité de défendre toutes ces chansons en duo. On a découvert sur le tard cette connivence. Le déclic pour l’album a été plus long. Au début, on voulait simplement retrouver le plaisir physique de jouer. Puis, fabriquer des chansons s’est avéré aussi excitant. On aurait pu n’en composer qu’une, on en a fait dix.

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74 musique

Ressentiez-vous du trac à l’idée de reformer le groupe ? JP : Un peu, pour l’enregistrement en studio. Mais la pression du début a été évacuée lors des premiers concerts. Leur rythme assez calme, c’était comme une balade à vélo avant d’avoir fini de réparer la bagnole ! JC : Il y avait aussi l’angoisse de casser cet instant de grâce. La première chanson qu’on a écrite, Les Philharmonies Martiennes, nous a rassurés : on avait gardé le truc. Justement comment avez-vous abordé l’écriture ? JC : Quand on a commencé à composer Mandarine, on venait de jouer nos meilleurs morceaux en public, donc la barre était un peu haute. La suite devait être d’aussi belle facture. En abordant chaque titre comme une chanson anglo-saxonne, sans se focaliser exclusivement sur le texte. JP : C’est tout l’enjeu ! Mon étalon, c’est le juke-box de mon enfance, avec trois singles magiques perdus au milieu de plein de trucs que je n’aimais pas. De temps en temps, tu avais Golden Years de Bowie ou les Sparks qui me rendaient dingue ! On demandait une pièce aux parents et c’était parti pour cinq minutes de rêve. Mandarine est-il la suite directe du précédent album ? JC : Je l’espère. On a tout fait pour qu’il ne soit que le cinquième des Innocents, et pas le prétexte du come-back. JP : Mandarine pourrait être la suite directe de n’importe quel autre album. C’est toujours nous. On révèle peut-être une patine aujourd’hui, rapport à nos âges, mais notre musique ressemble à celle d’il y a 25 ans. On cultive toujours des chausse-trapes harmoniques, une langue qui ne sonne pas « chanson française », mais pas anglaise non plus. Des morceaux qui vont de l’avant comme ceux des Beatles, ou comme un petit train. Retrouver vos anciens morceaux a-t-il été un plaisir ? JP : étonnamment, oui. Au-delà de l’excitation, je me demandais si vingt ans après j’aurais autant envie de rejouer L’Autre Finistère… Finalement on a pris un immense plaisir. Je me suis surpris à chanter Un Homme Extraordinaire vraiment pas comme un poids qu’on trimballe.


à écouter / Mandarine (Jive Epic/Sony), sortie le 01.06

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Retrouvez la chronique p. 85

JC : On redécouvre le plaisir de les chanter et on mesure l’affection du public. Notre chance est là : on a quelques chansons qui séduisent, ce sont elles les stars, pas nous. JP : Il y a une bienveillance générale à notre égard parce qu’on a accompagné un moment la vie des gens. Le son du nouvel album nous oblige à plonger dedans, c’est aquatique… JC : Les chansons sont alambiquées mais lisibles. Elles ont quelque chose de sous-marin, oui. On voyage d’une émotion à l’autre. J’ai tendance à donner de la légèreté quand JP est plus sombre, et inversement. JP : On suit nos intuitions. En studio, l’un peut tirer vers le son Motown pendant que l’autre élabore une phrase façon Dominique A, puis le premier revient avec une mandoline en pensant à Cesaria Evora... On a envie de se séduire, se chamailler et s’impressionner, comme un couple. Peut-on s’attendre à d’autres albums des Innocents ? JP : Si l’envie est là. Ces quinze dernières années nous ont permis de nous rendre compte qu’on pouvait « faire sans ». Il n’y a pas d’obligation vitale. Je n’avais pas prédit l’arrêt du groupe, je ne vais pas prédire qu’il va durer ! En tout cas, on s’est retrouvés pour de très bonnes raisons. On est comme un couple libre.


76 musique

Etienne Jaumet

Le visiteur du soir Texte Thibaut Allemand Photo Gilbert Cohen

Etienne Jaumet est, avec Daft Punk et Jean-Michel Jarre, le seul musicien français que puisse citer John Carpenter. On exagère : le maître de l’horreur évoque surtout son groupe, Zombie Zombie. Sauf qu’Etienne Jaumet, c’est bien plus que ça. Beaucoup, beaucoup plus… Généralement, pour faire (trop) simple, on rappelle qu’Etienne Jaumet est la moitié de Zombie Zombie, et l’affaire semble pliée en quarante-quatre signes. Mais on passe à côté de l’essentiel. C’est-à-dire tout le reste : la carrière d’un Nordiste, saxophoniste de formation, devenu musicien archi-couru, compositeur inspiré, et rarement là où on l’attend. À propos, quel est le lien entre Flóp, Chateau Marmont, The Married Monk, Richard Pinhas, James Holden ou Frànçois & The Atlas Mountain ? Tous ont, un jour où l’autre, collaboré avec le binoclard joufflu. Or, Jaumet s’avère encore plus passionnant en solitaire : ce fondu de claviers analogiques antédiluviens a signé deux LP’s parus chez Versatile, dont l’excellent La Visite (2014), mariant krautrock dessalé, rythmes tribaux et techno classieuse. En fait, Etienne Jaumet incarne (avec d’autres) un joli paradoxe electro. Musique de danse – donc souvent rattachée à un certain hédonisme, une certaine idée de la jeunesse – la techno arbore souvent le visage de ses jeunes pousses. Le quadra Jaumet, lui, demeure un érudit, mais ne transige jamais avec l’émotion. Cérébrale, sa musique 13.06, Mons, Alhambra, 20h, 10€, l’est sans aucun doute. Mais elle s’adresse égawww.alhambramons.com lement aux pieds et aux hanches – ce qui, sur 01.08, Aulnoye-Aymeries, Les Nuits Secrètes, La Bonaventure, 10,99€, un dancefloor, est bien le plus important, non ? www.lesnuitssecretes.com



78 musique

Franz Ferdinand & Sparks

Rencontre impériale Texte Thibaut Allemand Photo David Edwards

FFS. Trois initiales pour une rencontre au sommet. L’un des groupes pop les plus malins du xxie siècle, Franz Ferdinand, s’associe à l’une des formations les plus étranges nées au siècle dernier, Sparks. Collaboration Don’t Work, entonne le supergroupe, goguenard. Car c’est de mariage princier dont il faudrait parler. Voici la rencontre entre quatre tauliers de la pop moderne et deux hurluberlus cultes – ce terme ô combien galvaudé sied parfaitement aux frères Mael. Doit-on vous présenter Franz Ferdinand ? Non. Quatre albums de pop nerveuse, d’hymnes élégants, de disco revisité et de détours vaguement synthétiques. Sparks, en revanche, demeure impossible à résumer en deux lignes. Ces Américains élaborent, depuis 1971, une discographie mêlant glam-rock, théâtralité, humour pince-sans-rire, sophistication absconse, sens inné de la pop et du cabaret détraqué. Alors quoi ? Une rencontre artyficielle, histoire d’attirer le chaland, façon Kanye West et Paul McCartney ? Même pas. À vrai dire, l’idée de cette collaboration remonte à… 2007. Restait à trouver un trou dans l’emploi du temps. Le résultat n’égare pas les fans d’Alex Kapranos, dont la voix de baryton se marie parfaitement à celle plus haut-perchée de Russell Mael. Sur scène, est joué le nouveau répertoire de FFS, ainsi que des hits piochés dans les standards des deux formations. Outre l’indéniable qualité de ces nouveaux morceaux (quelque chose 24.06, Bruxelles, Ancienne Belgique, comme le cinquième LP officieux de Franz 20h, Complet ! 21.08, Hasselt, Festival Pukkelpop, Ferdinand), on est impatient de découvrir ces 95€ la journée, www.pukkelpop.be versions revisitées.



80 musique

DBFC

© Laurent Gudin

Plus club ambulant que collectif (ce sont eux qui le disent), DBFC n’a d’autre ambition que de nous faire danser. Comment ? Avec une recette hédoniste, puisée directement dans les eighties : new wave, rock et dance music. Pas étonnant, donc, de trouver derrière cet acronyme le Parisien Dombrance – aka Bertrand Lacombe, ancien guitariste de Brooklyn – et le Franco-Mancunien David Shaw (Siskid, pour les fondus d’electro). CQFD. 04.06, Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 13/8/3€, www.lalune.net (+ Superpoze + Fragments)

certs Csoén lect i o n Lun 01.06 Camilla Sparksss + Rhone Poulenc Lille, L’Antre-2, 20h, 8/5/1e Goatsnake Courtrai, De Kreun, 20h, 19/15/12e

Mar 02.06 Fred & The Healers Verviers, Spirit Of 66, 20h, 10e Ken Mode + General Lee Lille, La Péniche, 20h, 15/14e Madama Butterfly Lille, Opéra, 20h, 69/49/30/ 13/5e Réduit -18 ans Mikal Cronin Bruxelles, Botanique/Rotonde, 20h, 17/14/11e Youssoupha + On est là Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 12/7/4e

Mer 03.06 The Church Hasselt, Muziekodroom, 20h, 25/20e

Jeu 04.06 The Leisure Society Opwijk, Nijdrop, 19h30, 12e Yael Naim Bruxelles, Botanique/Orangerie, 19h30, 28/25/22e Madama Butterfly Lille, Opéra, 20h, 69/49/30/ 13/5e Réduit -18 ans Spinvis (solo) Anvers, De Roma, 20h30, 18/16e Stereoclip + Globul +The DiscoClashers + HausGardian + moaning cities + Fantomass (BE) Charleroi, Rockerill, 21h, gratuit

Ven 05.06

Mark Knopfler Anvers, Antwerp Sportpaleis, 20h30, 80/63/56/45e MeTaPuchKa + Kemiargola Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 5e/Gratuit abonnés Robert Hood Lille, Le Magazine, 23h, 10e

Sam 06.06 Amours m’ont si doucement… Lens, Louvre-Lens, 19h, 17/10€ Adamo Bruges, Concertgebouw, 20h, 60/50/40€ Bal Tribal Oignies, Le Métaphone, 20h, 8>2e

Tiga Live Louvain, Het Depot, 20h, 22/19/17e

Elvis Perkins Bruxelles, Botanique/Rotonde, 20h, 16/13/10e

Ephemerals Beauvais, L’Ouvre-Boîte, 20h30, 12/10/7e

Madjo + Evrst + Awir Leon Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 9/6e

J-Funk Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, Gratuit

Bojan Z Modern Time Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 14/8/1e


Fleetwood Mac Anvers, Antwerp Sportpaleis, 20h30, 114/100/83e

Moriarty + l’Hapax Lens, Le Colisée, 20h30, 23,70>12,50e

Mer 10.06

Dim 07.06 Madama Butterfly Lille, Opéra, 16h, 69/49/30/13/5 e Réduit -18 ans Snaarmaarwaar Villeneuve d’Ascq, La Ferme d’en Haut, 17h, 7/4e Teeth of The Sea + Hey Colossus + MIAVA Bruxelles, Magasin 4, 19h, 8e

Lun 08.06 From Indian Lakes Lille, La Péniche, 20h, Gratuit sur invitation Liturgy Bruxelles, Ancienne Belgique/ club, 20h, 15e

Mar 09.06 Parkway Drive + Betraying the Martyrs Lille, L’Aéronef, 20h, 22>10e Princess Chelsea Lille, La Péniche, 20h, 14e

Julien Clerc Lille, Le Zénith, 20h, 59/49/39e

Tops + Moon King Lille, La Péniche, 20h, 12/11e

Sam 13.06

Jeu 11.06

Etienne Jaumet Mons, Alhambra, 20h, 10e

Smaid Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, Gratuit

Indus Night ! Front 242 + Ex.R.Z (Red Zebra) Charleroi, Rockerill, 20h, 25/23e

Julien Clerc Bruxelles, Forest National, 20h, 58/48/38/28e Unik Ubik + DJ Gerome sportelli + CONCERTS Matthieu Ha + DJ Pat St Rem + Tysmfyh + DJ Anthony… Charleroi, Rockerill, 21h, NC

Hubble + Topper Bruxelles, Fuse, 23h, 12/10/8e

Dim 14.06 Pavlovic + Bogdanovic + Filjak Bruxelles, Bozar, 11h, 10e

Ven 12.06 Smokey Joe & The Kid Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, gratuit

Testament + No Return Lille, L’Aéronef, 18h, 26>14e

Ariana Grande Anvers, Antwerp Sportpaleis, 20h, 45/40/35e

Monophonics Anvers, Trix, 19h30, 15e

Black Mountain Bruxelles, Botanique/Orangerie, 20h, 21/18/15e

14.06, Bruxelles, VK, 19h30, 16/13€, www.vkconcerts.be

© Josh Sisk

Dan Deacon Attention, ceci n’est pas un concert. Plutôt un show participatif où les frontières entre scène et public sont abolies. Génial bidouilleur électronique, Dan Deacon a pris l’habitude de s’installer parmi les spectateurs en plein live, d’improviser des battles de danse, des spirales humaines, tout en testant ses gadgets… Si on n’aime pas trop la déconne de Dan, on peut toujours profiter de sa musique, un bazar instrumental barré, mais maîtrisé.

Tribute to Deep Purple by Purple Years Verviers, Spirit Of 66, 21h, 10e

Liturgy Dixmude, 4AD, 20h30, 13/11/9e


82 musique

Natalie Prass

© Ryan Patterson

« Why don’t you believe in me ? ». On aimerait bien connaître le malotru que supplie Natalie Prass dans cette merveille de ballade pop-soul. Pourquoi ne croit-il pas en elle ? La protégée de Matthew E. White – l’orchestrateur du label Spacebomb (voir p. 52) – a pourtant tout pour plaire : un physique de princesse de conte de fées, une voix à vous arracher le cœur et des chansons d’amour d’une authenticité telle qu’elles semblent sorties d’un bal folk des années 1970. So, why ? 19.06, Bruxelles, Botanique, 20h, 18/15/12€, botanique.be

Lun 15.06 Fidlar + The K Lille, L’Aéronef, 20h, 18>8e

Grifon + Infecticide + Dj Set Pilcrew DJ Lille, La Péniche, 20h, 9/8e

Françoiz Breut Lille, La Péniche, 20h, 13/12e

Jenny Hval Bruxelles, Botanique/Rotonde, 20h, 17/14/11e

Primus Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 36e

Pissed Jeans Courtrai, De Kreun, 20h, 16/13/10e

Mar 16.06 Jeffrey Lewis Lille, La Péniche, 20h, 11/10e

Mer 17.06 Big Sean Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 25e Metz + Bad Breeding Bruxelles, Botanique/Rotonde, 20h, 17/14/11e

Jeu 18.06

Bharati Roubaix, Le Colisée, 20h30, 59>34e

Ven 19.06 Alain Souchon & Laurent Voulzy Lille, Le Zénith, 20h, 69>42e Coffins + Skullhog + Bones Bruxelles, Magasin 4, 20h, 10e Crevasse + Guest Lille, La Péniche, 20h, 10/9e Israel Vibration + Broussaï Lille, L’Aéronef, 20h, 22>10e

Sam 20.06

Jeffrey Lewis & The Jrams + Guillaume Maupin Bruxelles, Magasin 4, 19h, 8e

Hootenanny ‘Too Young To Die Lille, La Malterie, 20h, 6e

Mother Soccer Challenge + Suntman Dave Lille, L’Aéronef, 19h, Gratuit

Où est la maison de mon ami Villeneuve d’Ascq, La Ferme d’en Haut, 21h, 7/4/2e

Kozzmozz : Blawan + Oscar Mulero + Jonas Kopp + Kr!z + Spacid Gand, Vooruit, 23h, 20/16e

Dim 21.06 La fête de la musique : Earth Wind and Fire Marcq-en-Barœul, Hippodrome, 19h, Gratuit Neil Diamond Anvers, Antwerp Sportpaleis, 20h, 98/80/65/50e

Lun 22.06 Mélody Gardot Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 39/33e The Bony King of nowhere Dixmude, 4AD, 20h30, 12/10/8e

Mar 23.06 Melody Gardot Roubaix, Le Colisée, 20h30, 60>15e Dead Rider + Shetahr + PAVéS! Bruxelles, Magasin 4, 19h, 8e


High on fire Courtrai, De Kreun, 20h, 18/15/12e

Mer 24.06 Lydia Lunch / Retrovirus + Carsick Cars + Drache Bruxelles, Magasin 4, 19h, 10e Afro Wild Zombies Lille, maison Folie Wazemmes, 20h, 5,5/3,5/2e Dead Rider + Puce Moment Lille, La Malterie, 20h30, 7/5e Jackson Browne Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 77/61/50e

Citadelle en Bordées : June Bug & The Storytellers Dunkerque, L’Entrepôt, 23h, Gratuit J’veux du soleil : Djaikovski feat T.K Wonder + Fùgù Mango + Gym + YA-OURT + Jahwed Sound + Spoons Of Knowledge + Esitu Records… Comines, Sporthall Houthem, 17h, 7/5e La grand répétition renaissance : Banda BAF + Samba Quinteto Lille, Gare Saint-Sauveur, 21h, Gratuit

Jeu 25.06

Sam 27.06

Lagwagon Anvers, Trix, 19h30, 18e

Ven 26.06 Tchaïkovski - Emler Lille, Nouveau Siècle, 20h, 45>5e The Outcasts + XSLF + Hooligan + Frau Blücher & The Drünken Horses

Dim 28.06

Bruxelles, Magasin 4, 20h, 12e

Brasil Fiesta : Hervé Brisse et l’Orchestre d’Harmonie de Lille- Fives + Brasil Afro Funk + Capanga + le DJ JeanBernard Hoste Lille, Gare Saint-Sauveur, 21h, Gratuit FlashForward : Anthony Rother + Babel Orchestra + Fabrice Lig Charleroi, Rockerill, 22h, 10e

Vazytouille Lille, La Malterie, 17h, 7/5e Mary J.Blige Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 46e Zeus! + Onmens Bruxelles, Magasin 4, 19h, 8e Festival Lille Clef de Soleil : concert de prestige / Le violoncelle de guerre Lille, Couvent des Dominicains, 19h, Gratuit

Lun 29.06 Caetano Veloso & Gilberto Gil Bruxelles, Forest National, 20h, 97/77/67e Steve Gunn Lille, La Péniche, 20h, 12/11e

Mar 30.06 Ben Miller Band Bruxelles, Ancienne Belgique/ club, 20h, 20/18e Tchaïkovski - Emler Lille, Nouveau Siècle, 20h, 45>5e

« Je suis le hip-hop », répète à l’envi KRS-One. Mais derrière cette affirmation zlatanesque, on trouve bel et bien une (vraie) légende vivante. C’est un héraut du boom bap et du rap « conscient » US qui débarque au Flow (ex-CECU). D’ailleurs vous avez forcément, un jour ou l’autre, remué la tête en fronçant les sourcils sur le refrain de Sound Of Da Police (que des oreilles mal nettoyées ont parfois perçu comme « assassin de la police »). « Woop woop » ! 19.06, Lille, Le Flow, 20h, 16/ 12/ 5€ (- 12 ans), www.flow.lille.fr // 16.07, Dour Festival, Plaine de la machine à feu, 12h, 50€, www.dourfestival.eu

www.lm-magazine.com

© Marie-Claire Batty

KRS-One


84 disques

Disque du mois

Unknown Mortal Orchestra Multi-Love (Jagjaguwar/PIAS)

II, le bien-nommé deuxième album des Néo-Zélandais, avait poli le son de leur bordélique et géniale déflagration inaugurale. Avec Multi-Love, Unknown Mortal Orchestra passe, bombé comme un château gonflable, dans une dimension supérieure. Qui ressemble fort à une Californie fantasmée par un cerveau radioactif. Une pleine page ne suffirait pas à lister toutes les formations pop – et funk, et soul, et psyché, et disco – auxquelles on songe en seulement neuf titres, mais l’intérêt n’est pas tant ici dans l’évocation que dans la manière de fondre ces influences en une pâte élastique et multicolore. Dans ses hauteurs, l’album évoque la Family Stone déconstruite par Frank Zappa et harmonisée par Brian Wilson. Pour autant, le collage hétéroclite ne fait pas tout, et la bande sait aussi délivrer des morceaux au chaloupé immédiat, comme ce The World Is Crowded velouté. Cool, sexy et malin, Multi-Love multiplie les chemins de traverse et les détours sans jamais nous perdre - mais en nous offrant l’immense plaisir de nous emmener là où on ne serait jamais allé. En bout de course, la pièce démontée Puzzles donne envie de tout mélanger pour jouer encore. Rémi Boiteux

Jamie XX In Colour (Young Turks / Beggars)

L’appétit chromatique qu’affiche Jamie Smith pour son premier album en solo tranche avec le noir et blanc de The XX. Une explosion « In Colour » qui éclaire la fin d’une attente alimentée depuis plusieurs années par quelques titres prometteurs et des remixes à l’élégante griffe UK garage (pour Gil Scott-Heron, Adele, Four Tet…). Ce premier album signé Jamie XX élargit ce nuancier, entre textures complexes et dépouillement souligné de voix pures (ses compagnons Romy et Oliver Sim, le rappeur Young Thug pour une virée dancehall gentiment cheesy), rythmiques élaborées ou tempo d’after soutenant des formats pop. La palette oscille entre dubstep multicolore et pop mélancolique. Elle libère une grande variété de tons pour passer l’été sous toutes les latitudes. Mathieu Dauchy


Flavien Berger

Algiers

Léviathan

(Matador/Wagram)

(Pan European Recording)

Depuis Bruxelles où il fit ses débuts, jusqu’au sein du collectif Sin à Paris, en passant par deux EP très remarqués en 2014 sur le label Pan European, Flavien Berger va vite. Il enchaîne avec un premier long format. Le bricoleur virtuose propose ici un exercice à apprécier sur le long terme, à la fois entraînant, surprenant et hétéroclite. Il brasse les genres – pop, rock, electro, chanson française… – tout en restant fidèle à ses obsessions premières : des sonorités de jeux vidéo (l’épique Sous Marins) aux titres fleuves (l’éponyme Léviathan, piste distendue sur 15 minutes concluant l’album). Et le Parisien pousse loin l’expérimentation, n’hésitant pas à s’aventurer sur de nouveaux terrains, comme le presque rockabilly La fête noire. Benjamin Leclerc

Les Innocents Mandarine (Jive Epic/Sony)

Algiers

De Blind Willie McTell à Waka Flocka Flame en passant par TLC, Outkast ou The Black Lips, le passé musical d'Atlanta (Géorgie) est très, très riche. Ceci explique sans doute la variété des styles abordés, dévorés puis recrachés par Algiers. Une brève histoire du XXe siècle, du jazz (And When You Fall, bonjour Nina Simone !) à la synthpop 80's mâtinée de gospel (Irony Utility Pretext). Entre les deux, une formidable débauche d'énergie funk, punk, blues, hip-hop, afrobeat, noise… De la fusion ? Dieu nous en garde ! Plutôt un rêve post-punk accompli. Alors, on n'est pas certain de s'envoyer ce pavé musical (et politique, aussi) tous les jours. Cependant, on reste persuadé que sur scène, nos trois gaillards ne font pas de prisonniers. Thibaut Allemand

+

Retrouvez l'interview du groupe p. 72

Si désirée cette Mandarine… que son goût doux-amer d’abord désarçonne, et ne se donne qu’après plusieurs écoutes. Les allitérations de JP sont bien là et la complicité retrouvée avec Jean-Chri passe dans les enceintes, mais les contours restent flous. Pour apprécier les trésors, il faut plonger. La pêche alors sera heureuse : des Souvenirs Devant Nous en mille-feuille, une Petite Voix chavirante… Harry Nilsson et Floués du Banjo rappellent la veine à la fois pluvieuse et solaire des Innos, cette patte qu’en grattant on retrouve avec joie. On s’aventure aussi vers d’autres voies : l’anglais pour chanter le sud sur Erretegia ou les accents bossa sur la pointe des pieds de Sherpa font de l’agrume juteux une boule aux facettes multiples. Et de ces retrouvailles une drôle de fête en clair-obscur. Rémi Boiteux


86 livres

Livre du mois

Luz Catharsis (Futuropolis)

Avant ce funeste 7 janvier 2015, Luz incarnait une figure majeure de l’équipe de Charlie-Hebdo. Au lendemain de la tuerie – qui eut lieu, ironie macabre, le jour de ses 43 ans – il en devint la figure centrale. Comment vivre après ça ? Comment penser, danser, jouer, rire, jouir ou encore… dessiner après l’horreur ? C’est justement à travers le dessin – l’art, si vous préférez – que le Tourangeau sublime sa douleur. Une catharsis, donc. Cet ouvrage de reconstruction (et belle déclaration d’amour à sa compagne) est dénué de caricature : Luz s’essaie à d’autres styles – manière de se réinventer, de renaître. On découvre des facettes plus intimes des moustaches les plus célèbres du neuvième art. Les marqueurs sont parfois délaissés au profit de feutres plus fins – l’auteur et ses crayons varient les couleurs, les traits, jouent sur les nuances. On songe parfois à l’épopée Blast de Larcenet. Mais aussi – et surtout – à… Luz, dans cette obsession pour le corps : voir la personnification de la « boule au ventre », qui évoque le nombril doué de raison dont il avait jadis affublé Vincent Delerm. Finalement, on retrouve Luz tel qu’on l’a toujours apprécié. Juste un peu plus sombre. Normal, non ? 128 p., 14,50€. Thibaut Allemand

Kim Gordon Girl In A Band (Le Mot Et Le Reste)

Girl In A Band commence par la fin. La fondatrice de Sonic Youth ouvre ses mémoires sur leur dernier concert et la consommation de sa rupture avec Thurston Moore. Façon d’évacuer le gossip, mais aussi de nimber tout ce qui suivra d’une amère mélancolie. Avançant à coup de digressions, ce récit à la chronologie chaotique dessine bien plus qu’un « livre sur Sonic Youth », même si les chansons prennent parfois l’ascendant, donnant leur nom aux rares chapitres titrés. Au milieu d’un copieux name-dropping arty, Kim assigne un rôle central à sa relation avec son difficile frère Keller, évoque sans complaisance L.A. et N.Y.C., et offre ses pages les plus touchantes à sa fille Coco et à Kurt Cobain. En filigrane apparaît une réflexion teintée d’ironie sur la place d’une « fille dans un groupe de rock ». 368 p.,25€. Rémi Boiteux


Raphaëlle Bacqué

Joyce Maynard

Richie (Grasset)

Prête à tout (Philippe Rey)

C’est le 11 avril 2012, jour des funérailles de Richard Descoings – retrouvé mort à 53 ans dans un hôtel de New York – que Raphaëlle Bacqué a compris qu’elle tenait son livre. De Louisle-Grand à Sciences Po, de l’ENA au Conseil d’état, « Richie », comme le surnommaient ses étudiants, n’a jamais été de ceux que l’on remarque. La nuit, pourtant, il danse debout sur les tables des clubs gays de la capitale, se laissant emporter par les excès. Forte d’une enquête poussée et passionnante, l’auteure raconte les deux visages d’un homme adulé et décrié : architecte de la réforme qui ouvrit Sciences Po aux élèves de ZEP, Descoings est aussi dépeint en petit monarque capricieux et parano, responsable de la délirante escalade des salaires au sein de la « fabrique des élites ». 288 p., 18€. Marine Durand

De livre en livre, Joyce Maynard donne corps à l’Amérique moyenne, anonyme, en s’attachant à des situations particulières qui virent souvent au fait divers. Publié en 1993 aux états-Unis puis adapté au cinéma par Gus Van Sant, Prête à tout, qui vient d’être réédité, ne fait pas exception. Née dans une petite ville, mariée jeune, la pimpante Suzanne Maretto a les dents qui rayent le plancher. Elle se rêve star de la télé. Si pour y parvenir il faut manipuler trois ados paumés, qu’à cela ne tienne. Construit sur une succession de témoignages relatant a posteriori les circonstances d’un drame, le roman laisse au piège le temps de s’installer. Puis de se refermer sur ses proies, plus nombreuses qu’escompté. 332  p., 20€. Madeleine Bourgois

Sam Lipsyte Demande, et tu recevras (Monsieur Toussaint Louverture)

Le Rêve Américain ne compte plus les claques reçues dans la tronche. En voici une fameuse. Demande, et tu recevras nous largue aux côtés de Milo Burke, peintre raté chargé de « chasser le mécène » pour financer l’université qui l’emploie. Viré pour incompétence, le voilà soumis aux désirs douteux d’un vieil ami fortuné pour récupérer ce job qu’il hait. Mais ce n’est pas tant l’intrigue qui importe ici. Plutôt le cynisme avec lequel Lipsyte flingue notre société ultralibérale et son appetit pour « la win » sur lequel Houellebecq se fait déjà les dents. Il y a, aussi, un peu de Louie CK dans cette vision cruelle et désenchantée du monde. Poussée à son paroxysme, celle-ci se mue fatalement en humour. Décapant, l’humour. « La politesse du désespoir » comme disait Vian. 416 p., 23€. Julien Damien


88 88

écrans écrans

Ex Machina

Intelligence artyficielle Texte Audrey Jeamart Photo Mongrel Media

D’abord auteur (La Plage, 1996), puis scénariste, notamment pour Danny Boyle (28 Jours plus tard, Sunshine), le Britannique Alex Garland franchit avec succès le pas de la réalisation avec Ex Machina, un film d’anticipation intimiste, sophistiqué et couronné du Prix du Jury lors du dernier Festival de Gérardmer.

E

n 1968, Philip K. Dick se demandait si les androïdes rêvaient de moutons électriques, et Stanley Kubrick immortalisait HAL, l’ordinateur du vaisseau de 2001, L’Odyssée de l’Espace. Un demi-siècle plus tard, le thème de l’intelligence artificielle continue d’irriguer sporadiquement le cinéma. Avec Ex Machina, Alex Garland livre un thriller


intimiste resserré autour de trois personnages : Caleb (Domhnall Gleeson, vu dans la série Black Mirror), jeune programmeur doux et naïf, que Nathan (Oscar Isaac), son patron, invite une semaine chez lui, dans une villa isolée de tout. Son job ? Juger si la création de Nathan, le robot féminin Ava (Alicia Vikander), demeure bel et bien la première intelligence artificielle au monde. I, Robot ? Ce premier long-métrage présente de nombreuses qualités : un scénario efficace, aux rebondissements surprenants, une mise en scène élégante, privilégiant les lents mouvements de caméra et un décor taillé sur mesure – cette maison ultra-sécurisée maintenant les personnages en huis-clos. Soulignons aussi le jeu tout en nuances de ses interprètes, soutenue par une bande originale « ambient », qui sied parfaitement au trouble véhiculé par Ava. Thème du robot oblige, Ex Machina propose une nouvelle et intéressante réflexion sur la place de la machine dans notre société et l’ambigüité des émotions humaines. Il teste plus que jamais les limites entre robot et humanité, entre un créateur et sa créature. Vaste programme. De Alex Garland, avec Alicia Vikander, Oscar Isaac, Domhnall Gleeson… Sortie le 03.06.


90 écrans

1864

L’amour et la violence Texte Julien Damien Photo Per Arnesen / ZDF

Série

é

norme production de la télévision danoise – 6 000 figurants, 160 comédiens – cette série nous plonge en pleine Guerre des Duchés, qui opposa durant la seconde moitié du xixe siècle le Danemark à la Prusse de Bismarck. Conflit oublié de l’histoire de l’Europe, celui-ci en redessina pourtant les contours. Comme toute bonne fresque qui se respecte, 1864 mêle brillamment la Grande Histoire aux drames intimes de ceux qui la subissent. On suit ici le destin de deux frères, épris de la même femme, et partis gâcher leur jeunesse dans l’armée danoise. Mais bientôt l’horreur d’une guerre désastreuse va écraser cette triste romance. Dans les coulisses du Parlement, l’évêque Monrad perfectionne avec une comédienne l’intensité dramatique de ses discours. Et finit par convaincre son fier peuple du bien-fondé de ses intentions : agrandir le royaume en annexant les germanophones duchés de Schleswig et d’Holstein... Ou comment nationalisme exacerbé et fanatisme religieux De Ole Bornedal, avec Jens Frederik Sætter-Lassen, Jakob Oftebro, Marie Tourell détruisent des vies et un pays. Ça ne Søderberg, Pilou Asbæk… 11>25.06, jeu, vous rappelle rien ? 20h50, Arte, 8 épisodes



92 écrans

Comédie américaine, années 2000

Blague à part Texte Florian Koldyka Photo Mes meilleures amies © Universal Pictures International France

Marginal ou extravagant, le personnage hors normes est une constante de la comédie américaine. Depuis l’avènement de l’émission Saturday Night Live, cette figure récurrente a révélé de nombreux talents. Le genre comique en tant que sous-culture leur doit ses lettres de noblesse, comme le souligne brillamment ce livre d’Emmanuel Burdeau. Ben Stiller nous dérouille les zygomatiques grâce à une mécanique imparable. Will Ferell est un maître de la parodie tandis qu’Andy Kaufman jongle avec les performances kamikazes... Emmanuel Burdeau balaye impeccablement cet âge d’or qui n’en finit pas. En exégète, l’ancien des Cahiers du Cinéma se frotte au vernis comique des œuvres charnières afin d’en révéler les thèmes sous-jacents. D’où vient notre gêne devant un épisode de The Office ? Et cette profonde tristesse à à Lire / Comédie américaine, la vue de Funny People, Louie, et Man On The Moon ? années 2000, d’Emmanuel Burdeau, Ed. Les Prairies Comment le gracieux Manhattan de Woody Allen a-tOrdinaires, 115 p., 12€. il décoincé certains cinéphiles ? Burdeau distribue les bons points mais n’oublie pas de constater un essoufflement. L’humour est riche de sens quand il reste fortuit. Or, le diktat du rire sur tous nos écrans, la surenchère du divertissement à chaque instant – des plateaux de télé à la publicité en passant par la politique – risquent de lui ôter son caractère subversif. Déplorer cette perte et s’indigner ? Et puis quoi encore ! Nous renvoyant à l’irrévérencieux Judd Apatow, Burdeau y croit encore. Et nous aussi.



94 reportage


95 Reportage

O

Le musée Dr. Guislain Collection médicalement assistée Texte Julien Damien Photo À gauche : Mieke Teirlinck, Bruno, 2007 / View of the exhibition room with some experimental therapies : electroshock therapy, insulin shock therapy and lobotomy / Ci-dessous : Courtyard of the museum with windows as devised by Joseph Guislain

à l’écart du centre-ville de Gand, loin de l’agitation urbaine, se dresse un curieux site architectural. Elevé en briques jaunes et rouges, entouré de jardins, l’endroit fut autrefois connu sous le nom de l’« Hospice Guislain », soit le tout premier asile psychiatrique de Belgique. Au sein de ce vestige du xixe siècle cohabitent aujourd’hui, sur près de cinq hectares, un centre de soins, un institut de formation et… un musée. Celui-ci nous raconte l’étrange histoire du traitement de la maladie mentale. Et nous convie, entre art et science, à une visite pas tout à fait comme les autres.


96 reportage

Tim Dirven, from the series Gheja, 2003

« A

liénés ». « Idiots », « débiles », « possédés »… Que de mots a-t-on posés sur les troubles mentaux avant de s’arrêter sur celui, plus juste, de « malades ». Pour cela, il a fallu attendre le xixe siècle et le combat de médecins tels que Jozef Guislain. Le Gantois fut l’un des premiers – avec le Français Philippe Pinel – à considérer la démence comme une pathologie. à libérer les « fous » des prisons et proclamer qu’ils devaient être soignés dans la dignité et selon un procédé scientifique précis. Le destin lui fit croiser en 1828 le chemin de Pierre-

Joseph Triest, fondateur des Frères de la Charité, qui sortit les malheureux qui croupissaient sous le centre-ville de Gand, enchaînés aux piliers de la crypte du château de Gérard le Diable. C’est sous l’impulsion de ces deux hommes que fut inauguré, en 1857, le premier asile de Belgique : l’Hospice Guislain. Village. Dans cet environnement protégé, quelque 300 personnes « bénéficiaient » d’une thérapie alors balbutiante, inventée au jour le jour par ce pionnier de la psychiatrie moderne. Au-delà de la médecine (il faut bien


le dire, expérimentale) c’est une vraie petite ville qui s’animait ici. Avec ses boulangers, forgerons, éplucheurs de pommes de terre… Car l’un des préceptes du Dr Guislain trouvait sa source dans la thérapie par le travail. Depuis, la science a progressé. L’hôpital existe toujours, accueille près de 200 patients. Il s’est doté au fil du temps de nouveaux bâtiments, d’un institut de formation. Et, depuis 1986, d’un musée. Loin du cabinet de curiosités (et totalement séparée

« Un accrochage entre l’art et la science, qui nous permet d’inventer de nouvelles expériences muséales » des deux autres entités), cette insolite institution ne poursuit d’autre but que celui d’offrir « un lieu de connaissances qui esquisse une histoire du traitement des troubles mentaux », selon son conseiller artistique, Patrick Allegaert. Trépanation. Déambulant dans des couloirs, bâtiments et jardins plus que centenaires, le visiteur est ainsi invité à suivre trois parcours. Le premier l’emmène au sein de l’exposition permanente où, dans ce qui fut le dortoir de l’hospice, sont présentés des objets, documents tableaux et >>>

Attitudes passionnelles : Extase, 1877-1878 / Contracture faciale bilatérale hystérique 1891 © Nouvelle iconographie de la Salpêtrière, Paris


98 reportage

statues issus de l’ancien asile ou collectés dans le monde entier. Du crâne daté du Néolithique qui témoigne de la toute première trépanation humaine en passant par des clichés de séances d’exorcisme, cette machine à découper les cerveaux en tranches ne laisse pas indifférent... La seconde exposition permanente dévoile une importante collection d’art brut, cristallisant la rencontre entre folie et création à travers les œuvres de « malades ». Enfin, une large partie de la bâtisse est réservée aux expositions temporaires, toujours montées en lien avec la thématique de la santé mentale. Tel cet accrochage – (Photo)sensible – qui

entrelace l’histoire de la psychiatrie à celle de la photographie pour livrer, comme ces étranges Têtes caricaturales (voir ci-contre), un regard inédit sur l’Homme. « Cette contrainte nous situe entre l’art et la science, dit Patrick Allegaert. Mais elle nous permet d’inventer de nouvelles expériences muséales ». Un numéro d’équilibriste fascinant, sur ce fil ténu qui sépare l’anormalité de la normalité.

Musée Dr. Guislain, Gand, Jozef Guislainstraat 43, mar>ven, 9h>17h, sam, dim, 13h>17h, 8/6/3/1€/grat-12 ans, www.museumdrguislain.be

Gérard Alary, Ma mère (atteinte de maladie d’Alzheimer), 2008

(Photo)sensible, 12.06>11.10


© Musée Gustave Flaubert et d’Histoire de la Médecine

Des visages, des figures Si l’art de la caricature remonte à la plus haute antiquité, aujourd’hui encore les coups de crayon mettent en lumière nos idées reçues. Cette exposition explore la liaison du corps à l’âme. Et les fantasmes qui vont avec. D’emblée, il est question du beau et du laid. On plonge son regard dans celui du portrait idéal d’Emiel van Moerkerken qui joue ici avec la superposition des visages, et répond ainsi aux diktats esthétiques. À l’inverse, des têtes grotesques de Léonard de Vinci soulignent les expressions les plus négatives. D’un dessin à l’autre, on esquisse un sourire, puis la réflexion s’installe. Que montre – ou dissimule – le visage ? Où est la beauté ? Le parcours se poursuit, et on se laisse surprendre par cette boîte osseuse recouverte de drôles d’inscriptions, œuvres de Franz Joseph Gall. Père de la phrénologie, ce toubib allemand pensait que le caractère d’une personne était étroitement lié à la morphologie de son crâne. Comme cette fameuse « bosse des maths » issue de notre imaginaire collectif. Une théorie qui fit fureur chez les criminologues du xixe siècle. Ainsi, dans L’Homme criminel, Cesare Lombroso s’adonne à une vulgaire comparaison entre détenus et primates : forte pilosité, mâchoire saillante… Deux siècles plus tard, le profil du « criminel-né » est toujours recherché. Lina Tchalabi Têtes Caricaturales. Nez Crochus Et Autres Bajoues, Jusqu’au 27.09


Ci-dessus : Gilbert & George, Phone, 2001. Photo : DR. Courtesy collection agnès b. © Gilbert & George, 2015 Ci-contre : Kenneth Anger, Cameron as the Scarlet Woman, from Inauguration at the Pleasure Dome, 1954. Photo : DR. Courtesy Collection agnès b. © Kenneth Anger, 2015


101 exposition

agnès b.

Un certain regard Texte Marine Durand

Si « agnès b. » évoque pour beaucoup une signature tout en pleins et déliés et un vestiaire de pièces intemporelles, c’est à la galeriste, collectionneuse et passionnée d’art que le LaM prête son vaste espace d’exposition. Entre grands noms de la scène contemporaine et prodiges anonymes, le parcours offre une incursion inédite dans l’univers d’Agnès Troublé.

P

iocher dans les 4 000 œuvres d’une figure de la création actuelle en aurait effrayé plus d’un. Mais Marc Donnadieu avait depuis longtemps envie de montrer la collection d’agnès b.. « Son fonds photographique, connu, a déjà fait l’objet d’expositions. Je souhaitais donner une visibilité aux installations, croquis, peintures amassés depuis les années 1980 et encore jamais dévoilés ». Disposant d’une totale carte blanche, séduit par la transversalité des pièces, le commissaire d’exposition a conçu sa sélection comme un portrait, en creux, de la créatrice. « Elle parle de sa collection comme d’un puzzle qu’elle est la seule à savoir résoudre. J’ai décidé de le reconstituer, de façon subjective et intuitive. » >>>


Jared Buckhiester, Untitled, 2007. Photo : DR. Courtesy Collection agnès b. © Jared Buckhiester, 2015

B comme Basquiat. Dépassant la programmation de la célèbre Galerie du jour, ouverte par la Versaillaise rue Quincampoix, à Paris, en 1984, le parcours raconte en dix salles thématiques l’amour d’agnès b. pour les arts plastiques. Dans une atmosphère aérienne, les dessins du jeune Warhol conversent avec une sculpture de Jean-Michel Othoniel et racontent les drames et espoirs de l’enfance, tandis qu’un espace rend hommage à Jean Fournier, gérant de la librairiegalerie Kléber, qui offrit à une Agnès étudiante à l’Ecole du Louvre son premier stage. Interrogeant la vocation de la collectionneuse, Marc Donnadieu ne pouvait laisser de côté l’exposition fondatrice Les magiciens de la terre (Centre Pompidou et Grande Halle de la Villette, 1989), qui bouleversa agnès b. et le monde de la critique. Quant à Basquiat, essentiel dans l’engagement artistique de la styliste, il est présent à travers sept œuvres, du plus petit croquis à la peinture de référence. « J’ai saisi l’occasion de montrer le rapport qu’entretiennent les collectionneurs avec les artistes », note le commissaire. De ce « regard sur la collection Un regard sur la collection d’agnès b. 12.06>23.08, Villeneuve d’Ascq, LaM, d’agnès b. », on retiendra aussi l’œil toujours mar>dim, 10h>18h, 10>5€, en alerte d’une touche-à-tout passionnée. www.musee-lam.fr



Les gars de la marine Perchée en haut des collines, Cassel n’a rien d’une ville portuaire. Toutefois sa nouvelle exposition, consacrée à la Flandre et la mer, réunit des dizaines de toiles de paysages marins issues des quatre coins de l’Europe. Embarquons à bord des navires flamands des xvie et xviie siècles. Depuis la nuit des temps, l’Homme redoute la mer. Elle symbolise le danger et l’inconnu. C’est au xvie siècle que l’on commence à la percevoir autrement. Entre grandes découvertes et essor du commerce maritime, ces eaux mystérieuses s’imposent comme un lieu de passage incontournable. Les tableaux des peintres et graveurs flamands rapportent l’ampleur du phénomène. La mer passionne. La saisir en se frottant au réel, à partir d’observations personnelles, au-delà de la cartographie, favorise une nouvelle connaissance du monde. C’est la naissance d’un nouveau genre : « la marine » où l’on mêle paysage idéal et éléments naturels concrets. à la faveur de 80 œuvres, cette exposition révèle une grande diversité de thèmes. On y trouve des portraits de navires et des représentations de rivages (Vue d’un port de mer, Paul Bril). Le goût prononcé des Flamands pour le drame, le pittoresque et l’exotisme transparaît aussi dans les scènes de tempêtes (Naufrage près d’une côte rocheuse, Adam Willaerts,) ou de batailles navales (Vue sur la baie de Naples, Bruegel). Mais n’oublions pas la peinture hollandaise, qui vise un grand réalisme (Dunes avec pêcheurs par temps de pluie, Simon de Vlieger). Les jeux d’ombres et de lumières traduisent ici une La Flandre et la mer, Jusqu’au 12.07, Cassel, Musée de force vitale incroyable. Et l’exposiFlandre, mar>ven, 10h>12h30 & 14h>18h, sam&dim, 10h>18h, 5/3€/gratuit –18ans, museedeflandre.lenord.fr tion nous fait chavirer. Amélie Comby

Pieter Bruegel L’Ancien, Vue sur la baie de Naples © Galleria Doria Pamphilj, Italy Giraudon / Bridgeman Images

104 exposition



Photo Low Pad Front, 1999 © Jasper Morrison. Produced by Cappellini © Walter Gumiero / Knife Fork Spoon, 2004 © Jasper Morrison. Produced by Alessi © Alessi / Rotary Tray, 2014 © Jasper Morrison. Produced by Vitra


107 exposition

Jasper Morrison

Supernormal Activity Texte Julien Damien

Mondialement reconnu pour son approche pragmatique du design, Jasper Morrison fait l’objet d’une première rétrospective au Grand-Hornu, après 35 ans de carrière. L’Anglais nous ouvre les portes de ce qu’il nomme le « Supernormal ».

« L

a simplicité est la sophistication suprême ». On n’a pas trouvé mieux que ces mots de Léonard de Vinci pour résumer l’œuvre de Jasper Morrison. à première vue, celle-ci se caractérise par… son absence de caractéristiques. « J’essaie de ne pas avoir de style », confie ce Londonien de 56 ans, pour qui la conception d’un produit (que ce soit une fourchette ou un arrêt de bus) n’est pas guidée par le souci esthétique, mais par la nécessité fonctionnelle. « La beauté n’est pas ma priorité. Pour moi, un bon objet doit avoir une juste valeur, être pérenne, efficace et créer une bonne atmosphère ». Une vision héritée de Le Corbusier, que Jasper Morrison a érigée en philosophie dans le manifeste Super Normal.

Platonique. Rien de tape à l’œil donc dans les pièces présentées au CID du GrandHornu. Ces chaises aux lignes simples ne poursuivent d’autre but que celui d’offrir le confort. Ce verre à vin n’a d’autre prétention que d’épouser le creux de notre main, pour s’y laisser oublier. évidents, discrets, ces objets paraissent exister depuis toujours. L’exposition présente une centaine de créations (meubles, vaisselle, électroménager) via un parcours chronologique agrémenté de photographies, de croquis, etc. On découvre ainsi une démarche outrepassant les limites du design – et des modes. Dans un monde hyper-matérialiste, Jasper Morrison renvoie Thingness, jusqu’au 13.09, Grandnos objets ou « modestes compagnons » à Hornu, Centre d’Innovation et de Design, mar>dim, 10h>18h, 8/5/2€, grat -6 ans, leur juste place, visant une forme d’univerwww.cid-grand-hornu.be salité. Et de sagesse.


108 théâtre exposition & danse

Agenda

Daniel Buren Les œuvres de Daniel Buren sont conçues pour dialoguer avec l’environnement qui les reçoit. Elles jouent sur les points de vue, les espaces, les couleurs, la lumière, le mouvement… Les Flèches, travail in situ et en mouvement : Musée d’Amiens 2015, nous fait ainsi découvrir un travail qui assume sa dimension décorative, et qui se caractérise notamment par l’utilisation de bandes d’une largeur immuable de très exactement 8,7cm. Daniel Buren, « Défini, Fini, Infini, travaux in situ », Unité d¹habitation, Cité Radieuse, MAMO Audi talents awards, Marseille, 2014. Détail. © DB-ADAGP, Paris / © Fondation Le Corbusier-ADAGP, Paris

Amiens, 20.06>31.10, Musée de Picardie, mar, ven & sam, 10h>12h, 14h>18h, mer, 10h>18h, jeu, 10h>12h, 14h>21h, dim, 14h>19h, 5,50/3,50€, www.amiens.fr/musees

Dries Van Noten / Inspirations Le créateur de mode anversois dévoile ses sources d’inspiration en réunissant des œuvres d’art issues de collections publiques et privées, mais aussi des photos, pièces de couture, de la musique... D’une vitrine à l’autre, chaque thématique est l’occasion d’une explosion de couleurs, d’un dialogue entre une étoffe et un extrait de film, d’un clin d’œil à une œuvre majeure de Rothko ou Picasso autant qu’à des références de la culture populaire. Anvers, jusqu’au 19.07, MoMu, mar>dim, 10h>18h, 8/6/3€/ gratuit -18 ans, www.momu.be

RECIF 2, une traversée à travers la découverte des paysages maritimes, de la Manche à l’Antarctique, Simon Faithfull bouleverse notre perception de l’espace et du temps. Au centre de cette rétrospective consacrée à cet artiste britannique, REEF plonge le spectateur au cœur du Brioney Victoria, un bateau de pêche de 32 tonnes qu’il a fait couler au large de l’Angleterre. Devenue récif artificiel, l’épave se transforme peu à peu. Un univers parallèle fascinant. Calais, jusqu’au 22.06, Musée des beaux-arts, mar>sam, 10h>12h, 14h>18h // dim, 14h>18h, 2/1,50€/ gratuit -5 ans, www.calais.fr

Balenciaga, magicien de la dentelle De toutes les rétrospectives consacrées au génie de Cristóbal Balenciaga (18951972), aucune ne s’était encore penchée sur sa passion pour la dentelle. Calais répare cet impair à l’occasion des 120 ans de la naissance du couturier espagnol. 75 ensembles, chapeaux, gants, souliers prennent place dans un parcours enrichi de photos ou pièces administratives. Et surtout les robes, étourdissantes, dont certaines inspirées des tableaux de saintes du peintre basque Francisco de Zurbarán. Calais, jusqu’au 31.08, Cité internationale de la dentelle et de la mode, ts ls jrs sf mar, 10h>18h, 4/3€, 7/5€ (+ collec. perm), www.cite-dentelle.fr



110 théâtre exposition & danse

Agenda

Stephan Vanfleteren Depuis 2010, le musée de la photographie de Charleroi propose – chaque année – à un artiste de livrer sa vision de la ville. C’est Stephan Vanfleteren qui conclut cette série de commandes. Le Flamand dresse un portrait en noir et blanc et sans complaisance de la cité Carolo. Ses clichés d’enfants ou pris la nuit sous les néons d’un café, traduisent les maux et toute la solidarité de l’ancienne cité industrielle. © Stephan Vanfleteren

Charleroi, 23.05>06.12, Musée de la Photographie, mar>dim, 10h>18h, 7/5/4€/ gratuit -12 ans, www.museephoto.be

La Salle des pendus

De Picasso à Jasper Johns

Considéré comme l’un des plus grands artistes contemporains français, Christian Boltanski se voit consacrer, dans le cadre de Mons 2015, sa première grande exposition muséale en Belgique. Le MAC’s accueille l’installation monumentale du plasticien dans un espace de plus de 5 000 m2. L’occasion de découvrir un travail explorant les thèmes du souvenir, de la mémoire et de la mort, notamment à travers une série d’œuvres réalisées avec des vêtements.

Graveur de talent, Aldo Crommelynck renonça pourtant à son œuvre pour se consacrer à celle des autres. Joan Miró, Le Corbusier, Alberto Giacometti, Georges Braque et surtout Picasso comptent parmi les artistes qui se bousculaient pour travailler dans son atelier parisien, puis new-yorkais. Le parcours de cette exposition s’organise autour de « Picasso graveur » et dévoile une centaine d’estampes rarement montrées.

Hornu, jusqu’au 16.08, MAC’s, mar>dim, 10h>18h, 8/5/2/1,25€/ gratuit -6 ans, www.mac-s.be

La Louvière, 06.06>06.09, Centre de la gravure et de l’image imprimée, mar>dim, 10h>18h, 7/5/2€/grat, www.centredelagravure.be

D’Or et d’Ivoire L’exposition estivale du Louvre-Lens nous propulse au xiiie siècle, entre Paris et l’actuelle Toscane. Durant cette courte mais intense période se déroulèrent là-bas des échanges artistiques qui ont favorisé l’éclosion d’un art nouveau, annonçant rien de moins que la Renaissance. Statuaire monumentale, peintures à fond d’or, émaux et ivoires… Plus de 125 œuvres issues d’une vingtaine de musées européens témoignent de cette spectaculaire mutation. Lens, jusqu’au 28.09, Louvre, tous les jours sauf mardi, 10h>18h, 9/8€, www.louvrelens.fr



112 théâtre exposition & danse

Agenda

Walter, 2011 © DAWN NG

Art Garden Un lapin géant, une statue monumentale de Superman en train de fondre... D’étranges créatures investissent la Gare Saint Sauveur en ce début de printemps. Elles sont l’oeuvre de la jeune scène artistique de Singapour. Présenté dans le cadre du festival « Singapour en France » à l’occasion du 50e anniversaire des relations diplomatiques entre ces deux pays, ce travail se distingue par sa dimension fantastique et ludique. Lille, jusqu’au 06.09, Gare Saint Sauveur, mer>dim, 12h>19h, gratuit, www.lille3000.eu

À la belle enseigne

Facing time – Rops / Fabre

Entre histoire et artisanat, cette exposition rassemble quelque 300 enseignes de « boutiques lilloises d’autrefois ». La scénographie conçue par les élèves de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lille restitue l’ambiance d’une rue pour mieux découvrir ces pièces datées des xviie-xixe siècles. Cet ensemble est associé à moult photographies de commerces et objets d’ateliers. Un voyage spatio-temporel insolite !

Facing Time organise la rencontre entre deux artistes sulfureux, séparés par près de 150 ans, et réunis par leur soif de vivre et leurs pulsions de mort : le Namurois Félicien Rops et l’Anversois Jan Fabre. Leurs créations sont accrochées face à face tandis qu’en parallèle, Jan Fabre voit ses installations monumentales et 250 œuvres personnelles se déployer aux quatre coins de la ville.

Lille, jusqu’au 19.07, Musée de l’Hospice Comtesse, lun, 14h>18h / mer>dim, 10h>18h, 5/4€, www.mhc.lille.fr

Namur, jusqu’au 30.08, Musée Félicien Rops, Maison de la Culture, La Citadelle et les rues de Namur, L’église Saint-Loup, Le Théâtre royal de Namur, 10/5€/ gratuit, www.ropsfabre.be

Nathalie Lété Pénétrer dans l’atelier de Nathalie Lété, c’est plonger dans un univers peuplé d’objets colorés et faussement naïfs, entre le conte pour enfants et le film fantastique. Un petit chaperon rouge effrayant, un rôti, un œil, des animaux songeurs... Qu’elles soient réalisées en céramique, tissu, papier, bois, carton, peinture ou dessin, ses œuvres laissent filtrer un sentiment de nostalgie. Et une indéniable poésie. Roubaix, jusqu’au 21.06, La Piscine, mar>jeu, 11h>18h / ven, 11h>20h / sam & dim, 13h>18h, 9/6€/ gratuit -18 ans, www.roubaix-lapiscine.com

Toutes les expositions de l’Eurorégion sur www.lm-magazine.com


Du 5 au 14 juin

Festival jeune public

Les Minuscules 7e édition

Du 6 juin au 5 juillet Exposition

Zut ! Mon dessin, mon doudou (par Sidonie Bencick, créatrice textile)

20 juin - 21h Ciné-concert

Où est la maison de mon ami (un film de Abbas Kiarostami ; musique d’Electric Electric et Pierre Lambla)

3 juillet - 20h30 Théâtre

Impro Fight (par Lille Impro)

268 rue Jules-Guesde 59650 Villeneuve d’Ascq Tél : 03 20 61 01 46 facebook.com/fermedenhaut.vda www.villeneuvedascq.fr/feh


114 le mot de la fin

Inkteraction

Alex Solis – Nul besoin d’appareillage numérique compliqué pour interagir avec des personnages de fiction. Un peu d’encre et du papier suffisent amplement, comme le démontre fort bien Alex Solis. Dans une série baptisée « Inkteraction », cet artiste établi à Chicago donne vie à ses dessins grâce à un astucieux placement de la main. cargocollective.com/oddworx/Inkteraction




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