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Mourir à petit feu
L’annonce du gouvernement Legault concernant l’augmentation de la limite de nickel permise dans l’air a heurté un mur dans le quartier Limoilou. Polluant atmosphérique, le nickel fait craindre les résidents pour leur santé et ils s’opposent au projet de loi. La pollution atmosphérique ne se limite pas seulement au nickel, mais à un ensemble de polluants qui cause de graves problèmes de santé et des milliers de décès prématurés chaque année au Québec.
Audrey Smargiassi, professeure titulaire au Département de santé environnementale et santé au travail à l’École de Santé Publique, explique que les polluants atmosphériques se divisent en deux catégories. D’abord, il y a les particules. Certaines sont en suspension dans l’air et on les respire. D’autres sont plus lourdes et se déposent sur les objets formant donc de la poussière. La composition des particules varie, mais elles incluent notamment du carbone, des métaux en traces comme le nickel, etc. Ensuite, il y a les gaz. Selon le rapport Les impacts sur la santé de la pollution de l’air au Canada publié en 2021, trois polluants sont responsables de la majorité des risques sanitaires. Le dioxyde d’azote (NO2) qui peut causer plusieurs effets respiratoires néfastes tels qu’une diminution de la fonction pulmonaire, l’ozone troposphérique (l’ozone) qui est associé à des symptômes respiratoires comme des essoufflements. Enfin, les particules fines (PM2,5) qui sont liées notamment à une augmentation des hospitalisations pour des problèmes respiratoires. Ces trois polluants ont respectivement causé environ 330, 640 et 2800 décès prématurés en 2016 au Québec. Même si la pollution atmosphérique ne se limite pas à ces trois polluants, ce sont les seuls pour lesquels «des liens de causalité ont été bien établis», rappelle Mme Smargiassi. «Les jours où il y a le plus de pollution, les gens sensibles ont plus de chance d’avoir des problèmes de santé. Si tu restes toute ta vie près d’une source de pollution, tes risques de développer le cancer sont plus élevés», explique Mme Smargiassi. Parmi les populations les plus à risque, on trouve les personnes âgées, les enfants ainsi que toutes personnes ayant des problèmes respiratoires ou cardiaques. Mme Smargiassi ajoute que les personnes qui passent beaucoup de temps à l’extérieur, comme les personnes en situation d’itinérance, sont plus à risque. «La maison est une coquille qui te protège de la pollution de dehors». Crédit photo : Véronique Laflamme Depuis 1990, les émissions de ces trois polluants au Canada sont en baisse, selon le rapport Émissions de polluants atmosphériques, publié en 2021.
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DES INÉGALITÉS FRAPPANTES
Selon ce même rapport, plusieurs inégalités subsistent concernant l’exposition des populations à ces polluants qui varient à chaque kilomètre. Par exemple, le parc Victoria, situé à moins de 4 km du port de Québec, a des émissions de 0,97 tonne de PM2,5 contre 11,54 tonnes au port. Le NO2 est émis majoritairement par les transports et les équipements mobiles (51%) et les PM2,5 par les sources de poussières (58%). L’ozone n’est pas émis directement par des sources, mais par des réactions chimiques dans l’air. Le Québec est le 4e émetteur des émissions au pays avec 11% (179 kilotonnes) de NO2 et 8% (122 kilotonnes) de PM2,5. Même avec cette 4e position, la belle province recense le plus de décès prématurés à l’échelle nationale avec 48 décès par 100000 habitants. Ce nombre élevé pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs, avance Mme Smargiassi: «Peutêtre que c’est à cause de l’âge de la population. Peut-être que c’est une question de distribution de la localisation des lieux de résidence des populations de la province par rapport aux sources de pollution.» Mme Smargiassi reconnaît qu’un citoyen n’a pas beaucoup de pouvoir face à ce problème. Elle indique que la mobilisation, comme les manifestations, est un moyen de pression pour faire changer les réglementations en place. La plantation de végétaux serait bénéfique, mais trop longue à faire pour voir les impacts positifs, estime-telle. Finalement, elle martèle pour qu’on «arrête de construire de manière stupide» près de sources importantes de ces polluants telles qu’à côté d’une autoroute.