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Le gamin au torse bombé
Le gouvernement Legault hausse le ton face aux manufacturiers automobiles. Il annonce un resserrement de mesures environnementales déjà en place. Celles-ci imposent aux fabricants d’atteindre des objectifs de ventes de véhicules à zéro émission (VZE) sous peine d’amendes. Le Québec est-il en position de forcer la main à des géants de l’industrie?
En février dernier, le gouvernement du Québec a annoncé qu’il renforçait la réglementation de la vente des véhicules à zéro émission (VZE). Il vise ainsi à faire accroître l’offre de VZE provenant des constructeurs automobiles. Ces derniers sont soumis à des pénalités si les objectifs minimaux de vente ne sont pas atteints. Le problème vient du fait que les normes en vigueur depuis 2018 ne sont pas assez contraignantes. Les manufacturiers s’y conformaient sans devoir augmenter l’offre, et cette annonce tente de rectifier la situation. Les nouvelles mesures sont donc plus robustes. Elles viennent également multiplier par quatre les pénalités prévues pour les fabricants. Le langage utilisé afin de souligner ces nouvelles règles ne manque pas
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: Philippe Fortin Crédit photo d’ambition. «Cette modification du règlement entraînera une croissance exponentielle des ventes de véhicules électriques au cours des prochaines années», peut-on lire dans un communiqué publié par le cabinet du ministre de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques, Benoît Charette. «Grâce à cette norme resserrée, les consommateurs québécois auront accès plus rapidement à un plus grand nombre et à un plus large éventail de véhicules électriques», explique même le ministre. Vraiment? La Quête s’est entretenue avec M. François Rondy, directeur des ventes chez Lessard Hyundai. Il ne croit pas que les mesures auront un impact sur les manufacturiers. «Même si le gouvernement canadien disait à Toyota Canada: “si vous n’avez pas plus de véhicules électriques, vous ne pouvez pas rentrer”, ils vont simplement aller les vendre ailleurs.» Pour mettre les choses en perspective, Statistique Canada nous informe que le marché canadien représente moins de 2% des ventes mondiales de véhicules neufs. Pour le Québec, c’est 0,6%. Ce sont les investissements de ces mêmes fabricants auxquels les politiciens sont sensibles. Les usines d’assemblage, la fabrication des pièces, et les emplois qui y sont reliés sont des facteurs économiques importants. Difficile de comprendre comment ces mesures seront influentes. Dans l’industrie mondiale de l’automobile, le Québec joue un rôle de soutien, tout au plus. «Pénaliser un manufacturier qui n’atteint pas la cible, ils ne le feront pas, ils n’ont pas les moyens», précise M. Rondy.
Selon la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, les véhicules électriques ne représentaient que 7% du marché québécois en 2020.
ET L’ENVIRONNEMENT?
Ce n’est plus un grand secret, un véhicule électrique pollue, en grande partie lors de sa construction. Les batteries sont au cœur des discussions. L’extraction des minéraux requis à leur fabrication, particulièrement le lithium et le cobalt, cause son lot de problèmes. Plusieurs questions restent également sans réponse en ce qui concerne le volume croissant de batteries usagées à recycler. C’est donc l’utilisation propre à long terme d’un VZE qui génère les bénéfices environnementaux recherchés. Selon l’étude Factcheck: How electric vehicles help to tackle climate change, sur le site de Carbon Brief, cet amortissement est calculé selon une utilisation de 12 ans pour un total de 150000 km. Lorsqu’interrogé sur le sujet, M. Rondy affirme que les questions sur l’environnement, «on n’entend jamais parler de ça». Tant de la part des clients que des collègues dans le milieu de la vente. Les gens qui font le choix d’aller vers un véhicule électrique le font, en général, pour des raisons économiques. Devant les géants de l’industrie, le gouvernement Legault se positionne et réaffirme ses exigences environnementales sous menace de peines sévères. Les impacts positifs de ses mesures font déjà partie du narratif politique publié par communiqué ministériel. À les écouter parler, on jurerait que la partie est gagnée d’avance. Comme un gamin qui se bombe le torse afin d’imposer sa volonté. Reste à voir si le pouvoir d’achat des Québécois va donner raison à nos élus et ainsi influencer le plan d’affaire des géants de l’automobile.